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16 e année – Bimensuel sauf juillet, août et décembre : 1 parution/ mois – N° d’agréation : P402024 Belgique – België P.P. Charleroi X 1/3120 Rebondir sur l’innovation sociale www.alterechos.be ¢ Libéralisation : les consommateurs entre ombre et lumière ¢ Performance énergétique, ne prête-t-on qu’aux riches ? ¢ Des travailleurs sociaux qui changent de peau également en téléchargement gratuit sur www.alterechos.be 6 © Agence Alter asbl — Ed. resp. Aude Garelly – rue Guillaume Tell 57 – 1060 Bruxelles – ISSN 1372-6455 – © Photo: Loïc Delvaulx Numéro spécial LA F(R)ACTURE ? Précarité énergétique : réduire n°371-372 6 décembre 2013

La F(r)acture ?

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Page 1: La F(r)acture ?

16e année – bimensuelsauf juillet, août et

décembre : 1 parution/mois – N° d’agréation :

P402024

Belgique – BelgiëP.P.

Charleroi X1/3120

Rebondir sur l’innovation sociale www.alterechos.be

¢ Libéralisation : les consommateurs entre ombre et lumière¢ performance énergétique, ne prête-t-on qu’aux riches ?¢ Des travailleurs sociaux qui changent de peau également en téléchargement gratuit sur www.alterechos.be

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numéro spécial

La F(r)acture ?La F(r)acture ?La F(r)acture ?précarité énergétique : réduire

n°371-372 6 décembre 2013

Page 2: La F(r)acture ?

équipe de rédaction Sandrine Warsztacki, rédactrice en chef a.i. Nathalie CobbautArnaud Grégoire Marinette Mormont Cédric Vallet Julien Winkel

ont collaboré à ce numéroPierre JassogneVinciane MalcotteAmélie MoutonRafal NaczykJacques RemacleMartine VandemeulebrouckeValentine Van Vyve

rédaction et SecrétariatRue G. Tell 57 - 1060 Bruxelles T. 02 541 85 20 - F. 02 231 15 59 [email protected]

adminiStration Marie-Eve Merckx

direction Aude Garelly Céline Remy

GraphiSme Cécile Crivellaro Françoise Walthéry (fwalt.be)

correction Sophie Noël

impreSSion Nouvelles imprimeries Havaux, Fleurus

numéro Spécial précarité énerGétique : réduire la f(r)acture ?

reportaGe photo : l’eSpoir (p. 15)

© L

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introduction

4 De l’utilité d’une définition...

5 La précarité énergétique en chiffres

pointS de vue

6 Le bâti bruxellois en ligne de mire

7 Un décret wallon plus social ?

le bâtiment

8 Performance énergétique , ne prête-t-on qu’aux riches ?

11 À Liège, un prêt sans intérêt pour aider propriétaires et locataires

12 Le logement public s’active dans le passif

15 Reportage photo : l’Espoir

leS conSommateurS

20 Dur dur d’économiser ?

22 À Soignies, logement et énergie sous le même toit

23 Des travailleurs sociaux qui changent de peau

26 « On doit d’abord apprendre aux gens à trouver leurs compteurs »

28 Des médiateurs de dettes au jus

29 Un fonds mazout si peu social

30 « Transitionneur », un métier d’avenir

32 Des idées pour sensibiliser

le marché

34 Libéralisation : les consommateurs entre ombre et lumière

38 Panorama des acteurs du marché de l’énergie en Wallonie et à Bruxelles

40 Rechargez votre carte avant le black-out

42 Courts-circuits pour la tarification progressive

45 Tirs d’achats groupés

46 Le photovoltaïque brillera-t-il pour tous ?

48 Compteurs intelligents : la Belgique plutôt frileuse

Ce numéro spécial d’Alter échos a été réalisé avec l’aide de la Région de Bruxelles-Capitale, de Bruxelles Environnement et du Service Public de Wallonie, département énergie et Bâtiment durable (dG04)

Alter échos est membre de l’union de la Presse Périodique

Alter échos est imprimé sur un papier issu de forêts gérées de façon durable

www.alterechos.be2

Page 3: La F(r)acture ?

EditoabonnementSPapier + Web : 125 EuR/anPapier uniquement : 80 EuR/anWeb uniquement : 95 EuR/an

Pour vous abonner, appelez-nous au 02 541 85 20 ou envoyez un mail à [email protected] en laissant votre nom et numéro de téléphone.

Insertions publicitaires et petites annonces : prix sur demande à [email protected]

La reproduction intégrale ou partielle d’articles d’Alter échos est interdite par la loi parce qu’elle porte préjudice à leur exploitation normale.

L’Agence Alter est reconnue par la Fédération Wallonie-Bruxelles comme organisme d’éducation permanente.

Alter échos est une publication de l’Agence Alter asblPresse & Innovations socialesSiège social : Rue Namèche 2B 5000 NamurN° d’entreprise: 457 350 545 IBAN BE97 3101 2163 4349BIC BBRuEBB

Bizarre, comme c’est bizarre. Vous avez dit bizarre ? Alors que toute la rédaction est plongée dans la pré-paration du numéro spécial « Énergie » que vous tenez entre vos mains, depuis quelques semaines, plusieurs

pannes de courant frappent la Belgique. Le 24 octobre, un transformateur de Machelen tombe en panne laissant une partie du pays sans jus. La coupure ne dure que quinze petites secondes. Un quart de minute. L’incident suffit pourtant à semer la pagaille tout l’après-midi sur le réseau ferroviaire et dans le métro ! Deux semaines plus tard, c’est un problème tech-nique sur un poste de trans-formation du gestionnaire de réseau Élia qui laisse le Brabant flamand et l’ouest de Bruxelles sans électri-cité pendant trente longues minutes. Sans courant, pas métro, pas de journaux, pas d’Alter Échos ?! Le miracle de la fée électricité a telle-ment intégré notre quoti-dien que nous n’y prêtons plus la moindre attention.

L’énergie, cette puissance impalpable, que nous ne pouvons pas voir mais dont nous ne pouvons plus nous passer, est en voie de devenir un produit de luxe. Aujourd’hui, 7,09 % des ménages belges affirment rencontrer des problèmes financiers pour se chauffer correctement. Depuis 2006, les indices du prix à la consommation du gaz et de l’électricité ont augmenté de presque 40 %. Si le pétrole explose à 300 dollars le baril en

2050, les 10 % des Bruxellois les plus pauvres devront consa-crer la moitié de leurs revenus pour l’énergie liée au logement et au transport !

Lapalisse ne l’aurait pas mieux dit, les ménages en situation précaire sont les plus touchés par cette flambée des prix. Parce que les logements dont ils sont locataires sont souvent de

véritables passoires. Parce que l’énergie est ce qu’on appelle, de façon un peu barbare, une dépense incompressible. Que ce soit par idéal écologique ou par souci économique, ou les deux, même le plus motivé des décroissants ne pourra se passer d’un minimum d’éner-gie pour vivre décemment. Ainsi, les 10 % des ménages les plus pauvres dépensent presque 15 % de leurs revenus en factures d’énergie pour leur logement, contre à peine plus de 2 % pour les 10 % les plus riches.

Nous ne sommes pas égaux devant le montant de la facture. Nous le sommes, peut-être, un peu plus devant sa complexité. La question de l’accès à l’éner-

gie est aussi une question d’accès à l’information. Qu’il s’agisse de déchiffrer son contrat d’électricité, le mode d’em-ploi de la chaudière ou de s’y retrouver dans la multiplicité des acteurs du marché libéralisé, l’énergie est parfois une matière bien obscure. Ce numéro spécial tente d’apporter un peu de lumière sur ce secteur où se mêlent, de façon inextricable, enjeux sociaux et environnementaux. ¡

Débranchéspar Sandrine warSztacki

L’énergie, cette puissance

impalpable, que nous ne

pouvons pas voir mais

dont nous ne pouvons

plus nous passer, est en

voie de devenir un produit

de luxe.

n°370-371 – 6 décembre 2013 3

Page 4: La F(r)acture ?

introduction

De l’utilité d’une définition...Si tout le monde s’entend sur la nécessité de lutter contre la précarité énergétique, les avis divergent quand il s’agit de caractériser ce phénomène. Le définir précisément permettrait pourtant de fixer des objectifs lisibles et visibles. Et de mesurer les progrès accomplis. par sanDrine warsztacki

Évolution des plans de paiement, informations sur le statut de client protégé, courbe des tarifs... Rapports, études et statistiques ne

manquent pas pour souligner l’ampleur prise par la problématique de l’accès à l’énergie. Difficile pourtant d’extraire de cette montagne d’informations un chiffre unique, parlant, sur le nombre de personnes vivant en situation de préca-rité énergétique aujourd’hui en Belgique ou en Europe. Tant sur la plan national qu’européen, il n’existe pas de définition unanime. La Commission européenne reconnaît l’énergie comme un « besoin essentiel » et le terme précarité énergé-tique se retrouve émaillé dans une série de textes européens. Mais c’est au niveau des États membres que les critères pour la mesurer sont fixés.

Le Royaume-Uni fait figure de pion-nier dans l’étude du phénomène. Au début des années 90, des chercheurs britanniques ont définit le concept de « fuel poverty » comme une situation dans laquelle un ménage consacre plus

de 10 % de son revenu pour se chauffer de façon adé-quate, soit une tempéra-ture de 21 degrés pour les pièces de vie principales. À l’époque, un ménage anglais moyen consacrait 5  % de son revenu à ses dépenses de chauffage. Dans la même veine, le pro-jet « European fuel poverty and energy efficiency », souvent citée comme réfé-rence, définit la pauvreté énergétique comme la dif-

ficulté, voire l’incapacité, d’atteindre une température correcte à un coût supportable.

Jauger ou juger ?Ces définitions, fondées sur la fac-

ture de chauffage, ont le mérite d’être pragmatiques. Mais elles sous-estiment le phénomène de précarité énergétique puisque les personnes qui limitent leur consommation n’entrent pas en ligne de compte. « On passe ainsi à côté de situations où des personnes se mettent volontairement dans des situa-tions d’inconfort, voire mettent leur santé en péril par manque de moyens financiers », avertit François Grevisse, chercheur à la Fédération des services sociaux (FdSS). Par ailleurs, comment définir un élément aussi personnel que la température de confort ? Ne diffère-t-elle pas sensiblement en fonction que l’on se place du point de vue d’un jeune célibataire endurci, d’une veille dame frileuse ou d’un couple avec un jeune bébé ? Pourquoi se borner au chauffage

quand tant d’autres besoins reposent sur une source d’énergie pour être ren-contrés ? Quid de l’électricité nécessaire à l’éclairage, au fonctionnement de nos appareils ménagers, à l’utilisation d’un ordinateur ? Tant qu’on y est, pourquoi ne pas élargir la question de la préca-rité énergétique au carburant nécessaire pour remplir le réservoir de sa voiture ? On sait l’enjeu que la mobilité revêt en termes d’accès à l’emploi...

La définition de la précarité éner-gétique se heurte aux mêmes diffi-cultés que la définition de la pauvreté tout court. Soit on se situe dans une approche pratique, quantifiable, qui peut difficilement tenir compte de la diversité des situations. Soit on opte pour une définition plus centrée sur la notion de dignité humaine. Avec tout ce que cela entraîne comme subjectivité.

En Belgique, on estime que 14,6 % de la population vit sous le seuil de risque de pauvreté. On peut s’attendre à ce que les caractéristiques des personnes en situation de pauvreté énergétique suivent, dans les grandes lignes, celles de personnes en situation de pau-vreté. Les familles monoparentales, les femmes, les jeunes, les personnes âgées, si l’on suit cette logique, devraient faire l’objet d’une attention spécifique. « L’énergie représente-t-elle une pro-blématique telle qu’il faille en faire une dimension séparée ?, s’interroge François Grevisse. En faire un concept à part représente surtout un intérêt en termes de communication. Cela per-met de fixer un objectif clair, avec des indicateurs lisibles et des progrès mesu-rables, conclut le chercheur. » ¡

www.alterechos.be4

Page 5: La F(r)acture ?

introduction

La précarité énergétique en chiffreS

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Consommation d'eau Electricité Gaz IPC

© oBSERVAToIRE du CRédIT ET dE L’ENdETTEMENT / doNNéES : SPF éCoNoMIES

évolution des indices des prix de l’eau, du gaz, de l’électricité et de l’ipc entre 2006 et 2013

chauffe qui peutS’il ne fallait retenir qu’un seul chiffre,

ce serait peut-être celui-là. dans

l’enquête europé enne Silc (Statistics on

income and living conditions) de 2011,

7,09 % des ménages belges affirment

rencontrer des problèmes financiers

pour se chauffer correctement. En

2009, ils n’étaient « que » 5,1 %. Ce

qui représentait déjà tout de même

550 000 individus !

Des indices qui ne trompent pasdu cornet de frites au boudin en passant par le ticket de cinéma, l’indice des prix

à la consommation est calculé sur base d’un panier de 507 biens et services,

jugé représentatif de la consommation des ménages belges. dont l’énergie. Entre

2006 et juillet 2013, l’indice du prix du gaz a flambé de 38,1 % et celui de l’élec-

tricité de 39,7 %. L’énergie augmente plus vite que le coût de la vie : sur la même

période, l’indice des prix à la consommation augmentait de 18,5 %.

16%

14%

12%

10%

8%

6%

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16%

D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10

Part des dépenses énergie dans le total du revenumoyen du décile (1999)

Part des dépenses énergie dans le total du revenumoyen du décile (2009)

SPF éCoNoMIE, ENquêTE SuR LE BudGET dES MéNAGES 1999-2009

dépenses consacrées à l’énergie (pour le logement en % des revenus moyens par décile de revenus, en 1999 et 2009 en Belgique)

Question de proportions

Entre 1999 et 2009, la part du budget

des ménages consacrée aux dépenses

énergétiques pour le logement est

passée en moyenne de 4,36 % à 5,77 %,

révèle l’enquête sur le budget des

ménages du SPF économie. Mais cette

charge est nettement plus lourde pour

les moins nantis : les 10 % des ménages

les plus pauvres consacrent presque

15 % de leur revenu aux factures d’éner-

gie, contre plus de 2 % à peine pour les

10 % des ménages les plus riches. sur l’ardoise

Négocier un plan de paiement avec

son fournisseur permet d’étaler

les factures impayées. Selon la

Commission wallonne pour l’énergie

(Cwape), en Wallonie, 89 000 plans de

paiement ont été octroyés pour l’élec-

tricité et 41 000 pour le gaz en 2010. À

Bruxelles, Brugel (le régulateur bruxel-

lois pour l’énergie) dénombre 28 820

plans pour l’électricité et 25 500 pour

le gaz. dans plus de la moitié des cas,

ces plans ne sont pas respectés (et

dans 89 % pour le gaz à Bruxelles).

scénario catastrophe

dans un scénario où le pétrole coû-

terait 300 dollars le baril en 2050, à

comportement inchangé, les 10 % des

ménages bruxellois les plus pauvres

consacreraient la moitié de leurs

revenus à des dépenses d’énergie liées

au logement et au transport, révèle le

rapport sur l’évaluation des consé-

quences sociales, économiques et

administratives d’un prix élevé du baril

de pétrole en Région de Bruxelles-

Capitale, réalisé pour le compte de

Bruxelles-Environnement.

par sanDrine warsztacki

n°370-371 – 6 décembre 2013 55

Page 6: La F(r)acture ?

points de vue

Le bâti bruxelloiS en ligne de mireSandrine Meyer, du Centre d’études économiques et sociales de l’environnement de l’ULB, a collaboré fin 2011 à une importante étude sur l’état des lieux de la précarité énergétique en Belgique. Elle nous livre son analyse sur la situation à Bruxelles. par arnauD grégoire

La première question qui s’est posée aux auteurs de ce travail, coordonné par Jan Vranken de l’Université d’Anvers et financé

par Electrabel, a été de définir le phé-nomène de précarité énergétique. Sandrine Meyer et Jan Vranken ont retenu la définition suivante : « La pré-carité énergétique fait référence à la situation dans laquelle une personne ou un ménage rencontre des difficultés particulières dans son logement à se fournir en énergie nécessaire à la satis-faction de ses besoins élémentaires. » Relevons d’emblée que cette acception n’inclut donc pas les difficultés de four-niture en énergie destinée à la mobilité.

À l’origine des problèmes que ren-contrent les ménages en matière d’énergie, Sandrine Meyer identifie trois sources principales : la faiblesse des revenus, la mauvaise performance énergétique du logement et le prix des énergies. Attention, la faiblesse de ses revenus ne signifie pas automatique-ment qu’un ménage est en situation de précarité énergétique. L’on peut en effet rencontrer des ménages à revenus modestes, logés dans un habitat social très performant du point de la gestion des énergies. Inversement, un ménage aux revenus moyens peut habiter un appartement ou une maison qui est une vraie passoire énergétique.

Enfin, relève Sandrine Meyer, ces trois facteurs qui favorisent la précarité énergétique ne présagent en rien de fac-teurs conjoncturels, telle par exemple qu’une situation de maladie longue, qui

pèsera sur les revenus d’une personne tout en accroissant sensiblement ses dépenses énergétiques dans le cas où elle doit rester chez elle.

On le voit – et c’est une observa-tion majeure de l’étude codirigée par Sandrine Meyer – le phénomène de précarité énergétique est complexe en ce qu’il se situe à la croisée des problé-matiques sociales et environnemen-tales. Et à Bruxelles, la situation est exacerbée. La capitale cumule en effet les difficultés socio-économiques : une forte proportion de la population n’y dispose que de faibles revenus et le bâti y est dans un grave état de sous-perfor-mance énergétique.

À cela s’ajoute le fait que la majorité des logements sont loués. En effet, en Région wallonne ou en Région fla-mande, 60  % des logements sont la propriété de ceux qui les habitent. La proportion est inverse à Bruxelles, où 60  % des logements sont loués. Avec une conséquence directe : les proprié-taires n’ont pas d’intérêt à investir dans des logements pour lesquels ils ne

bénéficieront pas d’une performance énergétique améliorée.

En outre, relève Sandrine Meyer, la gestion en copropriété est un frein supplémentaire à l’investissement en faveur de la performance énergétique d’un immeuble. Quand bien même certains propriétaires seraient enclins à investir dans cette voie, ils devraient convaincre les autres propriétaires et le syndic. Une gageure, d’autant que les syndics ne sont pas toujours formés à ces matières complexes que sont les questions énergétiques.

Pour Sandrine Meyer, la situation ne va sans doute pas s’améliorer. Les conditions socio-économiques des Bruxellois ne vont pas miraculeuse-ment se redresser et les prix des éner-gies, dans le cadre d’un marché de plus en plus tendu, ne vont certainement pas diminuer.

Pour la chercheuse de l’ULB, la meil-leure – voir la seule – solution est l’amé-lioration énergétique du bâti. Pour ce faire, une volonté politique forte est nécessaire. Selon Sandrine Meyer, il n’existe pas de vision transversale qui aborde le problème de front à Bruxelles. La précarité énergétique n’y est pas abordée comme une problématique en tant que telle. Chaque ministère y va de ses mesures qui impactent de près ou de loin le phénomène. Aujourd’hui coexistent en effet des mesures sociales en faveur d’un logement décent pour tous et des mesures environnementa-listes, sans concertation entre les diffé-rents pouvoirs qui les promeuvent. ¡

Le phénomène de précarité énergétique est complexe en ce qu’il se situe à la croisée des problématiques sociales et environnementales.

en Savoir pluS

¡ Huybrechs F., Meyer S., Vranken J., La précarité énergétique en Belgique, Rapport final, oASeS (université d’Anvers) et CEESE (uLB), décembre 2011.

www.alterechos.be6

Page 7: La F(r)acture ?

points de vue

Un décret wallon plus social ?En matière de précarité énergétique, la Wallonie est confrontée aux même défis que Bruxelles. En particulier, la faible performance de son bâti. Par contre, l’approche politique des questions liées à l’énergie diffère sensiblement. Le point avec le Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie (Rwade). par arnauD grégoire

À la différence de Bruxelles, la Région wallonne a adopté le système des compteurs à bud-get pour cadrer les dépenses

énergétiques des ménages en difficulté. Ce système suscite la polémique. Pour Aurélie Ciuti, coordinatrice du Réseau wallon pour l’accès durable à l’éner-gie (Rwade), les compteurs à budget devraient tout simplement être ban-nis. Il coûte cher et n’apporte qu’une réponse très limitée à la problématique de la précarité énergétique. En outre, le système wallon ne met aucune pro-tection face aux coupures unilatérales. Une personne qui a refusé l’installa-tion d’un compteur à budget, ou est présumée l’avoir refusé – pour cause d’absence du domicile par exemple – se verra couper la fourniture de gaz ou d’électricité, sans autre forme de procès. « Avec cet argent, on voudrait faire d’autres choses, explique Aurélie

Ciuti. Ce n’est pas un compteur à bud-get qui va expliquer aux ménages com-ment adapter leurs comportements pour réaliser des économies d’éner-gie ! » Non seulement il faudrait que les ménages soient accompagnés dans leurs comportements de consomma-tion des énergies, mais il faut aussi un encadrement spécifique en faveur de la rénovation et de l’isolation.

Autre différence avec Bruxelles, la Wallonie ne bénéficie pas d’une struc-ture de représentation des consomma-teurs d’énergie. Au sein de la Région de Bruxelles-Capitale, le Conseil des usa-gers de l’électricité et du gaz permet de construire une véritable expertise sur ces matières très techniques que sont les questions de gestion des énergies. Point d’institution équivalente en Wallonie, donc, et du côté des consommateurs, le Rwade est finalement le seul lieu où se construit une expertise sur ce sujet.

