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Le capital-risque aux Etats-Unis Structure et évolution du système 1959-2001 Bernard PAULRE MATISSE – ISYS UMR Paris 1 – C.N.R.S. n° 8595 Université Paris 1 Panthéon Sorbonne Paris, décembre 2003 Recherche effectuée dans le cade d’une convention avec CDC Institut

Le Capital-risque Aux Etats-Unis 1959-2001

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Dans cette étude nous mettons à mal l’image banale du capital-risque présenté comme réservé au financement de sociétés très jeunes ou en cours de création dans des secteursde pointe. Nous approfondissons également sa dimension industrielle. Nous mettons en évidence les trajectoires de certains secteurs et soulignons les enchaînements de cyclestechnologiques qui caractérisent la dynamique de longue période du système. La répartition des investissements en capital-risque entre secteurs de haute technologie les autres secteurs est également approfondie.L’étude comprend trois chapitres. Dans le premier nous rendons compte de la structure du système à partir de certains ratios et de l’évolution de quelques grandeurs agrégées. Nous analysons plus particulièrement les caractéristiques de l’activité des acteurs du système : les investisseurs, les Fonds, les sociétés de capital-risque et les compagnies bénéficiaires. Nous insistons sur les difficultés méthodologiques d’appréciation de ces caractéristiques.Dans le second chapitre nous mettons en perspective le fonctionnement du système de capital-risque en soulignant son rôle comme système de gestion de l’incertitude. Nousapprofondissons certains aspects de son fonctionnement qui illustrent cette dimension ainsi que les interfaces entre ce système et la sphère industrielle. Nous soulignons la montée en puissance des sorties par acquisition alors que l’on évoque le plus souvent les sorties par introduction en bourse. Nous fournissons quelques arguments statistiques tendant à montrer que le comportement des groupes industriels, lorsqu’ils investissent en capital-risque, est analogue à celui des Fonds privés indépendants. Dans le troisième et dernier chapitre, nous abordons le système de capital-risque sous l’angle de la dynamique longue et des fluctuations.

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  • Le capital-risque aux Etats-Unis

    Structure et volution du systme

    1959-2001

    Bernard PAULRE

    MATISSE ISYS UMR Paris 1 C.N.R.S. n 8595

    Universit Paris 1 Panthon Sorbonne

    Paris, dcembre 2003

    Recherche effectue dans le cade dune convention avec CDC Institut

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    Table des matires

    Remerciements ......................................................................................................................................5 Rsum..................................................................................................................................................7 Avertissement........................................................................................................................................9

    Introduction : Position des problmes ................................................................ 11

    Le capital-risque comme objet dtude .................................................................................................11

    Le capital-investissement (Private equity) aux Etats-Unis dans les annes quatre-vingt dix et la place du capital-risque...............................................................18

    Annexe 1 : Caractristiques de la base Venture Expert ........................................................................25 Annexe 2 : Rapprochement des valuations de quelques agrgats relatifs au capital-investissement ...........................................................................................................................26 Annexe 3 : Le cycle du capital-investissement .....................................................................................30

    Chapitre 1 : Le systme de capital risque et sa structure Problmes mthodologiques et caractristiques. ........................................ ....... 31

    Section 1 - La notion de capital-risque et ses incidences sur les valuations statistiques. Questions de dfinition et de mesure ....................................... ..........32

    Section 2- Les acteurs et les oprations du systme..............................................................................49

    Chapitre 2 - Le systme de capital-risque comme systme de gestion de lincertitude. Mise en perspective. Fonctionnement et comportements internes au systme..................................... 91

    Section 1 Le systme de capital-risque comme systme de gestion de lincertitude. Orientations de recherche........................................................................................................... ..........92

    Section 2 Incertitude stratgique et rgulation des comportements ........................................ ..........95

    Section 3 Les sorties...........................................................................................................................102

    Section 4 L'investissement en capital-risque d'origine industrielle dbouche-t-il sur des comportements spcifiques ? ....................................................................................................120

    Annexes au chapitre 2 ...........................................................................................................................133

    Chapitre 3 - Lvolution du capital-risque aux Etats-Unis ......................... ....... 153

    Section 1 - Approche quantitative et priodisation ...............................................................................154

    Section 2 - Approche vnementielle....................................................................................................159

    Section 3 Les facteurs de dveloppement du capital-risque...............................................................166

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    Section 4 - Approche sectorielle ...........................................................................................................172

    Annexe au rapport : La Haute Technologie. Dfinition et approche statistique............................................................................................................. 179

    Elments bibliographiques .................................................................................. 185

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    Remerciements

    La recherche lorigine de ce rapport sinscrit dans le cadre dun contrat liant, pour I.SY.S. M.A.T.I.S.S.E. (U.M.R. de lUniversit Paris I - C.N.R.S. n 8595), le C.N.R.S. et lInstitut C.D.C. de la Caisse des Dpts et Consignations.

    Nous remercions plus particulirement Isabelle Laudier, responsable de lInstitut CDC pour la Recherche, de nous avoir permis de raliser cette tude. Nous avons apprci notamment sa patience et lattention quelle a porte notre travail.

    Nous remercions galement Albert Ollivier, Directeur des PME et de lInnovation (CDC), Prsident de CDC PME, et Patrick Artus, Directeur Economique de la Caisse des Dpts IXIS, de nous avoir apport leur soutien.

    Nous avons bnfici des observations et des suggestions de M. Pascal Lagarde et de Melle Isabelle Bebear, de la Direction des PME et de l'Innovation (CDC). Nous les en remercions.

    Cette recherche naurait pas pu tre entreprise et mene bien sans laccs aux bases de donnes de la socit Thomson Financial Data. Nous sommes reconnaissants pour leur aide et leurs conseils David Sanchez, Alexis Biancospino et Alexandre Diallo du bureau parisien de cette socit.

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    Rsum

    Sur une priode longue de trente annes, lvolution du capital-risque aux Etats-Unis est caractrise par une monte en puissance progressive marque par quelques cycles mineurs et dbouchant sur un cycle dune amplitude relative considrable entre 1995 et 2001. A partir des donnes primaires tires de la base de donnes Venture Expert et de traitements originaux, nous apportons des lments dinformation quantifis sur lvolution du systme de capital-risque aux Etats-Unis et, notamment, sur certains aspects de sa structure : place de lintervention des groupes, types de fonds, places relatives du capital-risque et du capital-transmission, structure sectorielle des investissements, dlais sparant les diffrents tours de table, nature et caractristiques des sorties etc.

    Un certain nombre de rgles et de normes ont jou un rle important dans le franchissement dtapes significatives du dveloppement du systme de capital-risque. Des vnements exognes galement (taxation des gains en capitaux, rgles prudentielles des Fonds de pension notamment). Ces lments ont eu vraisemblablement un rle plus important que lvolution conjoncturelle. Cest parce que le systme tait en place et bien structur ds le dbut des annes quatre-vingt quil a pu occuper la place qui a t la sienne durant les annes quatre-vingt dix. Dans une perspective dynamique et historique nous fournissons les lments permettant de justifier la thse selon laquelle le systme capital-risque est un systme dont lmergence traduit un phnomne dauto-organisation.

    Dans cette tude nous mettons mal limage banale du capital-risque prsent comme rserv au financement de socits trs jeunes ou en cours de cration dans des secteurs de pointe. Nous approfondissons galement sa dimension industrielle. Nous mettons en vidence les trajectoires de certains secteurs et soulignons les enchanements de cycles technologiques qui caractrisent la dynamique de longue priode du systme. La rpartition des investissements en capital-risque entre secteurs de haute technologie les autres secteurs est galement approfondie.

    Ltude comprend trois chapitres. Dans le premier nous rendons compte de la structure du systme partir de certains ratios et de lvolution de quelques grandeurs agrges. Nous analysons plus particulirement les caractristiques de lactivit des acteurs du systme : les investisseurs, les Fonds, les socits de capital-risque et les compagnies bnficiaires. Nous insistons sur les difficults mthodologiques dapprciation de ces caractristiques. Dans le second chapitre nous mettons en perspective le fonctionnement du systme de capital-risque en soulignant son rle comme systme de gestion de lincertitude. Nous approfondissons certains aspects de son fonctionnement qui illustrent cette dimension ainsi que les interfaces entre ce systme et la sphre industrielle. Nous soulignons la monte en puissance des sorties par acquisition alors que lon voque le plus souvent les sorties par introduction en bourse. Nous fournissons quelques arguments statistiques tendant montrer que le comportement des groupes industriels, lorsquils investissent en capital-risque, est analogue celui des Fonds privs indpendants. Dans le troisime et dernier chapitre, nous abordons le systme de capital-risque sous langle de la dynamique longue et des fluctuations.

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    Avertissement

    Ltude du capital risque aux Etats Unis est intressante et instructive pour un ensemble de raisons assez varies que nous voquons dans lintroduction ce document.

    Lune de ces raisons, rarement sinon jamais voque notre connaissance, au moins dans les milieux acadmiques, tient au dveloppement de ce quon appelle le capital-investissement, cest--dire le financement en capitaux propres de socits non cotes. Cest le capital-risque qui fut la premire manifestation dune activit de capital-investissement organise. Et pendant une dizaine dannes le capital-investissement se confond, pour sa partie organise ou professionnelle, avec le capital-risque. Puis arriva le capital-transmission (buyout) qui, certaines annes, en vint reprsenter plus de 50 % du capital-investissement.

    Aujourdhui celui-ci occupe une place trs importante aux Etats Unis. En 2000 il reprsentait 140 milliards dinvestissement. Grandeur que lon peut, pour situer lordre de grandeur, rapprocher du total des crdits la consommation (134,7 milliards en 2000 1) et qui reprsente un peu moins du tiers de lensemble des prts aux petites entreprises qui slevait 437 milliards de dollars en 2000 2.

    Lun des objectifs de la recherche lorigine de ce document est de produire une vision statistique assez prcise du dveloppement et des caractristiques du capital-investissement et du capital-risque amricain. Cet objectif est justifi par le fait que nous avons accs lune des bases de donnes parmi les plus performantes sur ces questions, savoir celle distribue par la socit Thomson Financial Data Securities (base Venture Expert).

    Nous pouvons ainsi prsenter dans ce rapport une vision densemble du systme du capital-risque nord amricain et faire tat dinformations chiffres qui exploitent au mieux la base de donne utilise. Celle-ci renfermerait la quasi-totalit des oprations de ce type ralises aux Etats-Unis. Ce qui nest pas le cas pour les oprations effectues hors Etats-Unis 3.

