La Vie Associative | n°4 | Associations et démocratie, les fondements d'un nouveau contrat social et politique?

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  • 8/6/2019 La Vie Associative | n4 | Associations et dmocratie, les fondements d'un nouveau contrat social et politique?

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    Confrence Permanentedes Coordinations Associatives

    Numro 4Fvrier 2003

    Associations et dmocratie,les fondements d'un nouveau

    contrat social et politique?

    Comme pour des millions de femmes etd'hommes en France ou l'tranger, lesrsultats lectoraux du 21 avril 2002 ontt un vritable choc pour les membresde la Confrence permanente des coor-dinations associatives et, travers eux,

    pour les millions de responsables asso-ciatifs attachs aux valeurs de progrssocial, de libert et de solidarit.Comment en est-on arriv l? La crisedu politique entranait-elle un nouveaurecours la socit civile? Quelle taitnotre part de responsabilit? Pouvions-nous ragir et relever les nouveaux dfissocitaux?

    Ce quatrime numro de "La vie asso-ciative" est une premire tentative derponse toutes ces questions. Une

    introduction aux diffrentes problma-tiques poses par l'articulation de lacomptence associative la prrogativepolitique: d'un point de vue individuel,pour l'lu ou le responsable associatif;du point de vue des fonctions la foiscritiques et gestionnaires des associa-tions; d'un point de vue formel avec laparticipation des associations l'labo-ration et la conduite d'actions

    publiques; enfin d'un point de vue insti-tutionnel dans le cadre d'un nouveaupartenariat dont les principes ont tinscrits dans la Charte des engagementsrciproques signe le 1er juillet 2001pour le centenaire de la loi relative aucontrat d'association.

    Rien n'est jamais acquis en politique,rien n'est donc acquis pour le mouve-ment associatif qui s'enracine au curde la socit et se trouve aujourd'huiplus que jamais confront aux tensionsqui la traversent; tensions conomique,sociale, "scuritaire", thique Cettepublication, nous l'esprons, saura vousintresser et contribuer au dbat perma-nent sur nos pratiques associatives etcitoyennes, leur adquation aux probl-

    mes actuels. La Confrence permanentedes coordinations associatives est prte jouer tout son rle pour continuer mieux associer les associations etconvaincre les responsables publics quela dmocratie au XXIme sicle doit trencessairement plus participative, c'est--dire toujours plus "associative".

    Hubert PrvotPrsident de la CPCA

    ISSN en cours

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    Confrence Permanentedes CoordinationsAssociatives

    esponsable de publication :ubert Prvot

    quipe de rdaction :es journalistes de La Pnichees journalistes de Place Publiqueulien Adda, dlgu gnralhrystel Mouysset, chargee communication

    onception graphique :

    hrystel Mouysset

    oordinations de la CPCA :

    NIM AFAC - vie tudiante

    ADECS - dveloppement conomiquet social

    COMCEN - ducation nationale

    ELAVAR - dveloppement rural

    a Ligue de lenseignement

    NAJEP - Jeunesse-ducation populaire

    NL-CAFF - droits des femmes

    NOSF - mouvement sportif

    OFAC - vie culturelle et communication

    oordination Environnement

    oordination Justice-Droits de lHomme

    oordination Sud -olidarit I nternationale

    ONDA - dveloppement associatif

    NAF - vie familiale

    NAT - tourisme social

    NIOP SS - action sociale et sant.

    ge : 14, Passage Dubail 5010 Paris.l. 01 40 36 80 10.

    ax 01 40 36 80 [email protected]

    SSN en cours

    Sommaire

    I Associations et politiques

    Ces associatifs qui deviennent politiques p 3

    Lassociation vue par les politiques p 5

    Lassociation au secours du politique p 6Le CIDEMUne liste citoyenne

    Une co-construction de laction publique p 8La Confrence de la FamilleSport et politique

    Rflexions : les points de vue croiss p 12de Roger Sue et Hubert Prvot

    II Associations et pouvoirs publics

    Entre gestion et contestation p 16une tension historique, lexemple du DAl et de lUNAT

    Grer un projet associatif p 20Le Point de vue de Miguel BenasayagLe guide des associations de lUNIOPSSLa plate-forme logement en Rhne-AlpesZoom sur une rgie de quartier

    La gestion dmocratique des associations : p 24le point de vue du chercheur, Martine Barthlmy

    III Associations, Droit et politiques publiques

    Des besoins lexpression de la loi p 25La Ligue des Droits de lHommeAlerte

    De la loi lapplication dans les faits p 29

    Les droits des femmesLa Charte de lenvironnement

    IV Associations et dmocratie,La Charte des engagements rciproques

    Actualit des chartes nationales et rgionales p 33La Charte de lUNIOP SSLa Charte de la rgion Centre

    Le Compact anglais p 34

    Pour re cevoir des numros supplmentaires, renvoyez ce coupon la CPCANombre dexemplaires souhaits..............................................................Adresse o envoyer les numros...............................................................................................................................................................................................................................................................................Prix du numro supplmentaire 1 euros + frais denvoi comprisChque lordre de la CPCA

    Ce

    bulletin

    estralis

    avec

    le

    soutien

    de

    la

    DIES

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    Ces associatifs qui deviennent politiques

    Peut-on tre la fois responsable associatif et militant politique ? Et quels sontles liens qui peuvent se tisser entre ces deux formes d'engagement ? Trois lus,de bords politiques distincts, tmoignent partir de leur propre exprience ...

    " L'association n'est pas dans une stratgiede conqute de pouvoir "

    Alain Sauvr eneau est v ice-prs ident dlgude la Fdrat ion n at ionale Lo Lagrang e. I l est par a i l leurs mem bre du Part i soc ial is te.

    Quels ont t vos parcours synd ica l e t po l i t iqu e ? Je fais partie de cette gnration qui a dcouvert la poli-tique 15 ans, en manifestant contre la guerre duVietnam, et qui s'est investie dans l'action militante 20ans, en mai 68. Ma rencontre avec Lo Lagrange remon-te cette poque : j'ai rejoint une association de quar-tier qui menait des actions d'alphabtisation de tra-vailleurs migrants et se battait pour la fermeture desbidonvilles de Nanterre. J'ai adhr un peu plus tard auParti socialiste - dont je suis toujours militant de base -sans que l'ducation populaire ne cesse de constituer lecentre de gravit de mon action militante. Je serai sansdoute l'un des derniers "dinosaures" du monde associatif,qui aura pass toute sa vie au sein d'un mme mouve-ment, d'abord comme bnvole pour devenir plus tard

    permanent et exercer des responsabilits nationales.L 'exerc ice de vos responsab i l i t s assoc ia t ives est - i l , se lon vous , i ncompa t ib le avec ce lu i d ' une responsab i l it po l i t i que ? C'est incompatible pour de simples raisons pratiques dedisponibilit et de temps. Car pour moi, il n'existe pas desparation. L'engagement citoyen forme un tout, qu'ils'exprime dans une association, un syndicat ou un parti.Ce qui rejoint le projet de la Fdration Lo Lagrange.Nous sommes un mouvement d'ducation populaire,c'est--dire un lieu d'apprentissage de la citoyennet, depratique sociale et de formation civique. Notre objectifest fondamentalement politique : permettre des fem-mes et des hommes de s'manciper, mais aussi et en

    mme temps de participer activement la vie sociale etpolitique de leur pays. Bien sr, cette vision n'est pascelle de l'ensemble du monde associatif. Toutes les asso-

    ciations ou presque participent de l'intrt gnral, etjustifient en cela que la collectivit les aide mettre enuvre leur projet. Mais toutes ne prtendent pas,comme nous, concourir transformer la socit.

    N'y a- t - i l pas un r isque d ' ins t rumenta l isa t ion po l i - t ique de l 'ac t ion associa t ive ? Une association n'a pas tre la courroie de transmission

    d'un pouvoir politique. Le propre d'une structure associa-tive est de se dfinir par le contenu de son projet pluttque par son activit. Ds lors, en effet, elle court le risqued'oublier ce projet en se laissant instrumentaliser par lesinstances publiques ou prives qui la financent. Notremouvement se situe dans le faire, plutt que dans lacontestation ou la revendication. Nous exerons une mis-sion de service public, en dfendant l'ide que le serviceau public peut tre parfois mieux rendu par une associa-tion librement et volontairement organise par ses adh-rents, agissant en toute indpendance sur la base d'unprojet clairement formul, que par une administration.Mais cette ide a du mal passer dans un pays o,depuis la Rvolution de 1789, l'on considre les corpsintermdiaires comme "dangereux" dans la mesure o ils

    s'interposent entre le peuple souverain et ses reprsen-tants.

    Quel le es t a lors la l igne d e par tage ent re l 'associa- t i f e t le po l i t ique ? Mme lorsque nous intervenons directement dans lechamp politique, par exemple en militant pour le droit devote des trangers aux lections locales, cette ligne departage est claire : en tant qu'association, nous n'avonspas vocation nous prsenter au suffrage universel ni exercer le pouvoir. Nous ne sommes pas dans des strat-gies de conqute du pouvoir, ce qui nous donne d'ailleursune certaine libert pour dfendre nos ides et faire bou-ger la socit. Au cours des 25 ou 30 dernires annes, laplupart des grands bats de socit n'ont-ils pas t sou-

    levs par les citoyens eux-mmes au travers de leursassociations ?

    "Etre l'coute des asso-ciations et leur ouvrir denouveaux droits"

    Elue en ju in 20 02 dput ( UMP) d e la 2m e ci rcons-cr ipt ion des Alpes-Mar i t imes( N ice cent re) , Mur ie l Mar land-

    Mi l i te l lo prs ide le Groupepar lementa i re d ' tu des sur le bnvolat et la v ie associat i - ve. El le reprsente aussil 'Assem ble nat ion ale au sein

    du Consei l nat ional consul tat i f des personnes hand icapes(CNCPH).

    Quelle est la nature de vos enga-gements associatifs et poli t iques ?J'ai aujourd'hui 58 ans et je me suisprsente en juin pour la premirefois une lection politique. En revan-

    che, je suis engage depuis desannes au ct d'associations qui s'ef-forcent de soutenir les mres d'en-fants handicaps ou qui proposent unaccompagnement aux enfants hospi-taliss en longue maladie. Je travaille

    galement au sein d'associations cul-turelles locales.

    En quo i v o t re act ion po l i t ique pro- l onge - t -e l l e ce t te exp r ience associat ive?Mme si l'engagement associatif estpremier, ce n'est pas lui qui m'aconduit l'action politique. Ma candi-dature aux lgislatives Nice est un

    peu le fruit du hasard et des circons-tances politiques locales. Mais l'exp-rience associative m'a appris mebattre pour les autres et pour mesides sans compter mon temps, cequi m'a aid gagner ce premier

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    I Associations et politiques

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    " Les associations n'ont pas sesubstituer l'Etat "

    Clmentine Autain, 29 ans, adjointe au mairede Paris charge de la jeunesse, conseillrede Paris dans le XVI Ie arrondissement, appa-rente communiste.

