28
Afrique CFA : 2 400 F CFA, Algérie : 200 DA, Allemagne : 5,50 €, Antilles-Guyane : 5,50 €, Autriche : 5,50 €, Belgique : 5,40 €, Canada : 7,50 $C, Espagne : 5,50 €, Etats-Unis : 7,505 $US, Grande-Bretagne : 4,50 £, Grèce : 5,50 €, Hongrie : 1835 HUF, Irlande : 5,50 €, Italie : 5,50 €, Luxem- bourg : 5,40 €, Maroc : 30 DH, Pays-Bas : 5,50 €, Portugal (cont.) : 5,50 €, Réunion : 5,50 €, Suisse : 7,80 CHF, TOM : 780 CFP, Tunisie : 5,90 DT. CD, ceux-ci formeraient cinq piles capables chacune de relier la Terre à la Lune. L’hyperinflation des données est un phénomène relativement nouveau. En 2000, un quart seulement des informations consignées dans le monde existaient au format numérique. Papier, film et support analogique se partageaient tout le reste. Du fait de l’explosion des fichiers – leur volume double tous les trois ans –, la situation s’est renversée dans des propor- tions inouïes. En 2013, le numérique repré- sente plus de 98 % du total. Les Anglo- Saxons ont forgé un terme pour désigner cette masse devenue si gigantesque qu’elle menace d’échapper au contrôle des gouver- nants et des citoyens : les big data, ou données de masse. Devant leur démesure, il est tentant de ne les appréhender qu’en termes de chiffres. Mais ce serait méconnaître le cœur du phénomène : l’immense gisement de données numériques découle de la capacité à paramétrer des aspects du monde et de la vie humaine qui n’avaient encore jamais été quantifiés. On peut qualifier ce processus de « mise en données » (datafi- cation). Par exemple, la localisation d’un lieu ou d’une personne a d’abord été mise en données une première fois par le croisement de la longitude et de la latitude, puis par le procédé satellitaire et numérique du Global Positioning System (GPS). A travers Facebook, même les goûts personnels, les relations amicales et les « j’aime » se changent en données gravées dans la mémoire virtuelle. Il n’est pas jusqu’aux mots qui ne soient eux aussi traités comme des éléments d’information depuis que les ordinateurs explorent des siècles de littérature mondiale numérisée. (Lire la suite page 10.) (Lire la suite page 20.) IMPOSSIBLE de la rater, même au milieu de cette forêt d’immeubles en verre aux formes plus biscornues les unes que les autres – ici, l’origi- nalité est signe de distinction. La tour Samsung trône en plein cœur de Gangnam, l’un des districts les plus « bling-bling » de Séoul avec ses avenues gigantesques, ses voitures de luxe et ses jeunes branchés, rendus mondialement célèbres par le chanteur Psy dans son clip Gangnam Style. Samsung Electronics y présente, sur trois niveaux, ses inventions les plus spectaculaires : écrans géants où l’on se transforme en joueur de golf ou en champion de base-ball ; télévisions en 3D ; réfrigérateurs aux parois transparentes et dotés d’un système pouvant suggérer des recettes à partir de leur contenu ; miroirs avec capteurs indiquant votre rythme cardiaque, votre température… Sans oublier, en très bonne place, le dernier bijou du groupe : le smartphone Galaxy S4, lancé dans le monde entier. C’est la face lumineuse de Samsung. En cette fin d’après-midi de mai, des dizaines d’adolescents se retrouvent ici, l’université de Séoul se situant à quelques centaines de mètres. Ils vont d’un stand à l’autre, s’ébahissent devant les prouesses, se défient, s’interpellent. Tous ceux que l’on a pu interroger assurent que travailler chez Samsung serait « le rêve ». 5,40 € - Mensuel - 28 pages N° 712 - 60 e année. Juillet 2013 ART ET POLITIQUE, L’ACTION SŒUR DU RÊVE pages 22 et 23 AU LONG DU NIL, LES SOURCES DE LA DISCORDE PAR HABIB AYEB Pages 14 et 15. en Grèce depuis trois ans se soldent par des « échecs flagrants ». S’agit-il d’une méprise uniquement imputable à des prévisions de croissance enjolivées ? Sans doute pas. D’après le décryptage que fait le Wall Street Journal d’un texte verbeux à souhait, le FMI admet qu’une « restructuration immédiate [de la dette grecque] aurait été meilleur marché pour les contri- buables européens, car les créanciers du secteur privé ont été intégralement remboursés grâce à l’argent emprunté par Athènes. La dette grecque n’a donc pas été réduite, mais elle est dorénavant due au FMI et aux contribuables de la zone euro plutôt qu’aux banques et aux fonds spéculatifs (3) ». Ainsi, ces derniers se sont dégagés sans perdre un centime des prêts qu’ils avaient consentis à Athènes à des taux d’intérêt astronomiques. On conçoit qu’une telle maestria dans le dépouil- lement des contribuables européens au profit des fonds spécu- latifs confère une autorité particulière à la «troïka» pour marty- riser un peu plus le peuple grec. Mais après la télévision publique, ne reste-t-il pas des hôpitaux, des écoles, des universités qu’on pourrait fermer sans coup férir? Et pas seulement en Grèce. Car c’est à ce prix-là, n’est-ce pas, que l’Europe tout entière tiendra son rang dans la course triomphale vers le Moyen Age… (1) Lire « La leçon de Nicosie », Le Monde diplomatique, avril 2013. (2) Constituée de la Commission européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE). (3) « IMF concedes it made mistakes on Greece », The Wall Street Journal, NewYork, 5 juin 2013. SOMMAIRE COMPLET EN PAGE 28 Amitiés, pensées, échanges, dépla- cements : la plupart des activités humaines donnent désormais lieu à une production massive de données numérisées. Leur collecte et leur analyse ouvrent des pers- pectives parfois enthousiasmantes qui aiguisent l’appétit des entre- prises. Mais la mise en données du monde risque aussi de menacer les libertés, comme le montre le tenta- culaire programme de surveillance conduit aux Etats-Unis. AU- DELÀ DE L ESPIONNAGE TECHNOLOGIQUE Mise en données du monde, le déluge numérique * Cet article est tiré de leur livre Big Data : A Revolution That Will Transform How We Live, Work, and Think, Houghton Mifflin Harcourt, Boston, 2013. Avec l’aimable autorisation de Houghton Mifflin Harcourt Publishing Company (tous droits réservés). Moyen Age européen PAR S ERGE H ALIMI L ES politiques économiques imposées par la défense de l’euro sont-elles encore compatibles avec les pratiques démocratiques? La télévision publique grecque fut créée au lendemain d’une dictature militaire. Sans autorisation du Parlement, le gouvernement qui exécute à Athènes les injonc- tions de l’Union européenne a choisi d’y substituer un écran noir. Avant que la justice grecque suspende la décision, la Commission de Bruxelles aurait pu rappeler les textes de l’Union selon lesquels « le système de l’audiovisuel public dans les Etats membres est directement lié aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de toute société ». Elle a préféré cautionner le coup de force, plaidant que cette fermeture s’inscrivait «dans le contexte des efforts considérables et nécessaires que les autorités fournissent pour moderniser l’économie grecque ». Les Européens ont fait l’expérience des projets constitutionnels rejetés par le suffrage populaire et néanmoins entérinés. Ils se souviennent des candidats qui, après s’être engagés à renégocier un traité, le font ratifier sans qu’entre-temps une virgule en ait été changée. A Chypre, ils ont failli subir la ponction autoritaire de tous leurs dépôts bancaires (1). Une étape supplémentaire vient donc d’être franchie : la Commission de Bruxelles se lave les mains de la destruction des médias grecs qui n’appartiennent pas encore à des armateurs, dès lors que cela permet de licencier séance tenante deux mille huit cents salariés d’un secteur public qu’elle exècre depuis toujours. Et de tenir ainsi les objectifs de suppressions d’emplois dictés par la « troïka (2) » à un pays dont 60 % des jeunes sont au chômage. Cet acharnement coïncide avec la publication par la presse américaine d’un rapport confidentiel du Fonds monétaire inter- national (FMI) qui concède que les politiques mises en œuvre AU III e siècle avant notre ère, on disait de la bibliothèque d’Alexandrie qu’elle renfermait la totalité du savoir humain. De nos jours, la masse d’informations dispo- nibles est telle que, si on la répartissait entre tous les Terriens, chacun en recevrait une quantité trois cent vingt fois supérieure à la collection d’Alexandrie : en tout, mille deux cents exaoctets (milliards de milliards d’octets). Si on enregistrait le tout sur des Sa tablette Galaxy l’a propulsé sur le devant de la scène, au point qu’il dépasse Apple. Du coup, Samsung et son concurrent se livrent une guerre sans merci devant les tribunaux et les instances internationales. Mais, au-delà de l’électronique, le groupe sud-coréen, aux activités multiformes, constitue un conglomérat si puissant qu’il influence aussi bien la politique que la justice ou la presse du pays. P AR NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE M ARTINE B ULARD CORÉE DU S UD Samsung ou l’empire de la peur CHARLES GIULIOLI. – « Raisonnement », 2010 P AR V IKTOR M AYER -S CHÖNBERGER ET K ENNETH C UKIER *

Le Monde Diplomatique 2013 07

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  • Afrique CFA : 2 400 F CFA, Algrie : 200 DA, Allemagne : 5,50 , Antilles-Guyane : 5,50 , Autriche : 5,50 , Belgique : 5,40 , Canada : 7,50 $C,

    Espagne : 5,50 , Etats-Unis : 7,505 $US, Grande-Bretagne : 4,50 , Grce : 5,50 , Hongrie : 1835 HUF, Irlande : 5,50 , Italie : 5,50 , Luxem-

    bourg : 5,40 , Maroc : 30 DH, Pays-Bas : 5,50 , Portugal (cont.) : 5,50 , Runion : 5,50 , Suisse : 7,80 CHF, TOM: 780 CFP, Tunisie : 5,90 DT.

    "

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    !

    !

    CD, ceux-ci formeraient cinq piles capables

    chacune de relier la Terre la Lune.

    Lhyperination des donnes est un

    phnomne relativement nouveau. En

    2000, un quart seulement des informations

    consignes dans le monde existaient au

    format numrique. Papier, lm et support

    analogique se partageaient tout le reste.

    Du fait de lexplosion des chiers leur

    volume double tous les trois ans , la

    situation sest renverse dans des propor-

    tions inoues. En 2013, le numrique repr-

    sente plus de 98 % du total. Les Anglo-

    Saxons ont forg un terme pour dsigner

    cette masse devenue si gigantesque quelle

    menace dchapper au contrle des gouver-

    nants et des citoyens : les big data, ou

    donnes de masse.

    Devant leur dmesure, il est tentant de

    ne les apprhender quen termes de chiffres.

    Mais ce serait mconnatre le cur du

    phnomne : limmense gisement de

    donnes numriques dcoule de la capacit

    paramtrer des aspects du monde et de

    la vie humaine qui navaient encore jamais

    t quantis. On peut qualier ce

    processus de mise en donnes (data-

    cation). Par exemple, la localisation dun

    lieu ou dune personne a dabord t mise

    en donnes une premire fois par le

    croisement de la longitude et de la latitude,

    puis par le procd satellitaire et numrique

    du Global Positioning System (GPS). A

    travers Facebook, mme les gots

    personnels, les relations amicales et les

    jaime se changent en donnes graves

    dans la mmoire virtuelle. Il nest pas

    jusquaux mots qui ne soient eux aussi

    traits comme des lments dinformation

    depuis que les ordinateurs explorent des

    sicles de littrature mondiale numrise.

