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LAMETA Working Paper 2004-11 Le rôle de l’éducation dans la baisse de la fécondité d’après-guerre 1 Cédric Doliger 2 Résumé : L’objectif ce papier est, dans un premier temps de fournir un test empirique de la relation de causalité entre la fécondité et l’éducation en France durant la période d’après guerre, puis dans un second de déterminer si le mécanisme sous-jacent à cette relation relève plus de la théorie de Becker ou d’Easterlin. Il ressort alors que les idées des deux écoles sont similaires et complémentaire, puisque les résultats montrent que la hausse du niveau d’éducation entraîne la baisse de la fécondité des couples, et que cette relation est initiée par une augmentation des opportunités et des possibilités d’investissement dans le capital humain suite à une évolution de la situation sur le marché du travail qui font que les femmes entrent dans la population active pour satisfaire leur niveau de vie désiré. Un effet concomitant à ceci va être un recul de la mortalité infantile, qui permet également que les investissements dans l’éducation augmente et donc que la fécondité diminue. Mots clefs: Education, Fécondité, Causalité à la Granger, modèle de la « valeur du temps », modèle du « revenu relatif ». Abstract : The subject of this paper is initially to provide an empirical test of the causal relation between fertility and education in France after WWII, then to determine if the underlying mechanism of this relation raises more on Becker’s or Easterlin’s theory. Thus, the two schools are similar and complementary since the results show that the rise of the educational level involves the fall of the couples’ fertility. Moreover, this relation is initiated by an increase in opportunities and possibilities of investment in the human capital following an evolution of the labour market which makes women enter the active population in order to satisfy their desired standard of living. A concomitant effect will be a retreat of infant mortality, which also allows an increase of investments in education and a decline in fertility. Keywords: Education, Fertility, Granger Causality, « price of time » model, « relative income » model. 1 Je remercie vivement Claude Diebolt pour son aide précieuse. Les éventuelles erreurs ou omissions sont bien sûr miennes. 2 LAMETA/CNRS, Université Montpellier I. Address: Faculté des Sciences Economiques, Espace Richter, Avenue de la Mer, C.S. 79606, 34960 Montpellier Cedex 2, France. Tel.: 33 (0)4.67.15.83.22, Fax.: 33 (0)4.67.15.84.67, E-mail: [email protected] . 1

Le rôle de l’éducation dans la baisse de la fécondité d’après-guerre · 2009-07-08 · LAMETA Working Paper 2004-11 Le rôle de l’éducation dans la baisse de la fécondité

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LAMETA Working Paper 2004-11

Le rôle de l’éducation dans la baisse de la fécondité d’après-guerre1

Cédric Doliger2

Résumé: L’objectif ce papier est, dans un premier temps de fournir un test empirique de la relation de causalité entre la fécondité et l’éducation en France durant la période d’après guerre, puis dans un second de déterminer si le mécanisme sous-jacent à cette relation relève plus de la théorie de Becker ou d’Easterlin. Il ressort alors que les idées des deux écoles sont similaires et complémentaire, puisque les résultats montrent que la hausse du niveau d’éducation entraîne la baisse de la fécondité des couples, et que cette relation est initiée par une augmentation des opportunités et des possibilités d’investissement dans le capital humain suite à une évolution de la situation sur le marché du travail qui font que les femmes entrent dans la population active pour satisfaire leur niveau de vie désiré. Un effet concomitant à ceci va être un recul de la mortalité infantile, qui permet également que les investissements dans l’éducation augmente et donc que la fécondité diminue.

Mots clefs: Education, Fécondité, Causalité à la Granger, modèle de la « valeur du temps », modèle du « revenu relatif ». Abstract: The subject of this paper is initially to provide an empirical test of the causal relation between fertility and education in France after WWII, then to determine if the underlying mechanism of this relation raises more on Becker’s or Easterlin’s theory. Thus, the two schools are similar and complementary since the results show that the rise of the educational level involves the fall of the couples’ fertility. Moreover, this relation is initiated by an increase in opportunities and possibilities of investment in the human capital following an evolution of the labour market which makes women enter the active population in order to satisfy their desired standard of living. A concomitant effect will be a retreat of infant mortality, which also allows an increase of investments in education and a decline in fertility. Keywords: Education, Fertility, Granger Causality, « price of time » model, « relative income » model.

1Je remercie vivement Claude Diebolt pour son aide précieuse. Les éventuelles erreurs ou omissions sont bien

sûr miennes. 2LAMETA/CNRS, Université Montpellier I. Address: Faculté des Sciences Economiques, Espace Richter,

Avenue de la Mer, C.S. 79606, 34960 Montpellier Cedex 2, France. Tel.: 33 (0)4.67.15.83.22, Fax.: 33

(0)4.67.15.84.67, E-mail: [email protected].

1

1 INTRODUCTION

Un des déterminants clefs de la croissance et de la structure de la population d’une

société, c’est son comportement de fécondité. En 1956, Kingsley Davis et Judith Blake

distinguent plusieurs types de variables influençant la fécondité telles que les aptitudes

biologiques, le régime des unions, les influences socioculturelles, … qu’ils ont appelées

variables intermédiaires et à travers lesquelles les facteurs culturels exercent leur influence.

