le 17-e

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LE THTRE

LA DOCTRINE CLASSIQUE

Tout discours dramatique se caractrise par labsence de la voix du narrateur, le thtre ne raconte pas, il prsente. De cette particularit dcoule une autre: le texte dramatique implique deux niveaux, celui du discours des personnages et celui des didascalies (indications scniques) et deux rfrences: il envoie la ralit scnique et au rel.La doctrine classique va justifier l'pithte de classique accord la dramaturgie de cette poque. C'est la doctrine qui confirme la prsence d'un modle - l'antiquit. Selon Furetire, classique ne se dit gure que des auteurs qu'on lit dans les classes, dans les coles ou qui font grande autorit. Le Dictionnaire de l'Acadmie considre classiques les auteurs de premier rang qui sont devenus des modles dans une langue. La doctrine classique exprime la jonction entre une tradition remontant Aristote et les donnes de la ralit du XVll-e sicle concrtises dans le got du public.

Les rgles de la doctrine classique

1.La vraisemblance a comme point de dpart le rapport entre la vrit historique et la vrit artistique et pose le problme de la transformation ou de l'adquation de la vrit aux besoins de la scne. Corneille, dans la prface de La Mort de Pompe, sest cart du texte historique pour laccommoder au thtre. L'auteur ne s'rige pas en historien mais en pote qui prsente les vnements non pas tels quils sont arrivs mais tels qu'ils peuvent arriver. Pour Corneille la tragdie, pour toucher les spectateurs, doit choisir un sujet qui nous paraisse vraisemblable. Le but dune action ou dun comportement vraisemblable est de persuader le public et de produire de la sorte leffet de catharsis, la purification des passions par les passions, le tragique acqurant une fonction purificatrice. La source de la vraisemblance est la dimension de lexprience humaine. Ceci dtermine lampleur du thme global de la tragdie classique, le monde des passions. Cest l quapparat limportance de limitation des anciens - Euripide, Sophocle, Eschyle car ceux-ci ont su imiter la nature humaine. La vraisemblance pose le problme dune certaine libert des auteurs dont le rle de limagination nest pas exclu. DAubignac recommande aux auteurs lutilisation en gale mesure de lhistoire et de limagination. Pour Racine lhistoire est un cadre qui donne du relief et de la posie des vnements si simples et si vraisemblables quon les pourrait croire tirs de la vie commune. Lloignement dans lespace peut jouer le mme rle que lloignement dans le temps. Corneille et Racine affirment que cest le plaisir du public quils recherchent tout dabord par le respect du vraisemblable. Lhistoire ntant ainsi quun moyen pour eux, soit de garantir la vraisemblance de sujets extraordinaires, soit de potiser par le recul dans le lointain de trs simples aventures, Corneille et Racine nont pas hsit prendre avec elle bien des liberts, respectant les grands faits connus de tous mais modifiant sans scrupules les faits secondaires et inventant au besoin des personnages nouveaux: Corneille dans Horace, Cinna, Polyeucte, Racine dans Andromaque, Britannicus).

2. La rgle des biensances, issue de la mentalit du XVll-e sicle, recommandait qu'on vite certains spectacles bas, violents ou sanglants. L'obligation de se conformer cette rgle se rattache la qualit illustre des hros. Les biensances qui runissent les deux critres, thique et esthtique, sappuient sur la jonction entre le code classique et le code prcieux, le dtachement du concret, propre la prciosit. Cette rgle explique de mme la fusion qui sopre entre la potique classique et la rhtorique prcieuse, car le discours du hros classique, marqu par la dcence et la politesse, vite les rfrences trop directes. De l, lappui constant sur la mtonymie et la litote.

3.Le merveilleux est destin accrotre la dimension du vraisemblable. Ce merveilleux constitue un lment de surprise. Chez Racine c'est un merveilleux paen, chez Corneille, le merveilleux acquiert des nuances particulires dans la mesure o les rfrences aux divinits sont absentes ou rares, sauf dans Oedipe o la construction sy appuie essentiellement. Ce type ressort de la dimension de lhrosme, de cette qute permanente de la perfection traduite par le sens de lhonneur et de la gloire. On peut parler, chez Corneille dun merveilleux humain. Dans son thtre il est question de lhomme tel quil se rve.

4. La rgle des trois units annonce le rle primordial accord l'unit de l'action. Corneille, qui a t conduit faire des pices complexes pour montrer la volont aux prises avec des obstacles dont elle triomphe, sest soumis avec peine cette rgle des trois units et, tout en la jugeant fonde sur la ncessit de la vraisemblance, a critiqu du moins ltroitesse de sa formule. Contrairement Corneille, Racine, qui peint la passion et la passion arrive ltat de crise, fut amen faire des pices trs simples, o le point de dpart est trs voisin du point darrive. Il sest pli sans effort la rgle des trois units quil trouvait naturellement adapte son propre idal de simplicit. Cette rgle vise donner la tragdie classique franaise sa sobrit, sa clart et sa rapidit. Mais il faut convenir que sa dfinition comportait de larbitraire.L'union d'action est troitement lie la prsence du conflit dont la solution suppose de dures preuves comme chez Corneille ou bien dont la solution est impossible comme chez Racine. Elle s'appuie sur une gradation vidente qui doit assurer le long des cinq actes obligatoires d'une tragdie classique. Lintrt dune tragdie doit tre concert sur un seul fait ou sur une crise morale, tout doit sy rapporter, tout doit tendre un dnouement logique qui rgle la situation des personnages. Lunit daction met en jeu aussi le problme de la symtrie. Chez Corneille les jeux de symtrie sont vidents dans Horace, Rodogune (le point de dpart de la symtrie est dtermin par lquivalence tablie entre un objet, le trne, symbole du pouvoir et une femme, la princesse Rodogune).L'unit de temps remonte la rgle plus ou moins arbitraire instaure au XVl-e sicle par Etienne qui limite le droulement de l'action 24 heures. Si Corneille ne s'y plie toujours, Racine considre les 24 heures comme trop larges pour sa vision tragique. Le discours des personnages tragiques sappuie notamment sur lalternance du pass compos et du pass simple.L'unit de lieu pose au fond le problme du rapport texte-reprsentation car au XVll-e sicle le texte ne constitue pas une valeur partielle de la reprsentation mais il y est question d'une superposition totale. Il y a un seul dcor pour tous les actes. Ce dcor doit tre assez neutre pour que toutes les scnes de la tragdie puissent vraisemblablement sy drouler, ce sera un portique, un vestibule, une salle de palais, etc.CORNEILLE

