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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Julien SAMSON Interne de deuxième année de DES de psychiatrie Faculté de Poitiers Regroupement mars 2012 Jury : Pr. Philippe GAILLARD

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon

physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse.

Julien SAMSON Interne de deuxième année de DES de psychiatrie Faculté de Poitiers Regroupement mars 2012

Jury : Pr. Philippe GAILLARD

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Plan

Résumé ..............................................................................................................................3

Introduction .......................................................................................................................4

A) Qu'est-ce qu'une cause de maladie ? .............................................................................................. 5

B) Premiers liens entre le cortisol et la dépression ............................................................................. 7

C) Anomalies de l'axe corticotrope dans la dépression....................................................................... 9

D) Effets directs de l'hypercortisolémie............................................................................................ 12

E) Nature des stress ? ........................................................................................................................ 16

F) Interactions des glucocorticoïdes avec d’autres marqueurs biologiques...................................... 21

a) Transporteurs de la sérotonine et glucocorticoïdes ............................................................. 21

b) Glucocorticoïdes et inflammation....................................................................................... 22

c) Glucocorticoïdes et DHEA ................................................................................................. 24

d) Glucocorticoïdes et BDNF.................................................................................................. 27

Conclusion .......................................................................................................................30

Bibliographie ...................................................................................................................31

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Résumé

L’hypercortisolémie est un maillon physiopathologique de la dépression. Nous nous

basons sur les critères de causalité de Bradford Hill pour rassembler les arguments

scientifiques les plus importants.

Le cortisol est une hormone ubiquitaire qui a une fonction importante au niveau du

système limbique, substrat organique des maladies psychiatriques. Par analogie avec les

pathologies endocriniennes, on a recherché et mis en évidence chez les patients

dépressifs une hypercortisolémie ainsi que la résistance au cortisol dans les années 80.

Au niveau statique, l’hypercortisolémie est plus sensible dans les dépressions sévères

mais est peu spécifique toutes pathologies confondues. Au niveau dynamique il y a une

résistance aux glucocorticoïdes qui se traduit par un test négatif de suppression à la

dexaméthasone. Ce test de suppression est plus sensible dans les dépressions avec

symptômes psychotiques.

L’imagerie montre une diminution du volume de l’hippocampe. Cela correspond à une

augmentation de la densité des neurones par un processus de déramification des

dendrites dû à l’imprégnation de cortisol.

Un organisme soumis à un stress passe de la réaction d’alarme, au stade de résistance et

à l’épuisement. C’est lors de cette phase de résistance que l’hypercortisolémie opère par

les procédés déjà évoqués. La nature de ce stress reste à déterminer mais on sait déjà

qu’il doit être intense et répété sur une longue période. La plus grande vulnérabilité se

situe entre trois et cinq ans.

Le cortisol agit également indirectement dans la neurogenèse, avec l’allèle court du

transporteur de la sérotonine. La résistance au cortisol se traduit par un emballement des

cytokines de l’inflammation et leurs conséquences de neurodégénérescence. Le DHEA

module la réaction du cortisol, on parle d’ « anabolic balance ». Plus que

l’hypercortisolémie, c’est la diminution de DHEA/cortisol qui peut-être délétère. Le cortisol

interfère également avec l’un des principaux facteurs de neuroprotection : le BDNF.

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Introduction

Il est aujourd'hui inutile de rappeler à quel point la dépression est un problème de santé

majeur dans les sociétés occidentales. Malgré cela, il n'existe aucun test biologique de

pratique courante pour faire le diagnostic. Un test biologique ou tout autre examen

paraclinique nous apporterait une grande aide pour établir un diagnostic dans notre

spécialité qui manque cruellement de données objectives, ou tout simplement pour nous

permettre de suivre l'efficacité de notre prise en charge. Et pourquoi ne pouvons-nous pas

espérer qu'un paramètre biologique soit un maillon important de la physiopathologie de

cette maladie et nous permette de faire évoluer de façon majeure la compréhension et la

guérison de cette maladie ?

On peut très bien imaginer que la dépression évoluera ainsi que sa définition. Par exemple

la définition du lupus érythémateux disséminé est une définition complexe, proche d'une

définition tout droit sortie du DSM1. Il y a quelques années aucun critère objectif n'y

figurait, que de la clinique. Aujourd'hui qui pourrait poser un tel diagnostic sans la

recherche d'anticorps ? C'est ce qu'on cherche pour la dépression, qui historiquement

s'est définie par rapport à un certain type de population qui réagissait à certains

médicaments qu'on appellera antidépresseurs.

Le modèle basé sur la sérotonine et la noradrénaline n'explique pas tout. On a besoin

d'autres approches dans une maladie aussi complexe que la dépression, l'axe corticotrope

est un des candidats les mieux placés. Pourquoi seulement 2/3 des patients répondent

après 1 à 4 antidépresseurs de classes différentes ? Pourquoi la dépression a-t-elle autant

de comorbidités que ce soit les maladies cardiaques ou les démences ?

Le cortisol est une hormone ubiquitaire impliquée entre autre dans le stress, ou plus

précisément l'hormone antistress. Comment cette hormone peut-elle être un maillon de la

physiopathologie de la dépression ?

1 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié par l'Association américaine de psychiatrie (APA).

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A) Qu'est-ce qu'une cause de maladie ?

Le sujet ne demande pas moins que de démontrer si l'hypercortisolémie n'est qu'un signe,

et donc une conséquence, ou alors un maillon physiopathologique, et donc une cause, de

l'une des maladies les plus problématiques : la dépression.

Le concept de causalité renvoie à des champs bien plus vastes de la science jusqu'à la

philosophie. Rares sont les maladies psychiatriques pouvant se prévaloir d'une étiologie

précise. On ne devrait d'ailleurs pas parler de maladie mais plutôt de syndrome puisque

les causes ne sont pas connues et il est fort probable qu'elles soient très nombreuses.

Dans le sujet qui nous intéresse, si l'hypercortisolémie est la cause en partie, elle ne le

sera vraisemblablement que dans un certain type de dépression. On ne parle plus de

cause unique en psychiatrie comme on a pu le faire auparavant à tort. On a pu accuser, à

tort on le sait maintenant, des mères d'être la cause de maladies aussi grave que la

schizophrénie par des théories très compliquées mais qui ne reposait sur aucune preuve.

La psychiatrie est rentrée dans la médecine fondée sur les preuves trop timidement par

rapport à ses consœurs mais y est bien rentrée, nous nous limiterons à cette partie de la

psychiatrie.

On a parlé de causalité en psychiatrie à partir du moment où la psychiatrie s'est donnée

comme objectif d'être une discipline médicale à part entière et doit donc répondre aux

mêmes conditions que les autres spécialités. C'est à partir de ce moment qu'on ne parle

plus de fous mais de malades, même si cette transition ne s'est pas totalement faite

aujourd'hui [SCHW].

Pour complexifier encore la question, avec l’avènement d'autres domaines comme la

biologie ou l'imagerie fonctionnelle, on ne parle plus de causes multiples à un temps

donné, mais d'enchainement causal. L'hypercortisolémie découle probablement d'un

grand nombre de causes.