D’autres influences ont également été proposées, dont les variables socioéconomiques des

individus, qui, à travers leur effet sur les variables intermédiaires, permet d’expliquer les

différents niveaux de fécondité. Cette catégorie regroupe en autre le niveau d’instruction,

l’activité professionnelle, le revenu…

Le principal objectif de cet article est alors de fournir un test empirique de la relation

entre le niveau d’éducation et la fécondité afin de déterminer si l’élévation du niveau

d’éducation peut « causer » une diminution significative de la fécondité en France depuis

1950, et ensuite d’analyser, parmi les autres principaux déterminants socioéconomiques, celui

sous-jacent à cette relation.

2 FONDEMENTS THEORIQUES ET EMPIRIQUES

2.1 Fondements théoriques

Les économistes ont développé deux modèles pour expliquer comment la fécondité

réagit aux facteurs économiques. Les deux sont basés sur une hypothèse commune d’une

relation entre revenu et fécondité et les deux tentent d’expliquer le Baby Boom et le Baby

Bust de l’après guerre, mais ils diffèrent fondamentalement sur l’identification des forces

derrières ces mouvements: la « valeur du temps » pour Becker et le « revenu relatif » pour

Easterlin.

Le modèle de Becker, plus connue sous le nom de la Nouvelle Economie de la Famille

de l’Ecole de Chicago, est fondé sur la théorie du choix du consommateur. Cette approche

2

micro-économique englobe les variables habituelles de revenu et de dépenses, mais également

la qualité des enfants et les contraintes en termes de temps et de coût d’opportunité vis-à-vis

des naissances, les opportunités incluant notamment les possibilités d’être mieux alimentées,

mieux éduquées, de faire des choses avec le temps maternel, d’acheter plus de choses. Etant

attendu que l’éducation est fortement associée aux revenus, et que les enfants sont considérés

comme une activité intensive en temps (particulièrement pour les femmes), la valeur du temps

féminin augmente avec le niveau d’éducation, et induit un effet négatif sur la fécondité. Le

modèle fait ainsi le lien entre les décisions prises en matière de fécondité et celles qui

touchent aux autres activités du ménage, comme la participation à la force de travail et la

consommation. Ensuite, Becker complète le modèle de la valeur du temps avec un argument

de « quantité–qualité »: les parents potentiels peuvent échanger la quantité contre la qualité.

Les parents ont une demande de qualité en plus de quantité d’enfants, et lorsque le revenu

augmente, la demande de qualité augmente plus rapidement que la demande de la quantité. En

fait, pour Becker, c’est la notion de la qualité des enfants qui va être l’un des facteurs clefs de

la relation inverse entre le revenu et le nombre d’enfants. Cette approche a été très

controversée et une grande partie des critiques porte sur son caractère jugé trop statique,

puisque celle-ci ne tient pas compte des changements de préférences au cours de la vie.

Nombre d’économistes ont alors proposé une perspective plus dynamique en

admettant la possibilité de changements des préférences. Un second courant s’organise donc

autour du modèle d’Easterlin, et complète ainsi le modèle de la nouvelle économie de la

famille strictement orienté vers la demande. A la différence du modèle de Becker, le modèle

d’Easterlin incorpore des préférences variables, puisqu’il y a une adaptation des préférences

en terme de fécondité vis-à-vis de la réalisation d’un style de vie désiré qui est conçu au cours

de l’adolescence dans le foyer familial. En fait, cette théorie est construite autour de deux

grandes parties complémentaires:

– l’effet sur les taux de natalité du nombre relatif des jeunes adultes,

– l’effet sur les taux de natalité des salaires et du chômage.

D’une part, quand il y a peu de jeunes travailleurs, il y a une amélioration de leur niveau de

vie, ce qui a pour conséquence une augmentation du mariage et de la maternité. Ceci est alors

suivi 20 ans plus tard d’une abondance croissante de jeunes travailleurs et par conséquent

d’une baisse du mariage et de la fécondité. Cette relation peut être expliquée par des simples

arguments d’offre et de demande: quand l’offre des jeunes travailleurs est élevée, il y a une

3

concurrence serrée entre eux pour un nombre limité d’emplois nécessitant des jeunes

travailleurs, alors que durant les périodes de faibles offres, les travailleurs peuvent choisir

entre les emplois, accepter seulement ceux offrant des salaires élevés et des opportunités

d’avancement. D’autre part, il utilise la théorie du « revenu relatif » (c'est-à-dire l’effet sur les

taux de natalité des salaires et du chômage) pour expliquer ceci. Il soutient que les

déterminants du mariage et du taux de fécondité sont les possibilités de gains pour le couple,

leurs aspirations matérielles et leurs socialisations (religion, éducation et environnement). Le

revenu relatif du couple, qui est le rapport de leur possibilité de gains sur leurs aspirations

matérielles, est estimé par le rapport du revenu actuel de l’homme (les espérances de gains)

sur les revenus passés de ses parents (les aspirations matérielles). Easterlin avance alors que

lorsque le revenu relatif augmente, il y a moins de pression économique sur le couple, et ainsi

ils sont plus libres de se marier et d’avoir des enfants. Il pose également que le revenu relatif

est aussi une mesure du chômage relatif. En effet, les mouvements de fécondité peuvent être

reliés à un indicateur d’emploi relatif qui est le rapport du chômage actuel moyen, qui reflète

l’expérience sur le marché du travail des jeunes couples, sur le chômage moyen d’une plus

longue période, qui reflète quand à lui l’expérience des parents sur le marché du travail et qui

traduit les aspirations, les attentes des jeunes couples. C’est alors ce rapport, cette

comparaison relative des situations qui fait que les couples décident d’avoir plus ou moins

d’enfants: une situation plus favorable indiquant un nombre d’enfant plus important. En

résumé, le désir d’enfant est formé suite à des effets de revenus qui sont causés par l’entrée de

cohortes de tailles différentes sur le marché du travail, une cohorte à faible effectif permettant

une meilleure insertion sur le marché du travail, un meilleur niveau de vie, et donc une plus

grande fécondité. Il en résulte vingt plus tard une cohorte plus nombreuse, une insertion plus

difficile et donc une fécondité moindre.