Les sources de son thtre sont assez nombreuses. A part quelques pices (Mde, La Toison dor, Agsilas) qui se rattachent l'antiquit grecque et Le Cid dont le sujet est emprunt l'Espagne du Moyen Age toutes les tragdies de Corneille sont tires de l'histoire romaine et de ses prolongements: Rome au temps des rois (Horace), Rome pendant la priode rpublicaine (Sophonisbe, Nicomde, Rodogune, Sertorius, Surna gnral des Parthes, La Mort de Pompe), Rome sous lempire (Cinna, Othon, Tite, Brnice), la lutte du paganisme et du christianisme (Polyeucte, Thodore vierge et martyr), aprs la chute de lempire romain (Attila roi des Huns, Hraclius empereur dOrient, Pertharite roi des Lombards). On peut ramener quelques traits essentiels le systme dramatique de Corneille: le respect des trois units (mais il en cote parfois quelque chose la vraisemblance), les sujets tirs de lhistoire, les sujets extraordinaires, la peinture des hommes comme ils devraient tre, la moralit de son thtre. Le thtre de Corneille nest pas moins aristotlicien, il ne sagit pas dun pur souci formel dans le respect des rgles mais dune adhsion leur esprit. Corneille semble avoir prouv certaines difficults sencadrer dans la rgle de trois units car ses personnages, qui se distinguent par leurs actions, ont besoin despace et de temps pour saffirmer. Le Cid contient trop dincidents pour 24 heures, dans Cinna lunit de lieu doit tre tendue tout le palais dAuguste, on peut discuter sur lunit daction dHorace.Corneille emploie comme procds techniques le monologue, mettant en vidence l'amour et le patriotisme des personnages. Les classiques en ont senti toute linvraisemblance car, sil nest dj pas trs naturel dentendre sur la scne un personnage parler en vers, il lest encore moins de lentendre parler tout seul. Mais Corneille, en particulier, nen use que dans deux cas bien dtermins: quand un personnage est en proie une vive motion ou quand il hsite entre deux partis prendre. Dans le premier cas le monologue prolonge simplement les exclamations et les cris que nous poussons tous dans les moments dexclamation, dans le second il se ramne une sorte de dialogue intrieur entre deux voix contradictoires qui parlent tour tour.Corneille, dans ses tragdies, na pas donn lamour une place aussi grande que Racine dans les siennes. Pour Racine lamour est un instinct aveugle et mystrieux, incapable de rendre compte de son origine la raison et dobir aux ordres de la volont. Pour Corneille, il est fond sur le mrite de la personne quon aime. La raison peut le justifier et la volont a prise sur lui. Lamour est une vertu et non une faiblesse. On assiste donc non pas une lutte entre le devoir et la passion mais des conflits de devoirs. Au moment o les personnages ont lair de travailler contre leur amour, ils travaillent en ralit pour leur amour. Comme Chimne aime dans Rodrigue ses qualits chevaleresques, loin de lui en vouloir tu son pre pour venger laffront reu par le sien, elle len aime encore davantage et ne rougit point de lavouer. De mme, Rodrigue ne tient pas rancune Chimne davoir demand sa tte au roi pour venger la mort de son pre. Lamour, sattachant au mrite suprieur, se dplace parfois. Pauline aime dabord Svre, brillant chevalier, plus que Polyeucte, bourgeois effac mais quand la divine grandeur de Polyeucte a fait plir les qualits humaines de Svre, cest vers son mari que se porte toute lardeur de sa passion. En tudiant dans Horace, les rapports du patriotisme dune part avec lhumanit et dautre part avec la famille, Corneille nous fait entendre en quelque sorte toute la gamme du sentiment patriotique. Cette tragdie pose le problme du double conflit qui peut exister soit entre le sentiment dhumanit, soit entre lintrt social et lintrt individuel. Il est le crateur du type humain - le gnreux. Il nest plus plac sous le signe dune faute ou dun malentendu tragique, mais il se trouve dans une situation sans issue - le dilemme tragique: Rodrigue doit tuer le pre de sa fiance, Cinna, le bienfaiteur, Horace, ses amis et presque frres. Son personnage est courageux jusqu' l'imprudence, il conserve sa lucidit, il sait analyser la situation dans laquelle il se trouve, son apparente draison n'est que soumission une raison suprieure qui chappe au commun des mortels - Auguste pardonne au lieu de chtier, Brnice s'en va quand elle pourrait rgner dans Rome. Aprs son acte hroque il se proclame et se chante. La volont et la raison sont plutt des passions. Il ne sacrifie pas ses passions, il les soumet des passions suprieures: la volont et la raison. Grce la raison et la volont, les passions sont rprimes, orientes vers des fins suprieures. La connaissance du moi permet au gnreux de dlimiter sa situation. Le hros tragique devient le porte-parole dune morale optimiste: lhomme est capable de se connatre, de vouloir et de pouvoir.Le hros est issu d'une famille illustre, il se veut unique - il n'a que rarement frre ou soeur, il faut que les autres disparaissent pour que le hros puisse rayonner dans toute sa gloire. Parmi les criminels les plus terribles sont les femmes - Mde tue ses enfants pour se venger de leur pre, Cloptre, pour rgner leur place. Il vit dans le moment prsent, il n'est pas le produit du pass, il ne se transforme pas vers l'avenir. Il y a identification