Mais le projet de nouveau décret électricité devrait donner naissance à un conseil général, véritable plate-forme de concertation entre les diffé-rents acteurs du secteur de l’énergie. « Actuellement, ce qui est envisagé, c’est d’avoir quatre représentants des fournisseurs d’énergie et deux repré-sentants des consommateurs. On se retrouverait donc à nouveau dans un déséquilibre », déplore par contre Aurélie Ciuti.

La coordinatrice du Rwade fait enfin remarquer que les fournisseurs wallons sont plus endettés que les Bruxellois. Difficile de trouver les raisons de cet état de fait, mais Aurélie Ciuti note que le système des compteurs à budget ne paraît pas très efficace à ce point de vue. Des consommateurs joueraient d’ailleurs avec le système, en changeant de fournisseur dès qu’un compteur a été installé chez eux, et en laissant des dettes derrière eux.

Là aussi, peut-être le projet de nouveau décret électricité appor-tera-t-il des solutions, notamment en ne considérant la pose d’un comp-teur à budget que comme un ultime recours. D’une manière générale, ce nouveau décret devrait apporter un peu de plus de visées sociales dans l’approche des questions de fourni-tures énergétiques. ¡

en Savoir pluS

¡ Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie (Rwade) : rue de Gembloux, 47 à 5002 Saint-Servais – tél. : 081 73 40 86 – courriel : [email protected]

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n°370-371 – 6 décembre 2013 77

Page 8: La F(r)acture ?

partie 1_Le bâtiment

Performance énergétique, ne prête-t-on qu’aux richeS ?

Le débat fait rage depuis que les primes énergie existent. Ne profitent-elles qu’aux riches ? Malgré des efforts réalisés par les gouvernements bruxellois et wallons, certains continuent de le penser. En particulier en ce qui concerne les locataires. Bilan et pistes de solutions. par céDric vaLLet

Les primes pour rénover les bâti-ments forment une jungle com-pacte. « Il y a énormément de choses pour améliorer la perfor-

mance énergétique du parc immobilier, explique François Grevisse, spécialiste de la question pour la Fédération des services sociaux. Il y a peu de chances que les gens s’y retrouvent tout seuls, surtout les ménages en situation pré-caire qui ont d’autres soucis. »

Les ménages les plus précaires sont-ils condamnés à vivre dans des pas-soires énergétiques ? Sur le terrain, Marie-Christine Renson, travailleuse sociale à Schaerbeek, constate que parmi les plus pauvres, et notamment les locataires, « l’état du bâti est telle-ment mauvais qu’on ne saurait pas par où commencer ». Un constat ancien et pas forcément prêt de changer, malgré les multiples primes, aides et prêts verts qui fourmillent.

« Il y a des délais pour obtenir les primes, étaye François Grevisse, des difficultés administratives, et sur-tout il faut avancer l’argent. Quant aux demandes de prêt, c’est une dette contractée », pour des personnes qui en ont peut-être d’autres. Selon François Grevisse, « les effets des primes peuvent paraître relativement inéquitables. Les

impôts de tout le monde étant redis-tribués à ceux qui ne sont pas les plus démunis ». L’adage « on ne prête qu’aux riches » reprend de la vigueur...

Les gouvernements wallons et bruxellois, bien conscients de ce pro-blème, ont tenté d’y remédier. Les primes énergie ont été récemment ventilées en fonction des catégories de revenus, en 2011 à Bruxelles et en 2010 en Wallonie. Des prêts verts ont également été institués dans les deux Régions.

En Wallonie, les aides et prêts verts sont réunis dans le dispositif Écopack. Au cabinet de Jean-Marc Nollet, ministre de l’Énergie, Sébastien Fontaine, conseiller, estime que désormais, l’angle social des primes est « affirmé ». Il en veut pour preuve : « Sur les 6 000 Écopacks octroyés entre mai 2012 et septembre 2013, 45 % l’ont été aux caté-gories les plus modestes. »

Un succès à relativiser toutefois car, finalement, seuls 2 700 ménages wal-lons modestes ont reçu un Écopack en presque un an et demi. Quant au total

du nombre de primes énergie délivrées par la Région wallonne, il oscille entre 30 et 40 000, en fonction des années. Et là, la catégorie des « revenus modestes » ne dépasse jamais les 15 %.

À Bruxelles, on sait qu’environ 40 % des primes octroyées le sont à la catégo-rie « de base », donc à celle dont le revenu est le plus faible (revenus du ménage inférieurs à 30 000 euros). Chez Infor gazélec, Paul Van Lerberghe incite à prendre des pincettes avec ces chiffres : « Les gens précaires et non précaires sont réunis dans une grande catégorie. C’est une forme de camouflage statis-tique. » La moyenne générale des reve-nus à Bruxelles-Capitale, en 2011, par

déclaration était de 25 094 euros. Les efforts réalisés par les gouver-

nements régionaux sont donc dif-ficiles à quantifier. Mais Sébastien Fontaine concède qu’il est « encore possible de mieux faire ». Et notam-ment dans un domaine qui préoccupe toute l’Europe : celui du dilemme propriétaire-locataire.

« L’état du bâti est tellement mauvais qu’on ne saurait pas par où commencer. » Marie-Christine Renson, travailleuse sociale à Schaerbeek

www.alterechos.be8

Page 9: La F(r)acture ?

Locataires – propriétaires : la déprime énergétique

Quel intérêt aurait un propriétaire bailleur à investir dans l’amélioration de la performance énergétique de son bâtiment, si c’est son locataire qui pro-fite des économies d’énergie ? Voilà en résumé le fameux dilemme « locataire-propriétaire » qui fait que l’Europe entière se coupe les cheveux en quatre.

Prenons l’exemple de Bruxelles. On estime que la ville compte 60 % de loca-taires. Les loyers augmentent pour tous mais surtout pour les habitants pauvres (près de 34 % des habitants atteignent le taux de risque de pauvreté, selon l’Ob-servatoire de la santé et du social de Bruxelles-Capitale), sans que la perfor-mance énergétique de leurs bâtiments ne s’améliore. D’où l’inquiétude de cer-tains que ne s’accroisse une « fracture énergétique », avec en queue de pelo-ton, des locataires précaires, perdant beaucoup d’argent pour chauffer leur appartement traversé de courants d’air.

Et ceux qui pensaient que le certificat de performance énergétique du bâti-ment (NDLR certificat PEB : obligation d’évaluer la performance énergétique d’un bâtiment à vendre ou à louer,

au niveau fédéral, une seule aide : le crédit d’impôt pour rénovation de toiture.

Il s’élève à 30 % des dépenses, pour un coût ne dépassant pas 3 010 euros.

niveau régional :

¡ Primes à la rénovation (Bruxelles) – réhabilitation (Wallonie)

Ces primes visent à améliorer le logement d’un propriétaire (ou, à Bruxelles,

d’un locataire, s’il fait appel à une agence immobilière sociale). Elles

concernent les travaux d’isolation, de toiture, d’installations de gaz, etc.

Le montant varie en fonction du lieu d’habitation et du revenu. La catégo-

rie inférieure correspond aux ménages gagnant moins de 33 525 euros à

Bruxelles et 17 500 euros en Wallonie (pour des couples). À Bruxelles,

le montant maximal des primes est de 30 à 70 % du coût des travaux pour

un montant n’excédant pas 35 000 euros sur 20 ans. En Wallonie, il est de

10 à 40 % des travaux pour un maximum de 2 980 euros.

¡ Primes énergie

Elles recoupent en partie les primes à la rénovation et peuvent s’addition-

ner. De l’isolation au chauffage en passant par la ventilation et l’électro-

ménager, elles touchent un large éventail de travaux. Depuis peu, leur

montant varie en fonction des revenus.

Pour encourager les revenus les plus modestes à effectuer ces travaux,

des systèmes de prêts à taux zéro ont été mis en place. À Bruxelles, Crédal

alloue un prêt vert.

La Région wallonne a mis en place Écopack, qui synthétise les aides exis-

tantes en les couplant à un prêt vert : la personne qui reçoit un prêt n’aura

qu’à rembourser le prix des travaux... moins le montant des primes.

¡ Le Mebar Wallon

Subvention allouée aux revenus modestes pour de menus travaux d’isola-

tion ou de chauffage.

¡ Certaines provinces proposent aussi des primes.

La Province du Brabant-Wallon, par exemple, a ses primes à l’isolation

alors que la Province de Liège propose des primes pour l’installation de

chauffe-eau solaires.

¡ On trouve aussi des primes dans certaines communes.

La ville de Liège aide à financer l’isolation de la toiture et le remplacement

du vitrage. À Evere, on propose une prime « tonneau de récupération des

eaux pluviales » alors que Namur finance le photovoltaïque.

¡ Enfin, certains CPAS, via le fonds gaz électricité peuvent aider des bénéfi-

ciaires à entamer quelques travaux d’économies d’énergie.

aides, crédits d’impôt et primes, s’y retrouver ?

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n°370-371 – 6 décembre 2013 99

Page 10: La F(r)acture ?

partie 1 _ le bâtiment

mais pas de faire les travaux), imposé par l’Europe, changerait la donne, se sont fourré le doigt dans l’œil. C’est en substance ce que dit Sandra Meyer, chercheuse à l’ULB : « La demande de logements à bas coûts est tellement supérieure à l’offre que les propriétaires n’ont pas besoin d’une bonne PEB pour se démarquer. » Et si, malgré tout, le propriétaire décide d’entamer des tra-vaux, il changera de standing et aura envie d’en tirer profit.

inciter sans pénaliserAujourd’hui, l’enjeu est d’inciter les

propriétaires à investir, sans pénali-ser les locataires. Une idée qu’avance François Grevisse : « On pourrait envi-sager d’augmenter le loyer dans une proportion acceptable, le temps de rembourser l’investissement. » L’idée « win win » étant que le locataire éco-nomise de l’énergie et qu’il consacre une part de cette économie à une aug-mentation modérée du loyer, pour que le propriétaire bénéficie d’un retour sur investissement. Une piste à l’étude chez la ministre de l’Énergie bruxelloise, Éveline Huytebroeck. Elle lancera bientôt un projet-pilote, sur base d’une étude de Bruxelles-Environnement. Corinne Bernair, chef de service à Bruxelles-Environnement, explique les tenants et aboutissants du projet : « Il faudra d’abord bien évaluer la situa-tion énergétique des bâtiments pour voir quels travaux réaliser. L’idée serait qu’avec une économie d’énergie de 75 euros par mois au bénéfice du loca-taire, le propriétaire pourrait augmen-ter ses charges de 50 euros. Je dis bien les charges, car on ne peut augmenter le loyer pendant la durée du bail. »

La précision est d’importance, car beaucoup rêvent d’un encadrement des loyers. Ils savent que l’opportunité se présentera bientôt, avec la régiona-lisation de la loi sur les baux à loyer. Les équipes populaires, par exemple, militent pour des « loyers fixés objec-tivement », en fonction de critères pré-cis... dont la performance énergétique des bâtiments. C’est même une condi-tion essentielle pour José Garcia, pré-sident du syndicat des locataires. Sans cela, il ne voit pas pourquoi, « au vu du contexte actuel où les loyers sont fixés dans des proportions absurdes, il fau-drait répercuter le gain énergétique sur une augmentation des loyers ».

Pas besoin pour autant d’attendre la régionalisation des baux pour agir. « Par exemple en créant une sorte de matrice de différents critères à res-pecter pour fixer un loyer. Les primes énergie pourraient être majorées ou minorées si les critères sont respectés », propose Sandra Meyer.

Des pistes à explorerD’autres pistes sont étudiées pour

encourager la rénovation énergétique. En jouant par exemple sur la fiscalité. José Garcia détaille : « Tout propriétaire bailleur peut déduire 40  % du revenu cadastral de son précompte immo-bilier. C’est une réduction forfaitaire automatique pour la rénovation. Il faudrait changer cette règle et ne lais-ser que ceux qui font effectivement les travaux bénéficier de cette déduction. »

Plus concrètement, sur le terrain, certains agissent déjà. À Schaerbeek, la toute récente maison de l’énergie et de l’écoconstruction « Nord » tra-vaille main dans la main avec la cellule

énergie du CPAS pour proposer des solutions « clef sur porte, en fonction de chacun ». Ghislain Errembault, le coordinateur, explique leur méthode : « L’idée est de maximiser les aides publiques en fonction de la situation. Si nous construisons ensemble une solu-tion, avec le propriétaire, le locataire, le CPAS, en jonglant avec les aides régio-nales, communales, éventuellement celles du CPAS, on peut faire quelque chose. On y dépense beaucoup d’éner-gie, mais le jeu en vaut la chandelle. » Même si, au passage, il regrette que les montants des primes régionales aient été diminués cette année...

Au-delà, la maison de l’éner-gie affirme partager les idées du Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH) pour améliorer les systèmes de primes : « On pourrait par exemple être plus restrictif pour les catégories élevées de revenu, ou pour les travaux hautement technologiques coûteux. Les primes électroménager pourraient n’être accessibles qu’à une catégorie de population à très faible revenu. On pourrait aussi allouer des enveloppes par types de primes. Par exemple, plus d’argent pour les isola-tions de toitures, moins pour le passif. »

Entre réduction des gaz à effet de serre et aides aux plus précaires, faudra-t-il choisir ? ¡

en Savoir pluS

¡ Maison de l’énergie et de l’écoconstruction Nord : place de la Reine, 6 à 1030 Schaerbeek – tél. : 02 563 40 01 – courriel : [email protected]

¡ François Grevisse, Les impacts sociaux des nouvelles réglementations relatives à la Performance énergétique des Bâtiments en Belgique, Fondation Roi Baudouin, octobre 2012.

Les ménages précaires sont-ils obligés de vivre dans des passoires énergétique ?Marie-Christine Renson, travailleuse sociale à Schaerbeek

www.alterechos.be10

Page 11: La F(r)acture ?

à lièGe,un prêt sans intérêt pour aider propriétaireset locataires Les tuteurs énergie des CPAS sont souvent confrontés à

des bâtiments mal isolés qui ruinent les locataires autant que l’efficacité de leurs conseils en matière d’économies

d’énergie. À Liège, le CPAS a pris le problème en amont. par Martine vanDeMeuLebroucke

Comment économiser l’énergie quand les fenêtres laissent pas-ser les courants d’air ou quand la chaudière consomme comme

dans les années 60 ? La réponse est évi-dente : il faut faire les travaux néces-saires. Et aider ceux qui ne peuvent y faire face. C’est la mission du service éco-logement du CPAS de Liège. « C’est un architecte qui constitue le dossier, explique Valérie Bernard, responsable du service. Il assure, avec l’entrepreneur, son suivi technique, mais un accompa-gnement social est aussi prévu. »

La rénovation ou la réhabilitation du logement est financée par un prêt d’un maximum de 10 000 euros, rembour-sable en cinq ans avec un taux d’intérêt de 0 %. « L’objectif de notre service est de suivre 40 dossiers par an. En 2013, nous avons reçu 58 demandes mais 38 seulement ont reçu une réponse favorable. »

La demande d’intervention peut être faite tant par le propriétaire que par le locataire. Si c’est le locataire qui s’adresse au service éco-logement, « nous visitons

avec lui le logement. S’il est insalubre ou en très mauvais état, nous prenons contact avec le propriétaire et nous l’orientons vers le service énergie pour l’aider à faire les travaux nécessaires ».

Et si le propriétaire refuse ? « Alors nous sortons le locataire du logement, poursuit Valérie Bernard. Nous dispo-sons de 22 logements de transit pour les cas urgents. Et pour les autres, nous tentons de le reloger chez d’autres pro-priétaires privés. » Les personnes suren-dettées prises en charge par la cellule énergie sont aussi « une porte d’entrée » pour une intervention du service éco-logement. Les tuteurs énergie vont vérifier l’état du domicile pour voir sa part de responsabilité éventuelle dans l’endettement du ménage.

Les prêts ne sont bien sûr accordés qu’au public cible du CPAS. Les travaux sont aussi une étape pour induire des changements de comportements dans la gestion de l’énergie chez le loca-taire comme chez le propriétaire. Les

travaux doivent répondre à des condi-tions très strictes : faire appel aux entre-preneurs agréés par le CPAS et surtout suivre une certaine hiérarchie dans les priorités. « Pour le propriétaire, le fait que nous imposions les priorités dans la réhabilitation est parfois vécu comme intrusif. Il faut pouvoir expliquer pour-quoi tel choix est déterminant dans une gestion plus économe de l’énergie. »

Mais il arrive aussi (et même sou-vent) que le logement se trouve dans un état de délabrement tel que l’architecte baisse les bras et estime qu’il est préfé-rable d’abandonner le bâtiment. « C’est très dur pour les propriétaires qui sont souvent des personnes âgées. S’il s’agit de propriétaires habitants, nous lui offrons un accompagnement social pour l’aider à abandonner son bien et à se reloger ailleurs. »

Selon Valérie Bernard, beaucoup de logements à Liège sont « dans un état pitoyable ». La faute à la précarité de cer-tains propriétaires ou à leur négligence. « Nous sommes intervenus, dit-elle, dans une maison où une vigne vierge avait poussé à l’intérieur des pièces d’habitation jusqu’à atteindre le toit. Il a fallu une semaine à l’entrepreneur pour évacuer cette vigne du bâtiment. » ¡

« pour le propriétaire, le fait que nous imposions les priorités dans la réhabilitation est parfois vécu comme intrusif. il faut pouvoir expliquer pourquoi. » Valérie Bernard, service éco-logement du CPAS de Liège

en Savoir pluS

¡ Cellule éco-logement du CPAS de Liège : rue douffet, 24 à 4020 Liège – tél. : 04 343 61 88 – site : www.cpasdeliege.be

n°370-371 – 6 décembre 2013 1111

Page 12: La F(r)acture ?

Le logement publics’active dansle paSSif

Les logements sociaux et publics sont de plus en plus construits à la sauce passive. Une avancée, sans aucun doute. Mais les débats autour de leur coût et de l’accompagnement qu’ils nécessitent sont-ils vraiment clos ? par JacQues reMacLe

Sebastian Moreno-Vacca, archi-tecte du bureau A2M se targue d’être le champion du logement passif. « Au bureau, on ne fait que

ça. On en a construit 18 ! », claironne-t-il. Pour lui, Bruxelles est fort en avance. « Avec Hanovre et le Tyrol », précise-t-il. À Bruxelles, toute nouvelle construc-tion publique doit être conçue sur le standard passif depuis 2012. Cette règle sera étendue aux bâtiments privés dès 2015. Une minirévolution, c’est vrai, mais qui pose les questions du coût et de l’accompagnement.

un surcoût en voie de disparition ? Selon Damien Carmoy, architecte

du projet L’Espoir à Molenbeek, le sur-coût d’une maison individuelle est de l’ordre de 10  % et est lié aux façades et aux châssis. Assez logiquement, ce surcoût est moins important dans le cas des grands immeubles. Si l’on se situe dans le cadre de marchés publics, le fait de confier simultanément la conception et la réalisation (design & build) permet aussi de réduire les coûts, précise Sebastian Moreno. La Société de développement pour la Région de Bruxelles-Capitale (SDRB) a ainsi fait baisser le coût de construction à 1 100/1 200 euros du mètre carré. « On a même atteint 1 027 euros le mètre carré sur un projet », souligne-t-il.

Pour Christos Doulkeridis, le secré-taire d’État bruxellois au Logement, l’impact du surcoût n’existe quasi plus. « Les réalisations passives les plus récentes menées à Bruxelles ont montré que ce surcoût n’atteignait plus que un pourcent. Le marché de la construction

partie 1 _ le bâtiment

une réalisation du bureau d’architecte r2d2 © GEoRGESdEkINdER.CoM

www.alterechos.be12

Page 13: La F(r)acture ?

réagit très positivement. Plus le pas-sif devient «standard», plus les prix se normalisent. C’est tout l’enjeu d’une attitude volontariste et exemplaire des pouvoirs publics », soulignait-il récem-ment. « C’est exact, le marché s’adapte. Le passif s’est vraiment invité dans le secteur de la construction, renchérit Moreno. On a alors vu les prix bais-ser et 800 000 mètres carrés de passif ont été construits en cinq ou six ans à Bruxelles. »

Autre élément important, relevé par la députée bruxelloise Caroline Désir, également échevine des Propriétés com-munales à Ixelles : le fait que les charges sont parfois plus lourdes que le loyer. « Le passage au passif n’a pas seulement

un effet environnemental, même si c’est important. C’est avant tout une mesure sociale, soutient d’ailleurs le secrétaire d’État. Il importe aujourd’hui de maî-triser le coût final du logement social : le loyer plus les charges. » Un enjeu qui pourrait d’ailleurs avoir des consé-quences sur l’équilibre financier des sociétés de logements. Car, ajoute-t-il, « quand un ménage doit payer 200 euros de loyer et la même chose de chauffage, et doit choisir en fin de mois, il se chauffe d’abord ».

un accompagnement nécessaireMais la performance énergétique

du bâtiment – et donc son coût – est fonction de l’utilisation qu’en font ses

habitants. C’est ce qu’explique Michaël Collon, écoconseiller à Objectif 2050 : « En Allemagne, on connaît un projet où les gens n’ont pas été sensibilisés au comportement. La consommation de l’immeuble a augmenté. Dans le passif, le moindre défaut de comportement a une incidence proportionnellement plus importante. »

Tout autre son de cloche chez Sebastian Moreno. « Au début, cer-tains bâtiments ont été mal conçus ou de manière trop sophistiquée. Mais aujourd’hui, on arrive clairement à une deuxième génération de projets. Les gens peuvent y vivre comme ils veulent. À la fin, ils paieront de toute façon 10 euros de charges plutôt que 250 ! Car on arrive à faire des choses assez sem-blables à des vannes thermostatiques », estime-t-il.

