La compétence morale du peuple - Raymond Boudon

8/4/2019 La comptence morale du peuple - Raymond Boudon

1/32

Raymond BOUDON

LACOMPTENCE

MORALEDU PEUPLE

Noembre 2010


2/32

www.ondapol.org


3/32


4/32

LA COMPTENCE MORALEDU PEUPLE

Raymond BOUDON


5/32

La Fondation pour linnovation politique

est un think tank libral, progressiste et europen.

Prsident : Nicolas Bazire

Vice-prsident : Charles Beigbeder

Directeur gnral : Dominique Reyni

La prsente note est publie dans le cadre de la srie Valeurs .


6/32

5

Raymond BOUDONProfesseur mrite l'Universit de Paris-Sorbonne

INTRODUCTION

Lhstorenne Franose Mlono2 a eplqu dans une communcaton

sur La Dmocratie en Amrique et en France, donne lAcadme des

scences morales et poltques le 10 ma 2010, que lambton nscrte

dans ltymologe mme du mot dmocratie, donner le pouor au peuple,aat t tradtonnellement perue en France comme une doctrne ore

comme un dogme, plutt que comme un programme ou un object ra-

lste prendre au ped de la lettre. Faut-l partager ce sceptcsme ?

Je tentera de rpondre cette queston en mappuyant sur quelques

des-orces empruntes au scences socales classques et modernes, et

sur quelques donnes tres des enqutes socologques. Elles suggrent

que lde de la soueranet du peuple dot tre prse au sreu, dabordparce quelle senracne dans un prncpe moral solde, celu de la dgnt

humane ; ensute, parce quelle se concrtse dans le pouor darbtrage

dcs que la dmocrate reprsentate conre lopnon publque.

En contrepont, je me demandera pourquo le sceptcsme sur la

dmocrate reprsentate semble plus marqu en France que dans

les dmocrates osnes, comme en tmogne par eemple le at que

des notons comme celles de dmocrate dlbrate et plus encore de

LA COMPTENCE MORALEDU PEUPLE1

1. Version augmente dune communication prsente devant lAcadmie des sciences morales et politiquesle 27 septembre 2010.

2. Mlonio F. [2010], La Dmocratie en Amrique et en France, communication lAcadmie des sciencesmorales et politiques, 10 mai 2010, diuse sur le site de Canal-Acadmie.


7/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

6

dmocrate partcpate y sont aujourdhu plus aclement qualleurs

consdres comme dentant des ormes supreures de dmocrate.

LA DMOCRATIE REPRsE NTATIvERPOND UNE E xIgENCE UNIvERsELLE DE DIgNIT

La dignit humaine est une aspiration ondamentalede chaque individu selon Durkheim

Un smple rele de caractre anthropologque tmogne de lmpor-

tance du prncpe de la dgnt humane : l rle que ltre human a

eu de tout temps et dans toutes les socts le sens de sa dgnt et de ses

ntrts tau et qul a toujours eu la capact dapprcer dans quellemesure les nsttutons en gueur y rpondent. Emle Durkhem la dt

plus ortement que quconque la n du xixe scle :

Lnddualsme, a-t-l crt, la lbre pense ne datent n de nos jours,

n de 1789, n de la rorme, n de la scolastque, n de la chute du poly-

thsme grco-latn ou des thocrates orentales. Cest un phnomne

qu ne commence nulle part, mas qu se deloppe, sans sarrter, tout

le long de lhstore 3

.En dautres termes, ltre human a eu depus les orgnes et partout le

souc de sa dgnt et de ses ntrts tau ; en ce sens, l a toujours t

nddualste. En mme temps, cet nddualsme tat appel sappro-

ondr constamment sous leet de la lbre pense, saor de la capact

de jugement dont dspose ltre human.

Durkhem narme ben entendu nullement que ce souc de dgnt et

cette capact de jugement aent pu et pussent seprmer auss asment

toutes les poques et dans toutes les socts. Il arme seulement qulscaractrsent les tres humans de tous les temps et quls manestent

une tendance se concrtser au cours de lhstore. Mas quel mca-

nsme prsde cette tendance ?

Selon Weber, le principe de dignit humaine est loriginede la notion de citoyennet

Ma Weber, la seconde grande gure ondatrce de la socologe, a donnla rponse la plus proonde cette queston. Il propose de or lhs-

tore des des morales, socales, poltques, conomques et jurdques

3. Durkheim E. [1893], De la division du travail social. Paris, PUF, 1967.


8/32

Lacomptencem

oraledupeuple

7

comme ayant t anme de aon latente en Occdent par un processus

de rationalisation diffuse, lnstar des des scentques et technques4.

Ce processus se caractrse par le at que des des nouelles ont t plus

ou mons rgulrement mses sur le march et slectonnes plus ou

mons long terme par lopnon, ds lors que celle-c a eu lmpresson

quelles aaent pour eet de meu respecter la dgnt et les ntrts

tau de chacun. Ce processus a rencontr des crconstances partcul-

rement aorables dans le monde occdental mme sl sy est delopp,

non dans la srnt, mas dans le brut et la ureur.

Ce processus se maneste, en Occdent par eemple, au premer scle

de notre re, eplque Weber, lorsque lEptre aux Galates met sur le

march des des la noton de la ocaton de tous la ctoyennet, traers lanecdote5 o Paul rprmande Perre parce que, ayant u arrer

des Jus, ce derner aat cru deor scarter dun groupe de Gentls

aec lesquels l tat attabl. Ma Weber dclare qul aut or dans ce

passage de la prdcaton de Paul un psode captal de lhstore de lOc-

cdent. Il sonne lheure de la nassance de la ctoyennet en Occdent ,

arme-t-l. Ren de mons. Lanecdote est en eet porteuse de lde que,

quelles que soent leurs drences, tous les hommes doent pouormanester leur gale dgnt en sasseyant la mme table.

Chez Tocqueville, lavnement de la dmocratie correspond la reconnaissance de lgale dignit de tous

Les analyses de Durkhem et de Weber se retrouent dans des termes

drents chez Tocquelle. Il nhste pas mputer la mutaton des

socts arstocratques en socts dmocratques la Prodence, parcequl jugeat nluctable que la dgnt humane nsse par tre consente

tous. Cest sans doute sur la base de cette concton que le dput

qul ut sous la Monarche de Jullet dendt en prort deu dossers :

labolton de lesclaage dans les Antlles ranases et lntroducton du

surage unersel.

La noton mme de dgnt humane nest tombe dans le domane

publc quaec Kant. Aujourdhu encore, des phlosophes pontlleulu reprochent dtre foue. Elle lest eectement. Mas cela tradut le

4. Durchrationalisierung.5. Weber M. [1920], Gesammelte Austze zur Religionssoziologie, Tbingen, Mohr, 1986.


9/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

8

at que son contenu tat ou, pour parler comme Durkhem, sap-

proondr au cours du temps . Pour caractrser ces notons foues par

essence, mas sgncates et dtermnantes, les socologues parlent

olonters de notons programmatques.

En tout cas, la conergence de grands auteurs comme Tocquelle,Durkhem et Weber tmogne du rle moteur jou dans lnstallaton

des aleurs dmocratques par le sens dont dspose ltre human de sa

dgnt et de ses ntrts tau et par sa capact daluer les nsttu-

tons cette aune.

