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La parure végétale de l'île des Embiez

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L'ile des Embiez, siège de la Fondation océanographique Ricard, est située à la minutes de navigation du port du Brusc, à Six-Fours-les-Plages, entre Sanary et Toulon (13 km), à 65 km de Marseille. Elle compte 95 hectares, d'une diversité étonnante: forêt de pins, falaises, plages de gravier fin, éblouissantes de soleil, et dix hectares de vignoble donnant un excellent vin de terroir.

Tous les aménagements ont été réalisés dans le respect de la nature ainsi que l'a souhaité Paul Ricard quand il a fait l'acquisition de l'Île, en 1958. Le regroupement des infrastructures d 'accueil et de loisirs autour du port a permis de conserver à une grande partie de l'ile son aspect originel, quasi sauvage par endroit : une véritable alliance de l'homme et de la nature.

DEUX MOTS D'HISTOIRE L 'Île a toujours eu une vocation maritime : de tous temps, des vaisseaux

fuyant la tempête ont fait relâche dans cet abri naturel protégé par la chaÎne du cap Sicié.

Dès l'Antiquité, les Phocéens fondent à l'emplacement du Brusc actuel, une cité qui devient par la suite possession romaine sous le nom de Tau­roentum. En 1376, le pape Grégoire XI, qui ramène la papauté d'Avignon "à Rome, fait escale aux Embiez pendant trois jours. L 'amiral génois Andrea Doria, qui commandait la flotte de Charles Quint au moment de /'invasion de la Provence, en 1536, vient se ravitailler au puits Sainte-Cécile dont l'eau possédait de grandes vertus diurétiques. Quant aux salines, elles sont ex­ploitées dès le xr siècle par des moines de l'abbaye de Saint-Victor, à Marseille.

Les marais salants, désaffectés, sont utilisés aujourd'hui comme bassins d 'expérimentation par les chercheurs de la Fondation océanographique Ricard.

Avant-propos

La parure végétale ),/~\~_- de l'île des Embiez

L A rade du Brusc est protégée, dans sa partie méridionale, par l'archipel des Embiez, formé d'un chapelet d'îles qui s'égrènent à

l'ouest du cap Sicié. L'ossature principale de cet archipel est constituée par l'île des Embiez, relief émergé formé de roches siliceuses couvrant une superficie de près de cent hectares.

Autour d'elle, sont disséminés des îles, îlots, éperons rocheux ou écueils de moindre importance dont les composantes dominantes sont, à l'ouest le Grand Rouveau, au nord le Petit Rouveau, au sud le Grand Gaou, sorte de trait d'union reliant l'archipel au continent tout proche.

En raison de l'intérêt touristique qu'elle pré­sente, de la fréquentation dont elle est l'objet, c'est l'île la plus grande, dite "île des Embiez", qui retien­dra plus spécialement notre attention.

Une île, qu'est-ce-que c'est?

C'est la mer, c'est la terre ... un couple étrange, uni comme tous les couples pour le meilleur et pour le pire, mais où, tour à tour, ici davantage qu'ailleurs, s'enlacent ou s'affrontent, au caprice du temps, le soleil, les nuages, les vents, le jour, la nuit, la douceur, la rigueur des saisons qui sans cesse se renouvellent.

Quoi de plus fascinant que ces idylles ou ces ruptures, sans cesse remises en cause, sur une frange littorale chaque jour remodelée, au fil des millé­naires par l'étreinte agressive de la terre et des eaux !

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Au regard de la vie, il s'agit d'un milieu qui peut paraître hostile, à tout le moins changeant et capricieux.

Mais les lois qui régissent la répartition des êtres vivants ne laissent rien au hasard. Les facultés d'adaptation de la matière vivante sont telles qu'il n'est pas d'exemple d'une niche écologique, aussi déshéritée soit-elle, qui demeure inoccupée. Même les sites en apparence les plus désertiques propo­sent à l'observateur attentif une mine inépuisable de petits secrets à découvrir.

La contemplation des choses de la nature ne doit pas être un acte passif. Il faut apprendre à observer, à écouter, à humer tout ce qui nous entoure pour pouvoir humblement tenter de déchif­frer un paysage qui ne s'offre pas ... mais se mérite.

L'ambition de cette brochure est toute simple: vous qui venez à l'île des Embiez, apprenez à redécouvrir, par tous vos sens en éveil, ce que les contraintes de la vie urbaine vous ont fait ou­blier . •

LA PARURE VÉGÉTALE DE L'ILE DES EMBIEZ

UNE DOUBLE CHARNIÈRE GÉOLOGIQUE ET CLIMATIQUE

L 'ILE DES EMBIEZ résulte de la jonction de deux reliefs émergés que séparaient autrefois des lagunes , utilisées un temps comme

marais salants, qui abritent aujourd'hui un port de plaisance et épaulent un complexe de recherches marines.

A L'AMORCE DE LA PROVENCE CRISTALLINE

C EDE île occupe une position charnière entre la Provence calcaire, pétrie de roches sédi­mentaires et la Provence siliceuse, forgée de

roches cristallines , qui s'étire d 'ouest en est depuis le cap Sicié jusqu 'aux massifs des Maures et de l'Esterel.

Le socle géologique de l'île des Embiez est de nature siliceuse, constitué de phyllades qui émer­gent, à l'est, en une colline arasée de faible altitude (15 mètres au sommet) mais dont le relief s'accuse jusqu'à dresser des falaises tourmentées à l'ouest et au sud, où elles s'appuient sur une "dorsale" de quartzites durs depuis la pointe du Coucoussa (60 mètres d'altitude) jusqu'à la colline du Château.

Les phyllades, roches feuilletées peu résistan­tes aux agents érosifs , donnent naissance à des sols facilement colonisés par les végétaux. Il en est tout autrement des quartzites, roches compactes difficilement altérables, peu propices à l'implantation du couvert végétal.

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UNE ZONE CLIMATIQUE DE TRANSITION

I L faut faire appel aux données recueillies par la station météorologique de Bandol pour tenter d 'apprécier l'ambiance climatique de l'île des

Embiez. Soumise à un climat méditerranéen bien affirmé, la rade du Brusc s'inscrit dans une zone de transition entre une Provence occidentale plus fraî­che et plus sèche et une Provence orientale plus chaude, surtout plus tiède en hiver et plus humide.

L'archipel des Embiez bénéficie , par surcroît, d'une empreinte microclimatique particulière en raison de sa position géographique ouverte aux vents dominants (mistral plus fréquent et plus agressif, brises marines estivales rafraîchissantes plus nombreuses) et de son caractère insulaire (environnement marin tamponnant les excès des froids hivernaux).

UN HABIT D'ARLEQUIN

P EUT-ON parler de manteau végétal dès lors que le corps nu transparaît trop souvent sous l'habit déchiré? Et pourtant... les assauts

conjugués du vent et des embruns défont, maille après maille, ces hardes effilochées que la nature tente patiemment de rapiécer jour après jour.

Mais un habit d 'Arlequin ne manque pas d'at­trait. Pittoresque et coloré , il interpelle le visiteur, le force à s'interroger et chaque fleur qui s'offre à son regard s'apprête à lui dévoiler un peu de poésie.