Pour beaucoup, l’enjeu de l’accompa-gnement est important. Dans le projet L’Espoir, à Molenbeek, un guide et dix fiches ont été réalisés afin de faciliter la bonne utilisation du bâtiment. Les locataires se sont par ailleurs faits les ambassadeurs de cette expérience (lire Alter Échos n° 365 : L’Espoir durable se transmet). À la rue de la Brasserie à Ixelles, douze logements communaux ont été érigés dans le cadre du « contrat de quartier Malibran ». « Je n’étais pas encore en charge, se souvient Caroline

« dans le passif, le moindre défaut de comportement a une incidence proportionnellement plus importante en termes de consommation. » Michaël Collon, Objectif 2050.

Mathurin Smoos, conseiller au cabinet du ministre wallon du Logement,

Jean-Marc Nollet, rappelle qu’en Wallonie, on ne fait plus de distinction entre

logement public et social. « On fait du logement public pour tous ». Au niveau du

passif, la Wallonie est bien consciente qu’on est en marche vers une imposition

des normes au niveau européen. « Nous avons décidé de ne pas l’imposer, mais

de l’encourager, pour permettre une transition tant pour les sociétés que pour

les habitants. Pour les nouvelles constructions, on prévoit une surprime en

cas de construction passive. 10 000 euros pour une maison, 5 000 euros pour

un appartement », décrit le conseiller. Et les constructions se développent

en ce sens. « Avant 2012, cela ne concernait que quelques logements. C’est

plus marqué dans les projets de l’ancrage communal 2012-2013 (NDLR les

programmes communaux en matière d’ancrage constituent la transposition

effective des déclarations de politique générale du logement). Cela concerne

environ 30 maisons et 60 appartements, soit 10 % des projets. Cela marque une

tendance. Toutes les autres constructions seront basse énergie », se satisfait-il.

Un manque de vision, selon Michaël Collon écoconseiller, d’Objectif 2050, pour

qui « il faut d’urgence faire du passif le standard du logement public ».

et en wallonie ?

cette farde d’accueil est distribuée aux locataires des logements basse énergie

n°370-371 – 6 décembre 2013 1313

Page 14: La F(r)acture ?

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Désir, mais on m’a relaté que l’accom-pagnement ne fut pas facile. Le stan-dard dans le passif est de 19-20 degrés. Certains locataires trouvent cela un peu froid. Il y a donc eu pas mal de soucis au démarrage. Cela devrait mieux se passer lors du prochain hiver », espère-t-elle.

En 2012, le cabinet Doulkeridis a soutenu l’édition d’une farde d’ac-cueil pour les logements basse énergie du projet Ernotte, en collaboration avec le Foyer Ixellois et la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB). « Cette farde est désormais disponible pour tout le secteur », nous explique Francesco Randisi, de l’équipe de communica-tion du cabinet, confirmant que les retours en provenance des sociétés immobilières de service public (SISP) sur le terrain confirmaient un besoin d’accompagnement. En mars 2013, la SLRB a aussi signé une convention pour l’accompagnement de la tran-sition énergétique avec Bruxelles-Environnement. « L’apport de cette expertise ne se limitera pas aux aspects techniques, mais permettra aussi de mettre en place une guidance sociale afin d’aider à adapter nos habi-tudes en fonction des caractéristiques du logement passif et basse énergie », souligne-t-il. ¡

partie 1 _ le bâtiment

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olivier dechenne, directeur-gérant de Centr’Habitat, nous raconte l’histoire de

cette tour emblématique. « À Saint-Vaast, nous avons eu une réflexion globale sur

l’avenir de la Cité jardin. quand je suis arrivé, l’hypothèse d’une démolition pure

et simple était sur la table mais recréer 160 logements constituait un énorme défi.

Alors, on a finalement repensé tout le site au niveau urbanistique. Il est désormais

plus ouvert. Tout est plus visible. Cela contribue à la sécurité. » Et pourquoi cette

nouvelle tour ? « L’idée est venue après. on voulait créer un bâtiment-signal,

l’emblème de ce renouveau. de là, la tour passive de 35 logements. Ce n’est pas

du logement social. on a moins de contraintes au niveau des revenus notamment.

Mais on souffre d’un problème d’image pour avoir un nouveau type de locataires,

alors on passe par une agence immobilière. Le prix est attractif : 502 euros pour

un deux chambres dont les charges devraient être très basses. on a calculé une

valeur locative normale (VLN), équivalente au maximum qu’on demande dans

le logement social qui arrivait à 477 euros. on a évalué un gain de 25 euros de

charges qu’on a ajouté au prix du logement. C’était difficile à évaluer », avoue le

directeur-gérant. « Les premiers locataires vont entrer bientôt. Sur le caractère

passif, on a fait une première séance d’information. L’écolage a été pratiqué par

un de nos techniciens. Notre personnel a aussi été formé en interne », conclut

olivier dechenne.

une tour de logements passifs, emblème du renouveau.

Page 15: La F(r)acture ?

L’espoirBruxelles, au cœur de Molenbeek. C’est sur un ancien terrain vague servant de dépotoir que l’habitat collectif et passif L’Espoir a vu le jour. Quatorze familles à faibles revenus y ont emménagé en 2010, accédant à la propriété. Depuis ses prémisses, le projet est accompagné par la maison de quartier Bonnevie. reportage photo par Loïc DeLvauLx

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Page 16: La F(r)acture ?

page précédente : monsieur fadel place un nichoir dans son jardin.

Jamal et monsieur fadel habitent l’espoir avec leur famille. monsieur fadel : « ici c’est une grande famille sous le même toit. »

les enfants et un voisin de monsieur hindawi rentrent de l’école.

www.alterechos.be16

Page 17: La F(r)acture ?

Joséphine et amira affichent sur les valves communes les relevés des compteurs de chaque ménage afin de réagir en cas d’éventuelles dépenses excessives.

Jamal, devant la porte de l’appartement familial, dispose sur l’appui de fenêtre les plantes dont il aime s’occuper.

n°370-371 – 6 décembre 2013 1717

Page 18: La F(r)acture ?

l’espoir regroupe 14 familles et 11 nationalités au cœur de molenbeek.

les 14 logements de l’espoir sont dépourvus de chauffage central. ici, pas besoin de gaz, la température se régule par le système de ventilation mécanique contrôlée (vmc). tous les 15 jours, monsieur fadel nettoie les filtres de son vmc : « c’est le poumon de la maison. »

www.alterechos.be18

Page 19: La F(r)acture ?

à la fenêtre de son appartement, monsieur fadel regarde dans la rue. « par moins 12 degrés en hiver, il fait toujours 21 degrés dans les chambres des enfants, et ce sans chauffage à gaz, juste avec le vmc » (ventilation motorisée contrôlée).

philippe, responsable du syndic élabore un projet de règlement d’ordre intérieur : « Sans règles, ça ne pourra pas marcher. Être responsable du syndic n’est pas toujours facile. il faut gérer les fonds communs et il y a parfois des incompréhensions entre copropriétaires et ce malgré mon éthique. »

Sur la devanture, une discussion de voisinage s’improvise. philippe, responsable du syndic, Jamal, monsieur fadel et donatienne, de la maison de quartier bonnevie, parlent de l’achat collectif de filtres pour les vmc.

à l’angle du bâtiment de l’espoir, on a créé, sur l’initiative de monsieur fadel, les Jardins de majorelle. lieu de convivialité, de rencontres et d’échanges, chacun peut y planter ses petites graines ou y faire son compost.

web+

¡ Alter échos n° 351 du 16.12.2012 : L’Espoir a ses ambassadeurs ¡ Alter échos n° 365 du 16.09.2013 : L’Espoir durable se transmet

n°370-371 – 6 décembre 2013 1919

Page 20: La F(r)acture ?

dur dur

Consommer moins d’énergie ? C’est possible. Encore faut-il s’y retrouver dans tous les conseils proposés, et poser les bons gestes. Si vous le pouvez.par JuLien winkeL

«Réduisez votre facture d’éner-gie. » « Isolez votre habitation. » « Devenez un consommateur responsable. » Depuis plu-

sieurs années, les appels à une « URE » (Utilisation rationnelle de l’énergie) se sont faits de plus en plus insistants. Pressé de s’adapter, que ce soit pour des raisons économiques ou écologiques, le public a aussi vu les initiatives et les intervenants se multiplier à ce niveau, que ce soit en Wallonie ou à Bruxelles. Écoconseillers, guichets énergie, facilita-teurs, on ne compte plus les outils censés aider tout un chacun à se lancer dans une révolution verte qui commence sou-vent par chez soi.

chacun dans son coin ?Pourtant, pour beaucoup d’inter-

venants, cette multiplication d’initia-tives n’a pas que des bons côtés. « On a parfois l’impression que chacun est dans son coin en train de réinventer l’eau chaude, alors que les moyens sont limités. Ne faudrait-il pas les inves-tir de manière plus concertée et plus efficace ? », s’interroge à ce sujet Jan Willems, coordinateur de la cellule énergie du CPAS de la ville de Bruxelles. Conséquence : face à cette multitude, le public « lambda » aurait parfois du mal à s’y retrouver. Pour Françoise Henry, du guichet de l’énergie d’Ottignies, il existerait pour l’heure « un amalgame entre tous les dispositifs et fonctions qui ont été mis en place. Les gens ne savent plus où s’adresser ». Avec des effets par-fois « amusants » pour les opérateurs eux-mêmes. « Chez nous, l’affluence du public est en diminution. Nous ne sommes pas assez connus à cause de la multiplication des intervenants », explique-t-elle.

Plus préoccupant encore, du fait de l’éclatement des sources d’information,

celle-ci serait parfois contradictoire. La qualité, quant à elle, ne serait pas non plus toujours au rendez-vous. « On a multiplié les intervenants, mais pas les compétences », illustre Françoise Henry. Aujourd’hui, nombre de per-sonnes en recherche de conseil se ver-raient donc proposer des solutions « clef sur porte », souvent inadéquates, à leurs problèmes d’énergie alors que tous les intervenants que nous avons pu interroger s’accordent au moins sur un point : ce genre de question se traite au cas pas cas et il n’existe pas de solution toute faite. « L’énergie est un domaine très compliqué. Mais pour vendre, on a souvent tendance à tout simpli-fier à outrance », déplore Christophe Verwilghen, architecte spécialisé en performance énergétique des bâtiments au guichet énergie de la commune bruxelloise de Woluwe-Saint-Lambert.

Que faire dès lors ? À Woluwé, on ne se pose plus trop de questions.

Quoique... « La question c’est : où sont les vrais experts, les gens en qui je peux avoir confiance ? » Et pour Christophe Verwilghen, la réponse est claire : ils se trouvent du côté de la commune, des services publics. Ceux-ci doivent

selon lui se montrer proactifs face à la confusion ambiante. « Les gens ne croient plus dans les services publics, ils se disent qu’ils vont devoir attendre des heures au guichet. Il ne faut pas que ce soient eux qui viennent chez nous, mais nous qui allions chez eux. » La commune démarche ainsi ses habi-tants pour une série de projets-pilotes, notamment de guidance énergétique. Avec une volonté : « Que les gens se réapproprient les matériaux, leur espace de vie, qu’ils comprennent com-ment une maison fonctionne. Il faut qu’ils deviennent acteurs », explique Christophe Verwilghen.

et les précarisés ?Certes, pour certains de nos inter-

venants, le grand public semble plus familiarisé avec les concepts de basse consommation qu’il y a quelques années. « Lorsque je travaillais aupa-ravant avec des groupes d’adultes sur ces questions, les personnes ayant des comportements responsables se taisaient. On les considérait un peu comme «les vieux qui avaient connu la guerre» et c’étaient les «dispendieux» qui tenaient le crachoir, explique Delphes Dubray, écoconseillère indé-pendante. Aujourd’hui, ceux qui ont des pratiques économes en énergie osent se manifester. »

Néanmoins « s’il fallait auparavant que nous convainquions les gens de faire des économies d’énergie, il faut aujourd’hui que nous leur montrions comment faire. Le problème à l’heure actuelle réside dans le fait que les gens

partie 2_Les consommateurs

d’économiser ?

« La question c’est : où sont les vrais experts ? » Christophe Verwilghen, commune de Woluwe-Saint-Lambert

www.alterechos.be20

Page 21: La F(r)acture ?

qui pourraient effectuer des économies d’énergie (NDLR comme les manda-taires publics, notamment au niveau local) ne savent pas comment faire, parce que ce n’est pas leur métier », détaille Michaël Cotton, éco-conseil-ler chez Objectif 2050, une asbl qui agit notamment en tant que bureau de consultance en énergie et développe-ment durable. C’est que les questions relatives à l’énergie sont parfois très abstraites, ce qui peut poser problème. Pour ce faire, rien de tel donc que de devenir acteur, de passer à la pratique. Jean-Marc Guillemeau est facilitateur éducation-énergie en Région wallonne. Il organise des audits énergétiques participatifs au sein d’établissements scolaires, en impliquant les élèves. Et pour lui, le constat est clair : « Quand les étudiants effectuent les mesures par eux-mêmes et qu’on leur apprend à les objectiver, c’est mobilisateur. À titre d’exemple, leur réaction lorsqu’ils découvrent ce qu’est la consommation cachée de certains appareils est spec-taculaire. » Cela dit, la plupart des nos intervenants ne se font pas d’illusions. Si la dimension écologique fait par-tie des préoccupations du public avec lequel ils sont en contact, le portefeuille est aussi dans toutes les têtes. Existe-t-il dès lors un « public type » d’économi-seurs d’énergie ? « C’est difficile à dire, explique Jean-Marc Guillemeau. C’est plutôt l’occasion et l’outil de sensibilisa-tion, efficace ou pas, qui fait le larron. »

Pour Michaël Cotton, il existerait cependant à côté des « 50  % qui ne feront rien sans baïonnette dans le derrière » et des 25  % d’« indécis qui ont peur et qu’il faut accompagner, y compris dans les communes, chez les échevins ou les bourgmestres », 25  % de personnes capables d’effec-tuer le changement par elles-mêmes. Surprise : selon notre interlocuteur, cette catégorie est composée d’indivi-dus de tous types, en ce compris des personnes précarisées « qui vu leur

situation, notamment en termes de logements insalubres, ont parfois très vite compris où se situaient leurs pertes d’énergie ». Des personnes « que l’on a souvent tendance à considérer comme consommant beaucoup, alors que cela constitue plutôt l’exception. Certaines sont même en sous-consommation, du fait de leur situation précaire », selon Jan Willems. Problème : si ces per-sonnes précarisées sont conscientisées et capables de changements, reste à savoir si elles peuvent matériellement le faire. Difficile d’effectuer des écono-mies d’énergie lorsque l’on habite de véritables passoires énergétiques et que l’on n’a pas l’argent pour remplacer des appareils électroménagers particulière-ment énergivores. « De plus, beaucoup

de ces personnes sont locataires de leur logement et les charges sont comprises dans leur loyer. Réduire leur consom-mation n’a donc parfois pas beau-coup d’effet sur leur facture », déplore Delphes Dubray. Pour les moins riches, la marge de manœuvre paraît donc souvent bien limitée. « On peut bien sûr leur demander de mettre un cou-vercle sur leur casserole lorsqu’ils font bouillir de l’eau, mais bon... », souligne Jan Willems en guise de conclusion. ¡

pour en Savoir pluS

¡ Guichet de l’énergie d’Ottignies : av. Reine Astrid, 15 à 1340 ottignies tél. : 010 40 13 00 – courriel : [email protected]

¡ Objectif 2050 : rue Nanon, 98 à 5000 Namur (Mundo-N) – tél. : 081 39 07 14 – site : www.objectif2050.org

depuis plusieurs années, les appels à une utilisation rationnelle de l’énergie se sont faits de plus en plus insistants. CC FLICkR WAGABoodLEMuN

n°370-371 – 6 décembre 2013 2121

Page 22: La F(r)acture ?

À Soignies,La ville vient d’ouvrir le

pôle logement et énergie, qui regroupe une dizaine de

services pour faciliter les démarches de ses citoyens

en matière d’énergie.par vinciane MaLcotte

Tout citoyen connaît les lourdeurs des démarches administratives. Surtout lorsqu’elles se com-pliquent et se transforment en

parcours du combattant. Depuis le 12 novembre, la ville de Soignies facilite la tâche à ses habitants en ouvrant le pôle logement et énergie, qui regroupe une dizaine de services sous un même toit. « Il existe une multitude de services en matière de logement et d’énergie, tant au CPAS qu’à la ville de Soignies. Comme ces services sont complémen-taires, nous avons décidé de les ras-sembler », explique Jean-Paul Van Den Abeele, échevin du Logement et de l’Énergie à la ville de Soignies. Parmi ces services : l’agence immobilière sociale (AIS), le fonds de réduction du coût global de l’énergie (FRCE, ce fonds permet d’obtenir un prêt jusqu’à 10 000 euros à 0 % d’intérêt pour certains tra-vaux comme la pose de double vitrage, l’installation d’un poêle à pellets, etc.), le bureau de Haute Senne logements (société de logement social), le guichet énergie de la Région wallonne, l’espace logement et l’espace énergie du CPAS ainsi qu’un point de rechargement des compteurs à budget.

un objectif socialL’aspect social est très important dans

la démarche sonégienne. L’échevin désire toucher tous les publics : tant les propriétaires que les locataires, les per-sonnes aisées comme les publics plus précaires.

Le déplacement du point de rechar-gement des compteurs à budget à l’intérieur de l’Hôtel de ville constitue un exemple de cette démarche sociale. Les compteurs à budget permettraient de mieux contrôler sa consommation

et ainsi d’éviter des factures impré-vues (un système qui, par ailleurs, est controversé). C’est par le biais de cartes prépayées l’on peut recharger son compteur d’électricité. « Jusqu’ici, ces cartes ne s’achetaient que dans des commerces. Ça manquait de discré-tion et cela ne marchait pas auprès des publics précaires », précise Jean-Paul Van Den Abeele.

Le but de ce pôle est également de créer une nouvelle dynamique par le biais, par exemple, de tables de loge-ment, de bourses au logement ou encore de conférences sur des thèmes comme les causes et le traitement de l’humidité.

Aujourd’hui, Soignies est la seule à proposer ce type de fonctionnement. Elle constitue une ville pilote dans le

cadre du programme stratégique trans-versal (PST), destiné à aider les com-munes à progresser dans le sens d’une « gouvernance moderne »). Mis à part les bienfaits que cette initiative apporte au public, la démarche « permet de faire un gros gain financier sans que l’on doive procéder à un transfert ou à une suppression de poste. Le personnel du CPAS reste attaché au CPAS. De même pour les employés communaux », pré-cise Jean-Paul Van Den Abeele qui espère que d’autres communes emboî-teront le pas. ¡

logement et énergiesous le même toit

partie 2 _ leS conSommateurS

Au nombre de six à Bruxelles (l’une d’entre elles, celle du Centre, n’est pas encore

ouverte) et financées par la Région, les maisons de l’énergie sont les nouveaux

acteurs bruxellois du conseil en matière de réduction d’énergie. Tout-public, elles

offrent des conseils, des informations et un accompagnement personnalisé pour

réduire sa consommation. Leurs missions portent donc sur l’information des

ménages. « Mais elles iront plus loin que les services traditionnels en proposant

des visites gratuites », explique éveline Huytebroeck, ministre bruxelloise de

l’énergie. Elles peuvent aussi proposer la réalisation de petits travaux (pose de

vannes thermostatiques, isolation de tuyaux, etc.), ainsi que des crédits à taux

zéro ou à taux préférentiels, selon les catégories de revenus des ménages, afin de

leur permettre de réaliser les investissements utiles. L’ensemble de ces services

sont proposés gratuitement à la population. (M.M.)

Plus d’infos : www.maisonenergiehuis.be

Leur pendant en Wallonie sont les guichets de l’énergie, qui font partie du réseau

des facilitateurs énergie de la Région wallonne : http://energie.wallonie.be

Les maisons de l’énergie, nouvelles nées à bruxelles

en Savoir pluS

¡ Pôle logement-énergie : Hôtel de ville de Soignies, place Verte, 32 à 7060 Soignies tél : 067 34 74 22

www.alterechos.be22

Page 23: La F(r)acture ?

Des travailleurssociaux quichanGentde peau

Les travailleurs sociaux sont de longue date confrontés aux situations de précarité énergétique. Mais la libéralisation du marché de l’énergie a rendu leur tâche plus ardue. Sont-ils amenés à se métamorphoser en spécialistes de l’énergie ? par Marinette MorMont

L’énergie est un secteur en trans-formation, qui génère l’appa-rition de nouveaux métiers. Qu’ils soient techniques, en lien

avec les évolutions technologiques, ou de conseil et de gestion, à destination des entreprises, des pouvoirs publics ou encore des citoyens lambda. Mais les questions énergétiques touchent aussi de près les travailleurs du social. Car ils sont confrontés aux difficultés de leurs usagers en prise avec des fac-tures difficiles à honorer ou avec une gestion ardue de leur consommation, habitant souvent dans de véritables passoires énergétiques. Les travail-leurs sociaux sont-ils équipés pour affronter ces questions ?