COMMENT LA DMOCRATIE INsTITUE LE PEUPLE EN

sOUvERAIN CLAIR : LE PRINCIPE DU sPECTATEUR IMPARTIAL

La notion de spectateur impartial permet de donnerune dfnition librale et positive de la dmocratie

Les contrbutons de Tocquelle, Durkhem et Weber la thore de la

dmocrate ont approond les apports des scences socales du temps des

Lumres. Celles-c ont en eet org des outls conceptuels essentels per-

mettant de comprendre que lde de donner le pouor au peuple, londtre utopque, repose sur des ondements soldes et par l deplquer

quelle se sot largement mpose. Lde que la dmocrate reprsentate

est le pre des rgmes, lecepton de tous les autres, a en eet n par

tre perue comme s dente que les rgmes despotques eu-mmes

tentent aujourdhu de se prsenter comme dles ses prncpes et se

croent oblgs de procder des lectons, qutte en truquer les rsul-

tats, ou nstaller des parlements, qutte les prer de tout pouor.Pourquo les penseurs poltques du temps des Lumres et leurs

successeurs oent-ls le prncpe ondamental de la soueranet du

peuple comme applcable en pratque dans un rgme de dmocrate

reprsentative?

On rdut quelqueos la thore lbrale de la dmocrate deloppe

par les penseurs des Lumres et par leurs successeurs la thse de

Montesqueu selon laquelle la dstrbuton des pouors ou des pus-

sances, comme l dsat lu-mme, ou la sparaton des pouors, commeon a prs lhabtude de dre aujourdhu, est un boucler contre le rsque

de despotsme. Toute ondamentale quelle sot, cette thse dnt la

dmocrate de aon ngate. Mas les scences socales du temps

des Lumres ont galement delopp une dnton poste de la


10/32

Lacomptencem

oraledupeuple

9

dmocrate reprsentate onde sur lde que le publc y dspose dun

pouor dcs darbtrage.

Je pense c partculrement la noton du spectateur mpartal

dAdam Smth. Elle est un outl ndspensable leplcaton dnnom-

brables phnomnes poltques et socau, comme je tentera de lemontrer par quelques eemples. Par alleurs, elle me parat ournr la cl

de la soldt de la dmocrate reprsentate.

Tmogne de sa orce ntrnsque le at quon repre de manre rcur-

rente, dans des dclnasons et sous des habllages ars, des qualents

de la noton de spectateur mpartal : chez Hume, Rousseau ou Kant

parm les classques, chez John Rawls, Mchael Walzer, Jrgen Habermas,

Sten Rngen et chez dautres encore parm les contemporans. Mas cestpeut-tre, mon sens, chez Adam Smth que sa pussance apparat le

plus nettement et le plus concrtement. On peut delopper la noton de

spectateur mpartal sous la orme dune thore smple : le spectateur

mpartal, cest le ctoyen quelconque dont on peut supposer que, sur telle

ou telle queston, l chappe ses passons et ses ntrts. Dune part,

sur ben des sujets mallant la e de la ct, le ctoyen quelconque est

eectement dans la poston du spectateur mpartal. Dautre part, ben

des sujets nmplquent pas la matrse de connassances partculres. Onpeut donc supposer que, s lon consulte le publc sur ces sujets, nombre

dnddus tendront donner une rponse nspre par le bon sens.

Sajoute largument que, dans une dmocrate reprsentate, le repr-

sentant est plac sous le regard de lopnon publque et menac par la

sancton dont elle dspose : lcarter du pouor la prochane lecton.

Lon en conclut que la dmocrate reprsentate est bonne, prem-

rement parce que les dcsons qu y sont prses ont des chances dtreaalses par le spectateur mpartal et deumement parce quelle rge

chaque ctoyen en source du drot. Bonne en rason des eets quelle a

des chances de produre, elle lest auss du pont de ue des prncpes

sur lesquels elle repose. Pour parler comme Ma Weber, elle est bonne

la os du pont de ue de la rationalit instrumentale et de celu de la

rationalit axiologique.

Reste prcser la nature du bon sens qu nspre le spectateur mpar-

tal. Sur quelle base juge-t-l une dcson ou une nsttuton bonne oumauase dans les cas o par hypothse l nest pas anm par ses passons

et ses ntrts et o l est susamment arm pour se orger une opnon ?

Rponse : sa concton smpose lu parce quelle lu apparat comme

onde sur un systme de rasons conancantes.


11/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

10

En un mot, la noton de spectateur mpartal mplque que, dans une

dmocrate reprsentate, le pouor appartent ben au peuple, pusque

lopnon publque y joue sur le moyen et le long terme un rle crucal

dans la slecton des des, des mesures ou des nsttutons nouelles qu

lu sont proposes et que sur ben des sujets elle a la capact de are

preue de bon sens.

La mdiation lectorale, instrument de slectiondes programmes politiques

Il aut ajouter que le spectateur mpartal est ben un spectateur et non un

acteur, au sens o ce nest pas lu qu cre les argumentares en aeur de

telle de ou de telle dcson poltque. Mas l peut arbtrer les des pro-

poses par les acteurs poltques et notamment par les parts poltques.

Aujourdhu, lnsttuton du part poltque est consdre comme

allant de so. Pour sasr qul nen a pas toujours t ans, on peut se

reporter la condamnaton prononce par Rousseau lencontre des

actons ou ltonnement ascn que Hume proue lendrot de ce

qul dsgne auss, de aon ngate, comme des actons6 : les actons,

dt-l, reposent sur lntrt, sur un prncpe ou sur laecton. Mas seulela premre catgore lu parat ntellgble. On comprend que les ntrts

de la noblesse et du peuple ne soent pas les mmes. Mas les actons

ondes sur la drence des prncpes [] ne sont pas de ort ancenne

date. Cest peut-tre l le phnomne le plus snguler et le plus nepl-

cable qu se sot jamas prsent au obserateurs du genre human .

Ce tete rle que, en dpt de son gne, Hume nentreot en aucune

aon la oncton des parts qu snstalle de son temps et qu eplque

la gnralsaton du phnomne dans le monde dmocratque : laborer

et mettre sur le march des des des programmes dacton poltque

ous tre conronts dans lencente du Parlement et sous le regard

des acteurs de la soct cle et du spectateur mpartal. Car la onc-

ton du reprsentant est ben celle-l : orr ou dendre un programme

dacton se prsentant comme ayant lambton de serr meu lntrt

gnral que celu des parts concurrents. S cette oncton prmordale

de la mdaton lectorale tat meu comprse, on ne dscuterat mmepas, comme on le at encore aujourdhu en France, de la lgtmt du

6. Hume D. [1741], Essais politiques, Paris, Vrin, 1972.


12/32

Lacomptencem

oraledupeuple

11

7. Schumpeter J. [1942], Capitalisme, socialisme et dmocratie, Paris, Payot, 1990.

cumul des mandats : le reprsentant ne peut urer en ayant smultan-

ment en tte lntrt de ses admnstrs et lntrt gnral.