UNE FLORE IMPRÉGNÉE PAR LA MER

D IVERSES approches sont nécessaires pour appréhender le couvert végétal. On peut en dresser l'inventaire, partant des arbres pour

se pencher vers les arbustes et jusqu 'aux plantes

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SUR LA ROCHE LITTORALE BALAYÉE PAR LES EMBRUNS

Petite Salade Ile

Perce-pierre

herbacées. A cet égard, la végétation naturelle de l'île des Embiez développe un éventail de quelque 200 espèces distinctes, si l'on ne tient compte que des plantes supérieures, à fleurs et à fruits , en négligeant les fougères, les mousses, les algues, les champignons, les lichens et autres composantes du règne végétal.

Encore convient-il de préciser que cet inven­taire est loin d'être exhaustif. Une analyse détaillée de la flore , notamment au printemps, l'enrichirait assurément.

Mais il n'est pas indispensable d'être un spécia­liste averti des secrets de la botanique pour s'inté­resser à ces brassées de branches, de feuilles et de fleurs dont les formes , les couleurs , les parfums rehaussent le charme d'une promenade.

Quelle que soit la diversité du monde des plantes, quelques espèces-phares retiennent plus spécialement l'attention des visiteurs .

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Les essences arborescentes sont peu nom­breuses sur l'île des Embiez. Le Pin d'Alep (pin us halepensis), le Chêne vert (Quercus ilex), l'Olivier sauvage connu sous le nom d'Oléastre (Olea oleas­ter) et le Tamaris de Gaule (Tamarix gallica) s'y développent librement. L'intervention de l'homme est facilement trahie par des alignements artificiels de Peupliers et de Cyprès voués à la protection des cultures comme par l'introduction d'éléments desti­nés à embellir le paysage, dont le Palmier est le chef de file.

Une vingtaine d 'arbrisseaux et d'arbustes composent le fond physionomique le plus important des collines et du bord de mer dont ils façonnent les paysages.

Certains fourrés et sous-bois sont envahis de lianes et de plantes grimpantes, telle la Salsepareille (Smilax aspera), aglaria des Provençaux, aux tiges et aux feuilles armées d'épines acérées.

Du petit monde des plantes herbacées, le promeneur retient surtout celles dont le charme flatte ses yeux ou ses narines: Glaïeuls (Gladiolus segetum), Narcisses (Narcissus Tazetta) et Orchi­dées (Barlia robertiana, Ophrys scolopax, Serapias cordigera). Beaucoup d 'autres, plus effacées ou sans éclat, passent plus ou moins inaperçues. Mais la flore des Embiez révèle bien d'autres particulari­tés.

D'abord , des lacunes étranges, soulignées par l'absence ou la discrétion d'espèces pourtant soli­dement implantées sur le littoral continental tout proche du cap Sicié: pas de Chêne liège, pas de Myrte, rareté de l'Arbousier, de la Bruyère arbores­cente, de la Lavande des Maures, composantes habituelles des paysages végétaux sur sol siliceux.

Des lacunes du même ordre ont été soulignées ailleurs, dans d'autres milieux insulaires où elles affectent chacun des deux règnes, végétal et animal.

On retiendra également l' influence détermi­nante du sel marin, véhiculé par les embruns, qui justifie l'opulence d'une végétation dite halophile, regroupant une trentaine d'arbrisseaux, arbustes ou plantes herbacées.

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Bsrlls robert/sns, une Orchidée

aujourd 'hui protégée par la 101

On soulignera enfin la présence de trois espè­ces protégées par la loi. L'une d'elles, une Orchidée (Barlia robertiana), est menacée par l'instinct inné de cueillette qui anime les visiteurs . Les deux autres souffrent principalement du piétinement intensif qui s'exerce sur fa frange littorale : un petit ail sauvage (Allium chamaemoly), inféodé à quelques îlots d'une pelouse rase implantée sur sol sableux, et la petite Salade Ile [ (Limonium minutum) (= Statice minuta) ] qui affectionne les côtes rocheuses fréquemment balayées par les embruns.

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DES PAYSAGES CISELÉS P AR LE VENT ET LE SEL

L 'INVENTAIRE floristique ne fournit qu 'une image fragmentaire du couvert végétal. Les plantes s 'inscrivent aussi comme éléments

déterminants des paysages et leur agencement n'est pas dû au hasard .

Les effets de la dissémination universelle, bras­sant des myriades de germes, spores, graines ou fruits dispersés par le vent , l'eau, les animaux ou l'homme sont loin d'être anarchiques. Au contraire , ils conduisent à une claire organisation des formes vivantes, regroupées au sein de communautés vé­gétales et animales aux exigences très précises, en équilibre avec les sols et les climats.

C'est l'un des aspects les plus captivants de la biologie que de tenter de percer les mystères qui commandent aux herbes et aux bêtes de s 'associer pour vivre ensemble en imprimant aux paysages une diversité physionomique immédiatement percepti­ble à l'œil mais que l'on peut découvrir aussi en tendant l'oreille au vent comme à cette étrange symphonie, faite du frémissement, du bruissement, parfois même du vacarme d'une foule d'ailes, de pattes, de fleurs ou de feuillages. '

C'est cet aspect de la découverte qu'il convient de privilégier pour tous ceux qui viennent en visi­teurs, ne disposant que de quelques heures pour être les complices de la nature.

LA FRANGE LI1TORALE IMMÉDIATE

F RONTIERE indécise entre la mer, la terre et le ciel , le bord de mer est tributaire de conditions de milieu fluctuantes et rigoureuses. De sable,

de galet ou de roche , il représente un milieu ex­trême, bousculé tour à tour par les caprices conju­gués des eaux, des vents, des embruns ... et par

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les variations incessantes de température et d 'hu­midité qui modulent, tour à tour, une ambiance sèche ou ruisselante, paisible ou turbulente.

Comment la vie peut-elle s'exprimer dans ce milieu apparemment hostile à tout ce qui réclame mesure, sérénité, équilibre?

Peut-on imaginer un type d'habitat où la tempé­rature oscillerait de -100 , - 150 en hiver jusqu 'à + 600 en période estivale?

Mais la flore et la faune relèvent tous les défis. Lorsque s'affrontent les deux milieux fluides qui conditionnent leur existence - l'eau et l'air - elles répondent par des adaptations étonnantes pour s'accrocher partout , marquant la souveraineté du monde vivant , la biosphère, sur toutes les autres enveloppes qui ceinturent notre planète : la roche mère (lithosphère), l'eau (aquisphère) et l'air (at­mosphère).

Et la vie, sur cette frange littorale fragile et changeante , souligne d 'une manière singulièrement édifiante les capacités d 'adaptation des plantes et des bêtes.