La question n’est pas neuve. C’est à la demande du ministre José Daras, en charge de l’Énergie entre 1999 et 2003, qu’une cellule sociale énergie avait été créée au sein de la Fédération des CPAS wallons. Elle assure notamment le suivi des CPAS, elle les conseille, les forme et les informe sur les ques-tions énergétiques. À Bruxelles, le Réseau de vigilance du contentieux

en énergie, un lieu de concertation où les travailleurs sociaux bruxellois réfléchissent collectivement à la ques-tion du droit et de l’accès à l’énergie et mettent en commun leurs pratiques, existe quant à lui depuis une ving-taine d’années.

Mais les difficultés ont pris de l’am-pleur depuis 2007. « Après la libéra-lisation, les travailleurs sociaux ont tiré la sonnette d’alarme, explique Elvis Mihalowitch, coordinateur de la cellule énergie de la Fédération des services sociaux (FdSS). Car elle a eu des répercussions sur leur public. » Un public désormais totalement désarmé devant la montagne d’infor-mations avec lesquelles il faut jongler pour pouvoir « faire son marché ». Un public qui a aussi de grosses dif-ficultés à déchiffrer ses factures ou à

entrer en contact avec les fournisseurs et à négocier avec eux un plan de paiement. « Les travailleurs sociaux, eux aussi, se sont sentis perdus après la libéralisation », précise Isabelle Goyens, coordinatrice de la cellule énergie du CPAS de Namur.

nouveaux métiers de la précarité énergétique

Ces évolutions expliquent l’émer-gence de nouveaux métiers, aux confins du social et de l’énergie. En 2009, des postes de tuteurs en éner-gie sont créés au sein de CPAS wal-lons dans le but d’accompagner les ménages précarisés dans la recherche de solutions pour réduire leurs dépenses énergétiques. Au-delà des aides déjà assumées par les CPAS (aides financières, à l’obtention de

les travailleurs sociaux doivent apprendre à jongler avec les questions d’énergie. CC FLICkR ALVISENI

n°370-371 – 6 décembre 2013 2323

Page 24: La F(r)acture ?

certaines primes, encadrement du statut de client protégé, actions de prévention...), les tuteurs appuient les personnes afin qu’elles améliorent l’état de leur logement et pour faire baisser leurs factures (parfois aussi pour les augmenter...).

Yves Collard est tuteur énergie au CPAS de Namur. À la suite de cha-cune de ses visites à domicile, qui dure souvent deux ou trois heures, il dresse les constats et liste les pistes d’amélioration possibles : demande de prime pour certains travaux, fourni-ture de petit matériel pour juguler les déperditions de chaleur, bonnes pra-tiques en matière d’utilisation ration-nelle de l’énergie, comparaison des tarifs et changements de fournisseurs, utilisation d’un compteur à budget. C’est ensuite une de ses collègues de la cellule énergie qui assure le suivi. « Il arrive parfois aussi qu’on soit confronté à une sous-consommation d’énergie par des ménages qui, faute de moyens, serrent la ceinture de leurs radiateurs. Cela peut s’avérer problé-matique, car cela peut rejaillir sur la santé », note le tuteur. Aujourd’hui, 55 CPAS sur 262 disposent d’un tuteur énergie (44 équivalents temps plein). « Nous aimerions que l’ensemble des CPAS soient concernés par la mesure », plaide Christophe Ernotte, directeur général de la Fédération des CPAS wallons.

Dans la même veine, des accom-pagnateurs énergie sont mis sur pied dès 2010 à Bruxelles, dans le cadre de l’appel à projets sur la guidance sociale énergétique lancé par Éveline Huytebroeck, ministre bruxelloise de l’Énergie. « La Fédération a hésité à répondre à cet appel, parce que l’ob-jectif était axé sur la diminution des consommations uniquement, retrace Elvis Mihalowitch. Or il y a telle-ment d’autres facettes, notamment l’état du logement. Pour beaucoup de ménages précaires, c’est difficile de

baisser sa consommation. » Malgré ces appréhensions, la FdSS se lance dans l’accompagnement individuel de ménages (50 ménages suivis en 2009). L’année suivante, profitant de l’élargissement du cadre de l’appel, la Fédération crée un service énergie et institue deux accompagnateurs énergie (ils sont cinq aujourd’hui). L’objectif : aider les ménages dans le suivi de leur situation administrative et dans la mise en œuvre de petites modifications dans leur logement. « Ce ne sont pas des grandes rénova-tions, précise le coordinateur de la cellule énergie, mais des petites choses qui permettent de baisser la facture et d’améliorer le confort, comme l’achat de rideaux par exemple. » (Lire aussi : « On doit d’abord apprendre aux gens à trouver leurs compteurs », p.26)

« L’accompagnateur énergie fait le lien entre les préoccupations sociales et environnementales », décode Elvis Mihalowitch. Car d’un côté les CPAS « se cantonnent » à garantir l’accès

à l’énergie, et de l’autre, les maisons énergie visent la réduction de la consommation, mais sans être parti-culièrement outillées pour travailler avec les ménages précarisés. « Même si c’est un peu caricatural, précise-t-il, car il y a des CPAS à Bruxelles qui ont des cellules énergie et qui se rapprochent de nos pratiques, tandis que certaines maisons énergie réflé-chissent à des modes d’intervention à l’égard des publics précarisés. »

Tuteurs énergie, accompagnateurs énergie, qui sont donc ces nouveaux

professionnels du social ? En Wallonie, certains tuteurs ont une formation sociale tout en ayant acquis certaines connaissances techniques, tandis que d’autres sont plutôt des techni-ciens qui ont une sensibilité pour le social. « On insiste sur les deux volets, explique Christophe Ernotte, mais ce profil n’existe pas tel quel. Une forma-tion poussée après l’engagement per-met de combler les manques, là où le travailleur social n’est pas maître des aspects techniques et inversement. »

se former à l’énergieLes tuteurs et accompagnateurs,

comme les travailleurs sociaux géné-ralistes confrontés aux questions énergétiques, ont besoin d’être for-més. Car leurs formations initiales ne font pas la part belle à ces questions. Loin de là. « Les assistants sociaux devraient apprendre certaines bases à l’école, insiste Jan Willems, du ser-vice médiation de dettes du CPAS de Bruxelles-Ville. Au même titre que

les informations qu’ils reçoivent sur le paysage de la sécurité sociale, des mutuelles, etc. »

« Les représentants des hautes écoles sociales nous disent que leur métier est de mettre sur pied une formation généraliste, explique Christophe Ernotte, il y a comme une fin de non-recevoir quand on aborde cette question. » Même si le directeur de la fédération wallonne note qu’il y a déjà eu des améliorations apportées dans d’autres domaines. Tout espoir n’est donc pas perdu. Il est vrai qu’on

« après la libéralisation, les travailleurs sociaux ont tiré la sonnette d’alarme. » Elvis Mihalowitch, coordinateur de la cellule énergie de la FdSS

partie 2 _ leS conSommateurS

www.alterechos.be24

Page 25: La F(r)acture ?

ne peut pas « tout mettre » dans une formation de trois ans. La question de la faire évoluer vers un master en cinq ans, qui permettrait plus de spéciali-sation, pourrait donc se poser.

Le baccalauréat en écologie sociale dispensé depuis une dizaine d’années par la Haute École libre de Bruxelles Ilya Prigogine serait aujourd’hui le plus à même de fournir les compé-tences requises pour les postes de tuteurs ou d’accompagnateurs éner-gie. S’il ne s’agit pas d’une forma-tion sociale à proprement parler, si les aspects purement techniques des matières énergie n’y sont pas non plus enseignés, cette formation « témoigne d’une ouverture aux deux aspects, le social et l’environnemental », explique Isabelle Goyens.

À l’heure actuelle les solutions demeurent donc dans la formation continue. Une formation qui peut prendre des contours différents. En Wallonie, la cellule sociale énergie de la Fédération des CPAS wallons est chargée de former les futurs tuteurs énergie. Elle organise également une « formation de base énergie » de deux jours à destination des travailleurs sociaux des CPAS qui n’ont « aucune ou très peu de connaissances relatives au secteur de l’accès à l’énergie ». À Bruxelles, Bruxelles-Environnement propose des formations-débats pour les travailleurs sociaux sur l’énergie et les ménages fragilisés. Lesquelles abordent, entre autres, les ques-tions liées à la libéralisation des

en Savoir pluS

¡ Fédération des CPAS wallons, UVCW : rue de l’étoile, 14 à 5000 Namur tél. : 081 24 06 11 site : www.uvcw.be/espaces/cpas

¡ Fédération des services sociaux (FdSS) : rue Gheude, 49 à 1070 Bruxelles tél. : 02 223 37 74 - site : www.fdss.be

¡ Bruxelles-Environnement : www.bruxellesenvironnement.be

Les formations initiales ne font pas la part belle à ces questions.

nouveau site :

www.socialenergie.be

Parmi les missions du centre d’appui

de la FdSS, la création d’un site

web à destination des travailleurs

sociaux bruxellois. En pas moins

de 300 pages, en français et en

néerlandais, il traite de matières

qui vont de la compréhension de

la facture, aux mesures sociales,

à l’évaluation du calcul des

consommations d’un ménage

jusqu’aux aides aux investissements

disponibles pour les ménages à bas

revenus. Le site sera mis en ligne le

28 janvier 2014.

un colloque pour faire le point

Le service énergie de la FdSS est

en pleine préparation d’un colloque

« Énergie et action sociale : quelles

réponses possible ? L’ambulatoire

bruxellois face au défi énergétique :

nouvelles questions, nouveaux

métiers, nouveaux dispositifs ».

Destiné aux responsables des

fédérations des secteurs social et

santé bruxellois, aux responsables

politiques et aux travailleurs

sociaux, le colloque aura lieu le 28

janvier 2014 dans la matinée au

Parlement bruxellois.

une permanence téléphonique

sera aussi organisée à partir

de janvier 2014 afin d’aider les

travailleurs sociaux « à résoudre ou

à comprendre les situations socio-

énergétiques » qu’ils rencontrent

auprès de leurs usagers.

L’actu de la Fdss

marchés, aux mesures de protection des consommateurs et à la guidance sociale énergétique. Chaque cycle de formation est suivi par une cen-taine de travailleurs issus de CPAS, d’agences immobilières sociales (AIS) ou encore d’associations actives sur les questions de l’énergie. De son côté, le service énergie de la FdSS s’attelle à informer et former les assis-tants sociaux généralistes. « Il s’agit de les inciter à avoir une série de réflexes énergétiques, comme savoir faire un prédiagnostic », explique Elvis Mihalowitch. Un centre d’appui existe aussi depuis trois ans au sein de la Fédération, avec pour missions la création d’un site internet (voir encadré), l’organisation du Réseau de vigilance et la formulation de recom-mandations politiques. ¡

n°370-371 – 6 décembre 2013 2525

Page 26: La F(r)acture ?

« On doit d’abord apprenDre aux gens

Pour certains locataires, une facture d’électricité est

aussi incompréhensible qu’un manuscrit chinois. À Bruxelles, les

accompagnateurs énergie de la Fédération des services sociaux

aident les plus précarisés à déchiffrer leur consommation pour

mieux la maîtriser. Mais l’exercice a ses limites, liées à la réalité d’un

marché locatif très inégalitaire.par Martine vanDeMeuLebroucke

Quand nous entrons chez Christian, la télévision est allu-mée. Il l’éteint aussitôt. C’est la règle : un appareil électrique que

l’on n’utilise pas dans l’immédiat doit être coupé. Plus question non plus de laisser l’ordinateur veiller du matin au soir.

Christian, locataire à Molenbeek, a bien intégré tous les conseils que lui ont donnés les accompagnateurs du service énergie de la Fédération des services sociaux (FdSS). Il est très fi er de présen-ter ses relevés d’index à Mélanie qui suit l’évolution de sa consommation de gaz, d’électricité et d’eau. Elle lui a apporté les graphiques de sa consommation mensuelle en eau et en électricité. Ensemble, ils examinent les écarts par rapport à la norme qui a été établie sur base notamment des caractéristiques de son logement. Depuis août, le nombre de kWh a sérieusement baissé. On sent une certaine fi erté chez Christian qui accepte avec plaisir le papier transpa-rent devant recouvrir les fenêtres mal isolées de sa chambre. Mais il a déjà pris l’initiative de suspendre des ten-tures, de fermer systématiquement les

portes pour couper l’air froid qui vient du couloir. Le thermostat est bloqué à 19 degrés dans la pièce de séjour. À 17 dans la chambre. Et tous ces gestes se révèlent payants. Ses factures intermé-diaires de gaz et d’électricité sont pas-sées de 198 euros par mois à 130 puis à 70 euros. « Je suis désormais remboursé au lieu de devoir payer une facture de régularisation, jubile-t-il. C’est vrai-ment encourageant. »

C’est la première facture de régulari-sation d’un montant de 300 euros reçue après son aménagement à Molenbeek qui a fait le déclic. C’était trop. Trop pour ses revenus qui ont sérieusement baissé lors de sa mise à la prépension. Une assistante sociale l’a orienté vers le service énergie de la FdSS. « Ils m’ont appris à faire toute une série de petits gestes pour réduire ma consomma-tion. J’ai un peu froid le soir ? Je mets un peignoir. Quand je travaillais, je me promenais en plein hiver en T-shirt et en slip dans mon appartement à Etterbeek. Je ne faisais pas attention à ma consommation énergétique. Je payais pourtant 320 euros par mois, avec des factures de régularisation qui

à trouver leurs compteurs »

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diminuer le chauffage, éteindre la lumière, autant

de gestes qui permettent d’économiser l’énergie...

encore faut-il que le logement soit en état.

www.alterechos.be26

Page 27: La F(r)acture ?

« notre rôle est d’aider les gens à réduire leur consommation en énergie mais ce qui entrave leurs efforts, c’est souvent l’état du logement et les relations diffi ciles avec le propriétaire. » Mélanie, accompagnatrice énergie à la FdSS

s’explique par une chaudière qui fonc-tionne mal et que le propriétaire ne veut pas la remplacer ? Pas grand-chose. On atteint là les limites de l’intervention des accompagnateurs énergie qui en sont bien conscients. Jessica ajoute : « Nous devons obtenir la confi ance des gens et partir de leurs demandes. S’ils refusent que les assistants sociaux inter-viennent auprès du propriétaire, nous devons l’accepter. »

Et c’est fréquent. Il s’agit souvent de locataires très précarisés qui craignent avant tout de perdre leur logement s’ils devaient se montrer trop revendica-tifs. « Nous essayons avant tout que les ménages se réapproprient la maîtrise de leur consommation en énergie, pour-suit Mélanie. Pour ce faire, il faut par-fois apprendre des gestes élémentaires : savoir où se trouvent les compteurs, pouvoir relever les index, utiliser des ampoules économiques. »

C’est un lent travail de conscientisa-tion pour changer les comportements et qui suppose, pour être effi cace, de pouvoir toucher tous les membres du ménage. Pas seulement celui qui paie la facture. Ce sont souvent les adolescents qui sont les plus diffi ciles à convaincre. L’élément déclencheur est toujours d’ordre financier, constate l’équipe d’accompagnateurs. « La grosse fac-ture, celle que l’on n’arrivera pas ou dif-fi cilement à payer est le point d’entrée pour un travail en profondeur sur les comportements. »

Celui-ci se heurte à la réalité du mar-ché locatif à Bruxelles, avec des proprié-taires parfois aussi démunis que leurs locataires quand ils ne sont pas absents du pays. Mais les sociétés de logement social ne sont pas toujours non plus un modèle de concertation pour œuvrer

dans le sens du bien-être du locataire. Jessica se débat actuellement dans un dossier où les locataires vivent avec des températures de 12 degrés à peine dans leur appartement. Et rien ne bouge au niveau de la société concernée pour faire les travaux nécessaires. Les locataires fi nissent par s’épuiser et se résigner.

Les accompagnateurs voient parfois leurs eff orts ruinés par les comporte-ments de certains démarcheurs agis-sant au nom des fournisseurs d’énergie. Cela frise l’escroquerie, estime le service énergie : « Des personnes se laissent embobiner par des démarcheurs qui leur proposent de changer de compa-gnie pour payer moins. On leur fait miroiter un montant de facture inter-médiaire très, trop bas. Et la mauvaise surprise viendra un an plus tard, lors de la facture de régularisation. Ces démar-cheurs ciblent les quartiers habités par des personnes d’origine étrangère qui maîtrisent mal le français et ne com-prennent pas ce qu’elles signent. »

Comprendre sa facture. C’est la première étape et elle est essen-tielle, insistent les accompagnateurs. Comprendre pour reprendre le contrôle. Cela demande du temps, de nombreuses visites à domicile et, parfois, un accom-pagnement en profondeur avec les ser-vices sociaux partenaires. La précarité énergétique n’est qu’un des aspects de la précarité tout court, qui laisse souvent peu de marge de manœuvre. ¡

en Savoir pluS

¡ Fédération des services sociaux : rue Gheude, 49 à 1070 Bruxelles - tél. : 02 223 37 74 - courriel : [email protected] - site : www.fdss.be

partie 2 _ leS conSommateurS

à trouver leurs compteurs »

pouvaient monter jusqu’à 500 euros. Aujourd’hui, j’ai découvert les lampes économiques. J’ai cessé de laisser cou-ler l’eau en continu quand je lave une assiette. Je fais un relevé de mes index tous les quinze jours. Je prends tout cela très au sérieux. » Au point de vou-loir aussi convaincre ses proches de la nécessité de changer de comportement. « Je deviens un accompagnateur énergie adjoint », dit-il en rigolant.

Christian est à ce point méthodique qu’il a décidé de livrer bataille contre sa surconsommation en trois étapes. « L’année passée, j’ai ciblé le gaz. Cette année, l’électricité, l’année prochaine sera l’eau. » Mais le bon élève a aussi des gestes de rébellion. On a tenté de le convaincre d’utiliser un pommeau de douche économique. Ce sera non. L’eau coule trop lentement pour lui. « Cela me met juste en forme pour me remettre au lit. »

Cela fait rire Mélanie. Christian, il est vrai, est un « cas » encourageant et pas trop compliqué car lui, au moins, n’a pas de problème avec son propriétaire. Le frigo consommait trop ? Il a été rem-placé. Christian laissait ses convecteurs de gaz allumés en plein été parce qu’ils étaient diffi ciles à allumer et à éteindre ? Le propriétaire est aussi intervenu. Cette bonne volonté est malheureuse-ment loin d’être la règle.

La facture qui provoque le déclicLe service énergie est composé de

cinq accompagnateurs et d’un coordi-nateur qui travaillent en relation directe avec les services sociaux partenaires de la Fédération. Il a accompagné l’année dernière 218 ménages bruxellois, des locataires dans la toute grande majo-rité des cas. « Notre rôle est d’aider les gens à réduire leur consommation en énergie mais ce qui entrave leurs eff orts, c’est souvent l’état du logement et les relations diffi ciles avec le pro-priétaire », analyse Mélanie. Que faire si le problème de surconsommation

n°370-371 – 6 décembre 2013 2727

Page 28: La F(r)acture ?

si peu sociaLL’énergie, une problématique qui est présente dans tous les dossiers de médiation de dettes. par Marinette MorMont

«L’énergie prend une part trop importante dans les budgets des ménages et cela ne va pas en s’améliorant, commence

d’entrée de jeu Jan Willems, responsable du service médiation de dettes du CPAS de Bruxelles-Ville. Ceci dit, il faut rela-tiviser, ajoute-t-il. Il faut regarder cela dans le contexte général d’un budget. La précarité énergétique, c’est un peu le sujet à la mode. Il y a d’autres postes qui

ont explosé et dont on parle beaucoup moins, comme les télécommunications ou encore les frais scolaires. »

Reste que le volet énergie est devenu un incontournable de la médiation de dettes. « Les factures d’énergie

impayées, on les retrouve dans prati-quement tous les dossiers », confirme Souhila Ferahtia, travailleuse sociale au centre de référence en médiation de dettes de la Province de Namur (Medenam). Et les aides qui améliorent l’accès à l’énergie comme les chèques mazout, le statut de client protégé ou encore les aides pour alléger les fac-tures d’eau ne sont désormais plus considérées comme des béquilles, mais comme une part intégrante du budget des ménages précarisés, explique la travailleuse sociale. Et d’ajouter : « La libéralisation, loin d’améliorer l’accès à l’énergie, l’a plutôt complexifié. » D’où le renforcement du rôle d’information et de prévention mené par les centres de référence et les médiateurs de dettes. « Il faut donner la bonne information aux usagers, car c’est très compliqué de s’y retrouver, les gens ne s’en sortent pas du tout. »

un métier en évolutionDétricoter une facture d’énergie,

explorer les méandres du cadre légis-latif fédéral et régional, déchiffrer la consommation d’un ménage, manier un outil de simulation de tarifs... Les médiateurs de dette sont aujourd’hui amenés à acquérir toute une série de compétences liées aux questions éner-gétiques. « Ce métier a beaucoup évolué, décrypte Jan Willems. Au début, être médiateur de dettes, c’était surtout se pencher sur les aspects juridiques. » Des aspects auxquels s’est progressivement ajoutée une kyrielle de nouvelles tâches et d’analyses. « C’est très pertinent, pré-cise le responsable de la cellule énergie, cela augmente la qualité du travail

des médiateurs. Mais cela génère une certaine pression car, d’un autre côté, on observe un trop grand nombre de demandes. »

Pour outiller les professionnels, l’Ob-servatoire du crédit et de l’endettement (OCE) intègre dans la formation de base des médiateurs de dettes la probléma-tique de l’énergie. Les médiateurs judi-ciaires, qui interviennent dans le cadre des règlements collectifs de dettes, sont plus démunis. Mais une récente modi-fication de la loi du règlement collectif de dettes devrait désormais répondre à cette lacune : eux aussi devront bientôt suivre une formation de base pour être agréés. Laquelle prendra en compte les questions liées au budget, et donc à l’énergie. Des formations continues sur ces questions sont aussi proposées aux professionnels. Le Medenam orga-nise, par exemple, des rencontres avec la Commission wallonne pour l’énergie (Cwape) afin de tenir les médiateurs au courant de l’actualité du secteur.