    Quelle a t la natur e de vos engagem ents associatifs?J'ai eu divers engagements. Entre 1992 et 1994, l'UNEF,puis au Collectif fministe contre le viol et au Collectifnational des droits des femmes. En 1997, j'ai fond avecdes amis l'association Mix-Cit, un mouvement mixte pourl'galit des sexes, que j'ai co-prsid jusqu'en 2000.Paralllement, j'tais membre actif de la FondationCopernic qui regroupe, sur le thme de l'anti-libralisme,syndicats, associations, partis politiques

    Est-ce l 'engagem ent associat i f qui vous a am ene vous invest i r dans le champ po l i t ique ? Oui et non. Tout est arriv dans le dsordre. A dix-huitans, je voulais faire de la politique mais aucun parti ne meconvenait. J'ai donc fait le choix associatif par dfaut.Lorsque j'en ai eu la possibilit, j'ai fait le pas en politique.Non sans hsitation car j'aimais beaucoup le mouvementassociatif et la libert qu'il offre. Or, pour moi, tout enga-gement politique impliquait ma dmission du champ asso-ciatif. D'un autre point de vue, c'est l'engagement asso-ciatif qui m'a conduite en politique : j'ai t repre par lebiais de Mix-Cit, notre bataille contre les mannequinsvivants des Galeries Lafayette nous avait donn de la visi-bilit. A l'heure qu'il est, je n'ai pas rsolu la question desavoir o je suis la plus utile, dans l'associatif ou dans lepolitique

    Com m ent s 'est opr le passage de l 'un l 'autre ?Plusieurs partis politiques m'ont contacte, ils taient enmal de jeunes, de femmes et de gens issus du mouvementassociatif. Je cumulais les trois ! Mais j'ai eu du mal medcider, je n'tais pas prte. J'ai donc pos un certainnombre de conditions, comme ne pas tre lue ailleursqu' Paris car j'ai toujours vcue ici. L'autre questionessentielle tait : "quel parti ?". Pour moi, c'tait le Particommuniste ou rien. A l'poque, j'avais une chronique au

    journal L'Humanit : le positionnement rsolument antili-bral, la lutte contre les ingalits sociales incarns par lePC sont, pour moi, un pilier fondamental. Et puis je suissensible au comportement des lus PC, au fait qu'ils rever-sent leurs indemnits au parti, par exemple. Cela dit, je nesuis membre d'aucun parti, je suis apparente communis-te. J'ai fait le pas aussi parce que l'ide de la bataille deParis me passionnait, tout comme l'homme Delano, sonthique et sa manire de faire de la politique. Aujourd'hui,mes fonctions politiques reprsentent plus qu'un tempsplein. Hlas, car j'aimerais tre salarie pour tre ind-pendante !

    Pourquo i avo i r abandonn l 'engagement assoc iat i f ? Je craignais la confusion entre les deux. Je ne pense pasqu'il faille une coupure tanche entre associatif et politiquemais tout de mme Les partis n'ayant plus d'ides, ilspensent que tout ce qui vient des associations est intres-sant et merveilleux ! Il faut arrter cela ! Il est urgentqu'ils reviennent la formation politique, car leur vocationconsiste penser de manire globale ; contrairement auxassociations qui ont toujours un territoire d'action plusdfini.

    Quel le est , selon vous, la m ission part icul ire d e l 'une t de l 'au t re ? L'association a la mission qu'elle veut bien se donner. Pourma part, j'tais engage pour changer la socit. Maisentre Attac et le club de boules, chacun fait ce qu'il veut !Il n'existe pas un mais des mouvements associatifs, et jesuis favorable leur autonomie. La socit civile est unespace totalement libre intellectuellement et potentielle-ment fcond ; les ides les plus folles sont souvent venuesd'elle. Quant la politique, sa premire mission est dechanger la socit. Elle doit tre l'coute des ides de lasocit civile pour les traduire dans le champ institution-nel. Mais je rejette l'instrumentalisation comme cela a putre le cas avec les mouvements syndicaux ou de jeunes-se. Il faut crer des espaces communs de dialogue o cha-

    cun garde sa place. Le politique doit soutenir les dyna-miques associatives, car elles constituent du lien social.Mais les associations n'ont pas se substituer l'Etat l oce dernier a dmissionn. C'est trop souvent le pige danslequel elles tombent ; le mouvement d'ducation populai-re en est une caricature.

    combat politique que je n'avais pasdemand mener.J'ai par ailleurs vcu les difficults etles obstacles auxquels sont confrontschaque jour les responsables d'asso-ciations. Mme si la vie associative estfoisonnante en France, elle dispose demoyens bien moindres qu'aux Etats-Unis par exemple. Beaucoup de pro-

    blmes dcoulent de lacunes juri-diques. Ne faut-il pas toiletter la loi de1901 pour l'adapter aux ralits duXXIme sicle ? N'est-il pas urgent decombler le vide juridique concernantle bnvolat ? Maintenant que je suis"de l'autre ct de la barrire", mapriorit comme dput consiste m'attaquer ces questions.

    Existe- t - i l vos yeux des r isquesde confusion entre l 'associat i f et le po l i t ique ? A mon sens il y a confusion lorsquel'action associative devient un mar-

    chepied pour construire une carrirepolitique. Mais la confusion peut se

    situer aussi dans la tte des autres,lorsqu'ils prsupposent des arrire-penses politiques chez tout lu quis'intresse de prs la vie associati-ve... A l'inverse, j'estime que les asso-ciations n'ont pas faire de politique.Un prsident d'association devrait tou-jours abandonner son mandat dans lecas o il est amen exercer une

    responsabilit politique.

    Quel les sont les responsabi l i tspar t icul ires des pol i t iques vis-- v is du m onde assoc iat i f ? L'univers associatif est le monde del'action et d'une rflexion tourne versl'action. Dans l'immense majorit descas, cette action rpond des objec-tifs d'intrt gnral. Les associationsremplissent des missions de servicepublic que l'Etat et les collectivitslocales ne peuvent pas assumer seuls.Dans la mesure o elles rendent unservice la socit, il est normal que

    la collectivit s'en occupe au traversde ses reprsentants politiques. Le

    rle des politiques vis--vis du tissuassociatif est triple : ils doivent grerl'attribution des moyens financiersallous aux associations exerant uneactivit d'intrt gnral ; contrlerl'utilisation que ces dernires font desdeniers publics ; et enfin, en tant quelgislateurs, inventer de nouvellespropositions d'encadrement juridique,susceptibles d'amliorer concrte-ment la vie des associations et de leurouvrir de nouveaux droitsJ'ajouterais que les politiques ont uneobligation d'coute vis--vis d'associa-tions qui sont parfois seules porteret poser certains problmes desocit - c'est particulirement vraidans le domaine du handicap o tou-tes les avances importantes dcou-lent des combats associatifs. Pourautant, le relais associatif ne suffitpas; le devoir d'coute doit s'tendrebien au-del car les vrais dmunis, les

    vrais exclus ne sont pas dans les asso-ciations ni mme reprs par elles.

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    Associations et politique

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    Des personnalits politiques s'exprimentsur leur vision de l'associatif

    De nature oppose, unencessaire complmen-tarit

    Bruno Bourg-Broc est dput(UMP) de la Marne, maire deChlons-en-Champagne, prsi-dent de la Fdration desMaires des Villes Moyennes. Ilest par ailleurs prsident del'Association des "amis de JeanTalon" et vice-prsident de l'as-sociation France-Canada

    " Par dfinition, l'action associativeregroupe un ensemble de citoyens quiexpriment leur volont de participa-tion, en ayant pour finalit de concou-

    rir la poursuite d'objectifs cono-mique, social, culturel, ducatif, sportif,ou autre. Par nature, cette action s'ar-ticule autour d'intrts sectoriels parti-culiers.

    A contrario, l'action politique comprendl'ensemble des affaires publiques.C'est de cette nature si oppose que

    nat la fois une ncessaire collabora-tion entre elles, et une complmentari-t, notamment dans la conduite d'unprojet de transformation sociale.La ralisation d'un tel projet passe parplusieurs tapes.En amont du projet, l'tat des lieux dela situation est effectu par l'actionassociative et l'action politique. Mmesi les approches sont diffrentes, ellespeuvent travailler de concert sur le ter-

    rain pour dfinir les besoins et tudier

    les amliorations possibles. L'actionassociative, spcialise sur cette ques-tion, apporte un soutien indispensablecar technique, l'action politique.Lors de la construction du projet, les

    deux actions sont galement ncessai-res. L'une matrise la pratique, l'autredoit laborer la thorie.Enfin, au stade de l'application du pro-jet, l'action politique fixe le cadre lgalet les rgles ncessaires la bonneexcution de ce projet. L'action asso-ciative a un autre rle, qui consiste faire connatre le projet et l'appliquer.Ces deux actions sont parfaitementcomplmentaires dans leur fonction etleur rapport avec la socit. Pour unbon fonctionnement de la dmocratie,elles doivent collaborer quasiment au

    quotidien. "

    " Il faut dpasser la loide 1901 "

    Yves Cochet, ancien ministrede l'Environnement, aujourd'-hui dput (Vert) de Paris, afond Les Amis de la Terre en1977, La Feuil le d'rable(association cologique de

    recyclage de papier et d'inser-tion des jeunes) en 1982, LaMaison de la consommation etd'environnement (associationd'associations) en 1983, ainsi

    que le CIELE (Centre d'infor-mation sur l'nergie et l'envi-ronnement) en 1985.