    (Lire la suite page 10.)

    (Lire la suite page 20.)

    IMPOSSIBLE de la rater, mme au milieu de cette fort dimmeubles en

    verre aux formes plus biscornues les unes que les autres ici, lorigi-

    nalit est signe de distinction. La tour Samsung trne en plein cur de

    Gangnam, lun des districts les plus bling-bling de Soul avec ses

    avenues gigantesques, ses voitures de luxe et ses jeunes branchs,

    rendus mondialement clbres par le chanteur Psy dans son clip

    Gangnam Style.

    Samsung Electronics y prsente, sur trois niveaux, ses inventions

    les plus spectaculaires : crans gants o lon se transforme en joueur

    de golf ou en champion de base-ball ; tlvisions en 3D ; rfrigrateurs

    aux parois transparentes et dots dun systme pouvant suggrer des

    recettes partir de leur contenu ; miroirs avec capteurs indiquant votre

    rythme cardiaque, votre temprature Sans oublier, en trs bonne

    place, le dernier bijou du groupe : le smartphone Galaxy S4, lanc dans

    le monde entier.

    Cest la face lumineuse de Samsung. En cette fin daprs-midi de

    mai, des dizaines dadolescents se retrouvent ici, luniversit de Soul

    se situant quelques centaines de mtres. Ils vont dun stand lautre,

    sbahissent devant les prouesses, se dfient, sinterpellent. Tous

    ceux que lon a pu interroger assurent que travailler chez Samsung

    serait le rve.

    5,40 - Mensuel - 28 pages N 712 - 60

    e

    anne. Juillet 2013

    ART ET POL I T IQUE , L ACT ION SUR DU RVE pages 22 et 23

    AU LONG DU NIL,

    LES SOURCES

    DE LA DISCORDE

    PAR HABIB AYEB

    Pages 14 et 15.

    en Grce depuis trois ans se soldent par des checs

    agrants. Sagit-il dune mprise uniquement imputable des

    prvisions de croissance enjolives? Sans doute pas. Daprs

    le dcryptage que fait le Wall Street Journal dun texte verbeux

    souhait, le FMI admet quune restructuration immdiate [de

    la dette grecque] aurait t meilleur march pour les contri-

    buables europens, car les cranciers du secteur priv ont t

    intgralement rembourss grce largent emprunt par

    Athnes. La dette grecque na donc pas t rduite, mais elle

    est dornavant due au FMI et aux contribuables de la zone

    euro plutt quaux banques et aux fonds spculatifs (3) .

    Ainsi, ces derniers se sont dgags sans perdre un centime

    des prts quils avaient consentis Athnes des taux dintrt

    astronomiques. On conoit quune tellemaestria dans le dpouil-

    lement des contribuables europens au prot des fonds spcu-

    latifs confre une autorit particulire la troka pour marty-

    riser un peu plus le peuple grec.Mais aprs la tlvision publique,

    ne reste-t-il pas des hpitaux, des coles, des universits quon

    pourrait fermer sans coup frir? Et pas seulement en Grce.

    Car cest ce prix-l, nest-ce pas, que lEurope tout entire

    tiendra son rang dans la course triomphale vers leMoyen Age

    (1) Lire La leon de Nicosie, Le Monde diplomatique, avril 2013.

    (2) Constitue de la Commission europenne, du Fonds montaire international

    (FMI) et de la Banque centrale europenne (BCE).

    (3) IMF concedes it made mistakes on Greece, The Wall Street Journal,

    NewYork, 5 juin 2013.

    S O MM A I R E C OM P L E T E N PA G E 2 8

    Amitis, penses, changes, dpla-

    cements : la plupart des activits

    humaines donnent dsormais lieu

    une production massive de

    donnes numrises. Leur collecte

    et leur analyse ouvrent des pers-

    pectives parfois enthousiasmantes

    qui aiguisent lapptit des entre-

    prises. Mais la mise en donnes du

    monde risque aussi de menacer les

    liberts, comme le montre le tenta-

    culaire programme de surveillance

    conduit aux Etats-Unis.

    AU-DEL DE LESPIONNAGE TECHNOLOGIQUE

    Mise en donnes du monde,

    le dluge numrique

    * Cet article est tir de leur livre Big Data : A

    Revolution That Will Transform How We Live, Work,

    andThink, HoughtonMifflin Harcourt, Boston, 2013.

    Avec laimable autorisation de Houghton Mifflin

    Harcourt Publishing Company (tous droits rservs).

    Moyen Age europen

    PAR SERGE HALIMI

    L

    ES politiques conomiques imposes par la dfense de

    leuro sont-elles encore compatibles avec les pratiques

    dmocratiques? La tlvision publique grecque fut cre au

    lendemain dune dictature militaire. Sans autorisation du

    Parlement, le gouvernement qui excute Athnes les injonc-

    tions de lUnion europenne a choisi dy substituer un cran

    noir. Avant que la justice grecque suspende la dcision, la

    Commission de Bruxelles aurait pu rappeler les textes de lUnion

    selon lesquels le systme de laudiovisuel public dans les Etats

    membres est directement li aux besoins dmocratiques, sociaux

    et culturels de toute socit. Elle a prfr cautionner le coup

    de force, plaidant que cette fermeture sinscrivait dans le

    contexte des efforts considrables et ncessaires que les

    autorits fournissent pour moderniser lconomie grecque.

    Les Europens ont fait lexprience des projets constitutionnels

    rejets par le suffrage populaire et nanmoins entrins. Ils se

    souviennent des candidats qui, aprs stre engags rengocier

    un trait, le font ratier sans quentre-temps une virgule en ait

    t change. A Chypre, ils ont failli subir la ponction autoritaire

    de tous leurs dpts bancaires (1). Une tape supplmentaire

    vient donc dtre franchie : la Commission de Bruxelles se lave

    lesmains de la destruction desmdias grecs qui nappartiennent

    pas encore des armateurs, ds lors que cela permet de licencier

    sance tenante deuxmille huit cents salaris dun secteur public

    quelle excre depuis toujours. Et de tenir ainsi les objectifs de

    suppressions demplois dicts par la troka (2) un pays dont

    60 % des jeunes sont au chmage.

    Cet acharnement concide avec la publication par la presse

    amricaine dun rapport condentiel du Fonds montaire inter-

    national (FMI) qui concde que les politiques mises en uvre

    AU III

    e

    sicle avant notre re, on disait

    de la bibliothque dAlexandrie quelle

    renfermait la totalit du savoir humain. De

    nos jours, la masse dinformations dispo-

    nibles est telle que, si on la rpartissait entre

    tous les Terriens, chacun en recevrait une

    quantit trois cent vingt fois suprieure

    la collection dAlexandrie : en tout, mille

    deux cents exaoctets (milliards demilliards

    doctets). Si on enregistrait le tout sur des

    Sa tablette Galaxy la propuls sur le devant de la scne, au

    point quil dpasseApple. Du coup, Samsung et son concurrent

    se livrent une guerre sans merci devant les tribunaux et les

    instances internationales. Mais, au-del de llectronique, le

    groupe sud-coren, aux activits multiformes, constitue un

    conglomrat si puissant quil inuence aussi bien la politique

    que la justice ou la presse du pays.

    PAR NOTRE ENVOYE SPCIALE

    MARTINE BULARD

    CORE DU SUD

    Samsung

    ou lempire

    de la peur

    CHARLES GIULIOLI. Raisonnement, 2010

    PAR V IKTOR MAYER -SCHNBERGER

    ET KENNETH CUKIER *

  • JUILLET 2013 LE MONDE diplomatique

    2

    compense de manire diffrente, sauf la

    recherche dune rduction des dpenses

    sociales. Il nen a pas toujours t ainsi. La

    loi dorientation du 30 juin 1975 traitait tout

    le monde de la mme manire (). A lini-

    tiative des conseils gnraux est apparue la

    notion de dpendance. Bien utile puisque

    les vieux se voient attribuer 40 % de

    moins que les handicaps.

    Pis encore : la loi de fvrier 2005 stipule

    que, dans un dlai maximum de cinq ans,

    les dispositions de la prsente loi oprant une

    distinction entre les personnes handicapes

    en fonction de critres dge en matire de

    compensation du handicap et de prise en

    charge des frais dhbergement en tablis-

    sement sociaux et mdico-sociaux seront

    supprimes. Le dlai est dpass depuis

    plus de trois ans, et cette disposition nest pas

    applique. Motif : ce serait trop coteux. Le

    ministre qui a fait voter la loi sigeait dans le

    gouvernement qui a refus de lappliquer.

    Anglais

    M. Gil Stauffer, journaliste scien-

    tique, exprime son dsaccord avec

    lditorial Contre la langue unique

    (juin) :

    Langlais des Physical Review Letters ou

    du New England Journal of Medicine (fond

    en 1812) na pas grand-chose voir avec

    langlais de John Keats, John Lennon ou

    Jim Harrison (lcrivain et pote...). Lan-

    glais des sciences et des techniques est

    considr par ses locuteurs, dans le monde

    entier, comme un outil le latin des sciences

    au XVIII

    e

    et mme au XIX

    e

    sicle , et rien

    de plus. Un millier de mots courants

    permettant de manier un vocabulaire sp-

    cialis, voil le technical English ! Rien de

    plus ! Je nai jamais entendu personne, dans

    un quelconque congrs sujet technique,

    soffusquer de lemploi de langlais. En

    revanche, jai souvent entendu des Anglo-

    Saxons, des germanophones et des Scan-

    dinaves regretter que les participants fran-

    ais ne mettent pas davantage de bonne

    volont parler et prononcer correcte-

    ment langlais

    Libralisme

    M

    me

    Rosa Llorens ragit larticle

    de Serge Halimi Le laisser-faire

    est-il libertaire ? (juin), qui faisait

    lanalyse croise de deux ouvrages,

    lun de Jean-Claude Micha, lautre

    de Geoffroy de Lagasnerie :

    Le parallle entre Jean-Claude Micha et

    Geoffroy de Lagasnerie est faux. Ce ne

    sont pas deux ples entre lesquels ttonne

    la gauche franaise : qua voir le second

    avec une rflexion de gauche ? Le vrai rap-

    port entre eux, cest que Lagasnerie dvoile

    sans crainte l lite de Normale Sup le

    projet rel du libralisme, que Micha veut

    dnoncer devant le peuple de gauche : la

    destruction de toutes les valeurs symbo-

    liques (histoire, traditions, croyances,

    valeurs, culture, morale) qui font la

    richesse et la dignit des hommes et des

    peuples, pour imposer partout le mme

    ordre libral nihiliste, productiviste et

    consumriste.

    ACCS DE FRANCHISE

    Dans un entretien au site

    The Times of Israel, le 6 juin,

    le ministre adjoint de la dfense isralien,

    M. Danny Danon, na pas hsit

    contredire le discours officiel

    du gouvernement auquel il appartient.

    Regardez ce gouvernement :

    il ny a jamais eu en son sein de

    discussion, de rsolution ou de vote

    au sujet dune solution deux Etats

    [au conit isralo-palestinien], a dclar

    Danon. Si vous la soumettiez au vote

    mais personne ne le ferait, ce ne serait

    pas intelligent , vous verriez la majorit

    des ministres du Likoud [droite,

    au pouvoir], de mme que le parti

    Foyer juif [nationaliste religieux],

    sy opposer. ()

    Quand on lui demande si Benyamin

    Netanyahou est vraiment en faveur

    de cette solution, Danon rpond que le

    premier ministre fait dpendre la cration

    dun Etat palestinien de conditions

    auxquelles il est certain que les

    Palestiniens ne consentiront jamais. ()

    Evoquant les condamnations habituelles

    par la communaut internationale

    des constructions israliennes

    Jrusalem-Est, Danon dclare :

    La communaut internationale peut dire

    tout ce quelle veut, et nous pouvons faire

    tout ce que nous voulons.