« Évidemment, on aura beau avoir tous les outils possibles, il y a toute une série de personnes pour lesquelles on a peu de solutions, conclut, perplexe, Jan Willems. Quand une personne touche 500 euros de revenu d’intégration sociale et qu’elle doit payer 100 euros de gaz et d’électricité, les médiateurs se retrouvent bloqués. » ¡

des médiateursde dettes au

en Savoir pluS

¡ Observatoire du crédit et de l’endettement : place Albert 1er, 38 à 6030 Marchienne-au-Pont - tél. : 071 33 12 59 - courriel : [email protected] - site : www.observatoire-credit.be

web +

¡ échos du crédit et de l’endettement juillet-septembre 2013 : l’énergie : un produit de luxe ? site : www.echosducredit.be

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Les aides ne sont désormais plus considérées comme des béquilles, mais comme une part intégrante du budget des ménages précarisés.

partie 2 _ leS conSommateurS

www.alterechos.be28

Page 29: La F(r)acture ?

Un fonds mazout si peu sociaL

Sa gestion coûte cher aux CPAS et il n’aide pas vraiment

les utilisateurs les plus précarisés. Aucune réforme pourtant

ne pointe à l’horizon. par Martine vanDeMeuLebroucke

Tous les ans ou presque, les fédéra-tions des CPAS des trois Régions tapent sur le clou : il faut d’ur-gence revoir le fonctionnement

du fonds social mazout. Leur dernière lettre à la secrétaire d’État Maggie De Block, en février dernier, a suivi le même sort que les précédentes. Aucune réaction. Cette revendication fera sans doute l’objet d’un copier-coller dans le prochain mémorandum adressé aux partis pour les élections de 2014.

Le fonds social mazout n’aide pas véri-tablement les personnes en situation de précarité, dénonce Christophe Ernotte, directeur général de la fédération des CPAS wallons. Ce fonds mazout, appelé aussi fonds social chauffage (FSC) a été créé fin 2004 suite à des accords entre le Fédéral et le secteur pétrolier. Ce fonds est accessible aux ménages dont les revenus bruts ne dépassent pas 16 965 euros (plus 3 140 euros par personne à charge) ainsi qu’aux personnes endet-tées qui bénéficient d’une médiation. Mais contrairement au fonds énergie gaz-électricité, l’octroi des allocations mazout ne donne lieu à aucune aide sociale spécifique, aucun accompagne-ment à la gestion de la consommation.

« La loi sur le fonds énergie gaz-électricité est très bien faite, explique Christophe Ernotte. Elle permet de dégager des moyens importants en per-sonnel pour assurer un suivi social des bénéficiaires. Ce n’est pas le cas avec le fonds social mazout qui est au contraire très contraignant. » Les personnes qui se chauffent au mazout n’ont pas un tuteur

énergie pour les conseiller, elles n’ont même pas le choix de pouvoir régler leur facture de mazout en plusieurs mensualités. Et comme les personnes en difficulté financière commandent en petites quantités, elles paient le prix au litre le plus élevé.

une charge pour le cpasLes CPAS reçoivent de l’État fédéral

dix euros par dossier accepté. Si un ménage sollicite le CPAS pour payer sa facture mais n’entre finalement pas dans les conditions requises, le centre public ne reçoit rien. Pourtant la consti-tution de chaque dossier requiert une charge de travail importante : rencontre du demandeur, enquête sociale, consti-tution du dossier. De plus, le nombre de demandes d’intervention pour le fonds mazout ne cesse d’augmenter. Il y a eu 112 000 demandes en 2011, mais d’un CPAS à l’autre, la charge est très diffé-rente. Elle dépend moins du nombre de bénéficiaires du revenu d’intégra-tion que du mode de chauffage domi-nant dans la ville ou la région. Ainsi à Charleroi ou dans la région namuroise, le chauffage au mazout est bien plus répandu qu’à Liège où l’on se chauffe davantage au gaz. À Charleroi, 4 000 dossiers ont été traités en 2011. Dans les communes avoisinantes, les CPAS

ont vu le nombre de demandes d’allo-cations mazout augmenter de 30 % et même de 40 % entre 2010 et 2012. À Liège, la progression est aussi constante. « Nous avons eu 1 614 dossiers en 2010, 1 784 en 2011, 1 881 en 2012, explique Christelle Breyer, pour la cellule éner-gie du CPAS. Pour certains travailleurs sociaux, ces chiffres ne disent pourtant rien sur la réelle précarité énergétique des ménages. Combien d’entre eux ne vivent-ils pas avec un thermostat bloqué à dix ou douze degrés ? Sans compter les citernes qu’on ne remplit qu’en cas de gel sévère. »

Autre difficulté : le très faible mon-tant de l’allocation accordée. Le prix de référence, qui détermine l’alloca-tion octroyée, est fixé sur le prix moyen des cinq dernières années et non sur le prix du combustible en vigueur. Le prix du mazout s’est envolé mais l’allo-cation, elle, reste bloquée à 210 euros par période de chauffe (de septembre à mars).

Il y a pourtant plus mal lotis encore que les personnes se chauffant au mazout. Aucune aide financière n’est prévue pour ceux qui utilisent le char-bon ou le bois. Or c’est le charbon qui reste proportionnellement le combus-tible le plus utilisé par les ménages à faibles revenus, en Wallonie. ¡

n°370-371 – 6 décembre 2013 2929

Page 30: La F(r)acture ?

suivre _ Surtitresuivre _ Surtitre

un métier d’avenir

Face au coût environnemental et social des énergies fossiles, plus de 1 800 villes dans le monde préparent leur transition. En Wallonie et à Bruxelles, le mouvement se structure en réseau et crée ses premiers emplois. par raFaL naczyckA

limentation, vêtements, trans-ports, chauff age… La majorité des besoins humains sont deve-nus dépendants de l’or noir.

Selon l’Agence internationale de l’éner-gie, la fi n du pétrole abondant et à bas prix approche et bouleversera complè-tement notre économie mondiale. Le pic de Hubbert – le moment où la produc-tion de pétrole commence à décroître – a été dépassé depuis quelques années. Fatalité ? Pas forcément. Si beaucoup pensent que l’humanité est en train de basculer d’une ère de croissance à une ère de décélération à cause de la pénurie d’énergie, les Villes en transition pro-posent une réponse constructive.

Ce mouvement est né en 2005 à Totnes, une petite ville de 7 700 habi-tants dans le Devon (sud-ouest de l’Angleterre). Sous l’impulsion de Rob

où l’énergie fossile sera plus rare, plus question de faire venir des produits du bout du monde, il faudra relocaliser la plus grande partie de notre économie à l’échelle de nos territoires », analyse Hopkins.

En sept ans, Totnes est devenue la vitrine mondiale de la transition éner-gétique et continue de faire des émules. Aujourd’hui, 1 800 villes ou territoires à travers le monde se sont joints au mou-vement, et si la Belgique ne compte que deux villes labellisées, une ving-taine de territoires se sont déclarés « en transition » : Ath, Forest, Ixelles, Grez-Doiceau, Gelbressée, Liège, Soignies…

Hopkins, professeur de permaculture, des étudiants ont noué un partena-riat d’un genre nouveau avec les habi-tants : faire de Totnes la première ville en transition énergétique au monde, ambitionnant d’abandonner le pétrole et ses dérivés d’ici 2030. Plus d’une trentaine de projets sont en cours. Au programme : des potagers collectifs, des bourses d’échanges de savoirs, des ateliers de permaculture, des groupes d’achats solidaires, des zones de gra-tuité temporaire et même une mon-naie complémentaire... Dans ce labo-ratoire ouvert, tout s’articule autour de la résilience locale. « Sur une terre

villes décroissantes, en transition, cittaslow... les mouvements citoyens pour repenser la ville de demain font le tour du monde. © RoBoTBRAINTZ FLICkR

partie 2 _ leS conSommateurS

un métier d’avenir« transitionneur »,

www.alterechos.be30

Page 31: La F(r)acture ?

Ni ONG, ni groupe informel, Villes en transition est devenu un rassemblement international, non partisan, de citoyens agissant à l’échelle de leur quartier sur les questions du réchauff ement clima-tique et du pic pétrolier. « Des actions réelles sont conduites en privilégiant une concertation locale, combinant saines habitudes de vie et convivialité. Le but étant de s’assurer une résistance plus effi cace aux chocs et aux crises, notamment la fi n du pétrole », explique Josué Dusoulier, coordinateur du mou-vement à Bruxelles et en Wallonie. « L’eff ort passe beaucoup par la mobili-sation citoyenne et le recours à l’action démocratique au niveau local. » La tran-sition joue sur une dynamique d’ouver-ture – on parle d’« inclusivité » : tout le monde peut faire de la transition, sans discrimination. Mais ce fl ou tolérant crée la confusion.

Sans existence juridique, le pro-jet belge de support aux initiatives de transition est d’abord soutenu par les Amis de la Terre, avant d’être fi nancé par le ministre wallon de l’Agriculture jusque fi n 2012. « Pendant cette phase, il s’agissait surtout d’informer le public et de soutenir les premières grappes de bénévoles qui souhaitaient créer des groupes de travail », confi e Dusoulier. Le concept a fait tache d’huile, et s’est propagé en Belgique. Mais ce n’est que depuis octobre, cette année, que le Réseau transition Wallonie-Bruxelles a offi ciellement pris forme. Grâce à un subventionnement obtenu auprès du ministre wallon du Développement durable et de l’Énergie, Jean-Marc Nollet, quatre salariés travailleront à temps partiel pour soutenir les initia-tives de transition wallonnes et bruxel-loises. Pendant une année. « Les axes principaux du projet seront dévelop-pés avec les initiatives de transition

locales, explique Josué Dusoulier. Ils auront pour objets le développement d’une économie locale résiliente, la formation, la dynamique de groupe, la transition intérieure. Nous travaillerons aussi sur la structuration du réseau ainsi que sur son fi nancement. » Le Réseau Transition étant pour le moment une association de fait, deux asbl hébergent les contrats de travail : Les Amis de la Terre-Belgique et Exposant d.

emplois locaux« Un peu partout, nous constatons

que des adhérents se prennent au jeu. Ils veulent quitter leur activité pro-fessionnelle pour créer leur propre projet d’économie locale », observe Josué Dusoulier. Certaines initiatives fi nissent même par créer des emplois. À Grez-Doiceau, les « transitionneurs » construisent une micro-brasserie et une boulangerie artisanales. À Ath, une épicerie s’est ouverte en novembre et ne vendra que des produits locaux. À Liège, pour relocaliser l’alimentation et développer les liens intergénérationnels, les transitionneurs bâtissent une « cein-ture alimentaire » autour de la ville, avec sept structures d’économie sociale et une quarantaine de partenaires. « Nous travaillons, par exemple, à l’élaboration d’un système d’approvisionnement en produits locaux pour les restaurateurs liégeois, ou encore sur l’implantation d’une épicerie locale dans le futur quartier du Val-Benoît à Liège », confi e Christian Jonet, l’un des coordinateurs du projet Ceinture aliment-terre. Et de préciser : « Nous avons calculé qu’il est possible de créer 5 000 emplois si 150 000 ménages liégeois consomment une fois par semaine des produits locaux. » Ce chiff re inclut les emplois liés à la production, à la transformation et à la logistique.

À Fernelmont, près de Namur, une trentaine de transitionneurs impliqués dans le Pale (Plan d’action locale pour l’énergie) ont créé une coopérative d’énergie, Champs d’énergie. Objectif : acquérir une éolienne citoyenne dans le futur parc EDF-Luminus. « Ce projet off re une occasion à tous les citoyens d’investir de façon éthique, locale et solidaire dans les énergies renouve-lables, à partir de 125 euros la part, et d’en tirer des avantages directs », confi e Roger Bourgeois, transitionneur à Gelbressée. À première vue, ce n’est guère compliqué. Il suffi t de réunir une majorité de fonds propres provenant de particuliers pour fi nancer le parc. En réalité, cela suppose une belle détermi-nation. Car investir dans une éolienne commune pour couvrir ses besoins en énergie n’est pas rentable à petite échelle. Pour rendre le projet viable, cette coo-pérative citoyenne tente de rassembler à terme 300 personnes. « Le permis défi nitif a été accordé par le ministre wallon de l’Environnement, Philippe Henry, le 6 septembre pour quatre mâts pendant vingt ans. Mais un nouveau recours vient d’être déposé », confi e Roger Bourgeois. En cause ? Plusieurs groupes de pression antiéoliens, dont le lobby Vent de raison. Pour l’heure, les négociations avec le promoteur et les partenaires communaux se pour-suivent. En Belgique, les expériences de ce type n’en sont qu’à leurs débuts, mais elles gagnent du terrain. À l’image des éoliennes d’Arlon, dont les travaux ont débuté cet été et qui ont été fi nancées par un millier de citoyens. ¡

« nous avons calculé qu’il est possible de créer 5 000 emplois si 150 000 ménages liégeois consomment une fois par semaine des produits locaux. »Christian Jonet, Ceinture aliment-terre

en Savoir pluS

¡ Réseau transition : Josué dusoulier - courriel : josué@reseautransition.be - site : www.reseautransition.be

¡ Ceinture aliment-terre - courriel : [email protected] - site : www.catl.be

web +

¡ Alter échos, n° 337 du 15.05.2012 : Villes en transition et cittaslow, des pistes à suivre ?

n°370-371 – 6 décembre 2013 3131

Page 32: La F(r)acture ?

des idéespour sensibiliser

partie 2 _ leS conSommateurS

énergétique, qui sert ensuite à établir

un plan d’action supervisé par un

conseiller énergétique. Le PLAGE

a jusqu’ici été mis en œuvre dans

environ 1 380 bâtiments (hôpitaux,

logements collectifs, fédérations/

sociétés de logements sociaux et

écoles). Relativement simple à mettre

en place (il n’implique pas de travaux

lourds), il garantit un rapide retour sur

investissement : les consommations

d’énergie diminuent de 15 à 20 %

sans perte de confort. La Région de

Bruxelles-Capitale a décidé de rendre

ce programme obligatoire pour cer-

tains propriétaires et occupants, pri-

vés comme publics, et cela dès 2015.

www.bruxellesenvironnement.be

le championnat des énergies renouvelables en wallonie récompense les

communes pour leur politique énergé-

tique. durant sept mois (du 1er juin au

31 décembre), les 31 communes wal-

lonnes inscrites pour cette deuxième

édition tentent de remplir un certain

nombre de critères touchant aux

installations présentes sur le territoire

de la commune, aux engagements

de la commune en matière d’éner-

gie durable et à la mobilisation de la

population. Ce concours organisé par

l’APERe en partenariat avec Innergie

est aussi l’occasion de dresser un état

des lieux de l’utilisation de l’énergie

dans la commune.

www.championnat-er.be

Émanciper les publics précarisés

Impliquer les plus démunis

dans les projets de sensibilisation,

c’est aussi utiliser l’énergie comme

outil d’émancipation.

eco watchers est un projet

mené par l’asbl Empreintes. Il vise à

redonner le pouvoir aux personnes

en situation de précarité d’agir sur

leur environnement physique et

social. Tous les mois, un groupe de

personnes en situation de précarité

se retrouve pour échanger savoirs et

bonnes pratiques sur les questions

liées à l’énergie. un accompagnement

individuel, qui permet d’identifier les

besoins et de mettre en place des

aménagements structurels, est aussi

prévu. Eco watchers repose entre

autres sur l’expérience du projet pilote

« La traque aux énergivores » mené en

partenariat avec la cellule énergie du

CPAS de Namur depuis 2008. « C’est

difficile de constituer un groupe,

explique Isabelle Goyens, du CPAS,

mais une fois que c’est lancé, le taux

de participation est de 75 à 92 %. Ça

marche du tonnerre ! »

www.empreintesasbl.be

ils l’ont fait, nous aussi !

C’est le nom du collectif qui est né

du projet Eco Watchers au CPAS de

Ciney. depuis juin dernier, il joue la

pièce de théâtre « Sauve qui peut »,

mise en scène avec le concours de la

Compagnie Buissonnière. « La pièce a

permis aux bénéficiaires de gagner en

confiance. Les changements ont été

radicaux », constate Laurence Sokay,

du CPAS de Ciney. La pièce est ouverte

à la location. Avis aux amateurs.

énergie pour tous ! Par son

appel à candidature, la Fondation Roi

Baudouin souhaite faire émerger,

soutenir et renforcer des projets inno-

vants pour lutter contre la précarité

énergétique en Belgique. Les projets

retenus bénéficieront d’un pro-

gramme de formation dans le cadre

du Programme IMPACT développé

par Ashoka et recevront un soutien

financier. Les projets devront toucher

les personnes précarisées, les impli-

quer et les accompagner dans leur

utilisation rationnelle de l’énergie. Les

candidatures peuvent être soumises

jusqu’au 13 janvier 2014.

Plus d’infos : www.kbs-frb.be

Gérer la consommation des bâtiments publicsUne meilleure gestion de la consom-

mation d’énergie dans les bâtiments

publics : c’est bon pour l’environne-

ment, mais aussi pour les finances

publiques.

le plan local d’action pour la gestion énergétique (plaGe) a été initié en 2005 par

la Région bruxelloise. La première

étape consiste à réaliser un cadastre

par vaLentine van vyve

www.alterechos.be32

Page 33: La F(r)acture ?

Économiser en jouant

La sensibilisation par le jeu vaut

parfois mieux qu’un long discours...

action énergie. Ce jeu de société

conçu par Stanislava Belopitova et

utilisé par l’asbl Action et habitat fait

bouger les joueurs dans les pièces d’un

appartement. Le but est de diminuer

la consommation d’énergie. Bruxelles-

Environnement devrait d’ici peu utiliser

ce jeu notamment destiné aux enfants.

www.bruxellesenvironnement.be

energy challenge. Ce concours

entre citoyens wallons et bruxel-

lois a été mis sur pied par Inter-

Environnement Wallonie, écoconso,

l’APERE et EcoRes,. du 1er octobre 2013

au 31 janvier 2014, des équipes de

minimum cinq ménages font la chasse

au gaspillage. des coaches en énergie

leur dispensent conseils et astuces.

Cette année, plus de 150 équipes

concourent pour le titre. Les gagnants

remporteront un vélo électrique. Plus

d’infos : www.energychallenge.be

Éduquer la marmaille

Sensibiliser les enfants, c’est

préparer l’avenir. C’est aussi, par

leur intermédiaire, toucher leurs

parents.

éduquer à l’énergie est un

projet coordonné par le Centre

interdisciplinaire de formation de

formateurs de l’université de Liège

(Cifful), qui propose aux écoles une

compilation d’outils pédagogiques

et techniques. L’objectif : que chaque

école puisse mener à bien son projet

en fonction de ses besoins et en y

impliquant les enfants. des facilita-

teurs éducation-énergie sont mis à

disposition pour les soutenir dans

leurs démarches. « La démarche

participative implique les élèves

depuis l’audit énergétique jusqu’à la

mise en œuvre du plan d’action. Le

projet s’intègre par ailleurs dans le

programme pédagogique », explique

Jean-Marc Guillemeau, facilitateur et

directeur du Cifful.

www.cifful.ulg.ac.be

école zéro watt, dans sa

troisième édition, incite les écoles à

réduire leur consommation énergé-

tique. « une opportunité pour déve-

lopper un projet pédagogique citoyen

sur l’énergie dans votre école qui vous

permet aussi de réaliser de substan-

tielles économies : en moyenne, 8

euros par élève et par an », peut-on

lire sur le blog du concours. C’est une

initiative du groupe Sudpresse, avec le

soutien du Service public de Wallonie

et en collaboration avec des associa-

tions d’éducation à l’énergie.

http://zerowatt.blogs.sudinfo.be

énerg’hic est une bande dessinée

publiée par la Région wallonne à des-

tination des enfants. Venu du monde

secret de la forêt, son héros énerg’Hic

vient apprendre aux hommes à moins

polluer.

http://energie.wallonie.be/fr/

energ-hic.html?IDC=6932

CC

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oLu

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LIC

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n°370-371 – 6 décembre 2013 3333

Page 34: La F(r)acture ?

suivre _ Surtitrepartie 3_Le marchépartie 3_Le marché

libéraliSation :

ombre et lumièreles consommateurs entre

Les consommateurs d’énergie ne sont pas seuls. Depuis que le mar-ché belge de l’énergie a été libé-ralisé sur tout le territoire (2007),

le nombre de fournisseurs d’électricité et de gaz a augmenté. Tout comme le nombre de règles de protection des consommateurs.

