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KASSE, Moustapha. Democratie Et Developpement en Afrique

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Democratie

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Pr. Moastaplla KASSE

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Le paradoxe de cette ère de communication "globale"c'est justement le décalage perceptible entre le besoin tou­jours plus grand de connaissance qui résulte de cette situa­tion et la difficulté de plus en plus aiguë pour les supports d'yfaire face.

Nous somméS donc devenus par la force des choses etpar l'accélération subite de l'histoire, des consommateursd'un flot ininterrompu d'informations que nous avons dumal à '~gér-er" faute de repères simples, fiables et efficaces.

La collection "Le point sur" a pour ambition de com­bler ce vide.

Elle va s'adresser à un grand public dans un style trèsdépouillé avec comme seulobjectifla rencontre entre le livreet son lecteur par le biais d'une information «sur mesure»,collant aux aspirations profondes de l'heure et auxfrémissements de notre temps. Le tout procédera d'unedémarche à la fois rigoureuse sur le plan de l'analyse maissuffisamment ouverte à la réflexion féconde et susceptiblede dégager des perspectives.

En définitive, c'est une collection dynamique qui sepropose de gérer la qualité au détriment de la quantité,l'essentiel au détriment du superflu et à moindre frais pourle lecteur.

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INTRODUCTION

Le processus de démocratisation des systèmespolitiques intervient en Afrique· à une période pù leContinent est confronté à une très sévère criseéconomique, financière et sociale ramenant lespréoccupations de développement à l'échelle d'Une' sur­priorité. Démocratie et développement forment-ils uncou pIe indîssociable, où sont-îls exclusifs l'un del'autre? Cette question revêt une importance capitale etappelle des réflexions à la fois larges et urgentes auregard des changements rapides qui s'opèrent dans le'Monde et en Afrique. En effet, comme l'observe par R.BRAUMAN, "l~ principe démocratique fondamentalque TOCQUEVILLE a défini comme l'abolition desdi$tinctions d'Etat exige du temps pour irriguer laprofondeur de la société, les formes d'expression de ceprincipe qui fondent l'Etat de droit - séparation exécutifet législatif, délégation régulière de pouvoirs - peuventse décréter. Le développement, fait d'une multituded'innovations culturelles favorisées par ce brassagedes œuvres et des civilisations, est un effet du lentmouvement des idées. Ce mouvement là ne se décrètepas"(4).

La question se pose alors de savoir si ledéveloppement peut être accéléré par la démocratie ouinversement si la démocratie ne devrait intervenirqu'à un certain stade avancé de développement c'est àdire quand les hommes seront sortis de l'emprise de lanécessité à telle enseigne que "nul citoyen ne soit assezopulent pour en acheter un autre et ni assez pauvre pour

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être contraint de se vendre". Développement etdémocratie, c'est GOETHE contre K. POPPER, lepremier affirmant "qu'il vaut mieux une injusticequ'un désordre" et le second soutenant "qu'aucuneréforme sociale, aucun progrès économique ne peuventêtre obtenus par la violence".

Depuis la Rome Antique jusqu'aux NouveauxPays Industriels de l'époque contemporaine en passantpar l'Europe des révolutions industrielles et le Japon,les réussites économiques et financières ont été plussouvent le fait de régimes politiques autoritairespflrfois dictatoriaux. Les pays socialistes d'Europe den~st ont vaincu le sous-développement en moins d'unegénération sous un système de dictature et deconfiscation des libertés essentielles. L'objectif majeurqu'ils n'ont pas pu atteindre c'est celui d'une croissancesaine et durable dans la démocratie. Observonsd'ailleurs qu'historiquement, la plupart de ces paysn'ont jamais connu véritablem~nf le pluralismepolitique. Le déspotisme de la minorité commuh'ÏsteM.ait d'autant plus dangereux qu'il était présenté('omme l'expression de la volonté papu laire. Ce sont là,dps problèmes auxquels il faut impérativement etrHpidement trouver des réponses. Cela devraitentraîner également des réflexions incidentes sur desquestions connexes non moins Importantes commecelle-ci: quelle démocratie pour quel-déveJoppement ?

En effet, le plaquage du modèle démocratiqueocddental sur des réalités africaines sous-développéesaVl.'C des ensembles sociaux en plein~utationdoncassez flous, ne devrait pas donner des résultatspolitiques probants. La preuve: des siècles de présence

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européenne n'ont pas encore réalisé u.neoccidentalisation des sociétés africaines. De surcroit,trois décennies de mimétisme ont abouti à l'échec dudéveloppement économique et social. Et pourtant,comme dit le proverbe chinois, "en dix ans même les' ­montagnes bougent". Cette étude est une contribution àce débat que les intellectuels doivent reprendre dans uncadre multidisciplinaire en lui donnant plus derigueur et beaucoup moins de fantasme politicien.

Il est aujourd'hui unanimement constaté quedepuis la décennie 80, le Continent africain estconfronté à une crise économique et financière d'uneampleur et d'une profondeur jusque-là encore jamaisatteinte. Cette crise généralisée se caractériseglobalement par:

la détérioration de tous les indicateurs macro- ~

économiques avec notamment une stagnationou même un recul de la croissance de tous lessecteurs productifs. Aucun pays africain n'aréussi à améliorer ses performancesagricoles, industrielles et de services si cen'est un hyper développement du secteurinformel qui est en réalité le secteur parexcellence de la crise ;l'effondrement de l'agriculture, surtoutvivrière qui engendre la montée et lapersistance de la famine avec son cortège demisère et de désolation ;une sévère récession, voire, dans certains cas,une dépression économique, qui conjuguée àdes niveaux élevés d'inflation, entraînent des

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chutes catastrophiques de revenu et de pouvoird'achat qui précipitent des couches croissantesde la population dans la pauvreté ;

- une baisse généralisée de l'emploi rémunéréqui vient s'ajouter à un exode rural, de plus enplus, massif entrainé par la paupérisationabsolue des campagnes rendant la pauvretéurbaine plus attrayante que la pauvreté rurale;

- une dette qui s'accroit, démesurément,compromettant ainsi tous les efforts dedéveloppement;

- une réduction importante des capacités·d'importation de biens d'équipement quifreine les nouveaux investissements etl'entretien de l'appareil de production.

,..

Pendant ce même temps, nous assistons au planmondial à une véritable accélération de l'histoire. Lemonde est pris dans une spirale· événementiellespectaculaire sans précédent avec des bouleversementsfantastiques, profonds et rapides, des révisions etremises en cause qui prennent de court même lesanalystes et les prospectivistes les plus avisés.

Parallélement, la division internationale dutravail se restructure et met, progressivement, en placede nouvelles modalités de fonctionnement fondéesexclusivement sur la compétition et la performancedonc un darwinisme éconoJI1ique et social. Lessystèmes productifs nationaux subissent deschangements à tous les niveaux surtout social ettechnologique st se réorganisent en conséquence pourfaire face à la perspective d'un monde multipolaire,

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pour affronter les nouvelles contraintes de l'économiemondiale caracLérisée par une compétitionextrêmement féroce qui fait dire au Secrétaire d'Etatfrançais au Plan, Lionel STOLERU, que le systèmeéconomique mondial a évolué des avantagescomparatifs aux avantages compétitifs.

Le nouvel ordre économique mondial (NOEM)présente des avantages évidents comme la disparitiondu conflit Est-Ouest, la régression des idéologiesagressives et la progressive généralisation del'é<'onomie fondée sur l'efficacité. Cependant, ceNOEM est très éloigné des propositions antérieurementfonnulées par le Président Houari BOUMEDIENNE etreste sur bien des points en' deça des espérances despays en voie de développement. Les problèmes relatifs àla détérioration des termes de l'échange, à l'échangeinégal, à l'endettement, à la démocratisation de l'accèset du fonctionnement des institutions intern'i'tionales et

, à l'Emvil'Onnement ne sont point pris en considération.L'environnement fournit le meilleur exemple

de l'inégalité internationale et de l'absence totale dedémocratie. Les pays industrialisés qu i représentent16% de la population mondiale sont les principauxpollueurs, ,les destructeurs de l'environnementmondial. Ils prodtHsent annuellement quelques 1.700milliards de tonnes de déchets, 70% des émissions dedioxyde de carbone, 63% des émissions d'oxyde d'azoteet. ils tentent de faire..,.Au Tiers-Monde le dépotoir, lapoubelle du M9nde- industrialisé. Pourtant, ils nepayent point ni pour l'utilisation et la dégradation desressources, ni pour la désertification et ladéforestration, ni pour la destruction des fonds marins

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et la pollution de l'atmosphère. Sur un autre plan, enprenant les rapports économiques et politiques, on serend compte que les valeurs de liberté, d'égalité et desolidarité ne sont guère respectées dans les relationsinternationales qui ne sont. du reste que rarementsoumises au droit.

Peut-on construire un NOEM sans réformerfondamentalement les institutions internationalesissues de l'ancienne bipolarisation du systèmemondial et de la guerre froide? Peut-on édifier etconsolider la démocratie, quand plus de la moitié del'humanité est contrainte à la mendicité, quand 16% dela population de la planète contrôlent plus de 80% desressources? Quelles sont les libertés et les droits despauvres qui forment l'écrasante majorité du monde?C'est dans un tel contexte international que les paysafricains doivent entreprendre le mouvement derestructuration économique et de réorganisationpolitique.

Au moment où à l'echelle mondiale ledéveloppement économique s'intensifie et que ledomaine des libertés s'élargit, l'Afrique, en dehors dequelques zones de lueurs, connait une série demutations sur fond de crise économique et financièresans précédent aux conséquences sociales lourdes etincalculables. Que ce soient les régimes capitalistes ousocialistes, modérés ou révolutionnaires, les succèséconomiques et sociaux sont exceptionnels et n'ont pasété rendus possibles ni par les équipes dirigeantes nipar leur articulation séeulaire à la divisioninternationale du travail.

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Sur· le plan politique, jamais l'exigencedémocratique totale n'a été aussi fort.e. Les systèmespolitico-idéologiques apparemment les plus solidess'écroulent sous la pression de la rue; les peuples seréapproprient leur pouvoir longtemps confisqué,obligeant les nouveaux dirigeants à fonder désormaisleur action sur un discQurs technique basé surl'efficacité et l'opérationnalité.

Manifestement, c'est le début de la fin de l'Etatjacobin, excessivement centralisé, fortementintervent.ionniste et 'tentaculaire au profit d'un Etatmodernisé, dynamique et surtout démocratique quiimplique tous les acteurs ayant des chargeséconomiques, politiques,' socialés et culturelles.

Ainsi au niveau politique mondial. c'est la findes Partis Etats cent.ralisés et l'avènement des droits del'homme qu i se présentent désormais sous des traitsparticulièn~ment nouveaux au double plan de leur(.'ontenu et de celui de leur contrôle.

En effet, au plan du contenu, la modification desrapports de force entre peuples et gouvernements, entreles différentes classes sociales et les Etats, a entraînél'acquisition par les peuples de plusieurs générationsde droits : les droits individuels, les libertés publiques,les droits éèonomiques et sociaux exprimant deéexigences de services que les pouvoirs politiquesdoivent satisfaire.

Pour l'essentiel, ces droits se résument àl'accès à un enseignement de qualité, à un travailcorrectement rémunéré, aux soins de santé, à lasécurité sociale et à l'épanouissement dans un

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environnement de qualité. C'est dire que les droits del'homme 'ne se réduisent plus aux seules libertés etsécurité individuelles comme l'observe FrançoisRIGAUX (21). Ils vont bien au-delà et se structurent entrois .éléments msjeurs : des droits de protection, desdroits de satisfaction des besoins et des droits departicipation au pouvoir. Les droits de l'h'ommeacquièrent dorénavant un contenu qualitativementnouveau.

Ces droits qui se sont ainsi élargis bénéficientdésormais d'une protection et d'une surveillanceintemationales. La protection et au premier rang desnouvelles conditionnalités des bailleurs de fonds alorsque la surveillance est assurée par'- des ONG(Organisations Non Gouvemementales) puissammentappuyées par l'opinion publique intemationale qui leurdonne force et voix amplifiées.

Tout un réseau diorganisations nationales etinte~tionalesveillent au respect strict de la premièregénération des droits de l'homme. Progressivementune gamme de sanctions qui restent encore trop timideset trop informelles se met en place.