Pour rester simple dans la recherche de causalité, il peut paraître intéressant de se baser

sur les critères de causalité de Bradford Hill2, bien que discutés, pour étudier la question

de causalité de l'hypercortisolémie dans la dépression. Rappelons les 9 critères de Hill

[HOFL] :

2 Épidémiologiste et statisticien anglais mort en 1991 (Wikipedia).

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� la force de l'association qui peut se mesurer par le risque relatif ou l'odd-ratio.

� la temporalité : l'hypercortisolémie doit précéder la dépression, si c'est le contraire,

alors cela revient à un signe de la maladie.

� Intensité ou durée d'exposition : ce critère semble moins applicable mais on peut

tout de même s'attendre à des différences dans la dépression en fonction de la

nature de l'hypercortisolémie. L'absence de ce critère ne réfute pas la causalité

bien sûr.

� La spécificité entre l'hypercortisolémie et la dépression. Cela pourrait être

intéressant de savoir ce qu'il en est des autres maladies psychiatriques. Mais tout

en sachant que l'absence de spécificité de prouve pas l'absence de causalité.

� La fiabilité des résultats : est-ce que dans différentes situations, cette constatation

se reproduit ? Cela peut être intéressant de trouver des études très différentes sur

le type de population recruté, mais avec des résultats qui vont au moins dans le

même sens.

� La plausibilité ou la cohérence des résultats : on va pouvoir comparer cette

hypothèse avec les modèles de la neuroscience puisque on s'intéresse ici à la

neurogenèse. On étudiera dans cette partie l'expérimentation (que Mr Hill sépare)

notamment chez l'animal.

� Et enfin, la fin d'exposition : si on enlève la cause, est-ce que la maladie disparait

ou du moins évoluera favorablement ? Cette question est intéressante d'un point de

vu thérapeutique. Autrement dit, existe-t-il des thérapeutiques qui corrigent

l'hypercortisolémie et permettent de guérir ou tout du moins améliorer la

dépression ? Nous ne parlerons pas du critère d'analogie qui semble trop faible

aujourd'hui.

On ne va pas traiter les différents critères séparément, cela serait trop indigeste. On risque

d'avoir un catalogue sans ressentir les liens des différentes données entre elles. J'ai gardé

à l'esprit ces critères lors de ma recherche documentaire et essaierai de les traiter de

façon exhaustive et dans un style naturel.

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B) Premiers liens entre le cortisol et la dépressio n

Le syndrome de Cushing correspond un hyperfonctionnement des glandes surrénales dû

à une production anormale d'ACTH, par excès. 2/3 des patients présentant ce trouble

souffrent d'un épisode dépressif majeur et celui-ci disparait après un traitement chirurgical.

Inversement, lorsqu'il s'agit d'un hypocortisolisme, les patients peuvent également

présenter un tableau dépressif avec notamment une apathie, asthénie et une certaine

irritabilité.

Le test de suppression à la dexaméthasone (DST ou Dexamethason suppresion test en

anglais), est un test utilisé essentiellement dans le syndrome de Cushing pour mettre en

évidence l'absence de freination. La dexaméthasone est un analogue des glucocorticoïdes

naturels ayant le même effet que ce dernier. L'effet recherché ici est un feedback négatif.

Avant de revenir sur le Dexamethason suppression test, faisons quelques rappels

d'endocrinologie. Le cortisol est une hormone synthétisée au niveau des surrénales, à

partir du cholestérol. Le cortisol a de nombreux effets d'adaptation s'il reste dans les

normes.

Au niveau physiologique, le cortisol permet :

� La sécrétion des neuropeptides, hormones et catécholamines

� L'acheminement de l'oxygène et nutriments vers le système nerveux central

Au niveau comportemental :

� Une vigilance accrue

� Une attention portée sur le stresseur

� L'inhibition du comportement alimentaire et reproducteur

Il diminue également la croissance, la fonction immunitaire (très utilisé en thérapeutique)

et la fonction reproductrice ([BELZ], page 164). Les récepteurs glucocorticoïdes sont

exprimés notamment au niveau de l'hippocampe et du cortex préfrontal. Le stress induit

l'activation du CRH3, entre autre, dans l'hypothalamus. Ce neuromédiateur se fixe sur

deux types de récepteurs (CRF1 et CRF2), deux récepteurs membranaires. Le premier se

trouve essentiellement dans le néocortex, l'hippocampe, l'amygdale et le locus cœreleus.

Le deuxième type se trouve dans le septum, le locus cœrulus et dans une moindre

3 Corticotropin-releasing hormone.

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mesure l'hypothalamus. L'ACTH est alors synthétisée par l'anthéhypophyse. L'ACTH

permet la libération de cortisol (chez l'homme) ou de corticostérone (chez les autres

animaux). On parle de glucocorticoïde de manière générale.

Il y a également la vasopressine qui est synthétisée en condition de stress au niveau du

système limbique. Elle permet de moduler l'action de l'axe corticotrope en situation de

stress.

Donc, de manière simpliste, le cortisol est synthétisé dans un contexte de stress pour

permettre à l'organisme de conserver son homéostasie4.

En situation normale, la sécrétion de cortisol est maximale le matin entre 6 heure et 10

heure, et minimale dans la première moitié de la nuit. La régulation centrale se fait au

niveau de deux récepteurs, les récepteurs de type I qui sont fortement dépendants du

système limbique et les récepteurs de type II qui le sont moins.

Pourquoi, dans les années 70 80, cherchait-on des marqueurs spécifiques des entités

cliniques comme le test à la dexaméthasone dans la mélancolie ([DUVA], page 1) ?

Premièrement les structures limbiques (comme l'amygdale, l'hippocampe, l'hypothalamus,

ou encore le cortex préfrontal), sont le centre de fonctions cérébrales qui sont impliquées

dans la dépression et leur fonctionnement dépend étroitement du cortisol. Deuxièmement,

les symptômes psychiatriques dans le syndrome de Cushing ou l'hypocortisolémie sont

très proches de la dépression. On avait pour idée qu'un dosage permettrait de faire le

diagnostic, alors qu'il n'existe pas de définition claire pour les entités pathologiques. La

neuroendocrino-psychiatrie s'y intéresse et nous allons nous centrer sur

l'hypercortisolémie comme signe de la maladie et/ou comme explication de la

physiopathologie de la dépression.

4 « Tendance d'un individu ou d'un organisme à garder ou à reprendre son équilibre, menacé par l'action de facteurs physiques ou chimiques, grâce au mécanisme de systèmes régulateurs » (www.granddictionnaire.com).

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C) Anomalies de l'axe corticotrope dans la dépressi on

Chez les personnes en phase de dépression active : la sécrétion de cortisol est

désynchronisée et il y a une augmentation des épisodes sécrétoires. On observe

également une diminution voire une abolition du pic matinal. On suggéra également une

avancée de phase dans les dépressions endogènes car le nadir5 d'ACTH est avancé.

([DUVA], page 9).

L'étude observationnelle prospective randomisée de Keller (2006) étudie la variation de la

cortisolémie entre 18 heures et 9 heures du matin dans 3 groupes de patients : les

patients dépressifs avec symptômes dépressifs, sans symptômes dépressifs et un groupe

témoin. Cette étude est un argument supplémentaire que l'hypercortisolémie est au moins

liée statistiquement à la dépression active, et qu'elle disparaît une fois la dépression en

rémission. On a à la fois un argument de lien statistique et une concordance temporelle.

