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N° 126 Octobre 2007 Belgique-België P.P 1000 Bruxelles 1 1/1802 s r oi s v de De e d cole r s B E x d u e l l n e s o e ti a i n rd o o C a l e d l e u s n e m n o i t a m r o f n i ' d t e l l i u e F Bureau de dépôt Bruxelles 1 N° d’agrément: P705159 CEDD - “Crystal Palace” Rue de la Borne, 14 - 1080 Bruxelles Tél: 02/412 56 14 - Fax: 02/412 56 11 Courriel: [email protected] www.cedd-bxl.be La grammaire autrement (1)

La grammaire autrement (1) - CEDD

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Page 1: La grammaire autrement (1) - CEDD

N° 126Octobre 2007

Belgique-BelgiëP.P

1000 Bruxelles 11/1802

srois v de De edc ole rs B E xd ue lln e so etiainrdoo Cal ed leusnem noitamrofni'd telliueF

Bureau de dépôt Bruxelles 1N° d’agrément: P705159

CEDD - “Crystal Palace”Rue de la Borne, 14 - 1080 BruxellesTél: 02/412 56 14 - Fax: 02/412 56 11Courriel: [email protected]

La grammaire autrement (1)

Page 2: La grammaire autrement (1) - CEDD

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edito edito edito edito edito edito

edito 126

La grammaire comme les mathématiques – dont seuls certains êtres dotés d'une bosse à la naissance pourraient venir à bout... - est très

souvent symbole d'ennui, d'abstraction gratuite, de règles à apprendre par cœur et à appliquer en autant d'exercices répétitifs dont

l'intérêt est loin d'être évident.

Elle rebute plus qu'elle ne développe l'attention et la curiosité. Son évocation même n'est jamais très éloignée du souvenir de la couleur

rouge (celle d'un groupe de mots à encadrer parfois, de la note négative de l'enseignant plus souvent) et du manuel d'exercices à faire à la

maison. Le rejet et l'angoisse de s'y confronter seront d'autant plus forts que la langue de l'école sera éloignée de la langue du dehors,

celle des copains, celle de la rue, celle des parents à la maison...

Afin d'éviter toute plongée dans cet enfer d'abstractions et de termes « désincarnés »; trop souvent, nous nous réfugions derrière les

règles apprises et à appliquer, sans découverte effective, sans réelle observation, ni formulation d'hypothèse ... parce que c'est comme

ça! Ouf!?...

Hélas non... parce que travailler de la sorte n'est pas adéquat... Alors que très souvent, elle n'est la langue maternelle, ni de nombreux

animateurs, ni de la plupart des enfants en edd, nous ne nous donnons pas assez le temps de la décortiquer, d'en saisir le sens, de

l'analyser, d'en faire la grammaire. Dommage... quand on sait que la grammaire ne peut avoir d'autre utilité que de permettre à chacun de

comprendre comment fonctionne la langue qu'il parle, et de se donner par son apprentissage et sa maîtrise la solidité même de son

pouvoir de communiquer.

Au moment où le décret rappelle avec insistance la nécessité pour les équipes d'encadrement d'avoir une maîtrise suffisante de la langue

française, ce temps, nous avons décidé de le proposer aux animateurs sous la forme d'une rencontre, puis d'une formation « La

Grammaire en Couleurs ». Nous avons donc fait de la grammaire, et rendues conscientes ces règles utilisées trop souvent sans le savoir...

C'est cette démarche proposée en formation au printemps 2007 que nous vous proposons de découvrir, en une première partie, dans ce

numéro de A Feuille T. Gisèle Delbe a rassemblé les textes et recueilli les témoignages qui vous sont présentés dans ce numéro et dans le

suivant. Dans un premier article, Pierre nous introduit à la démarche en la replaçant d'une part, dans les débats d'actualité au sein de la

CEDD et du secteur et, d'autre part, dans le développement des idées du pédagogue Galeb Gattegno.

Ensuite, Roslyn Young, nous parle de l'importance du tâtonnement, de la transformation progressive, et de la place prépondérante

occupée par la prise de conscience dans les apprentissages.

Par après, une première partie de l'article de Maurice Laurent – la suite au prochain numéro! - nous fait découvrir la méthode telle que

travaillée avec ses élèves de l'enseignement secondaire.

Nous vous invitons vivement à utiliser le tableau joint à ce numéro et à pointer! Idéal pour entrer dans la démarche et faire émerger la

conscience de la grammaire.

Une invitation à goûter sans crainte aux délices du fonctionnement de la langue tels que nous ne les avons rarement appréciés ...

Véronique Marissal

REMERCIEMENTS :

Nous remercions chaleureusement, tous ceux qui nous ont permis de réaliser cet A feuillet T.

Nous pensons tout particulièrement aux jeunes et aux adultes

qui nous ont confié et autorisé à publier leurs précieux témoignages.

Page 3: La grammaire autrement (1) - CEDD

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Gattegno,

pour découvrir que l'apprentissage peut se faire sans douleur !

«...avant...

je me demandais bien

à quoi cela servait

de faire de la grammaire…

je croyais que c'était seulement

parce qu'il fallait avoir

des notes et

qu'il fallait apprendre

toutes les règles par cœur …

Maintenant c'est drôle,

je vois le tableau dans ma tête et

je me pose des questions …

je compare…

pour être sûre…

... maintenant...

j'aime bien...

je trouve cela même rigolo »…

Patricia, 12 ans,

Namur,

janvier 2006

Au début de l'année 2007, un débat a agité

le monde des écoles de devoirs: la ministre

allait imposer par décret aux animateurs

d'avoir une connaissance suffisante de la

langue française.

L'application d'une telle mesure est

évidemment difficile à mesurer. Mais

sachant que, par décret, nous devons

donner une priorité au public qui ne

maîtrise pas la langue française, nous ne

pouvons que saluer l'intention du

législateur. Toujours est-il que cette

obligation nous pose la question de la

maîtrise réelle du français par les

animateurs d'écoles de devoirs.

Force est de constater qu'un certain

nombre d'animateurs écrivent dans un

français laborieux et la grammaire est pour

beaucoup un cauchemar.

Cette situation est inquiétante et c'est pour

cette raison que la Coordination propose

depuis plusieurs années des formations

autour de la grammaire.

Quelques principes...

Au printemps, nous avons organisé une

formation centrée sur la démarche

pédagogique de Caleb Gattegno à travers

les outils élaborés par Chantal et Maurice

Laurent : la grammaire en couleurs, après

l'intérêt né d'un atelier de découverte initié

au cours des « petits-déjeuners ».

La richesse de la démarche nous encourage

à prolonger cette expérience à travers ce

numéro de A feuille T.

Mais, avant de vous lancer dans la lecture

des différents articles, je voudrais poser

quelques jalons qui vous permettront,

j'espère, de mieux comprendre une

démarche qui, par certains côtés, peut

paraître étrange.