Accord fédéral, loi sur la protection du consommateur, décrets et ordon-nances... on assiste à une véritable infl a-tion législative. Logique, si l’on en croit Philippe Devuyst, le médiateur fédéral de l’énergie : « Avec la libéralisation, on

est passé du statut d’abonné à celui de client. Le client est isolé. Il ne peut pas changer une ligne de son contrat. Plus on est un petit consommateur, plus il est diffi cile de modifi er le rapport de force. Les lois et règlements sur la protection des consommateurs visent à modifi er ce déséquilibre fondamental. »

Cette protection est d’autant plus importante que l’énergie n’est pas un bien de consommation comme un autre. Si l’accès au gaz ou à l’électri-cité n’est pas offi ciellement un « droit », beaucoup estiment qu’il devrait être

reconnu comme tel. Sans électricité, sans gaz, peut-on parler de conditions de vie décentes ?

Des règles ont donc été mises en place. Sont-elles pour autant effi caces ? Pour Jean-Philippe Ducart, porte-parole de Test-Achats, la protection du consom-mateur, en Belgique « a bien avancé », même s’il reste diffi cile de savoir com-bien de gens « passent au travers ». Un bilan d’autant plus complexe à réaliser que la protection du consommateur varie en fonction des Régions.

Fédéral : un nouvel accord sur la table

Il aura fallu plus d’un an et demi d’âpres discussions pour améliorer l’accord entre fournisseurs d’énergie intitulé « Le consommateur dans le

Cela fait six ans que le marché de l’énergie a été libéralisé partout en Belgique. Les règles pour protéger les consommateurs se sont multipliées. Notamment pour les plus précaires. Sont-elles effi caces ? par céDric vaLLet

www.alterechos.be34

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Page 35: La F(r)acture ?

marché libéralisé de l’électricité et du gaz ». Outil principal de protection des consommateurs au niveau fédéral, cet accord, signé le 16 octobre dernier, consacre quelques avancées impor-tantes : uniformisation des simulateurs de prix, harmonisation des factures, tentative de cadrage des pratiques de démarchage.

Mais surtout, ce que pointe Philippe Devuyst, c’est la disposition qui concerne les reconductions tacites de contrats en fi n d’année : « Désormais, le fournisseur a l’obligation de pré-senter sa meilleure off re. » Un progrès dont se réjouissent les organisations de protection des consommateurs. Chez Infor gazélec (centre d’information), on considère que cet accord « contient de bonnes choses », tout en notant encore des « imperfections », notamment dans le domaine de la transparence des prix. « Toutes les off res sont présentées sur Internet, mais sur les sites des fournis-seurs, les conditions réelles ne sont pas évidentes à trouver. On trouve un prix mensuel, en fonction de l’off re, mais le prix de l’abonnement au kilowattheure n’est pas mis en avant », épingle Nicolas Poncin, le coordinateur.

Quant aux clients précaires, ils bénéfi cient, au niveau fédéral, et selon certains critères, de tarifs sociaux spé-cifi ques (voir Microdico). Mais c’est surtout au niveau régional que la pro-

tection des consommateurs fragilisés s’organise. La rencontre entre marché libre et droits élémentaires y fait parfois des étincelles.

en fonction du niveau de pouvoir, on diStinGue différentS StatutS de client protéGé.

au fédéral : Le statut de client protégé permet d’avoir accès à un tarif social inférieur au prix du marché, chez n’importe quel fournisseur. Plusieurs catégories défi nissent le statut de client protégé. Entre autres : bénéfi cier du revenu d’intégration sociale, d’une allocation pour adulte handicapé suite à une incapacité permanente de travail ou d’un revenu garanti pour personnes âgées.

en wallonie : Trois catégories entrent en considération. Les personnes qui bénéfi cient d’un règlement collectif de dettes, d’une médiation de dettes ou d’une décision de guidance éducative de nature fi nancière dans un CPAS. Les clients protégés régionaux peuvent demander à être fournis par leur gestionnaire de réseau (distributeur) et non plus par le fournisseur. Ils y ont tout intérêt car cela leur donne accès au tarif social. En cas de défaut de paiement, c’est le distributeur qui fournira automatiquement l’énergie et placera un compteur à budget. En hiver, le client protégé en défaut de paiement a le droit de bénéfi cier d’une fourniture minimale garantie d’énergie.

à bruxelles : Le statut de client protégé doit permettre de résoudre une situation de défaut de paiement et donne droit à un tarif social. L’objectif est de pouvoir apurer la dette énergétique contractée auprès d’un fournisseur. C’est le distributeur (Sibelga) qui fournit l’énergie, le contrat commercial est suspendu temporairement. La distribution d’énergie est limitée via un limiteur de puissance. Bruxelles a ajouté des catégories d’ayant-droit : les bénéfi ciaires du tarif social spécifi que fédéral, les personnes en règlement collectif de dettes, en médiation de dettes ou bénéfi ciant du statut Omnio. De plus, sur demande, et après enquête sociale, le CPAS peut reconnaître une personne comme client protégé. Enfi n, Brugel, le régulateur bruxellois peut octroyer ce titre en fonction de critères de revenus.

micro-dico

« plus on est petit consommateur, plus il est diffi cile de modifi er le rapport de force » Philippe Devuyst, le médiateur fédéral de l’énergie

bruxelles ou wallonie, dis-moi qui a la plus belle protection ?

Au concours de la protection des consommateurs précarisés, le système bruxellois se défend bien. Encore que

cela dépende des interlocuteurs. Côté associations, par exemple au Rwade (Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie), on estime qu’à Bruxelles

« il y a une série de mesures qui pro-tègent mieux les consommateurs ». Par contre, à la Fédération belge des entre-prises électriques et gazières (Febeg), on trouve au contraire que « le système wallon est le plus équilibré ».

Outre la durée des contrats (trois ans à Bruxelles) ou la défi nition de client protégé (moins étoff ée en Wallonie), le point qui fait débat concerne la procé-dure à suivre en cas de défaut de paie-ment. À Bruxelles, les mauvais payeurs se voient imposer un limiteur de puis-sance. « Une mesure moins nocive que celle des compteurs à budget », déclare Nicolas Poncin, à propos de ces compteurs utilisés en Wallonie, et qui contraignent le consommateur en défaut de paiement à prépayer son éner-gie (lire aussi : « Rechargez votre carte

ombre et lumière

n°370-371 – 6 décembre 2013 3535

Page 36: La F(r)acture ?

avant le black-out » p. 40). Parmi les dérives du compteur à budget, Aurélie Ciuti, coordinatrice du Rwade, attire l’attention sur les refus de placement de compteurs à budget, qui entraînent des coupures d’énergie, même en hiver. En 2012, il y a eu, en Wallonie, 6 447 cou-pures de ce type.

Notons au passage qu’on annonce une réforme du décret wallon organi-sant le marché de l’énergie. Pas de révo-lution au programme. La Wallonie gar-dera ses compteurs à budget. Mais leur placement sera mieux encadré. C’est ce que dit Stéphanie Barbaux, conseillère de Jean-Marc Nollet : « Le fournisseur aura l’obligation de proposer un plan de paiement avant de demander le place-ment d’un compteur à budget. »

couper, ne pas couperLa coupure d’électricité, ou de gaz, est

un terrain miné. Car les conséquences d’un tel acte peuvent être dramatiques.

En Région wallonne, c’est la Commission locale pour l’énergie (la CLE qui remplace la bien mal-nommée Clac), composée d’un représentant des CPAS et d’un autre des fournisseurs, qui décide de telles coupures. Celles-ci ne peuvent toucher que les clients non protégés.

À Bruxelles, les ordonnances relatives à l’organisation du marché ont remis au juge de paix le soin de décider d’une coupure d’énergie. En 2012, sur 34 239 demandes de résiliations de contrat qui émanaient des fournisseurs d’électri-cité, les juges de paix n’ont ordonné que 339 coupures. Un chiffre qui, selon les partisans du modèle bruxellois, prou-verait que les « consommateurs sont mieux protégés », « car le passage devant

le juge permet d’objectiver les droits et devoirs de chacun », pour ne citer que le Rwade. Côté Région wallonne, au cabi-net de Jean-Marc Nollet, on met plutôt en avant la volonté « d’éviter de surchar-ger la justice de paix ».

Quand on parle de coupures, cer-taines zones d’ombre persistent. C’est le cas avec les « Moza ». Ce bel acronyme anglo-flamand signifie : Move out zon-der afspraak. Traduction approxima-tive : déménagement sans accord. Dans la réalité, c’est très simple. Une personne déménage. Une autre s’installe et utilise le gaz ou l’électricité sans rien signaler au fournisseur. Donc, sans contrat. Le fournisseur s’en rend compte et intro-duit alors un « Moza » auprès de Sibelga qui peut décider, après quelques visites, de couper l’accès à l’énergie.

Pour Philippe Massart de Sibelga, « ces personnes ne sont pas dans une relation contractuelle, donc on peut couper. Il s’agit de fraudeurs ». Une ver-sion qui ne sied pas vraiment à Marie-Christine Renson, qui coordonne le Réseau de vigilance (réseau de concer-tation travailleurs sociaux, spécialisé dans l’énergie). Pour elle, « il s’agit d’un gros problème, car beaucoup de gens utilisent l’énergie de bonne foi ». Quoi qu’il en soit, le Moza permet de couper l’accès à l’énergie... été comme hiver.

tarif (pas assez) social ?Face à cette avalanche de règlements,

les fournisseurs d’énergie sont un peu chagrin. Surtout quand on parle des dispositions bruxelloises. Vincent De Block, conseiller économique de la Febeg, donne l’exemple de la procédure devant le juge de paix : « Nous fournis-sons l’électricité et le gaz entre le défaut

de paiement et la décision de justice, et nous ne serons pas, ou peu, rembour-sés. » Un système bruxellois « contrai-gnant », qui expliquerait, selon la Febeg, le « manque de concurrence » dans la Région. Un point de vue que ne par-tage pas Maurice Bohet, chef de dépar-tement à Bruxelles-Environnement. Il attend avec impatience les résultats d’une étude sur « l’attractivité du mar-ché bruxellois », commandée à Price Waterhouse Cooper. « Nous espérons que cela tordra le cou à cette idée. »

En attendant, si les tentatives de « protéger au mieux le consomma-teur tout en respectant les contraintes fondamentales d’un marché » ont été réelles, pour citer Maurice Bohet, il est un domaine qui ne cesse d’inquiéter les consommateurs : le prix. « Le problème numéro un », selon Marie-Christine Renson, qui témoigne de la réalité de terrain : « Beaucoup de gens s’autoli-mitent dans l’utilisation de l’énergie pour essayer de contrôler les prix. Les statuts protégés aident, mais ce n’est pas suffisant. » Beaucoup plaident pour une extension des catégories qui donnent droit à un tarif social. « Pour nous, il faudrait des critères de revenu au niveau fédéral et plus seulement un tarif social lié à un statut », affirme Aurélie Ciuti. Tarif social élargi pour les uns... et tari-fication progressive pour les autres. Un autre vaste chantier pour soulager un peu la facture salée des consommateurs les plus pauvres. ¡

« Beaucoup de gens s’autolimitent dans l’utilisation de l’énergie pour essayer de contrôler les prix. » Marie-Christine Renson, Réseau de vigilance

en Savoir pluS

¡ Service de médiation de l’énergie - rue royale, 47 à 1000 Bruxelles - tél. : 02 211 10 60 - courriel : [email protected]

¡ Infor Gaz Elec - chaussée de Haecht, 51 à 1030 Bruxelles - tél. : 02 209 21 90 - courriel : [email protected]

¡ Febeg - galerie Ravenstein, 3 à 1000 Bruxelles - tél. : 02 500 85 85 - courriel : [email protected]

¡ Creg - rue de l’industrie, 26 à 1040 Bruxelles – tél. : 02 289 76 11 - site : www.creg.be

partie 3 _ le marché

www.alterechos.be36

Page 37: La F(r)acture ?

Le prix des factures d’électricité et de gaz augmente. C’est un fait. La

Commission de régulation de l’énergie et du gaz (Creg) a fait les calculs. Depuis

2007, date de la libéralisation du marché de l’énergie, jusqu’à 2013, en moyenne,

le prix final payé par un consommateur pour sa facture d’électricité a augmenté

de 35,19 %. Quant à la facture de gaz, elle a vu son coût s’envoler de 36,40 %

sur la même période. La concurrence entre opérateurs énergétiques ne s’est pas

accompagnée de la baisse des prix annoncée. Pourquoi ?

à cette question simple, les réponses sont complexes et dépendront

souvent des tendances idéologiques des interlocuteurs.

Des intervenants associatifs ou des acteurs publics pointeront la multiplication

des intermédiaires induite par la libéralisation du marché de l’énergie

(fournisseurs privés, transporteurs et distributeurs publics ou semi-publics).

D’autres pointent plutôt le poids des « obligations de service public », ces

cotisations que paye chaque consommateur pour financer la protection des

usagers fragilisés, l’éclairage public et bien d’autres choses. Certains dénoncent

le coût des certificats verts. Enfin, les plus verts rappellent qu’on parle ici

d’énergies fossiles (en tout cas pour le gaz) dont les réserves s’amenuisent. Une

rareté des ressources qui expliquerait aussi la hausse des prix.

pour y voir plus clair, détaillons une facture d’électricité. celle-ci se compose

de trois parties :

une composante énergie. On paye ici le fournisseur. On y trouve notamment le

prix de l’énergie, au kilowattheure.

une composante distribution et transport. Dans ce tarif sont incluses certaines

obligations de service public dont doivent s’acquitter le distributeur et le

transporteur. Et non des moindres. L’éclairage public en Wallonie et à Bruxelles

est financé par cette cotisation. La gestion des clients protégés régionaux aussi,

ainsi que la pose des compteurs à budget en Wallonie. Les consommateurs ont

aussi eu à payer le manque à gagner, non anticipé par la Région wallonne, dans le

cadre du rachat de certificats verts.

une composante taxes et prélèvements. Par ce biais, l’État et les Régions

financent une partie de leur budget. Cotisation énergie pour financer la sécurité

sociale, cotisation fédérale pour payer la dénucléarisation, mais aussi le

fonctionnement de la Creg, le financement du tarif social des clients protégés

fédéraux ou de l’accompagnement social des CPAS lié à l’énergie. Dans les

Régions, les « fonds énergie » sont aussi alimentés par les factures d’électricité.

Pour Christine Cobut, de la Creg, la hausse des prix s’explique essentiellement

« par l’augmentation des tarifs de distribution, via les obligations de service

public qui n’ont fait qu’augmenter ces dernières années ». Quant au prix

de la matière première, si son augmentation est restée anodine concernant

l’électricité (la composante énergie des factures d’électricité a augmenté

de 3,9 % depuis 2007), on ne peut en dire autant du gaz. Là, l’augmentation

est de 36 %.

pourquoi les prix augmentent ?

n°370-371 – 6 décembre 2013 3737

Page 38: La F(r)acture ?

panorama des acteurs du marché de l’énergie en Wallonie et à Bruxelles

Les producteurs / importateurs d’énergieL’électricité est issue de sources de

production internes et externes au

pays. En Belgique, elle provient majo-

ritairement des centrales nucléaires,

au charbon ou au gaz mais aussi, de

manière de plus en plus importante,

des énergies renouvelables (parcs

éoliens, énergie solaire, valorisation

énergétique des déchets).

Le pays s’alimente également auprès

des pays voisins : Allemagne, France

et Pays-Bas. Il arrive aussi que la

Belgique exporte son électricité.

Le gaz est importé de pays qui ont des

gisements naturels (Norvège, qatar,

Pays-Bas, Russie,…). Le gaz peut être

acheminé par gazoducs souterrains

ou sous-marins mais aussi par bateaux

sous forme liquéfiée via le terminal de

Zeebrugge.

Les deux principaux pro-

ducteurs d’électricité en

Belgique sont electrabel et edf

luminus. Avec la construction des

parcs éoliens en mer, de plus petits

producteurs ont vu le jour comme,

par exemple, belwind ou c-power.

Cette activité est soumise à la

concurrence. Les trois principaux

importateurs de gaz en Belgique sont

eni, Gdf Suez et edf luminus.

Les gestionnaires de réseau de transportIls gèrent les réseaux de transport de

l’énergie à haute tension pour l’électri-

cité et à haute pression pour le gaz. Ils

acheminent l’énergie vers le réseau de

distribution à basse tension et basse

pression. Ils s’occupent du transit de

l’énergie entre d’autres pays à travers

la Belgique. Ils s’occupent, pour le gaz,

du stockage et de l’exploitation du

terminal de Zeebrugge et, pour l’élec-

tricité, du maintien de l’équilibre entre

l’offre et la demande.

La Belgique compte un seul

gestionnaire de trans-

port pour l’électricité, elia system

operator et une seule entreprise de

transport pour le gaz naturel, fluxys

belgium. Ces entreprises sont en

situation de monopole. Elles sont

contrôlées par la Creg (Commission

de régulation de l’électricité et du

gaz) pour la tarification et pour les

aspects techniques concernant le

réseau.

Les gestionnaires de réseau de distributionIls gèrent, construisent et entre-

tiennent le réseau de distribution

d’électricité et/ou de gaz, et ache-

minent l’énergie reçue du gestionnaire

du réseau de transport jusqu’aux

consommateurs finaux. Ils s’occupent

des raccordements sur le réseau et

assurent les relevés de compteurs de

gaz et d’électricité. Ils se chargent

également des obligations de ser-

vices publics (obligations sociales,

utilisation rationnelle de l’énergie,…).

Des intercommunales

mixtes (c’est-à-dire avec

une participation d’entreprises

privées) et pures (c’est-à-dire 100%

publiques), attachées à un territoire

déterminé où elles sont en situation

de monopole.

les pures : aieG (grand Namurois),

aieSh (Sud Hainaut), resa-

électricité/tecteo et resa-gaz/

alG (Liège), régie d’électricité de

wavre (ville de Wavre) et infrax-pbe

(Incourt, Perwez, Chastre,…).

les mixtes : en Région wallonne, les

huit intercommunales mixtes se sont

regroupées en 2009 dans la société

oreS, Opérateur des réseaux gaz et

électricité + eandis-Gaselwest (dans

quelques communes du Hainaut).

Bruxelles ne compte qu’un ges-

tionnaire de réseau de distribution,

Sibelga, qui est une intercommunale

mixte.

qui ?

qui ? qui ?

partie 3 _ le marché

www.alterechos.be38

Page 39: La F(r)acture ?

panorama des acteurs du marché de l’énergie en Wallonie et à Bruxelles

Le consommateurCe système pré-

suppose l’existence

d’un consommateur

actif, qui vérifie sa

facture d’électricité

en vue d’opter pour

les meilleurs tarifs

et ainsi, stimule la

concurrence. Ce type

de comportement

est encouragé par

des campagnes telles

que celle du SPF

économie, « osez com-

parer », par l’accès au

consommateur à des

simulateurs du prix de

sa facture, ou encore

par les initiatives

d’achats groupés (ex :

Test-Achats).

Les régulateursIl existe un régulateur fédéral et trois

régulateurs régionaux. Ces organismes

indépendants ont été créés au moment

de la libéralisation du marché de l’éner-

gie. La Commission de régulation de

l’électricité et du gaz (Creg) conseille les

autorités fédérales et veille aux intérêts

essentiels des consommateurs en véri-

fiant que la situation des marchés cadre

avec la politique énergétique globale. La

Creg est notamment compétente pour

la surveillance des tarifs du transport et

de la distribution d’électricité et de gaz

naturel (Elia, Fluxys et les gestionnaires

de réseau de distribution) et pour le

stockage du gaz. C’est elle également qui

délivre des autorisations, par exemple

pour exploiter le parc éolien en mer. Les

régulateurs régionaux conseillent les

autorités régionales concernant l’organi-

sation du marché régional et surveillent

son bon fonctionnement. Ils contrôlent

le respect de la législation ainsi que les

prescriptions techniques pour les activités

de distribution sur les réseaux à moyenne

et basse tension, ainsi que la distribution

du gaz. Ils accordent les licences de four-

niture, octroient et contrôlent la remise

des certificats verts et des certificats de

cogénération.

Fédéral : creg (Commission de

régulation de l’électricité et du

gaz). Régions : cwape (Commission wal-

lonne pour l’énergie), brugel (Bruxelles

gaz électricité), vreg (Vlaamse regule-

ringsinstantie voor de elektriciteits-en

gasmarkt).

Les bourses d’énergieCe sont des plate-

formes de négociation

électronique sur les-

quelles les acteurs du

marché peuvent placer

des ordres anonymes

d’achat et de vente

d’énergie. Les différents

acteurs du marché pré-

sents sur les bourses

sont : les producteurs,

les fournisseurs, les

responsables d’équi-

libre, les sociétés de

trading,...

En Belgique,

la bourse

d’électricité pour le

marché day-ahead

(veille pour le len-

demain) et pour le

marché infra-jour-

nalier (intraday) est

belpex. Pour le gaz, les

bourses sont apx Gas

ztp et ice dutch ttf.

Les fournisseurs Ils vendent l’électricité et

le gaz qu’ils ont achetés au

préalable aux producteurs ou

en bourse pour l’électricité et

aux importateurs pour le gaz.

Ils se chargent également de

facturer les consommations

aux clients résidentiels finals.

électricité : en

septembre 2013,

neuf fournisseurs sont

actifs en Région wallonne

soit 37 offres tarifaires en

Région wallonne (belpower,

electrabel customer

Solution, eni, eneco,

essent, lampiris, edf-

luminus, octa+, elexys).

