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Tous les matins du monde Le contexte religieux

Le Jansénisme & Tous les matins du monde

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Tous les matins du mondeLe contexte religieux

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le renouveau chrétien au XVII° siècle

• Suite au bouleversement de la Réforme

• restauration du catholicisme : dévotion et sainteté ➙ nouveaux ordres religieux

‣ St Vincent de Paul

‣ Compagnie du St Sacrement

‣ Compagnie de Jésus = Jésuites

‣ Jansénistes

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Jansénisme et catholicisme :une autre manière de vivre en accord avec la religion : catholiques ➾ vie de prière

plutôt libre

jansénistes :✦ beaucoup plus sévères ;✦ vivent retirés du monde ;✦ leur vie doit être la plus

austère et la plus pieuse possible.

Le Jansénisme est, à la base, une réflexion théologique centrée sur le problème de la grâce divine mais devient vite une force politique.

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Idée que l’homme est condamné à la misère s’il n’a pas la Foi.(importance accrue accordée au péché originel)

doctrine de la prédestination :La prédestination est la doctrine théologique selon laquelle  Dieu choisit d'aimer l'homme, de l'appeler avant son savoir, de le sauver avant ses mérites, de le maintenir dans la fidélité de cet appel et de ce  salut avant le terme de sa vie, de condenser ainsi dans un acte de libre amour ce qui se déroule dans la multiplicité variable du temps.

La prédestination caractérise Dieu non comme un être immobile et général, mais comme une personne active et élective. Elle protège l'homme contre l'autojustification et l'autoglorification.

Elle est certitude sans sécurité. Elle détache du souci de conquérir un salut humainement toujours incertain et elle engage l'homme dans une permanente réponse de gratitude, de tremblement et d'espérance.

La prédestination a toujours constitué un thème important mais difficile pour la théologie chrétienne, car elle paraît s'opposer brutalement à d'autres thèmes de la foi, tels que la liberté humaine.

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Pour Saint-Augustin : depuis le péché originel, la volonté de l'homme, laissée à ses seules forces, est incapable d’aucun bien ; sans

l’aide et le secours divin, il ne peut résister à la tentation d’où la notion de grâce divine

Pb : cette grâce, lorsqu’elle est envoyée, n'est cependant pas accordée de la même manière, ni indistinctement, à tous les hommes ; ➙ nécessité de se tenir en un état de sainte disposition et de prier sans savoir si adviendront -ou pas- les lumières salvatrices de la grâce

Saint-Cyran : « Le diable remplit

ce que Dieu ne remplit point.»

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La grâce divine est un don fait aux hommes par Dieu «  gratuitement  » (= sans que l’homme l’ait mérité). Le catholicisme prône, à l’inverse du Jansénisme, la miséricorde (=Dieu se montre indulgent et ne punit pas les hommes qui choisissent la confession ou une vie pieuse par exemple).

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Un lieu emblématique des jansénistes : Port-Royal-des-Champs.

Les Petites Écoles

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Personnages incarnant le jansénisme

• Sainte-Colombe

• Claude Lancelot (chap. 2)

• Madame de Pont-Carré

• Monsieur de Bures, précepteur des enfants (chap. 1)

mais aussile ton de la narration et l’intrigue font référence aux

moralistes classiques ; les personnages répondent par des maximes

grand pessimisme de ce courant

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Monsieur de Bures• « Un homme qui appartenait à la société qui

fréquentait Port-Royal » (page 10)

• « Elles vivaient dans la compagnie de Guignotte, de Monsieur de Pardoux, et de Monsieur de Bures » (page 19).

• « Elle ne communiait plus, sans quʼil y eut forcément lieu de voir en cela les influences de Monsieur de Bures » (page 99).

Il est également indiqué que Mr de Bures vit rue Saint-Dominique-d’Enfer où les Petites Ecoles de Port-Royal siègent pendant un certain temps avant de revenir à Port-Royal des Champs.

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Monsieur de la Petitièreconnu comme ayant été « la meilleure épée de

France » (épée est assimilée à la noblesse). « Il avait été lié à Monsieur de la Petitière qui avait

été garde du corps du Cardinal sʼétait fait depuis solitaire » (page 17).