    Bien entendu, malgr la prsentation de chiffres apparemment prcis, il convient dinterprter une partie des informations fournies comme des ordres de grandeur. Mais on peut considrer que les ratios et les rapprochements, brefs tous les ratios de structure ou dvolution doivent tre assez fidles dune ralit pour laquelle nous ne disposons videmment daucun lment de recoupement ou de comparaison mis part, videmment, quelques autres bases de donnes concurrentes.

    1 Cf. Flow of Funds Accounts of the United States, 1995-2000

    2 On considre par convention que le prt aux petites entreprises (micro-business loans) est approxim par

    lensemble des prts dun montant infrieur 1 million de dollars. 3 Voici ce quannonce la socit Thomson Financial dans lune des brochures de prsentation de la base

    Venture Expert : Nous avons suffisamment dinformations sur les investissements en capital-risque pour que lon puisse faire tat de linvestissement total aux Etats-Unis. Lactivit du reste du monde est seulement disponible au mieux .

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    La base de donnes Venture Expert fournit par ailleurs des informations sur deux lments importants du systme de capital risque : dune part les sorties des socits de capital risque et, notamment, les sorties par introduction en bourse, cest--dire, dans le jargon des spcialistes les I.P.O. (Initial Public Offering), et les sorties par acquisition ; dautre part les performances, en terme de rentabilit, des investissements effectus.

    La plupart des chiffres et tableaux prsents dans ce rapport rsultent de la compilation des donnes primaires fournies par la base de donnes. Ces compilations ont toutes t effectues par lauteur de ltude. Nous nous dispenserons dsormais de rappeler lorigine des chiffres dont il va tre fait tat.

    Signalons une caractristique importante de la base de donnes : elle est actualise en temps rel cest--dire en permanence. Cette actualisation intervient videmment le plus pour les oprations rcentes. Mais il nest pas rare de constater que des chiffres relativement anciens peuvent changer. Sauf arrter lhorloge , cest--dire travailler sur ltat de la base un instant donn, on est conduit travailler sur des chiffres fluctuants. Or, moins de stocker toute la base de donnes il est difficile de garantir lhomognit parfaite de tous les chiffres utiliss. Le lecteur ne devra donc pas stonner de constater certains dcalages entre des chiffres qui devraient normalement avoir la mme valeur. Nous avons fait le maximum pour viter cet inconvnient qui nest dailleurs pas totalement liminable 4.

    Lun des objectifs poursuivis en entreprenant cette recherche tait de mettre en relation les caractristiques et les performances des socits adosses du capital-risque avec les innovations ventuelles quelles avaient ralises. Le temps consacr la matrise et la comprhension de la base de donnes, joint au fait que cela nous a conduit soulever un certain nombre de problmes statistiques non prvus (et difficilement prvisibles tant que nous navions pas accs la base de donnes) nous a empch daller au bout de ce projet. Par ailleurs, le couplage, que nous avions projet, de la base de donnes Venture Expert avec une base de donnes sur les brevets, supposait des tests de faisabilit que nous navons pu entreprendre suffisamment tt. Cet objectif nest toutefois pas abandonn.

    Le prsent rapport sinscrit donc dans le cadre dun programme de recherche plus vaste qui porte sur lconomie de linnovation et qui se dveloppe au sein du laboratoire I.SY.S.-MATISSE (Innovation SYstmes Stratgies) de lUniversit Paris 1 (UMR C.N.R.S. n 919). Il prolonge au plan empirique la rflexion thorique dinspiration volutionniste de son auteur et, notamment, lanalyse en termes dauto-organisation 5. Il accompagne dautres tudes, passes ou en cours, sur le thme gnral de linnovation et de ses manifestations sur le plan industriel 6.

    4 Nous avons en effet le sentiment que toutes les parties de la base ne sont pas mises jour au mme

    moment. Si bien que les dcalages semblent invitables. Plus particulirement laccs la base sur le mode interactif (Venture Expert Web) et laccs sur le mode direct partir de requtes dinterrogation personnelles donnent souvent des valeurs diffrentes. Nous avons privilgi laccs partir de requtes qui permet de contrler prcisment la nature de linformation obtenue. 5 cf. B. Paulr, Lauto-organisation comme objet et comme stratgie de recherche. Lexemple de

    lconomie industrielle, Mlanges en lhonneur de Jacques LESOURNE, Dunod, 2000 et Evolutionnisme contemporain et auto-organisation, in numro spcial sur lEvolutionnisme contemporain en conomie, Economie Applique, n 3, 1997. 6 Notamment : B. Paulr et alii, Le rachat de start up dans la haute technologie : Electronique, Pharmacie,

    Biotechnologies, Ministre de lEconomie, des Finances et de lIndustrie, septembre 2002. http://www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/dossiers/sect/f4b_startup.htm

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    INTRODUCTION

    Position des problmes

    Le capital-risque comme objet dtude

    Les raisons de sintresser au capital-risque et, notamment, au capital-risque nord-amricain sont nombreuses. Certaines dentre elles sont de nature empirique. Elles se rfrent soit au rle quaurait jou le capital-risque dans la croissance amricaine des annes quatre-vingt dix, soit son importance quantitative. Dautres ont un caractre plus thorique et consistent sinterroger sur la nature des comportements ou des stratgies spcifiques qui ont cours dans ce qui peut tre prsent comme un compartiment relativement nouveau du systme financier nord-amricain.

    Dun point de vue empirique, la raison majeure tient sans doute au fait que depuis le dbut de annes quatre-vingt dix on est convaincu, encore plus quauparavant, du rle des nouvelles entreprises dans la croissance et, notamment, dans la cration nette demploi. Mme si lhypothse du rle essentiel des petites entreprises dans la cration demplois est contestable (Davis, Haltiwanger et Schuh, 1996 p.e.), elle demeure toujours la plus commune. Les rfrences en sa faveur sont extrmement nombreuses. Elles concernent aussi bien les Etats Unis (Davis et alii, 1996), que la Grande-Bretagne (Konings, 1995 ; Robson et Gallagher, 1994) ou, globalement, les pays de lO.C.D.E.

    Le rle des nouvelles entreprises dans la croissance peut tre justifi, entre autres raisons, par le fait que linnovation, qui est un facteur important de la croissance, est troitement dpendante de lexistence dun secteur entrepreneurial dynamique. Le discours rcent sur la Nouvelle Economie (New Economy) intgre gnralement lide que les jeunes entreprises innovantes (les start ups 7), ont jou un rle dterminant dans lvolution industrielle et la croissance des Etats-Unis dans les annes quatre-vingt dix. Les succs de socits comme Genentech, Federal Express, Microsoft permettent dillustrer le propos, mais on peut avoir une ide un peu plus prcise des relations entre innovation, dveloppement des jeunes entreprises innovantes et performances macro-conomiques partir de quelques analyses trs rcentes.

    Une tude conduite par le W.E.F.A. (Wharton Econometric Forecasting Associates) pour le compte de la National Venture Capital Association des Etats Unis, dont les premiers rsultats ont t publis en mai 2001, montre que les entreprises nord amricaines soutenues dans le pass par le capital-risque sont lorigine de 4,3 millions de nouveaux emplois et reprsentent aujourdhui elles seules 3,3 % de lemploi total du pays (N.V.C.A., 2001). Elles ont gnr 736 milliards de dollars de chiffre daffaires et sont lorigine de 7,4 % du PNB en 2000. Certes, il est difficile de savoir ce qui se serait pass si le capital-risque navait pas t aussi dvelopp et quel anti-monde aurait vu le jour. Mais il est vraisemblable quune part non ngligeable des performances mesures est imputable au capital-risque et aux concours apports de jeunes entreprises innovatrices.

    Une recherche conomtrique sur linfluence du capital-risque dans le dpt de brevets propose une estimation quantitative de son rle (S. Kortum et J. Lerner). Selon cette tude,

    7 Nous utilisons ici (dans cette page) lexpression start up dans son sens vulgaire (jeune entreprise

    innovante) et non dans le sens technique et restreint quil a dans le contexte du capital-risque o il dsigne la seconde phase du dmarrage, cest--dire une phase caractrise par la mise en dveloppement du produit et le dmarrage du marketing (cf. plus loin).

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    portant sur vingt secteurs suivis sur trente ans, le capital-risque serait lorigine de 8 % des innovations apparues dans la dcennie 1982-1992. Compte tenu de la croissance du capital-risque depuis 1992 et si lon fait lhypothse que la propension relative innover des petites entreprises soutenues est reste identique, on peut supposer que le capital-risque est aujourdhui lorigine de 14 % des innovations

    La remise au premier plan de la figure de lentrepreneur via laccent mis sur les entreprises nouvelles voque videmment les thses du premier Schumpeter, celui de lEvolution conomique. La pense de celui-ci avait en effet connu un inflchissement dans les annes trente qui lavait conduit privilgier linnovation via les laboratoires des grandes entreprises et relativiser linnovation ralise loccasion de la cration dune entreprise nouvelle 8 . Cest dans son dernier ouvrage, Capitalisme, Socialisme et Dmocratie, que Schumpeter avait t amen sinquiter des risques de bureaucratisation de la recherche dans les grandes entreprises et y voir lun facteurs du dprissement futur du capitalisme.

    Or le dveloppement de linnovation dans les annes quatre-vingt dix aux Etats-Unis nous conduit formuler une autre conception des places relatives de la petite et de la grande entreprise dans le dveloppement technologique de lindustrie amricaine. Cette conception est celle dune complmentarit et dune sorte dhybridation des deux modles polaires initiaux. Si lon peut observer lexistence dun secteur entrepreneurial dynamique et prospre dbouchant sur la constitution dacteurs industriels de premier plan venant parfois supplanter les entreprises anciennes, on nassiste pas pour autant la disparition systmatique des leaders en place. Certains dentre eux parviennent en effet inscrire leur dveloppement dans les courses technologiques nouvelles et grer les mutations ncessaires pour renouveler leur potentiel de faon maintenir peu prs leur rang.

