22
- 1 - La description temporaire dans La Jalousie d’Alain Robbe-Grillet Karin Habberstad Halmstad Högskola Franska 15 hp Handledare : Tawfik Mekki-Berrada

La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

  • Upload
    others

  • View
    14

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 1 -

La description temporaire dans La Jalousie

d’Alain Robbe-Grillet

Karin Habberstad Halmstad Högskola Franska 15 hp Handledare : Tawfik Mekki-Berrada

Page 2: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 2 -

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION..............................................................................................................3

Le but du mémoire ....................................................................................................................3

DEVELOPPEMENT .........................................................................................................4

Alain Robbe-Grillet et le nouveau roman.................................................................................4

Résumé de La Jalousie ..............................................................................................................5

La durée.....................................................................................................................................6

La chronologie .........................................................................................................................10

La fréquence ............................................................................................................................15

CONCLUSION...............................................................................................................20

BIBLIOGRAPHIE...........................................................................................................22

Page 3: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 3 -

INTRODUCTION Les Éditions de Minuit ont publié La Jalousie par Alain Robbe-Grillet en 1957. C’est un roman qui a été très critiqué à l’époque. Le roman demande un lecteur actif et engagé et on ne doit pas s’attendre à un roman traditionnel. C’est plutôt un roman qui illustre les idées du nouveau roman, dont Robbe-Grillet était le porte-parole. Après une première lecture du texte, le lecteur se sent un peu confus par le contenu. De qui et de quoi s’agit-il ? C’est une histoire à trois personnages, présentée par le mari jaloux qui épie sa femme mais, le narrateur n’a pas tout présenté d’une manière évidente. Il semble plutôt qu’il a omis des détails auxquels on est habitué après avoir lu un roman traditionnel. Par exemple, les personnages ne portent pas de nom et le narrateur ne parle jamais. Ensuite, l’intrigue semble diffuse. Puis, le déroulement des événements n’est pas présenté dans un ordre temporel. De plus, le narrateur semble répéter les mêmes scènes plusieurs fois. Contrairement au roman traditionnel, le narrateur utilise le présent dans la plus grande partie du texte, mais on ne sait pas exactement à quel moment du présent le narrateur se trouve. Puis, le récit semble suivre une structure cyclique. La fin ressemble au début du roman et les mêmes actes se répètent aux mêmes endroits. Le lecteur s’interroge sur le fonctionnement de la présentation des événements. Quel rôle joue la présentation anachronique pour la comprehension de l’oeuvre ? On met aussi en question les descriptions détaillées qui peuvent occuper plusieurs pages dans le texte.

Le but du mémoire La Jalousie est donc un roman où l’écrivain abandonne la technique romancière traditionnelle. Cependant, il est intéressant de voir comment les idées du Nouveau Roman apparaissent dans La Jalousie. Dans Pour un nouveau roman, Robbe-Grillet consacre un chapitre au traitement du temps, un sujet important pour les nouveaux romanciers. Dans le but de mieux comprendre l’oeuvre, je vais essayer d’éclaircir la description du temps dans La Jalousie. Le temps est constamment mentionné sans être précisé. Le temps de la narration peut se définir à partir de l’ordre, de la fréquence et de la durée du récit. Ainsi, je vais étudier les différents moyens qu’Alain Robbe-Grillet utilise pour décrire le temps à partir de l’ordre, de la fréquence et de la durée. À l’aide de cette définition du temps du récit, je vais aussi essayer de trouver un rapport entre l’intrigue du roman et la description du temps.

Page 4: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 4 -

DÉVELOPPEMENT

Alain Robbe-Grillet et le nouveau roman Alain Robbe-Grillet, né à Brest en 1922, est décédé à l’âge de 85 ans en février 2008. Il a d’abord suivi une formation d’ingénieur-agronome et puis, pendant les années 1950, il a commencé à se consacrer à l’écriture. Les romans de Robbe-Grillet sont traduits en plusieurs langues. En effet, il a été plus populaire à l’étranger qu’en France, particulièrement aux États-Unis. Pendant les années 1970 il a enseigné à l’université de New York aux États Unis. Il a aussi travaillé comme ingénieur-agronome aux Antilles, d’où il a sûrement trouvé l’inspiration pour La Jalousie. Entre 1955 et 1985 il a été conseiller littéraire aux Editions de Minuit, où les oeuvres de Robbe-Grillet sont publiées. On l’appelle souvent « Le pape du nouveau roman » car il a été le porte-parole d’un groupe d’écrivains spécifiquement français qui voulaient renouveler le contenu et les formes traditionnelles du roman. Parmi ces écrivains se trouvaient Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, Claude Simon et Michel Butor. Le nouveau roman n’est pas une école littéraire, mais un groupe d’écrivains qui cherchaient à trouver de nouvelles formes romanesques, chacun à sa façon. Dans Pour un nouveau roman, publié en 1963, Robbe-Grillet a rassemblé une série d’articles et d’essais sur ses théories littéraires où il critiquait le roman traditionnel de Balzac. Le but du livre était de susciter des débats littéraires en cherchant de nouvelles formes romanesques. Dans Pour un nouveau roman, Robbe Grillet constate : « Ces textes ne constituent en rien une théorie du roman ; ils tentent seulement de dégager quelques lignes d’évolution qui me paraissent capitales dans la littérature contemporaine. »1 Tout au long du livre, Robbe-Grillet exprime ses différentes idées pour le nouveau roman. Par exemple, dans l’un des chapitres dans Pour un nouveau roman 2 l’écrivain discute et compare les idées sur le temps et la description du roman. La Jalousie porte de bons exemples des idées du nouveau roman. Le refus de l’intrigue est manifesté dans La Jalousie. Il y a une intrigue, mais elle est très diffuse, même si on peut interpréter un dénouement de l’intrigue. Ensuite, les événements ne sont pas présentés dans un ordre chronologique. La présentation est plutôt anachronique, puisqu’il s’agit d’images dans la tête du narrateur, complètement indépendantes du temps. Le nouveau roman contestait la linéarité de l’intrigue. Les nouveaux romanciers évitaient la description physique et la caractérisation psychologique du personnage. Dans La Jalousie, les personnages ne sont pas décrits d’une façon traditionnelle. Peu d’observations nous sont donnés sur eux, et d’après la présentation du mari, le lecteur interprète leur personnalité. Les écrivains du nouveau roman voulaient que le lecteur s’engage dans la lecture en interprétant les non-dits.