entre vouloir et tre. Il doit apparatre faire et devenir immortel dans lespace dlimit du moment prsent.Il est plac entre deux ples: un grand intrt d'Etat et un grand intrt d'amour. En amour la mission des hrones de Corneille est de conqurir des conqurants (Chimne et Rodrigue). Les femmes sont des amoureuses fidles et passionnes, elles sacrifient leur amour leur gloire: Chimne, Brnice, Pauline, elles sont des veuves inflexibles, modles de fidlit posthume: Camille, Pauline, Cornlie, elles ont le souci de gloire qui se confond avec l'obsession du trne, elles changent d'objet aim selon les hasards de la distribution des couronnes.On a dit que Corneille peint les hommes comme ils devraient tre. Le pote en fait des hros de la volont. De grands sentiments les animent: le devoir filial (Rodrigue), lhonneur (Don Digue), le patriotisme (Horace, Nicomde), la clmence (Auguste), lamour de Dieu (Polyeucte), la fidlit conjugale (Pauline, Cornlie). Lamour laisse aux hros toute leur clairvoyance. Parfois Corneille rduit lamour ntre plus quun ornement et alors il tombe dans la galanterie prcieuse et romanesque.LEspagne tait la mode, au thtre et la cour. Scudry, Scarron, la Calprende lui empruntaient des sujets de tragdies, de romans, de nouvelles. Corneille lui-mme avait imit des pices espagnoles. Pour le Cid il imita une pice de Guilhem de Castro, Las Mocedades del Cid (Les exploits de la jeunesse du Cid) en resserrant loeuvre de lauteur espagnol pour la faire entrer dans le cadre de trois units, adoucissant la rudesse des moeurs et du langage pour les adapter au got du public franais. Il simplifia laction de la pice et concentra lintrt une crise psychologique. La pice, joue vers la fin de dcembre 1636, obtient un succs clatant, d ses admirables qualits mais aussi une rencontre heureuse entre les sentiments qui animaient alors Corneille et ceux qui agitaient alors le public. Le personnage principal de cette pice, Rodrigue de Bivar, brillant guerrier espagnol, sillustrera en combattant les Maures et fut considr comme le hros de lindpendance nationale. Le Cid exaltait le point dhonneur et les vertus chevaleresques des Espagnols, prsentait aux spectateurs un duel. Si le corset des rgles se montre assez serr pour laction cornlienne, ceci ne fait que rendre plus nette leur efficacit et trahit le besoin de lauteur de sappuyer sur elles. Pour prouver la valeur de Rodrigue, le duel avec le Comte aurait suffi. Il est vrai que les autres actes de bravoure la lutte contre les Maures, le duel avec Don Sanche semblent tre justifis par le besoin de lintrigue. Mais cette explication est assez insuffisante: on aurait pu sattendre la victoire contre les Maures, quant au duel avec Don Sanche, il semble invent pour permettre certaines tirades de Rodrigue et laveu de lamour que Chimne lui conserve. Aprs le dclenchement de la crise, aprs lacte irrversible exprimant le choix volontaire du hros Rodrigue tue le pre de sa bien-aime laction doit se prcipiter vers le dnouement fatal. La situation du hros est sans issue, le Destin a frapp. Le personnage reste dans une attitude qui semble perptuer linfini le fier dfi lanc au destin. Une nouvelle qualit se manifeste: ce dfi impose le respect, ladmiration et lamour de ceux qui devraient har le hros. La tragdie, chez Corneille, se passe dans lme de ses personnages, cest une tragdie intrieure. Les vnements extrieurs mettent en relief lnergie du personnage qui lutte contre ses sentiments. Le conflit cornlien se rsume en passion combattue par le sentiment du devoir. La raison triomphe du coeur (On retrouve ce sentiment dans tous les personnages du Cid, sauf chez le Comte).Les hros cornliens sont domins par la volont. La matrise de soi, difficile acqurir parce quelle rencontre toujours la rsistance des passions, les caractrise. Guide par la raison, pour un but toujours noble, cette indomptable nergie, aprs une lutte des plus pathtiques, est continuellement triomphante. Au devoir filial, au sentiment de lhonneur, Chimne et Rodrigue sacrifient leur amour, m par son fanatisme patriotique Horace tue sa propre soeur, Auguste (Cinna) pardonne ceux qui ont complot contre sa vie, Polyeucte se dtache peu peu du monde pour accepter le martyre. Lintelligence caractrise les hros de Corneille, une intelligence souple et fine. Les sentiments chez Chimne se transforment en ides. La volont en est un autre caractre. Lintelligence ne fait quexalter la volont. Corneille soutient le libre arbitre. La capacit de lutter contre soi-mme est au-dessus de tout. Lhomme est un tre qui est fait pour se surpasser. Lhumanit caractrise les personnages de Corneille. Rodrigue ne renonce pas son amour. Chimne fait son devoir tout en aimant Rodrigue. La noblesse des sentiments caractrise aussi ses personnages qui ncoutent que la voix de lhonneur. Les situations sont exceptionnelles chez Corneille. Toute la grandeur de la pice Le Cid est fonde sur lide de la libert de lhomme. Les circonstances sont brises par la volont. Corneille est le crateur en France de la tragdie fin heureuse, de la tragdie psychologique, de la comdie de caractre et hroque, de la tragi-opra et des pices " machine". Il nest pas de langue plus solide que celle de Corneille. Son vocabulaire est riche et dune singulire proprit. Son style est celui dun orateur plutt que dun pote dans le sens que ses personnages raisonnent sans cesse et se rpondent avec autant de mthode que de subtilit. Mais ce style est aussi dramatique parce que chaque rplique fait avancer laction en dveloppant les motifs des personnages et en provoquant des sentiments contraires. Mme dans ses moins bonnes pices Corneille est un admirable versificateur. Rien ngale la vigueur et la souplesse du vers cornlien. Corneille discute, fait des distinctions subtiles, trouve des arguments logiques. Son style a du mouvement car il traduit les diffrents tats dmes de ses personnages et une vigueur qui correspond lnergie dont ses hros sont dous. Mais la dclamation et lemphase le gtent quelquefois.

