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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles La Gaule et les Gallo-Romains lors des invasions du V e siècle d'après Salvien (Quelques aspects du pays, attitued et sort des habitants) Author(s): Charles Favez Source: Latomus, T. 16, Fasc. 1 (Janvier-Mars 1957), pp. 77-83 Published by: Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41520889 . Accessed: 14/06/2014 10:20 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Societe d’Etudes Latines de Bruxelles is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Latomus. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.185 on Sat, 14 Jun 2014 10:20:51 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

La Gaule et les Gallo-Romains lors des invasions du Vesiècle d'après Salvien (Quelques aspects du pays, attitued et sort des habitants)

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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles

La Gaule et les Gallo-Romains lors des invasions du V e siècle d'après Salvien (Quelques aspectsdu pays, attitued et sort des habitants)Author(s): Charles FavezSource: Latomus, T. 16, Fasc. 1 (Janvier-Mars 1957), pp. 77-83Published by: Societe d’Etudes Latines de BruxellesStable URL: http://www.jstor.org/stable/41520889 .

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La Gaule et les Gallo-Romains

lors des invasions du Ve siècle d'après Salvien

(Quelques aspects du pays, attitude et sort des habitants)

Avant d'aborder le sujet de cette étude, je dois deux explications au lecteur. La première concerne mon titre, qui à la fois dit trop peu et trop. En effet, d'une part, ce que j'appelle Gaule embras- sait, au début du ve siècle, une grande diversité géographique, à savoir : la Narbonnaise, l'Aquitaine (*), la Novempopulanie (*), la Celtique (ou Gallia Lugdunensis ), la Belgique, la Germanie supé- rieure, la Germanie inférieure. D'autre part, il ne sera pas question ici de tous ces pays, car Salvien ne nous parle guère que de l'Aqui- taine, de la Novempopulanie et de trois villes : Mayence (capitale de la Germanie supérieure), Cologne (capitale de la Germanie infé- rieure) et Trêves (capitale des Treueri en Belgique).

Parmi les renseignements que nous donne Salvien - et c'est ma seconde explication, - je me vois obligé de faire un choix. Voici pourquoi. Un grand nombre de Gallo-Romains, devant les vexa- tions et les souffrances dont les accablaient les barbares, en arri- vaient à douter de la Providence, car, pensaient-ils, sans être par- faits, ils valaient cependant sans aucun doute beaucoup mieux que les envahisseurs païens ou hérétiques (3). C'est à ces plaintes que répond l'auteur du De gubernatione Dei en se plaçant à un point de vue diamétralement opposé. Les malheurs des chrétiens, y lisons-nous, ne sont que la conséquence de leurs péchés ; il faut y voir un châtiment voulu de Dieu : Ideo nos perferre haec mala

(1) L'ancienne Aquitaine de César (comprise entre les Pyrénées, la Garonne et Г Océan) s'est depuis Auguste agrandie aux dépens de la Celtique et se trouve limitée par les Pyrénées, FOcéan et la Loire.

(2) C'est l'Aquitaine de César détachée par Dioclétien de l'Aquitaine d'Au- guste.

(3) De gub, y IV, 57.

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patitur {Deus), quia meremur ut ista patiamur Q). Quant aux Ger- mains (2), il les estime, malgré leurs défauts qu'il ne nie point, bien supérieurs moralement aux Romains (3).

Entraîné par son ardeur à défendre sa thèse et par l'habitude de la déclamation, il nous fait de ceux-ci des descriptions effroya- bles, leur attribuant - à part de rares exceptions - tous les vices possibles, singulièrement la luxure. Ces descriptions se présentent sous des couleurs si sombres, elles sont si totalement dépourvues de nuances qu'elles perdent presque toute valeur documentaire. Aussi ai-je cru devoir les négliger, à la réserve toutefois de celles qui se rapportent à l'attitude des Gallo-Romajns au moment des invasions telle que Salvien l'a vue lui-même : il me semble qu'ici, en tenant compte des exagérations et des généralisations habituelles à cet auteur, nous pouvons, dans une assez large mesure, ajouter foi à son témoignage.