Cinq fournisseurs sont

actifs à Bruxelles soit 19

offres tarifaires à Bruxelles

(electrabel customer

Solution, lampiris, edf-

luminus, octa+, elexys).

Gaz : en septembre 2013,

sept fournisseurs sont

actifs en Région wallonne

soit 31 offres tarifaires en

Région wallonne (electrabel

customer Solution, eni,

eneco, essent, lampiris,

edf-luminus, octa+) et

quatre fournisseurs sont

actifs à Bruxelles soit 15

offres tarifaires à Bruxelles

(electrabel customer

Solution, lampiris, edf-

luminus, octa+).

qui ?

qui ?

qui ?

par aMéLie Mouton

n°370-371 – 6 décembre 2013 3939

Page 40: La F(r)acture ?

Rechargez votre carte avant

Le nombre de compteurs à budget explose en Wallonie. À

Bruxelles, la législation protège le consommateur. Mais les

fournisseurs font pression. par pierre Jassogne

black-outSelon le dernier rapport de la Cwape,

178 128 clients présentent un retard de paiement pour des factures d’électricité et 74 692 pour celles de gaz. Du coup, les demandes de compteurs s’envolent en Wallonie : il y avait près de 112 000 compteurs à budget pour l’électricité répertoriés dans le sud du pays à la fin 2012. Dont 57 000 compteurs activés. Pour le gaz, 35 850 compteurs à budget sont installés et plus de 20 000 activés. À noter que sur les 88 400 demandes de placement d’un compteur à budget en électricité enregistrées pour l’an-née 2012, seulement 16 % ont, in fine, conduit à l’installation du compteur. Pour le gaz, 44 000 demandes de place-ment ont été introduites, avec un total de 7 927 compteurs placés.

pour des factures de 5 euros !En outre, les délais d’installation

de ces compteurs sont de plus en plus longs : 84 jours pour l’électricité et 110 jours pour le gaz, alors que la législation prévoit seulement 40 jours pour fina-liser la procédure du placement d’un compteur. Quant à la durée de vie d’un compteur à budget : plus de 30 % des compteurs à budget restent actifs au-delà de deux ans.

Tout cela a un coût, notamment pour les gestionnaires de réseaux qui prennent à leur charge l’installation pour les clients protégés en défaut de paiement : au total, 32,4 millions d’euros. Une somme répercutée dans les prix du gaz et de l’électricité fac-turés à l’ensemble des consomma-teurs, au travers des tarifs de distri-bution. L’installation d’un compteur tourne autour des 700 euros et pour les clients non protégés, touchés par cette

le black-outD

’une région à l’autre, tous les consommateurs ne sont pas logés à la même enseigne en cas de défaut de paiement. En Wallonie,

voilà plus de dix ans que des compteurs à budget sont placés chez les personnes en difficulté de paiement. Il s’emboîte sur le compteur d’électricité ou de gaz. Avant de pouvoir consommer, le client doit d’abord recharger son compteur à budget d’un certain montant. « Le pla-cement d’un compteur à budget vise à limiter l’endettement du client, mais aussi à le responsabiliser dans la gestion de sa dette », peut-on lire dans le rap-port 2012 de la Cwape, la Commission wallonne pour l’énergie.

Avec ces compteurs à budget, on a vu en Wallonie la fin du rôle des

juges de paix dans les décisions de coupure. Désormais, la

procédure est systématisée : à la première facture impayée, le client est mis en demeure par son fournisseur. Si la facture reste impayée, le fournisseur demande alors au gestionnaire d’installer un compteur à budget. Alors qu’à Bruxelles, au contraire, pour ce type de déci-sions, le rôle du juge a été renforcé.

des compteurs qui valent de l’or ? trois-quarts des

ménages ont une dette inférieure au coût du compteur à budget,

relève le rwade.

partie 3 _ le marché

www.alterechos.be40

Page 41: La F(r)acture ?

mesure, la contribution peut s’élever de 100 euros (pour les compteurs élec-triques) à 150 euros (pour ceux à gaz). Un montant relativement élevé pour l’installation d’un compteur quand on sait qu’entre 40 et 50 % des clients pré-sentent une dette, au moment du place-ment du compteur, inférieure ou égale à 250 euros. Conscient de cette probléma-tique, le ministre wallon de l’Énergie, Jean-Marc Nollet, a d’ailleurs décidé d’encadrer le placement de ces comp-teurs. À terme, le compteur ne se serait plus installé qu’en cas de non-respect d’un plan de paiement passé entre le consommateur et son fournisseur.

Car les fournisseurs commerciaux font de plus en plus pression pour imposer ces compteurs au moindre défaut de paiement, et ce, malgré la procédure coûteuse. « Parfois pour des factures impayées de 5 ou 10 euros. 74 % des ménages ont une dette inférieure au coût du compteur à budget », relève-t-on dans un dossier du Rwade. Nombreuses sont les interrogations sur l’efficacité

réelle de ces compteurs à budget quant à leur capacité de limiter le nombre de coupures, d’inciter les ménages à écono-miser de l’énergie ou d’enrayer in fine le cycle infernal de l’endettement. Quant aux répercussions sociales, et tout sim-plement humaines, elles poussent plus que jamais à la réflexion : un compteur à budget n’aide pas à économiser l’énergie et il restreint même, dans la plupart des cas, les usages vitaux. On consomme

en Savoir pluS

¡ L’exécution des obligations de service public imposées aux fournisseurs et gestionnaires de réseau, Rapport annuel de la Cwape, 2012.

¡ Pas d’argent, pas de courant ! – Les compteurs à budget wallons : un déni du droit d’accès à l’énergie, Rapport du Rwade, 2013.

on consomme selon ses moyens, et non selon ses besoins.

selon ses moyens et non selon ses besoins. Car la mise en place de ces compteurs génère des « auto-coupures ». Sans compter les risques de coupures de gaz et d’électricité, y compris en hiver. Rien qu’en 2012, 6 447 ménages wallons ont ainsi été privés d’électricité et 2 771 ménages privés de gaz, dont un tiers au moins pendant la période hivernale.

Les bruxellois mieux protégésBref, ce système a tous les aspects

d’un système qui part à la dérive. Pour le Rwade, notamment, permettre aux ménages à faible revenu d’économiser l’énergie sans se priver de chauffage – seule priorité au fond – implique une tout autre palette de mesures comme l’encadrement des loyers, la rénovation énergétique par quartier… Autre élé-ment interpellant, relevé par le Rwade, après dix ans d’usage des compteurs à budget, il n’existe aucune donnée publique sur les ménages concernés par cette mesure. Combien parmi les 60 000 ménages wallons équipés de compteurs électriques et les 25 000 avec des comp-teurs à gaz vivent ces situations d’auto-coupures ? « Pendant combien de temps et à combien de reprises ? », interpelle un rapport du Rwade qui prône l’adop-tion en Wallonie du système bruxellois.

Dans la capitale, et au vu des caracté-ristiques sociologiques et urbanistiques de la région, le législateur n’a pas décidé de mettre en place ce système de comp-teur. « Juste » celui d’un limiteur de puissance à 4 600 watts pour les comp-teurs électriques dans le cas d’un défaut de paiement, et seulement après enquête du CPAS. Le nombre de ces limiteurs est en constante augmentation. En 2012, 17 000 boîtiers ont été installés à Bruxelles chez des consommateurs en difficulté. Mais vu de Wallonie, le consommateur apparaît davantage protégé dans la capitale : outre le fait de bénéficier du tarif social, en le deman-dant soit via le CPAS ou le régulateur bruxellois (Brugel), le consommateur

peut rester chez son fournisseur de façon ininterrompue pendant soixante jours, avant de pouvoir introduire une demande de résolution de contrat auprès de la justice. En 2011, à Bruxelles, 32 000 demandes de coupures d’électri-cité ont été introduites par les fournis-seurs. Sibelga a ainsi effectué 201 cou-pures, autorisées par un juge de paix la même année.

Plus largement, il faut noter à Bruxelles que les juges préfèrent la rené-gociation d’un plan de paiement avec le consommateur, sur base de ses revenus et en envisageant une collaboration avec le CPAS pour aider le ménage dans le besoin dans ses démarches. « Face à cette protection du consommateur, les fournisseurs mettent la pression à Bruxelles pour imposer un système comme les compteurs à budget. Mais je reste convaincu que nous avons la bonne législation pour protéger les consommateurs en difficulté », com-mente Jan Willems, coordinateur du service médiation de dettes et énergie au CPAS de Bruxelles. Le coordinateur appelle à un réel débat sur les deux systèmes, le wallon et le bruxellois, « pour estimer à la fois les coûts, mais surtout le vécu des personnes touchées par ces mesures ». ¡�

n°370-371 – 6 décembre 2013 4141

Page 42: La F(r)acture ?

suivre _ Surtitre

courts-circuits pour la tarification proGreSSive

La Wallonie s’apprête à faire payer plus cher les gros consommateurs

d’électricité en instaurant un projet de tarification progressive.

La philosophie du projet est globalement saluée. Mais sa

mise en place suscite certaines questions.

par JuLien winkeL

Si l’on trouve peu de monde pour remettre en cause les fondements de ce qu’on appelle la « tarifica-tion progressive et solidaire de

l’électricité » (voir encadré), la manière dont ce dossier est mené et monté pose problème à certains. Sur tous les volets, qu’ils soient sociaux et envi-ronnementaux, les interrogations sont nombreuses. Rayon social, c’est le sort des ménages précarisés qui est sur de nombreuses langues. À ce niveau, le système de tarification progressive est en effet basé sur un constat : les ménages précarisés ou à petits revenus consom-meraient moins d’électricité que les plus nantis. Le « progressif » devrait donc leur être favorable. Problème : de nom-breux intervenants remettent ce constat en cause. Certains ménages à bas reve-nus auraient en effet une consomma-tion d’électricité supérieure à celle de ménages plus favorisés. En cause : des logements mal isolés, des électromé-nagers énergivores, une présence plus importante à la maison due à l’absence

de travail. Et une capacité faible d’adap-tation à cause du manque de moyens. En 2010 déjà, la Creg (Commission fédérale de régulation de l’électricité et du gaz) pointait dans un rapport le fait qu’« une famille à faible revenu ait une faible consommation d’énergie ne va pas de soi ; une analyse approfondie révèle une plus grande consomma-tion pour les toutes petites tranches de revenus ».

Si la Creg ne souhaite plus se pronon-cer sur ce sujet, la Cwape (Commission wallonne pour l’énergie) s’inquiète éga-lement du sort de certains ménages pré-carisés. De même que la Fédération des CPAS, qui a adressé une lettre à ce sujet à Jean-Marc Nollet. « Nous avons effec-tué un sondage auprès de 112 ménages, et pour certains d’entre eux la nouvelle tarification risque de poser problème », explique Christophe Ernotte, direc-teur général. Face à cette situation, beaucoup suggèrent que des mesures spécifiques soient mises en place pour venir en aide à ces ménages précarisés.

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partie 3 _ le marché

www.alterechos.be42

Page 43: La F(r)acture ?

« Le problème ne vient pas de la tarifi-cation progressive en elle-même, mais la grande consommation de certains ménages précarisés pose problème », explique Francis Ghigny, président de la Cwape. Une situation qui fait réagir jusque dans les milieux académiques. « On paie des fortunes pour permettre aux classes moyennes et supérieures de s’équiper en panneaux photovoltaïques. Si l’on donnait au moins la même chose pour que les ménages précaires puissent s’équiper d’appareils électroménagers

Le projet de tarification progressive et solidaire de l’électricité

en Wallonie est né d’un constat : le système actuel de tarification

est dégressif et avantage donc les gros consommateurs. D’après

le cabinet de Jean-Marc Nollet (Ecolo), ministre wallon de

l’Énergie, ceux-ci peuvent payer à l’heure actuelle jusqu’à 0,17

euro le kilowattheure alors qu’un « petit » consommateur payera

jusqu’à 0,33 euro. Une injustice sociale et environnementale,

toujours d’après le cabinet de l’élu Ecolo. Sociale parce que

les petits consommateurs sont souvent des ménages à faibles

revenus. Environnementale parce que cette tarification n’incite

pas à consommer moins d’électricité, mais plus.

Afin de remédier à ces problèmes, une OSP (obligation de

service public) sera imposée aux gestionnaires de réseau de

distribution. Ils devront octroyer tous les ans à chaque ménage

– clients résidentiels - une allocation correspondant au prix d’un

certain nombre de kWh.

le nombre de kwh sera le suivant :

¡ 400 kWh pour un isolé ;

¡ 500 kWh pour un ménager de deux et trois personnes ;

¡ 600 kWh pour les ménages de quatre personnes ;

¡ 700 kWh pour les ménages de cinq et six personnes ;

¡ 800 kWh pour les ménages de sept personnes et plus ;

¡ 800 kWh pour les clients sous tarif social spécifique.

Pour obtenir le montant de l’allocation octroyée, il « suffira »

de multiplier le nombre de kWh ci-dessus par le prix moyen du

marché par kWh. Le montant obtenu sera déduit de la facture

de régularisation annuelle. Attention : cette mesure a un coût

pour les gestionnaires de réseau. Ils le répercuteront sur le prix

du kWh consommé « après allocation ». Une fois son allocation

« gratuite » utilisée, un ménage paiera dès lors son kWh plus

cher. Dans ce contexte, un ménage consommant peu paiera

donc son électricité (allocation + kWh consommés par après)

proportionnellement moins cher qu’un ménage consommant

plus. En d’autres termes, les gros consommateurs financeront

l’avantage octroyé aux petits et moyens consommateurs. Un

détail, d’importance : quatre catégories de consommateurs

seront exonérées du système. Il s’agit des propriétaires de

pompes à chaleur, de ceux qui se chauffent principalement à

l’électricité, des entreprises, et des villes et communes. Les

détenteurs de panneaux voltaïques seront intégrés au système.

Certains intervenants soulignent que le système devrait

entraîner une forte progressivité des prix pour les

consommations basses, mais assez faible par après. En cause :

le prix du kWh consommé « après » allocation. Il restera en effet

stable, que la consommation soit faible ou forte. « L’aspect

environnemental risque d’être mis de côté. Il s’agira peut-être

plus d’une mesure réduisant la facture d’une certaine partie de

la population que d’une mesure visant à promouvoir l’utilisation

rationnelle d’énergie », souligne-t-on chez Inter-Environnement

Wallonie.

Le projet d’arrêté concernant la tarification progressive est

passé en première lecture devant le gouvernement wallon fin

mai 2013 et en deuxième lecture en septembre 2013. D’après le

cabinet de Jean-Marc Nollet, le projet devrait entrer en vigueur

au 1er janvier 2015.

La tarification en wallonie...

peu énergivores, ce serait plus équitable. À ce moment-là, on pourrait commen-cer à parler de tarification progressive », assène Grégoire Wallenborn, chercheur au centre d’études du développement durable de l’ULB.

une guerre des chiffres ?Face à ces remarques, le cabinet de

Jean-Marc Nollet maintient : les bas revenus consomment moins. Mais il concède qu’il y a des cas particuliers. « C’est pour cela que la composition des

ménages et le fait que des consomma-teurs puissent être sous tarif social ont été pris en compte (voir encadré). Il est clair qu’il existe un risque pour certains cas, mais cela aurait-il été équitable socialement si rien ne changeait pour une minorité ? », explique-t-on. Notons que d’autres intervenants soutiennent ce constat du cabinet. Pour le Rwade (Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie), il est un fait que « par décile de revenu, on consomme de plus en plus ». ¡

n°370-371 – 6 décembre 2013 4343

Page 44: La F(r)acture ?

Que l’on se trouve d’un côté ou l’autre de la barrière, les données sont donc différentes. Ce qui constitue un autre problème. Pour certains, la mesure de tarification progressive serait même basée sur des chiffres approximatifs. « A priori il s’agit d’une bonne mesure, mais le problème est qu’elle se base sur des moyennes, dont on ne sait jamais ce qu’elles cachent », précise Grégoire Wallenborn. En questionnement, entre autres : la consommation annuelle au-dessus de laquelle un ménage com-mencera à payer plus cher avec la tari-fication progressive qu’avec l’ancien système dégressif. « On a beaucoup de mal à avoir des données précises et donc des idées sur l’impact de la mesure », continue Grégoire Wallenborn. Du côté du Rwade et d’Inter-Environne-ment Wallonie, qui se déclarent en accord avec l’instauration de la tarifi-cation progressive, on souligne tout de même qu’il est difficile d’affirmer que les ménages composés de nombreuses personnes consomment plus. Alors que ceux-ci se voient avantagés par le sys-tème de tarification progressive (voir encadré).

Au cabinet Nollet, on déclare s’être basé sur les chiffres donnés par les ges-tionnaires de réseau. « Mais en effet, nous n’avons pas toutes les données exactes. Avant de mettre une mesure en place, qui peut dire quels vont être ses effets précis ? », nous explique-t-on. Quoi qu’il en soit, l’opposition s’est engouffrée dans la brèche. Willy Borsus, président du groupe MR au Parlement wallon, affirme ainsi que « le gouver-nement travaille dans la confusion. On

fait des projections avec des chiffres inconnus. À titre d’exemple, il est très compliqué de savoir ce qui se cache derrière les 1 700 000 compteurs EAN en Wallonie. Des familles ? Des kots ? Des résidences secondaires ? » Ce qui fait réagir le cabinet du ministre Ecolo. « Nous avons effectué un travail très poussé, on ne peut pas nous reprocher de ne pas avoir fait de simulation pous-sée », nous explique-t-on avant de pré-ciser qu’une étude serait en cours afin d’affiner les chiffres.

Pour conclure, notons que la baisse de la TVA sur l’électricité de 21 % à

Le projet de tarification progressive et solidaire de l’électricité à Bruxelles part

du même constat qu’en Wallonie : le système actuel de tarification est dégressif

et avantage les gros consommateurs.

Afin de changer cette donne, un système de tarification progressive de

l’électricité par « palier » sera instauré. On ne trouve pas ici de trace

d’allocation. Le principe est donc différent de celui imaginé en Région wallonne,

qui n’a pas pu opter pour la tarification par paliers, « trop compliquée à

implémenter à court terme », d’après le cabinet de Jean-Marc Nollet (Ecolo),

ministre wallon de l’Énergie.

Un projet d’ordonnance relative à ce système a été adopté en première lecture

par le Parlement bruxellois en octobre 2013. Le cabinet d’Éveline Huytebroeck

(Ecolo), ministre bruxelloise de l’Énergie, espère que le texte sera adopté avant

la fin de la législature, pour une mise en application au premier janvier 2017.

Attention : en application de la directive européenne 2009/72/CE concernant

les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, le législateur a

une compétence limitée en matière de tarifs, puisqu’il ne peut que définir des

lignes directrices. Il reviendra donc au régulateur (Brugel) de déterminer le

nombre de paliers, leur niveau et leur prix.

les tarifs progressifs tiendront compte :

¡ de la composition des ménages ;

¡ des clients bénéficiant du statut de client protégé ;

¡ de la situation particulière des utilisateurs de réseau autoproducteurs ;

¡ de la situation particulière des clients se chauffant à titre principal par un

système de chauffage électrique ou une pompe à chaleur.

Pour Infor Gazélec, un centre d’information non commercial qui défend le

droit à l’accès à l’énergie à Bruxelles, le système bruxellois partirait « sur une

bonne base ». Il serait susceptible de proposer une progressivité des prix plus

importante que le système wallon.

... et à bruxelles

«on ne peut pas nous reprocher de ne pas avoir fait de simulation poussée. » Cabinet de Jean-Marc Nollet.

en Savoir pluS

¡ Creg : rue de l’Industrie, 26-38 à 1040 Bruxelles - tél. : 02 289 76 11 - site : www.creg.be

¡ Cwape : route de Louvain-la-Neuve, 4 bte 12 à 5001 Namur - tél. : 081 33 08 10 - site : www.cwape.be

¡ CEDD : av. Franklin Roosevelt, 50 à 1050 Bruxelles CP130/02 - tél. : 02 650 43 30

¡ Rwade : rue de Gembloux, 47 à 5002 Saint-Servais - tél. : 081 73 40 86

6 % ne devrait pas avoir d’effet sur la tarification progressive, d’après nos interlocuteurs. Pour les caisses de l’État par contre, cela pourrait être une autre affaire... ¡

partie 3 _ le marché

www.alterechos.be44

Page 45: La F(r)acture ?

Se rassembler pour payer l’énergie moins cher,

un principe simple qui séduit de plus en plus de

consommateurs. par raFaL naczyk

tirs d’achats groupés

En Belgique, l’achat groupé d’éner-gie fait f lorès depuis quelque temps. Le principe est simple : des consommateurs s’assemblent afin

d’obtenir des tarifs préférentiels, forts de leurs consommations conjointes. Avec l’aide d’un intermédiaire spé-cialisé est ensuite lancé un véritable appel d’offres. Le meilleur fournis-seur emporte la mise. Chaque candi-dat reçoit alors une offre personnali-sée, qu’il est libre d’accepter ou non. L’intermédiaire n’intervient plus, le contrat est signé entre le fournisseur et le client. Il dure en général un an, plus rarement deux ou trois.

