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UNIVERSITE PAUL CEZANNE-AIX-MARSEILLE III FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES L’ARRIMAGE DES CONTENEURS MASTER II DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS A UTEUR : EMMANUELLE BILY D IRECTEUR DE RECHERCHES : M. CHRISTIAN SCAPEL ANNEE 2006-2007

l'Arrimage Des Conteneurs

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UNIVERSITE PAUL CEZANNE-AIX-MARSEILLE III FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES

L’ARRIMAGE DES CONTENEURS

MASTER II DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS

A U T E U R : E M M A N U E L L E B I L Y D I R E C T E U R D E R E C H E R C H E S : M . C H R I S T I A N S C A P E L

A N N E E 2 0 0 6 - 2 0 0 7

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REMERCIEMENTS

J’adresse en premier lieu mes plus chaleureux remerciements à l’équipe du service

juridique de la Compagnie MARFRET, pour m’avoir permis de m’imprégner de

leur passionnante expérience du transport maritime pendant ces six mois de stage,

mais aussi pour leurs réponses patientes et détaillées à mes nombreuses questions.

Mes respectueux remerciements vont ensuite à Monsieur Christian SCAPEL et

Monsieur le Professeur Pierre BONASSIES pour l’excellence de leurs

enseignements et pour l’honneur qu’ils me font en jugeant ce travail.

Je tiens également à remercier l’ensemble des professeurs et intervenants

professionnels du Master II de Droit Maritime et des Transports pour la qualité de

leurs interventions et leurs apports documentaires concernant cette étude.

Je remercie enfin tous ceux qui de près ou de loin m’ont aidée et soutenue dans la

rédaction de ce travail de recherche.

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INTRODUCTION

« Un faux problème : celui des conteneurs »1. Contrairement à cette fameuse

formule du Doyen René Rodière en 1968, ce « machin pour mettre des trucs

dedans »2 a véritablement révolutionné le monde du transport. Comme toute

révolution, cette technique de transport, qui enregistre des développements on ne

peut plus positifs, n’est pas sans poser de « vrais problèmes ».

La conteneurisation apparaît aujourd’hui comme un phénomène majeur qui a

marqué la circulation maritime, et au-delà, l’économie générale, et qui continuera à

le faire.

La conteneurisation est un domaine où la chasse aux records est permanente. La

croissance des trafics est forte et personne ne sait en prédire le terme. Une

nouvelle période s’est ouverte avec les premières années du XXIème : des navires

porte-conteneurs géants annoncent l’essor de la productivité des flottes. Les

armements conteneurs se sont lancés très tôt dans les politiques d’expansion de

flotte et d’accroissement des capacités de transport afin d’aligner un nombre

suffisant de porte-conteneurs sur l’ensemble des lignes pour massifier les trafics,

réaliser des économies d’échelle et atteindre une taille critique suffisante. Le

développement des compagnies maritimes conteneurisées s’est traduit par la mise

en place de réseaux de lignes maritimes, organisation qui permet de rationaliser les

activités et de planifier les flux. Les armements mondiaux ont d’abord construit

leur puissance sur les échanges Est-Ouest, reliant l’Asie, l’Europe et l’Amérique du

Nord, avant d’investir les créneaux Nord-Sud. Les clients exigeant de plus en plus

de services et de simplification administrative lors d’opérations de transport de

plus en plus complexes, les armements conteneurisés ont progressivement étoffé

1 « Un faux problème : celui des conteneurs » - Doyen R. Rodière – DMF 1968, p 709. 2 « Le contenu juridique du conteneur » - H. Schadee – DMF 1967, p 602.

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leur offre, englobant les services de manutention, les services à la marchandise et

les transports routiers, ferroviaires et fluviaux, afin d’offrir une prestation globale

de transport basée sur le contrôle des coûts de l’ensemble de la chaîne logistique,

dans le cadre de l’organisation dite « d’opérateur unique », l’armement devenant

organisateur de transport et gérant tous les paramètres logistiques pour un client

dont il est alors le seul interlocuteur.

Dans l'antiquité les navires transportaient en Méditerranée des amphores de

diverses tailles, adaptées à la nature et au poids des marchandises.

« Par la suite les emballages se sont diversifiés et les navires mettaient dans leurs

cales des cartons, des palettes, des fûts, et même des marchandises sans emballage.

Cette situation avait pour inconvénient de générer beaucoup de manipulations au

cours de la chaîne de transport, et par conséquent beaucoup de détériorations et

de vols de marchandise », précise Jean François Mahé, Directeur logistique

conteneur à CGM-CMA3. Une situation qui perdure jusqu'à ce que Malcom Lean,

transporteur routier américain et certainement le plus grand révolutionnaire de

l'histoire du commerce maritime, décide de se lancer dans le transport maritime et

propose de mettre toutes ces marchandises dans des boîtes : c’est la naissance du

conteneur, dont la longueur est de 35 pieds. L’idée de cette boîte au concept

simple serait née, selon certains historiens, lors d’un congrès automobile à Rome

en 1928, les constructeurs, s’inquiétant des disparitions de pièces lors des voyages

maritimes, ne voulaient plus expédier leur marchandise que dans des boîtes de

bois aux formes rectangulaires4. Avant l’avènement de la conteneurisation, les

pratiques de manutention du fret n’avaient pas évolué depuis plus de 100 ans. La

construction de palettes et leur chargement dans la cale des navires constituaient

un processus lent qui exigeait beaucoup de main-d’œuvre, et les cargaisons

pouvaient facilement être endommagées et volées. C’est pourquoi l’invention de

la conteneurisation est considérée par certains comme la plus importante

innovation du XXe siècle dans le transport des marchandises.

3 Ambitions Sud International – Fos-sur Mer, un carrefour maritime et fluvial : de l’amphore aux conteneurs – Bimestriel 2cnomique Région PACA. 4 50 ans, la maturité et encore toute le fougue de la jeunesse – JMM 24 novembre 2006.

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« En 1960 l'International Standard Organisation fixe les normes du conteneur à 20

pieds ou 40 pieds. On utilise depuis une mesure des volumes d'activité en Teu,

twenty foot equivalent unit, ou équivalent 20 pieds », continue M. Mahé. « Cette

technique de transport s’est généralisée » poursuit-il, « plus de 80% des

marchandises diverses sont maintenant transportés en conteneurs ». Un

phénomène qui a entraîné une certaine standardisation des navires et une

flexibilité demeurant un atout majeur de la mondialisation des échanges.

Selon la définition du Professeur Putzeys, le conteneur « se distingue de tout

emballage par ses dimensions standardisées et par le fait qu’il se prête à des usages

répétés. Il a pour effets principaux de supprimer les ruptures de charge et de

pouvoir indifféremment être arrimé sur des barges, des camions ou des wagons de

chemin de fer. »5 La conteneurisation étant devenue incontournable, il a donc été

nécessaire d’établir une réglementation particulière. La Convention Internationale

pour la Sécurité des Conteneurs (CSC) faite à Genève le 2 décembre 1972, entrée

en vigueur en France le 6 septembre 19776, normalise la définition du conteneur

aux termes de son article II, paragraphe 1 :

« Le conteneur est un engin de transport de caractère permanent, et de ce fait assez

résistant pour permettre un usage répété, spécialement conçu pour faciliter le

transport des marchandises sans rupture de charge par un ou plusieurs modes de

transport, conçu pour être assujetti et/ou manipulé facilement, des accessoires ayant

été prévus à cet effet. »

Il est plus épineux d’en donner une définition juridique précise, tant les

conventions et les lois internes ont omis de le qualifier juridiquement. En droit

international, le Protocole de 1968, autrement appelé les « Règles de Visby »,

modifiant la Convention de Bruxelles de 19247, fait une place au conteneur mais

seulement pour le calcul de la responsabilité du transporteur maritime. Les Règles

5 Sur les Quais… - Andrée Chao – BTL N° 2541 8 novembre 1993. 6 D. n°77-1043, 9 sept 1977 : Journal Officiel 18 septembre 1977. 7 Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924.

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de Hambourg8, considérant simplement le conteneur du point de vue des limites

de la responsabilité du transporteur, le caractérise d’engin « utilisé pour grouper

des marchandises. » La loi française n°79-1103 du 21 décembre 1979, qui a

modifié la loi n° 66-420 du 18 juin 1966, n’apporte aucune avancée sur la

qualification juridique se limitant à instituer un régime dérogatoire pour le

chargement en pontée des conteneurs et à individualiser le conteneur au regard du

mode de réparation due par le transporteur.

De son côté, la jurisprudence a dans de rares décisions tenté d’apporté une

définition au conteneur, néanmoins celles-ci n’ont pas fait l’unanimité. Il est

intéressant de citer une approche, qui a été abandonnée par la suite, faisant du

conteneur l’accessoire nécessaire du navire (cellule amovible du navire); le porte-

conteneurs serait en quelque sorte un assemblage de conteneurs. Mais aussi

séduisante que pouvait être cette définition, c’était écarter la nature multimodale

du conteneur, pouvant passer d’un navire à l’autre ou d’un navire à un camion ou

à un wagon de chemin de fer ou encore à une barge. Une autre analyse

jurisprudentielle a vu dans le conteneur « un simple mode d’emballage comme l’est

une valise pour les bagages d’un passager ».9Le Professeur Pierre Bonassies a

observé dans un article paru au Droit Maritime Français en 1994, que s’il on veut

voir dans le conteneur un emballage, il s’agit forcément d’un emballage « qui n’est

pas comme les autres » et son statut juridique reflétera ce particularisme.

« La conteneurisation, c'est la transposition du principe de la production en série

au transport des marchandises générales. »10 Les tendances économiques, comme

la mondialisation de la chaîne d’approvisionnement et la libéralisation des

échanges, ont grandement stimulé la demande de transport conteneurisé.

L’utilisation d’une « boîte » d’acier aux dimensions normalisées (l’équivalent vingt

pieds – EVP – étant l’unité de mesure utilisée) pour le transport des marchandises

comporte un certain nombre d’avantages. Le plus important est la réduction de 8 La Convention des Nations Unies sur le transport de marchandises par mer, dite Règles de Hambourg a été adoptée le 31 mars 1978. 9 CA Aix-en –Provence, 2ème Ch, 19 décembre 1979, Navire Zim Ibéria – DMF 1980 p 731.

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l’ensemble des délais, parce que les conteneurs peuvent être transférés très

rapidement du navire au train et au camion, et inversement. Le conteneur est donc

le vecteur de l’intermodalité11. Les opérations de manutention dans les ports sont

considérablement simplifiées, les temps de chargement et déchargement des

navires sont divisés par deux ou plus, ceux-ci peuvent donc effectuer un plus

grand nombre de rotations. L’empilement des boîtes dans la cale ou sur le pont

permet d’augmenter considérablement le taux de remplissage donc la rentabilité

des navires. La marchandise, empotée chez l’expéditeur et dépotée chez le

destinataire, voyage de manière anonyme, ce qui réduit considérablement les

pertes, les casses ou les vols. Par rapport au transport maritime conventionnel, tel

qu’il se pratiquait dans les années 1960, le conteneur a permis de diviser par deux

les délais d’acheminement et au moins par trois les coûts de transport.

En fonction des besoins, il est apparu une gamme de types de conteneurs adaptés

aux diverses marchandises transportées. De manière générale, on distingue deux

catégories de conteneurs : les conteneurs pour marchandises générales et les

conteneurs pour marchandises spécifiques, dont les dimensions sont variables.

L’International Standards Organisation (ISO) s’est efforcée d'obtenir des

dimensions appropriées, s'agissant du gabarit, en longueur, largeur et hauteur, des

supports utilisés : camions, wagons de chemin de fer notamment. Conformément

à la norme internationale, les types de conteneurs les plus répandus sont les 20

pieds (6,05m) et les 40 pieds (12,19m), qui ont respectivement comme volume

intérieur 32m³ et 65m³. Le plus ordinaire des conteneurs destiné à des

marchandises générales et sèches, communément appelé « DRY », est un

conteneur fermé muni d’une porte verrouillable, à deux battants à une extrémité et

d’anneaux de saisissage à l’intérieur. Le conteneur peut être à toit ouvert, OPEN

TOP, pour pouvoir être chargé par le haut ou conventionnellement par les portes

10 Définition donnée par la Compagnie Générale Maritime – CGM, devenue aujourd’hui la CMA-CGM. 11 « L’intermodalité est la mise en œuvre de services de bout en bout au moyen de modules ou vecteurs permettant l’acheminement des marchandises de porte à porte, en utilisant différents modes de transport sans rupture de charge. » Les échanges de marchandises dans le monde par voie maritime – La conteneurisation - Fiche n°3 – Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement février 2002.

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arrières ; le toit pouvant être recouvert par une bâche. Le conteneur de type plate-

forme, FLAT, est utilisé pour des colis hors-gabarit. Pour des marchandises

spécifiques ont été mis au point, entre autre, les conteneurs réfrigérés, REEFER,

permettant le transport sous température dirigée ou encore les conteneurs

citernes, TANKTAINER afin de transporter des produits liquides ou gazeux,

inoffensifs ou dangereux.

L’innovation la plus considérable dans la conception des conteneurs par rapport à

n’importe quelle autre « caisse » est l’adoption des « pièces de coins », « corner

fittings » en anglais. Chacun des huit coins du container est équipé d’un cube en

acier percé sur chacune de ses trois faces visibles. La dimension de ces coins et

surtout leur écartement en largeur et en hauteur est défini au millimètre près par la

norme ISO 668 car ils sont utilisés pour la manutention par des chariots

spécialisés, mais surtout pour l’arrimage des containers sur le pont des bateaux, sur

les camions ou sur les wagons ainsi que pour les superposer. Ce sont ces coins

ISO qui ont donné au container son intermodalité et assuré de ce fait son succès

planétaire.

"En 1970, il fallait 108 hommes pendant cinq jours pour décharger un cargo

transporteur de bois. Puis il y a eu la conteneurisation. Huit hommes en un jour

suffisent aujourd'hui pour la même tâche. En jours-personnes, cela représente une

diminution de 98,5%, de 540 au total à seulement 8." 12

L’apparition des conteneurs en transport maritime a fait évoluer les techniques de

manutention dans les ports : unités de charge plus importantes, besoins en

arrimage. « Les pièces de coin telles qu’imaginées par Mc Lean visent à rationaliser

la manutention et l’arrimage des boîtes »13. La conteneurisation a une fonction

économique essentielle : augmenter la capacité du navire par la superposition des

conteneurs et l’exploitation au maximum du transport en pontée. Ces prouesses

techniques ne sont réalisables qu’à la condition que les conteneurs soient

correctement arrimés au navire. En effet, les contraintes mécaniques subies par le 12 Time Magasine Asia – 22 mai 2000.

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conteneur pendant le transport par mer sont énormes et seul un système

d’arrimage approprié garantira la sécurité de la marchandise et de l’expédition

maritime.

L’arrimage est un terme technique définissant deux phases du transport. Le Doyen

RODIERE définit l’arrimage comme étant « la distribution des marchandises à

l’intérieur des espaces destinés à les recevoir et la fixation des divers éléments »14. Cette

première approche de l’arrimage aborde la notion d’empotage de la marchandise

dans le conteneur. L’empotage du conteneur comprend le chargement des

marchandises à l’intérieur du conteneur et leur arrimage, que la pratique désigne

sous le terme de « calage », l’objectif à atteindre étant la stabilité de la marchandise

pendant toute la durée du transport.

L’arrimage est aussi constitué par l’ensemble des opérations matérielles destinées

à répartir et à fixer les conteneurs dans le navire. M. Bonassies et M. Scapel

définissent l’arrimage comme suit :

« L’opération consistant à disposer méthodiquement les marchandises et à assurer

solidement le chargement d’un navire en assujettissant chaque marchandise par le

jeu de câbles, cordages ou étais divers. Cette opération présente une grande

importance du point de vue technique : elle conditionne la stabilité et donc la sécurité

du navire. »15

L’expérience de cinquante années de conteneurisation a révélé les problématiques

inhérentes au transport par conteneurs. Les questions liées aux techniques

d’arrimage sont aujourd’hui au cœur des préoccupations de tous les acteurs du

commerce maritime. Les autorités internationales et nationales se sont aussi

inquiétées de la complexité des multiples problèmes liés à l’arrimage. En effet,

l’évolution rapide du transport maritime conteneurisé n’a été rendu possible que

par d’importants investissements des autorités portuaires dans des infrastructures

13 L’épopée du conteneur – Le Marin – Hors Séries – Novembre 1993. 14 Traité général de Droit Maritime, Tome II - R.RODIERE Dalloz, page 152. 15 Droit Maritime – P. Bonassies ; C. Scapel – LGDJ, page 645.

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et équipements spécialisés aux terminaux portuaires afin de transférer les

conteneurs des navires aux trains et aux camions, et inversement. Les

professionnels considèrent que les principaux freins à la croissance actuelle et

future du commerce de marchandises conteneurisées se situent dans la capacité

des terminaux portuaires et des réseaux de distribution de surface. Il est

avantageux que les terminaux disposent de suffisamment d’espace pour empiler et

emmagasiner les conteneurs, offrent des prises électriques pour brancher les

conteneurs réfrigérés et soient équipés de systèmes informatisés pour localiser et

suivre le mouvement des conteneurs. En outre, afin de maximiser leur capacité de

manutention des conteneurs, les terminaux portuaires doivent creuser des canaux

profonds permettant l’accès des gros navires et disposer d’équipements suffisants

et efficients (ponts roulants à portique, chariots élévateurs, etc.) sur le quai pour

charger et décharger rapidement. Les navires porteurs ont dû être modifiés afin de

pouvoir y assujettir les boîtes et, normalement, les empiler. Puisque la demande de

conteneurs a augmenté, la taille des navires qui les transportent s’est également

amplifiée de manière impressionnante. Au début des années 1980, le plus gros

porte-conteneurs du monde avait une capacité de charge de 3 400 EVP, alors

qu’actuellement circule le dernier-né des géants de la mer, l’Emma Maersk, qui

peut emporter jusqu’à 13 500 EVP.