Sans doute connaissez-vous tous les

réglettes Cuisenaire. Elles sont sans doute

l'outil le plus répandu de la démarche de ce

pédagogue. Mais je n'ai commencé à

comprendre l'aspect révolutionnaire de cet

outil qu'après avoir un peu exploré la

pédagogie de Gattegno qui est en dialogue

étroit avec le travail de Cuisenaire.

Comme beaucoup d'enseignants, Gattegno

a été confronté à la difficulté de son métier:

l'énergie immense que peut déployer un

enfant pour apprendre, le nombre

d'enfants par classe, les émotions qui

paralysent l'apprentissage...

A travers ses recherches et ses expériences

tant dans le domaine des mathématiques

que des langues, il a basé son approche sur

trois principes:

Premièrement, Gattegno a observé qu'il

est possible d'établir un "budget

énergétique" pour les apprentissages.

Or, les êtres humains ont un sens très

développé de l'économie de leur propre

énergie et sont sensibles aux prix

énergétiques qu'ils sont amenés à payer.

Dans cette approche pédagogique, il s'agit,

donc, de chercher des façons de faire

apprendre qui sont "bon marché" du point

de vue de l'effort à fournir.

Deuxièmement, Gattegno considère que

seule la conscience est éducable en

l'homme, et il fait des propositions

pédagogiques pour une éducation basée

sur la conscience.

Troisièmement, il nous propose que

l'action pédagogique dans la classe devrait,

Page 4: La grammaire autrement (1) - CEDD

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Gattegno,

pour découvrir que l'apprentissage peut se faire sans douleur !

«... quand j'ai vu ce tableau avec des carrés, des couleurs, avec rien écrit dessus… j'ai d'abord eu un peu peur,

j'étais stressé… c'était nouveau… j'avais peur de pas comprendre…. surtout que d'habitude, j'aime bien

écrire, prendre des notes…

…après, j'avais dans ma tête surtout la partie des adverbes… j'étais étonné, j'ai compris, qu'il y a des

adverbes différents qui ne se terminent pas forcément par ment.»

Julien, 13 ans, Namur, janvier 2006

pour être efficace, consister en la

subordination de l'enseignement à

l'apprentissage. (Roslyn Young L'approche

pédagogique de Caleb Gattegno, publié sur

le site :

http://assoc.orange.fr/une.education.pour

.demain/index.htm)

Au contraire de nombreuses démarches

didactiques, le travail de Gattegno, dans un

premier temps ne vise pas à expliquer, ni

même à comprendre, mais bien à vivre une

situation et à travers des expériences

successives à prendre conscience des

structures et du sens qui règlent la

grammaire par exemple.

Le rôle de l'enseignant n'est pas de

chercher à transférer ses connaissances,

mais de provoquer des prises de

conscience chez ses étudiants, puisque

seule la conscience est éducable. Il dispose

d'un matériel qui a été conçu pour

permettre des prises de conscience. Il

propose des activités susceptibles de

mener aux prises de conscience

nécessaires au fur et à mesure que ses

étudiants avancent et, quand il voit que

c'est possible -quand l'occasion se

présente d'induire une prise de

conscience-, il se sert de la partie

appropriée du matériel pour effectivement

provoquer celle-ci. (idem)

Sur le terrain de la formation

Concrètement, la formatrice a affiché un

grand panneau composé de cases colorées.

Sans rien ajouter, et en laissant un temps

d'observation à chacun, elle a tracé 8 traits

au tableau, ensuite elle a prononcé la

phrase suivante: «le volcan vomit

inlassablement des épaisses fumées

noires» en pointant successivement avec

une baguette chaque trait.

Après avoir répété deux ou trois fois la

même opération, et en sollicitant chacun à

lire les mots selon le pointage exprimé,

elle a proposé à chacun de venir pointer

chacun des mots (traits) dans les cases de

couleurs comme il l'entendait sans donner

de plus amples consignes.

Enfin, après que chacun ait fait ses essais,

elle a pointé chaque mot dans les cases

colorées du tableau. Peu à peu, nous avons

c o m p r i s q u e c h a q u e p o i n t a g e

correspondait à un mot et que chaque

«style» de mot correspondait à une case.

Après quelques répétitions, elle nous a

invités à aller pointer à notre tour, à

montrer nos divergences et nos

convergences au niveau du pointage sans

rien en expliquer. Elle nous a proposé de

nouvelles phrases et, curieusement, nous

sommes tous arrivés assez rapidement à

un consensus sans débat ni explication.

Parfois la formatrice disait « je ne retiendrai

pas ce pointage » mais sur cinq jours de

formation, aucune explication n'a été

donnée. Tout au plus, quand nous étions

tous d'accord sur l'utilité d'une case,

l'avons-nous nommée pour faciliter la

communication et mettre la grammaire

que nous venions de découvrir en lien avec

nos connaissances antérieures.

Sans effort, en jouant à pointer, nous avons

d é c o u ve r t q u e n o u s u t i l i s i o n s

spontanément et avec finesse la

grammaire.

Plus précisément, les natures des mots

n'avaient aucun secret pour nous, mais

nous ne le savions pas! Mais à travers ce

tableau et cette démarche pédagogique

particul ière nous en avons tous

progressivement pris conscience.

Page 5: La grammaire autrement (1) - CEDD

Gattegno,

pour découvrir que l'apprentissage peut se faire sans douleur !

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Ce que j'ai appris

sur ma façon d'apprendre?

«… à visualiser les positions

de chaque case

et ensuite,

trouver un maximum

de liens logiques

pour mémoriser …

… la nécessité de mettre en

pratique de manière régulière,

en (re)visualisant les cases…,

donner un sens aux adjectifs

et aux adverbes,

et avoir pu me rendre compte

de mes confusions,

de la nature de certains mots

par rapport

à ces deux catégories.»

Un animateur.

Avantages et particularités

Cette méthode, qui va à l'encontre de pas

mal de nos habitudes, a également cette

précieuse particularité d'être plus efficace

avec un grand groupe d'apprenants qu'en

individuel!

En effet, les prises de conscience

s'appuient beaucoup plus sur l'expérience

de différentes personnes que sur une

réflexion personnelle.

De plus, comme cette pédagogie repose

continuellement sur des prises de

conscience, elle est émotionnellement

éprouvante. Emotion qu'il est plus facile de

diluer dans un grand groupe que dans un

petit groupe, voire même en individuel.

Cette démarche autour de la grammaire a

été particulièrement approfondie par M. et

C. Laurent, qui ont publié le livre « Les

jeunes, la langue et la grammaire » en

2004 à travers l'association qui diffuse la

pensée de Gattegno en France: Une

éducation pour demain.

L'idée qui sous tend la démarche élaborée

par Maurice Laurent est la suivante : les

enfants savent parler, ils ont donc une pré-

connaissance de la grammaire.

Ils connaissent la place des mots dans la

phrase. Ils savent intervenir sur les

relations entre les mots et transformer

d'une façon adéquate. Ils savent en faire la

démonstration en exprimant leur propre

point de vue et ne se contentent pas de

répéter simplement ce qu'on leur dit.