RACINE

Ses tudes termines, aprs une anne de philosophie Paris, Racine accepte une petite place auprs de son oncle Vitart, intendant du duc de Chevreuse. Mais il est de bonne heure tent par la posie et il se lie damiti avec Molire, Boileau et La Fontaine. Leur amiti devient clbre, ils taient de grands admirateurs de s anciens, ils se donnaient des avis sincres lorsque lun deux composait une oeuvre et de cette manire ils ont exerc les uns sur les autres un contrle des plus efficace.Racine a puis les sujets de ses pices plus varies que Corneille: tragdies grecques (Tandis que Corneille, chez les Jsuites avait surtout appris le latin, Racine avait reu Port-Royal une culture hellnistique solide et il nest pas donc tonnant quil ait emprunt lantiquit grecque les sujets de plusieurs de ses pices- La Thbade, Alexandre, Andromaque, Les Plaideurs, Iphignie en Aulide, Phdre, Iphignie en Tauride), tragdies romaines (Britannicus, Brnice, Mithridate o il sest montr historien plus soucieux de la diffrence des temps que Corneille qui, dans ses pices nous prsente, malgr la diversit des priodes, toujours le mme type traditionnel de Romain), tragdie moderne (Bajazet dont laction se passe Constantinople au XVll-e sicle, il a cru pouvoir substituer lloignement dans lespace lloignement dans le temps), tragdies religieuses (Esther, Athalie pour les jeunes filles de Saint-Cyr).Il y a trois espaces mditerranens chez Racine: antique, juif et byzantin. Potiquement, ces trois espaces ne forment quun seul complexe deau, de poussire, de feu. Les grands lieux tragiques sont des terres arides, resserres entre la mer et le dsert, lombre et le soleil ltat absolu. Bien que la scne soit unique, on peut parler des trois lieux tragiques chez Racine. Il y a dabord la chambre, le lieu invisible et redoutable o la puissance est tapie. Les personnages ne parlent de ce lieu indfini quavec respect et terreur. La chambre est la fois le logement du pouvoir et son essence. La chambre est contigu au second lieu tragique, lanti-chambre (la scne proprement-dite) qui est un milieu de transmission. Saisie entre le monde, lieu de laction et la chambre, lieu du silence, lanti-chambre est lespace du langage. Cest l que lhomme tragique parle. La scne tragique est un lieu aveugle o lon passe du secret leffusion, de la peur immdiate la peur parle. Le troisime lieu tragique est lExtrieur- ltendue de la non-tragdie, lespace de la mort (car la mort physique ne se produit jamais sur la scne), de la fuite, de lvnement.Racine emploie la technique du rcit. La tragdie du XVll-e sicle loigne des yeux des spectateurs les scnes violentes. Corneille stait conform cette exigence de lesthtique classique. Cest ainsi que dans Le Cid les deux duels nont pas lieu sur la scne et que dans Horace Camille, poursuivie par son frre, est tue dans les coulisses. De mme Racine, au lieu de nous faire assister lempoisonnement de Britannicus, met dans la bouche de Burrhus le rcit de sa mort. Mais Racine annonce une autre innovation au thtre. Athalie est la pice la plus originale et la plus moderne de toutes ses crations dramatiques car, ne suivant pas lexemple des tragiques grecs, Racine a admis lenfant au thtre. Les relations humaines dans les pices de Racine se rangent sous deux catgories principales: la relation de convoitise et la relation dautorit.Le hros racinien est lenferm, celui qui ne peut sortir sans mourir. Ce type de personnage rappelle, selon R. Barthes, la mtaphore de la horde primitive: le pre, propritaire inconditionnel de la vie des fils (Agamemnon, Thse), les femmes la fois mres, soeurs, amantes, toujours convoites, rarement obtenues, les frres toujours ennemis, parce quils se disputent lhritage dun pre qui nest pas mort en ralit et qui revient les punir, le fils dchir entre la terreur du pre et la ncessit de le dtruire. Linceste, la rivalit des frres, le meurtre du pre, la subversion des fils sont les actions fondamentales du thtre de Racine.On assiste la tentative des hros ou des hrones de se connatre. A travers la fatalit ils arrivent langoisse, la haine et finalement la vengeance. Ses personnages sont cartels entre la fatalit qui simpose eux la manire de linstinct et leur sens moral. Le jeu entre la passion et la raison rend ses personnages changeants, toujours prts commettre lacte irrparable. Le devoir cornlien devient, chez Racine, aspiration morale impuissante, amour-passion funeste.Chez lui, l'amour est une passion ravageante, il nest pas partag, il actionne sur les autres et dtermine le conflit et laction. Le personnage aime celui ou celle qui est attir par quelqu'un d'autre, car cest l'agressivit qui les caractrise: Roxane, Hermione, Phdre. Il y a mme des personnages visibles et invisibles (les dieux, la mort).Lamour maternel est lui aussi prsent dans les pices de Racine. Sans parler de la scne de Britannicus o Agrippine, chez qui lambition a touff tous les sentiments fminins, joue simplement devant son fils la comdie de lamour maternel, on peut souligner deux scnes dAndromaque et dIphignie qui nous mettent sous les yeux de vritables mres. Dans la premire Racine a ml la description saisissante de la dernire nuit de Troie et la potique vocation des adieux dHector lanalyse pntrante des cruelles hsitations dAndromaque, dont lamour conjugal et lamour maternel- tout en se confondant dans son coeur - se trouve en opposition par les circonstances. Dans la seconde il nous prsente en sa puret et sa force primitives, chez Clytemnestre menace de voir sacrifier sa fille, linstinct maternel exclusif, autoritaire et farouche, bien diffrent de laffection dAndromaque pour son fils, renforce par lamour conjugal, mais tendre et mlancolique, comme il convient une captive malheureuse.Il y a deux Eros raciniens: lEros sororal qui reprsente une relation tablie depuis lenfance, parfois entre deux amants levs ensemble, lamante est comme une soeur dont la convoitise est autorise et lErosvnement qui est un amour immdiat, qui nat brusquement, la faon dun vnement absolu. Chez Racine lamour est une pure preuve de fascination, il se distingue trs peu de la haine. Son essence consiste dans lalination, il nest jamais sublime, il reproduit indfiniment la scne originelle qui la form (Phdre revit la naissance de son amour). LEros racinien ne met les corps en prsence que pour les dfaire. La vue du corps trouble le langage et le drgle, le corps adverse est bonheur seulement lorsquil est image. Cet Eros ne sexprime jamais qu travers le rcit. Limagination est toujours rtrospective et le souvenir a toujours lacuit dune image.Pour des ncessits dordre technique la pice de Racine commence juste au moment qui prcde de trs peu la mort d'un personnage (Iphignie, Phdre). La lutte se droule entre le Bien et le Mal (Athalie, Hermione), lutte qui doit triompher sur le plan moral (Iphignie). Phdre est un mlange de Mal et de Bien, de pch et de passion, tout comme Mithridate. Les personnages sont inscrits dans la structure binaire, provoque par les passions contraires amour-haine. Le personnage de Racine a un statut de victime cause des dieux, cause des autres ou de sa propre faiblesse. Son tragisme vient de sa solitude absolue. Le conflit extrieur oppose deux individus ou un individu un groupe ou intrieur entre deux passions contraires chez un mme personnage.L'unit d'action suppose l'exposition du moment initial de crise, le noeud est dtermin par la prsence des obstacles, le dnouement doit tre ncessaire, complet et rapide. Racine se caractrise par l'extrme simplicit de la tragdie qui demande un nombre rduit dvnements, par l'emploi du monologue qui permet de saisir le ddoublement du personnage, le dialogue devient monologue et arrive faire mme abstraction de son locuteur. L'unit de temps permet aux personnages de se regarder historiquement. Le prsent dpend de lavenir et nentrane que lide de mort (Iphignie, Phdre) ou de sparation (Brnice).La pice racinienne est la tragdie de linstant, le personnage est victime de linstabilit et de la discontinuit temporelle. Sa vision est pessimiste, le personnage se caractrise par