Depuis les incursions germaniques dont elle avait souffert au me et au ive siècles, la Gaule s'était bien relevée de ses ruines et jouissait d'une assez grande prospérité. C'est l'impression qui res- sort de la lecture du De gubernatione Dei : Mayence est une ville admirable ; Cologne l'est aussi, et même elle n'est pas loin de riva- liser de splendeur avec Trêves : prope eiusdem magnificentiae (4) ; quant à celle-ci, elle est la plus riche et la plus importante de toutes les cités gauloises (6). Cette affirmation correspond très probable- ment à la réalité : rappelons-nous qu'au ni® siècle elle avait été le séjour préféré des « empereurs gaulois », et qu'elle devint, dans la seconde moitié du siècle suivant, la résidence impériale. Les ruines qu'on y peut admirer attestent encore son ancienne gran- deur.

Mais c'est surtout de l'Aquitaine et de la Novempopulanie que Salvien nous fait le tableau le plus détaillé (e). La richesse de ces deux pays dépasse celle de toutes les autres contrées de la Gaule ;

(1) De gub. y IV, 54. (2) Voy. de l'admiration de Salvien pour eux une juste critique de M. Cour-

celle, Hist, littér. des grandes invasions germaniques , Paris, 1948, p. 127. (3) Par quoi il faut entendre les habitants - surtout les habitants chré-

tiens - de l'Empire par opposition aux barbares. (4) De gub., VI, 77 et 80. (5) De gub. t VI, 74, 76 et 82. (6) De gub ., VII, 8.

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ils offrent à qui les parcourt des spectacles aussi variés que char- mants ; Dieu les a comblés de ses faveurs et de ses bienfaits : l'auteur le dit par trois fois, et il se fait presque lyrique pour eu chanter la fertilité et la beauté :

« Chacun sait que l'Aquitaine et la Novempopulanie sont comme la moelle de presque toutes les Gaules et possèdent un terroir d'une merveilleuse fécondité, un terroir qui n'est pas seulement fécond, mais encore (ce que l'on juge d'ordinaire préférable) plein d'agré- ment, de charme et de plaisir. Tout le pays est chargé de vignes, orné de riantes prairies, parsemé de champs cultivés, planté d'arbres fruitiers, ombragé de bosquets, arrosé de sources, entrecoupé de cours d'eau, couvert de moissons ondoyantes ; les petits et les grands pro- priétaires de cette terre semblent détenir, moins la portion d'un sol terrestre, qu'une image du paradis » (*).

Que vont devenir ces campagnes opulentes, ces villes magnifiques, ces habitants privilégiés quand, semblables à un, irrésistible torrent, les hordes barbares submergeront tout sur leur passage : inundarunt Gallias gentes barbarae (2)? Sur les dévastations des campagnes, Salvien ne nous donne que peu de détails. Il se borne à nous dire que toutes les régions de la Gaule furent ravagées et que les ri- chesses de la plantureuse Aquitaine furent la proie des flammes :

[arserunt] opes Aquitanorum luxuriantium (3). En revanche, il s'étend beaucoup plus sur le sort des villes.

Chose étrange : il semble que les populations urbaines ne se soient pas rendu compte dès l'abord de la gravité du danger qui les mena- çait. Alors même qu'on en pressentait l'approche, alors même qu'on avait, pour ainsi dire, les barbares sous les yeux, l'insouciance était grande ; on ne songeait même pas à se défendre : Tanta ani - morum nel tanta potius peccatorum caecitas fuit , ut cum absque dubio nullus perire uellet9 nullus tamen id ageret ne perirei (4). Bien plus, on continuait à s'adonner à tous les plaisirs (5). Ce fut le cas, par exemple, à Trêves (e), où Salvien nous dépeint des scènes dont il a

(1) Trad. Courcelle, Hist, littéraire .., p. 124. (2) De gub., VI, 67 ; cf. VII, 50. (3) De gub., VII, 50. (4) De gub., VI, 80. (5) ... ne in summo quidem rerum discrimine cessasse umquam uitia ciuium

usque ad excidia ciuitatum (De gub., VI, 81). (6) Les savants ne sont pas d'accord sur la date de l'entrée des: barbares à

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été le témoin oculaire Í1). « Il est douloureux, dit-il, de rapporter ce que nous avons vu, des

vieillards revêtus d'honneurs, des chrétiens décrépits, alors que la chute de la ville était prochaine, se livrer à l'intempérance et à l'im- pureté ... On voyait étendus au milieu des festins, oubliant leurs dignités, oubliant leur âge, oubliant leur profession, oubliant leur nom, les principaux de la cité, gorgés de vivres, abandonnés aux dissolutions de l'ivresse, pousser des clameurs forcenées, se livrer à des orgies furibondes » (*).