Tout un chacun a la capacité de par le fait

qu'il parle sa langue de procéder à des

opérations linguistiques, et donc est

sensible à la grammaire de sa propre

langue.

Ils sont également capables d'abstraction,

de classifier des mots par leur sens et donc

les rattacher à un ensemble.

Ils sont sensibles à une cohérence entre

différentes familles de mots. Ils savent

évoquer des situations. Ils savent que tous

les mots ne fonctionnent pas de la même

façon.

Ils savent que des mots différents peuvent

représenter la même personne, lui, il, le

garçon, Gilles, le frère de Nathalie…

Les enfants sont donc des grammairiens.

Et c'est en tenant compte de cela qu'on

enseigne la grammaire et c'est à partir de

ces bases existantes, que M. et C. LAURENT

ont élaboré un système d'enseignement

«La grammaire en couleurs» utilisable pour

les enfants du primaire et du secondaire.

Ces outils permettent donc de mettre en

évidence les relations qui unissent les mots

d'une phrase entre eux, les groupes de

mots entre eux et enfin l'implication de la

grammaire sur l'orthographe.

A partir de ce matériel, nous pouvons donc

mettre en évidence ces liens à partir de ce

que sait déjà l'enfant ou l'apprenant.

Bien entendu, il est nécessaire que l'enfant

sache parler la langue française pour que

les mots qu'on évoque aient un sens pour

lui.

Loin de nous l'idée, de vous vendre cette

démarche comme le remède universel à

tous les maux dont souffre l'école, mais,

encore une fois, c'est en sortant de nos

habitudes qu'on découvre des pistes

puissantes et efficaces.

Pierre Vandenheede

Page 6: La grammaire autrement (1) - CEDD

Extrait de la Thèse de Doctorat de

Madame Roslyn Young soutenue en

octobre 1990. Université de Franche-

Comté – Faculté des lettres et des

Sciences Humaines «Universaux dans

l'enseignement et l'apprentissage du

français et de l'anglais dans des

situations pédagogiques diverses - de la

pensée de Caleb Gattegno théorie et

applications – 2 tomes – Tome 1 lecture

et grammaire page 396 à 401

leur première langue.

La transformation en tant que pouvoir

mental est fondamentale également à

cette manière de travailler la grammaire.

La quasi-totalité de la grammaire de la

langue française repose sur une fondation

de transformations, ce qui implique que

l'on peut la travailler avec les élèves en se

basant sur la rétention et non sur la

mémorisation de règles. La transformation

peut être une des dimensions les plus

importantes de l'orthographe. Puisque les

élèves savent transformer – ils le prouvent

en apprenant à parler - il est utile d'en tenir

compte en travaillant la grammaire de la

langue et légitime de travailler d'abord sur

les parties de la langue française où la

transformation est audible, donc en

relation avec la langue parlée.

Si les enseignants veulent que les élèves

aient une certaine autonomie, il faut qu'ils

fournissent un outil qui les rende

autonomes, et l'outil de la transformation

que l'on peut pousser très loin et rendre de

plus en plus performant, résout, pour la

langue française, beaucoup de problèmes.

Selon Maurice Laurent il se substitue à

peut-être trois cent règles d'orthographe.

Dans ce domaine, c'est parce que je

transforme que l'inconnu devient connu. Je

le rends connu par la transformation. C'est

une démarche semblable à celle que l'on a

en mathématique ; puisqu'il n'est pas

possible d'ajouter un demi à un tiers, on

transforme le problème en trois sixièmes

plus deux sixièmes, ce qui est possible. Il

s'agit simplement de déplacer le problème.

Les enfants apprennent à se servir de

quelque chose qu'ils savent faire pour

dans le travail de grammaire avec les enfants

Analyse de l'utilisation du tableau de grammaire de Maurice Laurent

Le matériel utilisé est conçu pour une

application s'appuyant sur la dynamique

mentale. Deux aspects de cette dynamique

ret iennent not re a t tent ion p lus

particulièrement dans ce travail sur la

grammaire. Premièrement, il est basé sur

une utilisation soutenue de l'évocation;

deuxièmement il utilise constamment la

transformation comme outil.

Le fait que l'enseignant travaille tout, au

moins dans un premier temps, sur un

panneau blanc vierge de toute inscription,

indique bien que l'évocation joue un grand

rôle. Par le fait qu'ils aient appris à parler,

les élèves démontrent une sensibilité à

l'algèbre de la langue et à la langue conçue

comme un regroupement de classes.

En pointant les cases correspondant à ces

classes, ils utilisent leurs pouvoirs

d'évocation «pour meubler» le tableau et la

dynamique mentale pour rendre le

fonctionnement de la langue conscient

sous la forme que nous appelons

d'habitude sa «grammaire».

Par cette dynamique, ils se sensibilisent au

concept de classes grammaticales, là où ils

avaient auparavant un savoir-faire

fonctionnel des classes. Pointer les

substantifs dans un endroit précis, ce n'est

pas autre chose que créer une classe de

classes. De ce point de vue, l'opération est

semblable à celle qui permet de prendre

conscience des pronoms des années plus

tôt, quand les élèves ont appris à parler

6

«… je croyais

que j'aurais toujours besoin

de faire le tableau en couleurs

pour me rappeler…

mais maintenant j'arrive

même si le tableau est

en noir et blanc... »

Elodie, 11 ans, Liège,

septembre 2006

Page 7: La grammaire autrement (1) - CEDD

ramener le problème à du connu.

Il est évident dans ce travail utilisant le

tableau blanc de grammaire qu'il y a un

parti pris en faveur de l'analyse couplée à la

synthèse.

Le tableau présente un aspect à la fois

synthétique et analytique et avec la

possibilité pour l'élève de passer

instantanément de l'un à l'autre.

Le français n'est pas présenté de manière

linéaire, mais de manière synthétique. La

partie travaillée est toujours placée dans le

tout parce que le tableau est là. On peut

également arrêter l'analyse grammaticale

au niveau que l'on veut pour faire ressortir

ce qu'on veut alors que la synthèse reste

toujours visible.

Beaucoup d'expressions peuvent être

pointées en une case ou en plusieurs selon

le niveau d'analyse que l'on souhaite se

donner. Rien n'est figé dans cette façon de

travailler.

Un autre aspect important de la synthèse,

c'est que tout le français que possèdent les

élèves est à disposition à chaque instant,

même s'ils ne savent pas encore le pointer.

Des deux ou trois cases utilisées au début,

le travail s'étend rapidement vers les

autres.

Ce tableau permet de créer une

correspondance …

C'est une sorte de mise à jour de quelque

chose que chacun à en lui.

C'est pour cette raison que ce n'est pas

compliqué.

La grammaire devient compliquée quand

on cherche à travailler à partir de

définitions, ou à faire des exercices sans

que le chemin préalable n'ait été fait.