L'HABILLAGE DISCRET DES ROCHERS LITTORAUX

A u contact direct de la mer, surplombant les franges d'algues marines les plus superficiel­les, les socles rocheux paraissent absolu­

ment. déserts. Une apparence trompeuse, car un examen attentif permet d 'y découvrir une faunule particulière d 'animaux marins fossoyeurs du rivage , dominée par un Mollusque Gastéropode minuscule, la petite Littorine (Melaraphe neritoides), et par un Crustacé Isopode d 'une extrême agilité , la Ligie (Ligia italica) qui court d 'un refuge à un autre en s 'insinuant dans toutes les anfractuosités de la roche littorale.

L 'avant-garde de la végétation terrestre n'aborde qu 'avec discrétion cette sorte de no man 's land saupoudré d 'embruns , balayé parfois par les vagues, à la frontière entre deux mondes ...

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Le Perce-pierre (Crlthmum msrltlmumj T

Ici , le sel est roi. Seul un petit nombre de plantes tolèrent sa souveraineté.

Et pourtant , une très belle association végétale s'implante sur ce royaume en apparence désolé, tour à tour brûlé par le soleil , lessivé par la mer, torride en été, glacial en hiver, où les racines éprou­vent le plus grand mal à s'accrocher comme elles le peuvent.

Le paysage végétal s'efface devant la rocaille omniprésente : ni forêt , ni maquis, garrigue, lande , ou pelouse !. .. Tout au plus un peuplement dispersé, ne recouvrant que 10 à 15 % du socle disponible et qui serpente ou s'éparpille en exploitant les moin­dres fissures, les plus petites poches de terre .

On y remarque une Ombellifère à souche ram­pante, à feuilles charnues, à fleurs d'un blanc ver­dâtre , le Perce-pierre (Crithmum maritimum), qui justifie pleinement son nom en raison de l'extraordi­naire développement de son appareil racinaire.

La physionomie de l'association est, er, outre, soulignée par la petite Salade Ile (Limonium minu­tum), à souche tortueuse, à feuilles agencées en rosettes , à petites fleurs violacées.

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ADAPTATION DES PLANTES LITTORALES

Ancrage profond dans les moindres fissures grâce à un appareil racinaire extrêmement développé (d'après Alain Crouzet, 1973).

LE PERCE-PIERRE Racines principales (r.p.)

et secondaires (r.s.) chez les jeunes 1 ~ plantules de 10 à 15 jours (a),

3 à 4 semaines (b), 3 à 5 semaines (c) et chez une jeune plante (d).

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ADAPTATION DES PLANTES LITTORALES

D'après Alain Crouzet, 1973

• , 2 l • 5

cm

rad.

Racines principales (r.p.) secondaires (r.s.) et radicelles (rad.)

d'un Individu âgé croissant sur un sol riche en éléments grossiers.

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La Petite Saladelle ... (Llmonlum mlnutum)

D'autres composantes s'inscrivent dans le sil­lage de ces deux chefs de file :

- un petit Lotier (Lotus Allionii) à tiges et feuilles soyeuses, à fleurs groupées d'un beau jaune vif, à carène pourpre ;

- une Euphorbe vivace (Euphorbia pithyusa), à feu illes rapprochées et imbriquées, les inférieures rabattues vers le bas, laissant perler, à la section, un suc laiteux, gluant, de couleur blanche ;

- un Laiteron (Sonchus glaucescens), à feuil ­les lisses, profondément découpées, presque épi­neuses, à fleurs jaunes ;

- un Séneçon , la Cinéraire (Senecio cineraria), presque un arbuste, à feuilles cotoneuses, d'un blanc vert pâle, passablement échancrées. à fleurs jaunes également ;

-une carotte sauvage (Daucus gingidium), plante bisannuelle très semblable à sa sœur cultivée mais à feuilles plus luisantes, plus épaisses, presque charnues :

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Un bouquet de fleurs sur la roche littorale: au premier plan, la Petite Saladelle ; en arrière, à droite, l ' Immortelle, à gauche, la Cinéraire, toutes deux à fleurs Jaunes.

-une Graminée [ (Dactylis hispanica (=Dac­tylis glomerata) 1 à épis denses et globuleux ;

-un petit Mesembryanthème (Mesembryan­themum edule) à feuilles grasses, se mi-cylindriques, linéaires.

La limite altitudinale habituelle de cette associa­tion est de l'ordre de six à huit mètres au-dessus du niveau moyen de la mer. Mais elle peut s'élever jusqu'à 30 et même 40 mètres sur les parties abrup­tes des côtes bien exposées aux vents dominants.

On peut l'observer, à l'état plus ou moins frag­mentaire, sur tout le littoral de l'île des Embiez. Mais elle se dévoile , dans toute sa splendeur, sur les rochers et talus littoraux des pointes de Saint-Pierre et du Petit-Rouveau.

Ce peuplement demeure étrange, à divers points de vue, en raison des questions qu 'il suscite , qui n'obtiendront jamais que des réponses partiel­les, insuffisantes.

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--Comment des plantes aussi diverses peu­vent-elles s'adapter à un milieu tellement contrai­gnant?

-Sont-elles amies du sel (halophiles) ou le tolèrent-elles (halo-résistantes) ?

- Comment réagissent-elles aux rigueurs du climat : sécheresse et chaleur estivales, froids hi­vernaux , lessivages alternés d 'eaux douces et marines (ruissellement des pluies, assauts répétés des houles et des vagues) ?

Sans doute, ces éclaireurs avancés de la flore terrestre , aux confins du ciel , de la terre et des eaux, dévoilent-ils des adaptations qu 'ils partagent avec d'autres plantes halophiles ou xérophiles, soumi­ses au sel et à la sécheresse :

-un système d'ancrage exceptionnellement développé, capable de répondre aux sollicitations les plus intimes d'un substrat diaclasé, fendillé à l'extrême;

-une réduction des surfaces foliaires, tendant à limiter les effets de la transpiration;

-des organes succulents , communs à toutes les plantes grasses.

Ce sont là des faits d'observation irréfutables. Suffisent-ils à satisfaire notre curiosité?

La nature est un livre tout rempli de mystères. Il est sans doute bon qu 'elle en cache jalousement quelques pages.

SOUS LA DOUBLE MORSURE DU VENT ET DU SEL

E N arrière de ces bastions audacieux, les plus exposés de la végétation terrestre , s'étale une zone où les conditions de milieu ne sont

guère plus clémentes . Peut-on imaginer un type d 'habitat où la violence des vents serait telle qu'elle parvienne à déformer les édifices, à altérer jusqu 'au cœur des structures en place, à remodeler l'archi­tecture de base jusqu 'à la rendre méconnaissable?

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Morcellement en touffes

du couvert végétal balayé par les vents

T

C'est à cela que la nature doit faire face , sur des reliefs tantôt caressés par les brises ou balayés par les tempêtes, aspergés de sel marin , sournoisement léchés par des polluants de toutes sortes écrémés en mer et placardés sur les rivages en crépis anar­chiques.

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Ici , le vent s'est séparé des vagues. Dans un domaine où il sévit en maître, chaque plante fait "le dos rond ". Passerine ou Plantain, tout le monde courbe l'échine et le port en boule s'impose, impri­mant au paysage un moutonnement singulier.

C'est le règne des chamaephytes, arbrisseaux en touffes, qui forment une ceinture plus ou moins continue en arrière de rochers littoraux colonisés par les plantes halophiles.