    " Une socit vivante est celle qui neconfond pas les rles ni les responsa-bilits entre le Politique et l'Associatif.J'ai connu et assum dans ma viemilitante les deux types de responsa-bilits. Je crois que les associationsont un rle mi-chemin entre l'indivi-

    du et le collectif. Elles permettent derpondre des manques, des besoinsnon satisfaits par les pouvoirs publics.Ainsi j'ai cr il y a environ vingt ansune association de rcupration du

    papier et de vente de papier recycl.La cration des Amis de la Terre, en1977, va plus loin. Elle caractrise lepassage de l'associatif - faire valoir etconcrtiser ses ides - au politique -accepter la responsabilit de la miseen uvre de celles-ci. Aujourd'hui ilfaut dpasser la loi de 1901 en don-nant de nouveaux droits aux associa-tions : il faut renforcer l'aide juridic-tionnelle et permettre aux associa-

    tions d'accder un recours effectif la justice, il faut aussi protger lesresponsables associatifs et les accom-pagner pour leur permettre d'allerplus loin dans leurs projets. "

    " En tant que contre-pouvoir, les associationssont un rouage essentielde la dmocratie "

    Michle Rivasi, fondatrice de

    la Crii-Rad (Commission derecherche er d'informationindpendante sur la radioacti-vit), dpute (apparentePS) de la Drme de 1997 2002" Pour mener bien un projet de

    transformation sociale, donc un chan-gement de socit, les associationspeuvent apporter beaucoup : ellespeuvent collaborer avec l'action poli-tique dans l'laboration et l'applica-tion d'une rforme, prendre des

    initiatives, lancer des projets; ellespeuvent aussi tre amenes affron-ter le pouvoir politique pour s'opposer une rglementation, et travaillerensuite modifier celle-ci; elles peu-vent enfin exercer un pouvoir decontrle dans l'application d'une

    rforme, d'une lgislation.Les associations par nature sont pro-ches des gens; leur rle est donc pri-mordial pour tisser des liens entreeux et lancer des initiatives ou porterdes revendications en leur nom. Ellesoccupent une place de choix pour

    clairer le pouvoir politique sur lesbesoins et les demandes de la popu-lation. Elles peuvent exercer un cont-re-pouvoir et sont donc un rouageessentiel de la dmocratie.Pour illustrer mon propos, je prendrail'exemple de la Crii-Rad. J'ai fondcette association avec quelques amisaprs l'accident de la centralenuclaire de Tchernobyl en 1986,alors que selon les organismes offi-ciels de l'Etat, la France avait ttotalement pargne par le nuageradioactif. Face au mensonge et aux

    carences de l'Etat, l'association, s'ap-puyant sur de nombreux bnvoles,avait comme objectif premier d'infor-mer le population sur la ralit dudanger. Elle a d affronter durementles reprsentants de l'Etat pourmener bien sa tche. Elle a ensuite

    effectu, grce la cration d'unlaboratoire d'analyse, un travailconsidrable de contrle pour unemeilleure protection de la population :contrle des rejets des installationsnuclaires, de la commercialisation desmatriaux radioactifs, de la qualit de

    l'environnement (eau, air) et de lacontamination des aliments.La CRII-RAD est devenue ainsi unvritable contre-pouvoir au service dela population, dans un domaine cru-cial pour la sant publique. Son ind-pendance dans ses activits estgarantie par son indpendance finan-cire par rapport au pouvoir politique.De multiples structures associativesjouent un rle comparable dans biend'autres domaines. A ct des syndi-cats, des partis politiques et face augouvernement, toutes ces associa-tions remplissent une fonction parti-culirement importante et spcifiquedans le fonctionnement de la dmo-cratie, et donc dans le processus detransformation dmocratique de lasocit. "

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    Associations et politique

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    L'association au secours du politique

    Entretien avec Jean-Marie Montel, dlgu gnral du Cidem" Rhabiliter le politique par l'engagement associatif "

    Fond en 1984 par la Ligue de lEnseignement et la Ligue des Droits de lHomme, le Cidem -Civisme et D mocratie - sest largi en 1999 aux associations (1) qui souhaitaient promouvoir lecivisme et l ducation la citoyennet . Le Cidem est notamment charg , depuis quelquesann es, des campagnes nationales dincitation au vote, linscription sur les listes lectorales etdinformation sur le vote par procuration, mettant en valeur une dimension europ enne de plusen plus forte.

    Que l r le peuven t j oue r l es associa t i ons dans l ' - duca t ion au c i v i sme e t l a c i t oyenne t ? Les corps intermdiaires, en tant que lieux dans les-

    quels des citoyens se rassemblent pour porter des pro-jets collectifs, occupent une place centrale dans notrepays. L'engagement dans une association reprsente,avant tout, une ducation au "vivre ensemble" et lacitoyennet. Quand on analyse les raisons du rejet desinstitutions par chacun - les citoyens, les politiques, lesmdias, les parents, les enseignants, les associations -,chacun pense que les responsabilits sont chercherchez les autres. Les associations membres du Cidemont prfr, sur ce terrain, tudier les actions concr-tes mener. Puis, ventuellement, par la suite, inter-peller les responsables politiques et les mdias. Notreobjectif est de rhabiliter le politique par l'engagementassociatif. D'autant que les associations elles-mmes

    sont souvent victimes de ce dsintrt croissant pourla chose publique, mme si, comme le montre le baro-mtre de la citoyennet Cidem-France Info, l'engage-ment associatif reste de loin le plus apprci desFranais.

    Les fo rm es de m i l i t an t i sm e son t -e l l es d i f f ren tes dans une assoc ia t i on e t dans un pa r t i po l i t i que ? Dans une association, le militant agit souvent de faonaffective, ponctuelle, pour avoir prise sur son environ-nement local. Les bnvoles associatifs sont moinsintresss aujourd'hui par des engagements dans ladure. Dans un parti, les militants se mettent au servi-ce d'une ide ou, au regret de certains, d'un homme

    (ou d'une femme). Dans un parti, les actions "de ter-rain" (distribution de tracts, collage d'affiches) int-ressent peu les militants. Rsultat : leurs adhrentssont principalement des lus locaux ou des candidats un mandat lectif. La diminution du nombre d'adh-sions (seul un Franais sur 1000 est aujourd'hui"encart") explique en grande partie la dconnexiondes partis avec la socit civile sur certains sujets. Ilest important que chaque parti, syndicat, associationtrouve des nouvelles formes de militantisme qui rpon-dent mieux aux attentes des citoyens.

    Que l les pou r ra ien t t re ces nouve l l es fo rm es de m i l i t a n t i s m e ?

    Certaines structures, telles Attac ou la Confdrationpaysanne par exemple, basent leur dveloppement surdes formes de militantisme davantage fondes sur l'-motion, la proximit, sur des objets ponctuels Lespartis auraient sans doute d oprer ce type de chan-

    gement, afin de mieux rpondre aux envies rellesd'engagement nes au soir du 21 avril.Que l le p lace do iven t avo i r l es d i f f ren tes fo rm es

    d ' e n g ag e m e n t ? Les attentes des citoyens en matire de militantismesont toujours aussi fortes, mais elles ont chang deformes. Aux partis, aux syndicats, aux associations derflchir une ncessaire volution de ce qu'ils propo-sent aux militants. Les diffrents militantismes ontsouvent t opposs, tort. Une dmocratie a besoinde la diversit de ces engagements pour tre vivanteet dynamique. Les uns et les autres se nourrissent ets'enrichissent mutuellement ; plutt que d'opposition, ilexiste une complmentarit relle entre les formesd'engagement. Du reste, au Cidem, notre objectif estde redynamiser la dmocratie et de revaloriser l'enga-gement associatif. Nous sommes ouverts aux associa-

    tions et organisations qui souhaitent participer auncessaire effort de rhabilitation du politique.

    Que pensez -vous des l i stes " c i t oyennes" ?

    Elles rvlent justement ces nouvelles attentes d'enga-gement des citoyens, leur volont de s'approprierdavantage et de manire diffrente le politique. Lerisque : le mlange des genres. Les partis sont desgroupements de citoyens, porteurs d'un projet poli-tique, qui confrent leurs dirigeants le pouvoir demettre en application ce projet. Ils occupent une placecentrale dans une dmocratie, prvue du reste dans laConstitution. Par ailleurs, des interrogations se sontexprimes sur la relle reprsentativit de ces listes,

    leur lgitimit, leur esprance de vie. Elles peuvent, eneffet, s'attacher exclusivement des intrts indivi-duels et locaux. Or, un projet politique doit pouvoir sedplacer dans le temps et dans l'espace. En rsum,les associations ne doivent pas jouer le rle des partis.Elles peuvent les interpeller, leur fournir des ides, tredes aiguillons de la dmocratie, et, au nom du renou-veau de la dmocratie, inciter les citoyens s'engagerdans les partis.

    Site : www.cidem.org

    (1) AnimaFac, ATD Quart Monde, Confdration des MJC de France,Fdration des centres sociaux et socioculturels de France, FranceNature Environnement, Ligue des droits de l'homme, Ligue de l'ensei-gnement, Mouvement rural de jeunesse chrtienne, MRAP, Scouts deFrance, Comit Franais de l'Unicef.

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    Associations et politique

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    " Reconstruire un autre lien avec les habitants, leur permettre de retrouver confiance dans la possi-bilit de s'exprimer su r un terrain po litique et ramener des citoyens vers le vote. " Telles sont, selonPhilippe Laville, fondateur de Citoyens unis de Chtenay-Malabry (92), diffrentes raisons qui ont amen l'asso-ciation prsenter une liste, en mars 2001, aux lections municipales. Non sans succs car la liste a remport17,21% des voix, au premier tour - qui a vu la reconduction du candidat de droite, Georges Siffredi. " C'est, detoutes les listes associatives qui ne se sont pas allies des partis politiques, le score le plus important dansune ville de plus de 30 000 habitants ", commente Philippe Laville. La liste n'a pas, en effet, prsent de mili-

    tants du PS ou d'autres partis issus de la gauche plurielle. Et pourtant

    la naissance de l'association, en 1995, anne de la dfaite des socialis-tes, la mairie depuis des dcennies, certains d'entre eux ont adhr

    CUCM." Au dpart, nous avons t noyauts par les partis. Certains militants minents dont l'ancien maire ont adhr CUCM. Leur but : piloter l'association en sous-main ", se souvient Jean-Marc Charasz, l'un des trois lus auconseil municipal sous les couleurs de CUCM. De fait, les membres du parti socialiste ont pes, pendant troisans, sur les statuts de l'association et sont devenus membres de droit du conseil d'administration (l'ancien mairea, par exemple, obtenu le poste de vice-prsident) " On s'est fait phagocyter ds le dpart ; on tait bien dansle schma d'une association au secours des politiques. CUCM leur permettait de se refaire une virginit, d'avan-cer visage couvert. L'intgrer, c'tait aussi la contrler pour que l'association n'empite pas trop sur leur ter-rain. Beaucoup d'entre nous n'ont rien vu venir, bercs par leur discours d'ouverture et de soutien de type : vous n'yconnaissez rien, on vous transmettra des informations, nous nous mettons votre disposition ", relate Philippe Laville.Le bras de fer "interne" dure jusqu'en 1998, anne o CUCM modifie ses statuts et affirme son indpendance,amorce en 1997 suite l'augmentation des impts locaux, en rendant public le contrle des comptes de lamunicipalit (1). Les membres du PS adhrents CUCM dsapprouvent la mthode. " Ce faisant, nous dran-gions le nouveau maire comme l'ancien car nous rvlions une gestion approximative et opaque des comptesdepuis de nombreuses annes ", observe le fondateur de l'association. Et de poursuivre : " Dans la stratgied'un parti, les habitants ne doivent pas tre informs au jour le jour de ce qui se droule dans leur ville.L'important, c'est la stratgie politique. Or, si des erreurs dans les comptes taient constates, cela constituaitun atout majeur l'occasion de la campagne 2001, pas avant. Par ailleurs, forcer le maire la transparence,c'tait de fait le pousser une bonne gestion, donc rduire les risques de faux pas " En rsum, les partisraisonnent en termes stratgiques, nationaux et sur le long terme. Les associations sont ancresdans le local et dans le prsent.Cette distinction entre parti et association et leur rle politique respectif sur la commune mneCUCM prsenter une liste aux lections municipales de 2001, initiative dsapprouve par le PS. " Lespolitiques voulaient que nous soyons un laboratoire d'ides, un rservoir dans lequel ils auraient pu puiser sanspour autant s'engager sur les exigences prcises de dmocratie participative dveloppes par CUCM dans saCharte ", explique Philippe Laville.