    Le renouveau technologique des groupes leaders en place ne se fait pas toujours grce leur potentiel de recherche et dinnovation propre mais repose fortement sur lacquisition de technologies nouvelles partir de fusions ou acquisitions, dalliances ou dachats de licences. Non seulement le rebond des groupes leaders menacs est possible mais, surtout, il se ralise entre autres manuvres, partir du rachat de jeunes entreprises dtenant ou contrlant des technologies cls ou des produits davenir. Ce phnomne est relativement nouveau. Il permet dobserver, au passage, que la critique du "non invent chez nous" (not invented here) nest plus dactualit, en principe du moins.

    Si ce type de manuvre contribue lintgration de technologies nouvelles par les groupes en place, il permet, surtout, de pratiquer un renouvellement rapide. On peut formuler lhypothse dune certaine substituabilit entre les dpenses ddies la R&D et les oprations dacquisitions de jeunes entreprises innovantes ou de moyennes entreprises rcentes.

    On notera au passage que ces manuvres dacquisition nont pas seulement un effet priv. Elles ont aussi, selon nous, un effet public ou collectif dans la mesure o la mise en uvre des innovations par des grands groupes permet des innovations de se dvelopper de faon plus saine, plus rapide et sans doute plus efficace que si elles devaient compter uniquement sur les forces des jeunes entreprises qui les ont produites. Ce gain collectif doit cependant tre relativis partir des situations concurrentielles qui prvalent (i)

    8 On utilise lexpression Schumpeter II pour dsigner cette deuxime phase de la pense de

    Schumpeter.

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    lorsque linnovation est ralis par un grand groupe et, (ii) si linnovation est assure par lentreprise mme qui est lorigine de celle-ci.

    Cette vision semble aller lencontre de la notion de destruction cratrice. Elle se heurte surtout une certaine interprtation, que nous jugeons radicale et excessive, de cette notion. Considrer que des entreprises et des secteurs nouveaux remplacent et vincent les entreprises et les secteurs anciens, que des activits nouvelles viennent simplement se substituer des activits anciennes est une interprtation manichenne. La ralit nous parat plus complexe, mlant adjonction dactivits et dentreprises nouvelles, renouvellement dactivits anciennes, mutations plus ou moins profondes dentreprises ou de secteurs anciens etc. Pour cette raison au moins, un point de vue volutionniste nous parat prfrable une vision privilgiant les ruptures et les substitutions sches .

    Cette mise en perspective nous conduit porter une attention particulire lintervention des groupes industriels dans le capital-risque (Corporate venturing). Car non seulement les grands groupes rachtent de jeunes entreprises dont la technologie semble prometteuse mais, de plus, ils interviennent frquemment par des investissements en capital-risque. Oprations quils ralisent en direct ou via des Fonds.

    Un autre aspect de lapproche Schumptrienne que lon retrouve dans les proccupations contemporaines centres sur les entreprises innovatrices nouvelles est celui de leur financement. Ltude des facteurs de linnovation conduit en effet tout naturellement sinterroger sur les facteurs dordre financier dont dpendent la cration et le dveloppement initial des entreprises nouvelles.

    On sait que les petites entreprises se heurtent des obstacles ou des contraintes spcifiques (cf. p.e. Petersen et Rajan, 1994). Leur endettement est plus souvent de court terme que de long terme. Sur un plan plus thorique, les cots dagence ou les imperfections du march financier peuvent ainsi expliquer un moindre recours au financement externe. Lon observe dailleurs une relation ngative entre lge des entreprise (ou leur profitabilit) et le levier financier. Cest une autre raison de sintresser au capital-risque. Non pas dans son aspect rel cest--dire dans sa capacit engendrer une offre industrielle nouvelle, mais dans son aspect proprement financier. Le capital-risque est en effet, en partie, une industrie financire. On peut considrer que cest lun des secteurs du systme financier national 9.

    Or ds que lon se concentre sur les aspects financiers et sur les caractristiques financires de fonctionnement de la Nouvelle Economie aux Etats-Unis dans les annes quatre-vingt dix, un phnomne original attire lattention : le formidable dveloppement de ce quon appelle aujourdhui couramment le capital-investissement, partie du systme financier centre sur le non cot, et dont relve le capital-risque. La monte en puissance du capital-investissement est lune des caractristiques importantes de la Nouvelle Economie, en dsignant simplement par l la priode de croissance particulire de lconomie U.S. entre 1995 et 2000. Elle mrite dautant plus dtre souligne que lon associe souvent Nouvelle Economie et dveloppement des marchs financiers. Or mme si cela peut paratre paradoxal, on doit constater, avec la monte du capital-investissement, le fort dveloppement dune finance que l'on peut considrer comme hors march . En 2000 les financements raliss par des Firmes U.S. de capital-investissement se sont levs presque 141 milliards de dollars.

    9 Nous prfrons toutefois le prsenter comme se situant lintersection du systme dinnovation et du

    systme financier (cf. chapitre 1, section 1).

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    Dun point de vue plus thorique ou acadmique, ltude du financement des jeunes entreprises innovantes par le capital-risque ou par le capital-investissement en gnral est intressant pour une toute autre raison. Le monde des PME et du capital-investissement est en effet, par opposition lunivers des Firmes cotes et du financement de march, un monde opaque cest--dire un monde o linformation est trs imparfaite, les asymtries importantes, et o lincertitude est leve. Ds lors, les comportements des acteurs doivent tenir compte de cette opacit informationnelle et sy adapter. On doit donc sattendre observer des comportements originaux, dune autre nature que ceux observables sur les marchs publics . Les petites entreprises voluent dans des marchs financiers trs imparfaits. Les aspects stratgiques des interactions entre les acteurs constituent une dimension dterminante de leurs comportements.

    Un autre enseignement que nous tirons de lmergence dun systme de capital-risque organis et performant consiste souligner lexistence dun nouveau march de la technologie qui largit le champ des stratgies technologiques accessibles aux Firmes et aux groupes. Ce nouveau march associe dune faon originale : dune part ceux que lon peut dsigner, de faon gnrique comme tant des concepteurs de technologies et/ou de produits nouveaux et, dautre part, ceux que lon appellera des dveloppeurs ou des exploitants 10 . Lacquisition de technologie prend, sur ce march, la forme de lacquisition, par un groupe existant (le dveloppeur), dune compagnie (jeune entreprise innovante, le concepteur) soutenue par des investisseurs en capital-risque. Ce march, o schange des titres et le contrle de nouvelles entreprises, est celui des sorties par fusions et acquisitions.

    Jusqu prsent, la notion de march de la technologie tait utilise peu prs exclusivement pour dsigner les transactions portant sur les licences dexploitation de brevets. Ce march particulier de la technologie nest dailleurs pas dorigine rcente. Daprs N. Lamoreaux et K. Sokoloff 11, il aurait en effet merg au cours du XIXime sicle. Cest, selon eux, la rforme du systme des brevets (le Patent Act de 1836) qui serait lorigine dune plus grande facilit dchange dinformations brevetes, cette facilit rsultant de lmergence, cette occasion, dun certain nombre dintermdiaires (Conseils en brevets, juristes) grce auxquels le march de la technologie a pu fonctionner de faon efficace. Mais il semble que ce march dchange des droits dexploitation des brevets a quasiment disparu aprs les annes vingt, avant de renatre au cours des deux dernires dcennies 12.

    Le nouveau compartiment du march de la technologie que constitue le march du contrle des jeunes entreprises innovantes est plus rcent. La premire transaction de ce type a lieu en 1978 et lanne 1988 est la premire anne au cours de laquelle un nombre significatif de rachats de jeunes entreprises innovantes par des groupes est signal (10 acquisitions). On peut considrer que lmergence et la structuration de ce march est un phnomne analogue celui de lmergence du march des licences au XIXime sicle. Il sagit en quelque sorte, plus dun sicle aprs, dune seconde tape dans la structuration dun march gnralis (mais compartiment) de la technologie.

    10 Nous faisons allusion ici aux termes introduits par F. Pammolli et M. Riccaboni (2000): Originators et

    Developers, mais dans un sens plus gnral puisque ces auteurs ne prennent en compte que les accords de licence. 11

    N. R Lamoreaux et K. L. Sokoloff, Inventive activity and the market for technology in the United States, 1840-1920, N.B.E.R., WP n 7107. 12

    A. Arora, A. Fosfuri et A. Gambardella, Markets for technology and their implications for Corporate Strategy, Industrial and Corporate Change, vol. 10, n 2, 2001.

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    On observera au passage quun autre type de march de la technologie sest dvelopp plus rcemment : il sagit du march de la recherche sur contrats. Selon le rapport de 1998 de la National Science Foundation, ce type de transaction saccrot de 43 % entre 1994 et 1995 aux Etats-Unis. Ce march est certes relativement ancien, mais ce nest qu partir du milieu des annes quatre-vingt dix quil joue un rle significatif, son taux de croissance devenant suprieur celui des dpenses de R&D internes. Si bien qu la fin des annes quatre-vingt dix les diverses formes possibles dacquisition externe de technologie semblent soumises une rgulation marchande, un march extensif de la technologie tant mis en place.

    Pour souligner limportance du capital-risque on peut aussi, quoique la comparaison soit limite en principe 13 , rapprocher le financement quil reprsente annuellement du montant des dpenses en R&D que finance lindustrie. En se fondant sur les donnes fournies par la NSF (National Science Foundation) on peut calculer le ratio entre les engagements annuels nouveaux en capital-risque et les dpenses de lindustrie consacres chaque anne la R&D, ces deux grandeurs tant prises ici en dollars courants. On constate que ce ratio, qui croit continment partir de 1991, dpasse les 10% en 1997 et atteint en 2000 la valeur de 52,6%. Autrement dit, et en simplifiant le propos, la situation observe en 2000 suggre que pour 2 dollars dpenss en R&D (donc pour innover), il y a 1 dollar dpens en capital-risque.

    Unit en ordonne : millions de dollars

    13 Les activits finances par le capital-risque ne peuvent pas toutes tres considres comme des

    innovations technologiques donc comme tant comparables, voire substituables des dpenses de R&D.