Quand le groupe d'élèves travaille sur deux

ou trois cases, les autres ne gênent

absolument pas, au contraire. Elles sont là

pour sécuriser d'une certaine façon parce

que les enfants savent qu'avec ce système,

on peut pointer tout le français, qu'il n'y a

pas d'autres choix, que certaines cases ne

sont pas concernées à un moment donné –

c'est clair-, et qu'à tout moment, on sait ce

que l'on choisit, mais l'on sait aussi ce que

l'on ne choisit pas. Il y a beaucoup de

catégories, mais il n'y en a pas un nombre

indéfini.

Ce tableau permet en outre de faire

vraiment beaucoup d'exercices très vite.

C'est un aspect très important dans

l'enseignement tel qu'il est présenté ici.

Combien de pages de livre faudrait-il pour

faire la multitude d'exercices qui ont été

faits…simplement en pointant. Puisque le

feed-back est immédiat, les erreurs

apparaissent tout de suite et l'enseignant

est, ou peut être, capable de proposer des

exemples qui, par opposition, lèvent

l'ambiguïté.

Les cas limites sortent extrêmement vite.

Même si l'enseignant veut maintenir la

recherche dans un cadre général, le jeu se

joue de telle façon que les contre exemples

se révèlent sans tarder.

Une recherche qui est particulièrement

riche est celle sur l'homonymie que les

homonymes appartiennent à une seule

classe, comme dans le cas de « l'heur » et

de « l'heure » ou à plusieurs, comme c'est

le cas pour « bas » qui peut être adjectif,

adverbe ou substantif. Sur le plan de

l'orthographe, la première ne représente

pas la même difficulté que la seconde.

On peut inventer un grand nombre de

leçons sur tous les homonymes

grammaticaux les plus courants et on peut

traiter ces problèmes par pointage.

Un mot comme « leur » peut être employé

comme adject i f, comme pronom

personnel, comme possessif.

Le mot « tout » nécessite une page dans les

livres de grammaire pour l'adjectif, le

pronom et l'adverbe.

dans le travail de grammaire avec les enfants

Analyse de l'utilisation du tableau de grammaire de Maurice Laurent

7

«… j'ai pris conscience

qu'on pouvait apprendre

sans prises de notes écrites

et tout mettre dans sa tête.»

Un animateur.

Page 8: La grammaire autrement (1) - CEDD

Les

classes ne demandent pas seulement la

conscience des classes, mais aussi qu'une

orthographe particulière soit attachée à

une image particulière, c'est-à-dire à une

signification particulière. Un exemple serait

le « temps » de l'horloge, le « taon »

l'insecte, « tant ». Et quand on en a trouvé

assez, un très bon jeu consiste à essayer

d'en employer trois ou quatre, différents

dans des phrases.

En français, il existe aussi de très

nombreux homonymes de constitution.

Citons comme exemple… « Jean veut » et

« j'en veux ». C'est un domaine très riche

qui nécessite un travail précis avec des

jeunes enfants qui doivent maîtriser la

séparation des mots, l'orthographe

adaptée au sens. Ces homonymes

demandent une conscience du sens très

fine. Une telle conscience et un tel contrôle

ne s'affinent qu'avec la pratique.

Il y a un contraste saisissant entre le fait

d'essayer de dire « c'est un adjectif » de tel

ou tel type et le fait de se demander « est-

ce que je vais le mettre dans cette case ou

dans celle-ci ? ». Quelquefois, on voit qu'il

n'y a pas vraiment de bonne réponse. On

peut mettre l'exemple étudié en un endroit

si on le voit selon une optique et ailleurs si

on le considère autrement. Cette démarche

fait que les élèves restent au contact avec

le sens de ce qu'ils disent et non avec les

mots techniques que l'on trouve dans « un

exercice grammatical ». Si on veut pouvoir

pointer ce que l'on dit, on doit d'abord dire :

l'expression des élèves entre en jeu ».

Ce n'est pas gênant de dire qu'une

expression comme « sans arrêt » peut être

pointée dans un case si on la prend en tant

qu'expression, mais dans une autre si on

décide de pousser l'analyse un peu plus

loin. Les enfants sont comme les adultes

dans ce domaine, ils ont envie de discuter

entre eux quand un cas de litige se

homonymes, qui sont à l'intérieur des

dans le travail de grammaire avec les enfants

Analyse de l'utilisation du tableau de grammaire de Maurice Laurent

présente.

….

La démarche présentée ici est différente de

celle qui consiste à se servir d'un livre. Bien

entendu, il existe des livres de grammaire,

beaucoup même. Mais les leçons sont

souvent faites d'exemples stéréotypés, si

bien que la facilité est une illusion. Si on ne

traite que des phrases comme « il mange sa

soupe », « il l'a mangée » ou « il est blond »,

« elle est blonde », il n'y a aucune difficulté.

On ne risque pas de se tromper, parce

qu'on ne traite que des phrases non

ambiguës. A ce niveau-là, on peut travailler

assez facilement.

Le défi relevé ici consiste à travailler la

grammaire à partir de toute la langue, en

prenant le risque de tomber sur des cas

difficiles.

….

Il semble clair que le meilleur moyen de

travailler avec ce système, c'est par

opposition. Pour donner un exemple,

confondre le mot « la » dans « la ferme »

(où on trouve des animaux ) et dans « la

ferme » (façon impolie de demander le

silence), c'est confondre un article et un

pronom. Cette façon de travailler permet

de créer un grand nombre d'exercices

rapidement permettant d'opposer des

situations où il risque de confusion entre

des catégories –par exemple, les articles et

des pronoms – jusqu'à ce que la distinction

se fasse. La maîtrise est atteinte quand les

élèves ne se trompent plus, quelle que soit

la difficulté de l'exercice.

C'est en travaillant de cette manière que

l'on peut parler de «grammaticalisation» …

La grammaticalisation est la démarche qui

consiste à rendre explicite ce qui est

implicite dans le fait que tout le monde

parle la langue, à extraire la grammaire de

la langue, par opposition à la démarche qui

consiste à enseigner la grammaire telle que

la voient les grammairiens. A condition de

8

«…moi, j'arrive d'un autre pays

où j'ai appris le français à l'école

mais, il y a des mots

que je confondais…

par exemple, quand j'entendais

«j'ai parlé» hé bien,

je venais pointer «je parle»…

je n'entendais pas le «é»…

j'ai compris pourquoi j'avais

des problèmes

avec le passé composé…

Ce que je préfère…

c'est quand on pointe des phrases

qu'on imagine toute seule…

des longues phrases

où je peux mettre

toutes les catégories de mots...»

Je sais que je dois d'abord

comprendre avant de savoir

pointer.

Par exemple,

pointer ma belle-mère,

c'est pas pareil

que ma belle mère,

ça veut pas dire la même chose.»

Mohamed, 14 ans, Bruxelles,

mars 2007

Page 9: La grammaire autrement (1) - CEDD

laquelle se trouvait cette structure est

conservée : « un chat noir, un chat gris, un

chat blanc, un chat tigré ». Le fait de varier

sur cet axe paradigmatique sans altérer ce

qui reste conserve la classe.