Ces droits de l'homme ouvrent aux peuples denouveaux horizons de lutte qui ne se limitent plusseulement aux libertés individuelles, à la sécurité et àl'ideD~té nationale c'est à dire au contenu classique delB démocratie, Pour cette Mison, malgré l'acceptationunanime des gouvernements ainsi que lesreconversions spectaculaires, il reste une distanceénorme entre des proclamations théoriques solennellesd'adhésion à la démocratie et aux droits dA l'homme et

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les réalités concrètes de leur ollganisation effective.Beaucoup de dirigeants dû Tiers-Monde cherchentl'excellence dans la démocratie plus pour satisfaireaux nouveHes conditionnalités des bailleurs de fondsque pal' conviction. Chacun organise le multipartismeet l'ouverture démocratique de façon souvent précipitéeet très désordonnée. C'est la fuite en avant vers toutessortes dE' concessions et de compromis pour préserver lepouvoir. Seulement, cette technique conservatoire duPouvoir l'jsque de déboucher sur le blocage d'une sociéténon gouverné<> compromettant lei développement et· àterme la démocratie.

Au moment, où, à l'écheHe mondiale led<iveloppement économique s'intensifie et que ledomaine des libertés s'élargit, l'Afrique - en dehors dequ~lques ZOnHS de lueurs - connait un immobilisme surfond de sinistre économique et financière sansprécédent aux conséquences sociales lourdes etincalculables. Que les régimes soient capitalistes ouqu'ils soient socialistes, modérés ou révolutionnairesles succès économiques et sociaux sont extrêmementrares et n'ont été rendus possible ni par les équipesdirigeantes ni par leur lien séculaire avec la divisioninternationale du travail.

Dans cette léthargie générale, la presse, surtoutoccidentale et parfois locale, est furmement montée aucréneau en se montrant d'une rare sévérité à l'endroitdes africains, l~urs dirigeants ert tête. Ces quelquestitres où, le catastrophisme le dispute au mépris culturelet racial sont très révélateurs de cette attitude:

• dynasteurs: La faillite de l'Mriique noire de A à Z;- le Monde : Que faire de l'Mrique noire ?

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- l'évènement du Jeudi : Pourquoi l'Afrique craque?ou encoœ : Roia nègrea et mauvaw blancs;

• valeurs actuelles > l'afro-pessimisme, ou encore :l'Afrique s'enfonce dans le marasme;l'express: Afrique: le naufrage d'Qn Continent.

De même; la pensée économique et sociale n'estpas en reste avec des titres au vitriol .comme "L'Afriqueen panne" (GERI), "L'Afrique é,tranglée" (DUMONT)ou encore "La faillite du développement" (8. AMIN).

A Y regard~ de plus pl'ès,Ja réalité socio­économique est terriblement, sur bien des points, plusdure que les représentations qui en sont faites danstoutes les presses. Derrière les nombreux discours etproclamations, le bilan global de la gestion des élitesafricaines est profondément catastrophique. Dans laplupart des pays, les économies sont complètementdélabrées et en ruine avec, l'érection de la gabégie, dela corruption et de l'inefficacité en système. Lespopulations laborieuses paupérisées sont installéesdans l'insécurité alimentaire et ne survivent que grâceà l'assistance internationale. Les Etats sont à la dériveavec dea tendances répressives apparaissant dèsl'immanence des crises. Assurément l'imaginationcréatrice n'a pas été le point.fort des régimes .africainsqui se sont, montrés parfaitèttlent incapables deconcevoi.. un modèle ~onomique et politique adaptéaux :réalités locales sur leequels, iIa se sont refusé deposeJ' llnregard critique pour en dé.couvrir les forces etfaiblEM1BeS. Cette situation impose, particulièrement auxuniversitaires et chercheurs, d'abordersuccessivement, en toute lucidité et avec toute la rigueurscientifique nécessaire, les différents aspects de la

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ghl'ie problémadquêi ainsi poedè lEÎài! i1ittterpelle laconscience de tou" tes africilîlit31 'êf'cieellé de l'élitesurtout, dans la pèrBpèctive de 1tl t'êCherëllfdesolutionsidoines. 1·· ,;'"<,,,, '.Y'l·- '

Globalertièttt:;i' pour bièb'!'ootnet la criseéconomique- africaine, il fau t commencer par fairel'ét1lt des lieux\JpMit" :mieux pe1ieêtroi1"fléiiJ tendancesltuüdes dominantE!SLlét l'interprc8tBtiotï qu'il imported'éD. donner dabs·: la contexturé d8èi hidispensablestraneitions démocratiques. ') ;.;' , , :., 'L) Trois manifœtàtions nv~jé\1teè traduisentl'ampleur, la profondeur et la gravité de la crise del'économie africaine.

Premièrement, l'existene~ et la perpétuationd'une sévère crise agro-alimentaire faisartt; 'ducontinent une zone de disette larvée· et d'insécuritéalimentaire endémique.

En effet, l'Afrique a progressivement remplacél'Asie et l'Amérique Latine pour cè qui est du reco\il'8 àl'aide alimentaire intemationàlel NoUt!I avons encoreen mémoire les fameuses opérations ''BAND AID",FOOD FOR AFRICA", "s·os SAHEL", "TAM-TAMSPOUR L'ETHIOPIE" etc....

Cette évolution désastreuse procède en réalité detrois facteurs essentiels:

- une' t'àible croissance de ta production' agricole(1,8% en moyenne par an depuis 1960),insuffisante pqur couvrir la forte croissancedémographique (8% par an) ; ce qui traduit unebaisse de la production par tête et doncl'impossibilité de couvrir les besoinsalimentaires du surerott de population;

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des politiques agraires inadaptées,privilégiant les cultures de rente(pourvoyeuses de devises) au détriment descultures vivrières j

- une forte et incohérente croissance urbaine quiaccentue l'extraversion de la structure de·consommation du fait du renforcement de la,consommation de produits alimentaires que·les agricultures locales ne produisent pas. '

Ainsi, nulle parl en Mrique, la révolution verte, "mêm~ dans des formes parcellaires, n'a eu lieu j ce quin'a pas permis d'améliorer la productivité par actif.rural et par hectare cultivé en vue de satisfaire une,demande alimentaire exponentielle, elle-même:engendrée par l'explosion démogr~phique et le'caractère accéléré et chaotique du phénomène urbain 'dans le continent.

La deuxième manifestation réside dans la crisede la dette extérieure et dans l'échec del'industrialisation:

Indiscutablement, l'endettement extérieur del'Afrique n'a pas servi à financer son développement,notamment son industrialisation qui, s'appuyant surune agriculture locale modernisée, performante etbénéficiant de la surabondance des capitaux au coursdes années 70, aurait pu se réaliser à peu de frais.

Au contraire, la crise de la dette africainetraduit aujourd'hui l'extraordinaire constat de quasi­~s8.tion de païement généralisée du fait de ladêt&ioration des revenus des débiteurs suite à la chutedes recettes d'exportation, à la montée duprotectionnisme et essentiellement de la nonpertinence des choix d'investissement dont le taux de

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rentabilité demeure, pour la plupart, inférieur ou, dansle meilleur des cas, juste égale au co~t de l'emprunt,contribuant ainsi à engendrer une insolvabilitécroissante des économies nationales.

En effet depuis 1970, la d4fltte du continent a cruanarchiquement à un rythme moyen annuel de 20'ksans aucun rapport aveé l'évoluition du PIB (2,5% enmoyenne annuelle) et représenta aujourd'hui près de100% de ce PIB et plus de 400% des recettesd'exportation.

Dans les pays de l'UMOA par exemple.l'encours de la dette est passé de l56 milliards en 1973 à5000 milliards F CFA en 1988 (~it ùne multiplicationpar 32 en 15 ans). Le seul service de cette dette absorbeaujourd'hui plus de 4()!1, des reèètteei d'exportation despays membres malgré les multiples et désormaispermanents rééchelonnements.

Troisièmement enfin, il y a 1'accél'ration duph'nomène urbain qui accentue les d~uilibres detous ordres du continent.

Le renforcement de l'extraversion desstructures de production rurales héritées del'agriculture coloniale dite -de traite- par la promotionprioritaire des cultures d'exportation, le nonréinvestissement dans le secteur rural des maigressurplus agricoles prélevés par les structures para­étatiques d'intervention en m;lieu rural, enfin lesrigueurs dévastatrices d'UB environnemenl. physiqueet climatique parfois hostile (bande s'i1héliènnenotamment) ont fini par précipiter les producteurs

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ruraux dans un processus ininterrompud'appRuvriss~)ment sans précédent. Il s'en estévidemment. suivi l'exacerbation d'un mouvementjusque-là latent : l'exode rural.

Parallèlement, la croissance démographiques'est maintenue à des niveaux élevés dans les villes, cequi fait dire à l'ONU (rapport de 1988) qu'en l'an 2000,la concentration urbaine atteindra 41 % en Afriquecontre seulement 36% en Asie.

Une telle explosion urbaine et surtout lemaintien de la tendance sont évidemment lourds deconséquences économiques et sociales pour le procheavenir étant donné l'incapacité des politiques dedéveloppement actuellement appliquées à renverserl'ordre des choses.

Les pays africains ont hérité de la colonisationdes modes de production et de consommation quiprivilégient les villes au détriment des campagnes .Cette option s'est élargie, au point que l'urbanisation estdevenue le phénomène social le plus marquant de cestrois dernières décennies.

Ce proeéBsus massif et déeordonné appelle desrecherches et des rénexions en rapport avec lesproblèmes politiques et de démocratisation des régimesell Afrique. Les villes qui sont de plus en plustehtaculaires polarisent les principales activitéséconomiques, politiques, sbeiaie$ et èldturèUes, or ell_ne SOIIt ni te 'produit dtub~feroissanceéeonomique nicelui d'une socialisation poussée du mode de vieendogène.

A ce propos, dans SOn livre célèbre "Levy-

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STRAUSS" fait une comparaison entre les villesd'Europe et celles du Tiers-Monde et de l'Amérique­Latine. Il observe que dans les pays du Tiers-Monde,l~ villes subissent un processus de décadence avantmême d'avoir connu une période d'épanouissement. Ils'est opéré une sorte de coupure entre ville et campagne.Gomme l'écrit H. CARDOSSO, ces villes du Tiers­Monde font face à des processus de développementurbain qui s'articulent à l'échelle mondiale et dont lerythme est imposé par la transformation très rapide dela civilisation contemporaine. Alors vont se constituerce que les futurologues appellent "les sauvagesud>ains~ qui vivent des conditions, impitoyables dansdes jungles modernes. Ils seront des causespermanentes de désordre car ils ne peuvent niretourner dans la campagne, ni s'intégrer dans desactivités productives ou lucratives.

Gela entralne bien évidemment un ensemblecomplexe de répercussions culturelles, d'adaptation,d'intégration et de dé.!équilibre dans les rapports ville-campagne. .

En définitive, nous de'l'ons avoir surl'urbanisation une vision très claire car elle constitue,sans nul doute, le phénomène social le plus

.déterminant pour le cours politique actuel en Mrique.En effet, elle n'est ni l'expression d'une croissanceéconomique ni le produit d'un processus demodernisation et de socialisation de la vie. Elle est la,coruéquence dir$Cte de l'echec des politiques agricolesqui se traduit par un puissant mouvement d'exoderural.Dès lors, dau !es villes vont se concentrer tous les

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manques. toutes les frustrations. le chÔmage. lesdifférentes exclusions. les formes nouvelles deségrégation sociale entre les citadins des quartiersrésidentiels et ceux ùes bidon "illes s,urchargés etexplosifs. Une fois encore, ce n'est pas la ville elle­même qui entraine la dégradation de la conditionsociale mais la poussée démographique des campagnesvers les villes du fait que la misère urbaine possèdeplus d'attraits que la misère rurale.

Les m«Bses flottantes en voie de sous­prolétarisation avancée. notamment les jeunes et lesfemmes non insérés dans la vie économique etculturelle. vont constituer une force politiquepotentiellement révoltée contre rordre social interne.Elle peut facilement sè mobiliser pour bousculer lesrégimes incapables de résoudre leul'S divers handicapssociaux.

Les Partis politiques recrutent généralement auniveau de cette population marginalisée vivant dansl'aléa et 18$ impliqu'ent dans les batailles politiquessaDS pouvoir véritablement ni les encadrer. ni lescontrOler.

Cela débouéhe alors sur des débordements et desréIlctloœ en chaIne imprévisible qui entretiennent dessituations larvMs de guerre civile.