un tragisme bouleversant, la fatalit pse sur eux par la force des dieux. La relation fondamentale du thtre de Racine est la relation dautorit que lamour ne fait que mettre en vidence. La relation damour est fluide, la relation dautorit est constante et explicite. Le tyran et le sujet sont attachs lun lautre, vivent lun par lautre, ils tirent leur tre de leur situation par rapport lautre. Les armes du sujet contre le tyran sont le regard (car par le regard on dsorganise lautre, on le fixe dans le dsordre), la menace de mort, la mort cherche (le hros veut mourir pour rompre une situation, le suicide est une menace directe dirige vers loppresseur, il est la reprsentation vive de sa responsabilit), lagression verbale (la blessure racinienne nest possible que dans la mesure o la tragdie implique une confiance dans le langage; deux mouvements apparemment inverses provoquent la blessure: le mot dvoile une situation intolrable ou le discours est dtourn).La tragdie la plus importante de Racine reste Andromaque. Deux popes, lune grecque lIliade dHomre, lautre latine lEnide de Virgile et deux tragdies dEuripide, Les Troyennes et Andromaque sont les sources qui ont fourni Racine sujet et personnages. Il a modifi profondment la situation de son hrone. Dans la tragdie ancienne, Andromaque, veuve dHector, devient la femme de Pyrrhus, cest--dire du fils dAchille, le meurtrier de son poux et elle tremble pour la vie du petit Molossus, enfant n de son mariage avec Pyrrhus. Cela aurait choqu les contemporains de Racine.Chez Racine Andromaque est reste la veuve dHector et la mre dAstyanax. Elle se trouve prise entre deux devoirs: demeurer fidle la mmoire de son poux et sauver son fils. La jalousie et lorgueil dHermione forment un contraste saisissant avec la rsignation et le calme courage dAndromaque. Elle refuse la main et la couronne que Pyrrhus lui offre, et reste fidle au souvenir de son Hector. Comme le jeune roi menace de livrer son fils Astyanax aux Grecs qui le demandent, de cruels combats se livrent dans son me. Aprs la chute de Troie, Pyrrhus, fils dAchille et roi dEpire, a ramen parmi ses captives Andromaque, la veuve dHector. Bien que fianc officiellement Hermione, fille de Mlnas et dHlne, Pyrrhus aime Andromaque et voudrait lpouser de prfrence Hermione. Pour contraindre Andromaque laccepter, Pyrrhus menace de tuer son fils Astyanax. Andromaque ne peut croire excution de cette vengeance et persiste dans son refus. Mais voici que Oreste, fils dAgamemnon, vient, au nom de tous les Grecs, rclamer Pyrrhus le petit Astyanax. Pyrrhus refuse noblement de livrer lenfant, il espre par l se gagner enfin le coeur de la mre. Mais Andromaque continue repousser les offres de Pyrrhus qui, dans un moment de colre, dclare quil va pouser Hermione et livrer Astyanax aux Grecs. La malheureuse mre se rsout supplier Hermione qui la renvoie ironiquement Pyrrhus. Le roi se laisse toucher, mais la condition quAndromaque lpousera. Andromaque feint dy consentir mais elle se tuera aprs la crmonie au temple. Hermione, au comble de la jalousie, ordonne Oreste de poignarder Pyrrhus. Sa vengeance accomplie, elle n' peut survivre et se tue de dsespoir. Oreste devient fou.Andromaque est lune des plus touchantes figures du thtre franais. Cest la Mre, celle de tous les temps dont lunique trsor est son enfant. Aucun sacrifice ne lui parat trop dur et sauver lexistence de son fils au dpens de la sienne lui semble naturel. Cest aussi lpouse fidle qui garde au souvenir de son mari une tendresse mue, accrue mme par la longue sparation de la mort. A force de penser lui, elle la par de toutes les perfections. Son amour pour Hector est devenu une obsession. Son nom revient continuellement dans ses propos, elle lui parle, le consulte lorsquil sagit de prendre une dcision grave. Mme lardente affection quelle a vou Astyanax montre au fils quel point elle chrissait le pre. Elle trouve en lui limage de son poux dfunt.La bont, la modestie, la dlicatesse, la dignit la parent et la rendent infiniment sduisante. Hermione sert de repoussoir Andromaque. Orgueilleuse et passionne, elle aime mieux faire assassiner Pyrrhus plutt que de lui voir pouser sa rivale. Dure et hautaine quand elle est triomphante, elle ne mous meut pas quand elle souffre. Sa jalousie, mle de violence et dorgueil, la mne au crime. Son suicide, la fin, nous semble, aprs tout, une juste punition. Pyrrhus est un jeune roi courageux et fier. Son amour pour Andromaque est sincre mais cest celui dun goste. Il ne craint pas de la faire pleurer et nhsite pas lui imposer un march brutal. Pourtant devant ses larmes, que lui mme a provoques il se sent attendri et redevient humble et suppliant. Ces brusques carts sont naturels chez les personnes violentes et passionnes la fois.Oreste reprsente le hros des tragdies antiques. Une fatalit inexorable prside son destin, car il est dune famille voue au malheur. La passion quil nourrit pour Hermione le fait agir daprs les sentiments de cette femme altire. Simple instrument dans ses mains, il commet un crime abominable, malgr la rpulsion quil en ressent au dbut. Tout de mme, il ne nous semble pas odieux, nous sentons que ce nest pas un vulgaire assassin. Sa faiblesse nous inspire une grande piti dautant plus quune atroce punition en est la ranon.Les personnages que Racine met en scne dans cette tragdie ont beaucoup dpouill de leur brutalit primitive. Au font, ils nont dantique que les noms, car leur manire de sentir et de parler est celle des grands seigneurs et des belles dames de la cour de Louis XlV. De cette faon, Racine a su concilier le pathtique grec aux lgances franaises. La tragdie racinienne se caractrise par le jeu des forces sentimentales et la peinture des caractres. Les deux grands ressorts par lesquels il agit sont la terreur et la piti. La principale rgle reste celle de plaire et de toucher. Racine sefforce dimiter la belle simplicit des tragdies antiques. Le moins dvnements possibles, une intrigue fort rduite reprsentent son idal. A la simplicit de laction correspond la vrit dans la peinture des caractres. Le conflit racinien se rsume en lutte du devoir et de la passion avec le triomphe de la dernire. Les personnages quil met en scne sont ceux de la vie relle. Ses hros sont domins par la passion. Aux heures graves de la vie, ils hsitent, se lamentent et finissent par cder linstinct qui lemporte presque toujours sur la volont. Il peint les hommes faibles tels quils sont en ralit. Cest ce quon a appel le ralisme de Racine. Le dramaturge nous montre lamour aveugle aboutissant au crime: Andromaque, Phdre, lambition politique chez les hommes de mme que chez les femmes: Britannicus, Athalie, Iphignie, la jalousie assoiffe de vengeance, la basse hypocrisie Cette fresque puissante, diverse et colore prouve une parfaite connaissance quil avait du coeur humain. Ses personnages sont plus prs de nous que ceux de Corneille. Racine est un magicien du style, un artiste incomparable. Une sensibilit exquise pare ses plus beaux vers. Les paroles dAndromaque quand il sagit de son fils ou de son poux, celles de Pyrrhus implorant, la prire dEsther, nous touchent par les sentiments dlicats et la suave [posie qui sen dgagent. Les vers sont dun rythme souple qui pouse les plus secrtes nuances de la pense.Par son lgance, par lheureux choix des mots, par la vertu expressive du rythme, son style est dune perfection qui na point t dpasse.Racine est profondment humain, son pessimisme, d Port-Royal et la vie, ne l'empche pas de donner un enseignement moral.Quoique Racine, dans ses conceptions, soit moins sublime que Corneille, quoiquil rduise ses personnages des proportions plus humaines et plus naturelles, il faut bien se garder de croire quil nait pas aussi son idal. Ses caractres sont ennoblis, non par leur perfection morale, mais par le libre dveloppement de leur nature. Dans cette atmosphre peuple de rois et de hros, lair est moins lourd sur ces nobles fronts. Les passions de la cour deviennent les passions de lhumanit et loeuvre de Racine restera imprissable comme elles.