Les problématiques économiques et les contraintes techniques de l’arrimage sont

une réalité qui tient en partie au gigantisme des nouveaux navires qui a remis en

question les systèmes d’arrimage, l’organisation des opérations de manutention et

les risques nautiques, environnementaux et surtout financiers en cas

d’évènements de mer. (Partie I)

Les « vrais problèmes » posés par le conteneur et son arrimage se posent aussi du

point de vue juridique. Déterminer sur qui repose la responsabilité de l’arrimage

et, particulièrement du défaut d’arrimage ou du désarrimage, est souvent délicat,

que ce soit sous couvert d’un contrat de transport maritime ou d’un contrat

d’affrètement et plus encore, lors de pertes de conteneurs à la mer, la

responsabilité envers l’Etat côtier et les tiers. (Partie II)

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PARTIE 1

P R O B L E M A T I Q U E S E C O N O M I Q U E S

E T C O N T R A I N T E S T E C H N I Q U E S D E

L ’ A R R I M A G E D E S C O N T E N E U R S

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CHAPITRE 1

L’ARRIMAGE ET LE SAISISSAGE DES MARCHANDISES DANS LE CONTENEUR.

Le mauvais arrimage et saisissage des marchandises dans le conteneur sont

des problèmes auxquels sont fréquemment confrontés les transporteurs

maritimes. La mise à disposition du conteneur et l’empotage de la

marchandise à l’intérieur de celui-ci constituent la phase préliminaire de

l’expédition maritime. La bonne réalisation de ces opérations est capitale

pour assurer la stabilité de la marchandise et la sécurité du transport. Un

arrimage et un saisissage conformes permettront à l’ayant droit de la

marchandise de se prémunir d’une avarie au cours du transport.

Il est tout d’abord fondamental de choisir un conteneur adapté à la

marchandise qui fera l’objet du transport (Section 1). Il faut ensuite accorder

une grande importance à la manière dont seront empotées les marchandises

(Section II).

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SECTION 1 CHOIX D’UN CONTENEUR ADAPTE A LA MARCHANDISE.

L’usage du conteneur sur le droit des transports se manifeste avant même le

commencement de l’opération de transport et, ensuite, à ses différents stades. Il

est important de déterminer à qui revient le choix du conteneur (§1) et quels sont

les impératifs en matière de conditionnement de la marchandise pour le transport

(§2).

§1Le choix du conteneur.

La première question que doit se poser tout chargeur est de savoir si le transport

par conteneur est adapté au type de marchandises qu’il désire transporter. Si tel est

le cas, la seconde question a trait au choix du conteneur. Il existe en effet une

grande variété de conteneurs correspondant aux besoins de certaines

marchandises. Le chargeur est responsable du type de conteneur choisi, ie une

conteneur 20 pieds plutôt qu’un 40 pieds ou encore un conteneur DRY plutôt

qu’un conteneur réfrigéré. Le transporteur est néanmoins tenu d’un devoir de

conseil concernant la conformité du conteneur relativement à la nature de la

marchandise, à la destination de celle-ci et à la saison où le transport doit

s’effectuer.

En effet, si nous prenons comme exemple le transport de dattes entre Tunis et

Marseille, les marchandises pourront être empotées dans un conteneur DRY

pendant la période hivernale. En revanche, les dattes pouvant devenir sirupeuses à

partir de 20°C, afin de prévenir toute avarie, il est préférable de les transporter

dans un conteneur ventilé ou réfrigéré lorsque les températures saisonnières sont

au dessus de cette limite.

Une fois le type de conteneur arrêté, celui-ci est mis à disposition de l’expéditeur

afin de procéder à l’empotage.

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§2 La mise à disposition du conteneur.

Une autre problématique quant au choix du conteneur est que le conteneur n’est

pas toujours, voire même rarement, la propriété de celui qui l’utilise. Le plus

souvent, le conteneur fait l’objet d’une location, ou d’une mise à disposition, soit

par le transporteur maritime lui-même16, soit par une entreprise spécialisée. Le

parc de conteneurs disponibles est une des composantes qui fait la force du

transporteur maritime. D’un point de vue économique pour le transporteur

maritime, le conteneur a favorisé une meilleure gestion des flux, une réduction du

transit time et une amélioration du coefficient de remplissage des navires. Mais il

ne faudrait pas oublier que des points négatifs sont aussi perceptibles comme les

déséquilibres de remplissage des portes conteneurs sur certains axes (ex : USA ->

Asie). Ainsi, tous les transporteurs maritimes sont confrontés au problème des

conteneurs vides qui s’entassent sur les terminaux alors que d’autres terminaux

manquent de conteneurs pour être mis à la disposition des chargeurs.

Lorsque le transporteur met à disposition un conteneur, il le fait à titre accessoire

du contrat de transport. La jurisprudence analyse cette mise à disposition comme

étant une location de meubles. Le transporteur conserve la maîtrise et la garde des

conteneurs placés sur son navire, depuis d’embarquement jusqu’au port de

destination, mais cela ne fait pas obstacle à ce que la jouissance des conteneurs

soit transférée à l’expéditeur locataire, qui en fait un usage temporaire, conforme à

leur destination, pour la conservation des marchandises pendant la durée de la

traversée. En tant que loueur de conteneurs, le transporteur maritime doit garantir

et indemniser le locataire expéditeur des dommages résultant des vices et défauts

16 Le transporteur maritime dispose d’un parc de conteneurs qu’il met à la disposition de ses clients. Ces conteneurs sont aussi bien des conteneurs en propriété que des conteneurs loués. Les problèmes liés à la location de conteneurs sont de taille pour le transporteur. Lorsque le destinataire de la marchandise ne restitue pas celui-ci dans les temps, le transporteur a paye la location du conteneur à fonds perdus, et il s’expose même au paiement de surestaries en cas de non restitution au loueur.

14

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de la chose louée « quand même il ne les aurait pas connus lors de la passation du

contrat de louage. »17

Contrairement à l’hypothèse précédente où il existe une interaction entre le

contrat de transport et le contrat de location qui complexifie les relations

juridiques, lorsque le conteneur est mis à disposition par une entreprise spécialisée

dans la gestion d’un parc de conteneurs, la relation contractuelle est fondée sur un

contrat de louage de choses.

Dans les deux cas, l’opérateur qui met le conteneur à disposition doit fournir un

conteneur en bon état considérant l’obligation d’entretien qui pèse sur lui.

Cependant, la parade généralement mise en avant par celui qui met le conteneur à

disposition est que le chargeur a le « devoir » de vérifier le conteneur qu’on lui

propose, et de le rejeter si celui-ci semble impropre au transport de la marchandise

considérée. Les juges ont ainsi pu décider que la Convention de Bruxelles de 1924

qui, s’agissant de la responsabilité du transporteur, ne couvre que la période

antérieure au chargement sur le navire, n’interdisait pas d’insérer dans le contrat

une clause suivant laquelle le locataire qui accepte le conteneur proposé sans faire

de réserves renonce à engager la responsabilité du transporteur.18

Le choix du conteneur est particulière fondamental à la réussite du transport.

Cependant, en ce qui concerne plus précisément l’arrimage, l’emballage et le

conditionnement de la marchandise sont des opérations cruciales pour assurer la

sécurité des produits transportés.

17 Cour d’Appel de Versailles, 14 janvier 1999 – DMF 1999, p 933, Obs C. Humann. 18 Cour d’Appel de Rouen, 7 février 1985 – DMF 1987, p 510.

15

Page 16: l'Arrimage Des Conteneurs

§3 Emballage et conditionnement de la marchandise.

Cette phase pré-transport relève entièrement de la responsabilité de l’expéditeur.

Les marchandises doivent être convenablement emballées et marquées. « Le

conditionnement doit respecter les usages du commerce, les règles de l’art, voire

les prescriptions légales applicables en pareille matière, et, en particulier, les

dispositions très détaillées du Code IMDG (International Maritime Dangerous

Goods ».19 La difficulté réside dans le fait qu’il n’existe pas – sauf pour les

matières dangereuses – de réglementation spéciale précisant les caractéristiques

des emballages maritimes et du conditionnement intérieur. Le chargeur doit donc

veiller à ce que les marchandises soient soigneusement emballées et conditionnées

de manière à ce qu’elles soient en mesure de subir sans dommages les contraintes

physiques liés au transport maritime. Un mauvais conditionnement pourra avoir

des incidences sur la qualité de l’arrimage dans le conteneur de la marchandise,

mais surtout, augmentera les conséquences lourdement préjudiciables en cas de

désarrimage de la marchandise dans la mesure où les produits seront

insuffisamment protégés. De plus, il faudra au chargeur accorder une attention

encore plus importante aux marchandises répertoriées dans le Code IMDG. Ce

code donne une liste des marchandises pouvant présenter des dangers pendant

leur transport et prescrit l’utilisation d’emballages et de conditionnements adaptés

à chaque type de marchandises selon leur niveau de dangerosité.

« Les textes ne prescrivent pas directement au chargeur ces obligations, mais elles

résultent indiscutablement de l’économie du système de responsabilité propre au

transport maritime. En effet, les textes que ce soit la Convention de Bruxelles (art

4 § 2, n et o) ou la loi française du 18 juin 1966 (art 27, g) exonèrent le

transporteur de toute responsabilité pour le dommage résultant des insuffisances

19 Droit Maritime – P. Bonassies ; C. Scapel – LGDJ, page 665.

16

Page 17: l'Arrimage Des Conteneurs

d’emballage, ainsi que de l’insuffisance ou de l’imperfection des marques apposées

par le chargeur. »20

Il est donc crucial pour le chargeur de procéder de manière appropriée et

soigneuse à l’emballage et au conditionnement de la marchandise au regard de la

responsabilité qu’il devra supporter en cas de dommage. Le conteneur ayant été

choisi, mis à disposition et la marchandise prête au transport, la phase suivante

consiste en l’empotage de cette dernière dans le conteneur.

20 Droit Maritime – P. Bonassies ; C. Scapel – LGDJ, page 666.

17

Page 18: l'Arrimage Des Conteneurs

SECTION 2 EMPOTAGE DU CONTENEUR ET DECLARATION DU CHARGEUR.

« L’arrimage des marchandises dans les conteneurs n’apparaît pas dans la

déclaration du chargeur et n’est garanti par aucun transporteur. Un mauvais

arrimage peut être à l’origine d’avaries à la marchandise, à d’autres conteneurs et

générer des désarrimages. Le problème devient très délicat lorsque les conteneurs

renferment des marchandises dangereuses. »21

§1 L’empotage du conteneur.

L’empotage du conteneur comprend non seulement le chargement des

marchandises à l’intérieur du conteneur, mais encore leur arrimage, l’objectif à

atteindre étant la stabilité de la marchandise pendant le durée du transport.

Concernant l’empotage, il existe des clauses spécifiques du contrat de transport

par conteneur. Un conteneur FWL (Fully loaded weight and capacity) est

intégralement rempli en poids et en volume, alors qu’un conteneur LCL (Less

than container load) reçoit des lots de marchandises, qui envisagées séparément,

ne suffiraient pas à le remplir. Dans ce dernier cas, pour des raisons d’économie,

on procédera le plus souvent à un groupage de marchandises provenant de

différents chargeurs. L’empotage incombe alors à celui qui effectue le groupage.

Si le conteneur est FCL (Full Container Load), il sera remis, par le chargeur,

complet au transporteur maritime, plombé, sans que ce dernier ne soit intervenu

pour l’empotage des marchandises, ce qui entraîne des conséquences quant à la

responsabilité dans l’exécution du transport. Lorsqu’il est prouvé que les

dommages subis par la marchandise proviennent exclusivement de la faute de

21 Rapport d’étape – Transport de marchandises par conteneurs – Vigipol.

18

Page 19: l'Arrimage Des Conteneurs

l’expéditeur dan l’empotage du conteneur, la jurisprudence consacre sa

responsabilité.

Si le conteneur est LCL (Less than Container Load), ce qui est rare, l’empotage

sera de la responsabilité du transporteur qui effectuera cette opération dans le

cadre du contrat de transport. La responsabilité du transporteur peut être

recherchée sur le fondement de la Convention de Bruxelles pour avoir commis

une faute en empotant la marchandise dans un conteneur vétuste et

insuffisamment étanche.

L’OMI (Organisation Maritime Internationale) a élaboré des directives relatives à

la formation en matière de chargement des cargaisons dans les conteneurs afin de

mettre en lumière les principes essentiels à la sécurité de l’empotage.22 Ainsi, il est

important d’étudier l’arrimage de l’ensemble de la cargaison avant de remplir le

conteneur et de placer côte à côte des marchandises ayant une résistance

appropriée de manière à obtenir un arrimage solidaire et à veiller à la compatibilité

des marchandises entre elles (dangerosité de certaines cargaisons selon le Code

IMDG). Les directives insistent sur le fait qu’il convient d’apporter un soin

particulier à l’assujettissement des unités lourdes dans un conteneur pour

empêcher leur mouvement.

§2Les risques de désarrimage et d’avarie de la marchandise.

Bien qu’offrant une protection remarquable à la marchandise qu’il contient, le

conteneur ne peut lui épargner les violents efforts qui s’exercent

longitudinalement et transversalement lors de la traversée maritime, ou

verticalement, lors des opérations de manutention. Les soins à apporter lors de

22 Directives OMCI – OIT – La formation en matière de chargement des cargaisons dans les conteneurs – Londres 1978.

19

Page 20: l'Arrimage Des Conteneurs

l’empotage du conteneur, tant au niveau du calage que de la disposition interne

des marchandises (il faut équilibrer la charge) sont d’une grande importance.

Le bon déroulement de ces opérations est une des préoccupations des P&I

Clubs23 et des Sociétés de Classification24 qui rappellent régulièrement, dans leurs

notes d’information aux transporteurs maritimes, les procédures à respecter et les

risques encourus. Ainsi, le Bureau Véritas, dans une note d’information du 14

décembre 200625, donne une liste des principales causes des désarrimages des

conteneurs. Sur les six causes évoquées, quatre sont relative à l’empotage :

♦ la surcharge pondérale des conteneurs ;

♦ la déformation du conteneur (défaut d’entretien) ;

♦ défaut d’arrimage à l’intérieur du conteneur ;

♦ explosion ou incendie ;

♦ saisissage défectueux ;

♦ mauvaise répartition verticale des poids.

L’empotage intéressant donc la sécurité de l’expédition maritime, que ce soit pour

la marchandise elle-même, pour les autres conteneurs adjacents ou pour la stabilité

du navire, les juridictions en sanctionnent les défauts. Ainsi, la Cour d’Appel

d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 10 octobre 2005, a attribué à un mauvais

empotage l’avarie subie par les marchandises. En l’espèce, une société achète des

lots de bobines de tôle à acheminer à La Réunion. Les conteneurs sont chargés sur

le navire après empotage par un manutentionnaire à Anvers. Entre Dunkerque et

Montoir, le navire essuie une tempête d’une exceptionnelle violence. A Marseille,

23 Les P&I Club (Protection and Indemnity Club) sont l’autre composante de l’assurance maritime. les P&I Clubs couvrent ce que les assureurs corps et facultés ne prennent pas ou peu en charge : les dommages causés aux tiers lors de l’exploitation du navire (pollution, collision, levage, maladies ou accidents survenant aux marins ou aux passagers…) La plupart des clubs sont anglo-saxons et fonctionnent sur un principe non lucratif et mutualiste. 24 Une société de classification est une organisation qui établit et applique des standards techniques au projet, à la construction et à l'inspection des facilités relatives à la marine, incluant les navires et les structures Off-shore. 25 Perte des conteneurs à la mer – J.F. Segretain – Bureau Véritas, 14 décembre 2006, Brest.

20

Page 21: l'Arrimage Des Conteneurs

on constate le désarrimage de la marchandise. La Cour soutient que si le navire

avait rencontré un quasi ouragan , pouvant être libératoire de responsabilité sur le

fondement de la force majeure, il n’est reste pas moins que la faute commise par le

manutentionnaire qui a empoté la marchandise est caractérisée et engage sa

responsabilité quasi-délictuelle : « si l’arrimage des colis avait été réalisé selon les

règles de l’art (bobines reliées entre elles et à la structure du conteneur), comme

cela a été fait pour a suite du voyage vers La Réunion, aucun dommage ne serait

survenu. »26

L’empotage et ses risques nécessitent réellement une attention particulière. Un

autre sujet d’importance est la déclaration par le chargeur de la nature de la

marchandise remise au transporteur.

§3 La déclaration du chargeur.

Selon la Convention de Bruxelles (art 3) et la loi française, Décret du 31 décembre

1966, art 35, le chargeur doit d’une part, déclarer par écrit au transporteur tous les

éléments permettant d’identifier la marchandise (marques, nombre, quantité, poids

et faire une déclaration spéciale pour les marchandises dangereuses ; et d’autre

part, apposer sur les colis des marques d’une lisibilité suffisante pour en permettre

l’identification jusqu’à la fin du voyage. Ces indications doivent être portées sur le

connaissement. Aux termes de l’art 31 de la loi du 18 juin 1966 :

« Lorsque le chargeur a fait sciemment une déclaration inexacte de la nature ou de

la valeur des marchandises, le transporteur n’encourt aucune responsabilité pour les

pertes ou dommages survenus à ces marchandises. »

La déclaration exacte du poids du conteneur est importante pour apprécier

l’existence de manquants à la livraison mais principalement pour élaborer le plan

26 Cour d’Appel d’Aix-en –Provence, 10 octobre 2005, BTL N° 3136du 3 juillet 2006.

21

Page 22: l'Arrimage Des Conteneurs

de chargement du navire. Une fausse déclaration du poids du conteneur peut avoir

des conséquences majeures : si le conteneur est chargé au-delà de son tonnage

maximum ou si le poids est supérieur ou inférieur à celui indiqué au

connaissement, la probabilité d’un désarrimage et de dommages est fortement

envisageable.