C'est le grand principe de la grammaire

distributionnelle qui essaie d'analyser la

langue en partant de ce genre de

transformation ».

Roslyn Young

dans le travail de grammaire avec les enfants

Analyse de l'utilisation du tableau de grammaire de Maurice Laurent

9

partir de toute la langue, on peut faire

prendre conscience aux enfants de la

grammaire qu'ils ont en eux. Il s'agit

d'abord de faire expliciter la grammaire et

ensuite de la nommer.

Les praticiens de l'enseignement nous

disent que la difficulté pour les enfants ne

réside pas dans la notion de possession, de

démonstration ou de l'indéfini. Devant une

phrase comme « ma sœur », les enfants

savent reconnaître la notion de possession.

Ils sont souvent incapables, par contre, de

dire si « ma » est un adjectif ou un pronom.

Ils n'ont pas de critères à ce niveau-ci de

l'analyse. De ce qui précède le lecteur doit

pouvoir constater aussi que le tableau est

conçu à favoriser l'acquisition de critères.

Il est utile de préciser peut-être qu'un

instituteur qui commence avec une classe

d'enfants de sept ou huit ans n'introduit

pas d'emblée le tableau de grammaire en

entier. Il commence avec quelques cases

dessinées au tableau en fonction des

difficultés rencontrées. Quelques cases

permettent un travail sur le groupe

nominal. D'autres sur l'accord des verbes.

Au fur et à mesure que les problèmes se

présentent, l'instituteur peut ajouter des

cases, les modifier, créer des intersections

là où c'est nécessaire.

Une phrase comme « à la gare » ne pose

pas de problème, alors que « au marché »

en pose. Alors il faut créer une intersection

qui permette de pointer ces mots de façon à

respecter le fait que « au » devrait se

pointer en deux endroits à la fois. Parmi les

enfants, il peut y avoir discussion et

consensus sur ce fait. Le tableau final pour

chaque classe se construit au fur et à

mesure des besoins.«…la force du groupe

dans le rythme d'apprentissages

de chacun…

cela m'a fort étonné.

Souvent, on dit qu'on apprend

plus vite en individuel…»

Un animateur.

Il y a une prise de conscience qui est

importante pour pouvoir travailler avec ce

jeu ; c'est que lorsqu'on conserve une

structure, une suite de mots et qu'on

substitue un mot à un autre dans cette

structure, alors la classe du mot dans

Page 10: La grammaire autrement (1) - CEDD

De la grammaire implicite à la grammaire explicite (1)

Première initiation, en classe, au

processus de grammaticalisation,

avec « le panneau des catégories de

mots » de Maurice Laurent et

Christiane Laurent

1. Remarques liminaires.

1.1. Une activité grammaticale du type de

celle proposée ci-dessous ne peut et doit

être envisagée qu'après que les élèves

soient parvenus à un certain niveau

d'expression orale : il s'agit là de structurer

et de préciser ce que l'on serait déjà

capable d'exprimer et / ou de comprendre

dans le but de l'améliorer et de l'étendre.

Il s'agira ensuite, simultanément, de mieux

saisir en soi le passage de la pensée globale

à son expression verbale.

1.2. Nous avons comme objectifs

prioritaires pour la conduite de la classe la

pratique d'un enseignement différencié et

celle de l'évaluation formative continue.

Afin que ces objectifs ne restent pas des

vœux pieux mais fassent partie intégrante

de la réalité de la classe en action, nous

avons créé, expérimenté et mis au point

des outils adéquats : le « panneau muet

des catégories de mots » considéré plus

loin en constitue le pilier central.

1.3. Nous avons simultanément comme

objectifs prioritaires pour les élèves qu'ils

continuent d'utiliser toutes leurs facultés et

les nombreuses sensibilités à la grammaire

qu'ils démontrent avoir développées

lorsqu'ils se sont appropriés leur première

langue, celle de leur milieu, sensibilités

sans lesquelles ils n'auraient pu apprendre

à parler. (C. Gattegno, L'univers des bébés)

Le panneau blanc, prévu pour que l'on

puisse y écrire, comprend neuf rectangles

dont la bordure est colorée : il existe une

intersection entre le rectangle rouge et le

jaune, une autre entre le brun et le bleu.

Le panneau présenté aux élèves ne

comporte aucune terminologie.

Comme ind iqué, ces rectang les

correspondent aux catégories de mots.

L'utilisation d'un pointeur, ou d'une

baguette fine, permet d'associer, dans

l'ordre temporel, chaque mot de n'importe

quel énoncé, proposé par le maître ou un

élève, à l'un des rectangles.

Simultanément à ce pointage, les mots de

l'énoncé peuvent être redonnés oralement

par la personne qui pointe, afin que toute

ambiguïté soit exclue.

Par exemple, l'énoncé suivant, « Le volcan

furieux vomit inlassablement sa lave et

crache d'épaisses fumées. », sera pointé

ainsi : Jaune (Le), vert (volcan), violet

( fur ieux) , orange (vomit) , b leu

(inlassablement), jaune (sa), vert (lave),

noir, case de gauche (et), orange (crache),

jaune (d'), violet (épaisses), vert (fumées).

Le panneau muet comprend aussi une

plage vide, dont la fonction est la suivante :

y seront placés les mots ou groupes de

mots ayant perdu, pratiquement, tout rôle

fonctionnel, et qui, en conséquence, ne

sont pas « analysables », comme dans

certains gallicismes :

Il y a du beurre dans la soupe.

C'est elle qui viendra.

C'est ce tableau que je veux.

Elle s'en ira ce soir… .

Les couleurs employées sont totalement

arbitraires.

La place relative des rectangles, les uns par

rapport aux autres, ne l'est pas.

En dessous des noms, sont placés les

déterminants, et à leur droite les adjectifs,

constituants les plus fréquents du groupe

nominal.

Na tu r e l l emen t en de s sous de s

10

«…pour apprendre,

j'ai besoin d'y trouver du plaisir…

Avec cet outil,

je me suis amusée et la

grammaire est devenue

compréhensible pour moi.»

Une animatrice.

Page 11: La grammaire autrement (1) - CEDD

11

De la grammaire implicite à la grammaire explicite (1)

déterminants du nom se trouvent les

prépositions, et, est rendue apparente une

intersection entre ces deux catégories, qui

marque la fusion de l'une avec l'autre, et

qui correspond aux déterminants

prépositionnels :

Elle revient du Pérou.

Elle ira au marché.

Elle pense aux autres.

Elle rentre des Antilles…

Les pronoms surmontent les constituants

déjà cités du groupe nominal, auquel ils se

substituent la plupart du temps.

La deuxième moitié du panneau est

essentiellement occupée par les verbes,

que jouxtent de près les adverbes.

L'intersection entre les pronoms et les

adverbes permet de rendre compte du fait

que certains mots jouent à la fois le rôle de

pronoms et d'adverbes : Elle revient de

Sicile. / Elle en revient. / Elle va au marché.