MOLIRE

Chef de troupe, acteur toujours en scne et auteur, Molire na pas un instant de repos. On est stupfait quil ait pu, entre 1658 et 1673, composer plus de vingt ouvrages, dont plusieurs en cinq actes et en vers. Il devait, selon Boileau, rimer avec une facilit singulire.Il est difficile de classer dune faon rigoureuse les comdies de Molire. Car, il est vrai que, parti des formes infrieures voisines de la simple farce, il sest lev par un largissement progressif de son gnie la comdie de moeurs et de caractres, il ne sen est pas moins plu trs souvent mler les divers genres comiques en une complexit vivante.Molire ralise une vaste enqute sur l'homme avec des procds de farce, en s'appuyant sur l'effet contrastant. De cette manire il fait tomber le masque de ses personnages. La btise humaine est prsente comme la source des dfauts: avarice, jalousie, tyrannie, la folie des grandeurs ( Les Prcieuses ridicules, Le Bourgeois gentilhomme, Le Malade imaginaire). Il cre des farces: La jalousie du barbouill, Le Mdecin volant, Sganarelle, Le Mdecin malgr lui, George Dandin, Monsieur de Pourceaugnac, Les Fourberies de Scapin, La Comtesse dEscarbagnas, des comdies-ballets: Le Mariage forc, La Princesse dElide, LAmour mdecin, Mlicerte, Le Sicilien, Les Amants magnifiques, une opra: Psych, une comdie du genre noble: Don Garcie de Navarre, des comdies critiques: La Critique de lEcole des femmes, LImpromptu de Versailles, des comdies dintrigue: LEtourdi, Le Dpit amoureux, Les Fcheux, Amphitryon, des comdies de moeurs: Les Prcieuses ridicules, LEcole des maris, LEcole des femmes, des comdies de moeurs et de caractres: Don Juan, Le Misanthrope, Le Bourgeois gentilhomme, Les Femmes savantes, Le Malade imaginaire, des comdies de caractres: Le Tartuffe, LAvare.Dans Le dpit amoureux le dramaturge donne un premier exemple de son art du rythme et de la construction dramatique, en atteignant en mme temps une certaine profondeur psychologique. Peu peu lintrigue devient une proccupation secondaire pour Molire, en se rduisant, dans les comdies dintrigue et de caractre, un simple support, assez monotone. La structure et le contenu des Prcieuses ridicules sont ceux dune farce. Cette farce est une satire de moeurs qui a un rle prcis dans la campagne anti-prcieuse, en ouvrant une perspective sur tout le thtre de Molire. Un autre ouvrage de transition entre farce et comdie est LEcole des maris. Chef-doeuvre de la construction dramatique, cet ouvrage simpose par la peinture des moeurs de la socit de lpoque et surtout par le caractre de Sganarelle, un type de moraliste chimrique et ttu, grotesque mais pathtique dans ses colres impuissantes, dans ses dfaites. Dans la figure dArioste, Molire trace pour la premire fois la figure dun raisonneur, symbole dune foi sincre dans la jeunesse et dans la vie, de lhorreur envers toute forme de contrainte. La sympathie profonde pour les aspirations de la jeunesse apparat dans LEcole des femmes, comdie daction et de caractre, o Molire cre, travers Arnolphe, un type admirable de jaloux, auquel lgosme, la sensualit et lautorit dogmatique confrent un caractre comique et grotesque. Dans Agns le dramaturge incarne le sentiment naturel, la spontanit, la candeur qui soppose la tyrannie obtuse. Dans Tartuffe Molire stigmatise tous les hypocrites qui, au nom de la religion, avaient voulu le dtruire en laccusant dimpit.Orgon, dont la pit va jusqu la crdulit, a recueilli chez lui un homme qui la sduit par ses simagres et quil croit un modle du parfait chrtien, Tartuffe. Celui-ci nest quun hypocrite dangereux. Il veut pouser la fille dOrgon et fait la cour sa femme. Orgon a eu limprudence de lui confier des papiers compromettants, il va mme jusqu lui faire une donation de ses biens, au dtriment de ses propres enfants. Tartuffe est dmasqu grce la finesse dElmire et Orgon le chance de chez lui. Mais limposteur prend sa revanche, il fait valoir la donation et va porter au roi les papiers qui doivent amener larrestation de son bienfaiteur. Heureusement le roi est un prince ennemi de la fraude et cest Tartuffe qui est conduit en prison.Cest une comdie bourgeoise o le dramaturge se propose de peindre moins la ruse criminelle que le temprament vicieux. Dans les scnes o Tartuffe savre un malfaiteur de profession, un spcialiste de la fraude, la comdie bascule vers la tragdie, le grotesque se prcise dans la figure du protagoniste. Admirable comdie de caractre, Tartuffe est galement une comdie daction, mme si lintrigue nest pas originale. La pice Don Juan est conue au-del des rgles classiques, comme une srie dvnements qui naissent dun noyau dramatique complexe o se mlangent farce, comdie bourgeoise, le got du surnaturel, de lextraordinaire. Don Juan est un libertin dbauch, hautain et fondamentalement amoral, habitu dissimuler en amour et dispos dissimuler dans nimporte quelle situation, mais ennobli par une grce fascinante et par un sentiment chevaleresque de lhonneur. Avec Le Misanthrope Molire accde la haute comdie. Cette pice est considre le chef-doeuvre de son thtre pour la gravit de la trame psychologique, pour la richesse de la conception, pour la pntrante reprsentation des milieux mondains du temps. Alceste, gentilhomme dune probit intransigeante, ne peut souffrir les simagres de la politesse et querelle son ami Philinte qui nimite pas sa sincrit. Par une contradiction trs piquante, il aime justement Climne, jeune veuve de vingt ans, mondaine et coquette. Il vient chez elle pour la mettre en demeure de choisir entre lui et les autres prtendants. Dacte en acte, il est empch de sexpliquer avec elle. Dabord il a un duel avec Oronte dont il a critiqu le sonnet, il croit ensuite aux calomnies dArsino qui le fait venir chez elle pour lui montrer un billet crit par Climne Oronte, puis un de ses laquais vient lavertir quon cherche larrter, enfin, tous ceux qui Climne a envoy des lettres sont runis et laccablent de leur ddain: seul Alceste consent pardonner mais cette condition que Climne