La fausse déclaration portant sur des matières dangereuses peut avoir des

conséquences bien plus dommageables encore. Les marchandises dangereuses,

inflammables ou explosives, font l’objet des dispositions spéciales. Le chargeur

doit signaler au transporteur leur nature particulière et dans les conditions prévues

par la réglementation. Les marchandises au chargement desquelles le transporteur

n’aurait pas consenti s’il avait eu connaissance de leur nature dangereuse,

inflammable ou explosive, peuvent être déchargées, rendues inoffensives ou

même détruites et le chargeur peut être rendu responsable de tout dommage

résultant directement ou indirectement de leur embarquement. Cette

responsabilité peut être extrêmement lourde compte tenu des prescriptions du

Code IMDG imposant le transport en pontée des marchandises dangereuses, si le

transporteur les arrime en cale, par ignorance de leur nature, et qu’un incendie ou

une explosion se produit et détruit les autres conteneurs de la cale et la structure

du navire, voire entraîne le naufrage du navire, ce genre d’accident peut coûter des

millions d’euros au chargeur ayant fait une fausse déclaration.

22

Page 23: l'Arrimage Des Conteneurs

Cette responsabilité de chargeur est à mettre en parallèle avec le gigantisme des

navires sortant aujourd’hui des chantiers de construction. Les risques

économiques d’une fausse déclaration peuvent être démesurés. Il est donc capital

que le chargeur, conseillé par le transporteur maritime comme le conseillent les

Sociétés de Classification et les P&I Clubs, apporte tous les soins et l’attention

nécessaire pour éliminer au maximum les risques tenant à l’empotage du

conteneur et à la marchandise transportée.

L’étape suivante dans la chaîne du transport maritime consiste en la prise en

charge du conteneur par le transporteur maritime, sa mise à bord et son arrimage.

Ces phases sont encore plus cruciales que l’empotage dans la mesure où c’est à ce

stade que le transporteur peut refuser de prendre une marchandise qu’il considère

comme risquée pour l’expédition ou que les décisions fondamentales concernant

le plan de chargement sont prises, décisions qui influeront sur la sécurité de la

traversée.

23

Page 24: l'Arrimage Des Conteneurs

CHAPITRE 2

L’ARRIMAGE DES CONTENEURS SUR LE NAVIRE

La conteneurisation peut se résumer à trois caractéristiques : la spécialisation, le

gigantisme des navires et la standardisation qui débouche en premier lieu sur une

manutention rationalisée. Cinquante ans après l'épopée de l'" Ideal-X ", premier

navire ayant embarqué des conteneurs, près de 12 millions de conteneurs circulent

dans le monde. Il s'en construit plus de 1,5 million par an, dont les deux tiers en

Chine. Et le marché continue de croître : 12 % en moyenne par an depuis 2000.

Aujourd'hui, les conteneurs représentent à eux seuls 80 % de la valeur totale des

marchandises transportées par voie maritime. Les bateaux eux-mêmes n'ont cessé

de grossir. L'" Ideal-X " faisait à peine 200 mètres de long. De nos jours, les plus

gros porte-containers font près de 400 mètres de long, 40 mètres de large et

peuvent embarquer jusqu'à 12.000 containers. Cette évolution s’accompagne

impérativement d’une réponse adaptée au niveau des infrastructures terrestres et

portuaires (dont les engins de manutention) mais aussi d’organisations permettant

d’évacuer massivement les flux.

Pour garantir la sécurité de l’arrimage et du navire (Section 1), il a donc fallu

adapter les techniques de manutention en fonction de ce type de transport en

faisant appel à de nouveaux acteurs, les ship planners qui opère aux côtés du

capitaine (Section 2), et faire évoluer les entreprises de manutention (Section 3).

24

Page 25: l'Arrimage Des Conteneurs

SECTION 1 L’INCIDENCE DE L’ARRIMAGE SUR LA SECURITE DU NAVIRE.

Les conteneurs peuvent être chargés sur des navires de charges classiques ou

d’une manière plus générale sur les porte-conteneurs intégraux (§1). Néanmoins,

quelque soit le type de navire sur lequel sont chargés les conteneurs, l’incidence

d’un bon arrimage sur la sécurité de la traversée et sur la stabilité du navire est la

même (§2).

§1 Les différents navires embarquant des conteneurs.

Aujourd’hui, la conteneurisation est un tel phénomène que la plupart des navires

sont amenés à transporter des conteneurs27. Les conteneurs sont donc embarqués

sur des navires transportant des marchandises dites conventionnelles, c'est-à-dire

non conteneurisées, sur des navires rouliers, dits RoRos (Roll on – Roll Off, à

manutention horizontale) voire même sur des navires vraquiers. Ces différents

types de navires ne sont pas nécessairement équipés de structures spécialement

destinées à recevoir des conteneurs. Il existe une grande variété de modes

d’arrimage suivant le type de navire et son équipement. Le Gard P&I Club fait

remarquer qu’un bon plan d’arrimage conforme au « Container Stowage and

Securing Plans » (manuel d’assujettissement) sur un navire roulier serait aussi sûr

que le transport sur un porte-conteneurs cellularisé, même en cas de gros temps.

Avec l’avènement du conteneur, les navires se sont spécialisés dans un souci de

déchargement et de manutention plus sûrs, plus rapides, moins chers et avec une

sécurité accrue. La deuxième partie du 20ème siècle voit l’arrivée des premiers

porte-conteneurs. Pour une traversée maritime de six (6) jours, là il faut 42 jours à

27 Containers on non-cellular ships – J. Fairclough, Brookes Bell Jarrett Kirman, London – Gard News N° 159 (P&I Club Norvégien).

25

Page 26: l'Arrimage Des Conteneurs

un navire classique pour acheminer une même marchandise (chargement,

transport, déchargement compris), il ne faut que neuf (9) à dix (10) jours à un

porte-conteneurs. Ces navires sont dotés d’installations particulières notamment le

système de guidage à glissières, grâce auquel les conteneurs s’emboîtent quasi

automatiquement dans les espaces cellulaires et qui facilite l’arrimage et le

saisissage. La capacité d’un porte-conteneurs se mesure en TEU (twenty feet

equivalent unit), équivalent au nombre de conteneurs de 20 pieds pouvant être

chargés. « Depuis la mise en service des premiers porte-conteneurs, on assiste à un

accroissement de la taille et de la capacité de ces navires : les premiers porte-

conteneurs de 3 000 TEU ont vu le jour en 1972, et l’on s’est cantonné jusqu’à la

fin des années 1980 au gabarit panamax qui ne permettait pas de dépasser les

4 800 TEU. Ce gabarit est essentiel puisqu’il correspond à la dimension maximale

des navires pouvant passer de l’Atlantique au Pacifique via le Canal de Panama.

Au cours de année 1990, on s’est affranchi de ce carcan avec les navires dit Over-

panamax, dont les plus grandes unités en fonction atteignaient 8 000 TEU pour

une largeur de 42,80m et une longueur de 350m. »28 Une nouvelle génération est

née depuis peu et les navires ont été baptisés des Mégaships. Cette tendance vise à

construire des navires de 12 000 TEU avec des projets de navires à 18 000 TEU

pour les plus avant-gardistes. Le concept est cette fois-ci celui du « Malaccamax »,

c'est-à-dire que la limite de tirant d’eau de ces navires est annexée sur la capacité

du détroit de Malacca. Le dernier né de cette génération étant l’Emma Maersk,

lancé en 2006. Ce super porte-conteneurs n’a laissé indifférent aucun des acteurs

du monde maritime et a immédiatement suscité de nombreuses interrogations

quant aux conséquences d’une possible défaillance d’un tel géant, pouvant

transporter des milliers de conteneurs, représentant en valeur le Produit Intérieur

Brut de certains pays comme la Mauritanie ou la Sierra Leone.29

L’arrimage des conteneurs sur ces nouveaux navires, tout autant que sur n’importe

quel autre navire, est une opération délicate dans la mesure où elle intéresse la

sécurité et la stabilité du bâtiment. 28 La révolution du conteneur – Isemar - Note de synthèse N°49- Novembre 2002. 29 Emma Maesrk : les conteneurs de trop ? – Fortunes de Mer, janvier 2007.

26

Page 27: l'Arrimage Des Conteneurs

§2 L’arrimage et la stabilité du navire et sa sécurité.

De nombreux textes ont été élaborés sur le sujet. Pour exemple, on peut citer le

recueil de stabilité de l’OMI qui traite dans son chapitre 4 « des critères particuliers

des porte-conteneurs d’une longueur de plus de 100m » ou encore les règles

SOLAS (Safety of Life at Sea) II – 1/22 qui prévoient une expérience de stabilité

après achèvement du navire permettant ainsi de déterminer les éléments de

stabilité.

La stabilité du navire fait par ailleurs l’objet d’un contrôle strict de la part des

Sociétés de Classification lorsqu’elles attribuent une classe au navire. Lors de la

construction, les conditions difficiles de navigation sont prises en compte pour les

échantillonnages de structure. Les différents efforts auxquels sont soumis les

navires sont également intégrés. Toutes ces données permettent à la Société de

Classification d’établir un plan d’arrimage des marchandises, ou Cargo Stowage

and Securing Plan », que le transporteur maritime sera tenu de respecter. Des

études ont montré récemment les dangers associés aux porte-conteneurs.30

« Quelques un des accidents les plus marquants concernant les porte-conteneurs

sont les collisions, les feux de conteneurs, fatigue des bordées, dommages causés

par impacts sur l’étrave, perte de conteneurs, roulis paramétrique et diverses

réclamations sur la cargaison concernant souvent les conteneurs réfrigérés. »

Vigipol, dans son Rapport d’étape sur le Transport Maritime de Marchandises par

Conteneurs, apporte quelques propositions pour palier certains de ces problèmes,

notamment l’installation de capteurs de fatigue de coque de navire aux endroits les

plus sollicités par conditions météorologiques difficiles permettant d’aider le

Capitaine dans ses décisions quant au ralentissement, changement de route ou

relâche. Vigipol remarque aussi que toutes les Sociétés de Classification

30 La sécurité des porte-conteneurs, une préoccupation croissante – AFCAN.

27

Page 28: l'Arrimage Des Conteneurs

n’apportent pas les meilleures garanties et qu’il est souhaitable de « faire le ménage

parmi les Sociétés de Classification complaisantes ».

Les porte-conteneurs sont soumis à deux forces : son poids, s’appliquant en son

centre de gravité, et sa poussée, exercée par l’eau de mer, qui s’applique au centre

de sa carène, c'est-à-dire le centre de gravité de l’eau déplacée par la coque du

navire. Ces deux forces sont égales et leurs points d’application sont situés sur la

même ligne verticale. La stabilité du navire est sa faculté à revenir naturellement à

cet état d’équilibre lorsqu’il en est écarté par une perturbation. Malgré cette

faculté, de nombreux facteurs sont susceptibles de porter atteinte à la stabilité des

porte-conteneurs, notamment le chargement de poids importants en tête de piles

ou une cargaison mal arrimée. Un mauvais arrimage des conteneurs peut faire

basculer les conteneurs en bloc d’un même côté sous l’effet du roulis

paramétrique31 ou de la gîte. Des coups de roulis soudains peuvent se produire

sans préavis, entraînant les piles de conteneurs à basculer comme des dominos

(malgré un arrimage et un assujettissement approprié et soigneux), produisant des

pertes sévères.

Le Commandant P. Sussac dans un article paru sur le site de l’AFCAN apporte un

éclairage sur les risques inhérents à ces navires :

« En pratique, les efforts [auxquels sont soumis les navires] sont négligés en cours

d’opérations [de chargement et de manutention] pendant lesquelles les calculs de

torsion, très longs, sont pratiquement impossibles à faire. En escale, il est mis une

paire de ballast en automatique pour tenir le navire droit, et le terminal suit son

programme en vidant des tranches entières latérales sans que quiconque suive les

efforts de coque. Il est déjà assez laborieux d’avoir des calculs de stabilité faits dans

de bonnes conditions, à vérifier aux mouvements du navire, quand on connaît en

plus la fiabilité générale des poids indiqués des conteneurs. […] Tout cela vient se

rajouter aux inconvénients que tout le monde connaît, et rappelés pour le danger

31 Le roulis paramétrique peut se produire par mer de l’avant avec une combinaison défavorable de hauteur, de longueur et de période de vague en fonction de la longueur du navire.

28

Page 29: l'Arrimage Des Conteneurs

d’incendie : dangereux camouflés, mauvais arrimage dans les conteneurs…et aussi

au renouvellement d’eau des ballasts. »

Ceci nous amène à présenter la manière dont est planifié l’arrimage des conteneurs

sur le navire.

SECTION 2 LA REPARTITION DE LA MARCHANDISE SUR LE NAVIRE

La spécialisation et le gigantisme des navires a imposé aux acteurs du transport

maritime de repenser l’organisation des opérations de manutention et d’arrimage.

Au 19ème siècle, le commandant cherchait le port idéal pour faire du commerce. Il

avait toute latitude vis-à-vis de son armateur pour embarquer et négocier la

marchandise lors de son chargement, de son achat et de sa vente. Aujourd’hui, le

rôle du commandant est beaucoup plus limité et certaines de ses attributions ont

été confiées au nouvel acteur du transport maritime qu’est le ship planner (§1).

Cependant, le commandant, dépossédé de certaines fonctions, demeurent

pleinement responsable (§2).

§1 Le transfert des attributions du commandant au ship planner.

Aujourd’hui, lorsque le navire arrive au port, les agents commerciaux ont déjà

collecté la marchandise qui s’apprête à embarquer. L’agent consignataire signe les

connaissements et le plan de chargement est donné au commandant. Le

commandant a donc été « dépossédé » d’une large partie de ses attributions lors

des escales. Le ship planner a pris le relai du bord en prenant en charge le plan de

29

Page 30: l'Arrimage Des Conteneurs

chargement. Les gros porte-conteneurs sont intégrés dans des services regroupant

souvent plusieurs armateurs. Les horaires sont réguliers et prévus à l’avance. Le

problème majeur est lié à la vitesse des rotations et aux impératifs d’horaire. La

brièveté des escales ne laissant pas la place à l’improvisation, un planificateur

central, travaillant pour un centre opérationnel a été chargé du suivi du navire.

Avant d’établir le plan de chargement, le ship planner doit nécessairement

connaître les termes de la charte-partie liant l’armateur et l’affréteur, notamment

les clauses concernant la possibilité qui lui est donnée de charger à bord des

marchandises dangereuses ou les responsabilités entre affréteur et armateur sur les

marchandises transportées. Il doit aussi être parfaitement au fait des

caractéristiques dynamiques et les capacités du navire32 ; des accords entre la ligne

et le stevedore, lui permettant de prévoir les temps et possibilités de déchargement

et chargement, mais aussi des caractéristiques de ports touchés par la ligne.

Le plan de chargement est donc élaboré en fonction de toutes ces données et est

soumis au Second Capitaine pour approbation. Il s’agira en règle générale d’un

pré-plan par port de destination et par groupe de poids indiquant précisément les

positions de tous les « spéciaux » (marchandises dangereuses, conteneurs réfrigérés

à brancher). Le plan définitif avec tous les numéros de conteneurs et leurs poids

exacts est finalisé par l’entreprise de manutention. Le ship planner précise

également l’ordre des opérations commerciales en fonction des contraintes liées au

navire et de celles liées au stockage sur le terminal. Le plan de chargement est

constitué par les vues transversales dans lesquelles sont notés les numéros de

conteneurs, leurs poids, leurs destinations ainsi que leurs caractéristiques

principales (20 ou 40 pieds ; hors gabarit ; réfrigéré ; dangereux).

La réalisation d’un plan de chargement peut s’apparenter à un véritable casse-tête

sur les navires à fort tonnage compte tenu de nombre de paramètres à intégrer. Le

ship planner doit d’abord veiller à la sécurité et à la stabilité du navire, tout en

32 Il s’agit ici du lashing agreement (capacité de transport de la marchandise en pontée et en cale) ; les capacités de ballastage ; les tirants d’eaux maximums suivant les zones traversées ; la position et le nombre des prises électriques sur le pont afin de brancher les conteneurs réfrigérés ; le poids maximum par pile de 20 et 40 pieds ; les ouvertures de panneaux de cale…

30

Page 31: l'Arrimage Des Conteneurs

plaçant les conteneurs de façon à faciliter leur enlèvement dans la chronologie des

ports de débarquement, en ayant prévu les problématiques des conteneurs

spéciaux, ou des marchandises incompatibles… A ces contraintes techniques

s’ajoutent les contraintes économiques des transporteurs maritime pour qui il est

nécessaire d’obtenir un taux de remplissage maximum du navire afin de

rentabiliser la rotation et plus généralement la ligne.

On comprend donc aisément que la conception des plans de chargement ne relève

plus du commandant mais fasse l’objet d’une profession à part entière. Ayant

perdu certaines de leurs attributions, les capitaines de navire n’en demeurent pas

moins responsable de l’arrimage des conteneurs et doté d’un pouvoir de décision

en dernier ressort.

§2 Le pouvoir décisionnel et la responsabilité du capitaine.