Cependant, l’éducation peut également influencer la demande d’enfant à travers une

modification des préférences et de l’offre d’enfant à travers une amélioration de la santé et de

l’alimentation. Certains démographes avancent ainsi que la diminution de la mortalité, dont la

mortalité infantile, est le principal déterminant de la chute de la fécondité puisqu’à des

niveaux importants de mortalité, même si la fécondité est élevée, l’offre d’enfant survivant est

souvent en dessous de sa demande. Mais une fois que la survie s’améliore, l’offre d’enfants

dépasse la demande à moins qu’il n’y ait une réduction de la fécondité. Dans ce cas, la

relation négative entre l’éducation et la mortalité peut aider à comprendre certains des effets

de l’éducation sur la fécondité, les investissements dans l’éducation des enfants pouvant

4

augmenter. Ceci d’autant plus que lorsque la mortalité infantile diminue les investissements

dan l’éducation des enfants peut augmenter.

2.2 Résultats empiriques

Une relation empirique forte a pu être établie en ce qui concerne le lien négatif entre le

niveau d’éducation et le nombre de naissances. Cependant, au niveau microéconomique,

celle-ci n’est pas aussi évidente.

Bien que les différentes études empiriques montrent certaines contradictions dans les

résultats, et ceci notamment à cause des différences dans les modèles retenus, dans les

méthodes d’estimation ou dans le choix des données, la méthodologie de ces analyses est

sujette à certaines limites.

– Ces travaux sont confinés à une inspection visuelle et/ou à une analyse

transversale. Les conclusions sont alors principalement sur la base de

corrélation, mais les corrélations entre les variables ne signifient pas

nécessairement une relation de causalité. Or la mise en évidence de relations

causales permet une meilleure appréhension et compréhension des

phénomènes éducatifs, démographiques et économiques, et amène des

informations supplémentaires quand à l’antériorité des événements entre eux,

et par la même permet la mise en place d’une politique éducative,

démographique ou économique optimisée.

– Ces travaux reconnaissent théoriquement la dynamique de l’offre et la

demande dans la détermination du taux de fécondité mais ne tentent pas de

saisir cette dynamique entre la fécondité et ses déterminants.

D’autre part, la plupart des études de régression (Michael, 1973, Easterlin, 1989,

Becker, 1991, Sander, 1992) trouvent que le niveau d’éducation réduit la fécondité, mais bien

que ces études fassent des contributions significatives, leur faiblesse est qu’elles tentent

d’égaliser la corrélation avec la causalité. De plus, l’effet des variables socioéconomiques est

rarement instantané. Un retard est souvent constaté à cause du fait que les couples ne peuvent

pas immédiatement ajuster leur niveau de fécondité dès qu’il y a un changement de leur

situation financière. Ceci s’explique notamment par le temps nécessaire pour prendre la

5

décision qu’ils sont financièrement prêts à avoir un enfant, pour concevoir l’enfant et pour la

durée de la grossesse. Par ailleurs, il n’est pas inhabituel en socioéconomie pour une variable

d’être affectée par son propre comportement passé. Ainsi la détermination de la fécondité doit

être vue non seulement d’une manière dynamique, mais aussi comme un processus

autorégressif.

Enfin, du point de vue empirique, selon Schultz (1985/1986) il est important de

modéliser correctement les relations entre l’éducation, la participation au marché du travail,

les salaires individuels et les décisions de fécondité. En effet, dans la théorie du capital

humain et dans la théorie économique de la famille, les salaires et certains éléments du coût

de l’enfant reflètent les décisions de participation sur le marché du travail et d’investissement

en capital humain, or ces décisions peuvent être liées à certains choix antérieurs du point de

vue de la fécondité. Par conséquent, lorsque les salaires dépendent des décisions passées des

couples, des biais d’équations simultanées peuvent fausser les relations observées.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire d’examiner l’effet de l’éducation sur la

fécondité en appliquant la technique de la modélisation VAR de l’analyse des séries

temporelles, et pour cela, dans un premier temps nous tenterons, en prolongement de travaux

précédents (Doliger, à paraître ; Diebolt et Doliger, 2004), de relier l’éducation à la fécondité

dans un cadre temporel de causalité à la Granger. Puis dans un second, de déterminer le ou les

mécanismes à travers lesquels cette relation opère, en intégrant, dans ce même cadre, les

différentes variables socioéconomiques proposées par Becker et Easterlin à propos de la

baisse de la fécondité, ainsi que le taux de mortalité infantile.