    Aujourd'hui, l'association compte 150 adhrents etdispose de trois lus au conseil mun icipal, lus quipour viter l'usure et le "phagocytage" ont instaur une reprsentation tournante (en septembre 2001, PhilippeLaville a laiss sa place Genevive Colomer). CUCM, pour autant, assume l'ampleur de ses responsabilitspolitiques : " Nous avons ax notre travail d'lu sur la mise en place de nouvelles mthodologies dans le fonc-tionnement municipal. Au sein du conseil, par ailleurs, nous nous dfinissons comme la minorit associative,relais des propositions des habitants ", dcrit Philippe Laville. Et Jean-Marc Charasz d'enrichir : " Nous sommesune liste apolitique qui ne fait que de la politique ".Quant au double jeu entre la dmocratie participative et la dmocratie reprsentative, les citoyensunis n'y voient pas de paradoxe : " Les allers-retours incessants avec les habitants crent une dyna-mique permanente " , observe Philippe Laville. Bref, CUCM tente d'appliquer des pratiques qui seraient lessiennes si la liste gagnait la mairie. Cela peut se rsumer par la mise en place d'une dmocratie locale, combatpeu men aux yeux de Philippe Laville par les partis. Il conclut : " Si les partis avaient opt pour un fonctionne-ment diffrent, soit plus d'coute et de transparence depuis 1995, CUCM n'aurait sans doute pas cr de liste.

    La forme "parti politique" ayant failli, un vide dmocratique s'est install. En se prsentant, nous avons permisaux citoyens de s'intresser nouveau la vie locale Nous avons couru au secours d'une rappropriation dupolitique par les habitants. "

    1 Dtails sur ce contrle sur le site de l'association, qui prsente aussi sa Charte, l'ensemble de ses activits etde celle de ses lus : www.cucm.lautre.net

    D'abord association locale, cre en 1995, Citoyens unis de Chtenay-Malabry (CUCM) a pr-sent une liste citoyenne aux lections de mars 2001. Rsultat : trois lus au conseil munici-

    pal et une imbrication forte entre association et politique.

    Partis et association :je t'aime, moi non plus !

    Une liste citoyenne en politique

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    Chtenay-Malabry : quand des mil itants associatifsse mlent de politique !

    Associations et politique

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    Quel le es t la spc i f ic i t del 'UNAF pa r rappor t aux au t r es rseaux assoc ia t i fs? La vie associative familiale date dela fin du XIXe sicle. On commen-ce alors voir des pres de famille

    qui se regroupent pour la prise enconsidration des grandes familles.Ce sont des associations pluttsoutenues par les ecclsiastiqueset les militaires. Ds lors, le mou-vement associatif familial volue etse structure. C'est sous la secondeguerre mondiale que le Conseil dela Rsistance (CNR) prend encompte cette dimension associati-ve et les revendications qu'elleporte. Tout d'abord, avec la scuri-t sociale une branche famille estcre, mais ils vont encore plus

    loin en instituant l'UNAF et lesUDAF rattaches au CNR. L'UNAFet les UDAF vont avoir pourresponsabilit la reprsentation del'ensemble des familles, on parlede l'ensemble des familles et nonde toutes les familles car il ne s'a-git pas d'apprhender une sommede problmes particuliers mais deconsidrer des spcificits familia-les dans les dcisions politiques.L'UNAF est donc une associationen charge de 4 missions avec entoile de fond la reprsentation de

    l'ensemble des familles. Premiremission donner son avis aux pou-voirs publics sur toute questionintressant la famille. Deuximemission, dlguer des reprsen-tants des familles dans des struc-tures au plan national, au plandpartemental. Troisime missiongrer des services d'intrt publicconfis par les pouvoirs publics.C'est la gestion de tout ce qui tou-che la tutelle. Quatrime mission:ester en justice sans avoir besoind'agrment particulier au nom dela reprsentation de l'ensembledes familles. Une ordonnance

    d'aot 1945 officialise cette insti-tution et reconnat son fondementassociatif et par l-mme la vieassociative familiale. Elle doit tregre dans le cadre de ses mis-sions par les reprsentants des

    associations familiales existantes.En 1975, la loi est modifie, ilnest plus question de l'ensembledes familles franaises mais del'ensemble des familles vivant surle territoire franais.La vie associative familiale aujour-d'hui c'est environ un million defamilles adhrentes; sur le plandes institutions c'est une unionnationale qui a responsabilit terri-toriale et 100 associations UDAFqui ont responsabilit au niveaudpartemental et un chelon

    rgional -URAF- qui n'a pas pourl'instant de reconnaissance institu-tionnelle. LURAF est seulementune coordination.Donc, l'UNAF comme lieu deregroupement inter-associatif (ellen'est pas fdration) doit trouverun quilibre par le principe de sub-sidiarit. Ce type de gestion narien dvident et suppose unedmocratie vivante. Le plan natio-nal est gr en parit par desreprsentants des diffrents mou-vements et par des dlgus des

    UDAF. On a la fois la reprsenta-tion des citoyens et la reprsenta-tivit des territoires.

    Est - ce qu ' i l y a eu depu is 4 5 des ten ta t i ves de remet t re en ques t ion ses m issions ou l ' i ns - t i t u t i o n e l l e -m m e ? Non. Cependant, petit petit lespouvoirs publics ont oubli deconsulter l'UNAF pour les ques-tions traitant des familles. Etdepuis 4-5 ans nous nous battonspour que l'UNAF et les UDAFsoient prises en compte par lespouvoirs publics, pour que lon

    reconnaisse leurs missions. Il sa-git leur rappeler quils ont respon-sabilit de les interpeller.

    Dans vo t re m ission de p ropos i - t i o n a u g o u v e r n e m e n t , v o u s

    avez d dve lopper une d im en- s ion d 'ex per t ise ? Est -ce quece t te expe r t i se s ' tend ? Oui. La fourniture d'avis se fait dedeux faons. Elle se fait par larponse des demandes spci-fiques, par exemple l'avortement,la contraception et le problme del'cole universelle avec Savary.Quand il s'agit de donner un avissur un sujet qui concerne l'ensem-ble des familles, on y parvient.Cela se fait aussi de faon journa-lire dans les lieux o nous avons

    dlgus des reprsentants del'ensemble des familles comme parexemple le CES, les CESR, les offi-ces HLM, 80% des conseils d'ad-ministration d'hpitaux, ou encoredans les 20 000 CCAS.

    La notion d'avis passe par deuxaspects : par des rponses desdemandes spcifiques mais gale-ment par des initiatives que larecherche interne de l'UNAF meten vidence. Par exemple toute larflexion sur le problme de la

    mdiation familiale dont on neparlait pas il y a trois ans qui adonn un rapport, le rapportSassi, vient de l'UNAF.Par ailleurs, nous avons cr desobservatoires de la famille; il sem-blait intressant d'avoir des infor-mations sur la vie des familles viala vie associative mais cetteapproche est un peu biaise, il y ades filtres. Donc paralllement at cr un autre observatoire quia une petite dimension nationaleet une grosse dimension dparte-mentale, mais un observatoire surbase INSEE.

    Association et politique,une co-construction de l'action publique

    La Confrence de la Famille

    Rencontre avec Lucien Bouis, vice-prsident de lUNAF

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    Associations et politique

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    La confrence de la familleC'est un peu une invention de l'UNAFqui avait t retenue par F. Mitterranden 1981.Elle permet une considration du faitfamilial dans toutes les politiques. Lefait familial ne passe pas par desmodles de familles, il passe par dessituations familiales. Aprs des annes

    de dsutude elle a rellement tconstitue sous le gouvernementJospin.Une fois par an, est organise unegrand messe Matignon o autour duPremier ministre, chaque ministreexpose le travail effectu dans l'anneet entend nos proccupations. Cettegrand messe n'a devaleur que parcequ'il s'agit d'un jourpar rapport 365 detravail avec lesministres.

    La confrence estpour le momentbase sur troispoints : le premierconcerne la presta-tion universelle, lesecond est centrsur la vie familialeet l'ducation, letroisime porte sur la conciliation viefamiliale-vie professionnelle et l'impli-cation de l'entreprise dans cette conci-liation. Ces groupes ont l'avantage d'a-voir autour de la table, les ministres

    concerns, les partenaires sociauxconcerns et les reprsentants de lavie familiale. Nous tenons beaucoup cette organisation, c'est une confren-ce sous l'gide du Premier ministre quifait le point et qui permet de fixer uncertain nombre d'engagements. Jecrois que cette ide pourrait tre repri-se dans d'autres domaines associatifs.

    Est -ce que vo us vous cons idr ezc om m e u n a ct e u r p o l i t i q u e o u u n ac teu r du champ po l i t i qu e ? Nous ne nous posons pas trop la ques-tion en ces termes. En ralit noussommes un peu les deux. La missionqui se dcline dans ses 4 dimensionsrelve la fois de la gestion et du poli-tique mais avec des dmarches et despotentialits diffrentes. Nous dsironsque la vie associative des mouvementspuisse s'exprimer en tant que telledans un certain nombre de lieux.Par exemple au niveau du conseil d'ad-ministration des hpitaux, nous nesommes pas reprsentants despatients, on est reprsentant de ceux

    qui effectivement ont besoin d'hpitauxmme s'ils ne sont pas hospitaliss.Quand on est en bataille avec un pou-voir politique quel qu'il soit, on est enbataille avec lui au nom d'un intrtgnral. Il faut tre trs rigoureux sur

    le mandat, il ne peut pas y avoir conflitd'intrt.Dailleurs le compte rendu de mandatest exigeant, on ne peut se contenterdun expos lassemble gnraleune fois par an. Ce compte-rendu estrgulier et encadr.

    Que l le vo lu t i on ncessa i re en t re

    l e po l i t i que e t l ' associa t i f au jou rd ' - hu i? En t r e l ' act i v i t gouve rnem en- ta le e t l e m onde associa t i f ? Il faut dans un premier temps deslieux d'coute tous les niveaux danslesquels les pouvoirs seraient en capa-cit d'couter des reprsentants de cesvies associatives diverses et varies

    pour essayer de remonterdes effets aux causes et passimplement dfinir des poli-tiques. Cette dualit, c'est ladualit entre la dmocratielective et la dmocratie par-

    ticipative. Nous n'irons passur le terrain du politiquelectif parce nous ne savonspas faire et nous ferionsquelque chose qui n'est pasde notre responsabilit, parcontre avoir des lieux d'-changes me parat indispen-sable.

    La deuxime ncessit est une meilleu-re transparence sur l'explication desdcisions politiques. Nous pensons trebien informs, en ralit nous ne lesommes pas.

    La con f rence de la f am i l l e n ' es t - e l l e pas un l i eu d 'change e t de r e st i t u t i o n d e l ' i n f or m a t i o n ?