    LUCRATIFS PIRATES

    La radio publique norvgienne (NRK)

    rend compte dune tude de lautorit

    britannique de rgulation des

    mdias (Ofcom) selon laquelle

    tlchargement illgal et consommation

    traditionnelle de contenus seraient

    nalement complmentaires

    (13 mai 2013).

    Les plus grands pirates sont aussi

    ceux qui achtent la plus grande quantit

    de contenus le plus lgalement

    du monde Environ trois fois plus

    que les autres consommateurs

    (que le rapport dOfcom qualie

    dhonntes). Des tudes antrieures

    avaient dj montr que ceux qui

    partagent des chiers en ligne sont

    plus enclins acheter des contenus

    lgaux que dautres. Cette tendance

    sest sensiblement accentue.

    Les gros consommateurs de contenus

    pirats (3,2 %) sont trs prcieux

    pour lindustrie du divertissement,

    car ils reprsentent eux seuls

    prs de 11 % de lensemble

    du contenu achet lgalement...

    Au cours des trois mois pendant

    lesquels le sondage a t effectu,

    les pirates ont dpens en moyenne

    168 livres sterling

    [environ 197 euros]en tlchargement,

    alors que les internautes honntes,

    eux, nachetaient qu hauteur de

    105 livres sterling [environ 123 euros].

    PNITENCE

    De lavis mme des autorits grecques

    charges de la mettre en uvre,

    laustrit impose Athnes viserait

    avant tout souligner la soumission du

    pays aux exigences de ses bienfaiteurs

    (International Herald Tribune, 12 juin).

    Les crditeurs exigent encore quinze

    mille suppressions demplois [dans la

    fonction publique] dici la n de lanne,

    ce qui ressemble une forme de pnitence

    impose. Comme la Grce a dj licenci

    cent cinquante mille fonctionnaires, les

    quinze mille restants sont un peu un

    symbole, explique Antonis Manitakis, un

    constitutionnaliste que le premier ministre

    a charg de superviser les rductions

    deffectifs au sein de lEtat. La troka

    [Commission europenne, Banque centrale

    europenne et Fonds montaire

    international] souhaite surtout que nous

    fassions la dmonstration de notre

    dtermination rformer le pays.

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    Manire de voir Utopia

    En partenariat avec les cinmas Utopia,

    la parution de chaque numro de Manire

    de voir est accompagne en 2013 dune

    projection-dbat en prsence dun journa-

    liste ou dun collaborateur duMonde diplo-

    matique.

    La prochaine rencontre se tiendra

    le 11 juillet, 19h40, au cinma Utopia de

    Tournefeuille (Haute-Garonne) autour

    du Manire de voir n 130, A qui le crime

    prote. La projection du lm de Joshua

    Marston Maria, pleine de grce sera

    suivie dun dbat ([email protected]).

    Editions internationales

    L

    A runion annuelle des ditions internationales du Monde diplomatique sest

    droule Budapest (Hongrie) les 7 et 8 juin 2013. Vingt-cinq ditions sur

    cinquante et une taient prsentes ou reprsentes : Allemagne, Angola,

    Argentine, Brsil, Chili, Core, Croatie, Equateur, Espagne, espranto, Finlande,

    Grce, Hongrie, Iran, Italie, Japon, kurde sorani, Norvge, Portugal, Rpublique

    tchque, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovnie, Suisse, Venezuela. Les partici-

    pants ont fait le point sur le dveloppement du rseau cration de deux

    nouveaux journaux partenaires en 2012-2013, projets dans les Balkans et en

    Afrique, difcults dans les pays affects par la crise de leuro , ainsi que sur

    la situation de la presse et sur les volutions de la gopolitique mondiale.

    Depuis toujours, Le Monde diplomatique se conoit comme un journal inter-

    national ralis en France, plus que comme un priodique franais vendu

    ltranger. Quarante-sept ditions, imprimes ou en ligne, ont ainsi t cres

    sur tous les continents, lui permettant de paratre en vingt-huit langues avec

    prs de deux millions dexemplaires vendus tous les mois.

    Pour plus dinformations, consulter : www.monde-diplomatique.fr/int

    COURRICOURRIER DES LER DES LECTECTEURSEURS

    Mali

    M. Erick Fessiot estime que larticle

    de Dorothe Thinot Le blues de

    larme malienne (Le Monde diplo-

    matique, mai 2013) fait la part trop

    belle au capitaine Amadou Haya

    Sanogo :

    Sanogo ntait nullement en colre. Il tait

    lui-mme un hritier, cest--dire quil faisait

    partie de cette frange de larme qui reoit,

    tant bien ne, avantages et privilges, dote

    de cinquante-huit gnraux pour moins de

    quatre mille hommes. () Il considrait seu-

    lement quil pouvait piller mieux et plus au

    regard de ces chefs affects au Nord qui,

    protgeant les narcotraquants et couvrant

    leurs prises dotages, ralisaient de substan-

    tiels prots. Ceux-ci, rpartis entre les poli-

    tiques, narrosaient pas les brets verts de

    Kati dont il tait licne. Bref, il avait plei-

    nement conscience dtre, dans la gabegie

    gnrale, un gagne-petit. ()Aujourdhui, il

    continue de ngocier avantages et privilges,

    exigeant que ses collaborateurs soient nom-

    ms consuls, comme lavait t le Touareg

    Ag Ghaly avant de devenir le chef dAnar

    Dine, lun des principaux mouvements dji-

    hadistes du Nord.

    Mutilations gnitales

    M

    me

    Florence Humbert apporte un

    complment larticle de Philippe

    Rekacewicz Ds du Millnaire en

    matire de sant (juin) :

    En Afrique subsaharienne vivent peu

    prs cent quarante millions de survivantes de

    mutilations gnitales. Il sagit dune atteinte

    extrmement grave lintgrit corporelle

    des lles et dune menace constante pour la

    sant des femmes, leur vie durant. Je reproche

    lOrganisation des Nations unies (ONU)

    de ne pas avoir intgr la lutte contre les

    mutilations gnitales dans les Objectifs du

    millnaire. Comme votre article est relative-

    ment critique juste titre avec ces objec-

    tifs, jesprais que les mutilations gnitales y

    seraient ne serait-ce quvoques. () Il y a

    trente-cinq pays, majoritairement africains,

    o lexcision est pratique, et dans vingt-huit

    dentre eux elle est interdite. Les exciseuses

    ont donc intrt faire le silence sur leur

    pratique, pour mieux la perptuer. Elles y

    arrivent fort bien, entre autres grce au sou-

    tien dune grande partie des institutions et de

    la presse internationales. En effet, personne

    nen parle : lOrganisation mondiale de la

    sant (OMS) ne signale pas dans ses statis-

    tiques sur la mortalit prinatale combien les

    femmes excises sont, bien plus que les

    autres, susceptibles de dcder pendant un

    accouchement. Les chiffres de la mortalit

    infantile ne distinguent pas les causes des

    maladies infectieuses : certaines sont contrac-

    tes lors de lexcision et affectent durable-

    ment la sant des lles. Devant une telle loi

    du silence, les militants de beaucoup de pays

    dAfrique qui luttent jour aprs jour contre ce

    au voient non seulement leurs efforts igno-

    rs, mais en plus les politiques de sant orga-

    nises en dpit du bon sens.

    Vieillesse

    La lecture de larticle de Jerme

    Pellissier A quel ge devient-on

    vieux ? (juin) inspire M. Grard

    Fucks la rexion suivante :

    Lauteur sindigne juste titre de linga-

    lit de traitement entre personnes ges et

    personnes en situation de handicap. Cette

    distinction est curieuse, puisque ces deux

    pseudo catgories souffrent dun dcit

    fonctionnel entranant une rduction de leur

    capacit agir. Rien ne justie quon le

  • 3LE MONDE diplomatique JUILLET 2013

    IL NY A PAS QUE LE COT DU TRAVAIL ...

    Cot du capital, la question qui change tout

    On aurait pu penser que, parvenus au

    bout de cette impasse, les responsables

    europens, les dirigeants des grandes insti-

    tutions conomiques, les experts srieux,

    les commentateurs graves se dtournent

    de leur obsession du cot du travail pour

    en explorer une autre, quun simple esprit

    de symtrie aurait d depuis longtemps

    leur souffler. Sans quitter le registre des

    cots, qui peuple limaginaire des cono-

    mistes, ils auraient ainsi pu senqurir,

    juste pour voir, de ce quil en est du cot

    du capital, et de son augmentation. Non

    parce quil y aurait l de quoi renforcer

    nouveaux frais la doctrine de la compti-

    tivit (2), mais parce quune fois rassasi

    leur apptit pour les solutions sans

    problmes, un petit got pour la diversit

    aurait pu les amener examiner des

    problmes sans solution (jusquici). Cest

    ce point de vue que permet de dgager une

    tude ralise par des conomistes du

    Centre lillois dtudes et de recherches

    sociologiques et conomiques (Clers),

    la demande de la Confdration gnrale

    du travail (CGT) et de lInstitut de

    recherches conomiques et sociales (IRES).

    Les auteurs de cette tude expliquent,

    aprs dautres, que laugmentation du cot

    du capital ou plutt, de son surcot ,

    dans le sillage de la financiarisation de

    lconomie, rend largement compte des

    piteuses performances des conomies

    anciennement dveloppes depuis une

    trentaine dannes : le rythme poussif

    daccumulation du capital quelles ont

    connu, le creusement des ingalits,

    lexplosion des revenus financiers, la

    persistance dun sous-emploi massif Ils

    donnent galement voir la monte en

    flche de ce surcot du capital, en

    proposant un indicateur moins lnifiant

    que le fameux cot moyen pondr des

    capitaux (3) popularis par la doctrine

    financire standard.

    PAR LAURENT CORDONNIER *

    Afin de justifier toutes sortes de rformes, mdias et

    gouvernants se prvalent de leur disposition bousculer

    les archasmes et faire preuve de courage. Mais il

    sagit toujours en dfinitive de rduire salaires et pres-

    tations sociales. Il existe pourtant bien un tabou pna-

    lisant tous ceux qui souhaitent investir et crer de lem-

    ploi : le cot prohibitif du capital.

    IL SERAIT sans doute passionnant de

    refaire le trajet divrogne, tortueux et

    chaloupant, parcourant toute lEurope,

    qui a finalement abouti ramener tous

    nos maux des questions de comptiti-

    vit et, de proche en proche, des

    problmes de cot du travail. Oublis la

    crise des subprime, la crise de liquidit

    bancaire, les gigantesques dprciations

    dactifs, leffondrement du crdit, la

    ttanie de la demande, la transformation

    des dettes prives en dettes publiques, les

    politiques daustrit. Comme nous lavait

    bien expliqu ds 2010 M. Ulrich

    Wilhelm, alors porte-parole du gouver-

    nement allemand, la solution pour

    corriger les dsquilibres [commerciaux]

    dans la zone euro et stabiliser les finances

    publiques rside dans laugmentation de

    la comptitivit de lEurope dans son

    entier (1).

    Quand on tient une explication, il faut

    savoir la dfendre contre vents et mares,

    y compris ceux de la rigueur arithmtique.