Sur un total de 79 patients, l'étude montre que la cortisolémie est significativement

augmentée dans le groupe avec symptômes psychotiques le soir entre 18 heures et 4

heures du matin par rapport aux deux autres groupes. Le nadir est également augmenté. Il

est intéressant de préciser qu'il n’y a pas de différence significative entre les groupes avec

symptômes psychotiques et sans symptômes psychotiques. On verra par la suite que

même si au niveau statistique il n’y a pas de différence significative, au niveau des tests

dynamiques, il peut en exister. Dans les dépressions sévères de type endogène on aurait

une sous-entité de dépression ou l'axe HHS6 jouerait un rôle central. Bien que cette étude

n'ait pas été réalisée spécifiquement dans ce but, ils ont montré que statistiquement il n'y

avait pas de différence due à l'utilisation d'antipsychotique (car le groupe avec symptômes

antipsychotiques en avait évidemment plus) et que la sévérité de la dépression ne jouerait

pas non plus [KELE].

De façon dynamique, lorsqu'on administre de la dexaméthasone à un sujet sain à minuit, il

se produit une freination de la synthèse d'ACTH et de cortisol pendant environs 24 heures.

5 « Minimum de la variation au cours d'une période » (www.granddictionnaire.com). Ici, il s’agit du moment de la journée ou la cortisolémie est la plus basse. 6 Axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.

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On s'est aperçu que ce test était négatif chez les dépressifs, surtout dans les dépressions

sévères où il peut être négatif chez 40 à 70% des patients. Dans les sous-types de

dépression, c'est dans la dépression avec éléments psychotiques que ce test a été le plus

spécifique puisque 64 % des patients des patients ne répondent pas à ce test. On rappelle

que ce test se nomme DST ou dexamethason suppression test. Malgré un certain succès

il y a 20 ans, ce test n'est plus utilisé actuellement car n'étant entre autre pas spécifique de

la dépression. Les mêmes résultats, voire meilleurs, ont été retrouvés dans de

nombreuses autres pathologies psychiatriques comme les schizophrénies, l'anorexie

mentale, les troubles obsessionnels compulsifs ou encore des pathologies d'autres

spécialités comme la maladie d'Alzheimer ou encore la maladie épileptique.

Il semble néanmoins que ce test soit lié à certains symptômes comme l'anxiété, les

troubles psychomoteurs dans les deux extrêmes, les troubles du sommeil et de l'appétit.

D'autres difficultés sont présentes comme les faux-positifs. Ces cas apparaissent

malheureusement dans des situations trop courantes comme le sevrage aux

benzodiazépines, chez les patient recevant de l'acide valproïque ou encore l'alcoolisation

chronique. Les faux-négatifs sont moins nombreux.

Des critiques ont également été formulés sur les procédés techniques nécessaires à la

réalisation du test. Par exemple le dosage de 23 heures, difficile en ambulatoire, n'a pas

toujours été fait dans les études ce qui a pu biaiser fortement les résultats en défaveur du

test DST. De plus le dosage de l'ACTH semble plus pertinent mais n'a été disponible que

dans le milieu des années 90 ([DUVA], page 9-10).

Les résultats positifs nous permettent néanmoins de faire des hypothèses sur une

physiopathologie de la dépression et d'une anomalie de l'axe hypothalamo-hypophyso-

surrénalien (son hyperactivité). Cela peut être soit dû à une baisse du rétrocontrôle du

cortisol, une libération intense de la CRH centrale ou encore une hypertrophie des

surrénales (et donc plus sensible à la freination de l'ACTH)

Dans la pratique, ce test pourrait être intéressant pour prévoir la réponse à un traitement.

Dans le cas de figure où le test est positif en pré-thérapeutique puis devient négatif, cela

est un signe de bonne réponse. S'il reste positif, on peut avoir un marqueur objectif

d'inefficacité du traitement et le changer assez tôt. Par contre si le test était négatif mais

devient positif, alors c'est un facteur de mauvais pronostic quant à l'évolution du trouble.

Un autre test serait encore plus informatif. Il semble que le test DEX-CRH soit plus

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sensible (jusqu'à 80 %) ([PAGE], page 10). Dans ce test, on combine un DST avec une

stimulation au CRH. Chez les sujets sains, on devrait avoir une stimulation de cortisol,

alors que chez les patients déprimés on a une réponse paradoxale par une augmentation

moindre du cortisol. Cela montre une hyposensibilité des récepteurs corticostéroïdes au

niveau de l'hypothalamus. Dans les dépressions sévères, ce résultat paradoxal au test est

rétabli par l'amitriptyline7. Et de même, l'absence de correction à ce test, prédit une

inefficacité à distance de cet antidépresseur (rechute à 6 mois) ([DUVA], page 10-11).

Il est intéressant de savoir que ces anomalies observées sur l'axe HHS ne sont pas

communes à toutes les pathologies psychiatriques. En effet, dans l'état de stress post-

traumatique on observe un "paradoxe HHS". Le CRH est augmenté et le taux de cortisol

est lui diminué (contrairement à la dépression). Certains considèrent que dans le PTSD,

une hypercortisolémie serait le signe d'une bonne réponse à un stress potentiellement

traumatique.

7 Laroxyl®.

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D) Effets directs de l'hypercortisolémie

Il semble de plus en plus que ce soit la répétition de stress qui soit la cause de

nombreuses maladies psychiatriques. Le cortisol est une hormone qui passe la barrière

cérébrale pour effectuer entre autre son rétrocontrôle négatif. Une conjonction

d'évènements de vie stressants impliquerait une imprégnation plus intense en valeur

absolue et plus prolongée du cortisol au niveau du cerveau.

Les glucocorticoïdes sont des hormones bénéfiques puisqu'elles permettent la survie d'un

individu en adaptant son corps et sa psyché à des situations particulières. Est-ce que cette

hormone est neurotoxique et si oui, sur quelles structures de prédilection en rapport avec

la psychiatrie ?

Après une revue de la littérature que je vais exposer dans ce qui suit, il semble que l'une

de ces structures soit l'hippocampe. Cette partie du cerveau est fortement impliquée dans

la mémoire et l'apprentissage. C'est la partie du cerveau qui possède un grand nombre de

récepteurs glucocorticoïdes. Les glucocorticoïdes sont bénéfiques pour l'hippocampe

selon des concentrations qui obéissent à une courbe en U inversé. Trop de cortisol,

comme dans la dépression, ou pas assez, comme dans les PTSD donneraient-ils des

altérations cognitives ?

Après être revenu sur un paradigme : la neurogenèse existe à l'âge adulte. Il a été montré

chez les animaux que les glucocorticoïdes inhibent la neurogenèse de manière dose

dépendante. La prolifération neuronale des macaques sont inhibés en quelques heures en

situation de stress tandis qu'une surrénalectomie augmente la neurogenèse.