Le capitaine est maître de la sécurité de l’expédition maritime. Par delà les

pratiques, les tensions et les ingérences de toutes sortes qui se concentrent sur lui,

il est juridiquement responsable de ce qui se rapporte à la sécurité en mer, alors

même qu’il est sous l’influence permanente de l’armateur via les divers moyens de

communication. Il a le pouvoir de décider ou non de l’appareillage du navire et

commet une faute et engage la responsabilité de l’armateur, s’il appareille avec un

navire impropre à la navigation. En tant que maître de la sécurité, il doit maintenir

le navire en état de navigabilité, contrôler le chargement, l’arrimage et la

préservation des marchandises. La règle est formelle, le capitaine, ou plus

précisément le capitaine en second, doit impérativement veiller à l’arrimage dans la

mesure où la sécurité du navire est en cause. Cette règle résulte pour partie des

termes de la Convention de Bruxelles et de la réglementation française, disposant

que les opérations de chargement et d’arrimage incombent au transporteur, qui

doit les exécuter de façon « appropriée et soigneuse ».

31

Page 32: l'Arrimage Des Conteneurs

L’obligation est impérative et les opérations sont effectuées sous sa responsabilité

exclusive, même si, en fait, il les fait exécuter par une entreprise de manutention

indépendante et même si le prix en est décompté séparément du fret et mis à la

charge de la marchandise.

Ainsi, les opérations d’arrimage et de saisissage sont faites sous le contrôle du

second capitaine qui validera le plan de chargement produit par le ship planner.

Concrètement, le second capitaine vérifie en lieu et place du commandant la

conformité du plan de chargement, en y apportant des modifications si elles sont

nécessaires pour préserver la marchandise et la stabilité du navire.

Il faut néanmoins souligner que si le capitaine a perdu ses attributions lorsque le

navire est à quai, celui-ci retrouve toute latitude lorsque le navire appareille. Les

soins appropriés à apporter à la marchandise ne se limitant pas au moment de la

mise à bord et de l’arrimage, il sera de son ressort d’organiser des « rondes de

saisissage » pendant le voyage afin de vérifier que les systèmes de saisissage,

particulièrement lorsque des conditions météorologiques difficiles sont annoncées.

La perte de souveraineté du capitaine, autrefois « seul maître à bord après Dieu »,

correspond à des exigences économiques ayant rationalisées les tâches d’arrimage

et de manutention. La conteneurisation a aussi remodelé les pratiques des

entreprises de manutention.

32

Page 33: l'Arrimage Des Conteneurs

SECTION 3 L’ENTREPRISE DE MANUTENTION ET L’ARRIMAGE DES CONTENEURS.

Les opérations de manutention ont été véritablement révolutionnées en l’espace

de cinquante ans. La conteneurisation a nécessité une adaptation des techniques et

appareillages de manutention (§1). L’entrepreneur de manutention, en tant que

sous-traitant du transport maritime, dispose d’un régime juridique particulier qui a

été calqué sur le régime de son donneur d’ordre. (§2)

§1L’entreprise de manutention et son évolution.

La Convention de Bruxelles de 1924 ne fait pas allusion aux entreprises de

manutention ne gouvernant uniquement que, d'après son article premier, le trajet

maritime et laissant aux textes internes le soin de régler les phases terrestres du

transport maritime. Cependant, aux termes des articles 50 à 57 de la loi 66-420 du

18 juin 1966 relative aux contrats d’affrètement et de transports maritimes,

l’entrepreneur de manutention maritime a, d’une part, un rôle lui donnant la

charge de toutes les opérations qui réalisent la mise à bord et le débarquement des

marchandises, et de toutes les opérations de mise et de reprise sous hangar ou sur

terre-plein qui sont le préalable ou la suite nécessaire des opérations précédentes.

Un rôle supplémentaire, s’il est requis par le transporteur maritime, le chargeur ou

le réceptionnaire, qui lui permet de reconnaître, de réceptionner, de garder à terre

et de délivrer les marchandises après débarquement. L’entrepreneur de

manutention peut être chargé de ces opérations s’il s’agit des usages du port ou

bien s’il s’agit d’une activité prévue au contrat de manutention.

En effet, on distingue traditionnellement en France, deux catégories

d'entrepreneurs de manutention portuaire. Ils diffèrent par la nature des

opérations qu'ils accomplissent et par leur localisation géographique. Les

entrepreneurs des ports de l'Atlantique, de la Mer du Nord et de la Manche sont

33

Page 34: l'Arrimage Des Conteneurs

appelés "stevedores" et leurs fonctions se limitent à l'accomplissement

d'opérations matérielles de chargement et de déchargement des navires de

commerce. Les entrepreneurs des ports méditerranéens, appelés "acconiers",

accomplissent outre ces opérations matérielles, les opérations de réception,

reconnaissance, garde et livraison à terre des marchandises.

L’article 57 de la loi de 1966 prévoit que sur le plan international, les contrats et

actes des entreprises de manutention sont régis par la loi du port où opèrent ces

derniers.

La conteneurisation a suscité en outre l'avènement des navires spécialisés ce qui a

entraîné la nécessité de mettre en place de nouvelles structures dans les ports, et

de les équiper notamment d'appareils de levage spéciaux.

Outre la modification des infrastructures et de l'outillage, la conteneurisation a en

quelque sorte crée de nouvelles tâches pour les entrepreneurs de manutention. Ils

ont de ce fait modifié leur façon de travailler face aux nouveaux besoins de leurs

cocontractants : ainsi, ont-ils commencer à procéder à la vérification de l'état des

conteneurs, à l'empotage et aux dépotage des marchandises, aux déplacement et

stockage des conteneurs vides, à prendre soin des conteneurs réfrigérés, autant de

tâches qui ont une rémunération mais aussi qui nécessitent la mise en place de

nouvelles installations.

La conteneurisation a par ailleurs « engendré l’industrialisation du transport

maritime en faisant pénétrer les grands principes d’organisation industrielle

comme les effets d’économie d’échelle, l’interchangeabilité du fret grâce à un

contenant standardisé »33. En 1970, René Rodière notait l'industrialisation

profonde de la profession, se marquant dans l'usage d'appareils de divers types,

dont certains extrêmement coûteux comme les portiques34.

33 FIORE (C), Lignes tour du monde ou réseaux :le point du débat en matière de maîtrise de la circulation des conteneurs, Annales de l’I.M.T.M 1986, Vol.3, p.49. 34 RODIERE (R), Traité, p.23.

34

Page 35: l'Arrimage Des Conteneurs

Aujourd’hui, l’outillage des entreprises comporte essentiellement, des grues de

quais, automotrices ou flottantes, des portiques (pour les conteneurs ou les

minerais), des chariots élévateurs (pour les marchandises diverses en palettes), des

cavaliers (destinés à la manutention des conteneurs du quai au lieu de stockage),

des tracteurs (pour les remorques en Ro/Ro). En règle générale, compte tenu de

l’ampleur de l’investissement, l’outillage portuaire comme les grues ou les

portiques, est loué par le port ou la chambre de commerce, financeurs de ces

installations, et est sous la responsabilité de l’entrepreneur.

L’activité des manutentionnaires a donc considérablement changée avec

l’avènement du conteneur, apportant plus de sécurité dans la manipulation des

marchandises et moins de risques pour le personnel chargée de l’arrimage. Il reste

au demeurant que les dommages aux conteneurs pendant la phase d’arrimage est

chose courante, ce qui entraîne la responsabilité de l’entreprise de manutention.

§2 L’arrimage et la responsabilité de l’entreprise de manutention.

Les opérations matérielles de mise à bord des conteneurs, d’arrimage et de

déchargement sont effectuées par les entreprises de manutention, qui les réalisent

avec l’aide des dockers. Il est relativement fréquent que lors de ruptures de

charges, c’est-à-dire au cours des opérations de chargement et de déchargement,

les conteneurs subissent des dommages du fait d’actes de manutention plus ou

moins brutaux, voire à la suite d’accidents, telle la rupture d’un portique de levage

entraînant la chute du conteneur. L’évolution technologique liée à la

conteneurisation a profondément modifié les conditions de travail des dockers : ils

sont moins nombreux, mais plus spécialisés et qualifiés. Les dockers préparent le

matériel, participent à l’ouverture des panneaux de cale, guident les conducteurs

de portiques et pilotent les engins de levage à terre. Préalablement à l’arrimage, le

35

Page 36: l'Arrimage Des Conteneurs

portiqueur (grutier) connecte le spreader35 à l’aplomb du conteneur afin de le

déplacer du quai à bord du navire ou inversement. Cette opération nécessite une

grande précision dans le maniement du portique. Le portiqueur se trouvant dans

une cabine placée au dessus du navire, sa première préoccupation est de veiller à

ne pas blesser les dockers se trouvant à bord du navire. Une autre préoccupation

d’importance est de ne pas heurter le conteneur avec le spreader, risquant de le

percer, et de réussir du haut de sa grue, à placer le conteneur, sans endommagées

les autres conteneurs, dans les glissières de cale, conçue spécialement pour

recevoir les conteneurs. A bord du navire, les dockers arriment (à l’export) et

désarriment (à l’import) les conteneurs qui sont liés les un aux autres par les pièces

de coin durant la traversée. Les dockers doivent se conformer au manuel

d’arrimage du navire et employer le matériel de saisissage du bord. Lors de la

réalisation de cette opération, l’entrepreneur de manutention doit avoir en tête

que : « Le bon transport dépendant de l’arrimage, l’arrimage doit être tel que la

marchandise puisse, dans des conditions normales, voyager sans dommages sur le

navire »36.

La bonne réalisation des opérations de mise à bord, d’arrimage et de saisissage

sont capitales dans la mesure où l’entrepreneur de manutention est « responsable

des dommages qui lui sont imputables » pour les opérations de manutention37.

L’entreprise de manutention est astreinte à une obligation de moyens et sa

responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement de la faute. Opérant

pour le compte de celui qui a requis ses services, le transporteur maritime le plus

souvent, sa responsabilité est engagée qu’envers celui-ci qui, seul, a une action

contre lui. Sa responsabilité sera engagée lorsqu'il sera prouvé qu'il a commis une

faute38 et que sera rapportée la preuve d’un lien de causalité entre la faute

commise et le dommage39. Le degré de gravité de la faute n’importe pas ici, la

35 Spreader : structure où sont fixés les verrous permettant d’accrocher et de soulever le conteneur. 36 Traité Général de Droit Maritime – Tome II, p 152 - René Rodière. 37 Art 53 a – loi du 18 juin 1966. 38C.A Aix 17 octobre 1985, Revue Scapel 1987, p.5. 39 T.C Paris 9 avril 1975, D.M.F 1975, p.625 (sur le défaut de lien de causalité entre le dommage et l’acte de l’entreprise).

36

Page 37: l'Arrimage Des Conteneurs

preuve de toute faute, même légère engage la responsabilité de l’entrepreneur.

Ainsi constituera une faute de l’entrepreneur dans les opérations matérielles de

manutention, une mauvaise manipulation des marchandises40 en cours de

chargement ou de déchargement, un mauvais arrimage de la cargaison dans le

navire41. Par ailleurs, lorsqu'il reçoit et reconnaît le conteneur, l'entrepreneur sera

déclaré responsable des dommages survenus à la marchandise s'il ne procède pas

correctement au pointage et à l'examen de celui-ci : il s’agit donc d’une

présomption de responsabilité.

40 A propos d’une chute de la marchandise, C.A Paris 24 novembre 1976, D.M.F 1977, p.162

37

Page 38: l'Arrimage Des Conteneurs

Les opérations de chargement et d’arrimage des conteneurs sont donc des phases

où le conteneur est le plus exposé à des dommages du fait de son déplacement.

Emballage solide, le conteneur n’est pas indestructible et révèle fréquemment ses

fragilités lors de la manutention ou même la fragilité de l’empotage et de l’arrimage

de la marchandise dans le conteneur. Les services contentieux des transporteurs

maritimes reçoivent un nombre considérable de réclamations pour lesquels sont

en cause des mauvaises manipulations du conteneur ou un mauvais arrimage.

L’évolution du transport maritime par conteneurs a nécessité la généralisation du

transport en pontée. En effet, sur le pont des porte-conteneurs, se trouvent des

sabots d’ancrage destinés à recevoir les pièces de coin des conteneurs et des

boucles ou des pièces de saisissage pour la fixation des chaînes ou des barres de

saisie qui sont reliées aux pièces de coin du conteneur par des crocs, des « oeils »

ou des cordes. La question essentielle qui se pose toujours dans le transport

maritime de marchandises par conteneurs est de savoir s’il est permis de charger

en pontée, ou si les conteneurs doivent être placés en cale.

41 Sur le mauvais arrimage en cale de tubes d’acier, C.A Aix 15 juillet 1987, Revue Scapel 1987, p.3.

38

Page 39: l'Arrimage Des Conteneurs

CHAPITRE 3

L’ARRIMAGE ET LE SAISISSAGE DES CONTENEURS EN PONTEE.

« Semblable arrimage, qui peut être dangereux pour la navire, dont il encombre le

pont et modifie la stabilité, fait surtout courir des risques supplémentaires à la

marchandise, dépourvue de protection contre les éléments, vent, vagues, embruns,

froid ou canicule, alors que les marchandises chargées en cale s’en trouvent,

normalement, protégées. »42 L’arrimage des conteneurs en pontée a fait l’objet

d’un long questionnement dans la mesure où la conteneurisation, apparue après

l’adoption de la Convention de Bruxelles et de la loi de 1966 régissant le transport

maritime de marchandises, n’avait pas été intégrée dans la rédaction de ces deux

textes fondamentaux. Le transport de conteneur en pontée répond à un régime

particulier. (Section 1)

La problématique du régime juridique du transport de conteneurs en pontée

s’accompagne d’une problématique technique. En effet, en cale, les conteneurs,

empilés les uns sur les autres, sont maintenus et guidés par des glissières qui

assurent la stabilité de l’arrimage. A l’exception des navires sans panneaux de cale

dotés de glissières de cales prolongées au-delà du pont, le transport en pontée de

conteneurs nécessite un arrimage spécifique réalisé grâce à du matériel de

saisissage plus ou moins élaboré. (Section 2)

39

Page 40: l'Arrimage Des Conteneurs

SECTION 1 LE REGIME JURIDIQUE DU TRANSPORT DE CONTENEURS EN PONTEE

« L’idée est tellement ancrée dans l’esprit des chargeurs (et des assureurs facultés)

que la solution de principe n’a pas changé. Même à l’époque actuelle, le

chargement en pontée qui entraîne en général une surprime dans l’assurance sur

facultés, ne peut se faire en principe qu’avec l’accord du chargeur (§1). Cette règle

s’explique, même pour le transport par conteneur parce que, s’il est plus rare que

le capitaine se résolve à ordonner le jet à la mer pour sauver le navire, la

jurisprudence récente offre de nombreux exemples de conteneurs chargés en

pontée qui, au cours d’une tempête se désarriment du pont du navire, et tombent

à la mer.»43 Par ailleurs, l’arrimage en pontée peut être une obligation résultant des

prescriptions des règlements nationaux et internationaux (§2).

§1La réglementation du transport en pontée.

En droit français, le chargement des conteneurs sur le pont, avant une réforme de

1979, était interdit en principe, sauf trois exceptions : le petit cabotage, le

consentement du chargeur et lorsque la réglementation l’impose44. La Convention

de Bruxelles de 1924 stipule que le mot « marchandises » signifie, au regard de

l’application de la convention, « biens, objets, marchandises et articles de nature

quelconque, à l’exception des animaux vivants et de la cargaison, qui par le contrat

de transport, est déclarée comme mise sur le pont et, en fait, ainsi transportée », ce

qui implique que la marchandise chargée en pontée sans l’accord du chargeur reste

soumise à la Convention de Bruxelles, au regard de laquelle ce procédé constitue

une faute caractérisée. Lorsque la pontée est régulière, le transporteur peut éluder

par avance sa responsabilité ou limiter sa dette de réparation soit, en transport 42 Droit Maritime – P. Bonassies ; C. Scapel – LGDJ, page 645. 43 JurisClasseur Transport – Cote 05,2003 – Fasc. 975 : Transport par conteneur, p 38-39.

40

Page 41: l'Arrimage Des Conteneurs

inter, par l’effet de l’article 30 de la loi française qui l’y autorise expressément, soit,

en international, parce que la Convention de Bruxelles s’effaçant, le transporteur

jouit de sa liberté contractuelle. Le transport en pontée des conteneurs donne

toujours lieu à un abondant contentieux malgré la réforme apportée par la loi du

21 décembre 1979. Cette loi est venue modifier l’article 22 de la loi de 1966 en lui

ajoutant un deuxième alinéa : « en cas de chargement de conteneur à bord de

navires munis d’installations appropriées pour ce type de transport ». En pareil

cas, le transporteur peut, sans commettre de faute, arrimer le conteneur sur le

pont du navire, car le consentement du chargeur est supposé donné ». Cette loi a

parallèlement modifié le texte de l’article 30 de la loi de 1966 en soumettant le

transporteur maritime au régime de responsabilité de plein droit, sauf à faire

preuve d’un cas excepté. Il en résulte que le transport d’un conteneur en pontée,

sur un navire porte-conteneur, ne peut pas faire l’objet d’une clause limitant ou

supprimant la responsabilité du transporteur, à la différence du transport d’un

conteneur chargé sur un navire non aménagé en porte-conteneur.