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Lancelot

enseignant éminent de Port-Royal auteur de la Grammaire de Port-Royal, «  Sainte Colombe avait fait ses études en compagnie de Claude Lancelot et il le retrouvait quelquefois les jours où Madame de Pont-Carré recevait. »

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les peintres : Lubin Baugin...

nombreuses reproductions de ses oeuvres dans le filmChez Baugin, se trouve une vieille femme « qui porte

une ancienne coiffe en pointe », ➙ le terme ancien nous rappelle la fraise démodée de

Sainte Colombe qui montre le détachement des Solitaires avec la cour et sa mode.

...et Philippe de Champaigne« Monsieur de Sainte Colombe ne louait pas la

peinture que faisait alors Monsieur de Champaigne. Il la jugeait moins grave que triste et moins sobre que pauvre. » (page 17)

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Sainte Colombe est également invité à jouer pour les gens de Port-Royal

➙ « pour quʼil vînt jouer pour la mort dʼun des leurs ou pour les Ténèbres » (p. 76).

(= nom donné aux matines et aux laudes des trois derniers jours-saints : jeudi, vendredi, samedi). rappel des offices : matines, laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies

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p. 76 « Les Messieurs de Port-Royal étaient en fuite. Ceux-ci avaient eu le projet dʼacheter une île en Amérique et de sʼy établir comme les Puritains persécutés lʼavaient fait. Monsieur de Sainte Colombe avait conservé des liens dʼamitié avec Monsieur de Bures. »

p. 89, « Lʼannée où on ouvrit les charniers de Port-Royal – lʼannée où le roi exigea par écrit quʼon rasât les murs, quʼon exhumât les corps de Messieurs Hamon et Racine et quʼon les donnât aux chiens ».

p. 90, «  cʼétait lors de la grande persécution de juin 1679 ».

Autres évocations dans le roman :

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Nous sommes au moment du passage d’une civilisation où la religion imprègne toutes les réalités de la vie, situation du Moyen âge, à une situation, qui est la nôtre aujourd’hui où la religion est devenue presque une affaire privée. Le monde vécu comme une réalité transcendante devient, à l’époque de Galilée et de Descartes, c’est-à-dire dans le siècle de Port-Royal, un monde qui a perdu sa transcendance, désenchanté, objectivé dans son fonctionnement par la découverte de lois scientifiques. Le Dieu qui régissait le cosmos se replie sur les âmes, sur l’intériorité et il n’est pas étonnant que l’on redécouvre Saint-Augustin qui avait mis en avant cette dimension.

C’est l’époque de la naissance d’un individualisme qui est encore le nôtre : si le monde paysan, majoritaire en nombre, vit encore un christianisme traditionnel qui l’encadre culturellement et socialement, par contre dans les villes, les marchands et les élites instruites en général commencent à faire de la religion une affaire intérieure où l’on se soucie de savoir si l’on est, ou non, en accord avec la volonté divine, si, pour reprendre le vocabulaire traditionnel on est « sauvé ». C’est la question du salut, posée d’abord par la Réforme protestante, puis reprise à l’occasion du Concile de Trente par la Réforme catholique, question que l’on essaiera en vain de sortir de la contradiction entre la toute-puissance de Dieu qui sait tout et donc le destin de chacun, et la liberté humaine qui n’existe plus si Dieu, dans sa prescience, l’a destiné à être ou à n’être pas sauvé. Pour sortir de cette impasse théorique, Rome essaiera d’imposer le silence sur cette question effectivement insoluble, mais en vain.

Texte de Philippe Cibois, janvier 2011 - «Un ex-voto au Louvre»

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Si la religion se réduit à savoir si on est vraiment en accord avec la volonté de Dieu, on comprend que cette recherche ait trouvé des solutions diverses, soit du côté calviniste en considérant la réussite professionnelle comme un signe du bon accomplissement de la volonté divine ; soit du côté des jésuites en évitant de mettre la barre du salut trop haut et en tenant compte de la faiblesse des masses ; soit du côté janséniste en exigeant le don total de sa personne à Dieu, l’héroïsme devenant l’exigence de tout croyant véritable.

Si chaque individu est l’objet d’un « décret divin » le concernant, chaque individu peut prendre de l’importance : il doit avoir une stratégie pour gagner son salut et, si son plan de carrière se laïcise peu à peu, la démarche reste la même, il s’agit d’exister aux yeux d’un Autre, puis des autres. Comme la réussite ne se comptabilise plus seulement en réussite (la proximité de Dieu, le paradis en langage traditionnel) ou en échec (son éloignement, l’enfer), des degrés vont s’imposer dont la réussite sociale et professionnelle deviendra le critère. Nous y sommes encore aujourd’hui.