C'est eela qui'faitqù\en Mrique les villès sontdes ~lcan8 eD activité, des 'zones de tempt\te quipeuvent"exploeer à tout moment. Alors, ellesévohlent deladéeAdenee . vers la· barbal'ie car elles lie sontptillcipalent8Jlt entî'ètenUes que par ces prélèvementssur lM ea1npagnes.En. d'autres termes. l'urbanisationest bien le résultat de mauvaises politiques agricolesqui aboutissent à la débandade rurale. Par ailleurs. les

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villes provoquent l'inteuification de la demandeglobale d'infrastructures sociales et celle.de biensalimentaires importés et contribuent. ainsi àl'approfondi8llement du double dMicit·de la balancecommerciale et des finances publiques.

Les mouvements sociaux qui ont'W jusqu'icicontenus et bien contr61's du fait de la faiblestratification sociale, comme de la marginalisation dela paysannerie, vont d'sormais prendre unedimeuion et une dynamique nouvelles. Ils seront prisen charge par de nouveaux acteurs. politiquesnota}llment les couches urbaines paup'risB, lescomp§tences intellectuelles et les technocrates aclus dela circulation des 'lites par les habitudesd'incustration au pollvoir des gouvernements et lesdifférentes "lises qui ont pris, bien. après leur CODBœUrd'AmmqueLatine, des options en faveur des pauvreset de la dmnocratie.

Les UniversiUs ont souvent jou' le rble ded'tonateur et d"tincelle. Mais, la nouveauW la plusremarquable sur l'tSchiquier politique africain est laprise de position des prélats qui avaient souvent Moi etservi les régimes les plus autocratiques. La th'ologie dela li~ration a fini par gagner l'Eglise d'Mrique.Selon le mot d'un s'minariste Burkillilb' BOUlipé parla revue Africa (No. 233) -l'Eglise va prendre le trainen marche; après avoir jou' trente ans dans la cour desrois, elle veut à pNsent jouer les casques bleus-. Elleévolue dans les mouvements populaires et réclame pourles opprimœ plus de justice, plus de tolnnce, plus delibert' et un meilleur partage des ressourcesnationales.

Sur le plan es:t'rieur, cet effondrement des

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économies Africaines a engendré un phénomènesubSequent : l'amorce de la marginalisation duContinent au triple niveau de la productio~, des'changes et des relations financières internationales.

C'est ainsi, qu'aujourd'hui, on peut constaterqu'avec moins de 10 millions d'habitants, la Belgiqueproduit autant que toute l'Afrique noire (470 millionsd'habitants). Le Brésil (146 millions d'habitants) aproduit en 1987 à lui seul 1,6 fois plus Que l'Afriquesubsaharienne réunie. Le budget 1989 de la C6ted'ivoire par exemple était inférieur au bénéfice net dela seule f1l'lDe RENAULT pour la même annéeDans lemême temps, la part de l'Afrique dans le commercemondial est tombée d'environ 8 à 1,6% ; sa productionindustrielle à moins de 1% et le taux de croissance deBElS exportations oscille entre 0 et 2%.

Dans ces conditions, tous les investisseurs sereplient ou, s'ils n'y sont pas encore implantœ, évitentsoigneusement le continent. La croissance desinvestissements français par exemple s'estinterrompue depuis 1982, entratnant une baissed'activité et un rapatriement syst4matique d'actifs.Ceci ee traduit par une chute persistante des apports netsdu secteur pri~ français au' Continent qui, de + 28udlUards de FF' (1160 milliards F CFA) en 1982, sontd8\"enus négatifs à la fin de 1988 pour attein<1refinalement· 8 mllliards PF (. 800 milliards F CFA)'en1988.

De-6C)% il Ya 10ans~ le chiffre d' at'fairee Nalisépat la CFAO en Aftique eSt tombé à 12% en 1989. En 6ans, l'armateur Delmas-Vieijeux est passé de 91% à 48et selon le Rapport du CNPF (Centre National du

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Patronat Français), le tiers des filiales africaines dessociétés françaisee projettent de fermer daDa les troisprochaines. années, pendant que 77'fJ des patronsinterroPe sur la question de savoir s'ils ~tent ou nonsur le continent, envisagent, quoi qu'tl arrive, deredéployer leurs activités hors d'Mrique. L'ezplicationen est simple: depuis 1986, les marchés africains sontrestés stagnants pendant que ceux d'Asie progressaientde 70'fJ et ceux d'Amérique Latine de 28'fJ ; ce à quoi ilconvient d'ajouter les nouveaux marchés est-européensqui sont trop largement porteurs.

En fait, les pays d'Europe de l'Est appellentaujourd'hui des besoins énormes de capitaux et detechnologie et présentent deux atouts majeurs daDa lamobilisation de ces ressources : .

• d'une part, la maturité de leurs structureeéconomiques confère plus de garantîe desolvabilité aux investissements privés ;

• d'autre part, ils sont culturel1ement plusproches de l'Europe de l'Ouest que ne l'estl'Afrique.

Du reste, il faut mentionner deux importantsrapports dans la tradition du rapport JEANNENEY desannées 60 qui avait faé, à l'époque, les grandesorientations de la politique africaine du GénéralDE GAULLE et que les Socialistes à leur arriv'e aupouvoir ont poursuivi jusqu'à la Conférence de LA.BAULE les 19 et 21 juin 1990 et, au cours de laquelle, auxconditionnalités traditionnelles de l'aide françaises'est ajouté l'impératif de démocratisation des régimes.africaïns.Ces rapports rédigés l'un par JEAN PIERRE,PROUTEAU (pour le patronat) et l'autre plusrécemment par STEPHANE HESSEL(pour le Premier.

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Ministre MICHEL ROCARD) établissent uneévaluation globalement interrogative et suggèrent uneprofonde révision de la politique africaine de laFrance.

L'Ambassadeur S. HESSEL, après uneévaluation profonde et critique des résultats de lacoopération franco-africaine, recommande auxautorités de renoncer au soutien des stratégies dedéveloppement dépendant qui se fondent sur lamaximisation de la croissance et la spécialisationinternationale en fonction des avantagesComparatifs.Selon lui, ces stratégies ont fait faillite etde surcroit, elles nient toute possibilité de pluralismedes modèles de développement. La France devrait, enconséquence, à partir d'une politfque. de coopérationplus rigoureuse ~t moins clientéliste, soutenir lespolitiques économiques diversifiées qui s'appuient surune agriculture vivrière régénératrice et encouragerl'évolution des régimes politiques à parti unique et àbureaucratie prédatrice vers le pluralisme et ladémocratie.

On retiendra ici que la démocratie est reli4k! àun changement dans le modèle de.développement etdall8 les politiques économiques et notamment lesprolrammes d'ajustement structurel. A leur propœ lerRpport S. HF;SSEL note avec pertinence que "CespoJitiqUp.s d'ajustement soulèvent des doutes quant auxorientations de fond qui sont vêbiculMs par eUes, tanten ce qui concetne les principaux comportement..'i de lapolitique économique (monnaie, fiscalité, industrie,agriculture) qu'à propos lies politiques sociales(éducation. lumtét Par ailleurS, la dimension politiqueet sodolo,dque (am'l!' d(· répartition des revenus)

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soulève de nombreux problèmes que la BanqueMondiale' n'a commencé que récemment à évoquer".

Pour clore cet état des lieux, il n'est pas superflud'ajouter que cette crise économique et financière duContinent tient pour une large part au modèle dedéveloppement dont le système de prélèvement desressources n'a point favorisé la reconstitution etl'entretien du potentiel de production ainsi que- laformation d'une base d'accumùlation moinsvulnérable et plus productiviste. -

Ce modèle est à la base du fonctionnementarchaïque, bureaucratique et inefficace de son appareiladministratif centralisé et incapable d'appuyer ledéveloppement. A cela se greffe une gestion anti­démocratique et souvent patrimonialiste du bien publicqui a du reste permis l'avènement de tous les abus:détournement de deniers publics, corruption,gaspillage, népotisme, incurie, gabégiques à touségards. 'rout ceci est encore aggravé et compliqué parla fuit.e organisée des capitaux.

Malgré ce tableau sombre, existe-t-ilnéanmoins des voies de sortie de crise en rapport avecla logique des nouvelles contraintes imposées par larestructuration en cours de l'économie mondiale et parl'incontournable démocratisation?

Longtemps considéré comme le champ clos desrivalités Est-Ouest, la périphérie du systèmeéconomique mondial, terre de prédilection des pouvoirsautocratiques et autoritaires, le Continent africain,dans la mouvance actuelle des bouleversementspolitiques survenus dans le monde et en Europe de l'Est,est. poussé à entrer de plain-pied dans la culture

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démocratique universelle ; mais cela dans un contexteparticulier de crise économique, financière, socialeinstitutionnelle et politique.

L'acclimatation du multipartisme a-t-elle alorsde sérieuses chances de se Maliser en rapport avecl'imp'ratif de développement économique et social?

Les modes de développement issus de ladécolonisation avaient été la copie mécanique et sansadaptation du système institutionnel etorganisationnel de l'ancienne métropole maistotalement dépouillé de son esprit démocratique par lespartis uniques.

CeUX-CI se sont transformés progressivement enenveloppe politique moderne des vieilles dominationstribo-patriarcales, familiales, ethniques et régionales.Ils ont alors parfaitement combiné les traditionsancestrales avec des techniques sta.lhiiennesautoritaires et despotiques de gestion du pouvoir.

Le nouvel Etat a opéré très rapidementl'africanisation des fonctions et sécrété une élite dupouvoir qui, dans S8 logique d'infiltration de tous lesrouages essentiels de l'appareil étatique, deçonf"lSCation et de transinisèion interne du pouvoir, aétendu les tentacules de la puissance publique à tous lescentres significatifs de la décision économique etpolitique. Il est bien connu qu'un régime actionné parune minorité quelle qu'elle soit, politique,technocratique ou autre, débouche nécessairement surune organisation bureaucratisée et centralisée. Lesystème communiste nous en offre une parfaiteillustration avec une puissante caste contrôlant le

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pouvoir politique, le savoir marxiste et la répartitiondes sinécures.

Cette étatisation excessivement poussée de lagestion du développement, en déresponsabilisant lesagents économiques privés et en anesthésiant le citoyenpar un excès d'assistance permanente, a évidemmentdébouché sur des maux maintes fois dénoncés, commela gabégie, la corruption et l'inefficacitécaractéristiques de la plupart des régimes africains,qu'ils se proclament révolutionnaires ou non.

Ainsi, sous couvert d'unité nationale et demobilisation des pop~lationspour le développement, leparti unique a confisqué presque partout les libertésindividuelles et collectives et exclu tout débatdémocràtique. Et pour justifier cet état de fait, oninvoque que la plupart des pays qui ont vaincu le sous·développement l'ont réalisé dans un environnement desuppression ou de suspension des libertésfondamentales.

Ainsi en est·il en effet des expériencescontemporaines des Nouveaux Pays Industriels (NP!)d'Asie et d'Amérique Latine (Taïwan, Corée du sud,Singapour, Hong-Kong, Brésil) caractérisés par desrythmes accélérés de croissance et où les remarquablesperformances industrielles enregistrées l'ont été sousdes régimes autocratiques et parfois de dictatureabsolue.

Ces experlences sont sans aucun doute trèsimportantes pour l'ensemble des pays en voie de·développement. Certains auteurs les présentent commele chant de l'espoir, l'exemple de nations qui, selon GuySORMAN, "ont réussi ce qu'aucune autre n'avait fait à

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aucun moment de J'histoire de l'humanit' : sortir de lapauvret' de masse en vingt ans"(25).

Seulement, sur cette question, il fallt sortir desmythes, des clichés et des caricatures pour évaluer .exactement et exhaustivement les forces et faiblesses deces ex~riences : ce qu'elles ont de transmissibles et cequi est inimitable.Cette réflexion, heureusement, a commencé avec leColloque organisé à HEC-MONTREAL (les 9 et 10 mai1991) par le Professeur Hafsi TAIEB autour du thème"Stratégie, complexit' et développement". Il s'agissaitde comparer les stratégies de développement des quatrenouveaux pays industrialisés avec celles du BrésU, duMexique, de l'Egypte, du Maroc, de la Côte d1voire et duSénégal. Les éléments de comparaison partaient desstratégies et objectifs du développement; de leur mise enœuvre au double niveau des politiques et des structureset enfin des résultats obtenus.