3 DONNEES

Dans le cadre de cet article et pour la mise en évidence, à la fois de la structure

éducative dans la dynamique démographique et du mécanisme socioéconomique sous jacent,

nous nous proposons de retenir trois types de variables: les variables éducatives,

démographiques et socioéconomiques. Ces différentes catégories de variables seront

analysées dans le cas de la France sur la période 1950-1995 pour plusieurs raisons. La

première est que cette période permet d’éviter les problèmes de rupture dans les séries

6

(notamment à cause des guerres) et ainsi d’avoir des résultats plus robustes du point de vue de

l’analyse, notamment vis-à-vis des tests de stationnarisation. La seconde est quelle permet de

déterminer le mécanisme contemporain responsable de la dynamique entre la sphère éducative

et démographique.

En ce qui concerne les variables éducatives, nous nous proposons de retenir les

effectifs de l’enseignement secondaire (SEC) et supérieur (SUP) comme indicateurs

pertinents de la situation en terme de niveau d’éducation et de scolarisation. Il convient de

préciser qu’aucune distinction n’est faites entre les effectifs scolarisés hommes et femmes

puisque sur la période retenue la fécondité peut être considérée comme une décision

commune au ménage, et non pas sous l’égide d’une de ces catégories comme cela pouvait être

le cas au début du siècle. De plus, nous n’intégrons pas les effectifs du primaire puisque avec

les lois Ferry (1879 à 1892) l’école devient obligatoire de 6 à 13 ans, et donc intégrer cette

catégorie dans l’analyse ne serai pas pertinent3 sur la période considérée.

Du point de vue des variables démographiques nous retenons l’indice synthétique de

fécondité4 (ISF) pour traduire le comportement de fécondité, celui-ci étant l’indicateur utilisé

dans la plupart des analyses sur la fécondité. Nous tenons compte également de l’influence de

la mortalité avec le taux de mortalité infantile (TMI).

Enfin, vis-à-vis des variables socioéconomiques, nous retenons le salaire moyen

(SAL) et le chômage (CHO) comme indicateurs de la situation perçu par les individus sur le

marché du travail et donc de l’évolution des aspirations matérielles. Le PIB par tête (PIBT)

pour la richesse disponible par individu et donc les possibilités d’investissement dans le

capital humain Et la participation des femmes à la population active (PAF) pour évaluer le

comportement des femmes vis-à-vis du marché du travail.

Toutes ces données sont extraites des annuaires statistiques de la France de l’Institut

National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE), à l’exception du PIB par tête

3Cette catégorie est cependant pertinente dans d’autres cas, notamment pour les périodes ou les pays où l’école

n’est pas obligatoire, et surtout dans le cas des pays en voie de développement. 4C’est la somme des taux de fécondité par âge d’une année t, en d’autre terme c’est le nombre moyen d’enfants

qui serait nés vivants d’une femme pendant sa vie si elle vivait ses années de procréation en se conformant aux

taux de fécondité par âge d’une année donnée.

7

qui est extrait de la base de données de Angus Maddison (1995) dans “Monitoring the World

Economy”, 1820-1992.

FIGURE 1: SERIES RETENUES

1.6

1.8

2.0

2.2

2.4

2.6

2.8

3.0

50 55 60 65 70 75 80 85 90

ISF

6.8

7.2

7.6

8.0

8.4

8.8

50 55 60 65 70 75 80 85 90

SEC

4.5

5.0

5.5

6.0

6.5

7.0

7.5

8.0

50 55 60 65 70 75 80 85 90

SUP

10.0

10.2

10.4

10.6

10.8

11.0

11.2

11.4

11.6

50 55 60 65 70 75 80 85 90

SAL

5.0

5.5

6.0

6.5

7.0

7.5

8.0

8.5

50 55 60 65 70 75 80 85 90

CHO

8.8

8.9

9.0

9.1

9.2

9.3

9.4

50 55 60 65 70 75 80 85 90

PAF

8.4

8.6

8.8

9.0

9.2

9.4

9.6

9.8

10.0

50 55 60 65 70 75 80 85 90

PIBT

0

10

20

30

40

50

60

50 55 60 65 70 75 80 85 90

TMI

4 METHODOLOGIE

4.1 Tests de racine unitaire et ordre d’intégration

Il est essentiel d’analyser les propriétés de stationnarité des séries retenues avant de

mener une analyse en terme de causalité. Nous nous proposons alors d’utiliser les test de

racine unitaire standards (Dickey Fuller, 1981, Phillips Perron, 1988) et les tests de racine

unitaire efficients (Elliott Rothenberg et Stock, 1996, Ng Perron, 2001) pour déterminer

l’ordre d’intégration des variables et stationnariser les séries. Pour le lecteur intéressé confère

Darne et Diebolt (2004).

8

4.2 Analyse de la cointégration et causalité à la Granger

L’analyse de la cointégration présentée par Engle et Granger (1987) permet

d’identifier la véritable relation entre deux variables en recherchant l’existence éventuelle

d’un vecteur d’intégration et en éliminant son effet. Deux séries Xt et Yt sont dites

cointégrées, c'est-à-dire (Xt,Yt) → CI(d,b) si:

– Elles sont affectées du même ordre d’intégration, « d ».

– Une combinaison linéaire de ces séries permet de se ramener à une série

d’ordre d’intégration inférieur, c'est-à-dire: Xt → I(d) et Yt → I(d), telles que

(aXt + bYt) → I(d-b) avec d ≥ b ≥ 0.