Il aut ajouter que les parlementares pusent eu-mmes leurs des

dans la soct cle : quls laborent leurs des en matre jurdque

par eemple sous le regard des acteurs du monde jurdque. Lestence

dun march des des act et concurrentel est donc une condton

majeure de la bonne qualt de la e dmocratque. Pour passer du lan-

gage conomque au langage poltque, les bonnes des ont daantage

de chances de se dgager ds lors que la sparaton, non seulement des

tros pouors oqus par Montesqueu, les pouors ecut, lgslat

et judcare, mas de tous les pouors est ben relle : le pouor socal

que Tocquelle oque longueur de page dans sa seconde Dmocratieen Amrique, le pouor bureaucratque dont Ma Weber a analys les

rouages, mas auss les pouors conomque, consultat, ntellectuel,

mdatque et autres. Ds lors que les dtenteurs de ces ders pouors

joussent dune relle capact dmettre lbrement leurs propostons et

dtre entendus, la o du spectateur mpartal se at plus orte.

Les deu thmes majeurs de la thore poltque de Montesqueu et

dAdam Smth se conortent donc pussamment lun lautre. La o duspectateur mpartal cher Smth est plus audble dans une dmocrate

respectueuse de la sparaton des pouors chre Montesqueu.

Reste que le grand conomste, socologue et homme dEtat autr-

chen Joseph Schumpeter a oppos une objecton sreuse la thore

lbrale de la dmocrate deloppe par les phlosophes des Lumres

et par leurs successeurs7. Je leamnera dans un nstant, mas prre

lnoncer ds mantenant. Il oyat les socts comme deant are ace

des questons de plus en plus complees et redoutat une ncomptencecrossante du ctoyen ds lors quune queston slogne daantage de son

eprence mmdate. Lobjecton est certes onde. Mas, s on deat

lu donner plus de porte quelle ne mrte, on derat renoncer epl-

quer les nnombrables phnomnes de consensus qu se sont delopps

au cours du temps sur ben des sujets dans les socts dmocratques,

ans que ben des phnomnes tendancels dont lhstore des nsttu-

tons et des comportements en matre morale, poltque et socale nousore dnnombrables llustratons, dont lnstallaton du modle de la


13/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

12

dmocrate reprsentate, la substtuton de la noton de part poltque

la noton pjorate de acton et ben dautres.

Lexemple du mineur et du soldat chez Adam Smith,illustration du bon en de lopinion publique

Un eemple tr dAdam Smth lu-mme a laantage dllustrer de aon

parlante lntrt de sa thore du spectateur mpartal8.

Dans sa Richesse des nations, A. Smth se demande pourquo on

obsere de son temps un consensus ndnable sur certans sujets de

caractre moral. Pourquo, pour prendre un eemple trs concret, les

Anglas de la n du xviiie scle consdrent-ls comme une dence que

les mneurs doent tre daantage pays que les soldats ?

Rponse dAdam Smth : la plupart des Anglas, ntant n mneurs

n soldats, ne sont pas drectement concerns par le sujet. Ils sont donc

dans la poston du spectateur mpartal. La queston ne suppose pas

dautre part de comptence spcale. Leur sentment est donc ond sur

le bon sens, c'est--dre sur un systme de rasons qu, parce quelles sont

aldes, tendent tre partages. Ce systme de rasons est le suant :

tout salare est la rmunraton dun serce rendu. A serce qualent,les salares doent tre qualents. Dans la composton de la aleur

dun serce rentrent ders lments : notamment la dure dappren-

tssage qul mplque et les rsques auquels l epose celu qu le rend.

Dans le cas du mneur et du soldat, les dures dapprentssage sont com-

parables et, dans les deu cas, lnddu encourt de sreu rsques pour

sa e. Mas, s elles se ressemblent par ces trats, les deu actts en

queston se dstnguent par dautres. Le soldat garantt lndpendance

natonale, tands que le mneur eerce une actt de producton de

bens matrels quon peut auss mporter. En outre, la mort du mneur

est perue comme un accdent et celle du soldat comme un sacrce.

Cest pourquo seul le derner est hablt receor la glore et les sym-

boles de reconnassance qu sont dus celu qu met sa e en jeu pour le

bnce de la collectt.

Ne pouant receor les mmes marques symbolques de reconnas-

sance et accomplssant un traal auss pnble, auss rsqu et dunneau de qualcaton comparable, le mneur dot donc receor en

8. Smith A. [1793], An inquiry into the nature and causes o the wealth o nations, 7th ed., Londres, Strahan &Cadell, 1976, Ch 10.


14/32

Lacomptencem

oraledupeuple

13

espces sonnantes les rcompenses qul ne peut receor en glore. Cela

eplque le ort consensus des Anglas de la n du xviiie scle sur lde

que le mneur dot tre meu pay que le soldat.

Cest auss sous leet de rasons ortes que lecuteur publc,

eplque Adam Smth, dot receor un bon salare : sa qualcaton estmnme et l est Deu merc ! ortement sous-employ, mas l eerce

le plus rpugnant de tous les mters .

Incdemment, Adam Smth montre auss traers ces eemples qul

ny a pas que des opnons subjectes, comme on le crot trop aclement

en notre temps ptr de relatsme. Sur certans sujets, une opnon peut

tre objectement meu onde quune autre et pour cette rason aor

daantage de chances de rencontrer le consensus.

Le principe du spectateur impartial se retrouvechez dautres thoriciens de la dmocratie

Pluseurs auteurs classques et modernes ont delopp de leur ct, je

la dt, chacun aec ses mots lu, des des analogues celles dAdam

Smth. Je me bornera oquer sur ce pont deu autres grands noms.

Celu de Rousseau dabord. Sa thse selon laquelle la volont gnraleest toujours drote ne dt pas autre chose que la noton du spectateur

mpartal : elle postule en eet que, sur les sujets qu ne mettent pas en

jeu les passons et les ntrts dun nddu, celu-c a tendance juger

une nsttuton, une mesure ou un tat de choses comme bon ou mau-

as sl y a des rasons aldes den juger ans.

Cela dt, dans la pratque, les passons et les ntrts des uns et des

autres nterrent aec leur bon sens, de sorte que la olont eprme

par les ctoyens en char et en os, la volont de tous, peut scarter de la

olont gnrale, deu notons que Rousseau dstngue sogneusement.

La cton du voile de lignorance deloppe par lAmrcan John

Rawls9, le thorcen de la poltque sans doute le plus mportant de la

seconde mot du xxe scle, dcalque, elle auss, peu prs lttrale-

ment la noton du spectateur mpartal. En eet, elle met en scne un

ctoyen suppos gnorant de ses passons et de ses ntrts qu l est

demand dapprcer les nsttutons de la ct, ce qu permet de juger deleur aldt.