    0

    50 000

    100 000

    150 000

    200 000

    250 000

    300 000

    1980

    1981

    1982

    1983

    1984

    1985

    1986

    1987

    1988

    1989

    1990

    1991

    1992

    1993

    1994

    1995

    1996

    1997

    1998

    1999

    2000

    Dpenses totales de R&DDpenses totales de l'industrie finances par l'industrieEngagements nouveaux en capital-risque

  • 16

    Lassimilation des phnomnes de sortie par fusion et acquisitions un compartiment du march gnral de la technologie nest pas la seule manifestation dun processus de marchandisation de la technologie ayant son origine dans le dveloppement du capital-risque. Le processus amont de linnovation se trouve en effet organis, en fonction des principes de fonctionnement du systme de capital-risque, sur des bases contractuelles et quasiment marchande. Une fois institutionnalis et structur, le systme de capital risque peut tre abord comme le lieu o se rencontrent une offre et une demande de capitaux. Lchange est plus complexe toutefois car : (i) en fait dchange de capitaux il sagit surtout dchange de droits de proprit et de parts dans une activit entrepreneuriale et, (ii) il y a simultanment change de capitaux, apport de prestations et de conseil, et une implication patrimoniale. Il nen demeure pas moins que limage du march est de plus en plus applique au systme de capital-risque pour en caractriser la logique de fonctionnement.

    Nous ne discuterons pas ici du fait de savoir si la figure du march est la plus efficace pour rendre compte, au plan thorique et conceptuel, du fonctionnement du systme de capital-risque. Nous nous limiterons deux observations : (i) pour rendre compte, dans une perspective dynamique, de lmergence et de lvolution du systme, la figure du march se rvle limite ; lmergence de certains paramtres institutionnels jouant un rle dterminant dans la structuration des comportements et des changes ne sexplique pas sur la base de comportements marchands , do le recours une autre figure, ou un autre principe dinterprtation, celui de lauto-organisation ; (ii) si march il y a, il sagit ncessairement dun march particulier compte tenu du caractre qualitatif et complexe (multidimensionnel) des changes. Il nen demeure pas moins que lassimilation du systme de capital-risque un march est devenue relativement courante et qu certains gards elle peut fonctionner .

    Non constatons donc bien que, de plusieurs points de vue, empiriques aussi bien thoriques, rels que financiers, le capital-risque nord amricain mrite dtre prcisment tudi. Mais le sujet nest gure nouveau si lon en juge par le nombre dj lev dtudes qui lui ont dj t consacres. Cest dire que nous nentendons pas ici proposer une synthse supplmentaire venant sajouter aux tudes existantes. Dans le prolongement de lnonc de quelques unes des raisons qui justifient ltude du capital-risque, nous allons privilgier quelques aspects qui nous paraissent originaux :

    Part des engagements en capital-risque / dpenses en R&D de l'industrie finances par l'industrie

    0,00%

    10,00%

    20,00%

    30,00%

    40,00%

    50,00%

    60,00%

    1980

    1981

    1982

    1983

    1984

    1985

    1986

    1987

    1988

    1989

    1990

    1991

    1992

    1993

    1994

    1995

    1996

    1997

    1998

    1999

    2000

  • 17

    1- limportance et le rle du capital-investissement, 2- la mise en perspective du capital-risque dun double point de vue : dun point de vue statistique dabord ; du point de vue de lmergence de ses caractristiques principales ensuite, 3- lanalyse des sorties (exits), 4- lanalyse de la place des investissements en capital-risque effectus par des groupes industriels et de leur comportement dans ce domaine.

    Notre tude du capital-risque amricain repose sur une problmatique qui est la suivante : le capital-investissement, dont le capital-risque est llment le plus important, peut tre conu comme un systme cest--dire comme un ensemble dacteurs lis par certaines relations et interagissants partir de leurs comportements et en fonction de certaines contraintes. Ce systme napparat pas spontanment et immdiatement dot de la structure et de lorganisation la plus efficace ou, du moins, de celle que nous lui connaissons aujourdhui. En dautres termes, ce systme merge progressivement et sauto-organise . Par quels mcanismes, sous linfluence de quels facteurs et des dcisions de quels agents son organisation actuelle sest-elle mise en place et stabilise ? Telle est lune des questions que nous poserons. Cet aspect sera davantage voqu dans le second et le troisime chapitre de ce document.

    Le systme de capital-risque comme systme auto-organis

    Selon la premire dfinition connue de cette notion, on dit dun systme quil est auto-organisateur sil modifie sa structure de base en fonction de son exprience et de lenvironnement (M. C. Yovits, 1962). Plus explicitement, on caractrise les systmes auto-organiss en fonction de leur capacit faire merger des processus locaux une structure globale qui savre ainsi ni impose autoritairement par une instance suprieure, ni labore dlibrment par les lments de base (B. Walliser, 1989). Ces dfinitions sont discutables mais suffisent ici (B. Paulr, 2000).

    Le principe de lapplication dune approche auto-organisationnelle la dynamique institutionnelle des marchs a t pos initialement par J. Lesourne qui observe : Au cours de son histoire et en fonction de celle-ci, un march peut susciter la cration dintermdiaires, llaboration dopinions et de thories, la constitution de syndicats, la concentration de lappareil productif, la naissance de nouveaux produits, la formation de travailleurs plus qualifis, lmergence de nouveaux marchs. En dautres termes, linteraction entre les agents dans le cadre du march est susceptible dengendrer de manire endogne toute une gamme dinstitutions (ital. de J. L., J. Lesourne, 1991).

    Nous nous loignons de lanalyse dveloppe par J. Lesourne pour la raison que dans son approche il suppose quun march, fut-il simple, existe dj, et quil centre son attention sur ses volutions cest--dire ses transformations, lesquelles peuvent se manifester par la cration de nouveaux rles ou acteurs. Nous sommes plus attentifs lvolution qui fait que le systme, dun tat peu ou mal organis (au point quil peut paratre non pertinent dutiliser la figure du march pour en caractriser le fonctionnement), volue vers une structuration qui va permettre ses acteurs davoir des comportements plus rationnels et sengager dans des interactions dont la logique relve plus nettement de celle du march. En sengageant dans cette perspective nous sommes plus proche du type de problmatique dveloppe par D. North par exemple (1990). Mais nous nous en cartons sur un autre point, qui concerne le rle jou par les cots de transaction et de production dans lmergence des institutions.

    Notre approche est la suivante : la structure dun systme peut tre considre comme quasiment acheve lorsque, au terme dun certain nombre dinnovations institutionnelles (en un sens large), les acteurs peuvent inscrire leurs actions dans un cadre contractuel quils considrent comme

  • 18

    juste, suffisant et pertinent et dont ils acceptent les obligations quelles que soient les circonstances dans lesquelles ils se trouvent 14. Cela nimplique pas une notion dquilibre telle que lentendent les conomistes. Ainsi, comme lobserve O. Hart, les arrangements institutionnels sont conus pour allouer du pouvoir entre les agents (1995).

    Dans le cas du systme de capital-risque, linnovation institutionnelle que constitue le partenariat limit (Limited Partnership) est lun de ces lments institutionnels qui contribue en achever la structuration. Cest bien dun problme de pouvoir dont il sagit puisque cest partir de laffaire Fairchild, dans laquelle les inventeurs avaient t privs de leur capacit de garder un contrle partiel de lentreprise, quun nouveau type darrangement contractuel a t mis au point afin que les pouvoirs et les droits patrimoniaux des inventeurs et des investisseurs soient mieux rpartis.

    Lautre originalit que nous revendiquons est dordre statistique. Nous allons en effet proposer une analyse de lvolution du capital-risque nord-amricain qui sappuie, au plan quantitatif, sur la base de donnes la plus complte dont on puisse disposer sur le domaine : la base Venture Expert, commercialise par la socit Thomson Financial Securities Data. Nous suggrons au lecteur de cette note de prendre connaissance de lAnnexe 1 de la prsente introduction consacre la prsentation des caractristiques de cette base. Cela devrait lui permettre de mieux interprter les diverses informations chiffres dont allons faire tat, et dtre averti de certaines nuances.

    Le capital-investissement (Private equity) aux Etats Unis dans les annes quatre-vingt dix et la place du capital-risque

    Le capital-investissement rassemble les activits par lesquelles des investisseurs apportent des capitaux propres des entreprises non cotes en bourse. Il soppose donc au capital cot (public equity). Lappel au capital-investissement peut rpondre des besoins varis : dvelopper de nouveaux produits ou de nouvelles technologies, crer une entreprise, financer des acquisitions ou renforcer le bilan dune socit. Ce type de financement peut tre galement mobilis pour rsoudre des problmes de caractre patrimonial : permettre la ralisation dune succession dans le cas dentreprises familiales ou permettre une quipe de dirigeants, internes ou externes lentreprise, den prendre le contrle ou dacqurir une division (Buy in ou buy out).

    Lvaluation globale du financement fourni par le capital-investissement est dlicate pour la simple raison quune part significative en est ralise par des agents non institutionnels et/ou par des agents non soumis des obligations de publicit strictes sur ce type dactivit. Deux tentatives dvaluation globale du capital-investissement nord amricain sont disponibles.

    Dans une tude publie en 1995, des statisticiens de la Federal Reserve ont estim le niveau cumul des financements effectifs en capital-investissement jusquen 1994 100 milliards de dollars (G. W. Fenn et alii, p. 2). Ils soulignent la progression spectaculaire de ce march : Sur les quinze dernires annes, ce march du financement des entreprises a t celui dont la croissance a t la plus rapide devant les autres marchs comme le march public des titres, le march obligataire et le march de la dette prive. Aujourdhui le march du non cot reprsente grossirement un sixime du march des crdits des banques commerciales et du papier commercial en terme cumul. Dans les annes rcentes le capital lev par les partenaires a rejoint, et parfois dpass les fonds

    14 Il faudrait ici se rfrer la notion de structure oprationnelle telle quelle est prsente par J. Piaget.

  • 19

    levs loccasion des I.P.O. et les missions brutes des obligations publiques haut rendement (p. 1).

    Lvaluation prsente concerne uniquement ce quils appellent le march organis du capital-investissement cest--dire les investissements en fonds propres effectus par des gestionnaires professionnels. Ceux-ci sont les reprsentants des intermdiaires spcialiss ou des investisseurs institutionnels : Les gestionnaires de placements en fonds propres privs acquirent une part importante de la proprit et jouent un rle actif dans le contrle et lassistance des compagnies en portefeuille. Dans bon nombre de cas ils exercent un contrle quivalent celui exerc par les responsables appartenant aux compagnies, et mme suprieur (p. 2). Le montant cumul des investissements du capital-investissement organis est constitu, en 1994, selon les estimations des auteurs, 30 % par des investissements de type capital-risque, et 70 % par des investissements autres que de capital-risque.