Même spectacle à Cologne :

« Les premiers de la cité ne purent se résoudre à quitter les fes- tins, quand l'ennemi pénétrait déjà dans les murs ... C'est là que j'ai vu des choses déplorables ; il n'y avait aucune différence entre les enfants et les vieillards : même bouffonnerie, même légèreté, mêmes excès, même luxe, même ivrognerie, même dissolution ; ils se portaient les uns et les autres à tous les débordements, ils jouaient, il s'enivraient ... ; on voyait folâtrer dans les festins des hommes chargés d'années et revêtus d'honneurs, ... faibles pour marcher, ro- bustes pour boire ; chancelants dans leurs pas, pleins d'agilité dans les danses » (8).

Le réveil après cette sorte d'étourdissement dut être terrible, quand les habitants de Mayence, de Cologne et de Trêves s'aper- çurent que l'envahisseur ne se contentait pas d'occuper leurs villes, mais qu'il s'acharnait à les détruire (4). Le sort de Trêves fut par- ticulièrement tragique : elle eut à subir des destructions par trois fois, et la quatrième attaque amena sa ruine totale (5). Et quelles souffrances au cours de cette agonie sans cesse renaissante 1 Voici

Trêves, ni sur le nom de la tribu ou des tribus auxquelles ils appartenaient. Voy., à ce sujet, M. Schanz, Gesch. der röm. Litt., IV, 2, Munich, 1920, p. 523 (n° 1211) ; P. Courcelle, op. cit., p. 120, n. 1 ; N. K. Chadwick, Poe try and Letters in Early Christian Gaul , Londres, 1955, p. 162, n. 1.

(1) Mme Chadwick, op. cit., pp. 163-164, pense que le souvenir de ces scènes « inspires the earliest of his two surviving works, the Ad Ecclesiam *è

(2) De gub., VI, 73-74. Trad. J.-F. Grégoire et F.-Z. Collombet, Paris, 1833, t. I, p. 369. L'installation des barbares dans la ville ne mit pas fin à la soif des plaisirs : « Quelques nobles qui avaient survécu à la ruine [de Trêves] réclamaient des empereurs les jeux du cirque comme remède suprême à la destruction de la ville ». (De gub., VI, 85).

(3) De gub., VI, 77-78. Trad. Grégoire et Collombet, t. I, pp. 371-373. (4) De gub., VI, 39 et 79. (5) De gub., VI, 82 et 89 ; cf. VI, 39 et 74.

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le tableau pathétique qu'en fait Salvien Q) :

« La ville entière avait brûlé ; les malheurs ne faisaient que croître après les dévastations. Les gens que l'ennemi n'avait pas massacrés étaient accablés de maux ... Les uns, couverts de plaies profondes, expiraient des suites de leurs blessures dans une longue agonie ; les autres, à demi consumés par les feux de l'ennemi, en ressentaient longtemps les cruelles tortures. D'autres mouraient de faim ou faute de vêtements, desséchés de langueur ou roidis de froid ; tous, par des genres de mort contraires, couraient au même terme. Que dire de plus? La ruine d'une seule ville était une calamité pour les autres villes. J'ai vu de mes yeux, - et j'ai pu soutenir pareil spectacle, - j'ai vu épars çà et là des cadavres des deux sexes, nus, en lambeaux, souillant les regards, déchirés par les oiseaux et les chiens. Cette odeur des corps morts devenait une contagion pour les vivants. La mort s'exhalait de la mort ; ceux mêmes qui n'avaient pas assisté aux catastrophes de cette ville, souffraient d'un malheur qui leur était étranger » (2).