A grands traits l'analyse révèle à propos de cesnouveaux· p~ys industrialisés certains phénomènesdécisifs comme :

- une gbtratégie mondiale favorable qui s'esttraduite par une aide financière américainemassive pour contenir le communisme'asiatique particulièrement actif et conquftnt(Chine, CoNe du Nord, Viet-Nam, Cambodge,Lans etc...) ; .un modèle de développement endogène etnational avec une intervention forte de l'Etat(fut-t-il un Etat de qualit') appuyêe Bur UlIeplanification à long terme avec un secteurpublic souvent omnipotent. La stratégie dedéveloppement privilégie l'agricuIture et

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l'industrie délocalisée tournée résolumentvers le st3Cteur primaire et les exportations ;

• une poÎitique cohérente de ressourceshumaines avec un système éducatif et deformation approprié et performant en liaisonétroite avec les besoins de l'économie et de lasociété ;

• une élite enracinée sur ses valeurs propres deculture mais ouverte sur l'extérieur;

- un co~t social par moment excessif.Quelles leço'Ds pouvons-nous tirer, pour

l'Mrique, de ces expériences de développement?La première est que les stratégies de

développement élaborées sont endogènes et différentesde ce qui se fait ailleurs. Le mimétisme mécanique estsystématiquement écarté au profit de politiques quis'appuient sur les ressources disponibles et lesexigences du marché, c'est à dire, que les effortsinternes sont principalement orientés dans lesdomaines où le pays a un avantage concurrentiel.

La deuxième leçon concerne lesco~ts sociauxlourds mais acceptés par les populations qui trouventquelque intérêt dans le développement économique.Ainsi, la plupart des NPI sont de véritables "8WEATSHOP" c'est à dire des ateliers de sueur par les horaireset les rythmes de travail. Même l'Université n'est pasen dehors de cette tendance générale en ce sens qu'ellese présente comme une école d'obéissance et dediscipline avec 'des taux élevés de suicide pour cause demauvais résultats.

La troisième leçon est celle qui concernedirectement nos développements : ces e~riences ontété à la fois peu libérales et pas démocratiques. Partout,

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on observe un leade1'8hip autoritaire avec des Etats fortsqui monopolisent le pouvoir d'orientation et de décisionen partant de l'idée qu'on est responsable que sur leschoses pour lesquelles on a un certain pouvoir.Il s'est constitué en conséquence une bureaucratiepublique mais qui s'est fixée pour mission primordialede promouvoir le secteur privé. Les acteurs desstratégies du développement sont alors leseatrepreneurs nationaux, les élites intellectuelles ettechniques et les nouvelles forces sociales notammentles syndicats et les Partis politiques.

Cepeadant, ce qui est surtout remarquable c'estque les dirigeants politiques cherclïent à légitimer leurpouvoir à travers leurs succès économiques. C'est à direque l'incrustation au pouvoir est sanctionnée par uneobligation de résultats.

Rien de semblable ne se réalise en Afrique Sub­Saharienne qui s'enfonce dans l'immobilismeéconomique et social.

En Afrique, trois décennies après lesindépendances, le vent a tourné.

Le vent a tourné sans que l'objectif dedéveloppement et d'unité natioJUtle ne soient atteintssur le Continent. Les minorités raciales, ethniques,religieuses et culturelles .s'insJirgent dans la plupartdes pays et remettent en cause les fondements mêmeede l'unité nationale issue de la déeolonisation. Eneff~ eelle.ei avait fait se retr.ouver dans un. même~des.~sal1S eoueienCB nationale commuDe «que tout séparait : la rac~ la laque, la religion et laculture. Les nouvelles. élites avaient alors gommé

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l'essentiel des différences avec la bonne consciencequ'il était impossible de doter chaque minorité, chaqueethnie, d'un Etat propre. .

Ces questions ethniques et ces différencesculturelles sont revenues en force au devant de la scènepolitique africaine Il travers des guerres civilesmeurtrières et la manifestation d'irrédentismes et departicularismes locaux qui sapent totalement lesfondements des Etat-Nations. Les problèmes soulevéssont si cruciaux qu'ils décideront très certainement del'avenir de l'Afrique et des ouvertures démocratiquesen cours. Ces derniers temps, le dogme del'intangibilité des frontières est sérieusement ébranlépar des volontés armées de modification du statu-quo.C'est le cas notamment en Ethiopie, au Soudan, au'Tchad, en Somalie etc.

De nombreuses minorités se rebellent,remettent en question les frontières héritées de lacolonisation et destabilisent complétement les Etatsissus dé la décolonisation.

Les revendications affirmées ont presquepartout une origine ethno-tribaliste qui nous imposed'observer une attitude différente de celle afflchée parles décideurs politiques qui sont totalement sourds­muets sur les cont1its ethniques qui rongent leur nationet qui constituent souvent l'élément central de la viepolitique. Il devient alors indispensable de jeter unregard exempt de complaisance sur nos sociétés pourbien cerner ces problèmes ethniques complexes qui fontirruption au devant de la scène politique.

Il faut d'ailleurs remonter très loin dansl'histoire coloniale pour observer que l'Administration

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de l'époque, conformément à sa politique "de diviserpour régner", avait utilisé, les ethnies les unes contreles autres, avait favorisé l'accession au pouvoir de telgroupe ethnique au lieu de tel autre et avait modifiéconséquemment la répartition spatiale de lapopulation. .

Les élites des indépendances ont souvent été àbonne école et ont politisé à outrance les ethnies en lesintégrant dans leur stratégie de conquête et deconservation du pouvoir politique. Ainsi les PartisUniques se sont avérés conVne de très subtilescombinaisons de ti'aditiotfs ancestrales avec destechniques staliniennes de gestion de l'Etat. Ils sontdevenus les expressions politiques modernes desvieilles dominations tribales, ethniques, familiales etrégionales combinant le népotisme et les méthodestotalitaires.

Dans une étude récente Dominique lJA&l:SuN(9)observe que "pour servir leurs fins, les élites n'hésitentpas à susciter une mobilisation de ceux qui lesreconnaissent ~ns ces identités, quitte à en modifier etla nature et le sens". Les nations étant des ensemblesethniques composites, les élites locales vont lesmanipuler pOur faciliter leur accession- au pouvoir oupour la conservation de positions acquises. Lapolitisation ethnique note DARBON "trouve sa forcedans sa capacité à cumuler à la fois des originesémotionnelles, primordiales et des stratégiesrationnellesmodernee fondées sur des statuts sociauxacquis.La subjectiVité de la mobilisation ethnique à des finsétatiques ou nationalistes s'articule alors surl'objectivité de la marginalité politique et

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économique". Dès lors "l'ethnie est érigée eninstrument de lutte politique et de revendication dupouvoir au risque, parfois, de poser les bases depolari«ation sociales futures susceptibles de remettretotalement, en cause l'unité politique et nationale".

En d'autres termes, la marginalitééconomique, politique, sociale et culturelle créée etentretenue directement ou indirectement peut-êtreutilisée par n'importe quelle formation ou groupepolitique.

Dans cette optique observe Patrick SERY(24)lorsque les colons européens se partagèrent l'Afriquecomme un gâteau au Congrès de Berlin en 1885, ils nese soucièrent aucunement des peuples, des ethnies enun mot des harmonies ethniques raciales et culturelles.

A-t-on jamais demandé aux Ewés s'ilspréféraient être Togolais plu tôt que Ghanéens ? Auxhaoussas s'ils souhaitaient parler le français au Nigerou l'Anglais au Nigéria ? Après la décolonisation, lestribus et toutes les minorités réapparaissent etrevendiquent leur identité dans des ensemblesnationaux caractérisés par leur extrême hétérogéneité.L'absence de débat démocratique, les brimades etl'ostracisme dans lesquels on tient ces minorités neleur laissent· d'autres formes d'expression que lacritique par les armes. En définitive, le non respect etle mépris du droit des minorités devient source dedivisions internes et de tensions pouvant, à l'extrême,déboucher sur des guerres civiles qui ruinent leséconomies et sapent les baBe8 plus que fragiles de lanation. C'est le cas notamment de la plupart des pays

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africains. Libéria, Sierra-Léone, Mali, Rwanda,Somalie , Burundi, Cameroun, Congo, Ethiopie,Sénégal etc...

La démocratie conjuguée avec unedécentralisation judieieuse peut instaurer le dialogueet la paix.Mais il ne faut pas se cacher qu'elle peutaussi réveiller les vieux démons: réapparition dutribalisme ou du régionalisme par le biais desformations politiques.

En effet, ces fOTmations politiques qui manquent deprogramme,de projet de société et de mythemobilisateur risquent d'utiliser le régionalisme, letribalisme et l'ethnicité pour se doter d'une base socialeet s'implanter localement.

Plus profondément, encore il faut entamer sansdélai une réflexion de fond dans un cadremultidisciplinaire pour bien clarifier les termes dudébat et comprendre le socle sur lequel il repose etnaturellement les obetaeles à l'acclimatation d'un réelprocessus de démocratisation.

En Occident, comme en Amérique, quelles quesoient les divergenoes de vues;- les groupes aoeiau, lespartis ou les individus isolés ont des visioDB et desattitudes unifiées donc des valeurs communesconsensuelles sur un certain nombre d'idées..I~~ irrécusables, notamment la foi da_ uneplaUoaophie écOlloBlique libérale et d'essenceeapitatiste, les droits de l'homme et les libertés,·l'individualisme et les vertus ~ la concurrenCe. Sil'Angleterre et les· Eta~Unis sont aujourd'hui les

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exemples de la démocratie, c'est précisément parcequ'ils ont façonné leur système social sur l'éthique dela libre entreprise et la foi dans la démocratie.

Le challenge démocratie et développementévolue sans conflit m,ajeur, en parfaite harmonie : ladémocratie assurant toutes les libertés individuelles,un régime d'égalité de tous devant la loi, et des droitsréduits à l'Etat tandis que le développement est attendudu capitalisme, de l'initiative privée sans entrave et dela compétition. Les deux valeurs ont une parfaiteidentité d'objectifs et le même ancrage traditionnel.

Dans ce contexte, ces valeurs formentobjectivement les piliers d'une culture aux basesunifiées de démocratie et de développement.Manifestement, l'Afrique traditionnelle ou en voied'occidentalisation accélérée ne possède ni les mêmestraditions, ni la même philosophie économique, ni les 'mêmes valeurs. De surcroit, que peut bien valoir unedémocratisation fondée sur une langue officielle, maisseconde qui charrie des valeurs civilisationnellesétrangères à celles de l'écrasante majorité de lapopulation et qui n'est en définitive pratiquée que parune infime minorité. Dès lors, comme le note le ProAmadou SAMB "le citoyen non scolarisé en françaisest, malgré toute sa volonté, sa lucidité, son expériencedes hommes et des choses, un homme de seconde zone.La diversité et la complexité des faits qu'il a à appréciersupposent une information et un sens critique dont il estprivé par la force des choses"(23). Il faut alors voir ledegré de réceptivité du socle societaldes concepts dedéveloppement et de démocratie pour qu'ils soientréellement appropriés par les populations et non par lesseules élites urbaines totalement aliénées et en quête

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d'identité. En d'autres termes, l'entreprise dedémocratisation doit avoir les réalités africainescomme point de départ.

En paraphrasant le Pro SAMB, J'Afriqueprésente sur ces questions sociales, des visionsparticulières qui ôtent à la démocratie occidentale sesprétentions à l'universalité. Deux valeurs entre autressont très révélatrices des conceptions africaines.

La première est que l'homme est le remède del'homme, alors qu'ailleurs il est un loup pour sonsemblable.

Dans toute l'Afrique la collectivité l'emporte surl'individu, les valeurs communautaires sur l'éthiquecapitaliste.

Cela apparait clairement dans cette observationdu Conseiller'du Président Johnson, Arthur,OKUN(8)"simultanément, nos institutions nous enjoignent :"trouve du travail ou' crève de faim", "tu réussis ou tupâtis". Elles nous incitent à nous aligner sur lui dusle domai~e social". Les points de vue sur les rapportsdes homri1es dans leur vie en société sont trop éloignés.La distftllC8 est encore plus grande quand on prend uneI!leCOnde 1catégorie de valeur concernant l(~s l'plationsentre les hommes et les choses.

I., théoriciens du soci~1isme africain L.S.SENGHOR, K. NKRUMAH et J. NYERERE fondentleur doctrine philosophique, politique et mêmeéconomique sur les valeurs communaucratiquescaractéristiques de la Société africaine. Selon eux,l'africain s'organise et s'épanouit dans le groupe, vit

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dans et pour la communauté.Or,n en va autrement dans les conceptions

occidentales où l'individualisme est un élément clef del'éthique économique et politique. C'est au nom de cettevaleur cardinale que l'on promeut la liberté et que l'onlimite les droits de l'Etat. Cette valeur est égalementessentielle pour le développement du capitalisme c'est­à-dire la liberté d'entreprendre qui forme avec la foidans la démocratie les deux piliers de l'ethos libéral.