    Selon Fenn et alii, , dans son acception largie, le capital-investissement rassemble, en plus de sa partie organise : (i) les investissements des anges des affaires (business angels), (ii) un march informel (informal capital-investissement market) et (iii) le march du capital-investissement de la rgle 144A suscit par un rglement de la S.E.C. autorisant certaines catgories dinvestisseurs institutionnels a dtenir et changer librement des titres privs (pp. 2-3).

    Dans une tude suscite par une interrogation dune autre nature, T. J. Moskowitz et A. Vissing-Jorgensen adoptent un point de vue que nous pouvons qualifier dintentionnellement exhaustif, du capital-investissement. Ils y incluent en effet la part du capital priv dtenu par les mnages. Le montant du capital-investissement investi dans des socits est estim par eux 6,9 trillions de dollars en 1998. Compte tenu dune valuation du capital dtenu par les mnages dans des actifs industriels autres que des socits (non corporate business) 5,3 trillions, le capital-investissement total serait, en 1998, de 12,2 trillions de dollars. Ces valuations sont des estimations aux prix du march et non des financements cumuls.

    Cette approche nous carte lgrement de notre propos mais est instructive car elle permet dapprcier les volutions relatives du capital-investissement et du capital cot (private et public equity). On observe en effet que sil continue tre suprieur au capital cot ( partir de lacception trs englobante retenue), le capital-investissement, pris ici dans son sens le plus large possible, progresse toutefois moins rapidement que celui-ci.

    Revenons la conception troite ou stricte du capital-investissement, la seule que nous retiendrons dornavant. Selon cette acception, le capital-investissement rassemble les quatre activits de financement suivantes :

    1- le capital-risque qui rassemble les activits de financement destines crer, assurer le dveloppement initial ou soutenir la croissance dune entreprise nouvelle, 2- le capital-transmission qui dsigne les investissements en fonds propres dans des entreprises ou des divisions confrontes de mauvaises performances, pour en permettre le rachat par un groupe de dirigeants, 3- Le financement en Mezzanine qui peut accompagner lun des financements prcdents et intervient plus tard, en particulier lorsque lentreprise sapprte tre introduite en bourse, 4- Dautres financements reprsentant un montant global assez mineur : Fonds de Fonds etc.

  • 20

    Source : T. J. Moskowitz et A. Vissing-Jorgensen Les pourcentages reprsentent les taux annuels de variation relative

    La question prliminaire que nous devons maintenant aborder porte sur les places respectives du capital-risque et du capital-transmission notamment dans le capital-investissement global. Pour cela nous pouvons nous reporter la base de donnes Thomson Financial Data. Nous avons dans un premier temps retenu comme critre les engagements effectus par les Fonds dinvestisseurs US, cest--dire les sommes que les investisseurs se sont engags investir. Ce qui donne une ide du niveau dactivit notionnel du capital-investissement et de ses diverses composantes. Chaque Fonds a en effet une spcialisation, ce qui signifie que ses investissements sont orients vers un type particulier de compagnie ou de situation. On distingue les Fonds qui investissent de faon privilgie en capital-risque, ceux qui investissent en capital-transmission puis les autres (Fonds mezzanine, Fonds de Fonds). Ces engagements sont associs lanne de cration du Fonds (cf. graphiques 1 et 2 plus bas)15.

    On constate que :

    1- le capital-investissement, calcul de cette faon, reprsente, en montant cumul des engagements annuels, depuis 1962 16, une somme de 1035,4 milliards de dollars. 2- sa croissance a t extraordinairement rapide jusquen 2000. Le flux annuel dengagements tait encore de 8,7 milliards en 1986. Le cap des 20 milliards est franchi en 1992. Celui des 30 milliards en 1994 (36,7 milliards) ; celui des 40 milliards en 1995 et des 80 en 1997 (88,7 milliards). On en tait 214 milliards en 2000. Le taux de croissance moyen annuel du flux dinvestissement sur 20 ans (1980-2000) est de 24,3 %. Sur les dix dernires annes, il est de 14,5 %. Certes, on a constat une baisse sensible en 2001 (de 43 %) ramenant le montant total des engagements 122,4 milliards. Le rythme actuel pour lanne 2002 laisse entrevoir, dans ltat actuel des informations, un dbit de 22 milliards environ, soit une baisse considrable, de prs de 82 % par rapport 2001. Ce qui nous ramne aux niveaux des annes 1992 ou 1993 (20 et 25,4 milliards respectivement). Il est clair que 2000 aura t lacm du dernier cycle du capital-investissement et, plus particulirement, du capital-risque (cf. troisime chapitre du rapport). 3- la croissance des engagements des Fonds orients vers le capital-risque sacclre partir de 1994, aprs un point bas atteint en 1991 (3,1 milliards). Les 10 milliards sont dpasss en 1995. Les 20 milliards en 1997 (22,6 milliards). En 2000 les engagements des Fonds de capital-risque slvent 103,8 milliards avant de retomber 39,5 milliards

    15 Nous soulignons : il ne faut pas confondre engagements et investissements. Les deux sont diffrents

    conceptuellement. Empiriquement, les investissements suivent les engagements dans le temps (entre 1 et 4 ans), et les investissements sont structurellement infrieurs aux engagements. 16

    Jusqu octobre 2002.

    trillions $ 1989 1992 1995 1998

    5,773 6,424 8,448 12,251

    11,3% 31,5% 45,0%

    2,075 2,829 4,436 8,523

    36,3% 56,8% 92,1%

    private

    equity (sens

    large)

    public equity

    Estim ation de la va leur de m arch

  • 21

    en 2001 puis atteindre, vraisemblablement, un montant de lordre de 6,6 milliards en 2002. Le montant cumul des engagements de ces Fonds depuis 1962 slve 372,3 milliards de dollars. 4- la part du capital-risque dans le capital-investissement a fortement diminu entre 1972 et 1987. Le capital-risque passe dune situation dexclusivit une priode dmergence puis de forte concurrence du capital-transmission. Aprs avoir atteint un minimum absolu en 1987 (19,1 % du total des engagements en capital-investissement), cette part slve, en 1990, 25,7 % et atteint 48,5 % en 2000. Si lon ne considre que lensemble [capital-risque + capital-transmission], le premier repasse devant le second en 1999, mais ds 2001 les engagements des Fonds de capital-transmission sont suprieurs ceux des Fonds de capital-risque. En 2002 la proportion est de 38,5 % c. 61,5 %.

    Lvolution de la rpartition du capital-investissement entre capital-risque et capital-transmission apprcie partir des engagements des Fonds US fait assez clairement ressortir quatre priodes (cf. graphique ci-aprs p. 13) : (i) la priode qui va de 1962 1972 caractrise par la prsence exclusive du capital-risque, (ii) la priode 1972-1987 marque par une dcroissance de la part du capital-risque, (iii) la priode 1987-1994 caractrise par des fluctuations faisant voluer la part du capital-risque dans une bande borne par les valeurs 32 % (31,95 % en 1989) et 20 % (20,8 % en 1994), (iv) la priode 1995-2002, constituant un cycle dont lacm se situe en 2000 (part du capital-risque : 48,5 %).

    Si lon retient comme critre dvaluation le montant des dbours effectus au profit de compagnies US, et non plus les engagements, nous obtenons pour le capital-investissement dans son ensemble un montant cumul de 510 milliards de dollars pour la priode 1962-oct. 2002, dont 91 milliards rien que pour la priode 1980-1994. On peut rapprocher ce dernier chiffre de lestimation avance par Fenn dans son rapport de 1995 (100 milliards). Le montant des dbours en capital-risque slve, en cumul jusqu ce jour, 335,6 milliards et, pour la priode 1980-1994, 46,1 milliards. Cette valuation est sensiblement diffrente de celle des statisticiens de la Fed puisque ceux-ci valuaient le cumul des dbours en capital-risque 30 milliards. En octobre 2002, sur les montants annuels cumuls depuis 1962, la part du capital-risque est de 34,2 % du total des dbours 17. Le rapport Fenn faisait tat en 1994, dun ratio de 30 %.

    On constate que le montant cumul des dbours depuis 1962 est sensiblement infrieur au montant cumul des engagements (510 milliards de dollars c. 1035 milliards). En ce qui concerne le capital-risque on observe des valeurs plus proches (335,6 milliards c. 372,3 milliards). Au del des carts rsultant des diffrences dinformations disponibles entre les deux sries, les valuations que nous venons de prsenter permettent de mettre en vidence la diffrence dvaluation assez sensible entre deux faons daborder quantitativement le niveau dactivit du capital-risque : dune part on peut retenir comme critre dvaluation le montant des engagements des Fonds US si bien que, dans ce cas, la rpartition entre capital-risque et capital-transmission porte sur la vocation affiche des Fonds ; dautre part on peut prendre comme critre le montant des dbours cest--dire les investissements effectifs dont ont bnfici des compagnies US, auquel cas le partage entre capital-risque et les autres types dinvestissement se fait en principe sur la base du stade de dveloppement de la compagnie soutenue ou de la situation et du problme dont linvestissement doit permettre la rsolution18.

    17 Nous avons cumul ici lensemble des dbours effectus au profit de compagnies US se trouvant, au

    moment du tour de table (round), dans lun des stades de dveloppement relevant du capital-risque. 18

    Nous reviendrons sur les critres de mesure du capital-risque au dbut du chapitre 1 ci-dessous.

  • 22

    Lcart vient en partie de ce que la fonction des financements supports par les Fonds peut tre en dcalage avec leur vocation reconnue 19. Si lon se rfre aux statistiques annuelles concernant les dbours, le creux de la part du capital-risque se situe en 1989 avec une part de 31,8 % des investissements totaux de capital-investissement. La mme anne, la part des engagements des Fonds en capital-risque est quasiment identique (31,9 %). Or, selon ce dernier critre, le creux est atteint en 1994 avec une part de capital-risque value 20,8 % (et se maintient dans une zone 25-32 %), alors que la part des dbours en capital-risque volue au mme moment dans une fourchette 42-60 % 20. Ce qui signifie, au niveau agrg, quune part importante du financement en capital-risque est assure par des Fonds dont la vocation affiche est de faire du capital-transmission. Un autre facteur explicatif tient au fait que, structurellement et de faon agrge, les investissements effectifs sont infrieurs aux engagements (cf. plus loin).

    Les acteurs du capital-investissement sont prsents sur les diffrents compartiments qui le composent. Ainsi, des Firmes de capital-risque interviennent aussi dans lautre grand compartiment du capital-investissement, le capital-transmission. Et inversement, des Firmes plutt spcialises dans le capital-transmission, interviennent galement dans le capital-risque. Bref, les compartiments du capital-investissement ne sont pas parfaitement tanches.