9. Rawls J. [1971], A Theory o justice, Cambridge, Harvard University Press. Thorie de la justice, Paris, Seuil,1987.


15/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

14

LA ThORIE DU sPECTATEUR IMPARTIAL LPREUvE DEs PhNOMNEs CONTEMPORAINs

Le spectateur impartial comme mtre-talonLe modle du spectateur mpartal est-l ralste ? On peut asseor la

rponse poste cette queston sur une preue par labsurde. En eet,

sl deat tre tenu pour purement spculat, l audrat en conclure que

la dmocrate reprsentate est dpourue de ondement solde et lon

comprendrat mal sa duson et son succs. On derat en outre renoncer

eplquer les nnombrables phnomnes de consensus qu se sont

delopps au cours du temps sur ben des sujets dans les socts dmo-cratques, ans que les phnomnes tendancels quon y obsere en matre

morale, poltque et socale comme : la multplcaton des drots-lberts,

les egences crossantes de notre sensblt morale, la scularsaton des

croyances relgeuses, lnstallaton du culte des drots de lhomme ou la

ratonalsaton de la morale, qu tend rger en tabou tout nterdt ond

sur la seule tradton10. Je ne peu mtendre sur ce pont c, mas tous les

grands noms de la socologe, qul sagsse de Tocquelle, de Durkhem

ou de Ma Weber, ont en commun daor montr que ces phnomnessont ncomprhensbles s lon at abstracton du rle jou par lacteur

poltque anonyme quest lopnon publque.

Mas des donnes plus concrtes et proches de nous peuent tre o-

ques pour la dense du modle du spectateur mpartal.

Le cas Polanski

Dnnombrables eemples rlent en eet que le modle du specta-

teur mpartal est ndspensable pour dchrer auss ben les ractons

spontanes du publc des ats ders que ses opnons sur les sujets

poltques les plus ars, telles quelles seprment notamment traers

ses rponses au enqutes par sondage. Je me contentera de tros eem-

ples entre ben dautres possbles pour llustrer ce pont.

Le premer a trat au ractons du publc ace un at ders. Nagure,

un cnaste clbre a t apprhend par la polce heltque parce qulaat rpondre dun crme ancen deant la justce amrcane. Pluseurs

10. Jai dvelopp ce thme in La sociologie comme science, Paris, La Dcouverte, Collection Repres, 2010.


16/32

Lacomptencem

oraledupeuple

15

artstes et poltques ranas protestrent alors goureusement contre

cette arrestaton, arguant que le crme remontat pluseurs dcennes,

quon narrte pas un artste de notort nternatonale et que la ctme

aat retr sa plante. Dans un entreten retransms par une chane de

rado natonale11 sute la dcson des autorts heltques de placer lecnaste en rsdence surelle, le plus mdatque des ntellectuels ran-

as dclarat que larrestaton du cnaste reprsentat un scandale

moral (sc).

Comme le rlent les enqutes, lopnon a ortement dsapprou

cet argumentare. Car, par contraste aec les reprsentants des mleu

culturels, le ctoyen quelconque se trouat dans la poston du specta-

teur mpartal : l ntat pas personnellement concern. Or les rasonsmses en aant par les partsans du cnaste lu parurent ndendables,

car l tat acle de leur opposer des rasons ldence plus ortes : ce

nest pas parce quon est clbre quon na pas rpondre dun crime ;

ni la Suisse ni les Etats-Unis ne sont des Etats policiers ; la plainte avait

certes t retire par la victime, mais cela nefface pas un crime ; le crime

tait ancien : certes, mais cest le pays o un crime a t commis qui juge

des conditions de sa prescription.

Je ne mntresse demment en aucune aon c trancher sur leond entre les deu ponts de ue auquels a donn nassance cette

aare complque, ertle en rebondssements et non dpourue de

zones dombre, mas seulement soulgner le contraste entre le pont de

ue partcularste des mleu culturels et le pont de ue unersalste de

lopnon publque.

Cet psode me parat non seulement ben llustrer le modle du spec-

tateur mpartal, mas souleer ncdemment une dlcate queston desocologe comparate : s lon en crot la presse trangre, les mleu

culturels et poltques nont pas du tout rag de la mme aon dans les

dmocrates osnes. Or la natonalt ranase du cnaste ne sut pas

rendre compte de cette drence. Il aut y or plutt, me semble-t-l,

lndce dun eet ndrect de la centralsaton ranase, saor quelle

aorse la ormaton dune mnce lte poltco-mdatco-culturelle, tra-

erse par des phnomnes de connence, qu ne me semble pas aor de

strct qualent dans les dmocrates osnes. Pourquo ? Je reendrasur cette queston dans un nstant.

11. France-Inter, 28 novembre 2009.


17/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

16

Le procs du sang contamin

Mon deume eemple est plus ancen, mas l ournt une autre llus-

traton parlante du modle du spectateur mpartal. De surcrot, l a

lntrt de prsenter un cas o l est possble de dceler derrre les op-nons la prsence du spectateur mpartal, mas auss celle, plus dscrte,

de lacteur partal.

Au dbut de lanne 1999, sest droul en France un procs trs

controers, le procs dt du sang contamn , au cours duquel a t

eamne la responsablt pnale de tros mnstres socalstes. Ils taent

souponns de ne pas aor nterdt temps lutlsaton, des ns de

transuson, de pochettes de sang contamn. Leur procs sest droul

deant la Cour de justce de la Rpublque, un trbunal spcal ayant

connatre des dlts comms par les gouernants dans leercce de leurs

onctons. Ce trbunal est compos de magstrats proessonnels et de

parlementares ; l nadmet pas les partes cles au dbats. En loccur-

rence, les ctmes du sang contamn ny eurent pas accs.

Un sondage condut lpoque du procs, aant le prononc du

erdct, rle que, toutes catgores de sympathes poltques conon-

dues, une majort sgncate de rpondants dclarrent ne pas aorconance dans le jugement de la Cour de Justce de la Rpublque.

Probablement parce que le spectateur mpartal nadmet pas lde que

les partes cles soent absentes ou que des poltques soent quals

pour juger des poltques. Il a sans doute eu lmpresson que le procs

olat, snon la lettre de la lo, du mons certans des prncpes onda-

mentau du drot, de la justce ou de la morale, pusqul soustrayat les

gouernants au drot commun. Pourquo les poltques deraent-ls tre

plus aclement eonrs de leurs entuels manquements au deors

de leur charge que les mdecns ou les ches dentreprse ? Mas les ra-

sons du spectateur mpartal se sont troues par alleurs partellement

aectes par les prsomptons de lacteur partal qu habtaent auss

les rpondants. En eet, le jugement de dance lgard de la Cour de

justce de la Rpublque est apparu comme majortare dans toutes les

catgores de sympathes poltques, mas comme sensblement mons

rquent chez les sympathsants socalstes, sensblement plus rquentschez les sympathsants du Front natonal et de neau ntermdare chez

les gaullstes du RPR et les centrstes de lUDF. En rason de consd-

ratons partsanes, les sympathsants socalstes tendrent en dautres

termes tre plus ndulgents que les lecteurs de drote. Symtrquement,


18/32

Lacomptencem

oraledupeuple

17

la srt des sympathsants des parts de drote leur a t dcte pour

parte, elle auss, par des consdratons partsanes.