Sans émettre aucun jugement de valeur, on doitdire que les conceptioriè africaines sont autres. Le pointde départ de l'individualisme qui est la propriété privéeest encore récente ainsi que le mode d'accumulationfondé sur la création et l'utilisation individuelle dessurplus à des fins productives.

La logique de fonctionnement et de régulationde la société africaine continue d'être celle de lucohésion et du consensus et cela dans les pays de lasavane comme dans ceux de la forêt.

Les sociétés restent encore fortemen thiérarchisées avec des formes traditionnellesd'autorité et de 'gestion du pouvoir local. Le débatdémocratique et les oppositions, de même que leSlibertés individuelles et l'égalité en faveur des femmessont biaisés par l'impératif du consensus social quirétablit au bout de la chaine l'unanimisme et ia parfaitecohésion. Nous sommes en présence d'une véritablephilosophie "des harmonies universelles" pourreprendre l'heureuse expression de FOURRIER.

C'est à la lumière d'un tel contexte, et en nousréférant aux expériences démoCratiques en cours, quenous tenterons de dégager les termes dans lesquels sepose.aujourd'hui pour l'Afrique le double challenge de

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la démocratie et du développement. . .Notre objectif en réaliSant cette étude p'est pas

d'apporter des réponses achevées à des quéstion.sessentielles, mais de lancer une réflexion poursensibiliser les pouvoirs publics, les partis politiques etles opinions publiques sur les contradictions et lesdifficultés qui naissent d'un processus dedémocratisation souvent protégé par des puissancesétrangères.

Le processus de marginalisation de l'Afriqueest très largement entamé avec une crise économique etfinancière qui s'élargit chaque jour. Il faut à l'Afriqueplus d'une décennie de gestion rigoureuse, d'austéritéet de sacrifice pour sortir de sa situation présente.De nos évaluations, il ressort qu'en réalisant un tauxannuel moyen de croissance de 5%, ce qui suppose desinvestissements directement productifs représentant20% du PIB, le Continent retrouvera à peine son niveau'économique et financier des années soixantes.

L'Afrique ne peut s'en sortir économiquement.qu'en mobilisant tout son potentiel humain,technologique et financier et surtout en se mettant au'travail. Tant que le Continent ne sera pas transforméen WORK SHOP, le développemètlt sera un leurre etrestera au niveau des discours et des vœux. C'est du côtédes expériences germaniques et japonaises dedéveloppement qu'il faut regarder avec leur fanatisme

.caractéristique pour le travail, l'ordre et la discipline.Dans une pareille situation, faut·il plus de

libertés individuelles ou de discipline collective ? End'autres termes comment concilier les contraintes etles rigueurs d'un' ~éveloppement accéléré avec un.système de démocratie plurâliste ? Quels seront les

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contours de cette démocratie? Sera-t-elle une pâle copiede ce qui se fait dans les pays d'Occident? Ou alors, lesafricains vont-ils faire preuve d'ill)8gination créatricepour confectionner un système démocratique enparfaite conformité avec leurs réalités socio­économiques ? Les pouvoirs composites issus de ladémocratisation auront-ils une base sociale et de massesuffisamment solide pour entreprendre les réformeséconomiques et sociales qui s'imposent?

Ces questions revêtent toute leur importance auregard de ce qui se passe en Mrique francophonesdepuis la Conférence Nationale Béninoise jusqu'à lagrande pagaille malgache.

. Les mouvements populaires se sont trèslargement investis dans des combats très durs pourl'avènement de la démocratie, sans que les nouveauxprotagonistes du jeu politique sortent véritablement desprogrammes, des cl1dres de référence et d'action quipermettent de régler à terme les problèmes complexesqui se p08~nt au triple niveau économique, social etinstitutionnel.

L~s forces politiques dans l'arène vont elless'arrêter à la seule démocratisation qui au meilleurdes cas aboutirait au remplacement d'une élite par uneautre: Cette modification de la classe politique suffit·elle à entraîner automatiquement celle desorientations économiques, des options sociales et de lanature même de l'Etat. L'approfondissement de ladémocratie commence par l'acceptation qu'elle n'estpoint une fin en soi mais un moyen au service definalités qu'il faut clairement définir. Car commel'enseigne SENEQUE, "il n'y a pas de vent favorablepour celui qui ne sait où il va", Cela nous renvoie aux

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queMioDS portant sur la nature et le type de lOCiété qu'üfaut édifier et qui articulerait clau une parfaiteharmonie le dév.eloppement et la démocratie.L'exemple américain nous enseipe que la sociétélibérale n'est pas une création artifICielle. qu'elle n'estpas le produit d'un greft'age social réuasi qu'elle n'est.pas tombée du ciel sur des têtesintellipntes qui lui ontdonné orientations et l'èglea de fonctionnementadéquates.

Cette société amér~ne s'.t-formée et a évoluédans un contexte très particulier qui a ignorétotalement une oppression féodale et cléricale dans unmonde où, comme dirait Louis HARTZ, "lesaristocraties, les paysanneries et les prolétariatsd'Europe brillent par leur absence, où tout un chacun, ycompris l'ouvrier industriel naissant, possède lamentalité d'un chef d'entreprise indépendant"(l5). Dœ101'8, les deux croyances dominantes de la vie nationalepouvaient être la foi dans le capitalisme et la roi dans ladémocratie, deux éléments qui Cormeront l'éthoeaméricain selon H. Mac CLOSKY et J. ZALLER.Ces auteurs observent, que malgré "leurs différences,le capitalisme et la démocratie ont évolué côte à côte ; ilsont représenté une protestation commune contre lesinjustices et les menus actes de tyrannie qui avaientcaractérisé les monarchies, le mercantilisme et lesrestes du féodalisme de l'ancien monde. L'un et l'autreavaient pour objectif la libération de l'individu descontraintes traditionnelles, ils visaient à limiter lespouvoirs des riches et des personnes bien nées quiexploitent les individufil moins privilégiés. En partie àcause de leurs origines communes, les deux traditionsposeèdent maints traits communs dont le principal est-

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la vocation de promouvoir l'individualisme et laliberté, de limiter les droits de l'Etat, d'assurerl'égalité devant la loi et de pourvoir à l'application deprocédures rationnelles quant aux prises dedécision"(8}. En définitive, on voit bien quelibéralisme et la démocratie fonnent les deux élémentsde la culture civique américaine laquelle va alorsprofondément façonner toutes les institutions de cepays. C'est comme dirait Michel ROCARD, les valeursde liberté ont été captées par un systéme économiquequ'on appelle libéral et qui, d'ailleurs, peutparfaitement s'accommoder des désordres les plussauvages.

Cette culture sera totalement différente enAfrique et même au niveau des pays du vieuxcontinent. Ainsi la Grande-Bretagne, la France,l'Italie, l'Espagne, la Suède ont des modèlesdémocratiques particuliers et adaptés aux réalitésnationales. On est alors tout à fait fondé à dire que ladiversité et la complexité des formes démocratiquesrévèlent l'absence d'un modèle universel.

Cela devrait obliger les intellectuels africains àréfléchir sur les structures démocratiques les plusappropriées à la situation et aux objectifs majeurs deleur pays.

En paraphrasant Octavio PAZ exactementcomme les curés qui ont su africaniser lechristianisme, les intellectuels devraient en faireautant pour la démocratie, sinon il seraient trèsinférieurs à leur mission historique.

Si cela n'était pas fait, la démocratie neservirait à rien et se réduirait à une permutation des

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élites à la tête du pouvoir étatique. On a souventtendance à oublier que la démocratie n'est pas nouvelleen Afrique. Avant les indépendances et même après, ilexistait presque partout, dans les anciennes colonies,un pluralisme politique et syndical et beaucoup dejournaux indépendants, à l'image de la métropole.D'ailleurs, l'indépendance n'a été acquise que grâce àla lutte souvent conjuguée de plusieurs partis etorganisations de masses situés à la fois au centre et à lapériphérie du système colonial. Dans la majorité dessituations, l'ancienne métropole avait mis en place deshommes de paille pour réc~ptionner le nouvel Etatindépendant.

Le Parti unique tant décrié aujourd'hui n'estpas tombé du ciel: ce fut tout un processus qui y aconduit. Il apparaissait à l'époque comme le meilleurinstrument de 1l10nopolisation du pouvoir, parl'arbitrage interne des conflits politiques et ladigestion ou l'élimination de toute opposition au nom del'unité nationale et du développement. Il a surtoutpermis l'exercice d'un pouvoir sans contrôle nisanction et particulièrement la distribution deprébendes aux partisans et amis politiques.

On découvre alors les raisons de l'absenced'une oijPosition structuljée ayant une capacitéautonome de pensée, d'organisation et d'action et quisoit véritablement en mesure de présenter un.·programme cohérent et crédible de reehange. Chaque·fois que It:.'S Etats étaient acculés à la démocratisation,l'ouverture au plura.lisme qui s'en est suivie a toujoursconduit à une poussiérisatioll des partis encombrantdangereusement la scène politique.

L'exemple nous est fourni par ce pays africain

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qui, en trois mois de pluralisme politique, compte déjà200 partis, plus d'une trentaine de syndicats et unebonne dizaine de titres de presse. Y aura-t-il une sortede sélection naturelle? Il faut sans doute le souhaiter.

Toutes ces questions nous incitent àl réfléchirsur les finalités à poursuivre et les moyensdémocratiques pour les atteindre. L'univers de sous­développement, de retard· des forces productivesmatérielles et humaines, d'insatisfaction des besoinsprimaires et d'analphabétisme confère à l'économie uncaractère prioritaire.

Comment organiser la démocratie pour qu'elles'incorpore harmonieusement dans une société deresponsabilité. de solidarité et de développement?

En d'autres termes, comment aménager l'ordrepolitique et économique interne pour que les libertésaillent de pair avec le développement etl'épanouissement de la majorité de la population?Comme l'observait depuis longtemps déjà J.NYERERE "l'homme ne peut pas se sentir libre, s'ilsouffre de la faim, si son organisme est rongé par lamaladie, s'il croupit dans l'ignorance".

Que resterait-il de la liberté et du droit dans lessociétés où des minorités trop restreintes décident etagissent pour tous, où la participation à la vieéconomique et. politique des populations ne revêt que desformes parodique!;; et où les citoyens sont pris en chargepar n:tat '!

. En circonscrivant la démocratie à son

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acceptation étymologique d'exercice du pouvoir par etpour le peuple, de respect des droits et de la légalité, delibre expression de la diversité des opinions, del'instauration de procédures électorales et deséparation dee pouvoirs, il apparait nettement que samise en oeuvre, tout comme, son élargissementimpliquent de résoudre cumulativement trois

. problèmes essentiels, représentant du reste ses troisdimensions, à savoir :

- la dimension économique ;- la dimension institutionnelle;- et la dimension sociale.

Le contenu de cee t.rois dimensions doit fairel'objet de réflexions et de rechercbee pour que celee vraischoix politiques, comme le soulignait le Président F.MI'l'TERAND (Discours de Cahors 20 juin 1987),puissent se faire afin de raccourcir les délais entre lessociétés dépassées et celles à promouvoir".

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I~ LA DIMEN8ION'ECONOMIQUE DE LADEMOCRA'11E EN AFR.IQUB

L'Afrique est la 'partie du Tièfs-Mondè la plusItffect'e par la criB& qui a largeùlent CItSé'l;nVestissement productif èt la croissance. Selon laBANQUE MONDIALE (rapport de, 19~)~ entre 1988 et1_; . 1 •

- les paiements au titre dueervice de la dette ontaugmenté d& 44% ; " .

. les importations en tem1ee réels ont baies' de'32%;

• et le PIB parhabitaJit a diminué de 10%.En dehors' des càuses techniques (sur­

endetten'lènt lié à un eXcèsd'investisèementsinadapw8d'ùne part, à l'efl'ondremènt deè cours des produits 'debase d'autre' part), il existe unesériè de caU8eBendémiques et structurelles sur lesquelles, il estimpérieux d'agir pour aIl10rcer un redressementeffectif et un développement durable de l'Afrique. Cesont:

- le mauvais fonctionnement des Etats et desadministrations ;

- le problème de la démocratisation des Etats ;- la déficience des entreprises publiques et le

rôle de l'Et.at dans le processus dedéveloppement économique et social ;

- le problème démographique ;- la désorganisation des marchés intérieurs ;- ,le micro-nationalisme et l'échec de

l'intégration économique régionale ;- le désordre monétaire.