lpousera et le suivra la campagne. Climne ne se sent pas assez forte pour renoncer au monde et Alceste rompt avec elle. A travers le personnage dAlceste, Molire y dnonce le dsquilibre, lexcs, lexclusivisme de la passion. Le mme exclusivisme se retrouve chez Harpagon dans lAvare ou chez Monsieur Jourdain dans Le bourgeois gentilhomme. LAvare nous prsente Harpagon, homme trs riche mais qui a une telle passion pour le gain quil place son argent en usure et nglige compltement lducation de ses enfants. Ceux-ci, Clante et Elise, nont pour lui que du mpris. Clante cherche emprunter et lusurier avec lequel on le met en rapport est justement son pre. Elise a sign une promesse de mariage Valre, qui la sauve des eaux, et qui sest introduit dans la maison comme intendant. Harpagon savise de vouloir se remarier, il courtise une jeune fille, Mariane qui est aime de Clante et il devient ainsi le rival de son fils. Cet amour ridicule fait encore ressortir son avarice car Harpagon nest pas plus gnreux envers Mariane quenvers ses enfants. Le vol dune cassette contenant 10.000 cus en or et que la Flche, valet de Clante, a drobe Harpagon, forme le noeud de lintrigue. Lavare souponne tout le monde, veut faire arrter toute sa maison, et finit par rentrer en possession de son trsor, la condition quil laissera Clante pouser Mariane et Valre pouser Elise. Mariane et Valre se trouvent tre frre et soeur et reconnaissent leur pre dans le seigneur Anselme, vieux gentilhomme de Naples que Harpagon voulait donner pour mari sa fille. Monsieur Jourdain, de la pice Le bourgeois gentilhomme, fils dun drapier, veut jouer au gentilhomme. Il fait venir chez lui des matres de musique, de danse, descrime, de philosophie. Il porte des habits magnifiques, il se laisse escroquer de largent par Dorante, gentilhomme peu scrupuleux qui le paie en compliments. De plus, il a rsolu de ne marier sa fille Lucile qu un comte ou un marquis. Or Lucile est aime de Clonte qui, pour arriver lpouser, se fait passer pour le fils du Grand Turc. De l une crmonie o M. Jourdain est reu mamamouchi.Molire reprend dans Les femmes savantes la critique contre la prciosit. En ridiculisant le snobisme intellectuel des femmes savantes, considr dans son incompatibilit avec les bases morales de la famille bourgeoise, Molire prouve son intrt pour la situation de la femme dans la socit, pour le problme de sa soi-disante infriorit intellectuelle. Le bon bourgeois Chrysale a pour femme Philaminte qui sest mise jouer au bel esprit et la science. Sa soeur Blise et sa fille ane Armande sont gtes par le mme ridicule. Armande avait t demande en mariage par Clitandre mais celui-ci, aprs trois ans dattente, sest dcid dpouser la soeur cadette dArmande, Henriette, type de jeune fille simple et spirituelle, instruite mais modeste. Philaminte veut donner un autre mari Henriette, un bel esprit hypocrite nomm Trissotin. Chrisale nadmet pas ce mariage ridicule mais par faiblesse, il le laisserait saccomplir si son frre Ariste ne savisait dun stratagme pour carter Trissotin. Il apporte des lettres, fabriques par lui-mme, et qui annoncent la ruine de la famille. Trissotin dclare quil renonce sa demande, Clitandre, au contraire, insiste pour pouser Henriette et offre toute sa fortune Chrisale. Aprs le dpart du pdant, Ariste rvle la vrit et le mariage dHenriette avec Clitandre va se clbrer.La comdie est une fine satire de la prciosit double de pdantisme scientifique. Sous les formes particulires des travers et des ridicules contemporains, il prsente des caractres, des types universels. Il y pose un problme trs dlicat et encore trs actuel, celui de lducation et de linstruction des femmes.Dans Le malade imaginaire, travers une action mdiocre mais dun comique irrsistible, Molire pousse fond la satire contre lcole de mdecine, dj esquisse dans LAmour mdecin ou Mdecin malgr lui.La Critique de lEcole des femmes et LImpromptu de Versailles ont une place part dans la cration de Molire non seulement pour leur valeur polmique dans la querelle de LEcole des femmes mais parce quelles contiennent lessence des ides littraires et de la mthode du dramaturge. Il est un moraliste qui oppose le Bien au Mal, qui prsente la dsorganisation de la famille (Molire place presque toujours laction de ses comdies dans le milieu familial et sattache montrer non seulement les consquences quentranent les vices pour les personnes qui en sont atteintes, mais encore la rpercussion de ces vices sur tous les membres de leur entourage: trouble dans lharmonie conjugale, altration des rapports entre parents et enfants, bonheur de ces derniers compromis par lgosme paternel ou maternel, en un mot dsorganisation profonde de la famille), le mensonge des convenances mondaines (Cest dans Le Misanthrope que Molire a dvoil le mensonge sur lequel reposent habillement les rapports des hommes entre eux dans la socit. Deux tempraments sy opposent dans les personnages dAlceste et de Philinte: raideur intransigeante et indignation et souplesse et rsignation chez lautre. Deux philosophies galement: le premier rclame la franchise brutale dans les relations mondaines, le second prconise la politesse mensongre. Les dclarations dAlceste sinspirent dun trs louable idal, auquel on peut reprocher son caractre abstrait et thorique. On peut se demander aussi si Philinte avec son indulgence mprisante nest pas plus misanthrope quAlceste avec ses naves illusions), la naissance et le mrite (De toutes les comdies de Molire Don Juan est sans doute la plus captivante par la hardiesse des questions et des problmes religieux quelle soulve. Molire y touche au problme morale et social de la naissance et du mrite. On pourrait tre aussi tent de rapprocher le rquisitoire contre la noblesse indigne et dgnre, contenu dans les tirades de Gronte et de Don Louis, le pre de Don Juan). Il met en vidence le principe de mobilit, car ses personnages changent d'attitude, de gestes, de ton, de vocabulaire (Tartuffe). Il vite le clich, l'unique personnage