    Bien sr, et c'est pour cela que j'insis-tais en disant que d'autres peuventavoir ce type de dmarche. Nous avonsrussi mettre en place des confren-ces de la familles dans certains dpar-tements. Il y a l une interaction.Certains prfets en ont compris l'int-rt.

    Est - ce que de fa i t i l y a un sou t ien

    des assoc ia t i ons pa r l e p o l i t i que ? Non parce que le politique n'est pasplus enclin aider la vie associativefamiliale que les autres vies associati-ves et de plus, la dmarche, mmeinstitutionnelle, pose un problme certains politiques car ils se voientobligs de tenir compte de nos sugges-tion ou de notre avis.Par ailleurs, nous navons pas de lieuou tel ou tel est de droit. Le 'De droitexiste pour les caisses des allocationsfamiliales, du groupe du CES et c'est

    tout. Le reste c'est de la bataille. Ellerepose sur le dynamisme des militants.

    ww w.unaf.fr UNAF : les orientationspour lavenir

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    Il faut des lieux d'coute tous les niveaux dans les-quels les pouvoirs seraienten capacit d'couter desreprsentants de ces vies

    associatives diverses etvaries pour essayer deremonter des effets aux cau-ses et pas simplement dfi-nir des politiques. Cette dua-lit, c'est la dualit entre ladmocratie lective et ladmocratie participative.

    Associations et politique

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    Sport et politique : un mariage de raison ?

    Qu'est -ce qu i fa i t la spc i f ic i t du spo r t f r ana is au jou rd 'hu i o rgan is sous l ' g ide du CNOSF?Com m ent s ' est - i l cons t i t u e t c o m m e n t l ' Et a t a - t - i l l g i t i m ce t te i ns t i t u t i on en lu i d l- guan t d es com p tences pa r t i - cu l i res su r l es p ra t i ques spo r - t i ves ? A la fin du XIXe sicle on retrouvechez Pierre de Coubertin et chez

    d'autres acteurs de l'poque l'ided'un sport " utile ". Cette ide d'unidal sportif olympique, prise encompte la fois dans les concep-tions du patronage et des associa-tions laques, oriente le sport versun projet de socit, ce qui estl'objet des fdrations dites " affi-nitaires ".Avec l'arrive de la loi en 1901, lescercles, clubs, et autres socitsdeviennent des associations, lasport est alors situ dans la soci-t.

    A lo rs que l sens donnez-vous au m o t " o l y m p i sm e " ?

    L'olympisme est une faon de direque le sport n'est pas seulementune fin en soi mais qu'il peut tremis au service du progrs social.

    Com m ent se pos i t i onne le CNOSF dans cet te socit ?Dans un certain sens la socitsportive est une forme de contre-socit, mme elle n'chappe pas

    aux champs de forces socio-poli-tique ou socio-conomique.En tant que Comit NationalOlympique et Sportif, nous repr-sentons le Comit InternationalOlympique en France. C'est unmoyen d'chapper l'emprise poli-tique : l'autorit du CIO empchele sport d'tre sous la seule tutellepolitique.

    La lgitimit de l'institution sporti-ve trouve son origine dans l'ordon-nance du 8 aot 1945 qui recon-

    nat l'existence d'une mission deservice public au sport franais,tout en le plaant sous l'autorit del'Etat qui dlgue son pouvoir auxfdrations.

    La loi du 29 octobre 1975 dite loi" Mazeaud ", abrogeant l'ordonnan-ce de 1945, reconnat son tour "l'utilit publique " du sport.L'excution d'une mission de servi-ce public est expressment men-tionne dans la loi du 16 juillet1984 dite loi " Avice ".Alors, travers cette reconnaissan-ce d'utilit publique, l'Etat y aassoci une prrogative de puis-sance publique puisqu'il autorise

    les fdrations reprsenter laFrance l'tranger par la participa-tion aux comptitions.Nous sommes donc compltementdans la socit et la manire qu'atrouv l'Etat de nous positionnerest de dire "je suis responsable dusport mais par ma dlgation, jevous le confie."Il s'agit bien d'une troisime voie,un positionnement entre le toutpublic et le tout priv avec desassociations autonomes.Cependant, au regard de l'volu-tion des textes de loi sur le sport(1992 - 2000 dite loi " Buffet "),l'interprtation de cette dlgationde pouvoir peut tre ambigu :est-ce que l'ensemble des bnvo-les du sport sont des fonctionnairesnon pays ou bien sont-ils effecti-vement en situation de responsabi-lit prive ?

    Est -ce que ces d i f f ren tes lo is su r l e spo r t , vous les qua l i f i e - r iez de po l i t iques dans le sens

    o e l l es on t vo lu en fonc t i on des gouve rnem en ts en p lace ,des d i f f ren t es i do log ies en p lace ? Oui car le politique a dfini petit petit le cadre lgislatif du sport.Dans les dernires lois, en largis-sant notre mission aux ActivitsPhysiques et Sportives (APS), nousassistons parfois une confusiondans la dfinition de l'intrt gn-ral du sport.Je joue au volley-ball avant toutpour faire du sport, je ne suis pas

    rentr dans un club pour duquer,rsoudre des problmes sociaux oupour embaucher des emplois-jeu-nes.

    Cependant, par le biais du dvelop-pement de la vie associative lesecteur sportif est sorti de sonenvironnement spcifique. La loiMazeaud voulait faire sortir le sportde sa " clandestinit ".De plus, dans les annes 80, il y aeu explosion du paysage audiovi-suel et donc explosion conomique.De fait, il est difficile de nous posi-tionner. Si on nous applique lesrgles de l'conomie de march, si

    le sport est la reproduction desprincipes de gestion dominants, cen'est plus du sport, cela redevientles jeux du cirque. On parle tou-jours de la spcificit du sport,mais on n'a rien de spcial, on estcomme tout le monde quand onest sportif. C'est vrai qu'il a uneidentit, il y a des identits. Ladouble identit pour nous c'estcelle du secteur, le sport, et cellede la structure de gestion qui estassociative.

    Que l r le pou r l ' assoc ia t i on? On a beau voter pour un maire ouun prsident de la rpublique, onn'est pas quitte de son devoir decitoyen. Bien sr qu'il faut votermais cela n'a aucun sens si je medbarrasse de ma responsabilitpar mon vote. Les politiques n'ontstrictement aucune chance d'influerde manire suffisante les volu-tions de la socit. Les citoyensont besoin de se mobiliser par eux-mmes. L'engagement associatif

    permet d'tre acteur de la cons-truction du territoire et de son vo-lution.

    Spor t e t l o i s i r s , spo r t e t i nse r - t i on e tc com m ent es t - ce que vous v i vez ce t te vo lu t i on ?

    Par rapport aux problmes sociauxque l'on rencontre, le sport est unatout.Ce rle social du sport est impor-tant en terme de socialisation desindividus.C'est la raison pour laquelle nous

    avons cr en 1995 le rseau deschefs de projets " Sport InsertionEmploi ". On peut solliciter lesassociations sportives pour unedmarche de socialisation sans

    Rencontre avec Andr Leclercq du CNOSFPrsident de lacadmie olympique

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    Associations et politique

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    pour autant les rduire cette seulefonction. En d'autres termes, nous nevoulons pas tre instrumentaliss.On ne peut pas indexer la pratiquesportive sur cette ralit l. On peutpar contre jouer de ces dimensions

    naturelles.Pour illustrer, nous signons desconventions d'objectifs avec les pou-voirs publics et avec les collectivitslocales qui dfinissent effectivementles objectifs desuns et des autres.C'est un partena-riat, on passe unaccord sur un pointparticulier pourgrer des actionscommunes.Il y a eu des tenta-

    tives de municipali-sation surtout dansles annes 80. Cesdernires ontchou car on estdans un sport de "cration " par rap-port un sportd'assistance parl'Etat ou un sport de consommationpar le secteur priv. Notre sport, c'estle sport que la population se donne.Nous sommes tout fait capables d'-tre des interlocuteurs des pouvoirs

    publics, des partenaires responsables.C'est cela la dmocratie participative.J'aime bien cette expression qui signi-fie simplement que le citoyen estacteur.

    Du coup lo r squ 'on pa r le de dmo- c ra t i e pa r t i c ipa t i ve , au to -o rg an isa - t i on , r esponsab i l i sa t i on , es t - ce que ce la nous renvo ie p as des p rob lm at iques p lus i n te rnes c 'es t d i r e u n p r ocessus assoc ia t i f qu i ob l ige des rg les ?

    Sur le plan institutionnel, il ne suffitpas d'avoir des outils dmocratiquespour que cela fonctionne. Je doisreconnatre que si on est trop isoldans la socit, si on est trop contre-socit, on court les mmes dangersque la socit elle-mme. On doitpouvoir se remettre en question rgu-lirement. On a besoin d'tre confron-ts.Qu'il y ait des lois sur le sport, jetrouve cela trs important, nous som-mes dans la socit. On a longtempsdit dans un discours d'aprs-guerre,

    'moi je fais du sport et pas de poli-tique'. Quelle erreur fondamentale. Lesport n'est pas en dehors de la vie, partir du moment o on a un engage-ment associatif on a un engagement

    politique. Il ne s'agit pas de politiquepoliticienne bien sr mais on participe l'volution de la cit. On ne se faitpas lire pour grer la cit, mais poury tenir notre rle de citoyen.

    Est - ce cela qu i j us t i f i e pa r exem - p l e q u e l e m o u v e m e n t s p o r t i f s ' in - t resse l a pa r t i c ipa t i on des fem- mes aux ins tances assoc ia t ives?Tant que le regard port sur le sport

    tait unisexu il n'yavait aucune chanced'volution. Puisque lesport est bisexu, ilfaut que le regard quel'on pose dessus soitlui aussi bisexu.

    Partant de ce constat,

    qu'est-ce qui estimportant de ce pointde vue? La gestion etla direction de l'actionassociative. Ainsi, on aprivilgi un axe prio-ritaire : la prise deresponsabilit desfemmes. A partir du

    moment o la direction de l'institutionsportive sera mieux bisexue, l'activi-t, qui elle-mme est bisexue, serad'autant mieux gre.C'est beaucoup plus efficace que de se

    poser immdiatement la question enterme politique et dmocratique. Onne part pas d'a priori mais des cons-quences. Une dmarche naturelle quinous amne effectivement rformer.

    En novem bre de rn ie r on t eu l i eu les Eta t s Gnrau x du Spor t , que l - l es conclus ions en son t r esso r t i es e t que ls son t l es engagemen t s p r i s? C'est encore un peu frais mais mani-festement il y a eu une bonne coutedu groupe sur la dimension ducativeet sociale du sport que je prsidais.Les autres taient plus sur la gestion.Tous les groupes sont importants maison voit l que l'Etat considre desdimensions du sport qui sont autresque sportives et qui ont une utilitpour lui et pour sa politique par exem-ple sur la dimension sociale des pro-blmes auxquels il est confront. Il estsignificatif sur ce point que le minist-re des sports ait invit le ministre dela ville.

    www.franceolympique.org"L'accs aux responsabilits et mixit :quels enjeux?" colloque le 1er fvrierau CNOSF.