L’aménagement de la législation française a certes simplifié les problèmes posés

par le transport en pontée de conteneurs sur les porte-conteneurs. Il demeure

néanmoins beaucoup de contentieux sur la régularité de pontée. En premier lieu,

le problème ressurgit lorsque le conteneur est transporté en pontée sur un navire

qui n’est pas muni d’installations appropriées, ce qui est chose courante comme

nous l’avant vu. Dans ce cas, l’acceptation du chargeur reste indispensable, mais la

jurisprudence n’est pas très exigeante sur la preuve de cette acceptation. Ainsi,

celle-ci n’a pas besoin d’être renouvelée à chaque expédition, si le chargeur est

habitué à ce que ses marchandises soient chargées en pontée45. Pour contourner

cette exigence, les transporteurs maritimes ont inséré dans leurs connaissements

des clauses générales aux termes desquelles, « le transporteur est autorisé par le

chargeur à placer les marchandises sur le pont du navire aux frais et risques

desdites marchandises, sans être tenu d’aucun avis du chargeur ». De telles clauses

n’ont pas toujours été très bien accueillies par les juges, la raison tenant au fait que 44 Art 22 loi du 18 juin 1966. 45 Cass. Com. 16 décembre 1965 – JCP G 66, II, 14634, note R. Rodière.

41

Page 42: l'Arrimage Des Conteneurs

les polices d’assurance facultés excluent très souvent de la garantie les cargaisons

voyageant sur le pont. Il est donc primordial pour le chargeur de connaître le sort

de sa marchandise afin d’en étendre éventuellement la couverture par le paiement

d’un supplément de prime.

Un second problème résulte d’un fait récemment discuté par la Cour d’Appel

d’Aix-en-Provence46 concernant le transport d’un conteneur en pontée sous

couvert d’un connaissement au dos duquel était inscrite la clause ci-dessus citée

mais soumis au régime de la Convention de Bruxelles. Le transporteur maritime a

tenté de revenir sous le régime de la loi française qui connaît la présomption de

consentement du chargeur à la pontée. Or, les juges n’ont pas suivis

l’argumentation fondée sur le mutisme de la Convention en la matière et ont

considéré que, non déclarée, la pontée était irrégulière et se retrouvait donc dans le

champ d’application de la Convention de Bruxelles, donnant au transporteur la

latitude d’invoquer les cas exceptés exonératoires de responsabilité : l’irrégularité

de la pontée n’empêchant pas le transporteur de plaider victorieusement les cas

exceptés dans la mesure où elle est sans lien causal avec le dommage.

Un dernier problème a été soulevé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 7

février 200647 :

« Si le consentement du chargeur à un chargement en pontée est supposé donné en

cas de chargement en conteneur à bord de navires munis d’installations appropriées,

cette présomption ne s’applique pas au chargement en conteneurs ouverts. Commet

une faute qui fait obstacle à ce qu’il soit déchargé en totalité de sa responsabilité à

l’égard du chargeur le transporteur maritime qui place une marchandise en pontée

sur des conteneurs de type plateau en l’absence de consentement du chargeur

mentionné sur le connaissement. »

46 Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, 30 novembre 2006 – BTL N°3161 29 janvier 2007. 47 Cass. Com, 7 février 2006, Navire Contship Germany – DMF Juin 2006 N° 671, p 499 - Note Y. Tassel.

42

Page 43: l'Arrimage Des Conteneurs

Cet arrêt est très sévère pour les transporteurs maritimes et les obligent en

conséquence à demander l’avis du chargeur dans une telle hypothèse. L’arrêt est

sévère en ce sens qu’il ne tient pas compte de la réalité du transport maritime :

l’utilisation de conteneurs ouverts est dans la grande majorité des cas destinée au

transport de marchandises hors-gabarit, ne pouvant être empotées dans un

conteneur général. La sur-dimension de la marchandise oblige le transporteur

maritime à l’arrimer sur le pont du navire dans la mesure où les cales ne peuvent

recevoir une telle cargaison. La résultante en est que le transporteur ne peut, qu’à

regret, se plier à la jurisprudence en demandant l’accord du chargeur pour le

chargement en pontée de conteneurs ouverts, au risque s’il ne le fait pas de se voir

condamné.

Le régime du transport en pontée des conteneurs est donc soumis à certaines

obligations selon la législation nationale et internationale. Un des cas autorisant la

pontée aussi bien dans la loi française que dans la Convention de Bruxelles est

celui des marchandises dangereuses.

§2 Le transport en conteneurs de marchandises dangereuses.

Les règlements internationaux et nationaux distinguent plusieurs classes de

produits dans lesquels figurent les explosifs, les gaz comprimés ou liquéfiés, les

liquides et matières inflammables, les peroxydes organiques, les matières toxiques

infectieuses, radioactives et corrosives. Les risques d’explosions et d’incendies

caractéristiques de ces produits imposent un conditionnement et un arrimage du

conteneur particuliers.

Le Code IMDG, Code Maritime International des Marchandises Dangereuses,

adopté par la Résolution A 31 VI du 27 septembre 1965 de l’OMI, détermine,

lorsqu’une marchandise relève d’une des classes de ce code, les conditions de son

transport : emballage, étiquetage, arrimage à bord. Il appartient au chargeur

43

Page 44: l'Arrimage Des Conteneurs

d’indiquer la désignation officielle de la marchandise, sa classe et la page du code

où la marchandise fait l’objet d’une fiche donnant toutes les prescriptions. Les

produits dangereux font l’objet d’un chargement en pontée facilitant leur éventuel

jet à la mer en cas d’incident. La règle primordiale à respecter en matière

d’arrimage des matières dangereuses est le respect des incompatibilités entre

certaines substances. Ces prescriptions réglementaires sont prises en compte dans

les logiciels aidant à la réalisation du plan de chargement par le ship planner. Ainsi,

les concepteurs de ces logiciels ont référencé la liste des marchandises dangereuses

et un message d’avertissement apparaît à l’écran lorsque la position du conteneur

ne correspond pas aux recommandations du code IMDG. Par ailleurs, il faut

rappeler que les marchandises au chargement desquelles le transporteur n’aurait

pas consenti s’il avait eu connaissance de leur nature dangereuse, inflammable ou

explosive, peuvent être déchargées, rendues inoffensives ou même détruites et le

chargeur peut être rendu responsable de tout dommage résultant directement ou

indirectement de leur embarquement.

Il suffit de considérer le cas du Hyundai Fortune pour prendre conscience des

risques que constitue le transport de marchandises dangereuses par conteneurs. Le

porte-conteneurs coréen Hyundai Fortune a été ravagé par les flammes, mardi 20

mars 2006, dans le golfe d'Aden, au sud des côtes yéménites. Plusieurs dizaines de

conteneurs, situés derrière le château, on été ravagés par les flammes, une

vingtaine passant par-dessus bord. Suite à l'accident, une zone de sécurité nautique

avait été établie et des avis aux navigateurs lancés. L'incendie, qui s'est

probablement déclenché dans les machines, s'est propagé à un chargement de feux

d'artifices, provoquant une violente explosion. Présentant une brèche de 12 mètres

dans la coque, le Hyundai Fortune avait été secouru par la frégate néerlandaise de

Zeven Provincien. Les dommages au navire et à la cargaison ont été considérables

et illustrent bien la problématique du transport par conteneurs de marchandises

dangereuses et leur arrimage.

44

Page 45: l'Arrimage Des Conteneurs

Le transport en pontée des conteneurs est aujourd’hui incontournable et il a fallu

adapter les systèmes d’arrimages afin de garantir la stabilité et la sécurité du navire

et des marchandises transportées.

SECTION 2 LES PROBLEMATIQUES DES SYSTEMES D’ARRIMAGE ET DE SAISISSAGE.

Les systèmes de saisissage des conteneurs en pontée sont, en général, presque tous

les mêmes : réalisés à partir de barres métalliques, de ridoirs et de twist-locks (§1).

Ces systèmes d’arrimage ont évolué afin de garantir au maximum la sécurité des

dockers lorsqu’ils arriment et désarriment les conteneurs, et d’autre part garantir

un arrimage suffisamment résistant pour affronter les contraintes mécaniques

auxquels sont soumis les conteneurs pendant le transport. Néanmoins, ces

systèmes d’arrimage ont fait l’objet de critiques lors de désarrimages massifs. (§2)

§1 Le materiel de saisissage.

La conception des systèmes d’arrimage résulte d’une coopération entre le chantier

constructeur, l’armateur et les fabricants de matériel. Elle dépend du nombre de

couches de conteneurs et du poids des piles. La société de classification approuve

ensuite le système et donne une marque spéciale dans la cote du navire.

Le matériel de saisissage est conçu et réalisé par des entreprises spécialisées. Il est

contrôlé avant la livraison par le fabricant et la société de classification. Jusqu’à ce

stade, les marges de sécurité sont très strictement contrôlées.

45

Page 46: l'Arrimage Des Conteneurs

La norme, ISO 1161, Pièces de coin, forme la base des travaux très fructueux de

l'ISO sur les conteneurs pour le transport de marchandises et de la réussite

commerciale du concept de conteneur. C’est en effet ces pièces de con qui

serviront au saisissage des conteneurs entre eux par des cônes doubles ou simples,

verrouillable ou non48. Les cônes verrouillables sont appelés twist-locks. Pour des

raisons de sécurité, l’utilisation des twist-locks semi-automatiques et automatiques

est maintenant généralisée. Le matériel de saisissage à utiliser est spécifié par le

manuel d’assujettissement. Le North of England, P&I Club, précise dans une de

ses notes d’information :

« It is mandatory requirement under SOLAS that a Cargo Securing Manual,

which has been approved by the Administration, is provided on board. A booklet,

Guidelines for the Preparation of the Cargo Securing Manual, was published by the

IMO in 1997 to show how a manual should be arranged and what it should

contain.”

L’innovation des twist-locks automatiques et semi-automatiques a permis de

sécuriser au mieux les conteneurs lorsqu’ils sont chargés en pontée. Cette avancée

technique a aussi été saluée par les dockers, notamment les dockers australiens qui

ont mené une campagne pour que tous les navires touchant le port de Sydney

soient équipés de cette nouvelle génération de système de saisissage. En mettant

en avant les multiples avantages de ces mécanismes, les syndicats ont obtenu des

armateurs l’équipement de leurs navires de ce type de matériel :

« Getting al ships to have semi-automatic twist-locks means our members safer and

the job easier, so the union and the workers are happy. Productivity has improved so

the stevedoring companies are happy. And the ship spent less time in port therefore

paying less in charges, so the shipping companies are happy too.”49

48 Le détail des systèmes d’arrimage et de saisissage est présenté dans les annexes de cette étude. 49 Twist and Shout – Maritime Union of Australia: Workers Journal.

46

Page 47: l'Arrimage Des Conteneurs

Si ces matériels d’arrimage font la joie des dockers australiens, il est nécessaire de

souligner que les systèmes de saisissage ne sont pas sans présenter certains

défauts, dont peuvent résulter d’importants dommages.

§2 Les défaillances des systèmes d’arrimage et de saisissage.

La fiabilité du matériel d’arrimage et de saisissage, aussi performant soit-il, n’est

pas imperfectible et a été remis en question par de nombreux acteurs du transport

maritime. En effet, au stade de la conception des systèmes d’arrimage, les

contrôles sont suffisants. Les choses se compliquent durant leur utilisation car la

mise en place du saisissage est faite par les sociétés de manutention des terminaux.

Le contrôle du saisissage est du ressort de l’équipage du navire. Les réductions

d’effectifs, parfois le manque de qualification des équipages et la brièveté des

escales font qu’il est matériellement impossible aux équipages d’exercer ce

contrôle. Il n’est pas rare, en effet, de voir les équipes de saisissage débarquer alors

qu’on commence à larguer les amarres. De plus, le nombre de pile augmente avec

la taille des navires, actuellement huit, or les conteneurs n’ont pas tous la même

hauteur. Les piles du haut, normalement destinées aux conteneurs vides,

comportent souvent des conteneurs pleins. Cela modifie considérablement les

efforts en haut de pile lorsque le navire roule et tangue, ce qui peut affecter la

stabilité transversale de façon notoire50.

Une autre problématique est celle du contrôle et de l’entretien régulier du matériel

de saisissage. Une sentence de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris a retenu à

la charge de l’armateur un défaut d’entretien du matériel de saisissage et d’arrimage

et relevé les négligences du bord dans le contrôle des opérations de chargement. Il

a aussi été reconnu à la charge de l’affréteur des négligences dans la vérification du

nombre des divers matériels de saisissage nécessaires pour satisfaire ses projets de

chargement, et surtout, les multiples défectuosités constatées dans l’arrimage et le

47

Page 48: l'Arrimage Des Conteneurs

gerbage des conteneurs. En l’espèce, il s’agissait d’un navire « général cargo »,

aménagé en porte-conteneur, affrété à temps, qui lors d’une traversée de

l’Atlantique Nord au mois de novembre a été confronté à une forte tempête. Le

capitaine voyant la stabilité du navire compromise et la sécurité de la cargaison en

danger, a décidé de faire demi-tour et de revenir au port de départ. Au cours de ce

trajet retour, des conteneurs de l’une des travées sont tombés à la mer.51

Ce genre d’incident n’est pas rare et les lettres d’information des P&I Club

regorgent d’exemples de ce type accompagnés de mises en garde et de conseils

pour maintenir la sécurité de l’arrimage.

Il est à noter qu’aux termes d’une information en date du 6 mars 2006, environ

400 à 500 conteneurs ont été recensés comme perdus à la mer au cours d’une

vingtaine d’incidents. Un facteur commun semble être le fait que tous les navires

impliqués utilisaient ce que l’on appelle des FAT « fully automatic twist-locks ». un

examen du FAT de Mc Gregor, fabricant de ce système d’arrimage, semble

indiquer que le système, accrochage par un point, utilisé par tous les FAT du

marché, pourrait, lorsqu’il est utilisé avec des conteneurs sous tolérance ISO et

certaines conditions, ne pas se verrouiller correctement, et de ce fait contribuer

aux avaries. Le Germanisher Lloyd a donné des instructions de vérifier

visuellement que les twist-locks en question soient réellement verrouillés sur

chaque conteneur lors du chargement, ce qui peut être difficile ou onéreux à

réaliser. Les FAT ont été retirés du marché par Mc Gregor afin d’éviter de

nouveaux désarrimages et d’étudier les raisons de cette défaillance.52

Cependant, les systèmes d’arrimage et de saisissage ne sont pas toujours à blâmer

en cas de désarrimage des conteneurs. En effet, comme le souligne le Standard

Club, P&I Club, les conditions météorologiques d’une extrême violence que sont

amenés à rencontrer les navires mettent à rude épreuve le matériel

50 Rapport d’étape – Transport de marchandises par conteneurs – Vigipol. 51 Sentence 1082 du 14 mars 2003 – CAMP. 52 Standard Club News – Automatic Twist Locks – Losses Continue - Container collapses prompt recall of automatic twist-locks – M. Grey, 21 mars 2006.

48

Page 49: l'Arrimage Des Conteneurs

d’assujettissement53. Aussi, même l’arrimage et le saisissage le plus soigneux et

rigoureux, à l’aide d’un système neuf, ne résiste pas lorsque les mouvements du

navire imposent des contraintes irrésistibles pour le conteneur et son arrimage. Le

conseil que prodigue le club est alors destiné au Capitaine qui doit veiller à adapter

la vitesse de son navire au mauvais temps et décider de changer de route s’il

estime que la sécurité de l’expédition maritime est menacée.

L’apport sécuritaire du conteneur pour les marchandises fait que les assureurs

facultés accordent généralement des rabais lorsque les marchandises sont

transportées par voie de conteneurs. Ce rabais consacre la contribution des

assureurs maritimes à la prévention des avaries. D’après les spécialistes prés de

70% des avaries qui surviennent sont des avaries que l’on peut éviter on utilisant le

conteneur. Ainsi, la généralisation de l’utilisation du conteneur, ne pourrait que

réduire les risques d’avaries et par conséquent réduire les taux d’assurance.

« Ce développement est accompagné de points positifs à la foi économiques,

écologiques et assurantiels. Le conteneur permet une organisation multimodale

totale et efficace avec des post et pré acheminements par voies ferroviaires et

fluviales. Il en ressort un apport écologique évident car en utilisant le conteneur

nous pouvons espérer réduire l’utilisation du transport par route au profit de

modes de transport plus respectueux de l’environnement. En tant qu’assureur,

nous avons pu observer une baisse importante des sinistres de fréquence. Les

marchandises transportées par conteneur sont moins sensibles aux chocs, à la

mouille et au vol. Au final, tous les agents économiques du monde du transport

devraient donc se réjouir du développement de la conteneurisation. Mais là où

53 The Standard Club – Maritime Matters December 1999 – Cargo Claims – Lost containers.

49

Page 50: l'Arrimage Des Conteneurs

nous nous devons être plus vigilants c’est sur le risque catastrophique que peut

entraîner la conteneurisation.

Pourquoi un risque catastrophique ?

1°/ 60% des valeurs transportées dans le monde voyagent par mer, mais

2°/ ces valeurs se concentrent de plus en plus sur les mêmes navires, les portes

conteneurs,

3°/ l’organisation hub and spokes entraîne une massification cascade des flux

4°/ et au final nous nous trouvons face à un maximum de valeur concentrée sur

un seul navire : le méga porte conteneur qui a été alimenté par un nombre

important de feeders. Face aux récents évènements de l’APL PANAMA (27

décembre 2005 avarie commune estimée à 75%) et du HYUNDAI FORTUNE

(21 mars 2006), nous nous devons, en tant que deuxième assureur transport du

marché français, de mettre en garde les chargeurs contre le risque d’avarie

commune. A défaut d’une assurance facultés, vous devrez supporter seuls ces

coûts. »54

Conscient des risques de toute expédition maritime, les acteurs de la chaîne de

transport doivent apporter une attention particulière aux opérations d’arrimage,

dont la mauvaise réalisation peut entraîner des dommages considérables. La

répartition des responsabilités liées à une défaillance dans l’arrimage des

conteneurs est différente selon que le transport est couvert par un contrat de

transport, un connaissement, ou par une charte-partie d’affrètement. En outre, la

perte des conteneurs à la mer est un phénomène qui a fait réagir les autorités

publiques, qui tendent à durcir les contraintes imposées au transporteur.