On saat en eet, ds lpoque o le sondage a t eectu, que le

procureur gnral aat lntenton de requrr lacquttement et que les

mnstres aaent toutes chances dtre trats aec clmence, ore blan-

chs. Sous lacton dun eet ddentcaton partsane, cette ssue probable

a contrbu rendre les sympathsants socalstes mons sres lgard

de la Cour et, symtrquement, les partsans du Front natonal (FN) plus

sres. On na gure conance en lobjectt de la Cour, mas on hste

daantage eprmer ses doutes lorsque les mnstres ncrmns appar-

tennent la sensblt poltque laquelle on appartent so-mme. Sous

lacton dun eet de mme type, mas de sgne oppos, les sympathsants

du Front natonal sont apparus comme partculrement sres lgard

de la Cour : elle se prparat acqutter des mnstres appartenant un

part trs logn du FN sur lchquer poltque.Mas lensegnement le plus mportant du sondage est que les rpon-

dants se sont lasss guder ben daantage par le spectateur mpartal

que par lacteur partal qu tat auss en eu, ans que le rle le tableau

c-dessous : sau chez les sympathsants PS, o une trs orte mnort

proclame tout de mme sa dance lgard de la Cour, chez tous les

autres, la dance apparat comme trs largement majortare.

Equit et galit dans lopinion ranaise

Mon trosme eemple, relat celu-c au sentments collects ells

par les ngalts socales, llustre ben lu auss, je cros, lntrt du

modle du spectateur mpartal.

Faite-ou coniance la Cour de utice de la Rpublique compoe dlu et de autmaitrat pour uer quitablement le troi ancien minitre, L. Fabiu, g. Duoi et E. her.

A : coniance ou plutt coniance ; B : pas coniance ou plutt pas coniance ; C : ne se prononce pas

Enemblesympatiant

PC Ps Ecolo. UDF-DL RPR FN Aucun

A 38 45 53 37 34 37 12 30

B 57 55 44 63 63 62 88 58

C 5 - 3 - 3 1 - 12

Tableau 1 : La conance dan la Cour de utice de la Rpublique(source : sondage BVA, 18 vrier 1999)


19/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

18

Un ponc aor des commentateurs et des poltques eut que le publc

ranas sot dor par la passon de lgalt. Or, lorsquon consulte les

enqutes sur ce sujet, on constate que, lon de are preue dun rrpres-

sble galtarsme, le publc ranas ne conond pas daantage que ses

osns lgalt et lqut. Il ne consdre au contrare comme nquta-bles que certans types ben partculers dngalts. Et l ressort de ces

enqutes que les sentments de justce ou dnjustce qul proue ace

telle ou telle orme dngalts lu sont nsprs par des rasons ayant de

bonnes chances dtre aalses par le spectateur mpartal12.

Ans, le publc ranas ne perot pas comme njustes les ngalts

qu reftent des drences de mrte. Les enqutes ne sgnalent pas non

plus que les gans astronomques de la da, du joueur de ootball ou durocker ayant accd une glore de neau plantare ellent un sent-

ment dnjustce dans le publc. Leurs gans lu parassent etraagants

plutt qunjustes, probablement parce qul ne perot pas comme njustes

les ngalts qu rsultent en derner ressort du lbre cho des nddus.

Le publc ne consdre pas non plus comme njustes les ngalts cor-

respondant des mrtes ncommensurables : on peut comparer celles du

soldat et du mneur, mons aclement celles du boutquer et de lhusser

de justce par eemple.Le publc ne consdre pas non plus comme njustes les ngalts dont

on ne peut dtermner jusqu quel pont elles sont justes. Or la ds-

trbuton globale des reenus par eemple mle des ngalts dorgnes

derses en des proportons nconnues. Cest pourquo les ngalts glo-

bales sont objet de dnoncatons rcurrentes plutt de la part des groupes

dnfuence ntellectuels, mdatques et poltques que de la part du

publc, sau lorsquelles sont trop crantes, comme cela semble tre le casaujourdhu, pour pouor tre tenues de aon plausble pour justes.

Le publc perot en reanche comme njustes toutes les ngalts en

lesquelles l ot des prlges, comme les parachutes dors octroys

des responsables qu ont men leur entreprse au bord du goure, les

prlges en matre de retrate de certanes catgores socales ou les

gteres pettes et mons pettes que saccordent certans responsables,

sans que la contreparte du pont de ue de lntrt gnral en sot ac-

lement dentable.

12. Fors M. & Parodi M. [2004], La priorit du juste. Elments pour une sociologie des choix moraux, Paris, PUF.Fors M. & Parodi M. [2010], Une thorie empirique de la justice sociale, Paris, Hermann.


20/32

Lacomptencem

oraledupeuple

19

Le ponc selon lequel la justce socale se conondrat dans lesprt

du publc aec lgaltarsme et serat un trat domnant des socts

modernes et partculrement de la soct ranase ne correspond donc

en aucune aon la ralt : l sagt en loccurrence dun rtable

mythe. Mas dun mythe qu eerce une nfuence proonde sur la epoltque ranase.

Un seul eemple pour tayer ce derner pont. Comment eplquer que

la France sot la seule dmocrate conserer un mpt quun conomste

de renom a qual dmbcle, lmpt sur la ortune ? Comment epl-

quer quun gouernement at cru deor en neutralser les eets perers

en construsant, comme on dt, une usne gaz, celle du boucler scal,

laquelle deat surtout orr lopposton une objecton de aortsme lgard des rches ndnment reprse en boucle ? On peut eplquer

cette prudence contre-producte des drgeants poltques ranas par

le at quls nont pas comprs et ne parassent toujours pas aor com-

prs que le toll qu aat accompagn la suppresson dudt mpt sous

un gouernement prcdent ne rsultat pas dun prtendu galtarsme

des Franas. Il tradusat ben daantage la racton de certans groupes

dnfuence mdatques, ntellectuels et poltques quune egence du

spectateur mpartal. Lopnon publque aurat en eet sans doute acle-ment adms qul est absurde de conserer un mpt dont la oncton est

ldence plus dologque et symbolque quconomque.

Ce cas a lntrt de retrouer une queston socologque essentelle

que ja dj soulee et que je reprendra dans un nstant, celle de saor

pourquo les mleu poltques ranas conondent s aclement lop-

non des groupes dnfuence aec lopnon publque et pourquo ls

accordent daantage dattenton au premers.

LA RgLE MAjORITAIRE NE CONsTITUE PAs UNE MENAC E

En dmocratie, volont de tous et volont gnrale fnissent par concider

Auparaant, je reendra sur lobjecton de Schumpeter selon laquelle la

thore du spectateur mpartal produrat une son trop optmste de

la e dmocratque. Car l este ben sr des cas o la olont gnraleet la olont de tous ne concdent pas : o l est peu rasemblable

en dautres termes, que lopnon sot en majort le at de spectateurs

mpartau. Je recourra de noueau quelques eemples pour llustrer

cet autre pont.


21/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

20

Mon premer eemple concerne la clbre lo des trente-cnq heures.

Les premers sondages se sont rls aorables la lo parce quune

majort de gens y oyat des aantages mmdats. Ils se trouaent donc

dans la poston, non du spectateur mpartal, mas de lacteur partal.

Ils nterprtrent la lo sur les trente-cnq heures comme leur permet-tant de traaller mons tout en gagnant autant. La plupart des salars

nallrent pas au-del, car une atttude plus dstance supposat une

comptence quls naaent pas. On a c une parate llustraton de

leet Schumpeter. Mas aprs un temps, les sondages ndqurent que le

publc perceat clarement les nconnents de la lo.