Début 2012, le régulateur fédéral, la Creg, recommandait au gouver-nement de développer le système. Depuis, c’est un carton. En Flandre, où les premières initiatives remontent à 2009, on retrouve des intermédiaires de tout poil : les provinces, des CPAS, des associations. Et même des partis politiques, le sp.a en tête. Samen ster-ker, la coopérative du pilier socialiste flamand qui organise des achats grou-pés, vient d’étendre ses activités jusqu’à Bruxelles. « Vingt mille familles ont participé aux achats groupés en Flandre pour le gaz et l’électricité. En deux ans, 500 toits ont été isolés grâce à Samen sterker en Flandre occidentale, un chiffre dont aucune autre organisation

ou institution publique ne peut se tar-guer », se félicitait le président des socia-listes flamands, Bruno Tobback, devant la presse en octobre.

En Wallonie, plusieurs communes dont Courcelles, Soignies et Seraing ont signé une convention avec une société liégeoise, Wikipower. Elle aurait déjà convaincu plus de 40 000 ménages. « Ce modèle est amené à se développer, explique Maxime Beguin, gérant de Wikipower. Notamment parce qu’un consommateur peut quitter son actuel fournisseur pour passer ailleurs sans devoir payer d’indemnité de rupture. »

Au plan national, c’est l’association Test-Achats qui avait joué les pion-niers. L’année dernière, ils étaient 151 000 – dont de nombreux franco-phones – à s’être inscrits au premier groupement d’achat en énergie. « Au terme des enchères, 47 000 consomma-teurs avaient finalement changé d’opé-rateur », confie Jean-Philippe Ducart, porte-parole de Test-Achats. Total des économies générées : 16 millions d’euros. « Soit des montants jusqu’à 150 euros par an pour l’électricité seule, et jusqu’à 500 euros pour la combinaison

gaz et électricité. » L’association de défense des consommateurs vient d’ailleurs de reconduire son coup d’es-sai. Cette année, 140 000 personnes se sont inscrites. « Quelque 12 % des ménages n’ont pas encore bougé depuis la libéralisation, en 2003, explique Jean-Philippe Ducart. Mais de plus en plus, ils éprouvent la nécessité de comparer, de changer et d’agir. Aujourd’hui, les consommateurs savent qu’ils ont un rôle à jouer, qu’ils peuvent faire bouger les choses en faisant pression. »

Constat plus nuancé auprès de Greenpeace, qui avait lancé le groupe

d’achat Switch-to-Green, l’année der-nière, avec La Ligue des Familles. Près de 20 000 familles s’y étaient inscrites, 4 500 avaient changé de fournisseur. Mais pour Greenpeace, le modèle a ses limites : « Le revers des achats groupés, c’est qu’ils envoient un message contra-dictoire, celui que l’électricité est bon marché, explique Arnaud Collignon, conseiller énergie chez Greenpeace. Or, d’un point de vue environnemental, ce sont les habitudes qu’il faut modifier, en poussant notamment les consom-mateurs à la sobriété. » ¡

«ce modèle est amené à se développer. notamment parce qu’un consommateur peut quitter son actuel fournisseur sans devoir payer d’indemnité. » Maxime Beguin, gérant de Wikipower

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Page 46: La F(r)acture ?

suivre _ Surtitresuivre _ Surtitrepartie 3 _ le marché

Après l’éclatement de la bulle des certifi cats verts en Région wallonne (voir encadré), le sec-teur du photovoltaïque vit une

période de transition diffi cile. Le mar-ché tourne au ralenti. Certes, un nou-veau cadre – Qualiwatt qui remplace le système des certificats verts – se dessine pour éviter que le mécanisme de soutien s’emballe à nouveau. Dans l’intervalle, un constat s’impose en ce qui concerne l’accès à ce secteur et les bénéfi ces pour les consommateurs les plus précarisés. « Ceux qui disposaient

des moyens nécessaires ont fortement profi té d’un système qui était fi nancé par l’ensemble des consommateurs. Le déséquilibre en faveur des hauts reve-nus semble évident », résume Fabienne Collard, auteure d’une étude pour le Crisp sur les bénéfi ciaires des certifi cats verts. Pour ceux qui avaient les moyens d’investir dans le photovoltaïque, ce système a permis un amortissement rapide. « Investir dans des panneaux solaires n’est cependant pas à la portée de tous les revenus : il faut compter envi-ron 10 000 euros pour une installation de 5 kilowatts et environ 18 000 euros pour une installation de 10 kilowatts. » Or comme le rappelle l’analyse, le sou-tien aux énergies renouvelables relevait d’un choix politique qui devait profi ter à l’ensemble des consommateurs.

Avec le nouveau mécanisme de soutien au photovoltaïque baptisé Qualiwatt, l’exécutif régional a décidé de tenir compte désormais du revenu dont disposent les consommateurs intéressés par le photovoltaïque pour

soutenir les ménages les plus défavori-sés. Le soutien se répercutera directe-ment sur la facture d’électricité, assu-rant aux plus bas revenus un temps de retour sur investissement de sept ans (contre neuf ans pour les revenus supérieurs) et un taux de rentabilité global sur vingt ans de 7 % (contre 4 % pour les revenus supérieurs). Une réelle évolution. En outre, « afi n de prendre en considération le niveau de revenu des bénéficiaires, la Cwape (NDLR Commission wallonne pour l’énergie) propose qu’une prime supplémentaire unique soit octroyée aux clients proté-gés et aux clients bénéfi ciant de revenus précaires », rappelle Fabienne Collard. Un avis suivi par le gouvernement wal-lon, mais le montant de cette prime unique doit encore être fi xé.

un avenir pour le tiers investisseur ?

En attendant, sur le terrain, des projets de panneaux photovoltaïques sociaux tentent de se mettre en place,

Rendre l’énergie tirée des installations photovoltaïques

accessible à tous, c’était l’un des objectifs du gouvernement wallon.

La spéculation sur les certifi cats verts y a coupé court. Néanmoins

les choses bougent pour donner aux consommateurs précarisés la possibilité d’accéder à cette

énergie verte.par pierre Jassogne

Le photovoltaïque brillera-t-ilpour tous ?©

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Page 47: La F(r)acture ?

Un certificat vert est un titre octroyé pour la production d’électricité via une filière renouvelable (photovoltaïque, éolienne ou autre). Un particulier qui possède des panneaux photovoltaïques peut vendre ses certificats verts à un fournisseur d’électricité ou au gestionnaire du réseau. Si Bruxelles et la Flandre restent épargnées par la crise des certificats verts, en Wallonie, trop de certificats ont été émis et Elia, le gestionnaire du réseau, a dû répercuter ce déficit sur la facture des consommateurs. qualiwatt remplacera les certificats verts. Un régime transitoire est prévu pendant dix ans.

Avant que le marché des certificats verts ne s’emballe, le système du tiers investisseur permettait à une société de placer des panneaux sur le toit d’un consommateur et de percevoir les certificats verts rapportés par l’installation. En échange, elles versaient chaque mois un montant au consommateur pour rembourser l’emprunt pour l’installation. Ce modèle de financement alternatif a-t-il encore de l’avenir ?

micro-dico

pour rembourser le prêt contracté pour financer l’installation sociale. Depuis 2013, on l’a vu, la législation concer-nant l’octroi de certificats verts a été revue en Wallonie. Dès l’annonce de ce nouveau cadre réglementaire, la société a donc pris en compte ces modifica-tions de régime et, afin de maintenir la viabilité de cette démarche sociale, a conclu avec le fournisseur d’énergie un avenant à leur partenariat. Désormais,

le fournisseur offre une rémunération supplémentaire dans le cas où la pro-duction d’énergie verte ne donne plus droit à l’octroi de certificats verts à la société. Pour simplifier, pour la pro-duction de chaque mégawatt d’une des installations de la société Bluesky, le fournisseur octroie et rachète des cer-tificats verts, même lorsque la Cwape

en Savoir pluS

¡ Françoise Collard, « À qui profitent les certificats verts ? », dans Les Analyses du Crisp en ligne, Bruxelles, 15 novembre 2013.

¡ Bluesky regeneration sprl : Chemin du Cyclotron, 6 à 1348 Louvain-la-Neuve – site : www.blueskyr.com

Le soutien aux énergies renouvelables relevait d’un choix politique qui devait profiter à l’ensemble des consommateurs.

ne leur en donne pas. Le prix de rachat est moins élevé que celui des certificats verts classiques, mais suffisant pour réaliser des installations sociales, si un nombre satisfaisant de personnes choi-sit ce fournisseur.

Lancé lors de l’été 2012 par Jean-Luc Rochet, ce projet est encore à la recherche d’investisseurs et de partena-riats avec des communes. « Pour concré-tiser cette participation citoyenne dans les villes et communes et aider les CPAS ou des personnes précarisées, il faut qu’une quarantaine d’habitants d’une commune migre vers ce fournisseur d’énergie, explique Jean-Luc Rochet, directeur de Bluesky. À partir de ce moment-là, la société peut offrir une installation photovoltaïque, et donc aider une famille. » Réaliste ? En tout cas, le projet de Bluesky Energy a retenu l’attention du prix Zénobe, récompen-sant l’innovation sociale. ¡

en usant surtout des bonnes idées plu-tôt que de l’arsenal législatif actuel. C’est le cas à Louvain-la-Neuve de la jeune société Bluesky regeneration, par ailleurs spécialisée dans le domaine de l’informatique et des campagnes mar-keting par SMS. La société redistribue 9 % de son chiffre d’affaires dans des projets humanitaires ou environne-mentaux. Elle est également à l’initia-tive de Bluesky energy dont l’objectif est d’installer des panneaux photovol-taïques pour un public qui n’a pas les moyens d’accéder à l’énergie renouve-lable, sur des maisons ou des apparem-ment sociaux, sur les toits des CPAS, etc. « Malheureusement, on a détourné l’essence même de cette énergie alter-native qu’est le photovoltaïque en en faisant un produit spéculatif », regrette au passage l’initiateur de ce projet, Jean-Luc Rochet.

Sa société a conclu un partenariat avec Énergie 2030, fournisseur d’élec-tricité renouvelable. Bluesky réalise des campagnes visant à motiver les consommateurs à choisir ce fournis-seur d’électricité. La commission com-

merciale perçue lors des transactions d’abonnements permet de financer les installations sociales. Au départ, ce pro-jet reposait sur l’emploi des certificats verts et le principe du tiers investisse-ment (voir encadré) : la migration de chaque client vers Énergie 2030 donnait à Bluesky le droit de revendre un certain nombre de certificats au fournisseur

n°370-371 – 6 décembre 2013 4747

Page 48: La F(r)acture ?

suivre _ Surtitre

Des compteurs intelligents dans chaque foyer ? Pour la Belgique, c’est non. La technologie, trop coûteuse, n’est pas complètement au point et pose de multiples questions en matière de protection de la vie privée. Dans notre pays, on se dirige donc vers un déploiement segmenté auprès de certains consommateurs ciblés. par aMéLie Mouton

www.alterechos.be48

Un compteur intelligent dans chaque foyer européen : ce petit conte domestique fait rêver l’Union européenne qui, dans

différentes réglementations relatives à sa politique énergétique, préconise un déploiement généralisé de cette technologie. Exit le vieux compteur planqué sous des couches de poussière dans votre cave. Place à un terminal

électronique doté d’une capacité de communication bidirectionnelle (il reçoit et transmet des informations), qui offre des informations sur votre consommation en temps réel et permet d’effectuer certaines opérations à dis-tance, comme le relevé des compteurs, ou l’ouverture et la fermeture d’accès.

Une utilisation plus rationnelle de l’énergie, une meilleure maîtrise des

coûts, une facture plus proche de la consommation réelle, des offres taillées sur mesure selon le profil du consom-mateur ; l’Union décèle de multiples promesses dans cette technologie, qui selon elle, pourrait aider l’utilisateur final à « participer plus activement au marché de la fourniture du gaz et de l’électricité », tout en contribuant aux efforts pour réduire la consommation d’énergie. Le compteur intelligent est ainsi identifié comme un moyen d’at-teindre les objectifs 3x20 prévus dans le paquet énergie-climat : à l’horizon 2020, une augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, et une diminution de 20 % des émissions de CO2.

partie 3 _ le marché

compteurs intelligents :

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la belgique plutôt

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Les sources d’énergie renouvelable (éoliennes, panneaux solaires, centrales

hydrauliques) représentaient environ 8 % de la production d’électricité belge en

2012, soit une hausse de 23 % par rapport à l’année précédente. Ce développement

rapide est appelé à se poursuivre dans les prochaines années. Leur intégration

dans le réseau de distribution ne va pas sans poser certains défis, car ce dernier

est peu adapté à des petites unités de production dispersées sur le territoire.

Pour qu’il n’y ait pas de black-out, il faut toujours un équilibre entre l’offre et la

demande. Or, avec les panneaux solaires, il peut par exemple y avoir surproduction

d’électricité les jours très ensoleillés, ce qui peut créer une surtension. Cette

situation pousse donc notre pays, comme d’autres, à évoluer vers un réseau

électrique plus intelligent (smart grid), capable de gérer avec plus d’efficacité

ces nouvelles sources de production. Comme le souligne le groupe de réflexion

sur les réseaux électriques durables et intelligents (REDI) mis en place en Région

wallonne, tout l’enjeu consiste à « encourager l’éclosion progressive, voulue par

l’Europe et la Wallonie, de petites productions locales souvent intermittentes, tout

en préservant la sécurité du réseau et le nécessaire équilibre entre production et

consommation ». Mais aussi ajoute-t-il, « sans imposer des aménagements coûteux,

décidés au coup par coup ». Réseau intelligent ne veut pas nécessairement dire

compteur intelligent, même si ce dernier peut en être un des composants. Le

groupe REDI estime ainsi que la région peut évoluer vers un réseau intelligent en

se passant de cette technologie onéreuse et pas encore complètement aboutie.

Les outils existants pourraient déjà permettre une gestion plus dynamique de

l’équilibre production-consommation, une limitation de la consommation finale et

une réduction des gaspillages.

priorité au réseau intelligent

n°370-371 – 6 décembre 2013 4949

FriLeuse

évaluation négativePour mettre en œuvre cette politique,

l’Union européenne a explicitement indiqué, dans une directive de 2009 relative aux règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, que 80 % des foyers européens devraient être équipés de systèmes de mesure intelli-gents d’ici 2020 (une directive similaire existe pour le gaz naturel, mais aucune échéance n’est fixée. La Belgique ne serait pas vraiment concernée pour le moment, car il serait extrêmement dif-ficile d’installer de tels compteurs pour le gaz). Cette demande a cependant été conditionnée à la réalisation d’une ana-lyse coût-bénéfice, qui devait montrer que les conditions étaient réunies pour un scénario full roll out, c’est-à-dire l’implantation généralisée des comp-teurs intelligents. Les États membres avaient jusqu’en septembre 2012 pour réaliser une évaluation.

En Belgique, les avantages tant vantés du compteur intelligent n’ont pas passé la rampe de l’analyse. « En Wallonie et à Bruxelles, les études, pilotées par les régulateurs régionaux, ont donné des résultats particulièrement négatifs », rapporte Christine Cobut, conseil-lère à la Creg, Commission fédérale de régulation de l’électricité et du gaz. « En Flandre, la première évaluation était positive, puis ils sont revenus en arrière et ont finalement décidé de ne pas se prononcer sur la faisabilité pour l’instant. » La Cwape, la Commission wallonne pour l’énergie, a estimé le coût d’un déploiement des compteurs intelligents chez les consommateurs wallons à 2,2 milliards d’euros. « Il serait principalement à charge des ges-tionnaires de réseau de distribution », analyse le régulateur, qui juge de plus très difficile d’estimer si l’introduction des compteurs intelligents conduirait réellement à une diminution durable de la consommation. Brugel, le régulateur bruxellois, est parvenu à des conclu-sions similaires : « La mise en œuvre

généralisée de ces compteurs engen-drera un coût pour le consommateur final disproportionné par rapport aux éventuels bénéfices attendus de la par-ticipation active des consommateurs au marché de la fourniture d’énergie. » Car si les gestionnaires de réseau de distribution sont en charge de l’équi-pement, rien ne dit que ce n’est pas le consommateur qui écopera de la facture finale. « Et ils risquent de devoir payer deux fois, estime Christine Cobut. Pour l’acquisition du compteur et pour son installation. »

une technologie peu matureÀ côté de la question du coût, d’autres

paramètres ont accentué la frilosité vis-à-vis d’un déploiement général

des compteurs intelligents. En pre-mier lieu, la question de la vie privée. « Un compteur intelligent va trans-mettre les données de consommation minute par minute. On pourra donc voir quand vous êtes chez vous, quand vous allez dormir, etc. Or, pour l’ins-tant, aucune législation n’existe pour protéger le consommateur », explique la conseillère de la Creg. Beaucoup de craintes existent également quant à un éventuel usage coercitif de cette technologie, les fournisseurs pouvant potentiellement contrôler à distance la puissance du compteur pour lutter contre les impayés. Elle pourrait donc fragiliser davantage le consommateur vulnérable et mettre en péril son droit à l’énergie. La Commission de la vie

Page 50: La F(r)acture ?

partie 3 _ le marché

en Savoir pluS

¡ Creg : rue de l’Industrie, 26-38 à 1040 Bruxelles - tél. : 02 289 76 11 - site : www.creg.be

¡ Cwape : route de Louvain-la-Neuve, 4 bte 12 à 5001 Namur - tél. : 081 33 08 10 - site : www.cwape.be

¡ Brugel, le régulateur bruxellois : avenue des Arts, 46 bte 14 à 1000 Bruxelles - tél. : 02 563 02 00 - site : www.brugel.be

web +

¡ Alter échos, n° 339 du 25.05.2012 : Minidossier « Compteurs intelligents pièges à consommateurs ? »

en Belgique, les avantages tant vantés du compteur intelligent n’ont pas passé la rampe de l’analyse.

www.alterechos.be50

privée recommande ainsi d’établir un cadre très clair concernant « les usages contraignants de nature administrative et judiciaire » de cette technologie et de bien en préciser les finalités.

Certains observateurs mettent éga-lement en doute l’affirmation selon laquelle un recours à la technolo-gie entraînerait automatiquement un changement des comportements chez le consommateur. « On part du principe que c’est efficace si un indi-vidu bien informé fait les meilleurs choix. Or l’humain ne fonctionne pas comme ça », soulignait déjà Grégoire Wallenborn, chercheur à l’Institut de gestion de l’environnement et d’aména-gement du territoire (IGEAT) de l’ULB dans un précédent entretien accordé à Alter Échos.

Autre problème : la technologie elle-même. Plusieurs composants tech-niques et informatiques des systèmes de comptage intelligent ne sont pas encore au point. « Pour l’instant, il existe dif-férents types de compteurs, via réseau GSM, ADSL ou électrique. La Belgique attend des normes plus précises et un

produit plus mature qui puissent lui assurer des perspectives à long terme avant de se lancer », précise Christine Cobut. Pour les gestionnaires de distri-bution wallons, il est d’autant plus per-tinent d’attendre, car la Wallonie, vu sa taille modeste, n’entend pas développer un modèle propriétaire de compteur. Contrairement à la France par exemple, où le principal gestionnaire du réseau de distribution électrique, ERDF, a développé le compteur Linky. Un man-dat européen devrait mieux définir ces standards techniques dans les mois à venir.

vers un déploiement segmentéDans le rapport qu’elle a remis à la

Commission européenne en 2012, la Belgique a donc indiqué que les condi-tions de mise en œuvre n’étaient pas réunies pour un déploiement massif de cette technologie dans notre pays. « On se dirige plutôt vers une approche segmentée, donc vers l’implantation de compteurs chez certains clients identifiés, explique Christine Cobut. C’est plus intéressant et cela coûtera moins cher. » L’analyse coût/bénéfice de la Cwape avait déjà conclu à l’inté-rêt d’une approche ciblée, basée sur une démarche volontariste. Elle coû-tait également nettement moins cher : 947 millions d’euros au lieu de 2,2 mil-liards. Les consommateurs visés sont les gros clients relevés mensuellement, les prosumers (les consommateurs qui sont aussi producteurs d’électricité via des panneaux solaires par exemple), les clients avec compteurs à budget, les réseaux « privés » (bâtiments publics, copropriétés, etc.), les clients des zones où il est plus difficile de relever les compteurs.

Les gestionnaires de réseau de dis-tribution belges testent actuellement la technologie à travers des projets pilotes pour évaluer les impacts techniques, organisationnels et financiers de son implantation en conditions réelles.

Pour eux, un délai de plusieurs années est encore nécessaire pour arriver à une maturité suffisante qui permettrait de prendre des décisions sur un déploie-ment complet des compteurs intelli-gents. En attendant, il s’agit d’acquérir progressivement un savoir-faire afin d’être prêt à évoluer rapidement si la réglementation devenait plus contrai-gnante ou que la décision de ne pas embrasser pleinement cette technologie ne devenait préjudiciable aux intérêts des régions et des consommateurs.

Au niveau européen, les positions entre les pays sont contrastées. La France a par exemple annoncé sa volonté d’équiper 35 millions de foyers de compteurs Linky à l’horizon 2020, tandis que la Lituanie et la République tchèque ont, à l’instar de la Belgique, remis un avis négatif. Dans la plupart des États membres, le compteur intel-ligent en est encore au stade de l’expé-rimentation. Le parc européen comp-terait à l’heure actuelle 40 millions de compteurs intelligents. Seules la Suède, l’Italie et la Finlande ont déjà adopté cette technologie à une large échelle. En Suède, c’est un habitat dispersé et des tournées trop chères qui ont motivé leur installation dans 99 % des foyers. L’Italie, elle, l’a fait pour lutter contre la fraude. ¡

Page 51: La F(r)acture ?

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Page 52: La F(r)acture ?

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