1 Cf.Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Les éditions de minuit, 1963, p 9 2 Cf. Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Les éditions de minuit, 1963, p 123

Page 5: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 5 -

Dans le roman traditionnel, les descriptions et le temps servent surtout à encadrer l’histoire. Dans La Jalousie, Robbe-Grillet emploie ses idées au sujet du temps du nouveau roman. Par exemple, tout le texte de La Jalousie est présenté par le regard du narrateur dans le but de montrer les objets et les événements tels que le narrateur les observe. Le narrateur nous les montre sans les expliquer ou commenter. Contrairement au roman traditionnel où le narrateur est souvent omniscient et omniprésent. Dans le roman traditionnel, le narrateur rapporte les événements en utilisant le passé simple. Robbe-Grillet voulait capturer l’instant, alors le présent était selon lui, le temps le plus essentiel. En utilisant le présent l’écrivain incorpore le lecteur immédiatement et simultanément dans l’histoire. Ensuite, Robbe-Grillet a aussi défendu l’idée qu’il n’y avait aucune d’autre réalité de l’histoire que celle du récit. L’histoire n’existe que dans le texte et ne dure que de la première à la dernière page du roman. Ainsi, dans La Jalousie, l’histoire ne se passe que dans la tête du narrateur. Pour refléter le présent de l’histoire, Robbe-Grillet a aussi été inspiré par le cinéma. En fait, il a même fait une carrière de cinéaste comme auteur de scénarios de quelques films. Il a trouvé que l’oeil et l’oreille sont aussi essentiels pour rendre la description au présent. Dans La Jalousie, on peut trouver l’inspiration de l’oeil cinématographique. La présentation est faite à travers le regard du narrateur. Il regarde en observant les événements et le paysage et le narrateur nous décrit l’entourage tel qu’il l’observe en regardant et en écoutant, sans lui donner une signification éventuelle. Par cette technique, l’écrivain renvoie le lecteur immédiatement à l’instant de l’histoire.

Résumé de La Jalousie La Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois personnages ayant pour cadre une maison coloniale que je voudrais situer dans les Antilles. Le mari soupçonne une relation entre sa femme et leur voisin. Le choix du titre est intéressant puisque le mot jalousie a un double sens. D’abord, le mot signifie le sentiment fort du mari qui soupçonne l’infidélité de sa femme. Puis, il signifie aussi cette sorte de rideau en bois à travers de lequel il peut épier sa femme sans être vu. L’histoire est présentée du point de vue d’un narrateur. Tout au long du texte, le mari épie sa femme d’une manière obsédée. Il reste paralysé en observant sa femme à différents moments dans leur maison. Les personnages mènent une vie monotone dans la maison coloniale et il y a peu d’action dans l’histoire. L’espace est réduit à la maison et le narrateur ne s’en déplace jamais. Dans ce roman, Robbe-Grillet n’utilise pas la technique traditionnelle du roman. Il expérimente une nouvelle technique qui demande un engagement du lecteur. Il ne décrit pas les personnages de la manière traditionnelle. Le lecteur crée le portrait des personnages par la description de leurs gestes et dialogues observés par le narrateur. Par exemple, la femme est nommée A... Ensuite, il n’est jamais dit dans le texte que c’est le mari qui présente l’histoire. On le présume justement par des faits donnés

Page 6: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 6 -

indiquant qu’il y a une troisième personne présente. Par exemple pendant l’un des dîners dans la salle à manger : « Les trois couverts occupent trois des côtés, la lampe le quatrième. A... est à sa place habituelle ; Franck est assis à sa droite – donc devant le buffet. »3 Le lecteur interprète que le troisième couvert est destiné au mari, le narrateur qui ne parle jamais. Le déroulement des événements n’est pas présenté dans l’ordre du temps. L’enchaînement des faits n’est pas lié par une causalité. La présentation des moments suit l’ordre survenu dans la tête du narrateur. Le narrateur reprend des événements en se rappelant les différentes situations. Pourtant, les reprises se distinguent un peu les unes des autres, même s’il s’agit d’une même scène. Il répète des moments différents en les mélangeant selon son interprétation jalouse de la situation. Son angoisse d’une affaire entre sa femme et Franck est aussi forte qu’il répète sans cesse les différentes scènes. C’est donc à partir d’un déroulement très subjectif présenté par le narrateur, que le lecteur s’imagine l’histoire. Dans la ligne du nouveau roman, l’intrigue est diffuse dans La Jalousie. On hésite un peu sur le dénouement de l’intrigue. Car, on a l’impression que la situation continue comme d’habitude, d’une façon cyclique. Évidemment, le mari a peur de perdre sa femme, mais il n’est pas explicitement dit dans le texte qu’il la perd. Les mêmes événements se répètent comme d’habitude tout au long du texte. Il est difficile de distinguer le moment le plus présent parmi tous les événements. Le lecteur doit lui-même interpréter le point de départ d’un déroulement des événements. En plus, le dernier chapitre rappelle le premier chapitre et renforce le sentiment d’une vie monotone et d’une structure cyclique du texte. La fin de l’histoire n’est pas la fin du texte.

La durée

Définition de la durée La durée est l’espace de temps qui s’écoule entre le début et la fin de l’histoire. On parle d’un temps d’histoire ; le temps vécu par les personnage et d’un temps du récit ; le temps du texte, celui des pages.

La durée de l’histoire dans La Jalousie Il est facile de définir le temps du texte puisque le livre consiste de 218 pages divisées en neuf chapitres. Par contre, le temps de l’histoire est plus difficile à discerner puisque le lecteur ne peut pas facilement définir le temps vécu par le narrateur. La seule chose que nous savons, c’est qu’il se trouve dans une situation où il soupçonne sa femme d’avoir une relation avec le voisin Franck. Ainsi, il semble épier sa femme dans leur maison tous les jours. À tout moment où le narrateur se déplace dans la maison on en conclue qu’il se déplace dans le temps, car il n’est pas possible de se trouver à deux endroits différents en même temps. Mais, dans cette histoire, le narrateur ne se déplace pas beaucoup. Il semble complètement obsédé par cette idée fixe et par conséquent il reste paralysé dans sa maison construisant et reproduisant des images et des souvenirs qu’il mélange dans sa tête. Il est alors plus difficile de discerner une durée de l’histoire. 3 Cf Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 21

Page 7: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 7 -

Ensuite, le temps présenté est un temps imaginaire où l’on ne peut pas définir facilement quel est le moment présent. Cependant, il est très difficile de définir la durée des faits. En plus, le manque d’une linéarité des événements complique aussi la définition de la durée. Le narrateur saute dans le temps entre imagination et observation, entre souvenirs du passé et l’observation du présent. Puis, il interprète chaque situation d’après sa jalousie. Alors, la présentation est très subjective. Les images qu’il nous présente ne sont pas dans un ordre temporel, mais dans l’ordre d’apparition dans sa tête. Donc, la continuité des événements ne suit pas un ordre chronologique. En outre, le mari répète en reproduisant les faits et les images. On ne peut pas définir le point de départ, ni le point final des événements. Le texte semble suivre une structure cyclique sans marquer le début ni la fin.