    Cette absence dtanchit nest pas la consquence dune pure contingence et dun comportement irrationnel des acteurs. En fait elle semble traduire, dans certaines circonstances, linclination des grants de Firmes pour les placements les moins risqus, ncessaires pour afficher une rentabilit susceptible dattirer de nouveaux apporteurs de capitaux 21. Or les placements les moins risqus, dans le domaine, sort ceux qui se situent le plus en aval. Le capital-transmission en fait partie. Dans dautres circonstances, plus favorables au capital-risque parce que le risque parat relativement moins important et/ou que la rentabilit espre est sensiblement plus leve, des glissements soprent en faveur de ce type dinvestissement. Dans le cadre de larbitrage rentabilit-risque classique, on doit sattendre, globalement, ce quen priode moins risque, et aux comportements stratgiques prs lis au statut des Firmes ou la rputation des grants, le capital-risque prenne le pas, et quen priode plus incertaine ou plus instable, linverse se produise.

    Dun point de vue pratique, cela prouve que lanalyse du capital-risque ne peut pas tre totalement spare de celle du capital-investissement. Dabord parce que, globalement, il en est la composante majeure et mme historiquement constitutive. Ensuite parce que les acteurs interviennent sur les divers compartiments du capital-investissement, en fonction des circonstances et dobjectifs stratgiques apprcier. Cest une particularit qui joue un rle dans la conception mme des mtiers lis au capital-investissement et leur segmentation. Cest le premier point que nous aborderons dans le premier chapitre du rapport. Enfin, on peut considrer que lensemble des activits relevant du capital-investissement obit des contraintes et des logiques communes issues du fait

    19 Lcart sexplique aussi par le fait que dans un cas nous privilgions la nationalit des compagnies

    bnficiaires et, dans lautre cas, la nationalit du fonds dinvestissement. 20

    Sur les montants cumuls nous observons galement une diffrence mais celle-ci est faible (34,1 % c. 36 %). Toutefois, il semble que ce faible cart global traduise une compensation entre une priode ou les carts taient importants dans un sens (1960-1980) et une priode o ils taient significatifs dans lautre (1987-1998). 21

    Soulignons que le secteur du capital-investissement, est, sur le plan professionnel, cest--dire du point de vue des grants des firmes de capital-risque, un secteur dans lequel la comparaison ou l'talonnage (benchmarking) sont trs prgnants.

  • 23

    quil sagit dactivits mal informes, pour lesquelles les acteurs doivent supporter des asymtries dinformation. Il sagit dactivits dailleurs peu rglementes, ce qui explique la fois le risque qui leur est attach, les opportunits de gain quelles suscitent et la varit des comportements concevables.

    Nous pouvons faire une seconde observation propos du partage entre capital-risque et capital-transmission. Le financement du capital-transmission (buyout ou buyin) est li aux restructurations et aux rorganisations dentreprises ou de groupes. Ce financement permet en effet des dirigeants dacqurir tout ou partie dune entreprise existante. Il favorise donc les satellisations (spin off), les cessions dactivits considres comme en dehors du cur de mtier (non core), la sortie de la cote et le passage au capital-investissement dentreprises ou de divisions publiques . Trs gnralement, il faut sattendre ce que le dveloppement des cessions suscites par le souci de rduction de la taille (downsizing) et les restructurations industrielles entrane un besoin de financement. Cet argument conduit penser que lvolution du capital-transmission (en tant quinvestissement effectif, et non les engagements) doit tre normalement corrle avec limportance des rorganisations et des restructurations dans les stratgies industrielles. Cest bien ce que lon observe en ce qui concerne les engagements pour la priode rcente. La part du capital-transmission dans les engagements totaux slve, entre 1999 et 2002 de 31 % 47,4 % 22 . Cette orientation nest pas visible dans lvolution des dbours puisque, aprs avoir diminu trs lgrement entre 2000 et 2001 (de 76,5 % 74,5 %), la part du capital-risque remonte 81 % en 2002 (sur les 9 premiers mois), quoique sur des montants gaux 1/3 de ceux de 2001.

    Finalement, le partage entre capital-risque et capital-transmission rsulte, au niveau global, de trois variables dterminantes : (i) du niveau de risque peru, li la conjoncture ainsi qu limportance des bouleversements technologiques en cours, sans doute diffrents selon les secteurs ; (ii) de limportance des manuvres de rorganisation, galement variable selon les secteurs et, (iii) des comportements stratgiques des apporteurs de capitaux (Fonds) et des grants des Firmes.

    22 Mais elle slevait dj presque 51 % en 1998 et aux alentours de 60 % entre 1992 et 1995.

    0

    20000

    40000

    60000

    80000

    100000

    120000

    1960

    1962

    1964

    1966

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    1970

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    2002

    0,00%

    10,00%

    20,00%

    30,00%

    40,00%

    50,00%

    60,00%

    70,00%

    80,00%

    90,00%

    100,00%

    Engagements des fonds orients vers le capital-risque Part dans les engagements totaux annuels

  • 24

    Unit en ordonne : millions de dollars

    La dernire observation que nous voulons faire en introduction notre rapport concerne la varit des sources dinformation disponibles et, plus prcisment, la diversit des valuations chiffres fournies par ces sources. Pour ne pas alourdir le texte nous avons plac en annexe cette introduction (p. 22) un tableau comparatif et rcapitulatif des valuations fournies par quatre sources diffrentes sur quelques grands agrgats concernant, pour les annes 1999 et 2000, les leves de fonds et les investissements en capital-risque des deux grandes zones, USA et Europe, et de quelques pays : Royaume-Uni, France et Allemagne. Les diffrences peuvent tre considrables. Cest lun des facteurs qui est lorigine de notre recherche. Il nous a sembl indispensable dessayer de lever lopacit des valuations fournies par divers organismes sur limportance du capital-risque. Non pas tant pour fournir des valuations que nous aurions la prtention de prsenter comme tant ncessairement meilleures que celles fournies par les organismes dont nous avons repris les chiffres. Mais afin de comprendre pourquoi lon pouvait tre conduit, mme lorsque lon dispose des informations ncessaires, proposer des valuations ventuellement divergentes.

    Ce souci dapprofondissement et de clarification statistique pourra paratre fastidieux au lecteur. Mais il nous a sembl indispensable dy rpondre afin de fournir une image aussi fidle que possible dune ralit que nous considrons finalement comme assez mal connue, compte tenu des nombreuses difficults ou conventions qui conditionnent son valuation. Cela va nous amener proposer une reprsentation que daucuns jugeront floue compte tenu de la pluralit des indicateurs utilisables. Mais sagissant dun phnomne multidimensionnel dont le fonctionnement se reprsente comme un cycle (Annexe 3), il est naturel que lvaluation quon en propose soit diffrente selon lendroit du cycle o lon se positionne.

    0

    20000

    40000

    60000

    80000

    100000

    120000

    1962

    1964

    1966

    1968

    1970

    1972

    1974

    1976

    1978

    1980

    1982

    1984

    1986

    1988

    1990

    1992

    1994

    1996

    1998

    2000

    2002

    0,00%

    10,00%

    20,00%

    30,00%

    40,00%

    50,00%

    60,00%

    70,00%

    80,00%

    90,00%

    100,00%

    Dbours au profit de Compagnies US se trouvant dans l'un des stades "VC"Part des dbours au profit de Compagnies en phase "VC" dans les dbours totaux

  • 25

    Annexe 1

    Venture Expert

    Contenu de la base de donnes Tous pays et toutes annes confondues, dbut 2002

    1- plus de 43500 entreprises en portefeuille (Portofolio Companies)

    2- plus de 18600 Fonds

    dont :

    un peu plus de 15000 Fonds de capital-risque presque 2100 Fonds de capital-transmission

    presque 300 Fonds Mezzanine

    3- presque 9230 Firmes de capital-risque

    4- les sorties :

    3600 introductions en bourse (I. P. O.) 2100 sorties par fusions et acquisitions (M&A)

  • 26

    Annexe 2

    Rapprochement des valuations de quelques agrgats relatifs au capital-investissement

    Nous avons retenu cinq sources dinformations sur lvolution du capital-investissement23 :

    1- les enqutes et les valuations faites par le cabinet PriceWaterhouseCoopers, seul ou en collaboration :

    1a en collaboration avec la socit 3i, le cabinet PriceWaterhouseCoopers publie depuis 1999, une note annuelle consacre au capital-investissement mondial, baptise Global Private Equity. Cette note fournit les principales donnes sur les montants de fonds levs et sur les investissements effectus. Ces donnes concernent trois niveaux : le niveau mondial ; puis le niveau rgional (Amrique du Nord, Europe de louest) et enfin le niveau national.

    1b en collaboration, depuis dcembre 2001, avec la socit Venture Economics (filiale du groupe Thomson) et la National Venture Capital Association (NVCA) le cabinet publie un rapport sur les Etats-Unis appel MoneyTree US Report 24.

    2- les rsultats publis rgulirement par lEVCA (European Venture Capital and Private Equity Association). Ceux-ci concernent les pays Europens, pris globalement ou individuellement. LEurope est ici dfinie comme un ensemble de 21 pays auxquels sont adjoints, au titre dtudes pilotes, quelques pays de lancienne Europe de lEst. LEVCA travaille en rseau avec les organismes nationaux reprsentants de lactivit de capital-investissement : lAFIC pour la France, la BVCA pour le Royaume-Uni etc.

    3- la British Venture Capital Association (BVCA), socit anglaise regroupant les professionnels du capital-investissement, publiant rgulirement des notes de conjoncture sur lvolution du capital-investissement anglais.

    4- Les donnes statistiques rassembles et diffuses par la socit canadienne Thomson Financial. Ces donnes sont accessibles via internet, constituant un ensemble baptis Venture Expert Web (cf. le site de Venture Economics). Elles sont accessibles en interactif via des cadres pr-formats ou bien via des requtes relevant du language SQL et un logiciel dinterrogation spcifique install sur lordinateur de lutilisateur.

    Nous avons compar les valuations fournies pour les annes 1999 et 2000 pour un certain nombre de grandeurs afin dapprcier lexistence et limportance ventuelle des carts. Ce rapprochement a t synthtis dans un tableau reproduit ci-dessous.