Mon second eemple est tr des rponses recuelles par une grande

enqute nternatonale sur une queston de poltque conomque. Ellemontre que, l y a mons dune ngtane dannes encore, ben des gens

croyaent que labassement de lge de la retrate consttue une mesure

ecace de lutte contre le chmage. Interrogs sur la queston de saor

s Quand lemplo est rare, les gens deraent tre orcs prendre

leur retrate tt ? , 50 % des Franas se dclarrent lpoque dac-

cord13. Leur rponse leur aat t dcte par lde que, s lon eclut

certans cones du gteau de lemplo, de noueau cones peuent

tre sers. Ils ne rent pas que la talle dudt gteau nest pas e et que,en rason de leurs drences de comptence, les nddus ne sont pas

nterchangeables. Leur rponse leur tat donc nspre par des rasons

douteuses : une autre llustraton de leet Schumpeter.

Mas la mme enqute t apparatre que la matrse de la complet

des mcansmes conomques par le publc tat trs arable selon les

pays. 50 % des Franas et des Allemands se dclarrent daccord pour

lutter contre le chmage en aanant lge de la retrate, contre 16 %seulement des Amrcans et 9 % des Sudos. On obsera auss que

les mauases rponses taent, dans tous les pays, dautant mons r-

quentes que le neau dnstructon des rpondants tat plus le. Do

lon conclut que, mme lorsquun sujet est complee, les eets redouts

par Schumpeter deraent tendre sattnuer grce llaton gnrale

du neau dnstructon, la pdagoge du dbat publc, au delop-

pement des technques dnormaton et de communcaton, et, last but

not least, une amloraton des ensegnements relats au phnomnesconomques et socau.

13. R. Inglehart et al., Human Values and Belies, Ann Arbor, U. o Michigan Press, 1998.


22/32

Lacomptencem

oraledupeuple

21

Bre, la olont de tous peut certes slogner de la olont gnrale,

mas ces ders acteurs tendent sans doute rendre leet Schumpeter

mons redoutable aujourdhu que de son temps.

La vie politique est davantage menace par la tyrannie des minoritsque par la tyrannie de la majorit

Je reens mantenant la queston socologque crucale que soulent

pluseurs des eemples que ja oqus : pourquo le monde poltque

ranas parat-l souent plus attent au opnons et au desderata des

groupes dnfuence qu lopnon publque ? Cette obseraton condut

reamner la clbre thse tocquellenne de la tyranne de la majo-rt. Elle est couramment reprse aujourdhu, en des termes noueau.

Ans, un dtoralste en ue a proclam nagure que la dmocrate

moderne tendat rer la doxocratie, oulant dre par l que la e

poltque ranase lu semble dsormas corrompue en proondeur par

lnfuence des sondages.

Il aut rappeler par parenthse ce propos que les dmocrates

modernes se sont proccupes ds les dbuts de prendre en compte les

tats de lopnon dans les nteralles entre les lectons. Ce souc est lorgne des otes de palle - des straw votes - ms en place au xixe scle

par les parts poltques amrcans. Ils ont t relays au xxe par les son-

dages, qu ont t mplants en France ds 1938 par Jean Sttzel, et lon

sat lmportance quls ont prse dans les dmocrates contemporanes.

Certes, les sondages ont souent mauase presse. Mas celle-c nest

leet n dun daut de aldt des sondages n de lnfuence prten-

dument pernceuse quls eerceraent sur la e dmocratque. Elle esten ralt le at des utlsateurs ben daantage que des producteurs de

sondages et proent surtout de ce que le neau de mdatsaton des son-

dages dpend de leurs rsultats. Do lmpresson quls recourent une

tentate de manpulaton de lopnon par le monde poltco-mdatque.

Ce qu menace les dmocrates et la dmocrate ranase plus que

dautres, cest en at la tyranne des mnorts plutt que la tyranne

de la majort. Pourquo ? Les scences socales me semblent, c encore,

aor propos une rponse solde cette queston.Les socologues ont toujours t attents lestence des groupes

dnfuence, mas, lon dy or une menace, ls leur ont surtout attrbu

un rle post. Comme on sat, Tocquelle oyat dans les assocatons

un correct la menace de tyranne de la majort. Elles reprsentaent


23/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

22

pour lu un qualent dans les socts dmocratques des corps nter-

mdares des socts arstocratques. Durkhem estmat, lu, que, en

rason du caractre contradctore de leurs ntrts, les groupes dn-

fuence sont condamns au comproms. Il en tra la concluson que le

monde des groupes dntrt mrtat dtre reprsent en tant que tel etoqua la craton dorganes reprsentats des ntrts corporatstes qu

endraent contrebalancer la reprsentaton parlementare. Ces des

eercrent une grande nfuence en Europe au dbut du xxe scle et elles

ont leur part de responsablt dans la craton c ou l dnsttutons

reprsentates du monde des groupes dntrt. Le Consel conomque

et socal ranas est par eemple une lontane manaton de cette de.

Plus gnralement : on consdre bon drot comme allant de so quele poltque doe tenr compte des ntrts et des des des groupes dn-

fuence. La thore poltque contemporane a mme adopt ce propos

une catgore nouelle : celle de la dmocrate dlbrate. Mas pas

daantage que la dmocrate partcpate, la dmocrate dlbrate ne

saurat mon sens tre sreusement tenue pour une orme supreure

de dmocrate. Lune et lautre peuent au meu prtendre amlorer la

dmocrate reprsentate la marge.

Roberto Mchels, un le de Ma Weber, a at are un grand pas la thore de la dmocrate lorsqul a justement attr lattenton sur le

rle ngat que les groupes dnfuence peuent jouer dans les dmocra-

tes, ct de leur rle post. Il a bapts loi dairain de loligarchie la

tendance des gouernements des natons dmocratques sure lop-

non des groupes dnfuence plutt que lopnon publque et conrm

lestence de ce phnomne par un ensemble dobseratons empruntes

surtout au scnes allemande et talenne dans les premres dcennesdu xxe scle. Mas l na pas russ eplquer de aon rtablement

satsasante les rasons dtre de sa loi dairain de loligarchie.

Cest un grand conomste et socologue amrcan de notre temps,

Mancur Olson, qul reenat ddenter le mcansme ondamental qu

en est responsable. Il a dmontr que, lorsquun pett groupe organs

cherche mposer ses ntrts ou ses des un grand groupe non orga-

ns, l a de bonnes chances dy parenr. En eet, les membres du grand

groupe, tant non organss, ont alors tendance esprer qul se troueraben des nddus pour organser la rsstance au pett groupe organs,

et assumer les cots que cela comporte. Chacun espre, en dautres

termes, pouor trer bnce dune acton collecte qul appelle de ses

u, mas rpugne en assumer les cots. Comme chacun tend se


24/32

Lacomptencem

oraledupeuple

23

tenr le mme rasonnement, l arrera ben souent que personne ne

enne nalement sopposer au pett groupe organs et que par sute,

les ntrts et les des du grand groupe non organs quest le publc ne

soent pas dendus. Il en rsulte un eet que Olson a plasamment qua-

l deffet dexploitation du gros par le petitet quon peut dnommer

smplement effet Olson, en hommage la mmore de son nenteur.