La physionomie du peuplement est dominée par deux composantes :

-la Passerine (Thyme/aea hirs u ta) , à tiges ramifiées ligneuses et tortueuses, édifiant des buis­sons élégants, garnies de feuilles soyeuses en­dessous, en écailles étroitement emboîtées sur des rameaux souples et pendants ;

-le Plantain à feuilles en alène , piquantes (P/antago sub u/a ta), beaucoup plus abondant ici que sur le littoral des Maures et que l'on retrouve en pleine prospérité vers l'ouest, en Provence calcaire, sur les côtes fouettées par le Mistral.

On y voit aussi l'Immortelle (Helichrysum stœ­chas), à capitules hémisphériques d'un beau jaune d'or, à feuilles enroulées sur les bords, vertes ou cendrées, odorantes.

L'influence du sel y est encore non négligeable, comme en témoignent bon nombre de composan­tes des peuplements de la frange maritime précé­dente (le Perce-pierre, la petite Saladelle, la Ciné­raire, l'Euphorbe et le Lotier des rochers littoraux) . Mais on y remarque également des Cistes, Roma­rins , Pins d'Alep et Genévriers de Phœnicie, souli­gnant une plus grande diversité du couvert végétal dans une zone de transition semi-halophile, où le sel marin n'est plus le seul à imposer sa loi.

C'est dans cette zone, sous l'effet conjugué des embruns et des vents, que l'on observe les plus belles morphoses végétales. Les pins d'Alep arbo­rent un port en drapeau. Les plantes arbustives s'étirent en ellipses dont le grand axe souligne la direction du vent dominant. La Passerine, le Lentis­que, le Ciste à feuilles de Sauge s'organisent en

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La Passerine hirsute (Thymelses hlrsuts) aux rameaux élégants (cl-dessus). Le Plantain à feuilles en alène (Plsntsgo subulsts) : des Inflorescences en épis émergent d'un coussin de feuillage (cl-contre).

touffes et buissons rongés , déchaussés sur leurs arrières, ne laissant subsister vers le rivage que le squelette de leurs racines, branches ou rameaux desséchés par le sel et le vent. La partie vivante de ces fantômes morphosés s'incline vers l'intérieur des terres et il n'est pas rare d'observer, en amont, à l'abri de ces touffes en survie , une florule de plantes herbacées en quête d 'ambiance plus clé­mente, plus sereine .

La répartition de ce peuplement de chamae­phytes littoraux reflète fidèlement l' influence des vents.

On l'observe , à son optimum, dans les secteurs les plus exposés où il s'infiltre profondément à l' intérieur des terres : à l'ouest et au nord-ouest, aux

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'" Pinède de Pins d'Alep

morphosés par le sel et le vent

EXEMPLE DE MORPHOSE D'UN ARBUSTE SOUMIS AUX VENTS ET AUX EMBRUNS.

(d 'après Alain Crouzet)

Plante. herbacée. réfugiée. en amont de la partie vivante

pointes de Saint-Pierre et de la Gabrielle qui font face au mistral ; au sud également, à la pointe du Coucoussa, où il édifie même un liséré sur la ligne de crête , jusqu 'à la tour de la Marine, à 64 mètres d 'altitude !

Partout ailleurs, il se développe avec plus ou moins de bonheur, en s'effaçant parfois discrète­ment jusqu 'à disparaître en totalité dans les anses les plus abritées.

Quel E}st l'avenir de ce type de paysage littoral? Il dépend sans doute de la sagesse des hommes.

L'eau , le sel et le vent... Au fil des temps - hélas ! - autre chose

... L 'Immortelle s'ajoute à ce tryptique, jusqu 'alors immuable, lé­(Helichrysum stoechss). chant les côtes depuis des temps immémoriaux.

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De nos jours, ce que le vent écrême à la crête des vagues n'est plus seulement de l'eau salée. Les aérosols des temps modernes véhiculent d'autres composantes, plus agressives, prêtes à grignoter la frange littorale et l'arrière-pays rapproché : des nappes d'hydrocarbures, des huiles usagées, des produits détergents associés à bien d'autres dé­chets flottants que la main de l'homme libère in­consciemment derrière une idée fausse, celle de la mer toute puissante , nourricière et purificatrice.

Il serait grand temps de se saisir, à bras le corps, de l'avenir de nos rivages , à un moment où la suprématie de l'homme, sur la biosphère , lui confisque le droit à l'erreur ! ...

UN SOUPÇON ... DE FLORE CAMARGUAISE

L ES anciennes "salines" composent un pay­sage tout différent des précédents. Ces dé­pôts sableux et vaseux imprégnés d'eau de

mer ont été profondément remaniés lors du creu­sement des deux ports et des travaux récents liés aux installations aquacoles.

La végétation s'y inscrit en lisérés étroits le long des plans d'eau , ne bénéficiant d 'espaces plus confortables qu 'autour des laboratoires piscicoles. Elle rappelle , bien qu 'à l'état tout à fait fragmentaire , le peuplement des vastes "enganes" de Camargue, hérissées de Salicornes.

Deux d'entre elles sont buissonnantes et viva­ces, à tiges ramifiées , à articles courts: Salicornia macrostachya (= Arthrocnemum glaucum), Sali­cornia fruticosa ; la troisième est plus petite, herba­cée, annuelle , à tige unique, rameuse en pyramide, à articles longs : Salicornia herbacea.

A la même famille végétale (Salsolacées), se rattachent :

- des Soudes , arbustives , pérennantes

L-- _____ _ __________________ __

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Grande Salicorne

AU NIVEAU DES ANCIENNES SALINES

Inule maritime

/ t 'a.u.ned ~ .... . ,

COLLECTION "NATURE MÉDITERRANÉENNE"

Salicorne frutescente

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p te du Petit Rouveau

o 100 210 m

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p te du Grand Gaou

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CARTE DE LA VÉGÉTATION DE L'ILE DES EMBIEZ (1987)

GROUPEMENTS VÉGÉTAUX LIÉS AU SEL ET AUX EMBRUNS

c=JCeinture halophile des rochers littoraux à Perce-pierre et Petite Saladelle.

c=J Peuplement de chamrephytes sous l'emprise du vent et du sel, à Passerine hirsute et Plantain à feuilles en alène.

c==J Peuplement des terres et vases salées, à Salicornes, Soudes, Joncs et Grar,Je Saladelle.

BROUSSE LlTIORALE A AFFINITÉS CHAUDES

Fourrés à Olivier sauvage, Lentisque et surtout Genévrier de Phénicie.