A côté de ce tableau général des malheurs de toute une cité, Salvien nous a laissé un bref récit de ceux d'une habitante de Cologne dans une lettre (3) où il recommande à des religieux (peut- être ceux de Lérins) le fils de cette femme. Celle-ci était veuve, « une veuve vraiment digne de ce nom » ( uere uiduam), et, qui plus est, une chrétienne remarquable par sa chasteté, sa sagesse et surtout sa foi. Elle et les siens, qui étaient apparentés à Salvien et appartenaient à une famille fort considérée, avaient d'abord été faits prisonniers par les envahisseurs. Ensuite « délivrée par la miséricorde de Dieu des chaînes de la captivité », elle se trouvait néanmoins dans un extrême dénuement, au point qu'il lui était

également impossible de rester à Cologne et d'en sortir, « n'ayant de quoi fournir ni à sa vie ni à sa fuite. » Aussi, pour ne pas mourir de faim, la malheureuse n'eut-elle d'autre ressource que de se faire la servante des femmes des barbares, condition qui ne valait guère mieux que l'esclavage : cum iam non seruiat condicione, seru.it

paupertate. Comparées aux terribles souffrances des habitants de Trêves

dont nous venons de lire le récit, celles de cette femme peuvent

(1) De gub., VI, 82-84. (2) Courcelle, Hist . ИШг... p. 124. (3) Ер. I, 5-6. Voy., sur cette lettre, N. К. Chadwick, Poetry and letters ...

pp. 162-163; 167-168. 6

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paraître supportables. Cela est vrai. Cependant il m'a semblé qu'elles étaient dignes de notre attention et de notre sympathie, et cela pour deux raisons. D'abord son sort - on n'en peut guère douter - fut celui d'innombrables hommes et femmes, parfois de haute condition, qui se virent forcés, du jour au lendemain, « de louer leurs mains », comme dit Salvien, à des maîtres durs et tyran- niques. Et puis, et surtout, la destruction d'une ville et le sort tragique de ses habitants excitent, sans doute, notre compassion, mais c'est une compassion qui, s'adressant à une masse confuse et anonyme, est forcément superficielle. Au contraire, quand il s'agit d'un particulier dont nous connaissons la famille, le genre de vie, la personnalité, ce que nous savons de lui le distingue des autres, le rapproche de nous, et ses épreuves touchent une corde plus intime de notre sensibilité.

Comme on le voit, la lecture de Salvien n'est pas sans intérêt. Elle nous apprend qu'au début du ve siècle la Gaule était encore prospère. Mais la prospérité ne procure pas seulement des avan- tages. Elle énerve parfois le courage, et, quand survient l'adversité, il arrive alors que ceux qui ont joui de ses faveurs ne possèdent plus la force d'âme nécessaire pour la supporter. De la vérité de cette assertion l'histoire renferme maint exemple. Je n'en citerai qu'un, celui de l'Église de Carthage lors de la persécution de Décius (en 249 ou 250). Amollie par de nombreuses années de paix et de jouissances matérielles, elle s'était mondanisée : aussi la peur de la souffrance provoqua-t-elle l'apostasie de la majorité des ouailles de saint Cyprien (*). La prospérité eut aussi pour l'Église gauloise de funestes conséquences. Endormis moralement, habitués au plaisir, un grand nombre de ses membres, en face de la catastrophe, n'eurent pas la force de réagir et offrirent à l'envahisseur barbare le lamen- table spectacle de gens qui, quoique se réclamant du nom du Christ, ne pensaient, au milieu même du malheur, qu'à se divertir et à faire ripaille.

Enfin l'œuvre de Salvien nous donne une idée des dévastations et des souffrances que causèrent à la Gaule les grandes invasions du ve siècle. Ce que relatent les manuels d'histoire sous une forme abstraite, nous le voyons ici mis, pour ainsi dire, sous nos yeux

(1) Saint Cyprien, Ер., XIV, 1, 1 : ... tempestas quae plebem nostram ex maxima parte prostrauit. Cf. encore De laps,, 8.

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par un témoin oculaire. Campagnes ravagées ; habitants des villes contraints de servir l'envahisseur, ou faits prisonniers, ou mourant de faim, ou massacrés ; corps humains étendus dans les rues et sur les places publiques et exhalant la puanteur de la mort ; villes florissantes, sur lesquelles s'acharne la fureur d'ennemis grossiers et impitoyables, s'écroulant parmi le fracas des destructions et la lueur des incendies et entraînant dans leur chute une brillante civi- lisation. Telle est l'image que nous donne de la conduite des bar- bares - étrange paradoxe - l'homme qui s'était fait l'ardent apo- logiste de leurs vertus!

Charles Favez.

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