    Puisquon comprend sans doute trs bien

    que nos dsquilibres internes ne peuvent

    se rsoudre par une course fratricide et

    sans fin entre les pays europens pour

    gagner en comptitivit les uns contre les

    autres ce qui sappelle, a minima, un jeu

    somme nulle , le projet qui nous est

    maintenant offert consiste tenter de

    gagner en comptitivit contre le reste du

    monde.Au bout de ses efforts, lEurope

    dans son entier parviendra redresser

    les balances commerciales de ses pays

    membres, contre celles de ses partenaires

    extrieurs. On attend avec impatience

    linjonction, venant de lOrganisation de

    coopration et de dveloppement cono-

    miques (OCDE) ou de lOrganisation

    mondiale du commerce (OMC), de

    redresser la comptitivit du monde dans

    son entier pour quil se refasse une sant

    commerciale contre les Martiens.

    produites, demplois jamais crs, de projets

    collectifs, sociaux, environnementaux jamais

    entrepris du seul fait que le seuil dligi-

    bilit pour lesmettre enuvre est datteindre

    une rentabilit annuelle de 15%?Quand le

    fardeau qui pse sur toute entreprise,

    publique comme prive, en vient majorer

    son cot rel de 50 70%, faut-il stonner

    du faible dynamisme de nos conomies,

    soumises au joug de la finance? Seul un

    ne peut supporter une charge quivalente

    70 % de son propre poids.

    Le problme nest pas tant que cette

    surcharge financire siphonne les fonds

    ncessaires linvestissement. Cest plutt

    linverse. Largent distribu aux prteurs et

    aux actionnaires est lexacte contrepartie

    des profits dont les entreprises nont plus

    besoin, du fait quelles limitent de leur

    propre chef leurs projets dinvestissement

    la frange susceptible dtre la plus rentable.

    La bonne question est donc la suivante :

    dans un monde o ne sont mises en uvre

    que les actions, individuelles ou collectives,

    qui rapportent entre 15 % et 30 % par an,

    quelle est la surface du cimetire des ides

    (bonnes ou mauvaises, il faut le dplorer)

    qui nont jamais vu le jour, parce quelles

    nauraient rapport quentre 0 et 15 %?

    A lheure o il faudrait entamer la

    transition cologique et sociale de nos

    conomies, on pourrait penser quun projet

    politique authentiquement social-dmocrate

    devrait aumoins se fixer cet objectif : librer

    la puissance daction des gens entrepre-

    nants, des salaris, et de tous ceux qui recher-

    chent le progrs conomique et social, du

    joug de la proprit et de la rente. Liquider

    la rente, plutt que le travail et lentreprise.

    Une telle ambition est certes hors de

    porte dun homme seul ft-il normal.

    Mais cest srement la porte dune

    ambition collective. Cela ne veut pas dire,

    nous a dj prvenus JohnMaynardKeynes,

    que lusage des biens capitaux ne coterait

    presque rien, mais seulement que le revenu

    quon en tirerait naurait gure couvrir

    que la dprciation due lusure et la

    dsutude, augmente dune marge pour

    compenser les risques ainsi que lexercice

    de lhabilet et du jugement.

    A ceux qui y verraient savancer la fin

    du monde, Keynes proposait une conso-

    lation : Cet tat de choses serait parfai-

    tement compatible avec un certain degr

    dindividualisme. Mais il nimpliquerait

    pas moins leuthanasie du rentier et, par

    suite, la disparition progressive du pouvoir

    oppressif additionnel qua le capitaliste

    dexploiter la valeur confre au capital

    par sa raret (4). Brrrr !...

    en selle par la monte en puissance des

    investisseurs institutionnels (fonds dpar-

    gne mutuelle, fonds de pension, compa-

    gnies dassurances), sest appuy sur la

    discipline des marchs, lactivisme action-

    narial et la nouvelle gouvernance dentre-

    prise pour ne pas laisser filer la rente dans

    dautres mains.

    Au total, on peut dire que lexplosion du

    surcot du capital au cours des trente

    dernires annes est la consquence directe

    de llvation de la norme financire

    impose aux entreprises avec laide de leurs

    dirigeants, dont les intrts ont t correc-

    tement aligns sur ceux des actionnaires.

    Pour passer des exigences de retours sur

    fonds propres de lordre de 15% par an au

    surcot du capital, il suffit en quelque sorte

    de rectifier la mesure. De telles exigences

    correspondent en pratique un surcot

    impos tout projet dinvestissement de

    lordre de 50 70 %.

    Les effets de cette lvation de la norme

    financire, bien quimaginables, sont incal-

    culables. Car en lamatire, le plus important

    nest peut-tre pas le plus visible. Ces trans-

    ferts de richesse vers les prteurs et les

    actionnaires reprsentent certes unemanne

    importante, qui na cess daugmenter (de

    3 % de la valeur ajoute franaise en 1980

    9 % aujourdhui) et qui ne va ni dans la

    poche des gens entreprenants (moins quils

    soient galement propritaires de leur entre-

    prise), ni dans la poche des salaris.

    On pourrait dj dplorer que lexploi-

    tation des travailleurs se soit clairement

    renforce.Mais il y a plus : qui peut dire en

    effet lnorme gaspillage de richesses jamais

    * Economiste, matre de confrences luniversit

    Lille-I.Auteur de LEconomie desToambapiks,Raisons

    dagir, Paris, 2010. A particip, avec Thomas Dallery,

    Vincent Duwicquet, Jordan Melmis et Franck Van de

    Velde, ltude duClers sur laquelle sappuie cet article.

    Et si lne se mettait ruer ?

    (1) Financial Times, Londres, 22 mars 2010.

    (2) Il y a tout de mme un lien, comme lont montr

    la Fondation Copernic et Attac dans leur rapport En

    finir avec la comptitivit (octobre 2012). Quand les

    entreprises franaises, en perte de comptitivit, sont

    contraintes de rduire leurs marges, mais continuent

    de verser de copieux dividendes leurs actionnaires,

    on comprend que cest en partie au dtriment des efforts

    de recherche et dveloppement.

    (3)Cf. Rentabilit et risque dans le nouveau rgime

    de croissance , rapport du groupe prsid par

    Dominique Plihon pour le commissariat gnral du

    Plan, La Documentation franaise, Paris, 2002. Ou

    larticle de Wikipdia : Cot moyen pondr du

    capital .

    (4) J. M. Keynes, Thorie gnrale de lemploi, de

    lintrt et de la monnaie, Petite Bibliothque Payot,

    Paris, 1971.

    du fait quil sagit dun cot support par

    les parties prenantes internes lentreprise

    qui vient surcharger inutilement le vrai

    cot du capital.

    Ltude du Clers montre que ce surcot

    est considrable. A titre dillustration, en

    2011, il reprsentait en France, pour

    lensemble des socits non financires,

    94,7 milliards deuros. En le rapportant

    au vrai cot du capital, cest--dire

    linvestissement en capital productif de la

    mme anne (la FBCF), qui tait de

    202,3 milliards deuros, on obtient un

    surcot du capital de 50 %... Si lon

    rapportait ce surcot la seule partie de

    linvestissement qui correspond lamor-

    tissement du capital laquelle reprsen-

    terait mieux, aux yeux de nombreux cono-

    mistes, le vrai cot du capital , on

    obtiendrait une valuation encore plus

    tonnante : de lordre de 70 %!

    Cela signifie que lorsque les travailleurs

    franais sont capables de produire leurs

    machines, leurs usines, leurs immeubles,

    leurs infrastructures, etc., un prix total

    de 100 euros par an (incluant la marge de

    profit), il en cote en pratique entre 150

    et 170 euros par an aux entreprises qui

    utilisent ce capital productif, du seul fait

    quelles doivent sacquitter dune rente,

    sans justification conomique, aux appor-

    teurs dargent.

    Un tel surcot du capital na rien de

    ncessaire ni de fatal. Durant la priode

    1961-1981, qui a prcd le big bang

    financier mondial, il tait en moyenne de

    13,8 %. Il tait mme devenu ngatif la

    fin des trente glorieuses (1973-1974),

    du fait de la rsurgence de linflation.

    Ce sont les politiques restrictives issues

    de la rvolution montariste qui, dans un

    premier temps, ont fait grimper la rente

    financire, en propulsant les taux dintrt

    rels des sommets. Lorsque sest amorce

    la dcrue de ces taux, dans les annes 1990,

    le versement acclr des dividendes a pris

    le relais. Le pouvoir actionnarial, remis

    POUR comprendre de quoi il est ques-

    tion, il faut distinguer entre deux notions

    de cot du capital : le cot conomique

    et le cot financier. Le cot conomique

    est leffort productif ncessaire pour fabri-

    quer les outils et, plus largement, len-

    semble des moyens de production :

    machines, immeubles, usines, matriels de

    transport, infrastructures, brevets, logi-

    ciels Cet effort productif reprsente en

    quelque sorte le vrai cot du capital,

    celui quil faut ncessairement dpenser en

    travail pour fabriquer ce capital , entendu

    ici dans le sens capital productif . La

    mesure de cet effort (sur une anne, par

    exemple) reprsente ce quon appelle plus

    couramment les dpenses dinvestissement,

    et que les comptables nationaux nomment

    la formation brute de capital fixe (FBCF).

    Ces dpenses reprsentent peu prs 20%

    de la production annuelle des entreprises

    franaises.

    Mais ce cot de production du capital

    productif, mesur son prix dachat, nest

    pas le seul peser sur les entreprises.

    Lorsquelles veulent acheter et mettre en

    uvre ces moyens de production, elles

    doivent de surcrot rmunrer les personnes

    ou les institutions qui leur ont procur de

    largent (argent appel aussi capital ,

    mais dans le sens financier cette fois).

    Ainsi, au vrai cot du capital sajoutent

    les intrts verss aux prteurs et les

    dividendes verss aux actionnaires (en

    rmunration des apports en liquide de ces

    derniers lors des augmentations de capital,

    ou lorsquils laissent une partie de leurs

    profits en rserve dans lentreprise).

    Or une grande part de ce cot financier

    (les intrts et les dividendes) ne correspond

    aucun service conomique rendu, que ce

    soit aux entreprises elles-mmes ou la

    socit dans son entier. Il importe alors de

    savoir ce que reprsente cette partie du cot

    financier totalement improductive, rsultant

    dun phnomne de rente et dont on pourrait

    clairement se dispenser en sorganisant

    autrement pour financer lentreprise ; par

    exemple en imaginant un systme

    uniquement base de crdit bancaire,

    factur au plus bas cot possible.

    Pour connatre le montant de cette rente

    indue, il suffit de retrancher des revenus

    financiers la part qui pourrait se justifier

    par de bonnes raisons conomiques. Certains

    de ces intrts et dividendes couvrent en

    effet le risque encouru par les prteurs et

    les actionnaires de ne jamais revoir leur

    argent, en raison de la possibilit de faillite

    inhrente tout projet dentreprise. Cest

    ce que lon peut appeler le risque entre-

    preneurial. Une autre partie de ces revenus

    peut galement se justifier par le cot

    dadministration de lactivit financire,

    laquelle consiste transformer et aiguiller

    lpargne liquide vers les entreprises.

    Lorsquon retranche de lensemble des

    revenus financiers ces deux composantes

    qui peuvent se justifier (risque entrepre-

    neurial et cot dadministration), on obtient

    une mesure de la rente indue. On peut la

    dsigner comme un surcot du capital,

    HERV TLMAQUE. La Gourmandise, 1974

    La religion des quinze pour cent,

    Isabelle Pivert (mars 2009).

    Partage des richesses, la question

    taboue, Franois Ruffin

    (janvier 2008).