54 La face cachée de la conteneurisation - Groupama Transport Newsletter Mai 2006.

50

Page 51: l'Arrimage Des Conteneurs

PARTIE 2

R E G I M E J U R I D I Q U E E T

R E S P O N S A B I L I T E D E L ’ A R R I M A G E

D E S C O N T E N E U R S .

51

Page 52: l'Arrimage Des Conteneurs

CHAPITRE 1

LA RESPONSABILITE DE L’ARRIMAGE DES CONTENEURS DANS LE CONTRAT DE

TRANSPORT.

Les contentieux en matière d’arrimage de conteneurs sont nombreux. En effet, il

est fréquent que les conteneurs subissent des dommages lors des opérations de

manutention ou encore lorsque le navire rencontre une tempête et que le

conteneur se désarrime. Ces évènements peuvent atteindre uniquement le

conteneur, en tant « qu’emballage » de la marchandise, mais bien souvent le

contentieux nait de l’avarie subie par la cargaison chargée dans le conteneur.

L’ayant droit à la marchandise, s’il a été diligent et a souscrit une assurance pour

les marchandises transportées, obtiendra d’une manière générale le paiement des

dommages subis par son assureur. L’assureur se chargera ensuite de récupérer les

sommes par lui déboursées pour le règlement de l’avarie. La question se pose alors

de savoir qui est responsable de l’avarie lorsque celle-ci résulte d’un vice ou défaut

d’arrimage. L’arrimage des conteneurs est envisagé dans le contrat de transport.

L’opération incombe alors impérativement au transporteur maritime. Tout

dommage subi par la marchandise et par le conteneur par suite d’un défaut

d’arrimage engage donc la responsabilité du transporteur (Section 1).

Les règles internationales et nationales en matière de contrat de transport maritime

ont tout de même aménagé ce régime de responsabilité automatique, en prévoyant

d’une part des cas dans lesquels le transporteur maritime pourra être exonéré de

toute responsabilité et d’autre part un plafond de réparation (Section 2).

52

Page 53: l'Arrimage Des Conteneurs

SECTION 1 LA RESPONSABILITE DE PLEIN DROIT DU TRANSPORTEUR MARITIME EN CAS DE DEFAUT

D’ARRIMAGE DU CONTENEUR.

Le contrat de transport maritime de marchandises est un contrat synallagmatique,

imposant donc des obligations aux deux parties en présence. Dans le régime

international et interne, les obligations du transporteur maritime en matière

d’arrimage sont sans équivoques : le transporteur doit procéder de façon

appropriée et soigneuse au chargement, à la manutention et à l’arrimage des

marchandises (§1). De cette obligation, il résulte que dès lors que l’avarie

provoquée par le défaut d’arrimage s’est réalisée alors que le conteneur était sous

la garde du transporteur maritime, celui-ci supportera une responsabilité de plein

droit.

§1L’obligation de procéder de façon appropriée et soigneuse à l’arrimage des conteneurs.

Aux termes du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention de Bruxelles de 1924,

le transporteur, après avoir fait diligence pour assurer la navigabilité de son navire,

doit procéder « de façon appropriée et soigneuse au chargement, à la manutention,

à l’arrimage, au transport, à la garde, aux soins et au déchargement des

marchandises transportées. » En droit interne, la transposition de cette obligation

est à chercher dans l’article 38 du décret du 31 décembre 1966. Cette obligation a

un caractère d’ordre public et s’applique à chacun des moments du transport,

notamment la phase d’arrimage du conteneur. En tant qu’obligation personnelle

du transporteur maritime, la faute commise par le capitaine pour n’avoir pas

surveillé et contrôlé de « façon approprié et soigneuse » les opérations de

chargement et l’arrimage sera analysée par les juges comme une faute du

transporteur, le capitaine étant considéré comme un préposé du transporteur

53

Page 54: l'Arrimage Des Conteneurs

maritime. Le capitaine doit impérativement veiller à l’arrimage dans la mesure où

la sécurité du navire est en cause.

L’appréciation du caractère approprié et soigneux de l’arrimage sera fait au cas par

cas par les juridictions en se référant aux pratiques du transport maritime et aux

manuels d’arrimage se trouvant à bord de chaque navire. Si cette recherche met en

évidence que le transporteur maritime n’a pas été diligent dans le respect de cette

obligation, la responsabilité auquel il s’expose est une responsabilité de plein droit,

automatiquement reconnue.

§2 Le défaut d’arrimage des conteneurs et la présomption de responsabilité du transporteur.

A Présomption de responsabilité et conteneur sous la garde du

transporteur maritime.

Lorsque le conteneur et/ou la marchandise ont subis une avarie au cours de leur

transport, il appartiendra à l’ayant droit de la marchandise de démontrer que le

dommage s’est réalisé alors que le conteneur était sous la garde du transporteur

maritime. En effet, le transporteur maritime n’est pas nécessairement responsable

lorsqu’une marchandise ou un conteneur est reçu endommagé par le destinataire.

Il ne l’est que si le dommage est survenu pendant que la marchandise était sous sa

garde. L’article 1 (e) de la Convention de Bruxelles précise que « le transport de

marchandises couvre le temps écoulé depuis le chargement des marchandises à

bord du navire jusqu’à leur déchargement du navire. » L’imprécision des notions

de chargement et de déchargement permettent aux juges, au cas par cas, de fixer le

début et la fin des opérations de transport maritime.

L’article 15 de la loi de 1966 précise la période pendant laquelle le transporteur est

considéré comme ayant la garde de la marchandise s’étend « depuis la prise en

charge jusqu’à la livraison ».

54

Page 55: l'Arrimage Des Conteneurs

B Responsabilité de plein droit du transporteur en cas d’avarie pendant le

transport maritime.

Dès lors que l’ayant droit à la marchandise est en mesure d’établir de manière

certaine que l’avarie (qu’il doit prouver) s’est produite pendant la phase de

transport maritime, celui-ci pourra se prévaloir de la présomption de

responsabilité pesant sur le transporteur maritime. Ainsi, aux termes de l’article 27

de la loi du 18 juin 1966 :

« Le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise

depuis la prise en charge jusqu’à la livraison. »

Le transporteur étant tenu d’une obligation de résultat, celle-ci entraîne

inévitablement une responsabilité de plein droit. Lorsque l’avarie résulte d’un

défaut d’arrimage ou d’une mauvaise manipulation du conteneur lors des

opérations de manutention, le transporteur est tenu personnellement responsable

des dommages subis, alors même que bien souvent le véritable responsable est

l’entrepreneur de manutention. N’ayant aucun lien contractuel avec l’ayant droit

de la marchandise, l’entrepreneur de manutention ne peut voir sa responsabilité

directement recherchée. Néanmoins, le transporteur maritime peut lui demander

le remboursement des frais engagés pour indemniser l’ayant droit ayant subi un

dommage du fait d’une défaillance de l’arrimage dont le manutentionnaire est

responsable. Le transporteur maritime, s’il se voit assigné par son cocontractant,

pourra, au cours de la procédure, appeler en garantie son sous-traitant afin de le

faire contribuer aux réparations.

Les rédacteurs de la Convention de Bruxelles et de la loi de 1966 ont prévu un

régime de responsabilité strict pour le transporteur maritime. Au cours de la

négociation de ces textes, il a été concédé aux transporteurs maritime de parades

afin soit d’échapper au régime de la responsabilité de plein droit, soit de plafonner

les réparations qu’ils alloueront aux ayants droit lésés.

55

Page 56: l'Arrimage Des Conteneurs

SECTION 2 LIMITATIONS DE RESPONSABILITE ET CAS EXCEPTES.

A Les limitations de responsabilité applicables aux conteneurs.

En cas de perte ou d’avarie des marchandises transportées, conformément à

l’article 1149 du Code Civil, l’ayant droit à la marchandise peut prétendre à une

indemnité comprenant la perte subie et le bénéfice manqué. Cependant, la

Convention de Bruxelles et la loi de 1966 ont prévu des plafonds d’indemnités.

Toutefois, ces plafonds ne s’appliquent pas au transporteur maritime qui a

commis une faute inexcusable ou lorsque la marchandise chargée dans le

conteneur a fait l’objet d’une déclaration de valeur insérée dans le connaissement,

entraînant le paiement d’un fret supplémentaire « ad valorem ».

Le plafond de responsabilité du transporteur maritime est calculé aux termes de la

convention et de la loi, soit « par colis ou unité », soit par kilogramme de poids

brut des marchandises perdues ou avariées, la limite la plus élevée étant applicable.

Ces deux textes utilisent la même unité de compte : le montant du droit de tirage

spécial (DTS), calculé chaque jour par le Fonds Monétaire International (FMI), sur

la base d’un certain nombre de monnaies. Or, dans le cas des conteneurs, ces deux

modes de calcul soulèvent des difficultés.

En effet, la question s’est posée de savoir si le conteneur constitue une seule unité

ou autant d’unités que le conteneur contient. La jurisprudence a retenu que

lorsque le contenu du conteneur est détaillé dans le connaissement avec le nombre

de colis qu’il renferme, le plafond de responsabilité du transporteur se calcule en

tenant tous ces colis comme autant d’unités. Si le contenu du conteneur n’est pas

détaillé, chaque conteneur compte pour un colis ou une unité, soit 666,67 DTS.

Pour le calcul au kilogramme, le transporteur peut limiter la réparation en fonction

du poids de la marchandise avariée ou en fonction du poids brut du conteneur,

soit 2 DTS par kilos. Ce calcul peut s’avérer impossible à réaliser dans la mesure

où il est peu fréquent que le poids de la marchandise avariée soit précisé.

56

Page 57: l'Arrimage Des Conteneurs

B Les cas exceptés applicables en cas de défaut d’arrimage du conteneur.

«Si on imagine la responsabilité de plein droit édictée par la Convention comme un

mur, ce mur présente ce que l’on pourrait appeler des « zones de franchissement »,

ou plus prosaïquement, des « trous » de forme diverse, un peu comme ceux de

certains jouets pour jeunes enfants. Si le transporteur peut invoquer un cas excepté

correspondant exactement au dessin de tel ou tel « trou », il passera à travers le mur

de la responsabilité. »55

L’article 4 §2 de la Convention de Bruxelles énonce dix-huit (18) cas exceptés

permettant au transporteur de s’exonérer de sa responsabilité. Ces dix-huit cas

exceptés ont été repris et remaniés, au sein de l’article 17 de la loi du 18 juin 1966,

pour en faire neuf cas d’exonération, ayant conservé la philosophie de ceux de la

Convention. Nous nous proposons à ce stade de ne détailler que certains des cas

pouvant être invoqués par le transporteur maritime en cas de faute d’arrimage.

1. Les « faits constituant un évènement non imputable au transporteur » : ce cas

excepté a été qualifié de « fourre tout » dans la mesure où il peut s’appliquer à

des situations très diverses. Nous choisirons ici d’envisager l’évènement non

imputable au transporteur sous l’angle du péril de la mer ou de la fortune de

mer. Selon la doctrine française, « il faut entendre par péril de la mer non

seulement des évènements qui y surviennent, mais aussi ceux qui en

proviennent, plus exactement qui constituent ce qu’il peut y avoir d’original, de

spécifique dans les hasards de la navigation maritime. »56 Une fois que le

préalable de la due diligence et que le lien de causalité est établi57, le juge a

tendance à vérifier que les caractères de la force majeure sont présents. La

jurisprudence, judiciaire comme arbitrale, ne montre guère de clémence envers

55 Droit Maritime – P. Bonassies ; C. Scapel – LGDJ, page 678. 56 Traité Général de Droit Maritime – Affrètements et Transports – Tome II – R Rodière, N° 759. 57 Le transporteur maritime doit préalablement faire la preuve qu’il n’a pas Commissionnaire de transport de faute car pour prouver que le fait lui est non imputable il faut démontrer qu’aucune faute n’a été commise par lui ou ses préposés.

57

Page 58: l'Arrimage Des Conteneurs

le transporteur maritime dans l’appréciation d’une tempête comme fait non

imputable pouvant relever du péril de la mer. Les exemples de désarrimage de

conteneurs dus à la rencontre d’une forte tempête au cours du voyage sont

nombreux. Le transporteur n’obtient qu’à de très rares exceptions

l’exonération de sa responsabilité pour péril de la mer, les juges considérant

que les tempêtes sont les aléas de la navigation et que les navires aujourd’hui

en circulation sont conçus pour supporter ce genre d’intempéries. Une

sentence arbitrale de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris58 illustre

parfaitement ce propos. En l’espèce, lors d’un voyage de France aux Antilles

effectué au mois de février 1997, un navire avait rencontré une tempête d’une

rare violence qui a provoqué la dislocation de la pontée, 61 conteneurs pris en

charge par trois transporteurs maritimes étaient tombés à la mer, et une

vingtaine d’autres s’étaient renversés sur le pont et endommagés. Les

transporteurs avaient, entre autres cas exceptés, soulevé le fait non imputable

afin d’obtenir l’exonération de leur responsabilité vis-à-vis des intérêts à la

marchandise. Le tribunal arbitral a tout d’abord rappelé qu’il résultait des

dispositions de l’article 27 de la loi du 18 juin 1966 que le transporteur est

responsable de plein droit des pertes et dommages subis par les marchandises,

mais qu’il peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant que les dommages

ou pertes proviennent de l’un des cas exceptés que l’article 27 énumère. Si la

preuve du cas excepté est faite, les ayant-droits peuvent en retour faire la

preuve que les dommages sont dus, en tout ou en partie, à une faute du

transporteur ou de ses préposés, faute autre que la faute nautique. Ceci

rappelé, le tribunal a admis que le mauvais temps rencontré par le navire n’était

pas imprévisible et qu’il était sûr que la dislocation brutale de la pontée ne

pouvait être que la conséquence d’une lame traversière qui avait brutalement

couché le navire. Néanmoins, les arbitres concluent que l’existence d’un fait

constituant un évènement non imputable, l’origine de l’accident se trouvait

aussi dans divers éléments imputables aux transporteurs. Il en résulte que la

58 Chambre Arbitrale Maritime de Paris – Sentence 1077 du 18 novembre 2002 – DMF Novembre 2003 N°642.

58

Page 59: l'Arrimage Des Conteneurs

conclusion à l’existence d’un évènement non imputable n’a permis aux

transporteurs d’obtenir qu’une exonération partielle d’un tiers du préjudice

invoqué.

2. La faute nautique : elle se caractérise par les actes, négligences ou défaut du

capitaine ou des préposés du transporteur dans la « navigation ou

l’administration du navire »59. Les fautes « dans la navigation » ne posent pas

de problème en ce qu’elles comprennent les fautes commises par le capitaine

dans la conduite du navire et la pratique de la navigation. En revanche,

l’interprétation de la « faute dans l’administration du navire » est plus difficile à

trancher et est d’une manière générale très peu retenue par les juges. La

sentence arbitrale citée ci-dessus a également tranché la question de la faute

nautique du capitaine.

« Cette faute résultait pour lui du fait que le navire naviguait à une vitesse excessive

et suivait une route quasiment en travers du vent. Ecartant l’argumentation des

demandeurs, pour qui les erreurs commises par le capitaine n’engageaient que la

sécurité des conteneurs, alors que la faute nautique est celle-là seule qui compromet

la sécurité du navire et de l’expédition maritime toute entière, le tribunal a admis le

cas excepté de faute nautique. Pour lui, en effet, rien ne permettait de penser que, si

le capitaine n’avait pas modifié après l’incident route et vitesse du navire, comme il

l’avait fait, la sécurité de ce dernier n’aurait pas été mise en jeu. »

Il s’agit donc de distinguer la faute nautique de la faute commerciale. Une faute

d’arrimage sera alternativement qualifiée de faute commerciale, lorsque la faute

commise n’aura pas de conséquences sur la stabilité et la sécurité du navire, et

de faute nautique lorsqu’au contraire, le désarrimage des conteneurs mettra en

péril le navire. Le Doyen Rodière rappelait que « la faute d’arrimage doit être

toujours considérée comme commerciale parce qu’il serait absurde que le

législateur eût dit, en termes aussi nets et impératifs que possible, que le

transporteur doit procéder à l’arrimage de façon appropriée et soigneuse, pour

59 Art 4 §2 Convention de Bruxelles de 1924.

59

Page 60: l'Arrimage Des Conteneurs

admettre ensuite que la faute d’arrimage peut le libérer.60 » La faute nautique

fait par ailleurs l’objet de nombreux plaidoyers pour son abandon61 et semble

en bonne passe de l’être d’une part, la jurisprudence ne la retient que dans des

cas exceptionnels et d’autre part les travaux du projet CNUDCI pour la

rédaction d’une nouvelle convention sur le transport maritime s’orientent vers

la suppression de ce cas excepté.

3. La faute du chargeur : le transporteur maritime est exonéré de toute

responsabilité lorsqu’il prouve que le chargeur a Commissionnaire de transport

une faute, notamment dans l’arrimage des marchandises dans le conteneur.

Ainsi, un mauvais empotage du conteneur peut permettre au transporteur de

s’exonérer de sa responsabilité. Le défaut d’arrimage de la marchandise dans le

conteneur fait supporter aux ayant-droits de la marchandise l’intégralité des

dommages subis par celle-ci. La faute du chargeur peut aussi relever d’une

fausse déclaration au connaissement quant à la nature ou au poids de la

marchandise par exemple.