/ Elle y va. / A quel moment viendras-tu ? /

Quand viendras-tu ?

Les conjonctions touchent aux constituants

du groupe nominal et aux verbes, puisque

les unes, les conjonctions de coordination,

réunissent aussi bien des groupes

nominaux ou des éléments des groupes

nominaux que des phrases, et que les

autres permettent d'enchâsser une phrase

suite de verbe ou une phrase complément

de phrase ... :

… un œil noir et une mine triste…

une face jeune mais ridée…

Parce qu'il apprécie ta bonne humeur, il

aimerait bien que tu viennes…

Quant aux interjections et à la plage vide,

leur emplacement n'a en vérité aucune

importance.

La taille relative des rectangles, elle aussi,

a son importance, mais qui ne se justifiera

que plus tard, lorsque sera considéré le

problème de la mise en parallèle de la

g rammai re e t de l ' o r thographe

grammaticale.

Le panneau des catégories de mots se

place verticalement sur un rebord prévu

en-dessous du tableau.

De dimensions suffisantes (140 cm x 125

cm), il permet de travailler dans un premier

temps avec tout le groupe-classe, sans

qu'aucun métalangage ne soit nécessaire

et sans qu'aucune explication ou définition

ne soient données.

2. Simulation d'une première leçon

avec le panneau muet des catégories

de mots : les prises de conscience

fondamentales.

Imaginons d'abord la situation. Le panneau

muet est installé.

Assis sur des chaises, les élèves lui font

face, sans aucun matériel : ils doivent tous

pouvoir venir au tableau rapidement pour

pointer des énoncés.

Dans toute la suite, pointer signifiera

exactement : toucher, à l'aide d'un

pointeur, dans l'ordre temporel, un à un, les

rectangles qui correspondent aux

catégories grammaticales auxquelles

appartiennent les mots de la phrase

considérée, tout en redonnant oralement

les mots au fur et à mesure du pointage.

A ce stade, tables, papiers et crayons sont

totalement inutiles: seule la présence des

élèves est indispensable.

C'est la première fois qu'ils vont travailler

de cette manière, et qu'ils ont l'occasion de

découvrir le panneau.

Le maître, sans aucune explication

préalable, va donner oralement une

première phrase dont il est sûr qu'elle sera

comprise de tous les participants.

Avec des élèves francophones[1] de six à

huit ans, cette phrase sera courte et les

catégories de mots concernées ne seront

que trois ou quatre :

Les chats miaulent ou Julie porte des

lunettes… pourraient convenir.

Avec des préadolescents, des adolescents

ou des adultes francophones, il est possible

de commencer avec une phrase telle

qu'el le comprenne au moins un

représentant de chaque catégorie de mots.

Avec des élèves de dix à douze ans pourra

être proposée une phrase moins étoffée:

Ce panneau muet, l'avez-vous bien

regardé?

Nous simulerons ici une première leçon

avec de tels élèves sur la base de cette

phrase.

Une fois la phrase donnée oralement, le

maître va la reprendre tout en pointant

chaque mot dans sa catégorie.

Seront donc successivement touchés le

rectangle jaune, le vert, le violet, le brun,

l'orange, le brun, le bleu et l'orange.

Ce après quoi, pointant de nouveau, mais

sans parler, il pourra demander aux

participants de retrouver dans l'ordre les

mots de la phrase, sans accepter aucune

modification. Il demandera alors: Qui

saurait redonner la phrase tout en la

pointant?

Le maître cédera alors le pointeur à un

volontaire que le groupe pourra

éventuellement aider s'il hésite.

«…c'était la première fois

que je voyais quelqu'un animer

un atelier en tenant compte

des rythmes tant collectifs

qu'individuels, en faisant émerger

toutes les erreurs,

en ne donnant jamais ni réponse,

ni opinion, ni jugement.

Il y avait un climat de confiance

et de respect

où tout le monde se retrouvait.

Il y avait de l'émulation,

mais pas de compétition.

Pour une fois,

je ne me suis pas sentie, ni nulle,

ni honteuse,

même si après,

je me suis rendue compte

que mon pointage

n'était pas correct.».

Une animatrice.

Page 12: La grammaire autrement (1) - CEDD

12

Le groupe de mots « 01 » est une reprise

d'une partie de la phrase de base.

A partir de là, nous allons multiplier les

énoncés à pointer en leur faisant

progressivement subir un certain nombre

de transformations.

L'objectif est de placer les élèves dans une

situation de réflexion et de recherche pour

les amener à établir peu à peu des critères

personnels conscients dont ils se serviront

pour choisir quel rectangle associer à tel ou

tel mot.

Dans la majorité des cas, ces critères ne

seront au début ni les mêmes pour tous, ni

les critères qui satisfont à la grammaire.

Là n'est pas le plus important. Ce que nous

voulons, c'est que la curiosité, le besoin de

trouver, de comprendre, de savoir, soient à

l'œuvre et que cet état de recherche

maintienne la présence des élèves à l'étude

en cours, qu'ils fassent des conjectures, les

infirment ou les confirment, soient

mentalement actifs…

Et pour qu'il en soit ainsi, il est impératif de

respecter et de prendre en compte la

diversité des stratégies mentales.

Dans les énoncés « 01 » à « 10 », on fait

varier en premier lieu les déterminants, qui

se substituent l'un à l'autre : ce, le, un, des,

quelques, deux, plusieurs, une.

Nous voulons d'abord amener la prise de

conscience que tous les mots qui peuvent

commuter avec le premier, ce , se pointent

comme lui dans le même rectangle, le

jaune.

Nous voulons ensuite donner l'occasion de

comprendre qu'il faut faire passer au

second plan dans ce jeu un certain nombre

de sensibilités qui conduiront plus tard à

distinguer facilement dix sous-catégories

dans celle des déterminants : déterminants

articles définis, définis prépositionnels,

indéf in is, part i t i fs , déterminants

possessifs, démonstratifs, indéfinis,

exclamatifs, interrogatifs, numéraux

cardinaux.

Nous voulons surtout que soit perçue la

relation forte qui existe entre les « mots

jaunes » et les « mots verts »…

Dans ces énoncés aussi, les noms se

De la grammaire implicite à la grammaire explicite (1)

Il pourra aussi poser des questions comme:

Qui se souvient du ou des mots qui ont été

pointés dans ce rectangle ?,

Où ont été pointés le quatrième et le

sixième mot ?

L'avant-dernier mot ?

Tous ces exercices, que les élèves trouvent

faciles et auxquels ils contribuent

volontiers, ont comme objectif de leur

permettre d'associer, dans le contexte

d'une phrase, quelques mots et quelques

rectangles colorés, associations auxquelles

ils pourront ensuite se référer.

Pour le moment, il ne s'agit que d'un

exercice de rétention, qui consiste à

introduire ce qui est arbitraire et ne peut

être découvert par les élèves.