    Enfin une mesure contre

    la dmesure de la finance,

    le SLAM!,

    Frdric Lordon (fvrier 2007).

    Mais exportez donc ! dit le FMI,

    Gabriel Kolko (mai 1998).

    Nos prcdents articles

    Frdric Lordon tente une sortie de leuro

    MonaAbouissa avec les danseurs du ballet gyptien

    Juliette Volcler lcoute des sonorits urbaines

    Guillaume Pitron dans le train-hpital sud-africain

    Le Monde diplomatique daot,

    un numro spcial

    enqutes et reportages

    Martine Bulard en camp de rducation au capitalisme

    Elizabeth Rush sinstalle dans les faubourgs de Lima

    Pierre Daum explore les librairies algriennes

    En vente chez votre marchand de journaux le 25 juillet.

    RMN-ADAGP

  • LES manifestations paciques sont lgitimes et

    propres la dmocratie Le 17 juin 2013, le commu-

    niqu de la prsidente brsilienne Dilma Rousseff

    commentant une nouvelle journe demobilisation populaire

    feignait dignorer lessentiel : jamais, depuis la n de la

    dictature en 1985, le pays navait connu de tels rassem-

    blements part peut-tre en 1992, lorsque la population

    tait descendue dans la rue pour dnoncer la corruption du

    gouvernement de M. Fernando Collor de Mello, prcipitant

    sa dmission la mme anne. Au cours de la journe

    prcdant la dclaration de M

    me

    Rousseff, prs de deux

    cent mille personnes avaient dl, notamment So Paulo,

    Rio de Janeiro et Braslia, la capitale, o le Congrs avait

    t occup durant plusieurs heures. Ils approcheraient le

    million quelques jours plus tard

    Comme souvent, la nature de ltincelle na que peu de

    rapport avec lampleur de lembrasement. Les rsidents de

    So Paulo opposs, depuis le 11 juin, une augmentation

    du prix du ticket de bus (de 3 3,20 reals, soit 1,12 euro) ont

    en effet trs vite t rejoints par dautres. Les uns, notamment

    Rio de Janeiro, contestaient les sommes engages dans

    la prparation de la Coupe du monde de football de 2014

    et des Jeux olympiques de 2016 : au total, environ 50milliards

    de reals, soit 17milliards deuros, dans un pays qui demeure

    lun des plus ingalitaires dumonde. A ceux-l sest ajoute

    la foule des citoyens quune corruption gnralise a ni par

    lasser, ainsi que tous les Brsiliens qui peinent assurer

    leur famille laccs des soins et une ducation de qualit.

    Un an avant le scrutin prsidentiel de 2014, cesmanifes-

    tations, principalement animes par des jeunes nayant pas

    connu la dictature, fragilisent M

    me

    Rousseff. Bien quaucun

    parti ne semble pour lheure en mesure de tirer prot dun

    mouvement qui vise lensemble des forces politiques aux

    affaires, il sagit dune srieuse mise en garde pour le Parti

    des travailleurs (PT), au pouvoir depuis 2003.

    Quelques annes aprs sa prise de fonction, M. Luiz

    Incio Lula da Silva avait pu compter sur une forte crois-

    sance pour uvrer une amlioration progressive du niveau

    de vie de la population. Or M

    me

    Rousseff, lue en 2010 sous

    le signe de la continuit, arrive dans une conjoncture inter-

    nationale bien plus dfavorable. Outre un taux de crois-

    sance nettement plus faible (0,9 % en 2012, contre 7,5 %

    en 2010), le Brsil connat une dsindustrialisation

    prcoce (1) . Les exportations de produits de base

    augmentent, mais celles de produits manufacturs sont en

    forte baisse. La sixime puissance conomique mondiale

    se trouve confronte plusieurs ds : impulser, malgr la

    concurrence chinoise, une croissance reposant davantage

    sur le secteur manufacturier, tout en sauvegardant les

    programmes sociaux de la dcennie prcdente, qui

    soutiennent la demande intrieure et assurent au PT sa

    confortable assise lectorale.

    Pour remdier aux premiers signes de dfaillance du

    modle mis en place par Lula (lire larticle indit sur notre

    site), la prsidente brsilienne a opt pour ce que lhebdo-

    madaire Veja dcrit comme un choc capitaliste : des priva-

    tisations qui mettraient le Brsil en harmonie avec la loi de

    la gravitation universelle (15 aot 2012). Ce programme,

    dun montant total de 66 milliards de dollars, prvoit lattri-

    bution de concessions pour la construction de ports, dauto-

    routes, de voies ferres, ainsi que la vente daroports.

    M

    me

    Rousseff avait pourtant dnonc les privatisations lors

    de la campagne prsidentielle de 2010.

    De son ct, la prsidente met laccent sur son souhait

    de privilgier la production industrielle et la construction,

    au dtriment de la spculation : baisse des taux dintrt,

    rduction des prix de llectricit, exemptions scales,

    taxation des capitaux court terme, rgle de la prfrence

    nationale pour protger lindustrie en augmentant les droits

    de douane sur de nombreux produits imports...

    Certaines de ces mesures, qualies de protection-

    nistes par Washington, ne dplaisent pas aux organisa-

    tions de salaris. Le gouvernement favorise limplantation

    (1) Vencio de Lima, Mdia. Teoria e poltica,

    Fundao Perseu Abramo, So Paulo, 2001.

    (2) Alcir Henrique da Costa, Maria Rita Kehl et

    Inim Ferreira Simes, Um pas no ar, Brasiliense,

    So Paulo, 1986.

    4

    COMMENT LA CHANE GLOBO A CONSTRUIT

    Les telenovelas , miroir

    lavnement de la dmocratie. En 1996, O

    rei do gado ( Le roi du troupeau), de

    Benedito Ruy Barbosa, lgie la rforme

    agraire, donne une visibilit indite au

    Mouvement des sans-terre (MST).

    Cela fait trente-cinq ans que je

    travaille pour Globo, je suis lauteur de

    dix-sept novelas, et on ne ma jamais dit

    ce que je devais faire. Jai toujours t

    totalement libre , tmoigne Silvio de

    Abreu, lun des principaux auteurs de la

    chane. Pour Maria Carmem Jacob de

    Souza Romano, professeure de commu-

    nication lUniversit fdrale de Bahia,

    les grands auteurs ont un pouvoir de

    ngociation, bien sr. Ils font preuve de

    bon sens et ne peuvent transformer la

    novela en brlot social, mais ils ont la

    possibilit daborder les thmes qui leur

    sont chers, si le succs est au rendez-vous.

    A partir du centre de Rio, il faut une

    bonne heure de voiture, quand la circu-

    lation est fluide, pour se rendre au Projac,

    lusine rves monte par Globo Jacare-

    pagu, dans la partie ouest de la ville.

    Plus dun million et demi de mtres carrs,

    dont 70 % de fort, permettent la chane

    de concentrer, depuis 1995, les tapes de

    la production dune telenovela. Avant,

    les tournages taient clats sur plusieurs

    studios dans toute la ville. Les concentrer

    permet une norme conomie de temps

    et dargent , explique M

    me

    Iracema

    Paternostro, responsable des relations

    publiques, en montrant une maquette des

    installations.

    Une voiture est ncessaire pour en faire

    le tour. Ici, un btiment regroupe les

    quipes de recherche charges de compiler

    les archives et les tudes de march. Un

    peu plus loin, les costumes sont dessins,

    JUILLET 2013 LE MONDE diplomatique

    * Journaliste.

    dAgadir ou Le pont des soupirs. En

    1968, Beto Rockfeller marque une

    rupture. Pour la premire fois, le hros vit

    So Paulo. Il travaille chez un cordonnier,

    dans une artre populaire de la mgalopole,

    mais se prtend millionnaire une autre

    adresse. Avec un vocabulaire de tous les

    jours, des rfrences aux bonheurs et aux

    difficults dun Brsil urbain, dautant

    mieux rendus que certaines scnes sont

    filmes en extrieur, la novela change de

    visage. Dsormais, elle incorporera les

    questions sociales et politiques qui

    travaillent le Brsil, alors quau Mexique

    ou en Argentine on en reste aux drames

    de famille, explique Maria Immacolata

    Vassallo de Lopes, qui coordonne le Centre

    dtudes de la telenovela lUniversit de

    So Paulo (USP).

    Puis apparat TV Globo, qui sempare

    du format. A tel point que, selon Bosco

    Brasil, un ex-auteur de la maison, quand

    on dit novela brsilienne, on pense

    novela de Globo. Ne en 1965, un an

    aprs le coup dEtat militaire, la chane

    est dabord le fruit du gnie politique de

    Roberto Marinho, hritier dun journal

    important, le Globo, mais sans influence

    nationale. Il comprend combien il est strat-

    gique pour la junte de raliser lintgration

    du territoire. Alors que, pour Juscelino

    Kubitschek (1956-1961), celle-ci passait

    par le tissage dun rseau routier, les

    militaires, au pouvoir de 1964 1985,

    feront le pari des mdias. Et, dans ce

    domaine, Globo sera une pice centrale :

    Dun point de vue conomique, elle a

    jou un rle essentiel dans lintgration

    dun pays aux dimensions continentales,

    travers la formation dun march de

    consommateurs. Dun point de vue

    politique, sa programmation a port un

    message national doptimisme li au

    dveloppement, crucial pour soutenir et

    lgitimer lhgmonie du rgime autori-

    taire (1) , analyse Vencio de Lima,

    chercheur en communication lUniversit

    nationale de Braslia.

    Promues sous la dictature (1964-1985) dans loptique de souder

    ce pays-continent, les telenovelas brsiliennes ont volu.

    Suivies par lensemble de la population, elles tendent unmiroir

    une socit en plein bouleversement. Or la transformation

    rcente du gant sud-amricain ne saurait se rsumer sa

    devise, Ordre et progrs , comme le rvlent les rcentes

    manifestations dans les grandes villes du pays.

    Beaucoup dauteurs venus du thtre

    AVEC le temps, la chane a cr un

    rpertoire commun, une communaut

    nationale imaginaire, explique Vassallo

    de Lopes. En 2011, 59,4millions de foyers,

    soit 96,9 % du total, ont la tlvision, et

    chaque Brsilien consomme en moyenne

    sept cents heures de programmes de Globo

    chaque anne. Alors que le gaucho (habi-

    tant de lextrme sud du pays), plus proche

    des Argentins dans son mode de vie, na

    pas grand-chose voir avec un pcheur

    dAmazonie ou une agricultrice du

    Nordeste, tous partagent dsormais le rve

    de connatre Rio, principal dcor des feuil-

    letons de Globo, ou de porter la chemise

    blanche et la ceinture dore de Carminha.

    Lidentification est dautant plus facile que

    la frontire entre fiction et ralit est floue.

    Lorsque les Brsiliens ftent Nol, leurs

    hros sur le petit cran font de mme. Lef-

    fondrement, rel, dun immeuble Rio de

    Janeiro en janvier 2012 est comment par

    les personnages de Fine figure les jours

    suivants. Et quand, au cours dun pisode,

    on enterre un lu fictif, de vritables

    hommes politiques acceptent de se faire

    filmer autour de son cercueil.

    Jeunes et vieux, riches et pauvres,

    analphabtes et intellectuels : tous doivent

    pouvoir se contempler dans cemiroir. Selon

    la psychanalyste Maria Rita Kehl, ces

    images uniques qui parcourent un pays

    aussi divis que le Brsil contribuent le

    transformer en une parodie de nation dont

    la population, unie non pas en tant que

    peuple, mais en tant que public, parle le

    mme langage (2).