PELOUSES, PEUPLEMENTS ARBUSTIFS ET TAILLIS DE LA SÉRIE ÉVOLUTIVE DU CHÊNE VERT

CJ Pelouses diverses

~ Formations à Lentisques

GROUPEMENTS VÉGÉTAUX DIVERS

c=J Ronciers

DIVERS

~ Terrains défrichés ou labourés

ŒJ Caravaning

ESPÈCES ISOLÉES , Chêne vert

T Tamaris

q Peupliers (plantés)

.,.. Pin pignon

A Arbousier

COLLECTION "NATURE MÉDITERRANÉENNE"

c=J Cistaie pure

~ Cistaies évoluées

CJ Taillis de Chênes verts

1 <::: ::::<. 1 Végétation des suintements

~vignObleS

E=:3 Haies de Cyprès, Tamaris, Canne de Provence

E Bruyère arborescente

* Genévrier remarquable

K Chêne Kermès

• Lavatère arborescent

L d'Hyères (L olbia)

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Arroche

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Grande Saladelle

AU NIVEAU DES ANCIENNES

SALINES

... ~

Juncus acutus

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LA PARURE VÉGÉTALE DE L'ILE DES EMBIEZ

(Suaeda fruticosa), herbacées, annuelles (Sa/so/a Kali) ;

- le Pourpier de mer (A trip/ex halimus), arbris­seau dressé à feuilles alternes, d'un blanc argenté, à fleurs groupées en épis jaunâtres;

-l 'Arroche (Obione portu/acoides), petit ar­buste à tiges couchées, à feuilles grasses, oppo­sées et lancéolées.

On y observe également des Joncs : - le premier, Juncus acutus, à souche grosse

et fibreuse , à tiges nues, à fleurs groupées en panicules fournies armées d 'une bractée longue et piquante ;

-le second , Juncus mu/tif/orus, à souche tra­çante , à tiges feuillées , à panicules plus élégantes, longues et étroites.

Des Composées colonisent aussi ces étendues sablo-vaseuses du bord de mer :

-une Inule (/nu/a crithmoides), à feuilles vertes et charnues, à bord longuement parallèles, souvent terminées par trois dents ;

- une Armoise littorale (Artemisia gallica), à tiges et feuilles veloutées et grisâtres.

Deux espèces de Salade Iles (Limonium vu/gare, la plus grande, Limonium virgatum) ainsi qu 'un Plantain à feuilles semi-cylindriques, gorgées de sucs (P/antago crassifo/ia) complètent l'analyse du peuplement.

Enfin , à tous ceux qui s 'intéressent d'une manière encore plus précise à ces étendues sablo­vaseuses salées, on peut offrir en prime, à la belle saison , toute une florule de graminées dont les noms scientifiques, intraduisibles en langage cou­rant, évoquent souvent les affinités littorales : Agro­pyrum acutum, sur vases et terres assez compac­tes , émergées, Hordeum maritimum, Lepturus fili­formis, Lepturus incurva tus, Po/ypogon maritimum, sur sables limoneux.

Un seul arbre, le tamaris (Tamarix gallica), tente de dominer discrètement, en raison de sa taille , ce

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ROGER MOLINIER, PAUL MourrE

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mélange de sable , de vase , d 'eau , de sel ... qui manque ici d 'espace pour offrir à la vie le temps de s'exprimer pleinement, comme en Camargue.

Sur l'île des Embiez, en dehors des anciennes "Salines", des peuplements du même ordre, tout aussi fragmentaires, s'observent au niveau de l'ar­rière-plage de la Gabrielle.

VERS UNE BROUSSE LIITORALE ... A AFFINITÉS CHAUDES

D Ès lors que s'efface l'emprise du sel et du vent, un couvert végétal plus dense, plus touffu , tend à faire valoir ses droits. Depuis

longtemps, les botanistes ont souligné, sur les rivages de la Côte d'Azur et de la Provence, la

LA BROUSSE LITTORALE A OLÉASTRE ET LENTISQUE

nomb,. ~ pa i ,. dr fo(iolrs

LENTISQUE (cf photo couverture)

FONDA TlON OCÉANOGRAPHIQUE RICARD

LA PARURE VÉGÉTALE DE L'ILE DES EMBIEZ

double individualité , physionomique et floristique , d'une "brousse " souvent épaisse qui succède , en altitude, aux groupement végétaux halophiles clair­semés balayés par les embruns.

Les arbrisseaux et arbustes qui caractérisent ce type de peuplement sont: l 'Olivier sauvage (Olea oleaster), le Genévrier de Phœnicie (Junipe­rus phœnicea) sous sa forme littorale (variété Iycia, à fruits très gros et graines peu nombreuses), le Lentisque (Pistacia lentiscus) et le Myrte (Myrtus communis), qui soulignent une ambiance climati­que chaude mais peu sèche et surtout douce en hiver.

Très prospère en région niçoise , cette végé­tation s 'estompe progressivement vers l 'ouest, notamment au-delà de la rade d 'Hyères où elle affronte l'assaut des vents froids généreusement distribués par la vallée du Rhône.

C'est ce que l'on observe à l'île des Embiez où , en l 'absence du Myrte, cette brousse thermo­phile se dévoile sous une forme floristiquement appauvrie , éparpillée en fourrés discontinus rendus souvent impénétrables par la Salsepareille (Smilax aspera), liane agressive aux feuilles épineuses.

MAIS ... OÙ S'EST DONC CACHÉE LA FORÊT?

T OUT porte à croire que l 'île des Embiez était autrefois recouverte par une forêt de feuillus , sous forme de taillis et bois de Chênes verts

(Yeuseraie) . Victime de la gourmandise et de l' in­conscience des hommes (exploitation abusive des ressources ligneuses , incendies de forêts), elle a été rasée , comme en bien d 'autres sites , et sa réimplantation naturelle s ' inscrit dans le cadre patient des lois de la nature , bien au-delà :.:le la longévité de générations humaines trop courtes .

Il faut apprendre à connaître , à accepter ces "choses " de la nature , dont l'échelle temporelle

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ROGER MOLINIER, PAUL MOUrrE

QUELQUES ÉLÉMENTS DE L'ESCORTE DU CHÊNE VERT

CH~NE-VERT

CHÈVREFEUILLE A FEUILLES LISSES

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LA PARURE VÉGÉTALE DE L'ILE DES EMBIEZ

QUELQUES ÉLÉMENTS DE L'ESCORTE DU CHÊNE VERT

FILARIA A FEUILLES ÉTROITES

COLLECTION "NATURE MÉDITERRANÉENNE"

SALSEPAREILLE

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déborde le cadre de notre temps. Dame Nature n'a pas d 'âge. Elle dispose toujours , devant elle, du temps d'agir ... et nos velléités maladroites, tendant à orienter sa marche , la font sans doute sourire si d 'aventure elle est capable d 'opposer, à l'orgueil de l'espèce humaine , l'humilité quotidienne des herbes et des bêtes .

De nos jours, la Yeuseraie est presque inexis­tante aux Embiez où on ne l'observe guère qu 'en deux localités au sud de l'île , sous forme de bois ou de taillis de faible superficie dont la composition floristique , appauvrie , ne rappelle que d 'une manière tout à fait timide et discrète l'association du Chêne vert , symbole de la végétation forestière méditerra­néenne.