Le test retenu pour analyser les éventuelles relations de cointégration entre les variables est le

test de Johansen (1988). Si cette étape met en évidence de telles relations, l’étude se fera sur

un modèle VECM5, dans le cas contraire, nous poursuivons l’analyse à l’aide d’un modèle

VAR6.

La méthode du test de causalité à la Granger est choisi parmi l’ensemble des méthodes

possibles, à la lumière des résultats favorables présentées par Guilkey et Salemi (1982) et

Geweke, Meese et Dent (1983) pour les petits échantillons (moins de 200 observations).

Ainsi, selon Granger (1969): la variable y1t cause la variable y2t, si la prévision de cette

dernière est améliorée en incorporant à l’analyse des informations relatives à y1t et à son

passé. Le test peut alors être conduit à l’aide d’un test de Fisher classique de nullité des

coefficients sur le modèle estimé (VAR ou VECM), équation par équation. Au niveau du

traitement statistique on acceptera une relation causale dans le cas où la probabilité calculée

est inférieure au risque de première espèce (10%).

4.3 Détermination du signe de la causalité

S’il existe une relation de causalité, il est possible de déterminer le signe général de

cette causalité. Soit alors l’équation de régression sur laquelle est fondée le test de causalité:

5Vector Error Correction Model. 6Vector Auto Regressive.

9

tknt

L

kk

L

kktkt yyy εβα ++= −−

==− ∑∑ 1

1122

Si cette relation de causalité existe entre y1t et y2t, le signe de celle-ci est déterminée par:

( )k

k

αααβββη+++−

+++=

...1...

21

21

4.4 Fonctions de réponses impulsionnelles et décomposition de la variance

Cependant la causalité dans les modèles VAR, ou VECM ne fournit pas d’indication

quant aux propriétés dynamiques du système et ne permet pas de juger de la force relative de

la chaîne de causalité ou de mesurer de façon quantitative les interactions dynamiques entre

les différentes variables. La décomposition de la variance et les fonctions de réponses

impulsionnelles vont alors fournir certaines de ces indications:

– L’analyse des fonctions de réponses impulsionnelles permet de mesurer

l’impact d’un choc sur les variables et de tracer l’effet d’un choc d’une

innovation, sur les valeurs courantes et futures des variables.

– La décomposition de la variance de l’erreur de prévision de chaque variable

par rapport à un choc décompose la variance d’une variable en des

composantes chocs des variables du système, et donne par là même une

information sur l’importance relative de chaque variable du modèle.

5 RESULTATS

5.1 Relation fécondité– éducation

10

Nous nous intéressons dans un premier temps à la relation entre l’éducation et la

fécondité, et nous considérons pour cela l’indice synthétique de fécondité noté ISF et les

effectifs de l’enseignement secondaire et supérieure, noté respectivement SEC et SUP.

Le processus de stationnarisation des variables à l’aide des tests de racine unitaire

(standards et efficients) indique que l’indice synthétique de fécondité est un processus DS,

tandis que les effectifs de l’enseignement supérieur et secondaire sont des processus TS. Une

condition nécessaire de la cointégration étant que les variables soient intégrées du même

ordre, le risque d’existence d’une relation de cointégration entre les séries est écarté, et

l’analyse de la causalité peut être effectuée sur la modélisation d’un modèle VAR optimal7.

L’application du test de causalité révèle alors le circuit de causalité suivant8:

FIGURE 2: CIRCUIT DE CAUSALITE

Ce circuit no

influence directemen

est négative (η < 0)

influence négative es

Le circuit de

variables, mais ne fo

quantitative des inter

peut alors fournir une

7Qui minimise les critères8Des résultats similaires

synthétique de fécondité.

EDUCATION FECONDITE

us indique d’une part, que l’enseignement secondaire et supérieur

t la fécondité des couples, et d’autre part que cette relation de causalité

, c’est à dire que l’éducation influence négativement la fécondité. Cette

t d’autant plus significative que le niveau d’éducation est élevé.

causalité donne une indication de la direction de la causalité entre les

urnit pas d’indication sur la force relative de la causalité ou de mesure

actions dynamiques entre les variables. La décomposition de la variance

première indication.

TABLE 1: DECOMPOSITION DE LA VARIANCE

d’entropie, c'est-à-dire les critères AIC et SBC.

sont obtenus en considérant le taux de reproduction brut ou net au lieu de l’indice

11

Variance Decomposition of DISF: Period DISF SSUP SSEC

3 95.53489 4.331642 0.13347015 83.49241 9.036171 7.471424

On constate qu’une proportion limitée de la variance du taux de fécondité (4%) est expliquée

par le choc sur l’enseignement supérieur dans le court terme (3 ans), tandis que dans le long

terme (15 ans) le choc dans l’enseignement supérieur explique 9% des innovations du taux de

fécondité. En ce qui concerne l’enseignement secondaire des résultats significatifs mais

moindre sont également obtenues. Ainsi, l’éducation a des interactions dynamiques dans le

long et le court terme avec le taux de fécondité, et cette interaction est d’autant plus

significative que le niveau d’éducation est élevé.