    Lindniable bienveillance des militaires

    nexplique pas seule comment Globo a pu

    imposer cette syntaxe.Aux heures de plus

    grande audience, la chane russit la

    prouesse de diffuser ses propres produc-

    tions; en France, dans ces tranches horaires,

    ce sont souvent les sries amricaines qui

    triomphent. Tout cela repose sur un

    vritable talent artistique et technique, qui

    sest concentr sur la novela , insiste

    Mauro Alencar, professeur de tldrama-

    turgie brsilienne et latino-amricaine

    lUSP. Lorsquil dcide de faire de la novela

    le cur de sa chane, Marinho embauche

    tour de bras. Paradoxalement, la dictature

    lui facilite la tche, puisque la censure

    interdit de bons auteurs de thtre,

    souvent de gauche, de monter leurs pices.

    Cest ainsi que des crivains tels que Dias

    Gomes, Brulio Pedroso ou JorgeAndrade

    se retrouvent travailler pour le docteur

    Marinho et pour la tlvision, quils mpri-

    saient auparavant.

    Contre toute attente, ces grands noms se

    voient offrir une vritable libert par les

    dirigeants de la chane, qui acceptent de

    tenir tte aux censeurs. Globo avait dj

    tourn trente-six chapitres de Roque

    Santeiro, deDiasGomes, lorsque la novela

    fut interdite de diffusion. Elle connatra un

    succs retentissant lorsquelle sera tourne

    nouveau, dix ans plus tard, en 1985, aprs

    MARIA LYNCH. Certo dia (Un jour), 2013

    * Charge de cours lInstitut des hautes tudes dAmrique latine, Paris.

    Du jamais-vu depuis au moins vingt ans :

    des manifestations ont rassembl plusieurs

    centaines de milliers de Brsiliens travers

    le pays. A un an de la prsidentielle de 2014,

    leurs revendications bousculent le Parti

    des travailleurs, au pouvoir depuis 2003.

    (1) Pierre Salama, Les Economies mergentes latino-amricaines. Entre

    cigales et fourmis,Armand Colin, Paris, 2012.

    IL ny aura personne ! Lquipe de

    campagne de M. Fernando Haddad, alors

    dans la course pour la mairie de So Paulo,

    tait catgorique : la prsidente Dilma

    Rousseff ne pouvait srieusement songer

    tenir son meeting de soutien au candidat

    du Parti des travailleurs (PT) ce vendredi

    19 octobre 2012, pile lheure o serait

    diffus le dernier pisode dAvenida

    Brasil , la telenovela sensation de la

    chane Globo. Ce soir-l, des dizaines de

    millions de Brsiliens assisteraient laf-

    frontement final entre les deux hrones,

    Nina et Carminha, afin de savoir qui a tu

    Max. Convaincue, la prsidente a repouss

    le rassemblement au lendemain.

    Avenida Brasil a marqu le retour des

    grand-messes runissant la majorit des

    familles devant le petit cran. Une gageure

    quand on se souvient que la telenovela

    brsilienne, la novela, comme on prfre

    lappeler ici, a ft ses 60 ans en 2012.

    Lorsque surgit la tlvision au Brsil, les

    soap operas amricains ont dj conquis

    Cuba, via Miami. Et cest naturellement

    vers les auteurs de lle effrays par la

    rvolution que se tournent les chanes,

    commencer par la pionnire, TV Tupi.

    Le droit de natre , diffus en 1964, est

    ainsi une adaptation de la production radio-

    phonique ponyme qui inonda les ondes

    de lle caribenne en 1946. Comme

    Cuba, le feuilleton a une fin, alors quaux

    Etats-Unis il peut stirer sur des

    dcennies. Pour la premire fois, la vie

    sarrte So Paulo et Rio pendant une

    demi-heure, plusieurs fois par semaine

    mais pas au mme moment. La novela

    nest pas encore quotidienne, et la trans-

    mission en rseau nexiste pas : peine

    lpisode diffus So Paulo, la pellicule

    est achemine par avion ou en voiture vers

    Rio (la capitale jusquen 1960).

    A lpoque, la trame est volontiers

    exotique, comme en tmoignent des titres

    tels que Le roi desTziganes, Le cheikh

    Un pays retrouve

    PAR NOTRE ENVOYE SPCIALE

    LAMIA OUALALOU *

    PAR JANETTE HABEL *

  • 5cousus et soigneusement conservs, pour

    tre utiliss lavenir. Puis on pntre dans

    un gigantesque atelier de menuiserie o

    sont labors les meubles et les dcors

    imagins quelques mtres de l : un salon

    du XIX

    e

    sicle, une rame de mtro le

    tout en pices dtaches, pour que lon

    puisse les monter en quelques heures, dans

    lun des quatre studios de mille mtres

    carrs o les novelas sont tournes tous

    les jours de lanne. Les pices seront

    ensuite dmontes et remises pour des

    tournages futurs, ou dtruites pour tre

    recycles.

    A lest du territoire se trouve la cit

    cinmatographique, avec quelques quipe-

    ments permanents, comme une curieuse

    glise disposant dune triple faade, lune

    baroque, lautre italienne, la troisime

    portugaise. On a toujours besoin dune

    glise , samuse M

    me

    Paternostro, en

    rfrence lincontournable mariage de

    lpisode final. Derrire, ce sont de

    vritables pans de ville qui sont rigs pour

    neuf mois, la dure moyenne dune novela.

    La moiti de laction de Salve Jorge,

    diffus dbut 2013, se droulant enTurquie,

    la direction artistique a reconstitu un petit

    Istanbul, en sattachant aux moindres

    dtails : une affiche arrache, un livre

    tomb dune bibliothque, une thire tradi-

    tionnelle. Pourmonter ce dcor, desmilliers

    de photos ont t prises sur place, et une

    cargaison dobjets typiques rapporte

    Rio. Des quipes ont galement film des

    heures durant la vie de tous les jours, les

    vendeurs la sauvette, le flux des voitures.

    Lors du montage, les images, toujours

    en grand angle, sinsrent dans les scnes

    tournes dans la cit cinmatographique.

    Lillusion fonctionne merveille. Et le

    procd ne concerne pas seulement les

    destinations lointaines : aux cts du petit

    Istanbul, un ddale de rues recre, sur mille

    huit cents mtres carrs, lAlemo, lune

    des plus grandes favelas de Rio de Janeiro.

    L encore, on sy croirait. Globo a mme

    embauch M

    me

    Adriana Souza, une

    vendeuse dempadas, des chaussons

    fourrs la viande ou aux crevettes, pour

    vendre ses produits dans le dcor en carton-

    pte comme elle le fait dans sa favela.

    raction du public est soigneusement

    ausculte, que ce soit travers des enqutes

    ou sur les rseaux sociaux. La novela est

    une uvre ouverte, explique M. Flvio

    Rocha, lun des directeurs de Globo. Un

    couple peut paratre peu convaincant aux

    yeux du public et disparatre, alors quun

    personnage qui tait secondaire peut

    devenir central sil rencontre davantage

    de succs. Lauteur sadapte.

    Le discours sur luvre ouverte est un

    mythe cultiv par Globo. Car, avant de

    laisser divaguer leur imagination, les auteurs

    sont pris de penser aux cots de

    production : idalement, les scnes qui

    auront lieu dans un salon doivent tre crites

    lavance, pour tre tournes dans la foule,

    avant la destruction du dcor et son rempla-

    cement par un autre dans le studio. Les

    acteurs enchanent ainsi au cours dumme

    aprs-midi le tournage de scnes des

    pisodes 8, 22, 24 et 42. Seuls ceux qui ont

    lhabitude de ce type de tournage

    parviennent se retrouver dans lintrigue.

    Travailler avec une star est un casse-tte

    pour lauteur : certains acteurs font stipuler

    dans leur contrat quils ne vont au Projac que

    le mardi et le jeudi, ou exigent une fortune

    pour bousculer leur emploi du temps. Ils

    veulent galement concentrer leurs scnes

    dans la mme journe. Cest pour cette

    raison, par exemple, que les grands person-

    nages ne divorcent jamais : cela pourrait

    les contraindre sortir de leur maison, qui

    constitue leur dcor principal, et tourner

    dans une multitude dautres, samuse un

    auteur sous couvert danonymat. Lcriture

    doit tre simple, suffisamment rptitive

    pour que le spectateur puisse renouer avec

    le cours de lhistoire aprs avoir rat certains

    pisodes. Mais les personnages nen sont

    pas moins complexes, et la narration qui

    renvoie souvent un riche patrimoine litt-

    raire assez labore pour hanter la socit

    des annes aprs la diffusion.

    Il faut de surcrot toucher toutes les

    classes sociales : Cest limpratif de la

    novela, comme celui du journal tlvis

    de Globo. Et pourtant, crire pour tous

    est en apparence un contre-sens. Rares

    sont ceux qui y parviennent , souligne

    Bosco Brasil. Etre auteur de novela nest

    pas donn tout le monde : Entre 1989

    et 2004, vingt-cinq novelas ont t diffuses

    lhoraire noble, et elles taient signes

    par seulement six auteurs, en alternance,

    confirme Souza Romano. Le salaire des

    membres de ce petit club dpasse souvent

    les 100000 euros par mois.

    Une fortune pour les uns, mais une

    somme ngligeable au regard de ce que

    rapporte ce produit artistique et commercial.

    On estime quune publicit de trente

    secondes durant la novela de lhoraire noble

    cote autour de 350000 reals (environ

    115000 euros). Et pour le dernier acte

    dAvenida Brasil, le prix a doubl. Ce

    soir-l, lpisode durait soixante-dixminutes,

    prs de deux heures avec la publicit. Entre

    les spots rgionaux et nationaux, cinq cents

    espaces ont t vendus.

    Le miroir de la modernit fonctionne

    dautant mieux quil intgre un discours

    pdagogique sur les grandes causes

    endosses par la chane. Des tudes de la

    Banque interamricaine de dveloppement

    (BID) estiment que les novelas ont jou

    un rle dans la forte rduction du nombre

    de naissances le taux de fertilit a chut

    de 60 % depuis les annes 1970 et dans

    le quintuplement des divorces (3). La

    leucmie de Camila, personnage de Liens

    de famille, diffuse en 2000, a provoqu

    une explosion des dons dorganes.

    Certaines novelas ont galement

    beaucoup aid lacceptation de lhomo-

    sexualit , ajoute Silvio de Abreu,

    rappelant que Globo dispose dun dpar-

    tement charg de suggrer des thmes de

    socit.

    Souvent politiquement correcte, lvo-

    cation des dbats de socit constitue une

    marque de la novela brsilienne. Pour

    Globo, pice centrale des Organisations

    Globo, le premier conglomrat mdiatique

    dAmrique latine, contrl par la seule

    famille Marinho, cest aussi une faon

    de se donner une bonne image, celle dune

    chane prive proccupe par une mission

    de service public, estime Souza Romano.

    De son ct,Alencar veut croire que lan-

    cienne devise de Globo, A gente se v

    por aqui ( Ici, on retrouve sa propre

    vie), et lactuelle, A gente se liga em

    voc (Nous sommes branchs sur

    vous ), ne sont pas seulement des

    slogans publicitaires : elles dmontrent

    lintense relation didentification du public

    et lintrt de la chane pour les grands

    thmes nationaux.

    Maintenir cette relation nest pas simple.

    Dune part parce que si Globo reste la reine

    inconteste de la novela les autres chanes

    se bornant copier son modle de

    production sans se donner les moyens de

    le mettre en uvre , elle souffre de la

    concurrence dInternet et du dsintrt

    dune partie de la jeunesse. Jusquaux

    annes 1970, les scores moyens daudience

    des novelas dpassaient souvent 60 %.