QUELQUES ÉLÉMENTS DE L'ESCORTE DU CHÊNE VERT

ASPERGE SAUVAGE GARANCE

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A la pointe du Grand Gaou, elle édifie un petit boisement de six ou sept mètres de haut. Le Chêne vert (Quercus ilex) y assure un recouvrement de 100 % avec, en sous-bois, le Chèvrefeuille (Lonicera implexa), le Filaire à feuilles étroites (Phillyrea an­gustifolia), le Petit Houx (Ruscus aculeatuû le tout dans un enchevêtrement de longues guirlandes de Salsepareille (Smilax aspera) agrippées aux bran­ches des chênes.

Deux cents mètres à l'ouest de cette station, les Chênes verts composent un taillis de deux à trois mètres de haut, riche en Lentisques et Filaires à feuilles étroites, implanté sur la rive droite à forte pente, exposée au nord-est, d'un petit vallon qui s'incline vers la mer.

Quelques Chênes verts peuvent également être observés sur le coteau de la colline du Château, entre la Tour et le Port; le sol y est plus humide, la strate herbacée plus fournie mais le peuplement s'y révèle toujours aussi fragmentaire .

UN COUVERT ARBUSTIF, BEAUCOUP PLUS QU'ARBORÉ

Le Ciste à feuilles de sauge

rC/sfus ss/visefal/us)

A DÉFAUT de couverture forestière, les zones intérieures de l'île des Embiez con jugent divers types de paysages arbustifs. C'est le

domaine des Cistaies, qui se dévoilent sous deux visages.

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QUELQUES COMPOSANTES DES PEUPLEMENTS ARBUSTIFS

ROMARIN

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CISTE A FEUILLES DE SAUGE

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CHÊNE KERMES

CISTE DE MONTPELLIER

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Les affleurements de quartzites, depuis la pointe du Coucoussa jusqu'au Château , portent une Cistaie que l'on peut qualifier de "pure ", tant elle est physionomiquement dominée par le Ciste à feuilles de Sauge (Cistus salviaefolius), sous-arbrisseau à fleurs blanches, solitaires, à feuilles ovales, petites, d 'un vert foncé , dotées d'un réticule de nervures bien souligné.

Lorsque le sol est moins ingrat, ce peuplement s'enrichit du Ciste de Montpellier (Cistus monspel­liensis) , à fleurs blanches également mais à feuilles plus longues, sans pétioles, visqueuses.

On y remarque aussi des pieds de Romarin (Rosmarinus officinalis), de Lavande des Maures (Lavandula stœchas) à fleurs étroitement serrées, d 'un pourpre foncé et de Calycotome épineux (Ca­Iycotome spin osa) à fleurs jaunes, arbuste redou­table aux épines acérées.

La flore herbacée y est essentiellement révélée par des touffes plus ou moins denses d'une grami­née à souche rampante, à tiges ramifiées , à feuilles courtes, étalées, raides et étroites, le Brachypode rameux (Brachy podium ramosum), la "Bauco" de Provence.

Certaines de ces composantes, telles la La­vande ou le Calycotome, seraient-elles annonciatri­ces de ces "maquis" auxquels elles s'intègrent allégrement sur les reliefs siliceux des Maures, de l'Esterel , de la Corse ou des Pyrénées orientales? Sûrement pas car, curieusement , les deux grandes Ericacées, l'Arbousier (Arbutus unedo) et la Bruyère arborescente (Erica arborea), qui dominent habituel­lement ces peuplements ne poussent, aux Embiez, que par pieds isolés.

Ce second visage de la Cistaie traduit , en fait, une autre orientation qui ne laisse pas aisément préjuger vers quels types de taillis ou forêts cela peut conduire . Le Filaire à feuilles étroites, oppo­sées (Phi/lyrea angustifolia), et le Nerprun (Rhamnus alaternus) à feuilles alternées, à bords dentés sou­vent soulignés par un liséré de cuticule jaune, de même que le Lentisque, omniprésent, ne laissent

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QUELQUES COMPOSANTES DES PEUPLEMENTS ARBUSTIFS

CALYCOTOME ÉPINEUX

LA PARURE VÉGÉTALE DE L'ILE DES EMBIEZ

ARBOUSIER

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LAVANDE DES MAURES

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rien deviner des orientations choisies à long terme par la nature.

D'autres peuplements arbustifs s 'observent encore aux Embiez.

C'est ainsi que le Chêne Kermès (Quercus coccifera), arbrisseau touffu à feuilles épineuses, caractéristique des garrigues en pays calcaire , s'étale en touffes buissonnantes vers la pointe du Canoubié.

On remarque également l'importance des peu­plements de Lentisque, sous des pinèdes de Pins d'Alep, où de larges plaques de ce Pistachier sont piquetées d'autres arbustes (Filaires, Chênes verts , Chênes Kermès), entremêlés de lianes diverses [Chêvrefeuille, Salsepareille , Asperge sauvage (As­paragus acutifolius) Garance voyageuse (Rubia peregrina) l-

Quel est l'avenir de ce paysage végétal? Nul ne saurait le dire , en raison de la lenteur d'une évolution qui demeure incertaine . Décidément , certaines énigmes n'obtiennent pas de réponse , sur des frontières indécises où l'on passe d'une Provence à l'autre, calcaire ou sil iceuse , fraîche ou tiède, sèche ou plus humide.

DES ARBRES, DES BUISSONS ... MAIS AUSSI DES PELOUSES

A TOUS ceux qui se penchent sur les plantes herbacées , l'île des Embiez offre , en pâture , divers types de pelouses. Il ne saurait être

question d 'en dresser l' inventaire exhaustif. La diversité de leurs composantes suffit à désarmer le promeneur, avide de connaître mais craignant de s'enliser dans les dédales d'un monde végétal qu'il aborde humblement, sur la pointe des pieds.

Il laisse volontiers aux spécialistes ou aux amoureux avertis des herbes, de leurs mystères, de leurs cachotteries , le soin de distinguer les pelouses qui habillent les talus ou les bords des chemins des stades herbeux post-culturaux ou de ceux que la

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LA PARURE VÉGÉTALE DE L'ILE DES EMBIEZ

main de l'homme impose nécessairement pour se protéger du feu par un débroussaillement salutaire.

UN AVENIR FORESTIER INCERTAIN

La pinède de Pins d'Alep blottie à l'abri

du mistral

A LA LUEUR indécise de ce qui précède, on peut se demander quel est l'avenir forestier de l'île des Embiez. Les bois de Pins d'Alep

y sont peut-être promis à une belle prospérité. Mais ces pinèdes ne composent pas une véritable asso­ciation végétale , en équilibre avec le sol et le climat.

Essence rustique, le Pin d'Alep tolère toutes sortes de peuplements sous-jacents, arbustifs (ma­quis siliceux ou garrigues calcaires) ou herbacés (friches et pelouses de nature variée).

Peut-on réellement appeler "forêts" ces boise­ments sans escorte précise , dès lors qu 'une foule de composantes peuvent s'y déployer dans le dé­sordre?

Le couvert forestier le mieux équilibré, la Yeu­seraie, ne saurait se reconstituer qu 'au prix d'une

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ROGER MOLINIER, PA UL MOurrE

PINÈDES DE PINS D'ALEP

o 100 200 m

normaux ~'~e~]

jeunes pins 1 9 -~ 1 pins isolés l'

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LA PARURE VÉGÉTALE DE L'ILE DES EMBIEZ

longue patience et en des points bien privilégiés, en échappant aux assauts jumelés des vents et des embruns.