Enfin, les fonctions de réponses impulsionnelles vont fournir une autre indication sur

les forces relatives qui peuvent exister entre l’éducation et la fécondité:

FIGURE 3: FONCTIONS DE REPONSES IMPULSIONNELLES

-.01

.00

.01

.02

.03

.04

.05

.06

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Response of DISF to SSUP

-.01

.00

.01

.02

.03

.04

.05

.06

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Response of DISF to SSEC

Celles-ci confirment les résultats précédents, puisqu’un choc sur l’enseignement secondaire

ou supérieur a un impact significatif et négatif sur la fécondité.

En ce qui concerne le fait que la hausse du niveau d’éducation puisse entraîner la

baisse du comportement de fécondité des ménages, différentes propositions peuvent expliquer

ceci:

– Tout d’abord, l’éducation retarde l’âge au mariage, et donc l’âge auquel les

couples conçoivent leur premier enfant.

– Elle facilite l’acquisition et l’utilisation d’information en ce qui concerne les

outils contraceptifs modernes et le planning familial, et donc permet aux

couples de mieux contrôler leur fécondité.

12

– L’éducation (particulièrement féminine) agit également de façon positive sur la

participation des femmes à la force de travail, et affecte ainsi négativement la

taille désirée de la famille (Holsinger et Kasarda, 1976, Easterlin, 1989,

Cochrane et al., 1990).

– La hausse des effectifs dans l’enseignement peut induire aussi un effet

d’encombrement dans l’éducation, c’est à dire une cohorte de taille importante

qui implique une insertion plus difficile sur le marché du travail, un niveau de

vie moindre, et donc une fécondité moindre (Easterlin, 1968).

– Une augmentation du niveau d’éducation peut traduire une pression sur la

fécondité à travers une augmentation des salaires qui, à la fois élève la valeur

du temps et donc le coût d’opportunité du temps consacré aux enfants (Becker,

1965), et peut avoir un effet de substitution « qualité quantité » (Becker, 1976).

– La mortalité infantile peut également conduire à réduire la fécondité,

l’investissement en capital humain dans chaque enfant pouvant augmenter

lorsque celle-ci diminue.

La dominance de l’effet de l’enseignement supérieur sur le comportement de fécondité

des ménages, par rapport à l’enseignement secondaire, aussi bien dans le circuit de causalité,

que dans la décomposition de la variance, peut être expliqué principalement par le coût

d’opportunité, c’est à dire la valeur du temps consacré aux enfants, qui sera d’autant plus

importante dans le cas où le ménage aura suivi des études supérieures (son revenu étant plus

élevé) et tend donc à privilégier la théorie de Becker.

Il convient alors d’intégrer les différents mécanismes vus précédemment qui peuvent

expliquer le rôle de l’éducation dans la baisse de la fécondité en France depuis les années 50,

afin de voir si ce résultat se confirme, et dans le cas contraire quel est le mécanisme à

l’origine de cette relation. Nous établissons donc un nouveau cadre d’analyse qui intégre à la

fois les aspects de Becker et d’Easterlin.

5.2 Mécanisme(s) sous-jacent(s) à la relation

Pour cette seconde analyse nous conservons les mêmes variables que précédemment, à

savoir l’indice de synthétique de fécondité et les effectifs de l’enseignement secondaire et

13

supérieur, auxquelles nous ajoutons différentes variables correspondant aux différents

mécanismes sous-jacents possibles.

La première variable à considérer au niveau du ménage, aussi bien du point de vue de

Becker que d’Easterlin, c’est la participation des femmes à la force de travail (noté PAF). En

effet, le modèle de la « valeur du temps » suppose que puisque l’attention portée aux enfants

est traditionnellement sous la responsabilité des femmes, le revenus des hommes ont

exclusivement un effet revenu sur la fécondité tandis que le revenu des femmes a un effet

prix, et donc que la relation négative entre éducation et fécondité passe par la participation des

femmes à la population active. D’autre part, bien qu’Easterlin suppose que le rôle des femmes

est passif, Macunovich (1996) reconnaît le rôle actif des femmes face au changement des

gains relatifs des hommes. Elle soutient notamment que les femmes ont des aspirations

matérielles, mais que dans le passé, pour se conformer au point de vue de la société, elles

considérées exclusivement les possibilités de gains des hommes. Mais durant la période

d’après guerre, les femmes voyant que la probabilité d’atteindre leur propre niveau de vie

désiré par rapport seulement aux possibilités de gains des hommes avait peu de chance

d’augmenter elles anticipèrent qu’elles avaient besoin d’entrer dans la force de travail et donc

commencèrent à obtenir des niveaux d’éducation plus élevées.

Ensuite, il est important de considérer le salaire (noté SAL) et le chômage (noté CHO)

pour tenir compte de la situation perçu par les individus sur le marché du travail comme le

propose la théorie d’Easterlin, et le PIB par tête (noté PIBt), qui représente la richesse

individuelle et les possibilités d’investissements en capital humain, pour tenir compte des

opportunités et des possibilités de substitution « qualité–quantité » du modèle de Becker.

Enfin, on considère le taux de mortalité infantile (noté TMI), puisque comme nous

l’avons vu précédemment, ce facteur peut être également considéré comme un mécanisme par

lequel l’éducation peut expliquer la baisse de la fécondité, notamment à travers la relation

négative entre l’éducation et la mortalité, l’augmentation de l’investissement dans le capital

humain pouvant être plus important lorsque la mortalité est moindre.