    Aujourdhui, capter lintrt de 40 % des

    foyers reprsente une russite. En 2012,

    laudience totale de Globo a atteint le

    niveau le plus bas de lhistoire, avec une

    chute de 10 % qui a certes frapp toutes

    les chanes. Le problme, cest quon

    regarde la novela sur son ordinateur, sur

    son tlphone, et nous ne disposons encore

    daucun instrument de mesure pour ces

    supports, plaide Alencar.

    De fait, contre toute attente, la chute de

    laudience na pas impliqu de rduction

    des bnfices : les novelas rapportent plus

    que jamais. Dans les agences de publicit,

    on reconnat que cest en partie le rsultat

    dune certaine inertie. Comme pour la

    presse crite, il est plus simple de pousser

    les annonceurs concentrer leur budget

    sur quelques titres, sans prendre en compte

    leur impact moindre. Et cette illusion est

    alimente par le fait que la novela a

    contamin tous les espaces : des dizaines

    de revues lui sont consacres, les rseaux

    sociaux entretiennent le suspense, sans

    parler des spcialistes en tout genre invits

    parler du phnomne dans dautres

    missions de la chane, mais aussi dans

    les colonnes du journalOGlobo, ainsi que

    sur les radios et les autres chanes lies au

    groupe une synergie encore peu tudie

    dans les universits. On parle et on entend

    parler de plus en plus de la novela, sans

    ncessairement la voir, constate Brasil.

    Dautant que la socit brsilienne a

    profondment chang au cours des dix

    dernires annes, avec la sortie de la

    pauvret de prs de cinquante millions de

    personnes, arrives sur le march de la

    consommation de masse, et une rduction

    sensible des ingalits. Ce sont des foyers

    dont le pouvoir dachat a considrablement

    augment. Il devient donc plus intressant

    dinvestir en publicit, pointe Alencar.

    LE MONDE diplomatique JUILLET 2013

    UNE COMMUNAUT NATIONALE IMAGINAIRE

    de la socit brsilienne

    Toucher toutes les classes sociales

    LE secret de la russite de Globo, cest

    sa capacit industrialiser toutes les

    tapes de la cration, pour parvenir

    diffuser tous les jours au moins trois

    novelas, chacune comptant entre cent

    quarante et cent quatre-vingts pisodes

    dune quarantaine de minutes, et durant

    six neuf mois. A chaque horaire son

    ambiance, selon un modle immuable

    depuis 1968 : la novela de 18 heures

    aborde un thme lger ; celle de 19 heures

    est souvent comique ; les questions

    sociales et les drames sont rservs celle

    de 21 heures, lhoraire noble. Quant

    la narration, elle reprend souvent les

    recettes typiques du mlodrame, tournant

    autour de la question de la famille, de

    lidentit et de la vengeance.

    Produire une novela cote cher : autour

    de 200000 dollars par pisode, selon les

    estimations de Vassallo de Lopes. Une

    forte tendance de ces dernires annes est

    le remake des grands succs du pass,

    explique Nilson Xavier, auteur dAlma-

    naque de telenovela brasileira (Panda

    Books, 2007). Un choix imbcile aux

    yeux de Gilberto Braga, lun des auteurs

    les plus courtiss de Globo. Pour lui, il

    nexiste pas de recette.

    Une fois sa proposition adopte, lauteur

    sentoure dune poigne dassistants, qui

    criront une partie des dialogues et des

    scnes un rythme forcen. Quelque trente

    pisodes sont tourns avant le lancement.

    Ds les premiers jours de la diffusion, la

    Des hrones femmes de mnage

    CEST dailleurs lune des raisons de

    lnorme succs dAvenida Brasil , qui

    doit son nom la voie rapide reliant les

    quartiers priphriques du nord la zone

    sud de Rio de Janeiro, riche et touristique.

    Ce qui a t dcisif nest pas tant lintrigue

    une jeune femme leve sur une

    dcharge municipale entend se venger

    davoir t abandonne par sa belle-mre

    devenue riche que lapparition dun

    nouveau type de protagoniste. Les tradi-

    tionnelles scnes sur les plages dIpanema

    ou de Copacabana, les quartiers les plus

    hupps de Rio, ont t remplaces par une

    plonge dans un quartier fictif, le Divino,

    typique de la petite classe moyenne de la

    zone nord de la ville. Ce nest pas la

    premire fois que les pauvres sont repr-

    sents ; mais, gnralement, leur seul rve,

    qui se ralisait lors du happy end, tait

    daccder au Rio riche et distingu. Pas

    dans Avenida Brasil : Jorge Tufo, le

    hros, devenu millionnaire grce au foot-

    ball, reste dans le quartier de son enfance.

    On y parle haut et fort, et on ne sait pas

    utiliser ses couverts correctement, mais il

    sy plat. Enorme succs auprs de ce que

    le gouvernement semploie dcrire

    comme une classe moyenne mergente

    (en ralit davantage une frange pauvre

    de la population active), qui se voit pour

    la premire fois reprsente, comme

    auprs des plus riches, qui ont ainsi accs

    un monde inconnu.

    Ce cocktail de fiert chez les uns et de

    curiosit chez les autres explique galement

    le retentissement de Pleines de charmes

    (2012), dont les hrones sont trois femmes

    de mnage : du jamais-vu. Jusqualors,

    ctait un personnage secondaire, et souvent

    caricatural : la femme de mnage qui se

    mle de tout dans la vie de sa patronne,

    sans existence propre, explique Xavier.

    Entre la hausse du salaire minimum, pass

    de 70 240 euros entre 2002 et 2013, et

    laugmentation du niveau dducation la

    proportion de jeunes gs de 19 ans ayant

    t scolariss pendant au moins onze ans

    est passe de 25,7 % en 2001 45 % en

    2011 , le rapport de forces a commenc

    changer dans la socit, poussant les

    auteurs, FilipeMiguez et Izabel deOliveira,

    imaginer ce scnario. Auparavant, la

    femme de mnage napparaissait qu

    travers sa fonction. Nous avons dcid de

    la suivre dans sa vie, dans sa maison, dans

    la rue, dans ses rves, raconte Miguez.

    L encore, la performance est davoir russi

    ne pas braquer les plus riches, aux ides

    fort peu progressistes, comme la constat

    lauteur : Nous avons fait un sondage qui

    posait des questions du type : Est-il

    appropri quune domestique monte dans

    le mme ascenseur que vous ?, et la

    majorit a rpondu non.

    Alors que, dans les bureaux du Projac,

    ils sont nombreux plancher sur les trans-

    formations conomiques et technologiques

    qui bouleversent le pays, deAbreu se veut

    philosophe : Quon la regarde sur Internet

    ou sur un tlphone, pour moi, cela ne

    changera rien : je devrai toujours me lever

    tt et crire jusqu minuit, pour produire

    un chapitre par jour.

    LAMIA OUALALOU.

    des entreprises trangres sur le territoire national en privi-

    lgiant la main-duvre locale. Le tawanais Foxconn (2)

    compte ainsi huit units de production sur le territoire, qui

    fabriquent dj des iPhone 4, et bientt des iPod et des iPad.

    Il a bnci dimportantes rductions scales et de prts

    subventionns pour sinstaller. Aprs linstauration de

    nouveaux impts sur les importations de voiture, Land

    Rover et BMW ont dcid douvrir des usines au Brsil.

    Nanmoins, le programme de M

    me

    Rousseff ne sarrte

    pas l. Il faudrait galement sattaquer au cot du travail

    () et un taux dimposition trop lev, concde-t-elle

    ses interlocuteurs du Financial Times (3 octobre 2012). Une

    feuille de route inspire par de grands entrepreneurs. Jusqu

    maintenant, le PT comptait toutefois sur un autre soutien :

    celui des deux grandes centrales syndicales, la Centrale

    unique des travailleurs (CUT) et Force syndicale (Fora

    Sindical). Et, comme le suggrent les rcentes manifesta-

    tions, les appuis populaires du gouvernement seffritent

    ANCIEN prsident de la CUT, M. Artur Henrique a toujours

    soutenu le gouvernement. Mais il dplore que le PT, aprs

    plus dune dcennie au pouvoir, nait pas encore rvis

    les politiques nolibrales qui, sous lgide de lex-prsident

    Fernando Henrique Cardoso [1995-2002], ont dmantel

    les relations de travail . De son ct, M. Valter Pomar,

    membre du bureau national du PT, observe : Certes, nous

    avons enregistr de trs bons rsultats en termes dam-

    lioration du niveau de vie de la population. Nous avons

    dop les salaires pour stimuler la consommation, ce qui

    favorise les logiques de march : on gagne plus pour

    payer plus cher des coles prives. Cette stratgie ne

    concourt pas au dveloppement de services publics forts,

    ni la conscience politique de limportance des services

    proposs par lEtat.

    La prsidence Lula avait t marque par labsence de

    mobilisations populaires. M

    me

    Roussef ne bncie pas dun

    contexte social aussi favorable, et son intransigeance pourrait

    tre un handicap supplmentaire.

    En 2012, face la plus grande grve de fonctionnaires

    en une dcennie, elle na pas cd aux revendications. Aprs

    cent sept jours de conit ininterrompu, elle a russi imposer

    son plan de rajustement des salaires : les syndicats

    exigeaient des hausses de 40 50 % et une revalorisation

    des carrires; ce sera 15,8% chelonns sur trois ans, alors

    que lination avoisinait 6% en 2012. Seule concession :

    louverture de ngociations pour le paiement des jours de

    grve. A linverse, trois corps de larme brsilienne ont

    obtenu une augmentation de leur solde de 30 %.

    Mcontentes, quatre des cinq centrales les plus impor-

    tantes du pays dont certaines proches de la droite ,

    Force syndicale, Nouvelle Centrale, lUnion gnrale des

    travailleurs (UGT) et la Centrale des travailleurs et travail-

    leuses du Brsil (CTB), ont sign un texte trs critique.

    Absente lors de la runion, la CUT sy est nalement rallie.

    Ensemble, les syndicats ont organis unemarche de protes-

    tation le 6 mars dernier Braslia.

    M

    me

    Rousseff est-elle en train de remettre en cause le

    contrat social tabli avec eux depuis 2003? Lemouvement

    ouvrier brsilien, qui avait jou un rle central dans le

    processus de dmocratisation et dans la rdaction de la

    Constitution de 1988, se trouvera-t-il de ce fait marginalis?

    Lors des prsidences de M. Lula, de nombreux dirigeants

    politiques et syndicaux ont bnci dune promotion qui a

    favoris la formation dune nouvelle bureaucratie publique

    dfendant le consensus social. M

    me

    Rousseff pourrait changer

    de stratgie en cherchant consolider son autorit auprs

    dautres groupes, plus rceptifs aux exigences de ce que

    lintellectuel Luiz Carlos Bresser-Pereira dcrit comme un

    Etat dveloppementiste social.

    La prsidente entend construire un Brsil des classes

    moyennes, quelle value cent cinq millions dindividus.

    Une analyse rfute par lconomiste Paulo Kliass, qui

    dnonce la tromperie consistant persuader les pauvres

    quils font partie des classes moyennes (3) . Et un mirage

    contredit par les milliers de personnes qui ont manifest

    au cri de Nous voulons un autre Brsil ! pour exiger moins

    de corruption, plus de sant et dducation au lieu dinves-

    tissements somptuaires dans des stades.

    JANETTE HABEL.