Mais .. . peut-on vraiment parler d 'équilibre sur un site aussi tourmenté , capricieux et changeant, où l'homme ne peut que contempler, presque passive­ment, l'affrontement sans âge de la mer, des rivages et des vents?

AU TERME DE LA PROMENADE ... UN TEMPS DE RÉFLEXION

Q U'ILS se rattachent à des peuplements permanents, liés au sel marin, aux suinte­ments d'eau douce, ou qu'ils s'inscrivent

dans les séries évolutives de la brousse littorale à Oléastre et Lentisque ou du Chêne vert, les grou­pements végétaux de l'île des Embiez composent un habit d'arlequin.

Un manteau déchiré , lacéré , rapiécé par le temps à travers ses multiples facettes: la mer, le vent, le sel, le soleil , les nuages, les saisons et les hommes ...

Mais aussi , pour tous ceux qui tentent de décoder les pages de ce grand livre épanoui des herbes et des bêtes .. . une poésie permanente , abandonnée, offerte à tous les sens de ceux qui savent encore échapper, ne serait-ce que quelques heures, à l'étreinte oppressante d 'habitats humains entassés, agglomérés, sans âme.

Avec , par surcroît , l'exemple permanent de courage, d'endurance, de patience et d'humilité que la nature livre aux hommes.

Rien n'est définitif, rien n'est irréversible pour qui consent à négliger pour un temps .. . l'horloge ou la montre , au cadran temporel trop étriqué, trop répétitif, trop monotone .. . pour s'ouvrir vers des horizons plus vastes , où tous les rêves sont per­mis . •

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RAMENEZ DES EMBIEZ UN BRIN DE POÉSIE ...

A MI lecteur, votre visite est terminée. Les auteurs ont pensé, en guise de bouquet final , vous offrir une gerbe de feuilles blanches

ouvertes à votre fantaisie . Elles accueilleront peut-être une esquisse, un croquis ou quelques notes personnelles, pénétrées du respect des beau­tés naturelles.

Dans leur perpétuel rajeunissement , les paysa­ges sauvages ignorent les rides de la vieillesse . Au renouveau de chaque printemps comme au cœur de l'hiver, ils traduisent en permanence le triomphe de la beauté. C'est ce qu 'exprime d'une manière saisis­sante, presque envoûtante, Lucien Hauman dans son "Eloge des Plantes n.

"ELOGE DES PLANTES"

"Essayons maintenant, pour la mieux comprendre, d 'analyser les éléments de cette beauté partout triom­phante et partout honorée, compréhensible à tous, en­fants et adultes, pauvres et riches, simples et raffinés, la seule peut-être, sur laquelle il n y a pas de désaccord.

On peut y distinguer la couleur, les volumes et la ligne, les ensembles et le détail.

C 'est à la couleur qu 'on est, en général, le plus sensible. Sur le vert, dont le charme inépuisable a peut-être pour base sa bienfaisance et sa nécessité, sur le vert des feuillages se détache la gamme complète des tons vifs ou amortis, purs ou combinés des corolles, sans que jamais, par un inexplicable miracle, ils ne se heurtent ou ne se nuisent.

Les volumes, eux, modèlent le paysage, ménagent les lumières et les ombres, donnent aux fruits leurs rondeurs inspiratrices de tant de natures mortes, et c 'est à eux surtOut que les grands arbres doivent leur aspect de puissance, leur souveraine majesté.

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Mais c'est indiscutablement dans la ligne que triom­phe la beauté végétale, et c 'est à quoi la plupart des yeux semblent ne pas être sensibles. On est immédiatement charmé par l'éclat des couleurs et l'harmonie des ensem­bles, mais le détail, exquis pourtant, passe trop souvent inaperçu. En dehors même de la fleur - dont il en est pourtant, sans couleur ou trop petites que personne ne regarde et qui sont des vrais bijoux - , il n 'est rameau, feuille ou brin d'herbe, pour anonyme qu'il soit, ou même méprisé, comme le pissenlit ou l'ortie, qui ne montre aux yeux qui regardent, un galbe impeccable, une calligraphie sans défaut.

Car c'est ici le monde de l'élégance, et l'on peut, sans crainte d 'exagération, proclamer /'infaillible élé­gance des formes végétales. Elégance infaillible dans une infinie diversité, car il n y a pas seulement la fantaisie sans limite des deux cent mille espèces distinctes qui peuplent la planète, mais les diversités individuelles, les différences de feuille à feuille, de fleur à fleur, jamais identiques, car la nature, dans ses décorations magnifiques, dédaigne en général la symétrie, ne stylise jamais. Et, cependant, est-il architecture humaine, régulière et symétrique, qui l'em­porte sur celles de nos forêts, aux colonnes toujours inégales, aux voûtes faites de branches capricieusement tordues et ramifiées

Et voici maintenant le dernier hommage : cette activité prodigieuse qui, puisant à pleines feuilles dans le rayonnement du soleil, construit et détruit sans trêve, laboure le sol, renouvelle l'atmosphère, peuple les eaux, couvre les continents de forêts et de prés, cette effarante jonglerie d'atomes et de molécules qui font tourner dans un cycle éternel, le carbone et l'azote, et dont résultent par dizaines de milliers les produits de toute sorte sur lesquels se sont moulées la vie des bêtes et l'industrie des hommes - et toute cette prolifération immense de formes toujours belles dans leur ensemble et dans leurs détails, tout cela, nuit et jour, se réalise dans le plus absolu silence.

Les plantes qui, 'mieux que nous, sont sensibles à la lumière, à la chaleur, au contact, à la pesanteur, aux propriétés chimiques des corps, sont sourdes.

Le son qui, très tôt au cours de l'évolution, a pris dans la vie animale une si grande importance, et qui par la radio, le phono, la folie des concerts, bouleverse la vie

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humaine, n'existe pas pour elles. La musique la plus suave ou le bruit le plus discordant laissent indifférente la plus sensible sensitive, dont un souffle fait refermer la feuille.

Etant sourdes, elles sont muettes. Certes, il y a les "murmures de la forêt", le bruit charmant des feuilles dans la brise, la plainte ou le craquement tragiques des arbres dans la tempête, mais il faut à cela des forces étrangères dont la plante n'est pas responsable. Les plantes se taisent. Belles, actives, bienfaisantes et muettes : est-il plus admirable éloge ?"

Lucien Hauman "L'Eloge des Plantes"

Revue de l'Université de Bruxelles, 1952

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NOTES, OBSERVATIONS PERSONNELLES ... If~

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NOTES, OBSERVATIONS PERSONNELLES ...

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NOTES, OBSERVATIONS PERSONNELLES ...