Indices d’une durée du temps dans l’histoire et dans le texte Le temps de l’action est toujours mentionné dans le texte. L’écrivain utilise beaucoup d’adverbes de temps surtout pour marquer le présent. « À cet instant » « Maintenant » « C’est à ce moment » « Le moment est venu ». Tous ces mots nous situent au moment où l’observateur est en train de nous présenter la situation. Une grande partie du texte est écrite au présent. Tout ce que le mari écoute ; les moments de conversation et les différents bruits, sont présentés au présent. Lorsque A... et Franck projettent le voyage ils utilisent le futur ou le conditionnel. « Nous partirons de bonne heure, dit Franck. »4 Et pour marquer que le voyage est terminé, ils rentrent ensemble et parlent de l’accident au plus-que-parfait. «-Nous étions partis à l’heure prévue et nous avions roulé sans incident. »5

D’abord, on pense que les différentes descriptions de la lumière du soleil peuvent nous donner une idée du temps. Mais lorsqu’on comprend que les événements ne se succèdent pas dans un ordre temporel, et qu’il n’y a aucun point de départ, il est impossible de distinguer la durée de l’histoire. De plus, le narrateur confond aussi lui-même le temps. Je pense par exemple au premier chapitre quand le narrateur essaye de se rappeler la date de l’écrasement du mille-pattes. « Elle venait de ramener la tête dans l’axe de la table et regardait droit devant soi, en direction du mur nu, où une tache noirâtre marque l’emplacement du mille-pattes écrasé la semaine dernière, au début du mois, le mois précédent peut-être, ou plus tard. »6

La vitesse narrative Si on compare le temps dans le texte avec la durée des faits, on trouve le rythme de la narration. Le rythme du récit peut varier et il existe quatre procédés qui modifient la vitesse narrative; l’ellipse, la pause, la scène et finalement le sommaire. Dans La Jalousie, il y a peu de variations du temps puisque le narrateur présente la situation qu’il l’interprète dans sa tête. L’ellipse qui accélère la vitesse du récit n’est pas fréquente dans ce roman. L’écrivain a pour but de nous présenter le moment de l’observation au présent, alors, il n’a pas besoin d’omettre des moments pour un déroulement de l’action. L’action se trouve au moment de l’observation, au présent.

4 Cf.Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 81 5 Cf. Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 84 6 Cf. Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 27

Page 8: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 8 -

Il est aussi rare que le narrateur résume des événements. Le sommaire accélère aussi la vitesse du récit car il présente des événements d’une longue durée avec peu de texte. Je pense surtout à un dialogue au cours duquel A... mentionne le climat en Afrique où elle a vécu pendant quelques années à propos de la robe collante. Mais, il y a peu d’occasions où le narrateur utilise le passé ou les adverbes de temps passé pour résumer le temps de l’histoire. Le lecteur tout comme le narrateur se suivent au présent. Dans La Jalousie, les moments qui accélèrent la vitesse du récit sont les scènes. Pendant la scène, le temps de narration est égal au temps du récit. Dans ce texte, les dialogues représentent les scènes. Au moment où le narrateur écoute A... et Franck, on a le sentiment d’un déroulement de l’action. Mais aussi pendant les autres moments lorsque le mari est en train d’écouter différents bruits, on a le sentiment de se trouver au milieu de l’action. « Le bruit assourdissant des criquets emplit la vallée entière – crissement continu, sans progression, sans nuance. »7 La durée de la narration de ce moment correspond au moment où le narrateur est en train de la vivre dans l’histoire. Mais chaque fois que le mari fait des retours en arrière en se rappelant différentes scènes, l’action se recule dans le temps. Au troisième chapitre il n’y a presque pas d’action. Le chapitre commence par la phrase « Le long de la chevelure défaite ». Minutieusement, le mari observe le travail de la brosse dans la chevelure de A.. La description est minutieuse, on entend même le bruit de la brosse travaillant du haut vers le bas. Cette longue description fait une pause dans l’action. Mais, elle renforce aussi le portrait de la beauté de A... et le lecteur sent l’admiration du mari et sa jalousie. On se demande pourquoi elle consacre tant de temps et de travail minutieux pour se faire belle. Ce chapitre ne comprend pas de dialogues, et tout le chapitre est consacré aux descriptions des pièces différentes de la maison et de son entourage. Le mari observe A.. dans ses diverses préoccupations. Dans La jalousie, il y a un grand nombre de descriptions minutieuses et détaillées qui ralentissent le rythme du récit. Je pense par exemple aux descriptions détaillées de la plantation ; « On a pour les rangées suivantes : vingt-trois, vingt-et-un, vingt-et-un, vingt-et-un. Vingt-deux, vingt-et-un, vingt, vingt. Vingt-trois, vingt-et-un, vingt, dix-neut, etc... »8 L’écrivain mesure et décrit minutieusement la rangée des bananeraies. Le lecteur a l’impression de s’y trouver simultanément avec l’observateur. On sait que A... et Franck ont l’intention de passer une journée entière en ville et pendant les chapitres 6 et 7 le mari reste paralysé dans la maison en les attendant. Alors, l’écrivain consacre deux chapitres pour décrire l’attente et l’angoisse du mari. Le temps s’écoule lentement, comme il le fait pour celui qui est en train d’attendre. Par exemple, il nous décrit le vide de la maison, en passant par toutes les pièces. Il nous décrit le silence par sa description détaillée des insectes qui tournent autour de la lampe à gaz d’essence par exemple. Les deux chapitres montrent bien l’angoisse du narrateur par les descriptions détaillées qui occupent beaucoup de texte dans cette

7 Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 181 8 Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 36

Page 9: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 9 -

partie du roman. Les hypothèses sur les raisons de leur retard et les images qu’il s’illusionne sur la relation entre Franck et A... renforcent aussi son angoisse.

Le rôle de la durée par rapport à la structure du texte La division des chapitres pourrait présenter des étapes différentes du temps du récit. Mais dans ce roman, les chapitres marqués par des intervalles blancs n’ont pas pour but de montrer un déroulement de l’action ni de marquer un déplacement du temps. Ce sont juste des étapes dans le texte. Cinq des neuf chapitres commencent par le mot « Maintenant » et l’écrivain situe le lecteur simultanément au moment où le narrateur vit le déroulement des faits. Il observe et nous décrit le mouvement de la lumière autour de la maison. Alors, le rythme est lent et le lecteur et le narrateur observent simultanément l’entourage. La structure textuelle ne peut pas indiquer une durée du temps.

Le rythme par rapport à l’intrigue Le roman ne semble pas commencer au début de l’intrigue. Et on s’interroge sur le dénouement de l’intrigue et la fin de l’histoire. Tout cela est diffus. On pourrait penser que le mari comprend que sa femme est amoureuse de Franck et qu’il accepte la situation en restant oisif. Mais, on s’interroge aussi sur le comportement de A... et Franck après leur retour du voyage. A... me semble un peu ironique par ses commentaires et gestes. Et Franck donne l’impression de ne plus être aussi fort qu’avant. Mais, c’est toujours par l’interprétation du narrateur que la situation est présentée et le lecteur interprète d’après la présentation du mari jaloux. Donc, c’est le lecteur qui reconstruit tout, en même temps qu’il est en train de lire la présentation du narrateur. Les variations du temps et du rythme mettent en valeur l’inquiétude et la jalousie du narrateur. En accélérant le rythme par les sauts du temps, l’écrivain renforce l’image d’un mari anxieux et obsédé par sa jalousie. Ensuite, l’auteur réussit bien à nous situer en même temps que le narrateur du fait que la situation est présentée par la conscience du mari lorsqu’il est en train d’interpréter la situation. Le lecteur a le sentiment de s’y trouver simultanément avec le narrateur de l’utilisation du mot « Maintenant ».