Les différents tests de stationnarisation nous indiquent que parmi les variables

retenues seul le taux de mortalité infantile (TMI) et la participation des femmes à la

population active (PAF) sont des processus TS. Il existe donc un risque de cointégration entre

14

les séries ISF, SAL, CHO, et PIBT qu’il convient d’analyser avec la statistique de Johansen

(1988):

TABLE 2: TEST DE COINTEGRATION DE JOHANSEN Hypothesized 5 Percent 1 PercentNo. of CE(s) Eigenvalue Statistic Critical Value Critical Value

None 0.428922 24.08989 27.07 32.24At most 1 0.377806 20.40362 20.97 25.52At most 2 0.226279 11.03141 14.07 18.63

At most 3 * 0.097060 4.390273 3.76 6.65Test indicates no cointegration at both 5% and 1% levels

Celle-ci nous indique que l’hypothèse nulle peut être acceptée au seuil de 1% et 5%, et donc

qu’il n’y a pas de relation de cointégration entre les séries intégrées d’ordre 1.

Ce nouveau cadre d’analyse permet d’obtenir le circuit de causalité suivant9:

FIGURE 4: CIRCUIT DE CAUSALITE

MORTALITE INFANTILE FECONDITE – –

PARTICIPATION + +

DES FEMMES EDUCATION A LA FORCE DE TRAVAIL

SALAIRES + PIBT

CHOMAGE

Nous constatons tout d’abord que le niveau d’éducation est influencé directement et

positivement par le taux de croissance des salaires, et indirectement, via les salaires par le

taux de croissance du chômage. Ainsi, la fécondité est influencée indirectement et

négativement, via l’éducation, par la situation perçue par les individus sur le marché du

9Afin de faciliter la lecture du circuit de causalité, seul les signes de causalité concernant la fécondité et

l’éducation sont reportés.

15

travail, et donc par leur situation par rapport à leurs aspirations matérielles, ce qui confirme la

théorie d’Easterlin.

D’autre part, il y a un effet de feedback entre l’éducation et la participation des

femmes à la force de travail. C’est à dire que d’un côté l’éducation permet aux femmes

d’accéder plus facilement au marché du travail, et que de l’autre le désir d’accès au marché du

travail passe par l’éducation. Cette relation entre éducation et participation des femmes à la

population active se fait également via la fécondité, c’est à dire que le recul de la fécondité va

permettre aussi en retour aux femmes d’accéder au marché du travail. En fait, les faibles taux

de natalité sont le résultat de l’augmentation des femmes participant à la force de travail, mais

puisque la fécondité diminue les femmes sont également plus libres d’entrer dans la force de

travail.

Un autre élément important qui ressort de ce circuit de causalité, c'est l’impact notable

du PIB par tête à la fois sur l’éducation et sur la participation des femmes à la force de travail.

Cet effet indique que l’amélioration de la richesse individuelle, c'est-à-dire des opportunités et

des possibilités d’investissement dans le capital humain, conduit à une modification du niveau

d’éducation et de la participation des femmes à la force de travail. Ceci conduit là encore, via

l’éducation, à un effet indirect négatif sur la fécondité qui conforte les propositions du modèle

de Becker. Il est cependant intéressant de constater que le PIB par tête et donc les propositions

de Becker sont influencées directement par la situation perçue par les individus sur le marché

du travail (SAL et CHO).

Enfin l’intervention de la mortalité infantile10 en tant que mécanisme expliquant

l’interaction entre fécondité et éducation montre que le recul de la mortalité infantile conduit

à une augmentation de l’investissement dans le capital humain et donc de l’éducation, ce qui a

pour conséquence, là aussi, un recul de la fécondité. Ce recul de la mortalité étant dû à

l’amélioration des conditions de vie et de santé, elle est dû à l’amélioration de la situation

économique des ménages et est donc un effet concomitant à la participation des femmes à la

force de travail et à l’éducation. D’où les influences causales directe de SAL et de PIBT, et

indirecte de PAF et de l’éducation via PIBT sur TMI.

10Des résultats similaires sont obtenus avec le taux de mortalité.

16

Il convient alors d’analyser parmi l’ensemble de ces mécanismes, c'est-à-dire entre la

situation sur le marché du travail (c'est-à-dire l’évolution des aspirations matérielles), les

possibilités d’investissement dans le capital humain (c’est à dire l’effet de substitution

« qualité–quantité »), et le recul de la mortalité infantile, celui qui ressort le plus pour la

France sur la période considérée, et ceci notamment à l’aide de la décomposition de la

variance de l’éducation, l’éducation étant la variable par l’intermédiaire de laquelle les

différents mécanismes opèrent.

TABLE 3: DECOMPOSITION DE LA VARIANCE Variance Decomposition of SSEC: Period DISF SSEC SSUP DSAL DCHO DPIBT SPAF STMI

3 1.405522 68.86204 0.222682 7.940626 5.562932 9.657714 2.701676 3.64681015 1.135080 29.28568 0.126060 7.900863 14.25481 22.60068 15.43932 9.257510

Variance Decomposition of SSUP: Period DISF SSEC SSUP DSAL DCHO DPIBT SPAF STMI

3 1.137413 13.42495 78.08066 0.087862 0.036195 1.083426 0.519657 5.62983315 0.862800 14.04390 27.24702 0.755220 1.393280 15.30608 36.04878 4.342921