Un autre cas excepté pourrait éventuellement être développé par les transporteurs

maritimes afin de s’exonérer de leur responsabilité. Il est en effet envisageable de

se servir des cas exceptés de vice caché et d’innavigabilité du navire, en

interprétant les systèmes d’arrimage comme des parties intégrantes du navire. Si

nous reprenons le cas des twist-locks ayant été retirés du marché en 2006, il

devient possible de fonder son argumentation sur le fait qu’ils comportaient un

vice caché et par là même ont rendu le navire innavigable compte tenu des

défaillances de l’arrimage pouvant mettre en cause la sécurité du navire.

Le régime de responsabilité en cas de faute d’arrimage est très clair lorsqu’on se

trouve sous couvert d’un contrat de transport. Il en va autrement lorsque le

transport se fait sous couvert d’une charte-partie d’affrètement.

60 Traité Général de Droit Maritime – Tome II - R. Rodière, p 41. 61 Requiem pour la faute nautique – N. Molfessis – Etudes de Droit Maritime à l’aube du XXIème s. – Mélanges offerts à P. Bonassies – Ed Moreux – 2001.

60

Page 61: l'Arrimage Des Conteneurs

CHAPITRE 2

LA RESPONSABILITE DE L’ARRIMAGE DES CONTENEURS DANS LES CONTRATS

D’AFFRETEMENT.

Aux termes de l’article 1 de la loi du 18 juin 1966, le contrat d’affrètement est le

contrat par lequel « le fréteur s’engage, moyennant rémunération, à mettre un

navire à la disposition d’un affréteur. Les conditions et les effets de l’affrètement

sont définis par les parties au contrat, et, à défaut, par les dispositions du présent

titre et celles du décret pris pour son application. » Contrairement au contrat de

transport, le contrat d’affrètement est placé sous le principe de la liberté

contractuelle. La responsabilité de l’arrimage des conteneurs dans le cadre des

affrètements, de quelque nature qu’ils soient, concerne essentiellement le cas où le

transporteur maritime, affréteur, a dû réparer des dommages dus au mauvais

arrimage des marchandises, et tente de se retourner contre l’armateur, sur le

fondement de la charte-partie, afin de mettre en jeu la responsabilité de l’armateur

et de le faire contribuer à l’avarie.

Il importe de distinguer les régimes de responsabilité généralement prévus dans les

chartes-parties types d’affrètement au voyage et à temps (Section 1), de ceux

prévus dans les chartes-parties d’affrètement d’espaces (Section 2).

61

Page 62: l'Arrimage Des Conteneurs

SECTION 1 LA RESPONSABILITE DE L’ARRIMAGE DANS LES AFFRETEMENTS AU VOYAGE ET A TEMPS.

Dans l’affrètement, il faut distinguer deux catégories d’obligations : celles relevant

de la gestion nautique du navire et celles relavant de la gestion commerciale de la

marchandise. La difficulté est que l’arrimage relève à la fois de la gestion nautique

dans la mesure où il intéresse directement la stabilité du navire, et de la gestion

commerciale, puisque sa finalité est de convenablement répartir et assujettir la

marchandise. La répartition des ces obligations, et plus particulièrement des

opérations d’arrimage, est prévue dans les chartes-parties d’affrètement à temps et

au voyage (§1). Néanmoins, l’arrimage des conteneurs étant aussi une opération

relevant de la gestion nautique, le rôle du capitaine dans le contrôle de celui-ci a

souvent permis aux juridictions d’aller à l’encontre de ce que semblait prévoir la

charte-partie (§2).

§1 L’attribution de la responsabilité de l’arrimage des conteneurs au débiteur de la gestion commerciale.

A L’arrimage des conteneurs dans l’affrètement à temps.

Les chartes-parties à temps contiennent des dispositions relatives aux opérations

d’arrimage et celles-ci sont mises, d’une façon générale, à la charge du débiteur de

la gestion commerciale du navire. L’article 7 de la loi de 1966 définit l’affrètement

à temps comme le contrat par lequel « le fréteur s’engage à mettre un navire

convenablement armé à la disposition de l’affréteur pour un temps défini. », La loi

prévoit aussi que "le fréteur à temps s'oblige à présenter à la date et au lieu

convenus et à maintenir pendant la durée du contrat le navire désigné en bon état

de navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir les opérations

prévues à la charte-partie". L'article 20 du décret du 31 décembre 1966 dispose,

sauf convention contraire des parties, que le fréteur conserve la gestion nautique

62

Page 63: l'Arrimage Des Conteneurs

du navire. La navigabilité est d'ordre commercial autant que d'ordre nautique. La

stabilité du navire à la mer, l'étanchéité des cales, les moyens de lutte contre

l'incendie, les équipements et les aménagements commerciaux, tous ces éléments

doivent être de nature à permettre la bonne exécution des services que l'affréteur

attend du navire affrété. Conservant la gestion nautique, le fréteur transfère la

gestion commerciale à l’affréteur. L’affréteur exploite donc commercialement le

navire et répond de des fautes commises à l’occasion de cette exploitation. Il est

ainsi responsable de l’arrimage défectueux des conteneurs constituant une faute

commerciale, mais, lorsque le défaut d’arrimage touche à la gestion nautique, le

capitaine peut également engager sa responsabilité, et de ce fait celle du fréteur. Le

capitaine sera alors alternativement le préposé du fréteur pour la gestion nautique

et le préposé de l’affréteur pour la gestion commerciale du navire.

B L’arrimage des conteneurs dans l’affrètement au voyage.

Le Doyen Rodière affirme : « l’affrètement au voyage n’est ni une location, ni un

contrat de transport ; c’est un affrètement62 ». L’article 5 de la loi du 18 juin 1966

donne une définition de ce type d’affrètement : « Par l’affrètement au voyage, le

fréteur met un navire à la disposition de l’affréteur en vue d’accomplir un ou

plusieurs voyages. » Dans l’affrètement au voyage, le fréteur conserve la gestion

nautique et commerciale du navire. Il faut cependant relever que les opérations de

manutention portuaire et d’arrimage sont en principe, sauf clause contraire,

assumés par l’affréteur. L’arrimage est donc, aux termes de la plupart des chartes-

parties, réalisé aux frais et risques de l’affréteur. D’après les dispositions du décret

du 31 décembre 1966, auquel on se réfère de manière supplétive si les parties n’ont

pas inséré de clause spécifique dans la charte-partie, le fréteur doit recevoir la

marchandise à bord, mais il n’a pas à l’y charger. L’affréteur doit donc charger et

décharger les conteneurs, dans les délais alloués par la charte-partie.

62 Traité Général de Droit Maritime – Affrètements et Transports – Tome I – R Rodière, N° 172.

63

Page 64: l'Arrimage Des Conteneurs

§2 Les clauses relatives à l’arrimage et la responsabilité du capitaine.

A Les clauses FIO et FIOS dans le contrat d’affrètement au voyage.

Certaines chartes-parties d’affrètement au voyage contiennent des clauses FIO

(free in and out) signifiant que les opérations de chargement et de déchargement

seront sans frais pour le navire, ou des clauses FIOS (free in and out and stowed)

déclarant mettre à la charge de l’affréteur le coût et le risque des opérations de

chargement, arrimage compris. La notion d’arrimage devant s’entendre comme

comprenant la globalité des opérations de saisissage, de calage et de fixation des

conteneurs. La clause FIO ne pose pas de problème particulier dans la mesure où

elle n’est censée viser que le coût des opérations de chargement et de

déchargement, qui sont normalement le fait de l’affréteur.

La difficulté se pose lorsque la clause est FIOS. La Cour de Rouen63 a ainsi estimé

que la clause FIOS ne réglait que la charge financière des opérations de

chargement et de déchargement et ne dégageait pas le capitaine de sa

responsabilité et de son obligation de surveillance, quelle que soit celle des deux

parties qui en assume les frais. Elle a conclu que le fréteur était responsable des

suites de l’impossibilité de charger la totalité de la cargaison en raison d’un

mauvais arrimage, tout en reconnaissant que les fautes commises en procédant à

cet arrimage étaient de nature purement commerciale et n’affectaient en rien la

sécurité du navire.

La Chambre Arbitrale de Paris64 a néanmoins donné un avis contraire sur cette

même question dans des faits similaires. Elle rejette la réclamation des affréteurs

en relevant d’une part que la clause FIOS constituait non seulement une clause

financière, mais aussi une clause de responsabilité et d’autre part qu’ »aucun grief

ne pouvait être fait à l’armateur puisque le navire était bien entretenu et en bon

63 Cour d’Appel de Rouen 8 mars 1974 Navire Glaciar Blanco et Nashira – DMF 1974, p 477. 64 Sentence 574 du 19 avril 1985 – DMF 1986, p 185.

64

Page 65: l'Arrimage Des Conteneurs

état et que le capitaine avait surveillé les opérations d’arrimage comme la charte lui

en faisait l’obligation. »

B Le rôle du capitaine dans l’affrètement à temps et au voyage.

Après cet examen détaillé de la répartition des attributions relatives à d’arrimage

dans le cadre des chartes-parties, il est nécessaire d’évoquer le fait que, d’une

manière générale, peu importe du point de vue des risques en résultant, de savoir

si l’opération d’arrimage incombe au fréteur ou à l’affréteur. Le Doyen Rodière dit

nettement, ainsi que la jurisprudence, que, dans la mesure où l’arrimage concourt à

la stabilité du navire et à la sécurité de la navigation, le fréteur ne saurait s’en

décharger. Le motif d’en décider ainsi « doit être recherché dans l’idée de sécurité

d’une expédition maritime dont dépendent des vies humaines. Le capitaine a le

devoir de vérifier la stabilité du navire. C’est une règle d’ordre public ; à ce titre,

elle ne souffre pas la convention contraire.»65

Ainsi, une sentence arbitrale du 13 mai 1952 a décidé que « l’obligation d’arrimage

qui pèse sur le capitaine ne vise que les bonnes conditions de l’arrimage dans

l’intérêt du navire et de la navigation, il est normal que les parties puissent

convenir d’un commun accord que l’affréteur au voyage se chargera de l’arrimage

et que le fréteur ne sera pas responsable des avaries causées à la marchandise par

la manière dont il sera effectué. »66

Le transfert des obligations d’arrimage par le biais de clauses insérées dans les

chartes-parties sont donc d’une portée tout à fait limitée. Traditionnellement, le

domaine économique de l'affrètement du navire s'oppose à celui du transport de

marchandises. Alors que le premier relève de la navigation au tramping, le second

relève du transport de lignes régulières. L'affrètement d'espaces constitue une

exception, qui explique que nous le traitions à part, puisqu'il trouve son origine

dans l'avènement et le développement des lignes régulières. Sa souplesse,

65 Traité Général de Droit Maritime – Affrètements et Transports – Tome I – R Rodière, N° 184. 66

65

Page 66: l'Arrimage Des Conteneurs

combinée à une réduction draconienne des coûts, explique son succès.

L'affrètement d'espaces est désormais une figure contractuelle incontournable du

transport maritime de lignes régulières, ce que confirme, s'il en était besoin,

l'existence d'un contrat-type : le contrat SLOTHIRE du BIMCO. Ces chartes

prévoient aussi la répartition des responsabilités de l’arrimage des conteneurs.

SECTION 2 LA RESPONSABILITE DEL’ARRIMAGE DANS L’AFFRETEMENT D’ESPACES.

L'affrètement d'espaces est le contrat par lequel, en contrepartie du paiement d'un

fret, le fréteur met à la disposition de l'affréteur des espaces sur un ou plusieurs

navires de ligne régulière qu'il s'engage à déplacer selon un itinéraire prédéfini. Le

contrat a un objet double : la mise à disposition d'espaces (slots en anglais) et le

déplacement du navire. Sa finalité économique, située hors contrat, est le

déplacement d'une marchandise par mer. L'affrètement d'espaces est un contrat

hybride à la croisée de l'affrètement et du transport. Il présente de nombreuses

caractéristiques propres au contrat de transport. Il a pour finalité économique le

déplacement d'une marchandise par mer, il est pratiqué dans le cadre du transport

maritime de lignes régulières et il a pour objet une prestation de service. Sa nature

juridique ne fait cependant pas de doute. L'affrètement d'espaces est une variété

particulière d'affrètement partiel au voyage.

Bien qu'il ait pour finalité le déplacement par mer d'une marchandise

conteneurisée, la marchandise n'est pas au cœur de l'affrètement d'espaces. Le

fréteur d'espaces ne la prend pas en charge avant son chargement. Il se contente

de l'accueillir à son bord. Il en est responsable à partir du moment où elle est

66

Page 67: l'Arrimage Des Conteneurs

chargée et arrimée, pendant toute la durée du voyage67. De ce point de vue,

l'affrètement d'espaces ne se démarque pas de l'affrètement au voyage traditionnel.

Le fréteur d'espaces n'est pas juridiquement tenu des opérations de chargement,

de déchargement et d'arrimage de la marchandise. Le fret est d'ailleurs stipulé

FIOS (SLOTHIRE, cl. 15 (a)). Une éventuelle clause liner terms ne changerait pas

cette répartition. Cette clause doit s'analyser comme une simple clause financière.

Au contraire, la clause FIOS est une véritable clause de risque. L'affréteur

d'espaces est juridiquement tenu du chargement, de l'arrimage, du déchargement

et du désarrimage de ses conteneurs. En qualité de créancier de l'entrepreneur de

manutention, il doit garantir le fréteur pour les dommages causés aux autres

marchandises ou au navire au cours des opérations de manutention. Sa

responsabilité envers le fréteur d'espaces est cependant limitée à hauteur des

sommes qu'il recouvre auprès de l'entrepreneur de manutention.

En 2004, la Chambre Arbitrale Maritime de Paris68 a tranché un cas où quatre

conteneurs, chargés en août 2000 en Chine et à destination de Marseille, ont été

perdus à la mer. En cours de voyage, le navire a affronté un cyclone tropical

particulièrement violent qui a provoqué le désarrimage de nombreux conteneurs

se trouvant à bord, puis entraîné la perte à la mer de nombre d’entre eux. Les

arbitres ont qualifié le contrat de contrat d’affrètement d’espaces, « c’est-à-dire

d’un contrat conclu entre armateurs en vue de s’assurer une capacité de transport ;

un tel contrat n’obéit à aucune réglementation particulière si ce n’est celle fixée par

les parties elles-mêmes. Dans un tel contrat, les parties aménagent librement leurs

droits et obligations, et la loi doit être scrupuleusement respectée.»

Aux termes de cette sentence, on comprend que les clauses insérées dans les

chartes-parties d’affrètement d’espaces ne subiront pas le même sort que celles des

autres conventions d’affrètement et seront strictement appliquées. Cette dernière

sentence arbitrale nous amène à nous porter sur le problème de la perte à mer des

67 Cass. com., 10 déc. 2002, navires Stena Transport & Mercandia : DMF 2003, p. 131, obs. Yves Tassel. 68 Sentence 1100 du 13 mai 2004 – DMF Décembre 2004, N° 654, p 1044.

67

Page 68: l'Arrimage Des Conteneurs

conteneurs. Il s’agit d’une problématique brûlante d’actualité dont ont fait état les

médias dernièrement lors de l’échouage du MSC Napoli le long des côtes

britanniques et qui, du fait de son importante gîte prise suite au passage de la

tempête ayant balayé le Nord Europe en février 2007, a perdu des conteneurs qui

sont venus, pour certains, s’échouer sur le rivage.

68

Page 69: l'Arrimage Des Conteneurs

CHAPITRE 3

LA RESPONSABILITE DE LA PERTE DES CONTENEURS A LA MER.

Selon l’Organisation Maritime Internationale, plus de la moitié des cargaisons

transportées par mer peuvent être considérées comme dangereuses ou nuisibles

pour le milieu marin. En outre, 10 à 15% de ces cargaisons sont transportées en

colis. Ces quelques chiffres montrent bien l’importance des colis et plus

précisément du conteneur pour le transport des substances nocives ou

dangereuses. Les acteurs du transport maritime reconnaissent que le nombre de

conteneurs perdus à la mer a significativement augmenté ces dernières années. Le

trafic des porte-conteneurs s’intensifiant, il n’est pas surprenant de constater une

augmentation des pertes à la mer.

Ce constat n’est pas sans énerver, en premier lieu certainement les propriétaires de

la marchandise, mais surtout les autorités étatiques qui s’inquiètent des dangers

que font courir ces conteneurs à la dérive (Section 1). Pour palier ce phénomène,

des procédures et sanctions sont progressivement mises en place (Section 2).

69

Page 70: l'Arrimage Des Conteneurs

SECTION 1 LE CONSTAT DES PERTES DE CONTENEURS A LA MER.

Les évènements de mer qui surviennent régulièrement en matière de perte de

conteneurs et la quasi impossibilité de les récupérer fondent l’inquiétude des Etats,

quant aux répercutions possibles sur la sécurité du trafic maritime et sur les

atteintes à l’environnement.

§1 Les causes de la perte des conteneurs à la mer.

Le transport de conteneurs est générateur de multiples problèmes d’arrimage et de

saisissage et les résultats d’une étude conduite en 2001 sur 1 072 navires par les

administrateurs des pays signataires d Mémorandum de Paris pointe des

déficiences qui sont éloquentes : dans 31% des cas, la qualité des équipements de

saisissage était de moyenne qualité à médiocre, particulièrement ce sont les twist-

locks qui furent jugés de qualité médiocre ; dans 10% des cas, soit le plan

d’arrimage des conteneurs utilisé par les navires n’était pas conforme aux

dispositions du manuel d’assujettissement ou bien les conteneurs n’étaient pas

saisis selon les recommandations de ce manuel ; et dans 1% des cas les navires

n’avaient pas à bord ce manuel d’assujettissement.