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    On a beau voter pour un maireou un prsident de la rpu-blique, on n'est pas quitte deson devoir de citoyen. Bien srqu'il faut voter mais cela n'aaucun sens si je me dbarrassede ma responsabilit par mon

    vote. Les politiques n'ont stricte-ment aucune chance d'influer demanire suffisante les volu-tions de la socit. Les citoyensont besoin de se mobiliser pareux-mmes. Il faut participer cette construction du territoireet son volution.

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    Rflexion : les points de vue croissHubert PREVOT, Prsident de la CPCAet Roger SUE* sociologue

    Aprs l e 21 av r i l 2002 , dans que l l e mesure pouvons nous d i r e q u e n o t r e s y s t m e d e r e p r s e n t a t i o n p o l i t i q u e conna t u ne c r i se p ro fonde ?

    Hubert Prvot: Je crois que le 21avril s'inscrit dans une courbe de l'-volution politique caractrise parl'affaiblissement du rapport descitoyens franais aux politiques. Il nefaut pas prendre le 21 avril commeun lment dcisif mais comme unrvlateur de la fragilitd'un systme.Cependant, la ractiondes Franais la suitedu 21 avril n'a pas tngligeable et parconsquent la conscien-ce politique des franaisest encore trs vivante condition bien entenduqu'on lui offre des per-spectives, des occasionsde s'exprimer. Or c'estprcisment ce que nesavent plus faire lespolitiques: inspirer uneadhsion un peu profon-de un ensemble de propositionspolitiques. Ce qui me parat plusgrave, c'est que ds les lectionspasses, ds que le politique a tassur d'une majorit extrmementconfortable, on a l'impression qu'iloublie vite qu'il y a une socit quiattendait autre chose d'un gouver-nement, pas simplement des actions

    ou des mesures, mais aussi le dialo-gue. Ce gouvernement me paratcaractris par le fait qu'il a oublice besoin de dialogue, ce besoin departicipation et donc, quelque soientles qualits, les rsultats atteints, onrisque de retrouver progressivementl'indiffrence du public l'actionpublique.

    Roger Sue : Il ne s'agit pas d'unvnement ngligeable en lui-mmecar pour une lection qui avait tou- jours russi mobiliser, il y a la

    fois un record d'abstention et unreprsentant de l'extrme droite audeuxime tour. Cela ne s'tait jamaisvu. Cela traduit un drglement etune dsaffection proccupante l'-

    gard du systme de reprsentationpolitique. Ce n'est pas seulement lerle de la classe politique, de droiteou de gauche, qui est en cause, maisplus fondamentalement un systmede reprsentation dont ne se satis-fait plus l'exigence dmocratiqued'aujourd'hui. En amont d'un syst-me lectoral ncessairement limit,il est urgent de trouver de nouvellesformes de mobilisation et de repr-sentation de la socit civile pour

    rintroduire le citoyen comme acteurmajeur de la dmo-cratie.Avec un peu de reculhistorique, il nous fautadmettre qu'unesocit d'individus nese reprsente pas dela mme manire nipar les mmes canauxqu'une socit de cas-tes, une socit declasses ou une socitde masse. C'est le

    paradoxe de la dmo-cratie, plus elle s'affir-me au niveau dechaque individu, plus

    il est difficile d'en donner une repr-sentation globale. Un premier pro-blme est donc pos aux institutionspolitiques comme toutes les for-mes d'organisation : comment pro-duire une reprsentation d'individusqui dans le fond acceptent de plus enplus difficilement d'tre reprsentspar qui que ce soit ? Cette questioncentrale de la reprsentation dans

    notre dmocratie nous invite nousinterroger sur l'ensemble des proc-dures de dlgation et sur les condi-tions dans lesquelles elles peuventtre acceptes. Ce problme s'esttoujours pos chaque avancedmocratique. Toute nouvelle affir-mation de l'individualit pose unproblme la dmocratie en mmetemps qu'elle concourt son avan-ce. Aprs une priode de crise, onfinit par trouver des formes dereprsentation correspondant cenouvel ge de l'individu. Nous som-mes, me semble-t-il, dans ce cas defigure. Mais, malheureusement, onn'est pas dbord par les proposi-tions de revitalisation de notre sys-

    tme de reprsentation dmocra-tiqueLe deuxime problme tient laquasi absence de perspectivesouvertes aujourd'hui par la politique.La campagne prsidentielle n'aouvert aucun espace. Or, la principa-le fonction du politique c'est dedcrire, mme de manire utopique,un avenir. Ce manque de perspecti-ves d'avenir, au sens d'un avenirmeilleur, qui n'est d'ailleurs pas

    imputable au seul politique, lui enl-ve nanmoins une de ses principalesattributions.Le troisime problme, c'est que l'onne peut dfinitivement pas compren-dre qu'une socit qui continue s'enrichir, produise toujours autantd'ingalits, de prcarit, de chma-ge, de dliaison sociale, etc. Quandune classe politique n'est pas capa-ble d'assurer un minimum de pro-grs dmocratique, surtout quand ilest inscrit dans la Constitutioncomme le droit au travail, sans

    mme parler des valeurs de libertet d'galit, alors les mots perdentleur sens.

    HP : J'aimerais bien insister sur uneide de Roger Sue. Le rapport cri-tique du politique la socit telleque le politique la conoit, telle qu'illa dcrit: "cette socit est unesocit de plus en plus violente,ingalitaire, o les grandes structu-res qui la constituent chouent. Elleschouent par division, c'est le cas dumouvement syndical, elles chouent

    dans une espce de faiblesse consti-tutionnelle et c'est ce vaste mouve-ment associatif 'fourre-tout' qui serclame de tout mais finalement nestructure pas ses rapports institu-tionnels. Comment peut-on encoregrer cette socit ?" Et bien le pou-voir actuel ne croit plus qu'il peut lagrer par une recherche d'une vri-table concertation avec des forcesqui seraient d'abord reprsentatives.Du coup, il reprend cette prtentionextraordinaire d'assurer tout par lui-mme, d'assurer l'Etat, la scuritde l'Etat, la scurit des particuliers.Cela parat s'opposer aux maximesno-librales, mais je crois que cen'est pas compltement contradic-

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    Ce n'est pas seule-ment le rle de laclasse politique, dedroite ou de gau-che, qui est encause, mais plusfondamentalementun systme dereprsentation dontne se satisfait plus

    l'exigence dmo-cratique d'aujourd'-hui.

    Associations et politique

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    toire parce que, finalement, la tho-rie librale suppose que les individusrecherchent le bien pour eux etconcourent de fait au bien gnral,dans la ralit ceci ne concourt pas rsoudre les problmes les plusmanifestes de la socit. On auraitdonc affaire un libralisme extr-

    mement sceptique, extrmementpessimiste. D'o l'ide d'un Etat rela-tivement fort, qui dcide beaucoupen tenant sa lgitimit politiqued'une faon fort abstraite, par dl-gation du suffrage universel.Indpendamment du niveau de par-ticipation, un pourcentage des votesvaut majorit et justifie radicalementce principe de dlgation de pouvoir.Le gouvernement exerce la plnitudede ses prrogatives et ceci achvecette mise entre parenthse de lacrise du politique qui tait une crised'une vritable reprsentation rv-latrice d'une forte interfrence entrepouvoir de l'Etat et pouvoirs dans lasocit.

    Est -ce qu 'a lo rs on n ass is te- r a i t p a s u n e s t r i c t e j u x t a p o - s i t i on d 'une sphre po l i t i que q u i s ' a u t o - r e p r o d u i t c t d ' u n e e x t r a o r d i n a i r e a c t i v i t assoc iat i ve qu i ne che rche ra i t q u ' p r o d u i r e d u d b a t p u b l i c,l ' u n j u s t i f i a n t l ' a b s e n c e d e l ' a u t r e ?

    RS : Le maintien du pouvoir contientsouvent une bonne dose de cynisme,comme l'a montr la dernire cam-pagne lectorale. Certains ont trsbien compris que l'expression dunouvel individualisme, les revendica-tions des jeunes de banlieue ou deschmeurs, supposaient de nouvellesformes de participation, voire denouvelles formes institutionnelles de

    rgulation et de dmocratisation.Face ces demandes lgitimes, on aassist une opration qui a consis-t retourner la dmocratie contreelle-mme. En laissant croire qu'il nes'agissait pas de demandes de plusde dmocratie mais des manifesta-tions d'infantilisme, de violence, d'a-narchie, d'lments incontrls, brefde nouvelles classes dangereusesfinalement hostiles la dmocratie.Ce qui a permis de recentrer le dis-cours politique sur ses fonctionsrgaliennes de justice et de police,

    en ludant les vrais dbats cono-miques, sociaux et politiques,notamment sur les raisons de lafracture entre socit civile et classepolitique. Cette stigmatisation de lasocit civile ne rgle aucun probl-

    me de fond, elle comporte aucontraire le risque non ngligeablede nous entraner dans le cycle bienconnu de la contestation-rpression.

    HP : Avant de suivre compltementRoger Sue, il faut s'interroger sur ceque pourraient tre nos responsabili-

    ts en tant que dirigeants d'associa-tions, universitaires, syndicalistesetc. Ce serait, dans une certainemesure, certains checs de la soci-t civile qui justifieraient que les par-tis politiques, le gouvernement neles prennent passuffisamment ausrieux pour btirune socit surd'autres fondementque ceux qu'onvient de dcrire. Jene prend que deuxexemples de cri-t i q u e s :" P r e m i r e m e n tvous les syndicatsvous vous intres-sez aux salaris quiont un niveau de vierelativement cor-rect, quand vous les asso-ciations permettez-moi de vous direque vous tes issues dans l'ensemblede la moyenne bourgeoisie qui s'or-ganise pour venir en aide aux per-

    sonnes des classes moyennes. Vousvous occupez beaucoup de sa cultu-re, de son sport, mais quand il fautaussi aider les personnes les plusdmunies, les jeunes dans les ban-lieues, il n'y a plus foule et donc vouspouvez toujours dire que vous tra-vaillez au lien social dans la socit,c'est tout de mme du lien socialentre vous et vous!"Par ailleurs, et ce serait la secondeattaque: "vous vous occupez de pau-vres mais de telle sorte que vous lesmettez dans des rserves d'indiens,

    de telle sorte que cela ne rsout enrien le problme des relations entreles diffrents niveaux de citoyens, duplus modeste au plus l'aise. Vousne parlez pas beaucoup des poli-tiques publiques et lorsque c'est lecas, ce n'est tout de mme pas pourconsolider ces politiques publiques etaccrotre leur audience mais pluttleur intrt dans vos relations avecles bnficiaires Par consquent voussapez l'ordre politique que nousessayons d'tablir, car mme quandnous faisons bien, vos influences ne

    s'exercent pas en faveur de cetteconsolidation du crdit politique.Vous revenez immdiatement voscritiques qui dstabilisent non seule-ment le politique mais galement lerapport entre les citoyens."