De plus, les dendrites8 sont atrophiées chez les rongeurs exposés à du stress en moins

de 4 semaines, au niveau de l'hippocampe. Cela a été corroboré chez l'homme où des

patients ont vu le volume de leur hippocampe diminuer à l’IRM et ce de façon réversible

(lorsque l'hypercortisolémie est corrigé dans le syndrome de Cushing).

8 Prolongement du corps cellulaire des neurones à l’exception de l’axone.

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Ces souffrances vont jusqu'à une véritable mort neuronale observée, là encore, chez les

souris. L'exposition naturelle, en situation de stress, ou provoquée augmente la mort

neuronale par l'intermédiaire d'endotoxine ou d'ischémie. Bien que la mort neuronale

touche toutes les parties du cerveau, c'est l'hippocampe qui est le plus touché. C'est une

partie précise de l'hippocampe, que l'auteur nomme CA3 chez les souris [SAPO].

Rappelons très succinctement que l'hippocampe fait partie du système limbique et qu'il

intervient, très grossièrement, dans la gestion de la mémoire à long terme et dans la

navigation spatiale. Structurellement, la formation hippocampique se divise en trois

parties :

� Les structures para-hippocampiques d'entrée : le cortex entorhinal et le subiculum ;

� L'hippocampe à proprement parler, formé des champs ammoniens (CA1, CA2, CA3

et CA4) et du gyrus denté ;

� La fimbria, qui est une fibre de sortie des axones reliant les deux hippocampes

entre eux et avec les structures de sortie.

Chez les primates, un stress extérieur de un mois suffit à produire une mort neuronale

conséquente. Chez l'homme atteint de dépression, on montre régulièrement qu'il se

produit une atrophie de l'hippocampe, mais contrairement à l'animal nous n'avons pas pu

montrer de retour à un volume antérieur (sauf dans la dépression du syndrome de

Cushing). Le mécanisme de la mort doit être précisé. S'agit-il d'apoptose9 ou de nécrose ?

Les états de stress post-traumatique sont souvent cités dans les articles avec des

résultats contradictoires et je citerai souvent cette pathologie pour mieux illustrer la

dépression. Les PTSD10 compliquent donc la question puisqu'il y a également une

diminution du volume, comme dans la dépression, mais cela s'accompagne d'une

hypocortisolémie. Cela suggère que l'hypovolémie soit plutôt due aux successions

d'évènements et non une cause de la dépression. Comme on l’a déjà écrit, cela

correspond à une tolérance des glucocorticoïdes selon un U inversé.

9 « Mort cellulaire génétiquement régulée qui a lieu dans des cellules métaboliquement actives et qui est contrôlée par des mécanismes d'induction » (www.granddictionnaire.com). 10 Post-Traumatic Stress Disorder ou état de stress post-traumatique.

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En plus de l’effet déjà cité, les glucocorticoïdes augmentent le glutamate11 extra-cellulaire,

ce qui augmente les dépenses énergétiques des cellules de l'hippocampe pour maintenir

l'homéostasie. Ce surcroit de travail entrainerait des dégâts au niveau du squelette (par

l'intermédiaire du calcium et des radicaux libres). Des expériences sur les souris

montreraient qu'en supplémentant les apports énergétiques, on pourrait diminuer voire

empêcher ces dommages.

Une autre idée forte est que cette exposition au stress et donc au cortisol de façon

continue, accélère le vieillissement de l'hippocampe au niveau des tests cognitifs

spécifiques de celui-ci [SAPO]. Cela pourrait expliquer pourquoi certains individus ne sont

pas égaux pour gérer certains évènements de vie et pourquoi plus on vieillit plus on est

susceptible de faire une dépression.

Chez l'homme, une revue de la littérature montre que l'association entre le volume de

l'hippocampe et dépression est loin d'être évident comme il peut l'être dans les états de

stress post-traumatique ou les personnalités borderline. Une étude bien menée

(randomisée, prospective, contrôlée) a fait l'hypothèse que, chez un sous-type de patients

dépressifs âgés, les différences sur le volume de l'hippocampe seraient plus grandes avec

les sujets contrôles. Cette étude n'a pas montré de différence significative que ce soit sur

les volumes ou sur les performances cognitives par des tests neuropsychologiques

[GREE].

Ces différentes mesures sont généralement faites chez des patients recevant un

antidépresseur. Une étude bien menée et qui a comme point intéressant d'avoir été

réalisée chez des patients ne recevant pas de traitement a montré une différence

significative de volume de l'hippocampe qui ne serait due qu'à la partie postérieure. Il n'y a

pas, par contre, de différence significative entre la droite et la gauche [NEUM].

La première conclusion simpliste de la diminution du volume de l'hippocampe serait qu'il y

moins de neurones. Mais il existe de nombreuses causes à une diminution du volume du

11 Acide aminé dont un des rôles est d’être l’un des principaux neurotransmetteurs excitateurs.

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Mémoire de Julien Samson – 2012 Page 15 sur 33

cerveau comme une déshydratation de ce dernier. J'ai donc recherché et trouvé une étude

anatomopathologique post-mortem qui fait le compte des neurones et des cellules gliales

dans l'hippocampe de sujets dépressifs et de sujets contrôles. Les résultats sont plus

complexes que ce qu'on aurait pu attendre. Il n'y a pas une diminution globale de la

densité des neurones dans l'hippocampe. Il y a au contraire une augmentation de la

densité des cellules avec une réduction plus importante du cytoplasme des neurones qui

engendre une diminution globale du volume de l'hippocampe [STOC].

L'augmentation de la densité neuronale ne signifie pas qu'il y a plus de neurones mais

correspond en fait à une diminution du neuropile12. Cette diminution de l'espace inter-

cellulaire est remplacée entre autre par de l'eau chez les sujets dépressifs. Cela rejoint

donc la théorie déjà établie que le cortisol engendre une souffrance neuronale qui

s'observe pour l'instant par un déramification des neurones.

Tout laisse à penser que les évènements de vie stressants sont comme des attaques au

cerveau et plus précisément à l'hippocampe. Ces attaques peuvent être comparables à

des hypoglycémies ou des ischémies. L'hypercortisolémie aggraverait ces dommages, et

si c'est le cas par l'un de ses mécanismes : atrophie dendritique, inhibition de la

neurogenèse ou tout simplement mort cellulaire.

12 Axones + dendrites

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E) Nature des stress ?

L'hippocampe a une concentration riche en récepteurs glucocorticoïdes. C'est pour cela,

entre autre, qu'il est autant impliqué dans les stress chronique. Ce qui se jouerait au

niveau cellulaire est essentiellement la rétraction des dendrites sans aller jusqu'à la mort

cellulaire comme il a été d'abord supposé. Il faut des concentrations de glucocorticoïdes

bien plus importantes pour provoquer une nécrose ou une apoptose. Il faut préciser ce

qu'est ce stress : quel type de stress ? À quelle intensité ? Selon quelle fréquence ou

encore pendant combien de temps ?