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Table des matières • Avant-propos : "La parure végétale de l 'île des Embiez 1 • Une double charnière géologique et climatique ........ ...... ........ 3 - A l'amorce de la Provence cristalline .... ..... .. .............................. . 3 - Une zone climat ique de transition ... ... ..... ....... .... ........ .... .. .... ...... .. 4 • Un habit d'Arlequin .................... .............. ... .. ..... ......... .............. ..... 4 - Une flore imprégnée par la mer ................ .. ..... ... ... .... ... .... .. ...... .. .. 4 - Des paysages ciselés par le vent et le sel .......................... .. ...... 8 • La frange littorale immédiate ...... ...... .. ...................... ... ... .... .. .... .. 8 - L'habillage discret des rochers littoraux .. ..... .. ... .......................... 9 • Sous la double morsure du vent et du sel... ........................ ... .. 16 • Un soupçon de flore camarguaise .. ...... ... ........... ...... .......... .... ... . 22

Carte de la végétation de l'île des Embiez ..... ........... .............. ..... . 24

• Vers une brousse littorale ... à affinités chaudes ...... ............ ... . 28 • Mais ... où s'est donc cachée la forêt? .... ...... ....... ....... ........... ... 29 • Un couvert arbustif, beaucoup plus qu 'arboré ...... ..... ... ... ... ... . 33 • Des arbres, des buissons ... mais aussi des pelouses ........ .... 38 • Un avenir forestier incertain .... .. ...... .... .. .. ........ .. .... ............ .......... 39 • Au terme de la promenade, un temp·s de réflexion .... ... ....... .. 41 • Ramenez des Embiez un brin de poésie... ........ ........ .. ........ .... .. 42

• DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Jean·Plerre Peyret. MISE EN PAGE: Christian Frasson • AU· TEURS DES ILLUSTR~TIONS : Beaufle, Parc national de Port-Cros (p. 34) ; Christian Bouchet (dernière de couverture) ; Alain Crouzet(pp. 11 et 12) ; Daniel Dewalle, Société Pernod Ricard (20 de couverture, pp. 17, 21, 39) ; Pierre Escoubet, Fondation océanographique Ricard (p. 7, 48) ; Daniel Gleltz, Parc nat. de Port-Cros (couverture, p. 15) ; Paul Moutte (pp. 13, 14, 19, 24, 25) ; Parc nat. de Port-Cros (pp. 10, 15,20,33)), Alain Riva (p. 2) . • IMPRESSION : Imprimerie spéciale Ricard. DÉPÔT LÉGAL: juin 1987.

Les planches botaniques sont l'œuvre du Pr René Molinier.

© 1987 - FONDATION OCÉANOGRAPHIQUE RICARD. TOUS DROITS RÉSERVÉS

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fondation océanographique ------ RICARD

Une association originale La Fondation océanographique Ricard, association régie par la loi du

1" juillet 1901, a été créée à l'initiative de M . Paul Ricard. C'est, en France, la seule association qui se consacre à la mer avec une telle ampleur. Ses activités illustrent sa vocation .

• Etudier la mer, sa vie, sa protection contre la pollution et, plus généralement, procéder à des recherches scientifiques sur ces problèmes. Une équipe permanente de scientifiques se consacre à la recherche fondamentale et semi -appliquée dans le domaine de la biologie, de la microbiologie et de l'écologie marines, de la pollution des eaux littorales, ainsi que de l'aquaculture, en liaison avec les autres laboratoires méditerranéens tels que l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), la société Elf-Aquitaine, le Laboratoire central des Ponts et Chaussées, le ministère de l'Environnement, l'agence de bassin Rhône-Méditerranée, par exemple. En particulier, la Fondation fait partie du Groupement d'intérêt scientifique "Aquaculture en région méditer­ranéenne ". Elle se trouve aussi liée à des professionnels comme la Coopérative des pêcheurs du Brusc, entre autres.

Aux Embiez, elle dispose d'un centre de recherches qui comprend des bassins d'expérimentation de grand volume. Ses travaux sont placés sous l'autorité du Pr Nardo Vicente, responsable scientifique, qui dirige le Centre d 'étude des ressources animales marines (CERAM) à la faculté des sciences de l ' université Aix-Marseille III.

• Informer les spécialistes et le grand public Depuis sa naissance, la F()ndation s'est toujours préoccupée de communi­

quer le savoir acquis, de sensibiliser le public aux grands problèmes de la mer. Organisation de colloques, participation à des congrès, présentation de confé­rences, d 'expositions, ouverture des aquariums méditerranéens et du musée océanographique aux visiteurs, voilà quelques-uns des moyens qu 'elle met en œuvre.

Des stages permettent également de recevoir des étudiants préparant des thèses, des diplômes d ' ingénieur, des diplômes d'études approfondies .. . D ' au ­tres stages s'adressent aux professeurs de sciences naturelles, aux aquario­philes.

Au titre des expositions, elle propose " Vivre avec la mer", itinérante, élaborée avec Jacques Rougerie, architecte. Avec l' Education nationale, elle organise aussi des expositions sur le thème "La mer et l'enfant". Les publications de la Fondation s' adressent aux spécialistes ( " Vie marine " thèses, mémoires, études .. . ) ou au grand public ( " Océanorama ", "Notes d 'information ").

CENTRE DE RECHERCHES AQUARIUM, MUSÉE

Ile des Embiez - Le Brusc 83140 SIX- FOURS-LES-PLAGES

Tél. : 94.34.02.49

DIRECTION -ADMINISTRATION PUBLICATIONS

81, bd Anatole-de-Ia-Forge 13014 MA RSEILLE Tél. : 91.98. 12.74

En communion étroite avec la nature: le Pr Roger Molinier (à dr.) et Paul Moutte.

• Roger Molinier est originaire du Tarn-et-Garonne. Professeur de biologie végétale à la faculté des sciences de Marseille-Luminy, il enseigne également l'écologie appliquée à l'Institut d'aménage­ment régional d'Aix-en-Provence. Il préside, depuis sa création en 1969, le Comité de sauvegarde et de rénovation des forêts et des espaces naturels qui s'est donné pour tâche l'information du public en matière de lutte préventive contre les incendies de forêts. Il préside aussi, au ministère de l'Environnement, le Comité de la recherche dans les espaces protégés, chargé de susciter et de coordonner des programmes de recherche scientifique associant les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux et les réserves naturelles terrestres ou marines .

• Paul Moutte est originaire du Var. Maître de conférences à l'Université de Provence, il enseigne la biologie végétale à la facul­té des sciences de Marseille-Saint-Charles. Président de la Société linnéenne de Provence, il anime avec beaucoup de foi et de persé­vérance l'une des associations les plus anciennes orientées vers la protection de la nature en région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Roger Molinier et Paul Moutte s'inscrivent parmi les plus ardents défenseurs du patrimoine naturel de notre pays.

Ils disent ensemble: "Les secrets les plus cachés du monde vivant ne sont pas écrits dans les livres. Ils se méritent, pas à pas, au détour du moindre sentier, tantôt trahis par le parfum, par la cou­leur ou par l'élégance des formes, unissant dans une même et presti­gieuse aventure les herbes, les bêtes et les hommes".

Les deux auteurs sont fiers de se prévaloir de solides racines paysannes, profondément ancrées dans la terre créatrice, source d'une cueillette intarissable de bouquets de feuillages, de fleurs et d'espérance.

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