La socologe populare a en at repr depus longtemps, snon les

rouages, du mons lestence de ce mcansme socologque et cr une

noton mage pour le dsgner : celle de la majorit silencieuse. Ce

mcansme eplque que ben des gouernements se montrent sensbles

au egences des groupes dnfuence et mposent dans ben des cas au

publc des ues que celu-c ne partage pas. Il eplque la loi dairain deloligarchie qu rappe les dmocrates, l eplque en dautres termes le

pouor des lobbes dans la e dmocratque. Sans doute les des et

les ntrts de ces groupes peuent-ls, selon les cas et les conjonctures,

conerger aec lntrt gnral. Mas ls peuent auss en derger. Or

la loi dairain de loligarchie tend conrer ndstnctement tous les

lobbes un pouor toujours dsponble.

Les minorits actives prennent une place plus importantedans un rgime centralis o lexcuti est dominant

Mas ce qul mporte surtout de releer ds lors que lon se souce de

comparer la dmocrate ranase ses osnes, cest que le mcansme

en queston se troue dot dun ormdable surcrot de pussance dans

un pays centrals, o lecut jout dun pouor domnant. Car, dans

ce type de conguraton, la e poltque tend tre surtout ponctue par

un ace--ace entre lecut et les groupes dnfuence. Leffet Olson

permet ans deplquer une autre thse clbre de Tocquelle, rrcu-

sable celle-l : un pouor dmocratque concentr est ort en apparence,

mas ncessarement able en ralt. A quo lon peut ajouter a contraro

quun pouor concentr ne peut tre ort qu condton de ne pas tre

dmocratque, comme parassent laor ben comprs, entre autres, les

drgeants de la Chne contemporane et dautres rgmes autortaresde notre temps. Les succs de la Chne ont quen Arque et peut-tre

alleurs deman, sarmera lde qul este un modle dorgansaton

poltque alternat de celu de la dmocrate reprsentate et plus e-

cace : une rason de plus pour rester les mrtes de cette dernre.


25/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

24

En rason de la concentraton du pouor poltque qu la caractrseet qu rsulte de son hstore, la France est donc plus epose que lesdmocrates osnes leffet Olson. Rcproquement, cet eet est dansune certane mesure neutrals lorsque le pouor poltque est daantage

partag, notamment entre lecut et le lgslat. En dautres termes, lasparaton des pouors ample le rle du spectateur mpartal et tendans redonner du pouor au peuple. Une os de plus, Montesqueu etAdam Smth se tendent la man.

Lmportance prse en France par le mcansme dent par Olsoneplque toutes sortes de ats. Elle eplque par eemple le caractresacro-sant de la noton de dialogue social, lune de ces notons dont lesocologue obsere aclement que sa traducton lttrale dans des lan-gues osnes, en anglas ou en allemand par eemple, ne dt peu prsren un anglophone ou un germanophone. Elle eplque les nsu-sances proondes de certanes poltques publques ranases, commeles poltques dducaton. Elles sont dues ce que ces poltques ontt labores depus de longues dcennes partr de comproms passsentre le pouor poltque et ders groupes dnfuence, des syndcatsdensegnants ou dtudants au eperts en scences de lducaton. Or

ces groupes dnfuence comportent une orte proporton dacteurs par-tau. La mme analyse pourrat, je cros, tre condute propos de bendautres aspects de la e poltque ranase.

Lecepton ranase dupouvoir de la rue, une autre epresson dontla traducton lttrale en anglas ou en allemand est dpourue de sgn-caton pour un anglophone ou un germanophone, seplque auss parla rason que la structure du pouor poltque est daantage domnepar le couple orm par lecut et les ders groupes dnfuence chez

nous que chez nos osns.Le mcansme dent par Olson rend galement compte de don-

nes releant de ldologe, comme le at que le marsme at eercen France une nfuence plus durable qualleurs, et gnralement que depussants lobbes y soent capables de dnr le poltquement correct.Toutes ces donnes seplquent parce que lnfuence de groupes dac-teurs partau tend domner lnfuence du spectateur mpartal : celle,en dautres termes, de lopnon publque.

Ans, contre lde reue qu tend mputer le poltquement correct la tyranne de la majort, l rsulte en ralt plutt de la tyranne desmnorts. On le re ce que, sur ben des sujets, le poltquement cor-rect heurte en ralt lopnon. Car l est le at daantage de mnortsactes et de groupes dnfuence que de lopnon elle-mme.


26/32

Lacomptencem

oraledupeuple

25

CONCLUsION

Il ny a donc pas leu de chercher substtuer la dmocrate reprsen-

tate des ormes de dmocrate supposes supreures et de renoncer au

prncpe de la soueranet du peuple. Ce nest pas seulement en thoremas dans la pratque que lopnon publque joue un rle ondamental

et largement post dans la e poltque. Toutes les rrersblts quon

obsere en matre nsttutonnelle et morale sont une coproducton du

poltque et du spectateur mpartal : du poltque et de lopnon.

Mas, sl ny a pas leu de rechercher une orme de dmocrate sup-

reure la dmocrate reprsentate, on peut chercher lamlorer.

La mdecne la plus ecace contre la tyranne des groupes dnfuence

consste en une applcaton egeante des prncpes ondamentau du

lbralsme poltque, notamment le prncpe de la sparaton des pou-

ors. Cest en partculer seulement s le ctoyen a le sentment que le

Parlement compte rellement que celu-c peut attnuer lnfuence des

mnorts actes. Une belle tude comparate du poltologue anglo-

norgen Sten Rngen attrbue la France une note nreure sur une

chelle daccomplssement de la dmocrate celle des pays de lEurope

du Nord14. Cela est mettre en relaton aec le at que le Bundestag,les Communes ou le Stortingsont lobjet dun respect rel de la part du

ctoyen, ce respect tant d lu-mme un partage qulbr du pouor

entre le lgslat et lecut, ben daantage qu lacton de donnes

culturelles. Ce dsant, je songe partculrement au clch ndnment

ressass par les mdas selon lequel les drences entre la dmocrate

ranase et ses osnes seraent toutes peu ou prou des eets du contraste

entre tradton catholque et tradton protestante.

Dautres acteurs peuent contrbuer dans laenr aablr ln-

fuence des mnorts actes et attnuer leffet Olson. Ans, grce

Internet, lnddu qu se sent opprm par le poltquement correct peut

aclement, dun pont de ue technque du mons, mettre en ure son

drot ondamental depresson. Ce drot a certes t corn en France

par des dspostons lgslates prses sous lnfuence des mnorts

actes. Mas lepresson spontane sur Internet dune multtude dop-

nons dergentes par rapport au poltquement correct peut consttuerune orce de rsstance dmocratque ecace.

14. S. Ringen, What democracy is or, Princeton, Princeton U. Press, 2007.


27/32

fondapol

|

linnovationp

olitique

26

On peut auss esprer mas je ne pus mtendre c sur ce sujet complee

que loluton long terme de la constructon europenne rapprochera

la communaut europenne du modle de la dmocrate reprsentate et

regorera ce modle dans chacun de ses Etats-membres.

En tout cas, on nattnuera le sceptcsme latent du publc et notam-ment des jeunes Franas sur la poltque dont tmognent les enqutes15

que s lon retroue les repres ntellectuels que reprsentent les prncpes

ondamentau de la thore lbrale de la dmocrate, tels quls ont t

eprms par les plus grands, Montesqueu, Adam Smth, Tocquelle et

les autres.