    RS : Il faut tout de mme rappelerque la politique n'est rductible ni la classe politique, ni au suffrage uni-versel. Il ne faut pas oublier qu'auXVIIIe sicle la socit civile dsignela socit comme socit politique.La politique dans un rgime dmo-cratique est d'abord une forme d'as-

    sociation entre citoyens, une formed'auto-organisation de la socitcivile par elle-mme. On a oubli cefondement premier du rgime dmo-cratique. A force de vouloir dlguer,de rduire les projets une tiquet-

    te socialiste ou libra-le, on a rduit la poli-tique sa classe diri-geante, aux lites. Laligne de clivage estsans doute moinsaujourd'hui entre la"gauche" et la "droite"qu'entre le "haut" etle "bas".

    HP : D'accord, maisje pourrais alors vousrpondre de ne pasvous proccuper outremesure du 21 avril, ce

    n'est pas trs grave. -

    RS : Ce serait prcisment de laresponsabilit bien comprise de lapolitique et de ceux qui dtiennent le

    pouvoir institutionnel, que de favori-ser cette mergence et cette autoorganisation de la socit civile. Bienpeu d'initiatives ont t prises en cesens.On oppose toujours la dmocratie departicipation la dmocratie dereprsentation. C'est une distinctionartificielle parce que la dmocratieest toujours une participation. Si l'onveut que des individus participent, ycompris des lections, il faut qu'onleur offre une gamme de participa-tion beaucoup plus large. Ce n'est

    pas le vote qui fait le citoyen maisl'inverse. Donner plus de place auxassociations, en leur permettant d'a-voir plus de reprsentation, d'treplus dans le dbat public, supposaitquelques mesures (statut d'intrtgnral et du volontariat, modalitsde financement, notamment) qu'ilaurait t judicieux de prendre dansla ferveur de l'anniversaire du cente-naire de la loi du 1er juillet 1901.Mme s'il ne faut pas ngliger lacharte d'engagements rciproquesentre l'tat et les associations qui

    offre un cadre contractuel pour avan-cer dans cette voie. Je pense quel'erreur du gouvernement socialiste at effectivement de ne pas traduirecela par des mesures plus concrteset de donner ainsi un signal plus fort

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    Hubert Prvot

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    cette socit civile qui s'est rtrac-te au moment des lections.

    HP : Certains signaux ne suffisentpas, il est vrai par exem-ple que ce n'est pasquelques siges de plusau Conseil Economique et

    Social en faveur des asso-ciations qui peuvent tresignificatifs mme s'ilsseraient bien justifis. Ilfaudrait complter de tel-les mesures au niveau descollectivits locales, auniveau des pays, avectoute une philosophie dudveloppement des poli-tiques locales et territo-riales. Or on a reu qu'untout dbut de rponseextrmement prudent sur

    ce plan parce qu'il y a eu,y compris gauche, unrflexe de dfense corpo-ratiste qui fait que deslus ne voulaient pas voirs'accrotre le partage des compten-ces. Ce que vous disiez tout l'heu-re sur les premires ractions de cegouvernement autour de la scurit,cela t aussi une raction contre ladmocratie locale avec un retouraux institutions les plus solides maisaussi les plus traditionalistes dupouvoir local, la rgion en partie, le

    dpartement et la commune sur-tout. La force des lus locaux est laforce qui rsiste le mieux et quidfend aujourd'hui ses prrogativesmme en freinant une rformeadministrative que la France entireattend et que beaucoup de payseuropens ont ralise.

    Prc isons , s i vous le vou lez b i e n , l e d b a t o u v e r t p a r Roger Sue sur les cond i t ions d ' u n r e n o u v e l l e m e n t d e l a

    d m o c r a t i e r e p r s e n t a t i v e pa r l e phnomne assoc ia t i f ,que l les sont les ra isons su f f i - s a n t e s , o b j e c t i v e s , d ' u n e n o u v e l l e c o o p r a t i o n e n t r e a s s o c i a t i o n s e t p o u v o i r s pub l i cs?

    RS : Il me semble qu'aujourd'huiceux qui pressentent le mieux l'im-portance et la monte en puissancedes associations sont souvent lesentreprises. Certaines entreprises

    ont compris que leur propre dve-loppement devait passer par de nou-velles formes de coopration avecles associations et la socit civile.Et qu'il valait mieux jouer sur leregistre de la complmentarit que

    de la concurrence ou de l'affronte-ment. C'est une diffrence avec lepolitique qui pense toujours quec'est son propre pouvoir qui est

    directement remisen cause, alors qu'ilpourrait s'appuyersur une meilleur

    organisation dudbat et de la dli-bration publique.Je pense qu'il y a lune erreur d'appr-ciation, car ce quise cherche aujour-d'hui, au-del desactions des mouve-ments sociaux quisont des mouve-ments temporairesimpulss par desminorits actives,

    c'est un moded'institutionnalisa-tion de la socitcivile. Mais, si l'onveut qu'il y ait une

    vraie coopration avec la classe poli-tique, il faut poser les questions delgitimit, de reprsentativit, desprocdures dmocratiques. Tout lemonde est d'accord sur la perspecti-ve d'tablir long terme de nouvel-les reprsentations de la socitcivile et de les articuler la socitpolitique. Mais en mme temps,

    lorsqu'il s'agit de passer l'acte cha-cun reste chez soi, car de nouvellesrgles peuvent remettre en causeles situations acquises.

    HP : On pourrait direqu'il est aussi questiondu droit, d'un besoin dedroit, que demande leDAL sinon un droit aulogement. Or il n'y a pasde droit sans loi. Donctoutes ces demandes dedroit (enfants, asile,sant ) montrent bienqu' travers des reven-dications douloureuses, vio-lentes, une socit civile, par ailleurssoucieuse de son indpendance, aen mme temps une extraordinairerevendication vers le politique. Lpersonne ne nie que c'est en dfini-tive le politique qui fait la loi, lagrande prrogative de la dmocratiereprsentative, c'est tout de mmede traduire les aspirations socitalesdans la loi. Les meilleurs dialogues

    qu'on aient eu entre pouvoir poli-tique et socit civile, c'est sur unprocessus prcis d'laboration de laloi. Le travail du collectif Alerte estun exemple de cette recherche unpeu ttonnante d'une co-production

    d'une politique publique. Je croisque c'est cela les nouvelles formesde reprsentation parce qu'il ne s'a-git pas tant de reprsenter mieux lasocit relle dans la socit poli-tique que de trouver mille modes detravail possibles entre elles. Donc jene me proccupe pas tellement du

    rsultat des lections; elles m'int-resseraient partir du moment oles politiques auraient accept d'en-gager non pas deux ou trois dialo-gues mais une pratique du dialoguesur une multitude de questions. Lacritique cette ide et sa limite sur-tout, c'est "oui mais en fait vousallez dbloquer au sein mme de lasocit civile une nouvelle classe despcialistes du politique c'est direde l'intrt gnral. C'est une classequi sera relativement limite, c'estune classe de militants, de respon-

    sables assez comptents capablesde se battre, et de s'organiser.Finalement vous risquez vous-mmede devenir une sorte de super classepolitique issue de la socit civilesans accder au pouvoir politique,sans avoir besoin de passer par lastructure tatique".

    RS : Le problme dans une socitd'individus qui a de plus en plusbesoin de reprsentation c'est qu'aucontraire les corps intermdiaires jouent de moins en moins ce rle.

    Les mieux reconnus, comme lessyndicats, sont faibles, et les plusforts, comme les associations, res-

    tent insuffisammentorganiss et mal recon-nus. Ce paradoxe estintenable dans notresocit. On ne peut plusfaire l'conomie d'undispositif institutionnelfort pour arriver recrer des corps inter-mdiaires qui soientreconnus comme telspar l'ensemble de lasocit. Cette question

    passe mal dans le milieu asso-ciatif qui se mfie des processusd'institutionnalisation. En mmetemps, il revient aux associations dedonner l'exemple d'institutionsdmocratiques et transparentes.Ainsi, au moment o l'on parle delimitation du cumul des mandats, derenouvellement du personnel poli-tique, de la rotation des chargespubliques et des responsabilits, les

    associations prcheraient mieux parl'exemple que par le discours. Lesresponsables associatifs sontd'ailleurs aujourd'hui tout faitconscients de la demande interne departicipation, de dmocratie et de la

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    Roger Sue

    Le travail du collectifAlerte est un exem-ple de cette recher-che un peu tton-nante d'une co-pro-duction d'une poli-tique publique. Jecrois que c'est celales nouvelles formesde reprsentationparce qu'il ne s'agitpas tant de repr-senter mieux lasocit relle dansla socit politique

    que de trouver millemodes de travailpossibles entre elles.

    Associations et politique

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    ncessit de s'organiser en cons-quence. Ds lors, cette exemplaritde l'association pourrait s'largir toutes les formes de reprsentation,politiques en particulier.

    HP : J'essaie de concilier ce quevous dites avec le concept de corpsintermdiaire. Je crois beaucoup l'usure de plus en plus rapide descorps intermdiaires. Or prcis-ment toute la mentalit, la psycholo-gie des militants associatifs va l'encontre de cette structuration encorps intermdiaires o des posi-tions sont labores au fil descongrs ou dans des assemblesgnrales imposant les orientationsau dernier des adhrents. On voitbien travers l'histoire rcente dumouvement associatif qu'il y a des

    structures de concertation de cetype, mais les structures peut-treles plus vivantes du point de vue du jeu politique sont des structuresextrmement souples cres un peupour la circonstance, supportessouvent par des structures plus per-manentes. Ce n'est pas faire grief l'UNAF ou l'UNIOPSS, au CNOSFou la Ligue de l'Enseignement dene pas produire ce que produisentquelques collectifs spcialiss, ilsont d'autres fonctions. Alors juste-ment quelle est la distinction entre

    la fonction minente de recherchede propositions trs libres, trs sou-ples et puis des fonctions beaucoupplus structurantes. Quelle est lafonction particulire des corps inter-

    mdiaires ?

    RS : Il peut y avoir une rflexion surla question de la reprsentation quisoit assez ouverte et discute pourparvenir un consensus. Le rle desassociations par rapport la socitcivile consiste tablir de la repr-sentation autour d'un dbat refltantune diversit de points de vue, non viser une reprsentativit quanti-tative. C'est l un partage destches possible avec le politique. Aufond, cela ne se sait pas assez, maisla CPCA nourrit et fait vivre cetespoir mme s'il n'est pas toujoursfacile de le concrtiser.

    HP :On parle du mandat associatif,mais ds lors qu'il y a participationdes structures collectives du monde

    associatif des concertations, desngociations, dans la culture debase des associationnistes cela poseun vritable problme.