La durée par rapport à la chronologie et la fréquence Les répétitions et le manque d’un ordre temporel rendent plus difficile une distinction du temps qui s’écoule entre les événements. Le point de départ du déroulement des faits ainsi que le point final ne sont pas marqués. On a l’impression que tout retrouve son calme dans les deux derniers chapitres qui donnent l’impression que tout recommence. Les répétitions des deux derniers chapitres évoquent le sentiment d’un déroulement cyclique. Et, comme le temps vient de l’imaginaire du narrateur, on ne peut pas définir la durée. Pour être certain d’une structure cyclique il faut déterminer le début et la fin de l’histoire.

Page 10: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 10 -

La chronologie

Définition de la chronologie Dans le roman traditionnel, le récit suit un ordre chronologique, c’est à dire que les événements se succèdent dans un ordre du temps. Ensuite, il y a un début, un milieu et une fin du récit, même si l’écrivain présente les événements dans un autre ordre que temporel. C’est à dire, les événements ne se succèdent pas dans le texte mais il existe toujours un ordre des événements dans l’histoire. Par exemple, le texte peut commencer par la fin des événements d’une histoire et ensuite il présente le début du récit pour aller jusqu’à la fin, dans un ordre temporel. On part souvent de l’idée que le texte du roman commence par le début de l’histoire, et si ce n’est pas le cas, le lecteur va chercher le début de l’histoire en parcourant le texte. Dans La Jalousie, la chronologie est un sujet intéressant car ni le début ni la fin de l’histoire ne sont évidents. Est-il possible de trouver le point de départ ou le point final de l’action ? Les scènes se ressemblent et se répètent. En plus, le narrateur saute dans le temps en cherchant une relation éventuelle entre Franck et A... Alors, il confond le présent avec le passé. Les images des moments et des événements se confondent dans le temps. Ensuite, le narrateur semble confondre la réalité avec ses soupçons jaloux et imaginaires. Ainsi, le lecteur doit lire avec attention en étant très observateur pour ne pas s’y perdre. En plus, le narrateur ne bouge pas beaucoup. Il reste souvent dans la maison, dans les différentes pièces tout au long de la journée. Tout cela ne facilite pas le classement des événements dans un ordre chronologique.

Manque d’une linéarité Dans le roman, Robbe-Grillet décrit la situation d’un mari jaloux à l’instant où il l’observe. Cela veut dire que le lecteur interprète la situation d’après l’observation faite par le mari. Je pense par exemple aux moments sur la terrasse où le narrateur insinue que Franck et A...sont assis un peu trop près l’un à l’autre et qu’il est difficile de distinguer leurs gestes et mouvements. L’observation est faite dans la conscience du narrateur. Elle est aussi confondue dans le temps, puisqu’il confond le présent avec les souvenirs et son interprétation de la situation, entre le soupçon et la réalité. Le lecteur doit se méfier de la présentation subjective. Au début du texte, les événements semblent suivre dans un ordre temporel logique. D’un apéritif le soir au dîner, du lendemain matin, au déjeuner et finalement en terminant par le dîner. En effet, le récit continue les mêmes événements qui se répètent dans le même ordre tous les jours. Le narrateur nous décrit la continuité des événements quotidiens dans la maison coloniale. Mais, en présentant les moments, le narrateur fait des retours en arrière et il saute dans le temps tout au long du texte. Les scènes ne se succèdent pas dans un ordre temporel dans le texte. Par exemple, au début du quatrième chapitre, Franck et A...discutent le voyage qu’ils ont l’intention de faire. Ensuite, le narrateur écoute sa femme et Franck en train d’expliquer la raison de leur rentrée retardée du même voyage. Et à la fin du même chapitre, ils sont encore en train de décider le jour de leur voyage.

Page 11: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 11 -

Un autre exemple significatif où le narrateur fait un saut dans le temps, se trouve au septième chapitre. La présentation du mille-pattes n’est pas du tout logique dans le septième chapitre. Le mari l’observe d’abord comme une tache, puis il est vivant, et ensuite, quelques lignes plus loin, il observe Franck en train d’écraser le mille-pattes. Déjà au deuxième chapitre on commence à trouver des détails et observations qui ont déjà été présentés « Celui-ci est encore là pour le dîner, affable et souriant. »9 Cette phrase a déjà été présentée au premier chapitre. Dans le roman il existe plein d’exemples identiques déroutant le lecteur qui cherche à trouver un ordre chronologique des événements. Mais il n’y a pas seulement des phrases qui reviennent. Le narrateur reprend aussi des moments. Il y a des scènes qui sont tout à fait identiques, mais il existe aussi des variantes de ces événements. Par exemple, la scène sur la terrasse où A...et Franck essayent de fixer l’heure de leur départ pour le voyage en ville. « Franck reprend : « Nous partirons de bonne heure. » A...réclame des précisions. Franck les donne et s’inquiète de savoir si c’est trop tôt pour sa passagère. « Au contraire, dit-elle, c’est très amusant. »10 Ce dialogue est identique à celui du quatrième chapitre. La répétition et les sauts dans le temps compliquent la recherche du temps chronologique. Mais peut-être la structure du texte, la division des chapitres et des paragraphes peuvent-elles indiquer une chronologie ?

La structure des chapitres et des paragraphes par rapport à la chronologie Dans beaucoup de livres, la table des chapitres ou la structure du texte peuvent indiquer l’ordre des événements. En fait, dans ce roman, la table à la fin du roman n’aide guère le lecteur. Les titres donnent peu d’information sur le contenu. Le roman est divisé en neuf sections, dont le premier et le dernier chapitre portent le même titre. Cinq des titres commencent par le mot « Maintenant ». Le premier et le dernier chapitre ont le même titre, comme si le récit est fait d’une structure cyclique. Normalement, un écrivain construit conséquemment le déplacement du temps ou de l’espace par un intervalle blanc entre deux nouveaux paragraphes. Un écrivain peut aussi relier les paragraphes ou chapitres par les adverbes temporels. Par exemple « Le lendemain matin » etc. Il y en a peu dans le roman. Dans ce texte, il y a seulement les intervalles entre les chapitres qui sont marqués par un espace blanc. Le déplacement du temps et de l’espace ne sont pas marqués d’une façon évidente. Donc, la structure du texte n’aide pas à trouver un ordre du temps des événements.