Variance Decomposition of DPIBT: Period DISF SSEC SSUP DSAL DCHO DPIBT SPAF STMI

3 1.712787 9.877584 0.148332 22.00791 23.01419 41.64965 1.027680 0.56186415 1.965286 11.63221 0.308548 19.80136 22.25580 39.10844 3.090508 1.837855

Variance Decomposition of STMI: Period DISF SSEC SSUP DSAL DCHO DPIBT SPAF STMI

3 0.152589 24.06135 2.811974 9.507111 6.285024 13.82203 10.24954 33.1103815 0.419142 20.34819 1.156771 8.900926 15.26954 20.78130 11.49543 21.62870

Il ressort que la variance de l’éducation est expliquée (respectivement pour le

secondaire et le supérieur) pour 9% et 1% dans le court terme, contre 22% et 15% dans le

long terme, par l’évolution des possibilités d’investissement en capital humain (PIBT), pour

environ 8% et 0,1% dans le court terme contre 8% et 1% dans le long terme par la situation

sur le marché du travail (SAL), et enfin pour 3,5% et 5,5% dans le court terme contre 9 % et

4% dans le long terme par le taux de mortalité infantile. Ainsi, il semble que le principal

mécanisme affectant l’éducation soit celui de Becker. Cependant nous constatons que du point

de vue du PIB par tête, que plus de 40% de sa variance est expliquée dans le long et court

terme par l’évolution des salaires et du chômage c'est-à-dire par la situation sur le marché du

travail. En d’autre terme les opportunités qui conduisent les individus à s’instruire davantage

est expliquée pour l’essentiel par la situation sur le marché du travail, et est donc conditionnée

17

en partie par l’évolution des aspirations matérielles. Enfin, en ce qui concerne le taux de

mortalité infantile, son influence sur la fécondité est indirecte, puisqu’elle est en fait le

résultat de l’évolution des mécanismes mis en cause précédemment, à savoir l’évolution du

niveau d’éducation, principalement secondaire (24% de la variance de TMI dans le court

terme, contre 20% dans le long terme, est expliqué par SEC), et l’évolution des salaires (9,5%

contre 8,9%), des améliorations économiques (13% contre 20% pour PIBT) et de la

participation des femmes à la force de travail (10% contre 11%).

En résumé, il semble donc que le mécanisme initiateur de la baisse de la fécondité soit

une évolution des opportunités suite à l’évolution de la situation sur le marché du travail, qui

font que les femmes entre sur le marché du travail pour satisfaire leur niveau de vie souhaité,

et que le niveau d’éducation augmente. Et un effet concomitant à ceci va être un recul de la

mortalité infantile qui permet également une hausse du niveau d’éducation, et donc un recul

de la fécondité.

Ainsi, bien que l’Ecole d’Easterlin se concentre sur « l’attitude à travers le confort

matériel de l’existence moderne » et que celle de Becker se concentre sur « la cherté

croissante des enfants et des adolescents », il n’y a pas de raison pour que les deux notions ne

puissent être considérées comme les parties d’une seule explication. En fait, les arguments des

deux écoles peuvent être considérés comme les composantes de l’explication complète des

variations de la fécondité, comme le souligne Banks en 1954 dans « Prosperity and

Parenthood ».

6 CONCLUSION

Cette étude, à travers une analyse de la causalité à la Granger, nous a montré dans un

premier temps le rôle significatif de l’éducation dans l’explication de la baisse de la fécondité

en France depuis 1950. Puis nous avons tenté de déterminer les mécanismes impliqués dans

18

cette relation. Il semble alors que les faibles taux de fécondité soient le résultat de

l’augmentation de la participation des femmes à la population active, et ce en augmentant leur

niveau d’éducation. La question est alors pourquoi les femmes changent elles leur

comportement ? La réponse qui ressort de cette analyse est que se sont les possibilités

d’investissement et les opportunités qui poussent les femmes à s’éduquer et à entrer dans la

population active, et que ces possibilités d’investissement et ses opportunités dépendent de la

situation perçue par les couples sur le marché du travail.

De plus, ces modifications du rôle économique des femmes devraient aider à perpétuer

une faible fécondité. En effet, la participation des femmes à la population active aidant à

atteindre ou à augmenter le niveau de vie des familles, celle ci intensifie les difficultés

relatives des jeunes couples essayant d’atteindre leur niveau de vie désiré uniquement avec les

gains du mari. Si les jeunes couples compensent ceci en empêchant la maternité et par l’entrée

des femmes dans la force de travail, ce genre de comportement tend à se perpétuer. Ermish

(1990) reconnaît aussi les influences intergénérationnelles de la participation des femmes à la

population active, et soutient que les filles de mères travaillant tendent à travailler elles aussi.

Cependant, une perspective intéressante est que dans les modèles économiques de

fécondité, les effets négatifs des diplômes féminins dépendent de l’allocation du temps des

membres du ménage entre l’éducation des enfants, les loisirs, les tâches ménagères et le

marché du travail. Il est alors envisageable que la hausse de la valeur du temps de la femme

puisse contribuer à une redistribution des rôles à l’intérieur du ménage et à une substitution

des activités de garde et d’éducation de l’enfant de la famille vers le marché (Schultz, 1986).

Donc à terme, il est possible que de tels ajustements contribuent à réduire l’effet négatif du

diplôme féminin sur la fécondité, pour parvenir au même effet que les diplômes masculins,

c’est à dire un effet positif sur la fécondité (effet revenu).

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