Une revue des essais sur les rongeurs a étudié ces questions [CONR]. Les études

exposaient les souris (le plus souvent) à des stress allant d'une cage grillagée restreinte à

une cage en mouvement où les souris étaient mélangées avec des rats. Ils ont montré que

les effets du stress étaient significatifs au niveau des tests de mémoire et de la

représentation visuo-spatiale (tests adaptés aux rongeurs) et/ou les anomalies au niveau

de la raréfaction des expansions dendritiques (au niveau de l'hippocampe) à partir de 21

jours de stress et ce 6 heures par jour. En-dessous de ces chiffres il n'y avait pas de

modification des paramètres étudiés. Ils ont également montré que ces anomalies

disparaissaient en 5 à 10 jours si le facteur de stress était supprimé ([CONR], page 743).

« Faisons quelques comparaisons rapides et sans valeur scientifique. Si on estime qu'une

souris commune vit entre 2 et 3 ans et que l'espérance de vie de nos patients est de 80

ans. Cela voudrait dire qu'un stress de 6 heures par jours doit durer au moins 672 jours

pour un être humain soit environ deux ans. Et que le cerveau humain reprendrait, par une

extrapolation hasardeuse, ses facultés de mémoire et de visualisions spatiale entre 5 et 10

mois. Ces chiffres sont assez proches de ceux de la durée naturelle de la dépression ».

On apprend en plus sur ces études sur les souris que ces phénomènes sont en grande

partie dynamiques. Une fois le stress disparu, les anomalies au niveau du test et les

données qu'apportent l'imagerie et la dissection de l'hippocampe retournent à un état

antérieur avec les moyens mesurables (même si on sait très bien par notre pratique et la

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Mémoire de Julien Samson – 2012 Page 17 sur 33

littérature qu'on ne sort jamais indemne d’une dépression et qu'on a beaucoup plus de

chance de récidiver une fois le premier épisode réalisé). On sait très bien dans notre

pratique que le médicament seul, sans les aides sociales (pour diminuer le stress social

actuel), risque de n’avoir aucun effet sur la dépression.

Mais ce qui me semble le plus intéressant dans ces études, c'est que les différences des

tests neuropsychologiques sont en faveur des souris contrôles pour les tests en condition

de récompense et que ces différences se font moindres ou s'inversent lors de tests en

conditions stressantes ([CONR], page 753). Par exemple une souris qui a subi un stress

intense réussira mieux l'épreuve du labyrinthe sous l'eau que le sujet qui a été dorloté.

Cela complexifie beaucoup plus les modèles utilisés mais se rapproche plus, à mon sens

de la réalité clinique de certains patients. Cela pourrait expliquer pourquoi certains patients

s'enfoncent dans la dépression alors qu'ils sont en arrêt maladie ou hospitalisé dans des

conditions rassurantes, sans stress. Leur cerveau s'était adapté à une situation stressante,

mais même si ils présentaient des signes de souffrance en condition stressante, leur

dépression flambe une fois retirée du milieu stressant et on sait à quel point longue sera la

guérison.

Reste maintenant à voir si les observations avec les souris concordent avec celles chez

l’être humain. Une étude sur 193 jeunes adultes a été faite en comparant les volumes

calculés à l'IRM de l'hippocampe aux scores de maltraitance de l'enfance [TEICH]. Des

études ont déjà montré que chez certaines populations adultes avec une pathologie

psychiatrique (non dépendant de la maladie puisqu'observé également dans les états-

limites et les PTSD par exemple) chez les adultes mais pas chez les enfants. Il faut une

latence avant que les anomalies apparaissent, généralement après la puberté. La période

de plus grande vulnérabilité se situerait entre 3 et 5 ans, cela correspond à une période ou

des cellules produisant du CRH sont plus présentes dans l'hippocampe que par la suite (et

donc les récepteurs glucocorticoïdes).

Je rappelle que la CRH est une hormone de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien

qui augmente le taux circulant de cortisol lorsque le stress est perçu par la psyché. Le

cortisol régule négativement le CRH par l'intermédiaire des récepteurs glucocorticoïdes

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Mémoire de Julien Samson – 2012 Page 18 sur 33

qui sont au même endroit que les cellules qui produisent le CRH. Les anomalies

également décrites dans la littérature, dans le cortex préfrontal, seraient dues plutôt au

stress autour de la puberté. La petite enfance serait donc une période sensible pour

l'hippocampe et la puberté pour le cortex préfrontal. L'étude citée ici prouve que les

anomalies observées chez l'adulte sont déjà présentes au moment de l'adulte jeune, c'est

à dire une hypovolémie de l'hippocampe au niveau des champs amoniens CA3, CA4

gauches et du girus denté gauche.

Précisons un peu plus le déroulé chronologique de l’apparition de la dépression et des

anomalies en rapport au stress, notamment au niveau de l’hippocampe. Lorsque je fais

cela je garde à l’esprit les critères de causalités de Bradford-Hill.

Si l'hypercortisolémie et donc la diminution de l'hippocampe est une cause de la maladie,

alors des anomalies de volumes devraient précéder la maladie. S’ils sont un signe de la

maladie alors ils devraient venir en aval de la maladie. Or une métanalyse de plus de 2000

patients a montré que la différence entre les sujets atteints de dépressions et les sujets

contrôles n'était significative qu'après au moins 2 ans de maladie ou plus d'un épisode

dépressif dans la vie ([MCKI], page 53). Cela suggère que les anomalies observées,

macroscopiquement du moins, viennent après que la maladie se déclare. Cela suggère

également que l'hypercortisolémie viendrait après et va dans le sens que c'est plus un

signe de la maladie que la cause. Cette même méta-analyse ne montre pas d'effet

significatif du traitement par manque de données, mais nous devons quand même signaler

que les premières analyses montreraient que les sérotoninergiques auraient un effet

protecteur par rapport au volume de l'hippocampe.

Reprenons ces observation scientifiques avec pour but de mettre en évidence le lien

global entre stress prolongé et hypercortisolémie d’un point de vue biologique.

Le stress est souvent associé à la notion d'homéostasie. Le stress rompt un équilibre,

quelque soit le niveau, et le corps met en place des mécanismes de compensation.

Selye13 développe ce concept par le syndrome général d'adaptation et décrit trois phases

13 Médecin endocrinologue autrichien et inventeur de la théorie du stress en médecine (Wikipedia).

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Mémoire de Julien Samson – 2012 Page 19 sur 33

d'adaptation lorsqu'un organisme est soumis à un stress :

• La réaction d'alarme avec le système sympathique. C’est la noradrénaline et

l'adrénaline qui sont essentiellement synthétisées.

• Le stade de résistance, lorsque le facteur de stress est continu, c'est l’axe

corticotrope et la vasopressine qui se mettent en place. Ce sont les

glucocorticoïdes qui sont mis en jeu par l'intermédiaire de l'ACTH et de la CRH.

• Le stade d'épuisement les capacités d’homéostasie sont dépassés ([BELTA], page

143-144)

Plus que le stress, c'est d'abord la perception qu'aura du stress le sujet qui enclenchera ou

non une activation de l'axe corticotrope. Par exemple une augmentation progressive de la

température n'aura pas de répercussion physiologique alors qu'une augmentation brutale,

pour atteindre le même point, sera une cause de stress. De même les rongeurs ne

réagiront pas de la même façon aux électrochocs s'ils sont prévenus ou pas à l'avance.