Les descriptions minutieuses À l’aide des descriptions minutieuses faites par le narrateur, par exemple sur l’habillement des personnages ou leurs sujets de conversations, on pourrait faciliter l’organisation des scènes dans un ordre chronologique. En revanche, les détails troublent souvent un ordre des événements. Il y a souvent des scènes qui se ressemblent, mais auxquelles il manque un détail ou qui se contredisent par un autre détail. Par exemple, au premier chapitre Franck porte une chemise blanche le soir au dîner. Pendant ce dîner on peut observer la tache du mille-pattes. Pendant ce dîner, ils discutent du roman qu’ils sont en train de lire et Franck raconte aussi les problèmes du moteur de son camion. Au deuxième chapitre, on présume d’abord que les événements se succèdent. Surtout parce que le premier chapitre se termine le soir et

9 Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 58 10 Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 196

Page 12: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 12 -

le deuxième chapitre débute le matin. Mais, ensuite on est dérouté. Pendant l’apéritif sur la terrasse le matin au deuxième chapitre, Franck porte un short et une chemise kaki, mais le soir, au même chapitre pendant le dîner, il porte une chemise blanche. Une chemise qui ressemble à la chemise décrite au premier chapitre. Ensuite, le narrateur fait cette observation « Celui-ci est encore là pendant le dîner, affable et souriant. »11 Une phrase qui vient du premier chapitre, avant le dîner lorsqu’on a constaté la tache du mille-pattes écrasé. D’abord, on pense que le mari reprend ce dîner du premier chapitre, à cause de la chemise blanche. Mais, pendant le dîner du deuxième chapitre, la scène de l’écrasement du mille-pattes a lieu. La tache nous a déjà été présentée. En plus, le narrateur nous a dit qu’elle existe depuis longtemps, depuis au moins une semaine. Donc, le mari doit reprendre cet événement, mais je pense qu’il confond les détails et l’ordre des événements. Il y a d’autres exemples lorsque le narrateur semble confondre les détails en les actualisant. Je pense par exemple au moment où Franck dépose A... dans la cour. La conduite intérieure bleue de Franck est souvent observée sur la cour, mais il est toujours difficile de relier cette scène avec un moment dans un ordre temporel. On sait que Franck vient souvent dans la maison pour partager les repas avec A...et son mari. En plus, on sait que Franck a conduit A... après avoir fait une visite chez sa femme mais aussi après le voyage, alors on ne peut pas relier la scène à un certain moment. Ensuite, il y a aussi des scènes qui se ressemblent beaucoup, mais on peut trouver des détails qui les distinguent. Par exemple, pendant les apéritifs pris le matin, avant le déjeuner, sur la terrasse n’est pas forcément au même moment. Au deuxième chapitre, A...a oublié d’apporter le seau à glace pour l’apéritif ce matin, mais au cinquième chapitre elle ne l’a pas oublié. Alors, il s’agît de moments différents. Ensuite, au sixième chapitre, le mari regarde une tache. D’abord, on pense que c’est la tache du mille-pattes écrasé, mais cette fois-ci c’est la tache d’huile d’un camion dans la cour qu’il est en train de contempler.

Quelques événements importants Alors, le texte n’est pas présenté dans un ordre chronologique. Le narrateur observe sa femme et leur voisin en reprenant les moments, en faisant des retours en arrière en sautant du présent au passé. Pour mieux comprendre l’oeuvre mais aussi pour chercher s’il y a un ordre des événements extérieur du texte, on doit d’abord essayer de discerner les différents événements. Les événements suivants sont intéressants au sujet de l’ordre d’événements.

1. Le voyage en ville entrepris par Franck et A 2. Les repas 3. Le roman que Franck a prêté à A 4. L’écrasement du mille-pattes 5. Les indigènes qui réparent le pont sur la rivière

D’abord, il n’est jamais noté dans le texte dans quel ordre le narrateur aborde son récit. Il est impossible de savoir quel est le premier événement, la première scène, le début de tous les événements. Ensuite, les scènes se suivent sans cohérence, elles

11 Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 58

Page 13: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 13 -

ne s’enchaînent pas et il est difficile de trouver une relation entre les scènes, elles ne sont pas reliées par une causalité ou par un rapport temporel. Puis, le peu de déplacements faits par l’observateur font qu’il est encore plus difficile d’organiser les scènes dans un ordre éventuel. Toutes les scènes se passent dans et autour de la maison. Le mari épie sa femme sur la terrasse, dans la chambre ou dans la salle à manger.

Un ordre à l’intérieur quelques événements Pourtant, on peut trouver un certain ordre à l’intérieur de différents événements, même s’ils sont présentés à différents moments dans le texte. D’abord, on peut trouver quelques scènes qui se passent avant le voyage. Il y en a plusieurs pendant lesquelles Franck et A... essayent d’organiser le voyage en ville. Lui, pour acheter un nouveau camion et elle pour faire diverses courses. «Elle et Franck, assis dans leurs deux fauteuils, y continuent de discuter, à bâtons rompus, du jour qui conviendrait le mieux à ce petit voyage en ville qu’ils ont projeté depuis la veille. »12 Pendant le temps qu’ils sont partis, le mari reste seul dans la maison en attendant la rentrée de sa femme. Il est en train de faire des hypothèses sur les causes éventuelles de leur retard. « A...devrait être de retour depuis longtemps. »13 Et ensuite, il y a quelques scènes qu’on peut situer après le voyage. Par exemple, au quatrième chapitre, le mari contemple sa femme déjeunant d’un grand appétit après le voyage. « Elle s’enquiert ensuite des événements éventuels survenus à la plantation pendant son absence. »14 Donc, il y a un avant, un pendant et un après le voyage, mais on n’arrive pas à relier les autres événements dans cet ordre. Les repas prennent une place importante dans le récit. Ils sont souvent décrits minutieusement et il s’agit de différents repas tout au long de la journée. C’est évident qu’il y a des repas différents. Quelques-uns ont eu lieu avant le voyage et quelques-uns se passent après le voyage, cela dépend par exemple des sujets de conversation. Même si le narrateur donne au lecteur des descriptions sur la lumière et sur l’habillement des personnages pendant les repas, on n’a pas assez d’information pour mettre les repas dans une succession d’ordre du temps. Le lecteur ne peut que présumer les fait donnés. De plus, le fait que la vie quotidienne à la plantation est très monotone, où les mêmes repas sont aux mêmes endroits aux mêmes heures, il est encore plus difficile de construire un ordre de succession d’événements. Pendant les repas, Franck et A.. parlent aussi souvent du roman qu’ils sont en train de lire. Un roman qui se situe en Afrique, un peu comme la vie coloniale des personnages dans La Jalousie. Pendant l’un des apéritifs quotidiens sur la terrasse, Franck et A...fixent l’heure de leur départ, on apprend qu’ils ont terminé le roman. Alors, par cette appréhension on conclut qu’ils ont achevé la lecture du roman avant de partir en ville. L’écrasement du mille-pattes est une scène fréquente dans le roman. Pendant un dîner, A...observe une scutigère que Franck écrase résolument avec une serviette. Pendant plusieurs scènes, le narrateur regarde cette tache du mille-pattes écrasé sur

12 Cf. Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 98 13 Cf. Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 154 14 Cf. Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 94

Page 14: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 14 -

le mur de la salle à manger. Particulièrement quand Franck et A... sont partis en ville. Je présume alors, que l’écrasement du mille-pattes a dû avoir lieu avant le voyage. Pourtant, on ne peut pas relier les repas avec le voyage ou avec l’écrasement du mille-pattes. Premièrement, parce que la tache n’est pas toujours mentionnée pendant les repas où l’on discute du voyage. Deuxièmement, parce qu’ils ne parlent pas toujours du voyage pendant les repas. Plusieurs scènes minutieusement décrites reviennent tout au long de la lecture. Par exemple, on peut suivre le travail des indigènes sur le petit pont de la rivière. En étudiant les scènes on peut voir la progression de leur travail. Mais, d’un autre côté, au début du livre, on apprend par le narrateur que le travail du pont à cause des insectes qui détruisent le bois, a été fait plusieurs fois et par conséquent on ne sait pas exactement si le travail suit un ordre chronologique ou si le narrateur reprend les moments d’observations au présent.