Puis un autre élève volontaire viendra

pointer des énoncés comparables à ceux du

corpus ci-dessous, donnés au fur et à

mesure par le maître :

01 ce panneau muet

02 le panneau muet

03 un panneau muet

04 un film muet

05 des films muets

06 quelques films muets

07 deux garçons muets

08 plusieurs garçons muets

09 une carte muette

10 une carte routière

11 une grande carte

12 de grandes cartes

13 de grandes filles

14 de belles filles

15 de beaux paysages

16 de remarquables paysages

17 des paysages plats

18 des paysages accidentés

19 des accidents désastreux

20 un désastre immense

21 un désastre inattendu

22 des comportements inattendus

23 des idées inattendues

24 un bonheur inattendu

25 une réflexion inattendue

26 une réflexion intense

27 une intense réflexion

28 une douleur intense

29 une douleur insupportable

30 une douleur collective

31 une peur collective

32 une pensée collective

33 une pensée populaire

34 une démocratie populaire

35 une jeune démocratie

36 une jeune femme brune

37 une jeune fille détendue

38 une jeune fille ennuyée

39 une ennuyeuse journée

40 une décision ajournée

41 une journée passionnante

42 une histoire passionnante

43 un ami passionnant

44 une amie passionnée

45 un garçon passionné

46 un jeune garçon passionné

47 un jeune garçon amusant

48 un jeune garçon amusé

49 un texte amusant

50 un regard amusé ...

«…maintenant

que j'ai les liens,

le sens de la nature des mots,

j'ai amélioré mes stratégies …

je me sens

comme un chercheur,

et surtout,

qui trouve, lui seul,

la solution.

Cela a augmenté

ma confiance en moi…

Je me dis

que je pourrais peut être

apprendre de nouvelles choses,

comme les maths,

dont j'ai toujours eu peur.»

Un animateur.

Page 13: La grammaire autrement (1) - CEDD

13

substituent l'un à l'autre : panneau, film,

garçon, carte.

La possibilité est offerte de prendre

conscience du fait que ce qui est vrai pour

les déterminants l'est aussi pour les noms :

tous les mots qui commutent avec panneau

sont aussi des « mots verts ».

Des hésitations, des doutes vont être

perceptibles, des erreurs vont être

commises, que nous pouvons en partie

simuler sur la base de notre expérience.

Il s'agit en classe de les interpréter et d'en

tenir compte immédiatement, autrement

dit, d'offrir de nouveaux énoncés afin

qu'hésitations, doutes et erreurs

disparaissent.

Imaginons que dès le pointage de l'énoncé

« 02 » du corpus précédent, l'élève qui

pointe hésite à placer le dans les

déterminants, ce qui n'aurait rien

d'étonnant, car aucun critère ne peut

encore véritablement être établi avant

qu'au moins deux mots de même nature

n'aient été placés dans la même case :

mettre le dans le même rectangle que ce ne

peut être qu'un essai, que seul le maître

pourra accepter comme correct ou

incorrect. Il est donc possible de demander

à un autre élève qui pense deviner la

solution et veut intervenir de pointer.

Mais il est possible aussi de se servir d'un

corpus annexe au corpus général, les

énoncés ne comprenant plus qu'un

déterminant et un nom, propres à mieux

forcer les prises de conscience désirées:

ces énoncés, limitant le nombre de

questions possibles à se poser, permettent

de focaliser l'attention sur l'étude d'un seul

point.

Puis l'on reviendra, le problème ayant été

réglé, à l'énoncé à propos duquel on avait

hésité.

Imaginons maintenant que l'énoncé « 10 »

du p remie r co rpus so i t po in té

correctement, (Dét + N + Adj), et qu'un

élève pointe le « 11 » de la même manière.

Cela pourrait signifier par exemple qu' il

pense, puisque l'ordre «jaune / vert /

violet» n'a jamais jusque-là changé, qu'il

doit demeurer le même.

Là encore, nous allons tout de suite utiliser

un corpus annexe. Nous choisirons d'abord

des noms et des adjectifs tels que l'adjectif

puisse indifféremment être placé avant ou

après le nom. On demandera de pointer

d'abord le déterminant et le nom, puis d'y

adjoindre l'adjectif.

La prise de conscience pourra ainsi être

amenée, du fait que l'ordre des mots dans

les énoncés n'est pas un critère fiable dans

le jeu en train d'être joué, que la solution se

trouve ailleurs, un ailleurs à découvrir.

Mieux peut-être, que les « mots violets » se

rapportent aux « mots verts », les

De la grammaire implicite à la grammaire explicite (1)

01 ce crayon

02 ce garçon

03 cette fenêtre

04 ce panneau

05 le panneau

06 le garçon

07 le crayon

08 un crayon

09 deux crayons

10 des crayons

11 trois crayons

12 mon crayon

13 leurs crayons

14 notre classe

15 notre panneau

16 deux panneaux

17 ces panneaux

18 des panneaux

19 plusieurs panneaux

20 quelques panneaux

21 quel panneau !

22 quel panneau ?

01 une carte

02 une carte magnifique

03 une carte

04 une magnifique carte

05 une plage

06 une plage magnifique

07 une plage

08 une magnifique plage

09 une rue

10 une rue nouvelle

11 une rue

12 une nouvelle rue

13 un mur

14 un mur haut

15 un mur

16 un haut mur ...

précisent, les complètent, les qualifient, et

qu'ils ne peuvent en conséquence exister

que si les « mots verts » sont là au

préalable...

Dans les énoncés « 12 » à « 35 » du premier

corpus, plusieurs noms commutent : carte,

fille, paysage, accident, désastre,

comportement, idée, bonheur, réflexion,

douleur, peur, pensée, démocratie.

Le choix n'est pas dû au hasard. Nous

voulons qu'à terme, la classe des noms soit

perçue comme contenant tous les êtres,

autrement dit tout ce qui existe que l'on

sait nommer, étiqueter en français : les

êtres animés et inanimés du monde

sensible autour de nous bien sûr, mais

aussi d'autres êtres comme les émotions,

les sentiments, les idées, les idéaux…

Dans les énoncés « 40 » à « 48 », les

adjectifs non plus n'ont pas été choisis au

hasard : ajourné, passionnant, passionné,

amusant, amusé.

Nous donnons ici un signe, qui sera ou ne

sera pas perçu, que cette classe de mots en

contient de nombreux qui font penser à des

verbes, les participes passés et présents

employés comme adjectifs.

Durant la leçon, il se peut aussi qu'un mot

d'un énoncé pose un problème de

compréhension, comme par exemple

ajournée dans l'énoncé « 40 ».

Page 14: La grammaire autrement (1) - CEDD

14

Vous pouvez insérer gratuitement vos différentes annonces de manifestations,

activités sportives et/ou culturelles, formations diverses, offres d'emploi, etc...

dans le prochain numéro de "A Feuille T"

Ne tardez-pas: envoyez-nous votre courrier.

Un logo, une illustration, une photo de qualité correcte seront les bienvenus.

PPEL • RAPPEL • RAPPEL • RAPPEL • RAPPEL • RAP

Lorsque la classe démontre une bonne

maîtrise, pointer de tels énoncés est si

facile et si rapide qu'il n'y a plus de défi

intellectuel.