Vient également s'ajouter la notion de "coping14" : faire face. Si le sujet sait qu'il a les

capacités de faire face à une situation stressante, surtout s'il sait mettre des stratégies

efficaces, il ne sécrétera pas les mêmes hormones.

Il y a des sujets qui ont une stratégie d'ajustement proactive, c'est à dire qu’ils vont fuir ou

combattre, et des sujets qui ont une stratégie d'ajustement réactive, ils auront comme

réponse comportementale une conservation-retrait. Les profils neuroendocriniens sont

alors différents avec dans le premier cas une activation de l'axe corticotrope faible et une

stimulation sympathique élevée. Dans le deuxième cas l'activité de l'axe corticotrope est

élevée et l'activité du système sympathique est faible.

On parle de charge allostatique lorsque les changements sont plus intenses que dans

l'homéostasie. Lorsqu'il y a charge allostatique, c'est dans ces cas qu'il peut apparaître

des pathologies comme les maladies cardiovasculaires, de l'immunité ou du cerveau

comme la dépression qui nous intéresse ici. Ce concept est développé par McEwen15 qui

suppose l'existence de 4 mécanismes sous-tendant ce phénomène de charge allostatique

14 On peut le traduire par « faire face ». 15 Neuro-endocrinologue américain (Wikipedia).

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:

• Répétition d'un facteur de stress

• Absence d'adaptation du sujet

• Réponse prolongée liée à un arrêt différé de la réponse au stress

• Réponse inadéquate conduisant à des réponses compensatoires

Il existe des facteurs aggravants comme les régimes riches en graisse et des facteurs

protecteurs comme l'exercice physique ([BELZ], page 147-148).

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F) Interactions des glucocorticoïdes avec d’autres marqueurs biologiques

On est loin d'approcher le problème de la dépression si on ne traite pas des interactions

des glucocorticoïdes avec les autres grands candidats biologiques de cause de

dépression. Les causes uniques en médecine sont rares et il semble que la dépression ne

fasse pas partie de ces exceptions.

a) Transporteurs de la sérotonine et glucocorticoïd es

Quel est le lien de toutes ces constations avec la sérotonine, neurotransmetteur le plus

étudié dans la dépression ?

Le neurotansporteur de la sérotonine 5-HTTLPR (serotonin-transporter-linked polymorphic

region) a deux allèles : le S court et le L long. Il semblerait que l'allèle court S serait plus

associé à certaines pathologies psychiatriques comme la dépression ou le PTSD

(Posttraumatic stress disorder ou état de stress post-traumatique). L'allèle court entraine

une expression moindre de l'ARN et donc de la protéine impliquée dans le transport de la

sérotonine. Beaucoup d'études ont alors montré qu'en combinant cette différence

génétique avec les évènements de vie stressante, on montrerait une sensibilité accrue à

ce type d’évènement chez les personnes possédant l'allèle S et donc dans l'apparition de

maladies psychiatrique. On a parfois présenté ce gène comme le marqueur d'un trait de

personnalité : le neuroticisme, c'est à dire la grande sensibilité émotionnelle aux

évènements de vie négatifs ([CASP], page 4). L'amygdale serait activée de façon plus

intense et plus prolongée par les stimuli négatifs. On a montré qu'il y avait entre autre

pendant les périodes de vie stressante une plus grande activation de l'axe HPA

(hypothalamic-pituitary-adrenal ou hypothalamo-hypophyso-surrénalien) et donc une

hypercortisolémie plus élevée.

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Mémoire de Julien Samson – 2012 Page 22 sur 33

C'est toujours compliqué d'étudier en détail ce phénomène chez l'homme compte tenu de

sa complexité. On n’est pas d'accord par exemple sur ce qu'est une enfance stressante, et

on ne le sera jamais vraiment. Est-ce qu'on peu comparer un enfant maltraité et un enfant

atteint d'une maladie grave ? Chez les grands primates, autres que l'homme, on a montré

qu'ils avaient un comportement plus agité que leurs congénères, avec plus d'anxiété et

plus d'agitation. Ils avaient également une forte augmentation de l'axe HPA. Cela explique

l'hypercortisolémie dans la dépression ([CASP], page 6).

Il est intéressant de noter que le transporteur 5-HTTLPR n'est pas présent chez la souris

et serait donc spécifique des mammifères les plus évolués.

Donc selon la variation de la répétition du promoteur de gêne qui code pour le transporteur

de la sérotonine, se produit au niveau biologique une altération du réseau neuronal du

stress et du circuit des menaces. Il y a également une augmentation de l'axe HHS face à

un stress donné. Autrement dit, par l’intermédiaire de ce transporteur, nous ne sommes

pas égaux face à des situations de stress comparables du fait de notre patrimoine

génétique. Certaines personnes avec l'allèle court S développeront des maladies

psychiatriques que d'autres n’auraient pas développé dans des conditions identiques. Cela

n'est qu’une vulnérabilité car le fait d'avoir cet allèle n'implique pas que l'on va développer

une maladie psychiatrique, encore faut-il être confronté à des situations stressantes d'une

nature et d'une intensité qui restent à déterminer.

b) Glucocorticoïdes et inflammation

Le glucocorticoïde est un maillon essentiel de nombre de pathologies, tant au niveau

physiopathologique qu'au niveau de la thérapeutique. Dans les maladies systémiques

comme le lupus, c'est son absence de sécrétion ou la résistance qui entraine un excès de

réponse inflammatoire. Et nous connaissons tous les méfaits d'un excès de la réponse

inflammatoire.

La dépression se rapproche des maladies systémiques par de nombreux aspects. On a

également observé une résistance aux glucocorticoïdes, notamment avec l'essor il y a

plus de 20 ans du test de suppression à la dexaméthasone (qui était négatif chez plus de

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80 % des dépressifs).

La perturbation au niveau des glucocorticoïdes chez les patients déprimés est double. Il y

a à la fois une hyperactivité de l'axe HHS et une résistance au niveau des récepteurs

glucocorticoïdes. Selon la revue de la littérature de Pace, cette anomalie serait

prépondérante dans les dépressions sévères et chez les personnes âgées ([PACE], page

10). L'hyperactivité de l'axe serait du à la CRH augmentée. L'ACTH est elle basse

grâce au feedback négatif.

L'augmentation du CRH serait due à une résistance des récepteurs glucocorticoïdes

centraux. Cette résistance se ferait de façon diffuse au niveau de tout l'organisme. C'est

pour cela que cette résistance des récepteurs glucocorticoïdes s’observe également au

niveau des cellules de l'immunité. Il y a une augmentation des cytokines de l'inflammation.

Cette résistance a été observée chez les dépressifs grâce au test de suppression à la

dexaméthasone (DST) qui n'est ici intéressant que dans 25% des sujets dépressifs.

L'une des cytokines les plus spécifiques dans ce trouble est l'IL-6 et une diminution de la

CRP. Ce serait l'IL-6 qui est la plus augmentée chez certains patients après une

conférence orale par exemple par rapport aux témoins. Une conférence orale est ici le fait

de prendre la parole devant un nombre de personnes important, tout en sachant que ces

personnes sont aussi là pour vous évaluer. C'est lorsque l’IL6 est activée de façon

chronique que les troubles psychiatriques apparaissent. Cette voie d'explication est une

possibilité d'explication des comorbidités de la dépression avec les maladies

cardiovasculaires ou les cancers. L'IL-6 pourrait être cette voie commune.