Conclusion de la chronologie Alors, on peut distinguer une progression temporelle à l’intérieur de quelques scènes, mais on n’arrive jamais à relier tous les événements dans un seul ordre chronologique. La structure du texte ne donne pas d’information sur une interprétation de l’ordre des événements. Alors, l’ordre du texte représente l’ordre des événements dans la tête du narrateur. C’est à dire l’ordre dont il se souvient. Ce sont plutôt les parfums, le son et d’autres images qui évoquent la mémoire du narrateur. La mémoire est tout à fait indépendante du temps. Les descriptions sont très détaillées, mais elles ne contribuent jamais à mettre les scènes dans un ordre temporel. De plus, la présentation très subjective est conforme à la jalousie. Alors, il se rappelle des moments différents dans sa tête pour but de construire cette situation complètement indépendante du temps. Il nous montre la situation vécue au moment que le narrateur est en train d’y participer. L’absence d’un ordre chronologique suggère le fonctionnement naturel de la mémoire de l’homme. La mémoire ne fonctionne pas chronologiquement. Alors, on peut bien comprendre l’histoire et la situation du jaloux, même si le texte n’est pas présenté dans un ordre chronologique. Le lecteur essaye lui-même à l’aide de la présentation du narrateur de créer et interpréter un ordre des événements, mais il n’y a pas d’autre temps que celui de l’imaginaire du narrateur. C’est un temps subjectif du narrateur, mélangé au rêve et aux souvenirs.

Page 15: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 15 -

La fréquence

Définition de la fréquence Pour mettre en relation le temps du texte avec le temps de l’histoire, la fréquence est un aspect important. Dans La Jalousie, on pourrait parler d’une fréquence répétitive puisque le narrateur présente plusieurs fois des événements qui ne se sont passés qu’une fois. Obsédé par sa jalousie, le mari s’inquiète sur l’amitié entre sa femme et leur voisin Franck. Pour vérifier une relation éventuelle, il reproduit dans sa tête tout ce qu’il observe en écoutant et regardant A... La Jalousie est un texte présenté par la conscience du narrateur et les répétitions montrent comment fonctionnent sa mémoire et son imagination.

Les scènes les plus fréquentes et leur rapport au narrateur et à l’histoire Obsédé, le mari ressasse les différentes scènes qui provoquent la jalousie chez lui. Par exemple, il se rappelle la robe collante qui est mentionnée plusieurs fois dans le roman. Il mentionne aussi plusieurs fois la lettre d’un bleu pâle pliée dans la pochette de la chemise de Franck, le même type de papier à lettres que A...garde dans son tiroir et sur lequel elle est en train d’écrire plusieurs fois dans le texte. En présentant les scènes suivantes qui sont les plus fréquentes, j’aimerais essayer de montrer leur rapport et leur importance avec l’intrigue. D’abord je pense aux repas à la maison de A…et Franck. Celui-ci est souvent invité aux repas mentionnés dans le texte. Soit les personnages sont sur la terrasse pour un apéritif ou un café, soit ils sont dans la salle à manger pour déjeuner ou dîner. Évidemment, les repas donnent une bonne occasion au mari d’observer sa femme avec Franck. Alors, pour chercher des preuves de l’affection d’ A... et Franck, le narrateur reprend surtout leurs sujets de conversations. Le sujet de conversation le plus fréquent est le voyage que Franck et A...essayent de planifier. La première fois que le voyage est présenté se trouve au deuxième chapitre. Ensuite, le voyage est mentionné quatre fois au quatrième chapitre et finalement trois fois mentionné au huitième chapitre. Le mari cherche à trouver des phrases ou des gestes insinuants d’autres intentions que des courses pratiques et nécessaires. Par exemple, au quatrième chapitre, le mari écoute leur conversation sur le projet d’aller en ville pendant l’apéritif sur la terrasse. Ensuite, au huitième chapitre, le mari reproduit ce dialogue presque sans modification, tout en essayant de trouver des indices pour leurs intentions amoureuses. La répétition presque exacte de cette conversation, renforce sa jalousie mais aussi son soupçon. Ce qui est intéressant, c’est que le lecteur interprète et soupçonne une relation en même temps que le narrateur. Il reprend cette conversation sur le voyage tant de fois car il se sent exclu et il ne participe pas au voyage. C’est le moment où le mari n’a aucune possibilité d’épier sa femme et Franck. Il ne sait pas ce qui se passe entre A...et Franck pendant le voyage. Il ne peut que supposer et construire des hypothèses dans sa tête sur des faits éventuels conformes à sa jalousie. En supposant le pire, il construit même des scènes qui n’existent que dans sa tête. Je pense par exemple à l’accident de la voiture bleue de Franck que le mari s’imagine tomber en flammes en s’écrasant contre un arbre. « Sur cette chaussée défectueuse le conducteur ne peut redresser à temps. La

Page 16: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 16 -

conduite-intérieure bleue va s’écraser, sur le bas côté, contre un arbre au feuillage rigide qui tremble à peine sous le choc, malgré sa violence. »15 Un autre sujet que le narrateur reprend plusieurs fois est le roman « africain » de Franck que A...est en train de lire. Trois fois dans le roman, le mari se rappelle les moments où A...est en train de lire le roman sur la terrasse, mais ce sont surtout les conversations autour du roman qu’il essaye de reproduire plusieurs fois. Je cite l’exemple d’une scène du premier chapitre qui est aussi reprise au huitième chapitre. « Tous les deux parlent maintenant du roman que A...est en train de lire, dont l’action se déroule en Afrique. ----Il fait ensuite une allusion, peu claire pour celui qui n’a même pas feuilleté le livre, à la conduite du mari. Sa phrase se termine par « savoir la prendre » ou « savoir l’apprendre », sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude de qui il s’agit, ou de quoi. Franck regarde A...,qui regarde Franck. Elle lui adresse un sourire rapide, vite absorbé par la pénombre. Elle a compris, puisqu’elle connaît l’histoire. »16