    On peut observer facilement limportance des diffrences pour certaines grandeurs. Il est difficile de synthtiser le sens et la grandeur de ces carts tant ils sont varis. Pour en suggrer la nature, nous pouvons formuler lapprciation suivante :

    23 Il existe dautres sources : Venture One et Initiative Europe par exemple.

    24 Ce rapport tait publi rgulirement par le cabinet PriceWaterhouseCoopers, seul, depuis quelques

    annes.

  • 27

    - pour ce qui concerne les montants de capitaux levs on observe : (i) une valuation de Thomson sensiblement suprieure celle du Global Private Equity, en 1999, pour les leves de fonds mondiales et celles des USA : de 60% environ, (ii) des ordres de grandeur comparables pour les montants levs au niveaux europen et des pays composant cet ensemble en 1999, (iii) des valuations du Global Private Equity des leves de fonds en 2000 infrieures celles de la socit Thomson. - une valuation des investissements globaux ou par type souvent diffrents en 1999 mais plus proches en 2000. - lorsque la comparaison est possible les valuations du Global Private Equity Report et de lEVCA sont proches, ce qui est normal puisque la partie europenne des valuations du Global repose sur celles de lEVCA.

    On observe par exemple un cart important pour une grandeur fondamentale, le montant agrg des leves de fonds au niveau mondial, entre le Global Private Equity Report et les rsultats de la base Venture Expert : 134,9 milliards de dollars (Global report) contre 212,5 milliards (Venture Expert) en 1999 ; ou encore 225 milliards de dollars (Global report) contre 299,4 milliards (Venture Expert) pour lanne 2000. Pour linvestissement total Europen, le Global Report fournit une valuation de 26,8 milliards de dollars en 1999 et de 32 milliards en 2000, alors que Venture Expert value le mme poste respectivement 17,3 milliards et 30,7 milliards : la diffrence est de 35 % en 1999 et de seulement 4% en 2000.

    Nous ne sommes gure en mesure de justifier et de fournir une explication de ces carts. Concernant lEurope prcisment, les valuations de Thomson semblent systmatiquement infrieures celles de lEVCA reprises par le Global Private Equity Report. La diffrence de primtre ne nous semble pas constituer une explication convaincante de cet cart. On pense plutt que la couverture de la socit Thomson, en matire de recueil de donnes primaires auprs des Fonds et des socits de capital-risque Europens, est infrieure celle de lEVCA qui sappuie sur les associations professionnelles de tous les pays europens. Il est vraisemblable que la couverture de lactivit europenne par la socit Thomson samliore au fil des annes, ce qui peut expliquer que le rapprochement des investissements pour lanne 2000 soit meilleur que celui de lanne 1999. Mais cela a pour consquence le fait que lvolution des performances des pays Europens selon les donnes de Thomson traduit sans doute, pour une part que nous ne pouvons apprcier, lamlioration de cette couverture.

    Quant aux donnes sur les Etats-Unis, nous avons le choix, en quelque sorte, entre celles recueillies par le cabinet PriceWaterhouseCoopers (dans leurs deux versions), et celles fournies par le Cabinet Thomson. Nous navons aucune information particulire nous permettant de juger lesquelles sont a priori les plus pertinentes. Mais il existe une grande diffrence entre les deux sources : par la base Venture Expert nous avons accs aux donnes primaires alors que les valuations du cabinet PriceWaterhouseCoopers, notamment dans le Global Private Equity Report, sont des donnes traites et agrges. Autrement dit, les grandeurs fournies par la socit Thomson rsultent de lagrgation de donnes micro-conomiques directement accessibles. Nous pouvons avoir une information dtaille sur chaque opration au niveau lmentaire : engagements dont bnficient les Fonds, appels de fonds effectus par les socits de capital-risque, montant et composition des tours de table dont bnficient les compagnies, capitaux disposition de socits de capital-risque etc. Nous pouvons ainsi contrler le sens prcis et la porte des regroupements ou des recoupements effectus. Nous pouvons dailleurs

  • 28

    effectuer tous les traitements et regroupements que nous souhaitons raliser sur ces donnes primaires qui peuvent tre retraites sous Excel.

    Ces raisons nous ont conduit exploiter systmatiquement les donnes fournies par la socit Thomson et renoncer utiliser les donnes fournies par les autres socits avec lesquelles nous ne pouvons effectuer aucun recoupement. Et compte tenu de la diffrence importante entre les donnes relatives lEurope fournies par Thomson et celles fournies par lEVCA, nous avons renonc, sauf exception, utiliser les donnes sur lEurope fournies par Venture Expert. Nous en rendrons compte sur certains points, notamment pour ce qui concerne certaines structures ou rpartitions. Mais nous navons aucune raison particulire de considrer que les donnes europennes de Thomson fournissent une bonne ide, en niveau, de lactivit du capital-risque en Europe.

    Sources

    organisme PricewaterhouseCoopers & 3i Group plc Venture Expert EVCA en dollars

    nature / titre du document Global Private Equity 2000 base de donnes accessible via Internetobjet principal du document mondial mondial

    mthode

    Exploitation d'un grand nombre de sources varies, de niveau rgional ou national. Utilisation d'estimations globales pour "les rgions dont le capital-transmision et l'investissement en capital-risque ne sont pas mesurs". Parmi les rfrences utilises : PricewaterhouseCoopers US Money Tree Survey, EVCA. Absence de Venture Economics ou de la NVCA.

    adresse URLsur abonnement : http://www.venturexpert.com/NASApp/vxWebWAR/vxWeb.jsp

    Rsultats milliards de dollars milliards de dollars milliards de dollars1999

    1999 Leve de fonds en capital-investissement - Mondial 134,9 212,5

    1999 USA Leve de fonds totale en capital-investissement 97,1 (amrique du nord) 142,7 (VC : 59,6) ( BO : 60,8 )1999 Europe Leve de fonds totale en capital-investissement 27,1 24,4 (VC : 11,6) 27,051999 Europe Leve de fonds totale en capital-transmission 12,74 10,2 12,561999 U.K. Leve de fonds totale en capital-investissement 14,1 (VC : 8,0 ) 10,541999 France Leve de fonds totale en capital-investissement 3,4 (VC : 2,1) 4,581999 Allemagne Leve de fonds totale en capital-investissement total 2,5 (VC : 1,3) 4,041999 Fonds levs aux USA pour invest. en Europe 6,6 6,6

    1999 Investissement capital-investissement Mondial 135,8 111,4 (VC : 76,7)1999 Investissement Mondial transmission 77 34,6 (total moins VC) 1999 USA Investissement total 98 (amrique du nord) 84,41999 USA Investissement capital risque 61,71999 USA Investissement capital transmission 62 22,7 (total moins VC)

    1999 Europe Investissement total 26,8 17,3 (Compagnies Eur.) 10,1 (Firmes Eur.) 26,73

    1999 Europe investissement en capital-transmission 13,4 3,4 (Firmes europennes) 14,061999 U.K. Investissement total en Grande Bretagne 12,1 10,3 (VC : 3,3 ) 12,251999 U.K. Investissement total par les socits de capital-risque anglaises 6,6

    1999 U.K. investissement total en capital-transmission 9,17 7,0 (UK compagnies hors VC)1999 France Investissement total 3 1,6 (VC : 0,8) 31999 Allemagne Investissement total 3,5 1,4 (VC : 1,3) 3,362000

    2000 Leve de fonds en capital-investissement - Mondial 225 299,4

    2000 USA Leve de fonds totale en capital-investissement 153,9 (amrique du nord) 212,5 (tous fonds US) 105,8 (fonds VC) 84,1 (BO)2000 Europe Leve de fonds totale en capital-investissement 43,7 60,4 (VC : 32,5 ; BO : 23,7 )2000 U.K. Leve de fonds totale en capital-investissement 16,3 31,0 (VC : 10,2) 18,852000 France Leve de fonds totale en capital-investissement 6,9 13 7,982000 Allemagne Leve de fonds totale en capital-investissement 5,7 5,7 (VC : 4,2) 6,49

  • 29

    Sources

    BVCA en dollars BVCA (British Venture Capital Association) Pricewaterhousecoopers organisme

    note MoneyTree US Report nature / titre du documentGrande-Bretagne U.S.A. objet principal du document

    Donnes fournies par 95 % des membres de la BVCA, "reprsentant une large majorit du capital-risque en grande Bretagne", donnes collectes et analyses par la socit Bannock Consulting.

    L'enqute de l'association PricewaterhouseCoopers/Venture Economics/National Venture Capital Association MoneyTree mesure les investissements dont le financement est compens par la participation au capital effectus par la communaut des professionnels du capital-risque. Il s'agit d'investissements effectus dans des compagnies U.S. nouvelles.

    mthode

    adresse URL

    milliards de dollars milliards de milliards de dollars Rsultats1999

    1999 Fund raising capital-investissement Mondial1999 USA Fund raising capital-investissement total1999 Europe Fund raising capital-investissement total1999 Europe Fund raising capital-transmission 1999 U.K. Fund raising capital-investissement

    1999 France Fund raising capital-investissement1999 Allemagne Fund raising capital-investissement total1999 Fonds levs aux USA pour invest. En Europe1999 Investissement capital-investissement Mondial1999 Investissement Mondial transmission1999 USA Investissement total

    54,4 1998 USA Investissement capital risque1999 USA Investissement capital transmission

    1999 Europe Investissement total

    1999 Europe investissement en capital-transmission

    10 6,2 dans 1109 compagnies 1999 U.K. Investissement total en Grande Bretagne12,7 7,85 investis dans 1358 compagnies 1999 U.K. Investissement total par les socits de

    capital-risque anglaises7,6 4,7 1999 U.K. investissement total en capital-transmission

    1999 France Investissement total1999 Allemagne Investissement total

    2000

    2000 Fund raising capital-investissement Mondial

    2000 USA Fund raising capital-investissement total2000 Europe Fund raising capital-investissement total2000 U.K. Fund raising capital-investissement total2000 France Fund raising capital-investissement total2000 Allemagne Fund raising capital-investissement total

  • 30

    LE CYCLE DU CAPITAL-INVESTISSEMENT (PRIVATE EQUITY)

    Fonds dinvestissementde divers types :

    - captifs ou non captifs(indpendants)- spcialiss (capital-risque, transmission etc.)

    Apporteurs decapitaux

    ou Limited Partners :Fonds de Pension,

    Groupes industriels,Particuliers, Banques

    etc.