    RS : Oui mais je pense que ce dbatserait facilit s'il y avait un statutd'intrt gnral des associations.Le mot " association " recouvre desralits trs diverses. Les statutsassociatifs (agrments, reconnais-sance d'utilit publique) ont vieilli etrestent la discrtion des pouvoirspublics. Ce qui n'est pas une garan-

    tie d'autonomie, on en conviendra.Des associations d'intrt gnral,garanties par une autorit indpen-dante de tous les pouvoirs, donne-raient une meilleure lgitimit aux

    associations, faciliteraient une pluslarge participation, autoriseraientdes financements privilgis, etc.Quand on voit l'cart entre ceux quidisent qu'il n'y a rien de mieux queles associations et ceux qui y partici-pent activement, on se dit qu'il y aun potentiel norme qu'il faut mobi-liser. Il faut tenter de combler cedcalage entre un imaginaire extr-mement fort de l'association dansl'opinion publique et une ralit del'association qui est parfois dcevan-te.

    HP : Le fait que la vie au sein d'uneassociation soit parfois mouvemen-te, voire conflictuelle n'est pas nonplus sans intrts pour les partici-pants la vie de l'association. Lesindividus s'intressent parfois aux

    dbats internes des associations etaprs tout je connas peu de modledmocratique qui exclut les termesde choix, de slection. Transposer leconflit l'chelle d'une structureorganise, est-ce que ce n'est pas leprincipe fondamental de la dmocra-tie? Par contre quand des personnesqui adhrent un association trou-vent qu'il n'existe aucun lieu o ellespuissent tre coutes, que toutesles dcisions sont prises dans uncnacle trs restreint, elles sontconduites au dsenchantement.

    L'association doit tre le lieu d'uneformation la dmocratie, la par-ticipation citoyenne.

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    * Roger Sue, sociologue, Professeur l'un iversit de Caen et de Paris V, a publi en2001: Renouer le l ien soc ia l : l iber t , ga l i t , assoc ia t ion aux Editions Odile Jacob.

    Avons-nous vraiment perdu le sens de l'action collective,comme on le dit trop souvent ? Notre socit n'est-elle plusqu'un conglomrat d'individus proccups par leurs seulsintrts gostes ? Certainement pas. La myriade d'associa-tions qui fleurissent dans tous les domaines l'atteste. Ellesconcilient libert, galit et souci d'autonomie. Elles mobili-sent et rassemblent les nergies les plus diverses au servi-ce de causes et de projets qui servent chacun. La dmocra-tie relle s'invente sous nos yeux, en somme.Au XIXe sicle, les socialistes prnaient l'association. Maisle contexte ne leur tait gure favorable. Tout a chang :l'association n'est plus une utopie, c'est une ralit vcuepar beaucoup . Dsormais, ce sont les discours et les institu-tions politiques qui sont en retard sur l'avance de la socit.

    Un sicle aprs la loi de 1901, Roger Sue propose une rflexion politique profondesur ce que peut et doit tre une socit vraiment dmocratique aujourd'hui.

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    La naissance d'une association vient souvent du constat d'un manque. Un besoin collectif,voire social, n'est pas satisfait. Plusieurs types d'approches peuvent alors avoir lieu.Il s'agit ici d'une analyse comparative entre deux systmes prsents comme antino-miques, l'association Droit au logement (DAL) et l'Union nationale des associations de tou-risme et de plein air (UNAT), deux mouvements qui divergent, l'un tant prsent commemilitant, voire rvolutionnaire, quand le second est une confdration d'associations detourisme social pour laquelle on peut voquer le rformisme. Peut-on pourtant parler

    d'antinomie entre ces deux systmes, entre ces deux attitudes l'gard du politique ?

    Le DAL : une remise en cause des politiques

    l'origine de l'association Droit au logement(DAL), on trouve un besoin non seulementcollectif et socia l ; mais qui relve aussi del'intrt gnral : le relogement de famillesdmunies et expulses. De toute vidence, ilrevient donc la puissance publique d'y

    rpondre. Les premiers membres du mouve-ment ont dcid de se regrouper pour contes-ter l'tat actuel et obtenir des droits ou desmoyens nouveaux.

    Le DAL est n dans le XXe arrondissement parisien, la fin des annes 1980, alors que l'activit spcu-lative battait son plein dans l'immobilier, que lapolitique de logement social devenait de plus enplus discriminatoire et que la prcarit (profession-nelle, sociale,) des mnages ne cessait de crotre,aboutissant bientt une prcarit du logement.C'est une pratique du terrain qui a impos l'objetde l'association, le premier comit a t fond " par

    proximit " : il s'agissait de reloger des famillesvoisines qui venaient d'tre expulses. Puis lecomit parisien, sollicit par d'autres mnages mal-logs, s'est engag dans d'autres manifestations,campements, occupations, rquisitions de loge-ments vides... Une trentaine de comits, quirunissent aujourd'hui quelque 250 bnvoles, ontainsi vu le jour sur tout le territoire. Chaque comitobtient le label DAL et adhre aux principes de lacharte, la non-violence par exemple. Le DAL est" de type syndical ", comme l'explique J.-B. Eyraud,son porte-parole. Dans un premier temps, sesmthodes d'intervention sont classiques (courriers,appels tlphoniques, etc.). Si elles n'aboutissentpas, une action collective est engage : occupationde bureaux de logement social, d'appartementsinoccups, de coins de rue, etc., " l'occupation desusines en quelque sorte ".

    Le droit au logement,une cogestion impossible

    Le DAL se caractrise par la pression exerce sur lespouvoirs publics pour aboutir une lgislation nou-velle (couverture logement universel, CLU sur lemodle de la CMU) et/ou l'application de la loi (loide rquisition sur les immeubles et les logementsvacants appartenant aux collectivits locales, admi-nistrations, tat, banques, compagnies d'assurance,gros propritaires, professionnels de l'immobilier,).Il ne s'agit plus seulement d'attirer l'attention despouvoirs publics, mais de crer un rapport de forcepour rpondre une situation d'urgence.L'association se situe donc dans la radicalit en ayantrecours des actions collectives en force (mais nonviolentes), souvent mdiatiques.Ses statuts imposent une indpendance politique,mais aussi institutionnelle. Aucun comit n'est doncinvesti d'une mission para institutionnelle. " Il y aincompatibilit avec la contestation, explique J.-B.Eyraud. Le mouvement ne peut pas dbarquer dansle bureau d'un prfet avec des familles mal-logesd'un ct et demander une subvention pour une mis-sion parapublique de l'autre. " La cogestion engen-drerait un risque de paralysie, le mouvement per-dant tout pouvoir revendicatif et toute lgitimit lefaire.

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    II Associations et pouvoirs publics

    Entre gestion et contestation, une tension historique.Les exemples du DAL et de l'UNAT

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    Que ls son t vos rappor t s avec les po l it i ques ?

    Tous les comits ont toujours conserv leur indpendance politique parce que lalutte en faveur des mal-logs demande le soutien le plus large possible et qu'el-le dpasse les clivages.Mais nous n'avons plus aucune navet envers les politiques. Ils communiquentbeaucoup sur la question, s'inquitent de la crise du logement, mais s'arrtentaux effets d'annonce. Nous sommes toujours contraints d'laborer un rapport deforce pour faire aboutir nos revendications. Aujourd'hui par exemple, le gouver-nement, les maires ou les HLM voudraient dtruire 40 000 logements HLM paran alors que l'on n'en a jamais aussi peu construit depuis 50 ans. Les loyersflambent, les expulsions augmentent, les foyers d'hbergement sont saturs etles listes d'attente des HLM s'allongent. On voit rapparatre des bidonvilles

    quand des logements sont laisss vacants. Dans un contexte social, o la pauv-ret salariale et le chmage se renforcent, il est vident que l'on s'achemine versune aggravation de la crise du logement.

    Com m ent l es revend icat i ons du DAL son t -e l l es accue i l l i es pa r l es pou - vo i r s pub l i cs ?

    Notre action drange, car les lus ne souhaitent pas loger les mnages pauvres,ils pensent leur lectorat avant tout. L'arrt des expulsions sans relogement,la production annuelle de 200 000 logements pour les plus modestes, ou larquisitions des logements vacants ne les intresse pas . La tendance est hlasplutt l'vacuation de ces familles des centres villes et leur viction vers lapriphrie, la restructuration urbaine dans les banlieues qui les exclut gale-ment. Les lus ne se sentent pas obligs d'tre solidaires. Il n'existe d'ailleurspas de moyen juridique de poursuivre les lus qui refusent de loger des famillesou des personnes dmunies. Et si des lois existent, elles sont inappliquescomme la Loi de rquisition, ou remise en cause comme la rcente loi quicontraint chaque commune avoir 20 % de logements sociaux. On peut aussiciter l'exemple du volet " prvention des expulsions " de la loi de 1998, mais ilest insuffisant pour contenir les expulsions dans le contexte que nous connais-sons : environ 100 000 jugements d'expulsions sont toujours rendus chaqueanne.On pourrait aussi citer l'exemple d'une mesure comme la mixit sociale derri-re laquelle se sont cachs nombre d'lus pour placer de plus en plus de mna-ges aiss dans les logements vocation sociale, rduisant la part disponible pourles mnages les plus dmunis.

    N' tes -vous pas ten ts d 'ag i r au t remen t , l ' labo ra t i on d 'une lo i

    comm e ce l l e de l u t t e con t re l es exc lus ions, comm e les associa t i ons du co l l ec t i f A le r te pa r exem p le ? Lors de la prparation de la loi contre les exclusions, nous avions mont avecd'autres un collectif d'associations pour prsenter des propositions. Puis ce col-lectif a tabli avec Alerte une position commune, qui a sans doute permis d'ob-tenir quelques avances.Lors de l'examen de la loi en 1998, le DAL a prsent 80 amendements sur levolet logement. Certains ont t retenus, comme l'interdiction aux huissiersd'expulser seuls, ou la prise en compte des personnes qui attendent depuis desannes un logement social, mais ce ne sont videmment pas les plus impor-tants. Je pense qu'en faisant front sur des propositions ambitieuses, notammentavec les associations qui composent le rseau Alerte, nous aurions pu obtenirdes avances beaucoup plus consquentes pour faire reculer les exclusions.

    Interview de Jean-Baptiste Eyraud,

    porte parole de " Droit Au Logement "

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    Associations et pouvoirs publics

  • 8/6/2019 La Vie Associative | n4 | Associations et dmocratie, les fondements d'un nouveau contrat social et politique?

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    L'UNAT, de la gestion pour soi la gestion pour tous

    Dans le cas de l'UNAT, le besoin collectif qui aboutit sa cration n'apparat pas commesuffisamment vital pour relever de la puissance publique. On se bat avec moins devigueur pour un " droit " qui apparat moins essentiel que manger, se loger, gagner sa

    vie. L'aspect strictement revendicatif cde la place un souci d'organiser soi-mme, auplus prs de ses proccupations, ses loisirs conquis, eux, de haute lutte. Pour autant,de bonnes relations avec les pouvoirs publics restent indispensables, pour obtenir desaides, des encadrements lgislatifs ou rglementaires, etc.

    L 'ob je t " t ou r i sme assoc ia t i f " vous pa ra t - i l i ndu i re une a t t i t ude spci f i que pa r rap -

    po r t aux p ouvo i r s pub l i cs ? Favo r i se - t - i l p lu t t u ne a t t i t ude "