Il reconstruit à peu près presque le même dialogue au huitième chapitre. Cette scène montre encore une fois le sentiment d’exclusion du mari. Il n’a pas lu le livre et il observe A... et Franck discutant avec énergie et enthousiasme. Au huitième chapitre, le mari ajoute ou plutôt change des phrases dans la ligne de sa jalousie et son soupçon. « La phrase se terminait par « savoir attendre », ou « à quoi s’attendre », ou »la voir se rendre, « là dans sa chambre »---. »17 Il essaye de reconstruire certaines phrases, mais il ne se rappelle pas exactement les détails. Pour cette raison il y a des variantes à l’intérieur des répétitions. La répétition de cette scène marque le sentiment d’exclusion du mari. Par la répétition, le lecteur interprète à l’aide du narrateur qu’il est le tiers exclu. En se rappelant cette conversation, il interprète aussi un sens qui renforce sa jalousie. En fait, le mari interprète une ressemblance entre sa situation propre et celle de l’intrigue, mais aussi de la femme de Franck qui ne supporte pas le climat tropical, comme l’héroïne du roman. Il y a aussi des scènes que le narrateur reprennent lorsqu’il observe A... qui est en train d’observer quelque chose d’autre. D’abord c’est la scène des indigènes qui travaillent avec le petit pont sur la rivière. C’est aussi l’une des scènes les plus fréquentes, reprise cinq fois. Au cinquième et sixième chapitre on peut suivre leur travail. L’indigène décrit au deuxième chapitre est mentionné de nouveau, par la même description au quatrième chapitre. « C’est un indigène, vêtu d’un pantalon bleu et d’un tricot de corps, sans couleur, qui laisse nues les épaules. Il est penché vers la surface liquide, comme s’il cherchait à voir quelque chose dans l’eau bouese. » A... est dans sa chambre, debout vers la fenêtre regardant l’indigène d’une façon absente. Elle semble poser son regard au loin, comme elle le fait souvent. Son mari jaloux l’épie, et dans son obsession il cherche où elle pose son regard. Le plus elle cherche son regard d’ailleurs, le plus obsédé il est. Qu’est-qu’elle cherche ? L’obsession et l’angoisse provoque la jalousie. La répétition des scènes où A... contemple le paysage

15 Cf. Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 166 16 Cf. Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 26 17 Cf. Robbe-Grillet, La Jalousie, Les éditions de minuit, 1957, p 193

Page 17: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 17 -

d’un façon rêveuse indique que A... serait malheureuse, non seulement pour le mari, mais aussi pour le lecteur. Les répétitions renforcent l’importance de la scène, aussi bien pour la situation du mari que pour l’intrigue. Je pense aussi à tous les moments où le mari décrit les cheveux de A... Le narrateur observe les cheveux de A d’une façon obsédée. Il rend une belle impression de sa chevelure noire, brillante et bouclée. Le lecteur interprète qu’elle doit être belle. Aux premiers pages du troisième chapitre, le narrateur épie sa femme lorsqu’elle brosse les cheveux soigneusement devant la petite table coiffeuse. Une grande partie du début de ce chapitre décrit le travail de la brosse dans les cheveux de A...Cette description montre l’obsession du mari. Par son regard, on comprend qu’elle est belle, en s’occupant de se faire encore plus belle, mais elle est toujours si insatiable, ce qui renforce la jalousie du mari. Le portrait de A... est beau et le mari semble fasciné par la beauté de sa femme. Cinq fois, le mari essaye aussi de reproduire la scène où Franck dépose A... dans la cour. Franck conduit A... jusqu’à la maison après l’excursion en ville, mais aussi après que A... a fait une visite chez la femme de Franck. En descendant de la voiture, le mari décrit encore une fois le beau portrait de A... Elle porte des talons hauts, une jupe blanche et ample. Cela renforce évidemment aussi la jalousie du mari. Ce moment montre aussi encore une fois le sentiment d’exclusion du mari. Le mari se sent inférieur à Franck. C’est de la voiture de Franck, la conduite intérieure bleue, dont A...descend. Lorsqu’elle se penche vers l’intérieur par dessus la vitre baissée le mari jaloux n’arrive pas à voir ce qui se passe à l’intérieur de la voiture, mais, il s’imagine le pire. Mais la scène qui prouve surtout la jalousie obsessionnelle du mari est celle du mille-pattes. Pendant le dîner dans la salle à manger, A... aperçoit soudain un mille-pattes sur le mur de la cloison. Le mari se rappelle cet événement cinq fois, mais il modifie l’image selon son soupçon. La première fois qu’il nous décrit cette scène il nous donne seulement les faits les actes. Ensuite, à chaque apparition de ce moment, Franck est décrit plus résolu dans son acte d’écraser la scutigère. Le mille-pattes semble aussi grossir. D’abord il est décrit comme un petit insecte et finalement répété, il est d’une taille géante. De plus, A... semble de plus en plus effrayée par l’insecte à chaque apparition de cet événement. Le mari essaye de reconstruire la scène de l’écrasement du mille-pattes en modifiant l’image dans sa tête selon sa jalousie. Il s’imagine des faits et des gestes dans sa tête puisqu’il est obsédé par son idée que Franck et A...sont des amants. Pour chaque répétition de cet événement le soupçon est renforcé. Au début du roman, le narrateur observe la tache du mille-pattes écrasé et nous informe que la tache date de quelques jours ou semaines, il ne s’en souvient pas très bien. Au travers de la présentation du texte, la tache prend plus d’importance dans la tête du narrateur et par conséquent dans la présentation des événements. En attendant le retour de sa femme du voyage en ville avec Franck, il reste dans la salle à manger à contempler la tache. Ensuite, il contemple la tache du mille-pattes écrasé en nous décrivant la forme, la taille et la couleur de la tache d’une façon très détaillée. Le mille-pattes est mentionné aux sept de neuf chapitres du roman. À certains chapitres, par exemple au chapitre sept, le mille-pattes figure plusieurs fois, soit

Page 18: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 18 -

vivant, soit comme une tache écrasée. La tache évoque des images du A... et Franck et pendant l’absence de sa femme il l’attend anxieusement en se reproduisant des moments différents avec A...et Franck. Il commence même à inventer des faits qui ne sont jamais passés. Par exemple, il s’imagine Franck et A...ensemble au lit dans une chambre. « Puis, avec le pied, il écrase la bête sur le plancher de la chambre. Ensuite, il revient vers le lit et remet au passage la serviette de toilette sur sa tige métallique, près du lavabo. La main aux phalanges effilées s’est crispée sur le drap blanc. » Ce passage du texte déroute le lecteur, car c’est un événement qui n’a jamais été mentionné auparavant et on ne comprend pas à première vue qu’il s’agit d’un instant imaginé dans la tête du narrateur. Le fait que le mille-pattes prenne beaucoup de place dans le texte est dû à l’idée fixe du mari jaloux et anxieux. Le moment où Franck écrase le mille-pattes, rend le narrateur encore plus jaloux, du fait que Franck représente la force, la détermination alors que le mari représente le mari paralysé et impotent, inférieur à Franck. C’est le narrateur qui nous présente cette image dans sa tête, et par ses répétitions de ce moment de l’écrasement il renforce son sentiment jaloux. Au sujet de la fréquence, je pense aussi à certains mots qui sont répétés plusieurs fois. Surtout, c’est le mot « Maintenant » qui revient souvent dans le texte, particulièrement au premier chapitre. Le mot signifie quelque chose qui se passe au présent, au moment présent. Donc à chaque répétition, le mot nous situe au moment présent de l’observation fait par le mari. Le choix de ce mot par lequel commence cinq des neuf chapitres. En choisissant ce mot, l’écrivain marque qu’il s’agit du moment précis de l’observation. On se trouve au temps de l’imaginaire du narrateur au moment où il observe. « Toujours » est un autre mot très fréquent. Ce mot met en valeur la vie monotone à la plantation. Il y a les mêmes repas aux mêmes endroits avec les mêmes personnages aux mêmes heures.