    (3) Eliana La Ferrara, Alberto Chong et Suzanne

    Duryea, Soap operas and fertility : Evidence from

    Brazil , et Alberto Chong et Eliana La Ferrara,

    Television and divorce : Evidence from Brazilian

    novelas, Banque interamricaine de dveloppement,

    Washington, DC, respectivement 2008 et 2009.

    A lire sur notre site :

    Du Parti des travailleurs

    au parti de Lula, par Douglas Estevam

    www.monde-diplomatique.fr/49302

    (2) Lire Jordan Pouille, En Chine, la vie selon Apple, Le Monde diplo-

    matique, juin 2012.

    (3) Nova classe mdia e velha enganao, Brasil de Fato, So Paulo,

    27 septembre 2012.

    le chemin de la rue

  • JUILLET 2013 LE MONDE diplomatique

    6

    * Journalistes.

    de Budapest sinscrit nanmoins dans une tendance

    rgionale. Hongrie, Pologne, Rpublique tchque et

    Slovaquie, les quatre pays qui forment le groupe de

    Visegrd, ou V4 (lire lencadr ci-dessous), font du

    nuclaire une composante essentielle de leur politique

    nergtique et un outil dmancipation face aux

    importations dhydrocarbures russes.

    Cette inclination remonte la coopration des

    rgimes de lancien bloc socialiste. Ds 1958, la

    dfunte Tchcoslovaquie avait commenc la

    construction de son premier racteur, de type expri-

    mental KS150/A-1, Jaslovsk Bohunice (2). Mis

    en service pour la plupart dans les annes 1980,

    quatorze racteurs, tous du type VVER eau pressu-

    rise, dinspiration sovitique, sont aujourdhui en

    service dans cinq centrales : Paks en Hongrie,

    Jaslovsk Bohunice et Mochovce en Slovaquie

    (quatre racteurs produisant 54 % de llectricit du

    pays), Dukovany et Temeln en Rpublique

    tchque (six racteurs et 33 % de la production

    dlectricit). Comme pour lunit n 1 de Paks, les

    autorits envisagent de prolonger pour une dure

    importante lactivit de la plupart de ces racteurs.

    Et projettent dinstaller des capacits supplmen-

    taires, comme les deux VVER-440 /V-213 de

    Mochovce, qui doivent tre mis en service dici la

    n 2014. Deux nouvelles units devraient galement

    tre ajoutes Temeln, une Dukovany et deux

    Jaslovsk Bohunice.

    La Rpublique populaire de Pologne avait tard

    entreprendre la construction dune premire centrale

    Zarnowiec, sur les bords de la mer Baltique.

    Limpact de lexplosion du racteur n 4 de Tcher-

    nobyl, en avril 1986, de mme que les changements

    politiques et conomiques de la n des annes 1980

    avaient eu raison du projet. La construction a t

    stoppe en dcembre 1990, et les quipements

    destins la centrale ont t revendus. Ce fut une

    aubaine pour Paks, qui a pu acqurir une cuve de

    racteur prix modique, cone M. Dohczki avec

    un sourire. Lexcutif polonais, qui semploie depuis

    plusieurs annes diversier sa production dlec-

    tricit, actuellement dpendante 86,5 % du

    charbon, a lanc un programme de dveloppement

    de lnergie nuclaire qui prvoit lachvement de

    deux centrales lhorizon 2025.

    Le groupe de Visegrd sappuie sur un soutien

    traditionnellement fort des populations. Enmars 2010,

    lEurobaromtre sur les Europens et la sret

    nuclaire rvlait que 86 % des rpondants en

    Rpublique tchque, 76 % en Slovaquie et en

    Hongrie et 70 % en Pologne se prononaient pour

    le maintien ou laugmentation de la part du nuclaire

    dans le bouquet nergtique. Aucune tude

    comparative na t mene grande chelle depuis

    Fukushima, de peur quelle ne rvle un dsaveu

    signicatif. Mais prs de deux ans aprs, je constate

    quil ny a pas eu de fort mouvement dopposition,

    admet, non sans amertume, M. Jakub Patocka,

    ancien dirigeant du Strana Zelench, le parti

    vert tchque.

    Aucun parti cologiste ne sige dans les Parle-

    ments nationaux des V4, hormis les huit dputs du

    parti hongrois Une autre politique est possible (Lehet

    Ms a Politika, LMP) (3). Cette situation nous place

    en porte--faux par rapport nos voisins autrichiens,

    qui ont refus par rfrendum le recours au nuclaire

    ds 1978, et surtout par rapport aux Allemands et

    leur Energiewende [tournant nergtique], constate

    M. Patocka. En juin 2011, le gouvernement de

    M

    me

    Angela Merkel a en effet annonc la fermeture

    immdiate de huit des dix-sept racteurs allemands,

    et larrt progressif de lexploitation du nuclaire dici

    2022. Cette dcision historique remet en question,

    au moins sur un plan rhtorique, les perspectives de

    latome au sein de lUnion europenne, et explique

    en partie le rejet par les lecteurs lituaniens et bulgares

    de projets de construction de nouvelles centrales sur

    leurs territoires (4).

    En marge dune Europe en proie au doute, les

    V4 forment ainsi un nouveau bloc de latome, qui

    entend faire respecter ses orientations. La

    Slovaquie a d se rsoudre fermer deux de ses

    racteurs Jaslovsk Bohunice, car ctait lune

    des conditions de son adhsion lUnion

    europenne, rappelle M. Kristin Takc, conseiller

    spcial auprs du ministre de lconomie slovaque.

    Nos experts doutaient de la ncessit de cette

    fermeture. Et, consquence de la perte de ces deux

    racteurs, la Slovaquie est devenue importatrice

    nette dlectricit. Comme en Rpublique tchque,

    les projets dexpansion nuclaire slovaques sont

    motivs par un gain dindpendance nergtique,

    mais aussi par la perspective dexporter de llec-

    tricit vers les pays voisins. Sans ses capacits

    nuclaires, lAllemagne connatra bientt un besoin

    croissant dlectricit. Nous serons l pour lui en

    fournir , prsage M. Takc, trs rserv sur la

    politique de Berlin.

    Dautant que le tournant nergtique entrane

    des consquences notables dans la rgion. Le

    rseau de distribution allemand nest pas adapt

    aux fortes fluctuations de puissance dans le transit

    entre les grandes fermes oliennes du Nord et les

    centres industriels du Sud (5). Des perturbations

    trs inquitantes se rpercutent donc sur les rseaux

    polonais et tchque, critique M. Vclav Bartuska,

    porte-parole du gouvernement tchque pour

    lexpansion de la centrale de Temeln. Polonais et

    Tchques sefforcent dinstaller des transformateurs

    et des diviseurs de phase leurs frontires avec

    lAllemagne pour contenir ces flux instables et

    PAR NOS ENVOYS SPCIAUX

    HLNE B IENVENU

    ET SBASTIEN GOBERT *

    Mer de

    Norvge

    Manche

    Mer

    du Nord

    Mer

    Ege

    Mer

    Mditerrane

    Mer Noire

    Ocan

    Atlantique

    Lux.

    Suisse

    Tchernobyl

    Londres

    Dublin

    Madrid

    Athnes

    Chisinau

    Vienne

    Varsovie

    Berlin

    Rome

    Copenhague

    Helsinki

    Stockholm

    Kiev

    Moscou

    Minsk

    Paris

    Bucarest

    Ankara

    Soa

    Sources : Commissariat lnergie atomique et aux nergies alternatives (CEA), Elecnuc

    2012 ; World Nuclear Association ; RIA Novosti 2011 ; Atlas des dpts de csium 137

    en Europe aprs laccident de Tchernobyl, rapport EUR 16733, Bureau des publications

    de la Communaut europenne, Luxembourg, 1996.

    Royaume-

    Uni

    Irlande

    France

    Grce

    Croatie

    Bosnie-H.

    Bulgarie

    Turquie

    Hongrie

    Slovnie

    Moldavie

    Autriche

    Rp. tchque

    Slovaquie

    Pologne

    Italie

    Finlande

    Estonie

    Lettonie

    Lituanie

    Bilorussie

    Ukraine

    Russie

    Norvge

    Danemark

    Belgique

    Allemagne

    Pays-

    Bas

    Espagne

    Portugal

    Roumanie

    Kazakhstan

    Armnie

    Sude

    Albanie

    Macdoine

    Serbie

    Montngro

    Kosovo

    0

    500

    1 000 km

    LEurope, toujours surnuclarise

    Racteurs de conception europenne ou amricaine

    arrt en activit en construction ou en projet

    arrt

    Pays sans programme nuclaire

    en activit en construction ou en projet

    Racteurs de conception russe ou sovitique

    moins de 2

    de 2 10

    de 10 40

    de 40 185

    de 185 1 480

    Kilobecquerels (kBq)

    par mtre carr

    Donnes non

    disponibles

    Groupe de Visegrd

    Alors que lAllemagne conduit

    marche force son programme

    de sortie du nuclaire,

    ses voisins de lEst relancent

    la construction de racteurs.

    Pour la Hongrie, la Pologne,

    la Rpublique tchque

    et la Slovaquie, il sagit de

    conqurir leur indpendance

    nergtique par rapport au gaz

    russe. Mais Moscou vendrait

    volontiers des centrales

    ses anciens satellites

    DES PAYS SOUCIEUX DASSURER LEUR INDPENDANCE

    Naissance dun bloc de latome en Europe de lEst

    Une structure de soutien mutuel

    C

    EST en fvrier 1991, lors dun sommet entre la Hongrie, la Pologne et la Tchcoslovaquie dans

    la citadelle mdivale de Visegrd (Hongrie), quest n le groupe de Visegrd (V4).

    Initialement conu comme une structure de soutien mutuel pour lintgration europenne dune

    rgion frachement affranchie de la tutelle sovitique, le groupe a survcu ladhsion des quatre

    pays lOrganisation du trait de lAtlantique nord (OTAN) et lUnion europenne, pour voluer

    en un forum intergouvernemental. A dfaut dinstitutions permanentes, il dispose dune prsi-

    dence tournante annuelle, ainsi que du Fonds international de Visegrd. Dot de 7 millions

    deuros en 2012, celui-ci alloue des bourses dducation ainsi que des subventions artistiques

    et culturelles.

    La coopration des V4 concerne des domaines prcis, tels que lducation ou la dfense. En

    mars 2013, la cration dune force militaire dintervention forte de trois mille hommes, opration-

    nelle dici 2016, a t annonce. Il sagit dune initiative conjointe avec le triangle de Weimar,

    qui regroupe la France, lAllemagne et la Pologne. Les efforts de constitution dun espace nerg-

    tique rgional demeurent toutefois quasi nuls.

    H. B. ET S. G.

    LAllemagne,

    encombrant voisin

    antinuclaire

    MOUSTACHE soigne, regard fixe, M. Jnos

    Hajd affiche une satisfaction sincre. La centrale

    nuclaire est la meilleure chose qui nous soit jamais

    arrive. Au-dessus de son bureau, le maire de Paks

    a accroch le drapeau de sa ville, qui arbore le

    symbole argent de latome. Paks est une petite

    ville de dix-neuf mille cinq cents habitants, mais les

    salaires y sont plus levs que la moyenne nationale,

    et nos infrastructures sont de meilleure qualit. On

    vient de tout le pays pour visiter la centrale. Cest

    notre fiert. Sur les bords du Danube, au centre

    de la Hongrie, le nuclaire ne semble pas faire dbat.

    M. Hajd, fervent promoteur de latome, en veut

    pour preuve sa rlection, en octobre 2010, pour

    un troisime mandat daffile. Le g