    Compagniesbnficiaires dapports en

    capitaux propres ouPortofolio Companies

    (PC)

    Firmes (ou socits) decapital risque

    ou General Partners dedivers types

    - captifs ou non captifs(indpendants)

    - spcialiss (capital-risque,transmission etc.)

    Rcupration des revenuset/ou des produits de

    cession de parts

    Dbours(ou investissements)

    Rponses auxappels de fonds des

    grants

    Distribution desrevenus et/oudes gains encapital

    Engagements oupromesses dapports

    (commitments)

    Rcupration desfonds disponibles

    aprs les oprations

    Cession (M&A), introduction enbourse (IPO), rachat secondaire(cession de parts) etc.

  • 31

    CHAPITRE 1

    Le systme de capital risque et sa structure Problmes mthodologiques et caractristiques

    Contrairement limpression que peut donner la lecture de certaines analyses, la reprsentation du fonctionnement dun systme de capital-risque et lvaluation de son activit soulvent quelques difficults.

    Le premire concerne la dfinition mme du capital-risque, dont dpend videmment le primtre des oprations dont on sefforcera de rechercher et donner une valuation. Nous allons y revenir ci-dessous. Mais ce nest pas le seul problme que nous rencontrons ds lors que lon veut faire preuve dun minimum de circonspection lgard de la mesure de lactivit dun systme de capital-risque.

    Nous avons en effet rapproch un certain nombre dvaluations proposes par des organismes faisant autorit pour certains agrgats nationaux ou internationaux importants : leves de fonds en capital-investissement ou en capital-risque au niveau mondial, aux U.S.A., en Europe etc. Limportance des carts ne peut laisser indiffrent. Cest lune des raisons qui nous a conduit consacrer une partie de notre rflexion lexamen de questions de caractre mthodologique et dordre statistique. Cette analyse a renforc notre conviction de la ncessit daccder aux sources dinformation sur lesquelles se fondent les organismes voqus pour proposer leurs valuations des principaux agrgats et, le cas chant dautres indicateurs pertinents.

    Or la seconde grande difficult que nous rencontrons dans lanalyse de lactivit dun systme de capital-risque est justement celle de laccs aux sources et ce que nous appelons les donnes primaires, cest--dire les donnes de base, micro-conomiques, dont rsultent par agrgation les valuations globales. La majeure partie des donnes fournies par les organismes spcialiss ne sont pas vrifiables , en ce sens qu'il est impossible de remonter aux informations micro-conomiques de base. Ce qui a deux consquences, lies mais distinctes : (i) on ne peut corroborer ou discuter les options mthodologiques et les conventions statistiques qui permettent de produire les agrgats et, (ii) il est difficile dapprcier le sens et la porte exacte des agrgats fournis, dont on ignore le mode de production, mme si les commentaires dont ils sont accompagns prtendent en spcifier la nature.

    La possibilit daccder la base de donne de Thomson Financial (Venture Expert) dans des conditions privilgies qui ont permis des traitements systmatiques sur les donnes primaires disponibles dans cette base, nous ont conduit naturellement mettre en lumire un certain nombre de difficults et, partant, la varit des mesures possibles du capital-risque. La consultation et le traitement de ces donnes, dont nous ne souponnions pas initialement la difficult, ont eu pour nous une valeur pdagogique dont nous esprons faire bnficier le lecteur.

    Nous allons commencer par aborder, dans ce chapitre, certaines des difficults ou des latitudes dvaluation que nous devons mettre au jour afin de savoir prcisment ce que lon mesure (section I). Puis nous passerons en revue les acteurs qui interviennent dans le fonctionnement du systme afin den prciser le rle, certains traits de leurs comportements et fournir des valuations quantitatives de leurs oprations (section II). Cest moins la valeur ou le nombre de celles-ci qui retiendront ici notre attention, que leur

  • 32

    structure. Dabord parce que nous traiterons dans le chapitre 2 du montant et de lvolution des oprations. Ensuite parce que la connaissance dune valeur est moins intressante ou parlante par elle-mme que certains ratios ou rapports de structure qui font sens quant lorganisation et au mode de fonctionnement du systme.

    Alors que ce document est centr sur le capital-risque nord-amricain, nous voquerons plusieurs reprises dans ce chapitre, titre de comparaison, le capital-risque europen. La base de donnes que nous utilisons comprend en effet des donnes primaires sur les oprations europennes. Faute den apprcier la reprsentativit nous navons pas souhait en faire un usage systmatique. Nanmoins, pour clairer la nature et les enjeux de certaines observations de caractre mthodologique, une approche comparative est instructive et nous a paru avoir une certaine valeur illustrative.

    Section 1 - La notion de capital-risque et ses incidences sur les valuations statistiques. Questions de dfinition et de mesure.

    Position des problmes, la varit des dfinitions

    Les dfinitions de la notion de capital-risque ne manquent pas. On peut en reprendre quelques unes pour en faire ressortir demble les nuances sinon les diffrences :

    - Le capital-risque est un type particulier de financement destin pour lessentiel aux entreprises jeunes et innovatrices qui ont besoin de capital pour financer le dveloppement de leur produit et leur croissance et qui doivent, par la nature de leur activit, obtenir ce capital largement sous forme de fonds propres (G. Baygan et M. Freudenberg, 2000).

    Cette dfinition retient comme caractristiques les lments suivants : (i) lapport en fonds propres, (ii) le fait que le capital-risque est destin des entreprises jeunes et innovatrices (ce quon appelle communment des start ups), qui ne peuvent obtenir dautres financements et que, (iii) ce financement est destin soutenir le dveloppement de leur produit.

    - Le capital-risque [est] dfini comme le capital fourni par des socits qui investissent et accompagnent les dirigeants de jeunes entreprises qui ne sont pas cotes en bourse. Lobjectif poursuivi est un rendement lev de linvestissement. La valeur est cre par la jeune entreprise en partenariat avec largent apporte par la socit de capital-risque et son expertise professionnelle (OCDE, 1996).

    Cette seconde dfinition ne mentionne ni la dimension innovatrice, ni, explicitement, lapport en fonds propres. Par contre elle souligne le fait que le grant de la socit de capital-risque apporte expertise et conseils, en mme temps que le financement de jeunes entreprises non cotes en bourse.

    - Lassociation europenne des professionnels du capital-risque, autrement dit lE.V.C.A. 25

    , (European Private Equity and Venture Capital Association) dfinit le capital-risque

    25 Fonde en 1983, lE.V.C.A. a pour fonction de reprsenter, promouvoir et faciliter le dveloppement de

    lindustrie du capital-investissement et du capital-risque en Europe. En 2001 elle rassemble environ 900 membres rpartis dans 36 pays, parmi lesquels les leaders europens du secteur ainsi que des acteurs non europens. A lorigine lacronyme signifiait European Venture Capital Association. La raison sociale est devenue depuis : European Private Equity and Venture Capital Association. LE.V.C.A. est une organisation de dfense des intrts de la profession au niveau europen. Elle fournit un certain nombre de

  • 33

    comme une partie des investissements de capital-investissement effectue pour le lancement, le dveloppement initial et lexpansion dune activit . Le capital-investissement est dfini pour sa part comme lapport en fonds propres des entreprises non cotes en bourse .

    La notion dapport en fonds propres est essentielle dans cette dfinition, associe au type dentreprise ou dactivit finance : lancement, dveloppement initial et/ou expansion dune activit nouvelle. On retrouve les ingrdients de la premire dfinition mentionne.

    - On trouve une dfinition sensiblement diffrente dans la loi franaise de 1985 qui a cr les Socits de capital risque : Le capital risque est dfini comme linvestissement en fonds propres ou quasi-fonds propres, dans des socits non cotes en bourse, y compris les oprations de cration et de transmission des entreprises (cit par J. Bessis, 1988).

    Cette dfinition fait apparatre une activit non mentionne jusqu prsent : le financement des oprations de transmission dentreprises, ce quon appelle communment en anglais le Buyout. Llment caractristique du capital-risque se rsume alors lapport en fonds propres des socits non cotes en bourse. Ce qui constitue une dfinition extrmement large. Elle tend confondre ou mler les notions de capital-risque et de capital-investissement (Private equity).

    Cette brve numration de quelques dfinitions suffit illustrer lide de labsence dune conception commune des caractristiques du capital-risque et, partant, celle de la varit des prsentations qui peuvent en tre faites. Nous devons donc revenir sur lambigut de la notion mme de capital-risque et sur ses incidences pour la mesure des oprations quelle recouvre. Nous allons aborder galement quelques autres difficults statistiques moins fondamentales mais non sans porte pour la prcision et linterprtation des valuations que lon peut proposer :

    - le traitement de la dimension nationale, - lexistence dune part importante dactivit de capital-risque hors institutions : les

    anges des affaires, - la complexit et les diffrents aspects sous lesquels se prsente une opration

    dinvestissement en capital-risque. Cela nous amnera prciser lunit de mesure ou llment de base constitutif de la base de donnes : le deal c'est--dire linvestissement lmentaire ou encore le dbours .

    Nous traiterons galement de la question de savoir si le capital-risque peut tre considr comme une nouvelle forme dintermdiation financire.

    Capital-risque et capital-investissement. Les approches nord-amricaine et europenne.

    On saccorde aisment reconnatre que la diversit des oprations relevant du secteur du capital-risque rend la mesure globale de son activit difficile. La difficult de la comparaison entre les Etats-Unis et lEurope serait ainsi moins une question purement statistique 26, que la consquence dune diffrence de conception relative ce quil convient de rassembler dans un secteur unique.

    services tels que la publication de statistiques, dannuaires, de communiqus de presse et une formation professionnelle. 26

    Une diffrence de prsentation ou une diffrence dans le recueil des donnes primaires.

  • 34

    Les europens utilisent souvent les notions de capital-risque et de capital-investissement de faon quivalente, comme des synonymes 27. Le capital-investissement est la catgorie la plus englobante puisquelle rassemble : (i) le capital-risque stricto sensu cest--dire le financement de la croissance dentreprises se trouvant dans les deux grandes phases initiales de leur cycle de vie : phase prliminaire ou de dmarrage (early stage) et phase dexpansion ou de dveloppement (expansion ou encore second/third stage) 28, (ii) le financement des oprations de transmission (buyout), (iii) quelques autres oprations de financement dactivits ou de secteurs spcifiques et, (iv) des oprations internes au secteur du capital-risque : Fonds de Fonds et rachats second