Il y aurait alors une activation du cortex cingulaire antéro-dorsal (dACC : dorsal anterior

cingulate cortex).

Cette zone correspond à certains traits de troubles anxieux ou du neuroticisme déjà

évoqué. Les récepteurs glucocorticoïdes GR sont des récepteurs libres dans la cellule qui

agiraient directement au niveau de l'ADN comme facteur de transcription. L'inhibition se

ferait par l'intermédiaire d'un autre facteur de transcription lié à l'inflammation : NF-κB. Il y

a d’autres facteurs de transcription à l'étude mais celui qui est le plus étudié à l'heure

actuelle est ce dernier. Le complexe NF-κB-GR jouerait un rôle important dans la balance

stress/inflammation. Avec NF-κB, il y a en tout 3 voies intracellulaires qui jouent un rôle

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dans la résistance des récepteurs glucocorticoïdes :

� Mitogenactivated protein kinase (MAPK),

� NF-jB, et

� Janus-kinase (Jak)

Ce sont autant de voies que l'on peut cibler en thérapeutique pour lutter contre cette

résistance aux récepteurs glucocorticoïdes.

Quand à l'influence du nombre de récepteurs GR en fonction de l'inflammation, cela reste

débattu. Selon la technique de détection utilisée, on trouve une augmentation ou une

diminution des GR. On a montré récemment qu'il y avait deux formes de GR chez les

humains : les GR alpha à 12 hélices qui sont actifs et les GR bêta qui eux inhibent la

transcription des gènes sous l'influence du cortisol.

Des thérapeutiques déjà disponibles, auraient une influence dans ces mécanismes

étudiés au niveau moléculaire. Les antidépresseurs agiraient tant au niveau des GR que

des cytokines [PACE].

c) Glucocorticoïdes et DHEA

Le DHEA (déhydroepiandrostérone) est l'hormone stéroïdienne la plus abondante du

corps humain. On rappel que le cortisol est une hormone stéroïdienne également. La

concentration de DHEA augmente jusqu'à 20 ans puis diminue pour atteindre son nadir

aux alentours de 65 ans. Il est synthétisé au niveau du cortex surrénalien et également au

niveau des gonades. On a montré récemment que le DHEA était synthétisé également par

les cellules du cerveau chez les rats [MANI]. Après l'engouement suscité par cet hormone,

qu'en est-il aujourd'hui et plus particulièrement sur le sujet qui nous intéresse ?

Au niveau du cerveau le DHEA aurait également une action sur l'ADN en agissant sur les

promoteurs lors de la transcription de l'ADN bien qu'aucun récepteur n'ait encore été

identifié.

Parmi les nombreux mécanismes dont fait partie le DHEA, il agirait comme agoniste au

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niveau des récepteurs NMDA16. C'est un élément important de la plasticité synaptique et

de la mémoire essentiellement au niveau de l'hippocampe. L'administration continue de

DHEA chez le rat, a augmenté ses capacités de mémoire.

Il faut préciser qu'il existe deux formes de DHEA, le DHEA et sa forme sulfatée : le

DHEAS. Il a été montré qu'en condition de stress au niveau du cerveau de rongeurs (par

contusion, ischémie ou intoxication) le DHEAS avait un rôle protecteur dans le groupe qui

en recevait par intervention humaine. Et au contraire le DHEA pourrait avoir un effet

contraire. Est-ce que le DHEAS serait protecteur dans le cas des stress causés

notamment par les évènements de vie ?

Au stade embryonnaire, le DHEA (dans ses deux formes) agirait de façon complexe dans

le développement des neurites (prolongement des neurones comme les dendrites ou les

axones) via les récepteurs NMDA. Cela n'a pas été étudié chez les rongeurs adultes. Par

contre, chez les rongeurs adultes, il a été montré que le DHEA augmentait la densité des

synapses neuronales, notamment au niveau CA1 de l'hippocampe.

Cette neurogenèse et neuroprotection du DHEA pourrait avoir lieu par l'intermédiaire du

BDNF (brain-derived-neurotrophic factor). Nous allons approfondir le rôle du BDNF dans

la partie suivante. Il a été montré que le DHEA et le DHEAS influençaient le taux de BDNF

de façon différente selon la structure cérébrale. Par exemple le DHEA diminue le BDNF

dans l'hippocampe, le DHEAS le diminue aussi au bout de 30 minutes mais l'augmente

après 180 minutes.

Lorsqu'on induit l'apoptose, les effets des deux molécules semblent là encore différents.

Rappelons que les catécholamines sont composées de l'adrénaline, de la noradrénaline et

de la dopamine. Il a été montré sur des modèles animaux que la DHEA ainsi que la

DHEAS augmentent la sécrétion et l'excrétion des catécholamines au niveau des glandes

surrénales. Cela laisse présager qu'il en est de même des catécholamines du cerveau,

dont la dopamine.

La DHEA a été présenté beaucoup comme un antioxydant. Il protège les cellules de façon

ubiquitaire contre les oxydants. On a montré par exemple qu'il pouvait protéger les cellules

hippocampales de rongeurs. 16 Récepteurs activés par le glutamate. Un de leurs rôles est de sommer les influx nerveux et de participer à la plasticité neuronale (Wikipedia).

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Mémoire de Julien Samson – 2012 Page 26 sur 33

Les deux formes du DHEA inhibent également la réaction inflammatoire notamment sur la

voie NF-κB déjà évoquée auparavant.

La corticostérone est le principal glucocorticoïde des rongeurs. La DHEA a un effet

protecteur sur la neurotoxicité des glucocorticoïdes, notamment au niveau de

l'hippocampe. Un des mécanismes possibles est l'inhibition de l'entrée des GR dans le

noyau.

Au niveau clinique, il semble exister un lien entre la DHEA, le stress et le cortisol. En

situation de stress, le cortisol augmente et le DHEA diminue. On parle de concept d'

"anabolic balance", plus que les taux respectifs des hormones il semble que ce soit le ratio

de la DHEA sur le cortisol qui soit important. Même si pris séparément, une petite

diminution du DHEA et une augmentation du cortisol ne sont pas significative, le ratio des

deux diminue plus intensément. C'est comme cela qu'on a montré un lien entre la

détérioration cognitive et la diminution du taux chez des personnes âgées, sur une période

de deux ans seulement.

Ces deux hormones sont considérées actuellement comme des marqueurs important de la

rupture de l'homéostasie due à un stress chronique.

Comme on a montré une hypercortisolémie dans de nombreuses études chez l'homme

atteint de dépression, on a également montré une faible concentration de la DHEA chez

les patients atteints de dépression. Et de façon plus intéressante, certaines

hypercortisolémie n'étaient pas corrélés à une augmentation du risque de dépression. Ce

fait peut maintenant être expliqué par le fait que ces patients avaient également une forte

concentration de DHEA qui contrebalançait donc les effets néfastes de l'hypercortisolémie

chez ce groupe de patients puisque le taux DHEA/cortisol était resté normal.