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Aujourd'hui le bilan est sévère les programmesd'ajustement structurel n'ont réussi ni à stabiliser lestendances lourdes au déséquilibre ni à relancer lacroissance économique. Plus dramatique, ils ont 'parendroit aggravé la crise en lui donnant une dimensionsociale d'émeute permanente, désorganisé lesappareils productüs et dépossédé les pays d'une réellemaitrise de leur politique de développement. Ladécennie des' années 80 qui a été celle de l'applicationdes programmes d'ajustement structurel s'est traduitepar tine détérioration généralisée de la conditionsociale avec : ,

- la progression du chômage ;- l'accélération de l'inflation et la

détérioration du pouvoir d'achat j

- la crise du système éducatif et dA formationavec une implosion des effectifs et ledéveloppement du chômage du produit desuniversités j

- la détérioration croissante des conditions de lasanté publique.

Les aspects sociaux de l'ajustement sontparticulièrement supportés par les groupes vulnérables: les jeunes , les vieillards et les femmes. 01' lajeunesse et les femmes forment les composantesdémographiques majoritaires.

La jeunesse qui constitue plus de la moitié de lapopulation africaine est un capital considéràble si onréussit à l'insérer dans le système productif et à lamobiliser pour des fins de développement.Malheureusement c'est loin d'être le cas.La détérioration profonde des, conditions sociales nelaissent pl~s à la jeunesse ni espoirs, ni rêves.

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Elle la pousse plutôt à l'avant-garde des luttespolitiques' pour" changer l'ordre inacceptable dessystèmes de parti' unique et de dictature en vue detrouver des solutions alternatives à leurs angoissesmais aussi à l'incrustation des classes dirigeantes.Elle sera à la base des émeutes du désespoir comme en1968.

'On observé partout en Afrique la persistance dela crise du système éducatif dont l'implosion affectedéfavorablement les ressources humaines qui ontdésormais un rôle déterminant pour le développement.Car la compétition économique mondiale quis'organise demeure centrée sur les industries de lamatière grise. ç'est dire que demain, l'avantagecompétitif relatif sera distribiJé entre paysessentiellement en fonction de' la qualité des ressourceshumaines du fait des modifications intervenues dansle s}·stème de production et dans la logiqued'accu~ulation productive. Or, à ce niveau, lediagnostic est connu : l'Ecole en Afrique est encoreconsidérée comme la voie d'accès à la classe des "colsblancs" donc à la fonction publique dont les effectifssont déjà fortement saturés, également, elle n'a pas sus'adapter à une démographie explosive et auxformidables mutations technologiques, économiques etsociales de ~es vingt dernières années. Elle estaujourd'hui bloquée, elle vit repliée sur elle même ettend à être paralysée par un puissant pouvoir politico­syndical intenle. La surcharge des effectifs, la'détérioration persistante du niveau d'en~eignement

ainsi que les angoisses nées de l'avenir incertain desproduits de ce système de formation rajoutent à la crisede confiance ouverte par les facteurs précédents.

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Les importantes décisions prises, partout, de mettre enplace une Ecole nouvelle, nationale, populaire,polytechnique, polyvalente et démocratique ainsi quel'édification d'une Université de développementunitaire, organisée autour des principes d'autonomie,d'interdisciplinarité, et de co-gestion, tardent à êtreconcrétisées du fait des restrictions budgétaires dictéespar des situations financières encore catastrophiques.

Dans ces conditions cette jeunesse universitairen'a nullement le choix entre l'ordre et le changement,entre la préservation d'un statu quo social et larévolution. Elle est condamnée à monter à l'assaut desgouvemements qui n'ont pas su trouver des solutions àleurs problèmes et a présenté des plateformesrevendicatives surchargées que même la mobilisationde l'intégralité des ressources budgétaires ne peutsatisfaire.

Face aux dérives catastrophiques du présent etaux angoisses d'un avenir incertain, la jeunesse toutescomposantes réunies et les laissés pour compte despolitiques économiques ont imposé une révolutionconvulsive par la rue avec des modes d'organisationsinformels mais efficaces forums, comitésd'initiatives, coordinations, conférences nationales,tables-rondes, etc....Dès lors, les changementspolitiques et le pluralisme vont s'imposer de manièretrès tumultueuse.Dans cette perspective, les Programmes d'AjustementStructurel doivent cesser d'être considérés comme unesolution en soi, mais plut6t comme une simpletransition, inévitable, vers la solution véritable qu'estle développement auto-œntré.

D'ailleurs, la Banque Mondiale elle-même

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s'en_ convainc aujourd'hui lorsque son président,Monsieur Barber CONABLE, écrit dans le rapportd'octobre 1989 spécialement publié sur l'Mrique sub­saharienne que :

"Nous nous rendons désormais compte qu'unerestructuration fondamentale s'impose si l'on veuttransformer les économies africaines et les rendrecompétitives, dans un monde où la concurrence necesse de s'intensifier: De même, la stratégie dedéveloppement sera axée sur l'élément humain et lacollaboration entre les gouvernements africains setraduira. on peut l'espérer, par un renforcemen't de lacoopération et de l'intégration régionales, thèmecentral du Plan d'action de Lagos" (2).

l'~n fait, loin de constituer une panacée, lesProgrammes d'Ajustement Structurel de par leurinadaptatic.n théorique et leur inadéquation pratiqueaux réalités spécifiques des économies africaines, ontmontré des limites évidentes dans le redressement del'Afrique, ouvrant ainsi la voie à la solutionactuellement réaliste et viable au regard 'de lamultipolarisation en cours de l'économie mondiale : ils'agit en eO'et d'une nécessaire modification profondedes stratégies de développement et des politiqueséconomiques internes ainsi que de la rupture d'avec lescadres étriqués des nations héritées de labalkanisation coloniale, par l'amorce d'un processusprofond d'intégration économique régionale.Commenous l'avons montré dans un ouvrage récent "Ledéveloppement par l'intégration", il ne saurait êtrequestion pour l'Afrique ni de rupture ni de déConnexionvis-à-vis de l'économie-lDonde en voie d'unification.

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La politique la plus opérante est de chercher les voies etmoyens de s'insérer dans le système économique etfinancier mondial en vue de tirer les meilleurs profitsdes capitaux, des équipements et des technologies qui ycirculent tout en minimisant les in<:idences négativesdu système des prix internationaux qui est à la base dela détérioration séculaire des termes de l'échange.C'est celle-ci qui empêche la conservation de lafraction la plus importante du surplus pour financert ledéveloppement. Pour cela, l'Afrique doit créer desespaces politiques et économiques intégrés dans le but':le ::ll'rmonter ses handicaps et de construire une plusgrande autonomie collective. La réalisation de cetteintégration passera par :

• d'une part la mise en place de mécanismes deproduction et d'échanges commerciaux à partir de lacréation d'une Division Régionale du Travail"l'harmonisation de toutes les règles du jeu économiqueet financier, l'élaboration de système' de solidaritéentre les différents partenaires et la formation d'unOrdre Monétaire Régional;

"', , - et d'autre part la création ( nstitutionsadministratives et juridiques de gestion ( s politiqueset des intérêts communautaires.

L'intégration réalisée dans ces conditionspermettrait aux différents Etats d'élargir leursmarchés, de compenser leurs infériorités relatives,d'échapper aux contraintes des monnaies convertibleset,':de progresser vers un systèDie de prix relatifs plusconformes à l'état de développement des forcesproductives. '

Il eèt maintenant tœ;; évident qu'il ne suffit pasqu'i1y ait des convergences dans les professions de foi

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et dans les déclarations officielles des décideu~ pourréaliser J'intégration et l'unité de l'Afrique. Il faut enplus une volonté politique claire d'édifier descommunautés A partir d'un abandon de souverainetédoublée d'une réorientation progressive des politiqueséconomiques, financières et culturelles pour briserl'engoncement dans les limites étroites des Etatsactuels.

Cette démarche, par cercles concentriques,s'inscrit dans la logique de Ja stratégie dedéveloppement endogène et autocentré, seule capabled'assurer aux pays africains la nécessaire autonomiecollective dont ils ont besoin pour préserver leurindépendance vis-A-vis des rapports extérieursinégaux

C'est dans un tel contexte qu'un auteur a puécrire de façon caricaturale et méprisante que"économiquement parlant, si le continent noir toutentier, l'Mrique du Sud exceptée, disparaissait dansles flots, l'impact global du cataclysme serait A peu prèsnul". Potentiellement, le poids de l'Mrique est-il aussinégligeable? Certainement pas, car le Continent recèledes ressources naturelles importantes et stratégiguesque cache encore la pauvreté de masse produit del'exploitation et de la mauvaise gestion.

Autrement dit, l'Mrique est·elle condamnée àerrer éternellement dans les faubourgs de l'économiemondiale?

Nous n'avons de cesse de le dire: sur les plansorganisationnel et stratégique, l'échec du

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développ~ment en Afrique est imputableessentiellement au caractère anachronique du modèlede développement adopté après les indépendances etbasé sur le prélèvement et l'affectation improductive dela rente agricole et minière. Et plus profondément, lacrise du système étatique et de ses dépendances queconnalt le continent se révèle avant tout comme larésultante de la grave crise économique et financièrecoD8écutive à l'adoption de ce modèle inopérant.

Par conséquent, la rupture fondamentale qu'ilconvient d'opérer sur le plan économique, au regard del'environnement international actuel, concerne le

. changement progressif, quels qu'en soient par ailleursles coQ,ts politiques et sociaux à court terme, d'avec untel modèle d'accumulation.

A la place, il faudra envisager de lui substituerun modèle de développement national et populaire(parce que justement démocratique), basé sur lasatisfaction prioritaire des besoins essentiels despopulations (nourriture, logement, santé,éducation... ).

Une telle modification de la stratégie dedéveloppement en vue d'une implication et d'une largeparticipation des populations passe par lareformulation des politiques -sectorielles,··· lavalorisation de l'initiative privée, une nouvellepolitique' de revenu, la modification des rapportsvilles/campagnes et la démocratisation de· laconsommation.

Concevoir ainsi le développement, c'est d'abordadmettre qu'il n'y a de développement que des êtreshumains qui sont la mesure de toutes choses. Robert

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Mc. NAMARA; alors Président de la. BanqueMondiale, écrivait en 1972 que "les politiques qui ontpour effet d'enrichir les riches - BaDS améliorerparallèlement la condition des pauvresn'enrichissent pas enfin de compte la nation. Aucontraire, elles entrainent inévitablement ledéséquilibre économique et l'instabilité sociale.... Ilincombe par conséquent, aux gouvernements des paysen voie de développement de réorienter leurs politiquesde développement afin d'attaquer de front la pauvretédes éléments les plus démunis de leurs populations. Ilsn'ont pas besoin de renoncer pour cela à promouvoirune croissance économique et dynamique. Il fautcependant qu'ils se préoccupent davantage des besoinshumains plus essentiels, c'est-à-dire améliorer lanutrition, le logement, la santé, l'éducation et l'emploide leurs populations" .

La recherche économique découvre aujourd'huitout l'intérêt qui s'attache à cette nouvelle approche desbesoins de base encore appelés les consommations dedéveloppement qui permettent de conserver àl'intérieur d'un pays la plus grande partie du surplus.

Le développement selon G. DEBERNIS consistefondamentalement à élever le niveau de satisfactiondes besoins de chaque groupe social dans l'ordre et lahiérarchie de ces besoins et à construire une baseautonome d'accumulation. Dans un contexte decompétition démocratique transparente et sincère, lesrégimes qui n'ont pas de solution pour les besoins debase des populations n'ont aucune chance de survivre àmoins qu'ils ne se maintiennent au pouvoir par la.Corce et la répression.

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La démocratie politique ne se consolide que surles bases d'une démocratie économique et sociale.Octroyer un système, même parfait, de liberté à despopulations qui n'ont, d'autres horizons que la crasse,la faim l'analphabétisme, la maladie et le désespoir nesert pas la démocratie et n'arrêtera certainement pas larévolte. Le plus grave t'St que les couches socialesrurales et urbaines fatiguées et appauvries peuventfaire le lit de tous les aventuriers et. de tous lesdémagogues qui nichent dans la poussière des partis.