immuable est le personnage du pre et du tuteur (Orgon, Sganarelle qui sont obtus, ttus, mdiocres).Le discours met en vidence leurs portraits, l'auteur place le personnage dans le contexte (Tartuffe est l'imposteur, Harpagon est l'avare, Jourdain est le parvenu ridicule). Le portrait ngatif est destin mettre en valeur le portrait positif. L'unit d'action est assure par les jeux de symtrie, le couple d'amoureux matres est en relation directe avec le couple d'amoureux domestiques.Dans Don Juan et le Misanthrope c'est l'ide de libert qui prime, les personnages sont les produits d'un ensemble de circonstances sociales et morales. Don Juan se caractrise par une simplicit classique par la rduction des situations, par le caractre unitaire issu d'un respect de l'ordre, par la vraisemblance du sujet, par la punition d'un athe, par le respect des biensances. Le caractre baroque rside dans l'emploi du masque. Il fait semblant d'tre amoureux, converti ou bienveillant et n'ayant en ralit aucune considration pour ses semblables. Le refus de soumission, le soif de changement, la solitude- il sme le mal autour de lui, la lucidit avec laquelle il se dirige vers le dnouement implacable mettent en vidence le caractre tragique de ce personnage dont Camus considrait comme l' illustration du personnage absurde. Dans le Misanthrope le sujet est la morale. L'action est limite dans le temps et dans l'espace. Le modernisme rside dans la coexistence du ridicule et du tragisme. Le comique cesse l o commence la souffrance- Alceste demande trop, il est fort sensible et isol en mme temps.Molire est, avec La Fontaine, un des rares crivains du XVll-e sicle qui se soient attachs peindre beaucoup de caractres mais spcialement le paysan dans LEcole des femmes (Alain et Georgette), Don Juan (Pierrot, Charlotte, Mathurine), Le Mdecin malgr lui (Lucas, Jacqueline), George Dandin (Lubin). Par souci de ralisme Molire a fait parler aux paysans le langage incorrect qui leur convenait mais La Bruyre lui a reproch de navoir pas vit dans son style le jargon et le barbarisme. Tout le long de sa carrire Molire a attaqu les mdecins. Pendant son sjour en province il commence les tourner en ridicule dans deux farces qui nous sont parvenues, La Jalousie du barbouill et Le Mdecin volant et sans doute aussi dans dautres farces de la mme priode. Sa dernire pice Le Malade imaginaire revient la charge contre eux. En sacharnant ainsi contre les mdecins, Molire ne faisait que suivre la tradition de la posie satirique franaise du Moyen Age et de la farce italienne. Mais son insistance particulire a dautres causes. Malade lui-mme, il prouvait le dsir de satisfaire sa rancune contre ceux qui navaient pas russi le gurir. Observateur attentif de ses contemporains, il trouvait une riche matire comique dans les travers de la profession mdicale au XVll-e sicle: accoutrement ridicule, pdantisme du langage, cynique exploitation de la crdulit des malades, esprit de corps et rivalits individuelles, foi aveugle dans la mthode dautorit, ddain de lexprience, mfiance systmatique pour les ides nouvelles. Mais Molire a reprsent, dans ses comdies, toutes les classes sociales. La noblesse de province, calque sur celle de la ville, avec ses petites pronnelles bavardes, prtentieuses et affectes (Les Prcieuses ridicules, Georges Dandin).La bourgeoisie, singeant maladroitement une noblesse quelle dteste et envie la fois (Le bourgeois gentilhomme).Enfin le peuple avec son gros parler savoureux, ses incorrections de langage, nous est reprsent parfois naf et plein de bon sens (Martine), mais le plus souvent fourbe, habile se procurer des revenus malhonntes et jouer les pires tours aux vieux matres avares (tous les valets fripons: Scapin, Sganarelle,..).Molire se caractrise par le comique de langage qui rsulte du rapport entre dire et faire, son but est de transmettre par le comique de caractre, de situation et de langage des vrits sur l'homme.On a fait de graves reproches Molire crivain. Avouons que Molire qui crit trs vite, soit en prose, soit en vers, a pu laisser passer quelques figures peu cohrentes, dont les puristes comme La Bruyre et Fnelon sont choqus. Avouons encore que Molire, qui ntait pas seulement auteur, mais qui tait aussi comdien, avait la tte pleine de tirades et de rpliques appartenant des ouvrages mal crits et que les rminiscences de ses rles se sont glisses dans ses propres ouvrages. Mais disons plutt que Molire a un style de thtre, il crit chaque rle sous la dicte de son personnage. Le marquis, le bourgeois, le valet, la servante, chacun parle chez lui son jargon. De l, cette impression de varit et de naturel que donne un si haut degr la moindre pice de Molire. La plus grande gloire de Molire cest davoir t le pote de lhumanit en mme temps que celui de son poque. Non seulement il a le premier aperu et chti le ridicule dans des choses que ses contemporains estimaient et prenaient au srieux, mais il a incarn ces vices et ces travers dans des crations dune vrit imprissable. Il a su runir la gnralit dans les passions et la proprit dans les caractres. Ses personnages ont une physionomie si distincte, si personnelle, quon les reconnat entre mille. Ils sont la fois rels comme des individus et vrais comme des types. Ces personnages ne sont pas des portraits mais des crations. Molire produit comme la nature et daprs les mmes lois mais il ne la calque pas. Lintrigue qui entrane ses acteurs et les enveloppe comme une atmosphre est resplendissante du feu de son imagination. A mesure que sa raison devient plus profonde et son coup doeil plus pntrant, sa verve comique monte et bouillonne de plus en plus. Son grand mrite est davoir crer des types. Son analyse pntrante est alle jusquaux replis les plus secrets de la nature humaine, cest pour cette raison que son thtre ne sera jamais dmod. Son avare, son pdant, son fils prodigue, son bourgeois timor, sa coquette, sa prude, seront toujours dune ternelle actualit, ils dureront autant que lhumanit mme.