Le rôle des répétitions par rapport à la structure du texte Dans les derniers chapitres, le narrateur semble retrouver le calme de son angoisse. Le lecteur a l’impression que le mari ne saute pas autant entre différents événements non plus entre rêve et réalité. On reconnaît la similitude du début du huitième chapitre avec le début du deuxième chapitre. A... se trouve dans sa chambre, elle a gardé son déshabillé matinal et elle s’occupe de quelque chose dans la chambre. Le mari l’épie. Ensuite, elle prend l’apéritif sur la terrasse avec Franck et ils discutent du roman, le voyage qu’ ils ont l’intention de faire et la santé de Christiane. C’est comme si tous les actes étaient toujours les mêmes, tout se reprend. C’est comme l’histoire ne va nulle part et la structure répétitive renforce le sentiment obsessionnel du mari, mais aussi l’impression d’une progression circulaire, une structure cyclique du récit. Les jours se succèdent pareillement.

Le rôle des répétitions par rapport à l’intrigue Les répétitions jouent un rôle important dans la présentation de l’histoire. D’abord puisqu’elles renforcent l’image du mari jaloux. À l’aide des répétitions, le lecteur comprend mieux la situation du mari, on comprend sa jalousie et le lecteur soupçonne lui aussi une relation entre A... et Franck. Ensuite, les scènes reproduites montrent bien l’imaginaire du narrateur. Les répétitions représentent l’intérieur du mari. Il choisit les scènes qui sont les plus importantes pour provoquer sa jalousie. Et il est naturel que le narrateur ne se rappelle pas tout à fait les détails des moments répétés, il

Page 19: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 19 -

essaye de reproduire les événements, même s’il ne parvient pas toujours à les répéter exactement. Mais, en modifiant les répétitions, il interprète aussi les moments après sa jalousie et son sentiment d’être exclu. Par les phrases reproduites de nouveau on peut tirer des conclusions conformes avec le soupçon. Puis, les répétitions donnent aussi une bonne occasion d’ observer des détails. Comme le roman policier, en reproduisant les événements, on cherche des évidences, des insinuations et des détails pour prouver la relation. Cela évoque aussi l’intérêt du lecteur qui cherche à trouver des indices de la relation éventuelle entre Franck et A... . On essaye d’interpréter en concluant la situation répétée. Alors, les répétitions renforcent le soupçon d’une relation éventuelle entre Franck et A... En répétant les moments, le narrateur essaye de les reproduire conformément à sa jalousie. Les répétitions représentent l’angoisse du mari. Il se rappelle A... à différentes scènes, réelles et fictives, pour prouver sa jalousie.

Le rapport entre la chronologie et la durée Les répétitions n’aident pas de prime abord à mettre les événements dans un ordre temporel. Plutôt, elles nous aident à mieux comprendre les sentiments du narrateur. Elles nous aident à mieux vivre la situation du narrateur, et par conséquent aussi à soupçonner une relation entre Franck et A... .

Page 20: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 20 -

CONCLUSION Le but de ce mémoire a été de présenter la nouvelle technique de description temporaire d’Alain Robbe Grillet et comment elle joue un rôle important pour la compréhension du roman. À partir des trois définitions du temps narratif ; la durée, l’ordre et la fréquence j’ai voulu éclaircir le traitement du temps dans La Jalousie. Robbe-Grillet réussit à capturer l’instant du présent dans ce roman. Le lecteur a l’impression de se trouver simultanément dans la conscience et l’entourage du narrateur. L’histoire n’existe que dans la tête du narrateur, pendant le temps qu’il est obsédé par sa jalousie. Alors, il est très difficile de limiter le temps qui s’écoule dans l’histoire. D’abord, parce que le début et la fin de tous les événements ne sont jamais présentés. Ensuite, le roman ne commence pas au début de l’intrigue et ne s’arrête pas quand l’intrigue se termine. Puis, les descriptions minutieuses, le peu de variations du temps ralentissent le rythme et par conséquent ils compliquent la définition de la durée de l’histoire. La Jalousie est un nouveau type de roman qui ne raconte pas une histoire. Il présente plutôt une succession d’images et l’enchaînement d’événements suit l’ordre de leur apparition dans la mémoire du narrateur. Pour cette raison, il est impossible d’organiser tous les événements dans un seul ordre. Robbe-Grillet présente comment fonctionne la conscience d’un homme obsédé par sa jalousie. Alors, l’intrigue est diffuse et le récit manque de linéarité et comme dans la réalité la mémoire de l’homme est privée du temps. De plus, le narrateur confond le temps du rêve et le temps de la réalité, le présent et le passé dans sa mémoire. Dans la ligne de la jalousie du narrateur, les événements se reprennent en se confondant. Les scènes les plus fréquentes montrent surtout l’angoisse et l’obsession du mari jaloux. Il est aussi évident que les répétitions se font sans aucune règle car la mémoire est indépendante du temps. Le narrateur ne parvient pas à reconstituer les différents moments de manière identique, car il les interprète selon sa jalousie. La structure répétitive du roman met aussi en valeur la vie monotone des personnages. L’intrigue est inférieure à la présentation de la conscience du narrateur. Le lecteur interprète donc le texte selon la présentation du narrateur mais aussi d’après sa propre imagination. A... est une femme moderne. Elle cherche l’aventure avec Franck car elle n’est pas satisfaite de la vie monotone coloniale. La plantation du mari semble se dégrader et dans la peur de perdre sa femme et le contrôle de sa plantation, le mari donne trop d’importance à Franck. Peut-être, Franck quitte-t-il la vie coloniale pour l’Europe pour guérir sa femme et leur enfant malade. Et peut-être quelques-unes des lettres que A... est en train d’écrire dans sa chambre sont-elles destinées à Franck. Peut-être, sont-elles aussi le point de départ du déroulement de tous les événements. La durée indéfinissable, la présentation anachronique et la structure répétitive montrent seulement l’obsession et l’angoisse d’un narrateur jaloux. Tout se déroule ici et maintenant dans la conscience du narrateur. Et ce qui est intéressant, c’est que le lecteur participe à l’observation en même temps que le narrateur. Le nouveau roman

Page 21: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 21 -

d’Alain Robbe-Grillet rend le lecteur confus, en même temps qu’il attire son intérêt. La Jalousie est un roman qui coïncide avec les idées du nouveau roman et surtout il demande un lecteur engagé.

Page 22: La Jalousie C-uppsats rev3 - DiVA portal239319/FULLTEXT01.pdfLa Jalousie, publié en 1957, est le troisième roman d’Alain Robbe-Grillet. C’est une histoire classique à trois

- 22 -

BIBLIOGRAPHIE Brunel, P et Huisman, D, Littérature française, des origines à nos jours, Librairie Vuibert, 2007 Holmberg, C-G et Ohlsson, A, Epikanalys, En introduktion, Studentlitteratur, 1999 Robbe Grillet, Alain, La Jalousie, Éditions de Minuit, 1957 Robbe Grillet, Alain, Pour un Nouveau Roman, Éditions de Minuit, 1963