D’autre part certaines pratiques augmentent considérablement les risques de

désarrimage des conteneurs en pontée et leur chute à la mer. Il s’agit notamment

de piles de conteneurs dont le poids est excessif et la hauteur trop importante.

Ceci expose les conteneurs en bas des piles à des phénomènes de compression

importants, augmentés par les mouvements du navire. Une telle anomalie survient

quand le bord n’est pas à même de calculer avec précision les forces qui s’exercent

sur l’ensemble du chargement en pontée. Au final, l’effondrement d’une pile peut

survenir lorsqu’il y a dépassement du nombre de plans admis et poids excessif des

70

Page 71: l'Arrimage Des Conteneurs

piles, non-conforme aux recommandations de la société de classification ou du

constructeur. Une autre pratique dangereuse est celle du chargement des

conteneurs en haut des piles dont le poids est significativement supérieur à ceux

placés en dessous. Un autre constat à citer comme augmentant les risques de

chute à la mer est celui des dispositifs d’arrimage défectueux. Très souvent, la

première cause de la rupture d’arrimage réside dans une déficience du dispositif

lui-même qui subit un traitement brutal à la mer.69

Le relevé détaillé de ces problèmes liés à l’arrimage des conteneurs et à leurs

risques de désarrimage et de chute à la mer a récemment mis en alerte les autorités

maritimes, mais aussi les P&I Club.

§2 Les dangers de la perte de conteneurs à la mer.

Relativement courantes dans le transport maritime, les chutes de conteneurs à la

mer ont fini par vivement alerter les responsables de la sécurité maritime. En effet,

il pourrait y avoir jusqu’à 10 000 conteneurs tombant à la mer chaque année70. Ces

conteneurs à la mer présentent tout d’abord de réels dangers pour la navigation et

la circulation maritime. Le conteneur, une fois tombé à la mer, ne coule pas

nécessairement à pic pour se poser sur le fond mais peut rester entre deux eaux

pendant un long moment. Le risque de collision si le conteneur flotte est

important, tout comme le risque de croche pour les chalutiers s’il coule. Tous les

plaisanciers et marins pêcheurs ont ce scénario bien en tête.

Un autre risque majeur présenté par les conteneurs à la mer concerne

l’environnement. En effet, selon l’Organisation Maritime Internationale, plus de la

moitié des cargaisons transportées par mer peuvent être considérées comme

dangereuses ou nuisibles pour le milieu marin. Les risques de pollution de 69 Avis d’expert : Conteneurs à la mer – J.Y. Grondin – Gazette de la Chambre, Printemps 2003, N°1.

71

Page 72: l'Arrimage Des Conteneurs

l’environnement marin est donc extrême si des conteneurs chargée de produits

toxiques et nuisibles viennent à chuter à la mer. Tout le monde a gardé mémoire

des ces fûts de produits toxiques perdus il y a deux ans le long des côtes bretonnes

et qui ont dérivés sans que l’on puisse les localiser et dont le contenu présentait de

graves dangers pour la santé humaine.

Il est donc compréhensible que le Préfet Maritime de Brest, Laurent Mérer ait

« tapé du point sur la table »71 dernièrement lorsque, en février 2006, pas moins de

184 conteneurs ont été perdus en mer sur la façade ouest-Atlantique : « Je ne peux

pas trouver normal que, dans des conditions météorologiques, certes musclées

mais pas exceptionnelles, des navires perdent autant de leurs conteneurs. Il est de

mon devoir de ne pas générer de dangers supplémentaires ».

Cependant des procédures existent en cas de perte de conteneurs à la mer et

d’autres propositions sont faites dans le sens d’un durcissement des sanctions à

prévoir contre les armements qui ne tiendraient pas compte des

recommandations.

SECTION 2 LA MISE EN OEUVRE PROGRESSIVE DE PROCEDURES ET DE SANCTIONS POUR LA PERTE DE

CONTENEURS A LA MER.

§1 Les procédures en cas de pertes de conteneurs à la mer.

La principale priorité d’un capitaine qui perd des conteneurs à la mer est de faire

rapidement l’inventaire de leurs numéros, pour prévenir son armement, qui

contactera l’assurance. L’information doit également être relayée aux centres de

70 Rogue containers present growing safety problem – Lloyd’s List 15 juillet 2002. 71 Perte de conteneurs, le Préfet Maritime de Brest tape du poing sur la table – JMM – vendredi 3 mars 2006, p 12.

72

Page 73: l'Arrimage Des Conteneurs

contrôle du trafic maritime, les CROSS (Centre Régionaux Opérationnels de

Surveillance et de Sauvetage), le capitaine doit préciser avec le numéro de chaque

conteneur perdu à la mer, les classes de risque des produits transportée. La seule

classe IMDG n’identifie pas un produit, mais une famille de produits dans un type

d’emballage. Cette information est insuffisante pour déterminer si le conteneur va

flotter longtemps ou non, s’il représente des dangers pour les intervenants, s’il y a

un risque d’impact majeur pour l’environnement.

Les parties concernées par le transport maritime doivent être conscientes que la

transparence en matière de déclaration de chute de conteneurs à la mer sera

profitable à tous. Les assureurs maritimes, les armateurs, chargeurs et

réceptionnaires de marchandises doivent participer à l’élaboration de listes de

marchandises tombées à la mer. Après la signature de la Convention de Bruxelles

du 29 novembre 1969, l'article 2 d'un décret du 24 mars 1978 était venu imposer

au capitaine de tout navire, français ou étranger, victime d'un accident de mer au sens

de cette Convention (abordage, échouement ou autre incident de navigation

susceptible d'avoir des conséquences pour le navire ou sa cargaison) et navigant à

moins de 50 milles marins des côtes françaises, l'obligation de signaler l'accident

au préfet maritime. La directive communautaire du 27 juin 2002 sur le système de

suivi du trafic des navires étend cette obligation à tout navire navigant dans la

zone économique exclusive. Dès le mois de janvier 2004, les Préfets maritimes ont

pris des, visant les conventions internationales concernées, notamment la

convention Marpol, ainsi que la directive de 2002. Ces arrêtés imposent au

capitaine de tout navire, d'une jauge égale ou supérieure à 300 unités et navigant

dans les limites de la zone économique française (ou, par assimilation, dans celles

de la zone de protection écologique créée par la France en Méditerranée),

l'obligation de signaler au centre côtier géographiquement compétent tout incident

ou accident portant atteinte à la sécurité du navire, toute défectuosité dans la

coque ou défaillance de structure, toute nappe de produits polluant voire « tout

conteneur ou colis dérivant en mer ».

73

Page 74: l'Arrimage Des Conteneurs

Le Préfet Maritime de Brest fait remarquer que la perte des conteneurs à la mer

suppose la mise en œuvre de procédures de recherche dont le coût peut être

considérable : lors des évènements du 17 et 18 février 2006 « pour tenter de

repérer les conteneurs et essayer de les récupérer, les services de l’action de l’Etat

en mer ont dépêché cinq avions et deux navire d’intervention. Au coût global des

opérations qui avoisine les 170 000€ ; s’ajoute la mise en danger des plongeurs

chargés d’élinguer les boîtes à la dérive. »72

La récupération d’un conteneur est une opération périlleuse car elle demande

l’intervention des hommes et plongeurs alors que les conditions météorologiques

sont souvent particulièrement mauvaises. Il est possible de récupérer le conteneur

en le remorquant, mais cette technique s’avère délicate dans la mesure où le

conteneur n’est pas conçu pour être remorqué. Le grutage du conteneur à bord est

une autre technique, mais comporte le risque de voir le conteneur se déchirer et

les marchandises se répandre sur le pont du navire ou à la mer. La récupération

d’un conteneur reposant sur le fond est possible, celui-ci est renfloué grâce à des

bouées, mais le coût d’une telle opération constitue un frein au relevage des

conteneurs et n’est employé que dans les cas de marchandises hautement

polluantes. Le conteneur peut aussi être détruit lorsque les manipulations s’avèrent

dangereuses et que les risques de pollution sont minimes. Une charge explosive est

alors placée sur le conteneur.

Néanmoins, ces opérations de récupération et de destruction ne sont que

rarement mises en œuvre dans la mesure où bien souvent les conteneurs perdus à

la mer ne sont pas repérables.

72 Perte de conteneurs, le Préfet Maritime de Brest tape du poing sur la table – JMM – vendredi 3 mars 2006, p 12.

74

Page 75: l'Arrimage Des Conteneurs

§2 Les sanctions de la perte de conteneurs à la mer.

En premier lieu, l’armateur du navire qui a perdus certains de ses conteneurs à la

mer est responsable des frais engagés pour organiser les opérations de recherche

et de récupération des conteneurs. En général, ces frais seront pris en charge par

son assureur responsabilité civile, le P&I Club, sauf à ce que ce soit exclu dans la

police d’assurance ou que les circonstances du désarrimage soient la résultante de

défaillance grave de l’armateur qui lui fera perdre le bénéfice de la couverture

d’assurance.

Quant aux sanctions, elles sont prévues par l'article L. 218-19 du Code de

l'environnement pour les capitaines de navires français qui, après un accident « en

mer » - donc en quelque lieu que ce soit, et même en haute mer -, n'établit pas ou

ne transmet pas le rapport prévu par la Convention MARPOL (deux ans

d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende), tandis que le capitaine d'un navire

étranger voit son obligation limitée aux eaux de souveraineté françaises, la peine

prévue étant réduite à une simple amende pour l'infraction commise dans la zone

économique exclusive (application de l'article 230 de la Convention sur le droit de

la mer).

Le Préfet Maritime de Brest s’avouait pourtant quelque peu démuni face à ce

phénomène. Vigipol73, dans son rapport d’étape, suggère qu’en cas d’accident, « il

serait bon d’attaquer en justice les armateurs qui se sont rendus coupables de

pollution de la mer et des côtes du fait de pertes de conteneurs dangereux

lorsqu’ils proviennent de navires identifiés. Ces actions permettraient de

sensibiliser la profession et de rechercher les responsabilités, souvent multiples.

Cela relève de la sécurité maritime élémentaire et du respect de l’environnement

des Etats côtiers. »

73 Rapport d’étape – Transport de marchandises par conteneurs – Vigipol.

75

Page 76: l'Arrimage Des Conteneurs

CONCLUSION

Les conteneurs peuvent transporter n’importe quelle marchandise, aussi bien des

produits périssables et manufacturés, que des produits dangereux et hautement

toxiques. Compte tenu des nombreux paramètres à prendre en compte pour

obtenir un arrimage approprié et soigneux, capable de supporter toutes les mers et

tous les efforts physiques, la recherche en la matière n’a pas encore épuisé ce sujet.

Il peut s’agir en effet d’améliorer d’une part la résistance du conteneur, de

modifier la conception des navires, de faire évoluer plus encore les techniques de

manutention et surtout de repenser en permanence les systèmes de saisissage afin

de les rendre plus sûrs pour la navigation mais aussi pour le dockers.

La conteneurisation et ses problèmes d’arrimage sont liés au développement

exponentiel de ce mode de transport et aux contraintes économiques qu’impose le

commerce maritime de lignes régulières.

La prise de conscience des risques liés aux désarrimages des conteneurs et à leur

chute à la mer nécessite aujourd’hui de trouver des sanctions et des procédures

appropriées à ce type d’évènement dont les conséquences ne sont pas toujours

prévisibles selon la nature de la marchandise transportée.

Il est intéressant de noter que les Etats-Unis, toujours précurseurs, ont lancé

l’offensive en matière de sanction des armateurs ayant perdu des conteneurs à la

mer74. En effet, dans un arrêt rendu le 25 juillet 2006, la Cour du district de la

Californie du Nord a condamné deux armements à $ 3,25 millions d’amende pour

pollution après la perte de quinze conteneurs dans la Baie de Monterey. Selon un

rapport des gardes-côtes américains, ces conteneurs étaient mal arrimés et

74 Perte de conteneurs : un début de solution par les Etats-Unis – JMM vendredi 8 septembre 2006, p 7.

76

Page 77: l'Arrimage Des Conteneurs

contenaient des fournitures, des pneus et des objets de plastiques, donc aucun

produit particulier toxique ou polluant. La Cour a estimé les dommages possibles

causés à la faune et à la flore locale. Les conteneurs ne pouvant être retirés,

l’amende couvre les coûts de restauration de l’environnement.

Cet arrêt américain laisse présager qu’un durcissement des sanctions étatiques en

matière de perte de conteneurs à la mer est à prévoir dans les années à venir.

77

Page 78: l'Arrimage Des Conteneurs

BIBLIOGRAPHIE

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80

Page 81: l'Arrimage Des Conteneurs

TABLE DES MATIÈRES

Remerciements _______________________________________________________2

Sommaire ______________________________________ Erreur ! Signet non défini.

Introduction _________________________________________________________3

PARTIE 111 PROBLEMATIQUES ECONOMIQUES ET CONTRAINTES TECHNIQUES DE L’ARRIMAGE DES CONTENEURS ___________________11

Chapitre 1 __________________________________________________________12

L’Arrimage et le Saisissage des marchandises dans le conteneur. _____________12

Section 1 Choix d’un conteneur adapté à la marchandise.______________________ 13 §1 Le choix du conteneur._______________________________________________________13 §2 La mise à disposition du conteneur._____________________________________________14 §3 Emballage et conditionnement de la marchandise. _________________________________16

Section 2 empotage du conteneur et déclaration du chargeur. __________________ 18 §1 L’empotage du conteneur. ____________________________________________________18 §2 Les risques de désarrimage et d’avarie de la marchandise. ___________________________19 §3 La déclaration du chargeur. ___________________________________________________21

Chapitre 2 __________________________________________________________24

L’arrimage des conteneurs sur le navire _________________________________24

Section 1 L’incidence de l’arrimage sur la sécurité du navire. __________________ 25

§1 Les différents navires embarquant des conteneurs. _________________________________25 §2 L’arrimage et la stabilité du navire et sa sécurité. __________________________________27

Section 2 La répartition de la marchandise sur le navire _______________________ 29 §1 Le transfert des attributions du commandant au ship planner._________________________29 §2 Le pouvoir décisionnel et la responsabilité du capitaine._____________________________31

section 3 L’entreprise de manutention et l’arrimage des conteneurs._____________ 33 §1L’entreprise de manutention et son évolution. _____________________________________33 §2 L’arrimage et la responsabilité de l’entreprise de manutention. _______________________35

Chapitre 3 __________________________________________________________39

L’Arrimage et le Saisissage des conteneurs en pontée. ______________________39

Section 1 Le régime juridique du transport de conteneurs en pontée _____________ 40

81

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§1 La réglementation du transport en pontée.________________________________________40 §2 Le transport en conteneurs de marchandises dangereuses. ___________________________43

Section 2 Les problématiques des systèmes d’arrimage et de saisissage. __________ 45 §1 Le materiel de saisissage._____________________________________________________45 §2 Les défaillances des systèmes d’arrimage et de saisissage. ___________________________47

PARTIE 2 __________________________________________________________51

Régime juridique et responsabilité de l’arrimage des conteneurs. _____________51

Chapitre 1 __________________________________________________________52

La responsabilité de l’arrimage des conteneurs dans le contrat de transport. ____52

Section 1 La responsabilité de plein droit du transporteur maritime en cas de defaut d’arrimage du conteneur. ________________________________________________ 53

§1L’obligation de procéder de façon appropriée et soigneuse à l’arrimage des conteneurs. ____53 §2 Le défaut d’arrimage des conteneurs et la présomption de responsabilité du transporteur.___54

A Présomption de responsabilité et conteneur sous la garde du transporteur maritime. ___54 B Responsabilité de plein droit du transporteur en cas d’avarie pendant le transport maritime. _______________________________________________________________55

Section 2 Limitations de responsabilité et cas exceptés. ________________________ 56 A Les limitations de responsabilité applicables aux conteneurs. _____________________56 B Les cas exceptés applicables en cas de défaut d’arrimage du conteneur._____________57

Chapitre 2 __________________________________________________________61

la responsabilité de l’arrimage des conteneurs dans les contrats d’affretement. __61

Section 1 La responsabilité de l’arrimage dans les affrètements au voyage et à temps.______________________________________________________________________ 62

§1 L’attribution de la responsabilité de l’arrimage des conteneurs au débiteur de la gestion commerciale._________________________________________________________________62

A L’arrimage des conteneurs dans l’affrètement à temps. __________________________62 B L’arrimage des conteneurs dans l’affrètement au voyage. ________________________63

§2 Les clauses relatives à l’arrimage et la responsabilité du capitaine. ____________________64 A Les clauses FIO et FIOS dans le contrat d’affrètement au voyage. _________________64 B Le rôle du capitaine dans l’affrètement à temps et au voyage._____________________65

Section 2 La responsabilité del’arrimage dans l’affrètement d’espaces.___________ 66

Chapitre 3 __________________________________________________________69

La responsabilite de la perte des conteneurs à la mer._______________________69

Section 1 Le constat des pertes de conteneurs à la mer. ________________________ 70 §1 Les causes de la perte des conteneurs à la mer. ____________________________________70 §2 Les dangers de la perte de conteneurs à la mer.____________________________________71

Section 2 La mise en oeuvre progressive de procédures et de sanctions pour la perte de conteneurs à la mer. __________________________________________________ 72

§1 Les procédures en cas de pertes de conteneurs à la mer. _____________________________72

82

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§2 Les sanctions de la perte de conteneurs à la mer. __________________________________75

Conclusion _________________________________________________________76

Bibliographie _______________________________________________________78

Table des matières ___________________________________________________81

Annexe 1___________________________________________________________84

Annexe 2___________________________________________________________85

Annexe 3___________________________________________________________86

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ANNEXE 1

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ANNEXE 2

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ANNEXE 3

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