Ces taux sont généralement réalisés sur le sang ou la salive. Une persistance d'un taux

faible de DHEA suggère une inefficacité du traitement antidépresseur. On pourrait avoir

des renseignements importants sur la clinique par des tests non-invasifs.

Un fort taux DHEA/cortisol serait un bon marqueur de protection face au stress, un

marqueur de résilience diront d'autres. On a étudié ce taux chez des soldats soumis à un

entrainement dont un des buts est de soumettre les recrues à un stress extrême. Les

soldats qui montraient les meilleurs résultats aux tests militaires et qui éprouvaient le

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Mémoire de Julien Samson – 2012 Page 27 sur 33

moins de symptômes dissociatifs étaient ceux qui avaient le plus fort taux DHEA/cortisol.

Ils avaient des capacités de résilience, au sens de traitement du stress par le cerveau, les

plus performantes ou autrement dit, ils avaient un substrat biologique qui permettait de

limiter au mieux les conséquences néfastes du stress.

Au niveau des essais thérapeutiques, il y a de nombreuses études mais avec un nombre

petit de sujets. Il est intéressant noter que ces études ont montré une efficacité de plus de

50% des symptômes dépressifs selon l'échelle de Hamilton. Il faudrait trouver une

substance brevetable proche de la DHEA pour qu'il y ait des études plus ambitieuses

comme cela a été pour la mélatonine grâce à l'agomélatine.

d) Glucocorticoïdes et BDNF

Si le cortisol est lié au stress, le BDNF (brain-derived neurotrophic factor) est lui lié à la

structure et aux changements fonctionnels des structures cérébrales pour les troubles de

l'humeur.

Pour rappel, lors d'un stress d'ordre physique ou psychologique, il y a au niveau des

noyaux paraventriculaires de l'hypothalamus une sécrétion de CRH (et le cascade

d'hormones qui sont synthétisés et sécrétés que nous connaissons), mais aussi la

vasopressine (AVP) encore appelée hormone antidiurétique.

Le BDNF fait partie de la famille des neurotrophines17. Il a un rôle à la fois dans les

cellules en maturation ainsi que dans les cellules matures en jouant un rôle positif dans la

plasticité neuronale (au niveau des synapses par exemple). Il se lie préférentiellement à

un récepteur avec tyrosine kinase : Trk. Il a une affinité moins forte avec son autre

récepteur : p75 [KUNE].

Dans les études post-mortem après suicide, il a été montré des faibles concentrations au

17 « Protéine appartenant à une famille de facteurs trophiques essentiels à la survie des neurones au cours du développement et au maintien de leur différenciation chez l'adulte » (www.granddictionnaire.com).

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niveau de l'hippocampe et également au niveau du cortex préfrontal. Les patients mis en

évidence n'avaient pas d'antidépresseurs. Sur le même type d'étude, le BDNF était

augmenté chez les suicidés qui étaient sous antidépresseurs (normal ou augmenté). Des

études récentes ont montré une corrélation entre l'augmentation du taux sanguin de BDNF

et l'amélioration des patients sous antidépresseurs.

Il a été montré des facteurs de risques de dépression selon les différences génétiques.

Par exemple les homozygotes avec une méthionine18 à l'emplacement 66 d'une pro-

protéine à la place à la place de la valine donnent un facteur de risque significatif de

dépression chez l'homme, mais pas chez la femme. Chez la femme cette anomalie donne

un risque de développer une démence. On a également mis en évidence des risques en

fonction des codes génétiques sur un exon19 ou encore sur un récepteur de BDNF (p75 en

l'occurrence).

Dans les traitements au long cours qui ont montré une efficacité dans la dépression, que

ce soit les différentes classes d'antidépresseurs, les électro-convulsivo-thérapies (ECT),

ou les régimes alimentaires à base de omega-3, on a observé des augmentations des

concentrations de BDNF dans l'hippocampe [KUNU].

Le cortisol et le BDNF sont liés par deux choses :

� En condition de stress le cortisol augmente et le BDNF baisse

� les GR influencent le récepteur TRkB de BDNF

Certains prétendent que c'est via le remodelage des histones20 que le BDNF diminue en

condition de stress.

Cela altère également le fonctionnement du BDNF comme les croissances des dendrites

et la formation des synapses. L'effet est contrebalancé par les antidépresseurs et les ECT.

Cet effet dépend sûrement du récepteur TrkB car lorsqu'on enlève ce gène chez des

souris, il n'y a plus d'effet des traitements sur les structures comme le cortex préfrontal et

l'hippocampe. Les antidépresseurs stimulent la neurogenèse dans l'hippocampe.

18 Acide aminé. 19 « Fragment codant d'un gène qui persiste dans l'ARN mature » (www.granddictionnaire.com). 20 « Holoprotéine basique constituant majeur du nucléosome des eucaryotes » (www.granddictionnaire.com).

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Mémoire de Julien Samson – 2012 Page 29 sur 33

Dés résultats similaires ont été montrés pour le VEGF (vascular endothelial growth factor).

L'hippocampe assure le feedback négatif de l'axe HHS. Lorsqu'il est endommagé,

hypercortisolémie devient trop importante, le cercle vicieux se met en place. C'est ce qu'on

peut voir lorsque les dépressions se multiplient avec le temps et deviennent complètement

autonomes.

Le glutamate est un neuromédiateur essentiel qui a un rôle globalement excitateur. Sa

synthèse passe par la liaison du BDNF aux récepteurs TRkB et GR. Si les récepteurs

glucocorticoïdes sont en nombre moindre à cause des glucocorticoïdes, le complexe NfkB

ne peut plus se faire et le glutamate n'est plus libéré en même quantité.

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L’hypercortisolémie signe de dépression ou maillon physiopathologique de la dépression ; modèle de neurogenèse. Mémoire de Julien Samson – 2012 Page 30 sur 33

Conclusion

L’hypercortisolémie est un maillon majeur de la neurogenèse de la dépression, que ce soit

par son rôle direct au niveau des cellules de l’hippocampe ou que ce soit dans ses

interactions avec les médiateurs majeurs de la neuroprotection ou de la

neurodégénérescence. Le modèle envisagé ici montre toute la complexité de la

dépression avec entre autre une triple interaction entre les gènes, l’épigénèse et

l’environnement passé et actuel du patient. Il semble que, par l’intermédiaire de

l’hypercortisolémie, les évènements de vie négatifs laissent une empreinte profonde chez

un individu, au niveau de l’hippocampe dans la petite enfance et dans le cortex préfrontal

à l’adolescence par un processus de déramification des neurites.

Par l’imagerie et la neurobiologie, on avance énormément dans la compréhension de cette

maladie. Mais le modèle dessiné reste encore grossier, on a l’impression d’avoir une

équation complexe à plusieurs variables dont on ne connaitrait que quelques unes. On

verra sans doute l’utilisation de programmes informatiques complexes pour mettre en lien

tous ces paramètres où le cortisol semble avoir un rôle majeur.

Je finirai par mettre en évidence le peu de données de l’effet neurobiologique de la

psychothérapie dans la dépression. Comment telle histoire se traduit par tel réseau de

neurones et comment par la psychothérapie on peut réussir à modifier les connexions

neuronales et pourquoi pas modifier la sécrétion de cortisol ?

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