Dans une démocratie véritable, le pain et laliberté doivent aller de pair. C'est sans doute cela quiexplique qu'en Occident la démocratie économique etsociale progresse sous la poussée des revendicatio:nssyndicales -et des autres groupes de pression. Lescentres de décisions concernés par ces press.i6nsmultiformes se trouvent contraints de trouver. dèesolutions en créant des situations meilleures qui;: lesprécédentes.

Or, dans les pays africains, il existe despénuries d'ordre quantitatif et qualitatif au niveau desbesoins fondamentaux de base : nourriture, santé,école, logement, infrastructures sociales diverses etemploi. Ces contraintes partout très mal acceptéesprovoquent des émeutes de la Caim. Si celles-ci sontréprimées parce que les pouvoirs sont à court de8Qlutions, cela instaure l'instabilité et au bout, laPlf,llIYli'Î8·.du. syatèlae eoéial. . Sans nul doute, lepr.oc=essus. dé1Doc~tÏ8lltion, les 9ptions et lesstructures du pluralisme politique peuvent être minésou .définitivement compl'Qmis par· l'appauvrissement,l'inflation et ·la deUe caraetérist.iques du modèle dedéveloppement actuellement. appliqué et amélioré pal'

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les programmee d'ajustement structurel. Cela· imposede repenser totalement les stTab5gies de développementet de Cl'OÎS88Dœ, dans le double setlS de l'eft"1C8Cité et del'équité poUr une société qui Soit selon la formule deOLOF PALME ·plus douce pour les faibles et plusexigeantes pour les forts·. Pour cela il faudraitreformuler les politiques sectorielles et promouvoirl'initiative individuelle.

La reformulation des politiques sectorielles seconçoit aisément puisque devant prendre enconsidération les mutations en cours sur l'échiquierinternational à savoir :

• l'épuisement des bases internes de lacroissance (rente agricole et minière) du faitde. la saturation des marchés internationau~

Iamon~fu~~tedeHœ~œ~n~~

et l'évolution rapide, des techniques deproduction ; .

• le regain de protectionnisme dans les paysdéveloppés aux prises avec le ch6magecroissant, ce qui sacrifie l'industriemanut'acturière africaine (textiles, cuirs etpeauz...) fragile et~ comP'titiw ;

• la r'orientation des nux' de capitaux audétriment de l'Afrique du fait desboulevenementa politiquee réceata SUneD1III

en E\U0P8 de l'Est et du regain de dyDemiame~e de l'Amérique Latine et de l'Asiedu Su4·P&

Quant l la valoriatioa de l'blltiatm prWe,elle cWcou1e de l'opUoat~. penar' ua Etatetl'iaœ, redhaeaalOllll' .. moi... iateneDtioailla.,

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,53

mais également de l'avènement du darwinismeéconomique. Elle doit accompagner et soutenir lamodification des politiques sectorielles, elles mêmesdécoulant du changement du modèle d'accumulation etde la prise en compte des mutations actuelles del'économie mondiale.

Dans le cadre des restructurations en cours etdes modifications des modes de régulation deséconomies la planification s'avère de plus en plusindispensable. Les institutions financièresinternationales l'avaient rendu responsable desdéséquilibres financiers et de l'insuffisante maitrisedes paramètres de l'économie. Il apparait a~jourd'hui,

à travers les différents diagnostics, qu'elles se sonttrompées de cible. La planification n'est pas une fin ensoi mais une technique de mise en oeuvre consciente etrationnelle des ressources nationales en vue de .leurutilisation optimale au service. d'objectifspréalablement fixés.

Ces objectifs se réduisent actuellement àl'efficacité et à la démocratisation. La planificationdevrait donc apporter plus de rationalité dans lailX8.tion des objectifs et dans la détermination desmoyens pour les atteindre. A l'expérience, la gestionéconomique optimale qui vise la réalisation dumaximum de bien-être individuel et collectif par unemeilleure utilisation des ressources disponibles ne peutêtre assurée ni dans le catfre crune économie purementlibérale ni dans une économie centralisêe conduite parl'Etat.

La planiilC8tion est alors indiapeDBable, d'une. part pour introduire la _'renèe dans la petion et

dans la démocratisation et d'autre put pour réaliser les

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arbitrages entre le court, moyen et long termes, entreles différents intêrets sociaux contradictoires et enfinentr-e les divers projets pas nécessairementcompatibles.

Ces arbitrages revêtent sou,vent un caractèrepolitique.

Tous ces éléments militent en faveur de laréhabilitation du processus planifié mais avec destechniques complétement modifiées. '

Ce train de réformes doit intégrer une nouvellepolitique de répartition qui, dorénavant, rattachedavantage le revenu au mérite, àla compétence et àl'efficacité. Selon le mot de Jacques DELORS (l0),"mieux le gâteau est~i, plus il est gros".

Il est particulièrement difficile, sinonimpossible, d'accélérer le rythme de développement, deréduire les disparités, de réaliSer l'égalité des chancesde tous les citoyens dans une société trop hiérarchisée etinégalitaire.

En effet, les trop fortes inégalités de revenus, laformation rapide de colossales fortunes sur la base dela corruption et des détoumements de deniers publicssont des facteurs de blocage des progrès de ladémocratie. Car les hommès s'ils sont égaux sur leplan politique risquent de ne point l'être au niveauéconomique et social.

Or, comme le soulignait K. MARX, "l'argentdonne la liberté à celui qui le possède et en dépouillecelui qui ne le possède pas".

Il reprenait ainsi une idée chère à J.J.ROUSSEAU dans "le Contrat Social". Cela poseincidemment le problème de la sécurité sociale dont la

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permanence sans rapport avec le rendement réel decertaines. catégories socio-professionnelles s~mble

constituer une prime à l'immobilisme et auxcomportements léthargiques.

Il faut aussi modifier les rapports entre lesvilles et la campagne subséquemment à la définitiond'une nouvelle politique de répartition qui ptivilégie leproducteur rural et sauvegarde ses intérêts, au besoin,au détriment des consommateurs urbaina. C'est laseule manière véritable d'inverser les flux de l'exode.rural, de relancer la production agricole et d'arrêterl'urbanisation actuellement rapide, anarchique etchaotique de ]' Afrique.

Parallèlement, il importe de démocratiser laconsommation en cassant la logique du modèleextraverti basé sur les biens de consomm'ationimportés.

Ce qui suppose une réorientation effective de'lapolitique de développement qui met l'accent sur lasatisfaction prioritaire des besoins de base dont lecontenu en importation est minime, favorisant d'unepart la conservation de tout ou partie du surplus etd'autre part la relance de la demande intérieurepermettant la densification du ·tissu de production.L'économie nationale sera mieux consolidée,

Cette nouvelle politique économique pourréussir implique l'élaboration et la mise en oeuvred'une nouvelle· politique sociale qui prenne les formesd'une véritable co-gérance sociale basée sur laconcertation, le dialogue, le consensus, en somme unvéritable partenariat qui rompe d'avec des schémassociaux figés, fondés sur des conceptions archaïques et

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surannées de luttes de classes.C'est à ce niveau que la démocratie oecidentale

doit être améliorée car elle ne comporte pas dedimension 'sociale et ignore superbement, dans sa mi8een œuvre, tout comme dall8 son fonctionnement, lescriantes inégalités économiques. C'est-à-di~ qu'ellene résout pas les conftits des riches trop riches et despauvres trop pauvres. Si en l'Mrique les expériencesdémocratiques en cours ne prennent pas en charge lesindispensables transformations sociales, ellesrisquent de s'enfermer dans des caricaturee de libertéet d'être condamnêes à demeurer étrangères auxpopulations et surtout aux' marginalités urbaines etrurales. En conséquence, elles resteront fragiles etvulnérables tant· qu'elles n'intégreront pas ladimension sociale. '

D'ailleurs la dimension sociale,n'est-el1e pas lamanifestation aigue de l'absence de' démocratie etl'impasse du mal-développement pour reprendrel'expressiVn chère à René Dumont?

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Il. LA DIMENSION INSTITU'I10NNELLE:LA DECENTRALISA'I10N COMPOSANTE

INDISPENSABLE DE LA DEMOCRATISATION

De quelque côté qu'on l'aborde et quel qu'en soitl'éclairage qu'on peut en donner, la crise économiqueet financière en Afrique tient aux iimites du modèle dedévt~loppement, de son mode de génération etd'ab~orptiondes ressources ainsi que de son système degestion institutionnelle. Ce modèle a secrété partout enAfrique, l'Etat bonapariste inadàpté et incapabled'impulser un processus soutenu de croissance etd'expansion. De même, il a précaril'é toutes les autresinstitutions législatives, judiciair(!s et de formationqui ne sont, en dernière inst.ance, que ses dépendances.

Plus généralement, dans quel sens faut-ilrepenser ces institutions afin d'éviter ..Jes dérives etpérenniser la démocratie en Mrique ? '

L'Administration en Afrique n'a pas pujusqu'ici venir à bout de la sous-administration alorsmême que les institutions financières internationalesexigent, dans les conditionnalités des pr<:>grammesd'ajustement, la déflation des effectifs de la fonctionpublique. Il faut dire qu'on a, pendant longtemps, penséqu'il était possible de développer un pays enaugmentant les effectifs des services administratifs eten distribuant des privilèges. C'est cela qui constituela gestion patrimoniale de l'Etat.

Même s'il eziste un certain nombre de créationsbriginales, le mimétisme continue à influencer

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fortement les administrations. Parallèlement, onconstate une r5istance de la soci~ traditionnelle quisemble pre!ldre sa revanche sur· les structuresimportB..Ce conflit dont les termes peuvent et doiventêtre cernés aboutit à la perméabilité locale del'administration en Mrique.

Disons le, de nouveau, notre objectif, dans cetteanalyse n'est pas d'apporter des réponses achevées àdes questions essentielles mais de provoquer uneréflexion pour sensibiliser les pouvoirs publics, lespartis politiques et les opinions publiques africainessur les contradictions et les difficultés qui naissent del'instauration d'une ap'rience de, d~plocratisation

multipartisane. .

Quels seront alors les contours de cettedémocratie? sera-t-elle la pâle copie de ce qui se fait eiOccident ? Ou alors les élites Mricaines feront-ellespreuve d'imagination créatrice en élaborant un modèledémocratique approprié aux réalités sociales et auxautres exigences du développement?

Par ailleurs, les lourds appareilsadministratifs bureaucratisés n'ont pas fait progresserd'un pouce le développement économique et social etont, cependant, paradoxalement accentué lephénomène de la sous- administration.

La sous-administration est trop souvent réduiteà un l'apport arithmétique entre le nombre defonctionnaires et le nombre d'habitants. Elle estparfois déterminée en terme de superficie àadministrer. On a alors recours à des indices, desindicateurs pour l'étude du phénomène administratif

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Ce faisant, l'analyse ne prend pas en compte lesdonnées économiques et, les paramètres socio-culturelsqui entrent nécessairement en jeu dans la définition etdans l'évaluation de la sous-administration. .

Or, l'analyse des mutations qui se produisentsoue l'influence de l'environnement écon~mique etsoeio-culturel prouve l'importance de pareils f~teursdans la formation et la configuration des structu rusadministratives dans les pays africains.

Globalement en Afrique, la sous­administration se manifeste à deux niveaux : celu i desstructures et celui du fonctionnement de l'appareiladministratif lui-même. A bien y réfléchir,l'administration en Mrique apparait comme un outilpour d'autres cieux et d'autres temps avec unespécialisation poussée c'est-à-dire la démultiplicationdes départements ministériels et celle. des bureaux etservices, une stratification et une centralisationparfois excessive qui restreint l'autonomie des grandsservices publics. En ce qui conceme le fonctionnement,la sous-administration apparatt dans la dualité dusystème administratif avec à - côté d'uneadministration générale de type classique uneadministration dite de d,!eloppement.

En plus, de ces tares des appareils s'ajoutentdeux autres: le refus d'adaptation aux réalités locales etl'inadéquation des méthodes. Cette dernière semanifeste généralement sous l'aspect de divers­commandements, de dossiers, de formalités etdémarches pour l'obtention du moindre

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renseignement. cela se traduit par des tracasseriesexcessives, des blocages et divers goulotsd'étranglement qui introduisent et généralisent lacorruption.

Il apparaît alors que l'administration, sous sesformes actuelles, est non seu lement. anti-démocratiquemais elle se révèle incapable de créer une ambiancefavorable aux investissement.s productifs et auxtransformations économiques et sociales.