Il convient de rapidement en faire surgir de

nouveaux.

Mais il faut simultanément et sans arrêt

que le maître opère des choix parmi les

directions possibles, toujours multiples,

dans lesquelles continuer le travail.

Il n'existe pas de progression préétablie

meilleure qu'une autre.

(Suite dans A Feuille T 127)

De la grammaire implicite à la grammaire explicite (1)

Là aussi, un corpus annexe peut être

utilisé, offrant des synonymes ou des

antonymes, (01 à 09), plutôt que soient

données des explications seulement.

01 une décision ajournée

02 une décision retardée

03 une décision remise

04 une décision reportée

05 une décision différée

06 une décision annulée

07 une décision modifiée

08 une décision appliquée

09 une décision maintenue ...

«…moi, le pointeur,

j'en avais pas une bonne opinion.

Cela me rappelait la baguette

que les professeurs utilisaient

par la passé…

j'ai eu tout de suite peur…

petit à petit, lorsque la formatrice

m'a convié à venir pointer…

j'ai senti que c'était différent.

Cela m'aidait à structurer le temps

et l'ordre des mots;

et le groupe pouvait me suivre.

Et puis, je pouvais revoir

mon pointage dans ma tête

même après avoir intercalé

de nombreux pointages…»

Un animateur

Page 15: La grammaire autrement (1) - CEDD

15

Quoi de plus normal que la lumière...

Pourtant, pensez que l'éclairage public n'a

fait son apparition à Bruxelles qu'au 18ème

siècle.

Avant, sitôt la nuit tombée, la rue devenait

un domaine étrange où « tous les chats

sont gris ».

La lumière, au contraire, rehaussait le

prestige d'une rue ou d'un événement.

L'expression « chapelle ardente » avait tout

son sens, des gravures illustrent les

véritables pièces montées qui ont été

cons t ru i tes pour Char les Qu in t

notamment.

Lumières qui fascinent comme les feux

d'artifice, ou qui inquiètent, comme les

incendies ou le bombardement de

Bruxelles par Louis XIV.

S

Mais, peu à peu, la lumière prendra une

couleur plus « normale », même si elle

reste attachée à l'idée de fête, de

réjouissance...

Ceci étant dit, la lumière est, depuis

toujours le résultat d'une prouesse

technique et d'un savoir faire.

Les journées du patrimoine ont été

consacrées à cette question.

Les Archives de la ville de Bruxelles ont

organisé pour l'occasion une exposition qui

retrace l'évolution de l'éclairage public

dans notre capitale.

L'intérêt de cette exposition repose sur

deux piliers, d'une part la possibilité de voir

des images d'archives « en vrai », de l'autre

de se rendre compte que la lumière est

réellement porteuse de l'histoire d'un lieu.

Bruxelles n'est pas une ville anodine dans

l'histoire européenne, même si elle ne

bénéficie pas de l'aura des grandes

capitales, la révolution industrielle

marquera de son empre in te le

développement de notre ville.

L'éclairage public fera son entrée très tôt à

Bruxelles à travers le gaz et c'est

seulement dans les années '20 que

l'électricité supplantera définitivement le

gaz.

La guerre 40-45 marquera également un

tournant dans l'histoire de la lumière car il

s'agissait alors de rester le plus possible

dans l 'obscurité pour éviter les

bombardements...

A travers des documents d'archives, cette

exposition retrace l'évolution de la lumière

jusqu'à nos jours. Il est particulièrement

intéressant de constater que c'est à partir

d'affiches, de gravures, de lettres de

réclamation ou d'autorisation officielle que

l'on construit l'histoire.

Cette exposition, assez petite, outre le

sujet à la fois étrange et passionnant nous

propose, entre les lignes, une leçon de

pratique historique.

C'est peut-être d'ailleurs là que réside le

principal intérêt de cette exposition pour le

public avec lequel nous travaillons.

àA FEUILLE T

6.2 € seulementpour 1 an

Virement sur le compte

001-1917334-11

Renseignements:Véronique MARISSAL

Tél. 02 412 56 14

àA FEUILLE T

6.2 € seulementpour 1 an

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Page 16: La grammaire autrement (1) - CEDD

Editeur responsable: Francis MAIRESSE, Président. Conception: studiogoor 02.538 34 25

16

Le CTL – La Barricade asbl

est à la recherche de volontaires

pour son centre de documentation

scolaire à destination d'enfants

du primaire et du secondaire :

aide aux tri, classement de la

documentation et accompagnement des

jeunes dans leurs travaux de recherche.

Contact : CTL – La Barricade asbl,

66 chaussée de Haecht, 1210 Bxl,

02/219.69.96

ou [email protected]

de l'objet insolite fait appel à l'attention, à

l'importance de poser un choix dans la

mesure où il faut choisir un seul objet avec

un budget limité. Le marchandage ensuite

demande un certain bagou... même si cela

ne fait pas nécessairement partie des

compétences que nous sommes sensés

développer...

Dans un second temps, la recherche et la

formulation d'hypothèses nous permet de

mettre l'imagination au service de la

compréhension et de transcrire le tout afin

d'être compris par des personnes

extérieures.

Elle nous permet une triple prise de

conscience: notre environnement évolue

au fil du temps, il n'y a pas « petite »

histoire, l'histoire se construit à partir

d'indices et de déductions comme une

enquête policière.

Activité

La Rue des Tanneurs est à deux pas du

vieux marché, place du jeu de balle... une

belle occasion de faire de l'histoire

appliquée! Le lieu regorge de trouvailles et

chiner pourra devenir un véritable plaisir!

Objectif

Les enfants sont rassemblés par groupe de

trois avec un budget de 5 € par groupe.

Ensuite les enfants sont invités à

rechercher un objet insolite, voire même

totalement inconnu au vieux marché et à

l'acheter.

Sur base de cette récolte, les enfants

tentent de découvrir l'histoire de l'objet à

partir des indices qu'il contient ou en

interrogeant leur entourage. L'activité peut

être étalée sur plusieurs jours, de manière

à rendre la recherche plus passionnante.

La consigne principale est que la

description qui sortira de leur plume soit

réaliste... pas question de faire appel aux

martiens pour le coup.

Pour clôturer l'activité, vous prenez une

photo de l'objet et vous nous envoyez la

définition que nous publierons dans A

feuille T!

Compétences exercées

Les compétences visées dans cette activité

sont multiples. Tout d'abord la recherche

S

Info pratiques

Du halo au réseau

La lumière dans la ville

Archive de la ville de Bruxelles

Rue des Tanneurs 65 – 1000 Bruxelles

Du 7/9 au 31/12 2007

Entrée gratuite

Du lundi au vendredi de 8 à 16h

et le samedi de 14 à 18h

Visite guidée sur demande

Info: 02/279 53 20

Avec le Soutien du Service de la Jeunesse de la Communauté Française, de la COCOF et de l'Orbem.