Malheureusement, une autre ecepton ranase, le pouor attrbu

par le monde poltque ranas la com une noton elle auss sans relqualent en anglas ou en allemand, sans doute parce que la conuson

entre persuader et conancre ne sest pas mpose alleurs auss acle-

ment quen France jette des doutes sur la consdraton que le monde

poltque accorde au spectateur mpartal, pusque cette noton la com

est porteuse dune reprsentaton auss mprsante querrone du ctoyen,

reprsentaton selon laquelle ce derner serat manpulable merc.

15. O. Galland, Les jeunes, Paris, La Dcouverte, 2002.


28/32

Pour une nouvelle politique agricole commune

Bernard Bacheler, noembre 2010, 30 pages

Scurit alimentaire : un enjeu global

Bernard Bacheler, noembre 2010, 30 pages

Les vertus caches do low cost arien

Emmanuel Combe, noembre 2010, 40 pages

Dfense : surmonter l'impasse budgtaire

Gullaume Lagane, octobre 2010, 34 pages

O en est la droite ? L'Espagne

Joan Marcet, octobre 2010, 34 pages

Les vertus de la concurrence

Dad Sraer, septembre 2010, 44 pages

Internet, politique et coproduction citoyenne

Robn Berjon, septembre 2010, 32 pages

O en est la droite ? La Pologne

Domnka Tomaszewska-Mortmer, aot 2010, 42 pages

O en est la droite ? La Sude et le Danemark

Jacob Christensen, juillet 2010, 44 pages

Quel policier dans notre socit ?Matheu Zagrodzk, jullet 2010, 28 pages

O en est la droite ? LItalieSoa Ventura, jullet 2010, 36 pages

Crise bancaire, dette publique : une vue allemandeWolgang Glomb, jullet 2010, 28 pages

NOs DERNIREs PUBLICATIONs


29/32

Dette publique, inquitude publiqueJrme Fourquet, jun 2010, 32 pages

Une rgulation bancaire pour une croissance durable

Nathale Janson, jun 2010, 36 pages

Quatre propositions pour rnover notre modle agricolePascal Perr, ma 2010, 32 pages

Rgionales 2010 : que sont les lecteurs devenus ?Pascal Perrneau, ma 2010, 56 pages

LOpinion europenne en 2010

Domnque Reyn (dr.), dtons Lgnes de repres, ma 2010, 245 pages

Pays-Bas : la tentation populisteChrstophe de Voogd, ma 2010, 43 pages

Quatre ides pour renorcer le pouvoir dachatPascal Perr, arl 2010, 30 pages

O en est la droite ? La Grande-BretagneDad Hanley, arl 2010, 34 pages

Renorcer le rle conomique des rgionsNcolas Bouzou, mars 2010, 30 pages

Rduire la dette grce la ConstitutionJacques Delpla, rer 2010, 54 pages

Stratgie pour une rduction de la dette publique ranaiseNcolas Bouzou, rer 2010, 30 pages

O va lglise catholique ? dune querelle du libralisme lautreEmle Perreau-Saussne, Octobre 2009, 26 pages

lections europennes 2009 : analyse des rsultats en Europe et en FranceCornne Deloy, Domnque Reyn et Pascal Perrneau,septembre 2009, 32 pages

Retour sur lalliance sovito-nazie, 70 ans aprsStphane Courtos, jullet 2009, 16 pages

Ltat administrati et le libralisme. Une histoire ranaiseLucen Jaume, jun 2009, 12 pages


30/32

La politique europenne de dveloppement :une rponse la crise de la mondialisation ?

Jean-Mchel Debrat, jun 2009, 12 pages

La protestation contre la rorme du statut des enseignants-chercheurs :dense du statut, illustration du statu quo.Suivi dune discussion entre lauteur et Bruno BensassonDad Bonneau, ma 2009, 20 pages

La Lutte contre les discriminations lies lge en matire demploilse Mur (dr.), ma 2009, 64 pages

Quatre propositions pour que lEurope ne tombe pas dans le protectionnisme

Ncolas Bouzou, mars 2009, 12 pages

Aprs le 29 janvier : la onction publique contre la socit civile ?Une question de justice sociale et un problme dmocratiqueDomnque Reyn, mars 2009, 22 pages

LOpinion europenne en 2009Domnque Reyn (dr.), dtons Lgnes de repres, mars 2009, 237 pages

Travailler le dimanche : quen pensent ceux qui travaillent le dimanche ?Sondage, analyse, lments pour le dbat(coll.), janer 2009, 18 pages

Retrouez notre actualit et no publication ur www.ondapol.or


31/32

Pour renorcer son ndpendance et condure sa msson dutltpublque, la Fondaton pour lnnoaton poltque, nsttuton de la

soct cle, a beson du souten des entreprses et des partculers. Ilssont nts partcper chaque anne la conenton gnrale qu dntses orentatons. La Fondapol les cone rgulrement rencontrer sesqupes et ses consellers, dscuter en aant premre de ses traau, partcper ses manestatons.

Reconnue dutilit publique par dcret en date du 14 avril 2004, la Fondapol

peut recevoir des dons et des legs des particuliers et des entreprises.

vou te une entreprie, un oranime, une aociation

Aantage scal : otre entreprse bnce dune rducton dmpt de60 % mputer drectement sur lIS (ou le cas chant sur lIR), dans lalmte de 5 du chre daares HT (report possble durant 5 ans).

Dans le cas dun don de 20 000, ous pourrez ddure 12 000 dmpt,otre contrbuton aura rellement cot 8 000 otre entreprse.

vou te un particulier

Aantages scau : au ttre de lIR, ous bncez dune rductondmpt de 66 % de os ersements, dans la lmte de 20 % du reenumposable (report possble durant 5 ans) ; au ttre de lISF, ousbncez dune rducton dmpt, dans la lmte de 50 000, de 75 %de os dons erss.

Dans le cas dun don de 1 000, ous pourrez ddure 660 de otreIR ou 750 de otre ISF. Pour un don de 5 000, ous pourrez ddure3 300 de otre IR ou 3 750 de otre ISF.

Contact : Anne Flambert +33 (0)1 47 53 67 09 [email protected]

sOUTENEZ L A FONDAPOL


32/32

Une fondation librale, progressiste et europenne

La Fondation pour linnovation politique ore un espace indpendant dexpertise, derfexion et dchange tourn vers la production et la diusion dides et de propositions.Elle contribue au pluralisme de la pense et au renouvellement du dbat public dans uneperspective librale, progressiste et europenne. Dans ses travaux, la Fondapol privilgietrois enjeux : la croissance conomique, lcologie et les valeurs.

Le site www.fondapol.org met la disposition du public la totalit de ses travaux ainsiquune importante veille ddie aux eets de la rvolution numrique sur les pratiquespolitiques (Politique 2.0).

La Fondapol est reconnue dutilit publique. Elle est indpendante et nest subventionnepar aucun parti politique. Ses ressources sont publiques et prives. Le soutien desentreprises et des particuliers est essentiel au dveloppement de ses activits.

fondapol11, rue de Grenelle75007 Paris France

ondapol | www.ondapol.org

Documents

La compétence morale du peuple - Raymond Boudon