La première grande réforme qu'il fautentreprendre afin de redonner l'initiative auxpopulations et assurer ainsi leur participation active etconsciente à la construction nationale, concerne l'Etat.Une telle réforme, dans sa conception, doitimpérativement permettre de résoudre le problème duredimensionnement de l'Etat et celui de ladécentralisation administrative et économique c'est àdire, le transfert et l'exercice de pouvoirs détenus pardes autorités centrales à des niveaux plus bas donc plusproches des'réalités locales.

La restructuration de l'Etat qui renvoie à l'idéepoujadiste "d'Etat modeste" passe par la redéfinition durôle de celui-ci dans la nation et son recentrageprogressif sur ses activités traditionnelles que sont ladéfense, la sécurité publique, l'éducation, la santé et lajustice auxquelles il faut ajouter un rôle nouveaud'impulsion et de coordination de l'activitééconomique nationale. Cette réforme n'est donc passynonyme d'un désengagement précipité de lapuissance publique dont la mission régulatrice estindispensable surtout dans cette phase derestructuration économique par les Programmes

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d'Ajustement Structurel qui imposent uhe nouvelledon'ne économique, de nouvelles politiques sectorielleset une modification pr()fond(·~ des structures et· desconditions de production. Dans ce domaine, il imported'entreprendre un train de réformes devant aboutir à :

un Etat dynamique parce que devenu soupledans ses interventions et animé par unpersonnel administratif compétent, motivé etopérationnel;

un Etat efficace car rationalisant tous sest~hoix et recherchant pour un coûtd'intE'rvention déterminé, la meilleureperformance ou de façon duale, la chargeminimale possible ponr un rendement donné ;

. un Etat de plus en plus démocratique dans sesmécanismes de promotion et dans la mise enplace de structures de dialogue et deconcertation avec tous, ceux qui ont la chargede le faire fonctionner ;

- un Etat de moins en moins parasitaire pour lesfinances publiques et surtout mpinS'paralysant pour l'activité économique' cardevenu moins bureaucratiqu~.'

Quant à la réforme administrative amorcée àtravers les réformes territoriales et locales, elle découlede la nécessité de décongestionner l'Etat et devraitarticuler à la fois une grande responsabilisation desc~mmunautés de base, le transfert de l'initiative etl'exercice du pouvoir à la périphérie locale.

La décentralisation s'avère alorsindispensable, non seulement, par le remodel.age

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mstitutionnel qu'elle autorise mais aussi par -lestransformations de la société qu'elle implique avec toutce que cela comporte comme enjeux politiques.

Il faut aujourd'hui approfondir cet acquis afin que ladémocratie ne soit plus confisquée ni par l'élite urbainenumériquement minoritaire ni par les professionnelsde la représentation populaire et qu'elle soit restituée aupeuple son véritable détenteur. Le systèmereprésentatif, que l'on s'efforce laborieusement demettre en place en Afrique connaît une crise latente quile paralyse même dans les démocraties occidentales.Cela se manifeste dans le discrédit des Assembléesparlementaires classiques, dans la dépolitisationprogressive et dans la désyndicalisation au niveau desentreprises privées et publiques. Les militantsdésaffectent en masse les Partis Politiques et lesSyndicats alors que les citoyens dans des proportions deplus en plus grandissantes, en conséquenceinquiétantes, s'abstiennent de participer au vote. SelonClaude JULIEN, le geste leur parait désormaispurement symbolique et vain. Ce processus qui cOllduitau taux élevé d'abstentions dans les différentesélections soulève incidemmant la question de lalégitimi~é des pouvoirs politiques. On voit alorsapparaître de nouvelles formes d'organisation plussouples, collant mieux à la réalité et plus proches de labase sociale. Elles prétendent à un meilleurfonctionnement par rapport aux organisations('lassiques du système représentatif.

Cette crise procède, selon R. GARAUDY, de ladégénérescence des organisations fondées sur leprincipe dualiste de la délégation de pouvoir,!, de

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l'aliénation du pouvoir entre les mains d'un"représentant" au Parlement, dans un Parti ou mêmedans un Syndicat"(l3}.

Il se produit alors ce que TARDIEU appelle latransformation du mandat en métier. Lesreprésentants deviennent progressivement plus

. soucieux de la défense de leur carrière que des intérêtsde leurs mandants et de ceux de la Nation.

En définitive, les liens entre mandatés etmandants se distendent à telle enseigne que le régimereprésentatif finit par ne plus être un régime dereprésentation. Ainsi, note TARDIEU, ce que l'onappelle habituellement la Chambre se transforme en"syndicat professionnel de la professionparlementaire". Dès lors, le système conforte non laliberté des gouvernés, mais la domination desgouvernants qu'il légitime.

Ceux-ci vont alors 'former une élite minoritairepurement politique ou reflétant les intérêts d'uneclasse. La rupture de liens transforme la démocratieen démocratie formelle qui réduit le rôle du citoyensimplement à la désignation de princes sansprérogatives particulières sur eux.

La démocratie africaine, pour avoir une autresignification doit découvrir de nouvelles formules pourque le peuple souverain puisse être représenté par lui·même. Sinon elle sera éternellement confisquée pardes couches sociales minoritaires, des bureaucartiasdites représentatives trop éloignées des préoccupationsdes ,populations.

La décentralistrtion et le transfert du pouvoirréel à la base Peuvent y contribuer.

Comme le voulait TOCQUEVILLE la

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participation directe aux institutions locales devientrécole du citoyen vraiment actif. .

C'est cela qui aplique que les administrationsafricaiJies dans leurs formes mimétiques actuelles nepeuvent pas oeuvrer l un cWveloppem.ent endogène,autonome qui implique pour son animation et sagestion que soit mis en oeuvre une auto­administration. Cette exigence conduit l préciser lecontenu qu'on· entend donner au développementendogène. Il s'agit, selon J. BUGNICOURT(l5) d'undéveloppement autonome, par 1. buts qu'il s'll88igne etplus acCeseible par les moyens qu'il met en oeuvre, uncWveloppement qui vise prioritairement la satisfactiondes besoitlS des couches populaires ainsi que la prise encharge par· celles-ci de leur destin et des chances d'épanouissement donn_ l chaque peuple.

L'auto-développement qui est un moyen dedémocratisation très avancée en ce .qu'elleresponsabilise les acteurs l la base, estparticulièrement décrié et combattu par lesadministrations classiques dont les agentss'enrichissent par le trafic d'influence, lescommissions sur les marchés publics, les circuitsd'import-export et la spéculation immobilière.

.Cette nouvelle administration consisteraitprincipalement en une auto-administration dont leprincipe directeur serait la participation populaireeffective.

En fait, il s'agit d'octroyer aux populations despouvoirs qui jusque Il avaient. été réellement exercéspar le centre de l'adminietration. Il faut évitercependant, l'octroi de pouvoirs fictifs qui favorise le

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développement inco~trôlé de la bureaucratie,incontrôlé parce que cette bureaucratie n'est pasreconnue, qu'elle n'a pas de fonction précisejuridiquement délimitée et qu'elle usurpe une placequi, dans la représentation officielle de la structure estremplie par les populations de base. La participationrevêtirait alors des formes simplement parodiques etdévoyées.

Pour que la participation soit réelle, lespopulations doivent être organiquement associées auxdiscussions, aux décisions. à tous les niveaux, à laformation, à l'exécution, à la gestion, au contrôle et àl'éducation. Il est clair que la décentralisatlon ne peuts'embrayer sur les structures administratives actuelle.Leur mise en oeuvre passe par une modi.fication enprofondeur de toutes les institutions politiques etadministratives fondées sur les habitudes séculairesdu centralisme et de la délégation. Ce sont des organesnouveaux qu'il faut mettre en place avec, des contenusnouveaux permettant à chaque collectivité de prendreen charge au maximum ses propres affaires. Celapas8(: par la solution de trois questions:

• Quelles compétences sont à transférer?. Quels en sont. les bénéficiaires?- Sur quelles ressources compter? Comment

les mobiliser?

Dès lors, il convient de distinguer cetteparticipation populaire du folklore auquel on l'assimiled'ordinaire. C'est pourquoi l'appréciation des diversesformes' de participations populaires doit prendre encompte les conditions économiques des pays, lès

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données sociales et culturelles, les contradictions etdivergences d'intérêt -entre les différentes catégoriessociales intéreséées.

Quoi qu'il en soit, le système administratif etson personnel feront toujours obstacle à ladécentralisation et tenteront d'en vider le contenu?

Comme le note J. BUGNICOURT, les agents del'administration centrale pensent toujours se passerd'un dialogue avec les. communautés à la base. Cefaisant, ils s'interdisent d'avoir accès au système decommunication interne. S'affirmant comme des"spécialistes" se situant dans le système hiérarchiquede la société "moderne", la majorité de ces agents del'administration a très peu de considération pourl'expérience et les connaissances de la population, peude conscience du potentiel de créativité des paysans oubidonvillois et une faible capacité à s'analyser eux­mêmes, dans leurs relations avec les coucheFIpopulaires urbaines ou rurales. Répugnant à vivre à lacampagne, les cadres de la haute administration nepeuvent pas écouter les campagnes et se plier à leurrythme de vie et à leurs modes de pensée et de décision.Ils sont alors incapables d'être au service du monderural.

La participation populaire est d'un apport décisifau triple plan économique, politique et social. D'unpoint de vue économique, l'un des leviers dudéveloppement apparait dans la masse de travail quipeut être rendue possible, si la population agit endirection d'objectifs qu'elle choisit et ratifie, end'autres termes, si elle partage les finalités dudéveloppement. Nous devons avoir présent à l'espritque le développement est l'u tilisation optimale des

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ressources et du temps et qu'il1'E;'lquiert la mobilisationdes bras et des énergies à pa'rtir d'un programmecohérent fondé sur le bien commun. Il s'y ajoute quenombre de réalisations notamment les écoles, lesdispensaires, les routes présentent uri intérêt local etpeuvent être prises en charge à ce niveau, au moment oùles finances publiques sont déficitaires.

C'est dire que la décentralisation apporte desréponses locales aux problèmes de certains besoinssociaux.

Le blocage politique et institutionnel d'unesociété intervient lorsque les citoyens ne se préoccupentplus d'eux-mêmes et ne sont pas concernés par lesdifférentes structures du pouvoir central qu'ilsestiment distantes et impersonnelles. Ladécentralisation brise ces difficultés et renvoie lapréhension et la solution des problèmes au niveaulocal. Pour être réelle et effective, elle doit reposer, audelà de l'autonomie à la base, sur quatre autres idées~eures à savoir que:

la collectivité décentralisée doit avoir lapersonnalité juridique avec tout ce que celacomporte comme conséquence notamment surle contrôle des ressources matérielles ethumaines, un budget autonome et la capacitéd'ester, eD justice ;

-la gestion des, affaires doit être libre ~ quecelles-ci n'empiètent point sur celles de l'Etat

• l'accession à des pouvoirs étendus doit seréaliser par des élections libres ettransparentes ;

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• le contrôle du pouvoir central doit s'exercerdans les limites fIXées par un texte IricLs.

De la sorte, on débarrassera la démocratie deses connotations jaeobines par une revalorisation despouvoirs locaux au détriment du pouvoir central. Ainsiles droits des minorités, leurs différences et leursidentités seront mieux préservés. En conséquence,décentralisation et unité nationale vont s'articuler,l'une ayant toujours besoin de l'autre.

La force, mais aussi sur d'autres aspects, lafaiblesse de la démocratie ~ricaine réside dans latrès forte structuration d'un réseau complexe et densed'associations et de lobbies qui animent la vie locale ~cristallisent les différentS intérêts des individus. Cetteorganisation trop fortement décentralitM§e affaiblitl'Etat central qui est libéré de toute prise en charge descitoyens et ne leur dispense ni secours, ni assistance.

Cette décentralisation administrative doits'accompagner de BOn pendant économique dont ellefavorisera du reste l'émergence, ce qui devraitcontribuer à fixer les populations dans leur terroir,équilibrer le' processus du développement sur le planrégional et limiter l'intervention de l'Etat aux seulesimpulsion et coordination de tout ce mouvement.

Dès lors, liberté et responsabilité vont convergercar des 'citoyens entièrement respoD88bilisés vonttrouver les chemins d'une liberté créatrice et prendreune part très grande dans la détermiDatiOD de leurdestin individuel, comme de· leur destin collectif.

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Le deuzième grand volet de la réformeinstitutionnelle devrait se rapporter, dans la mouvancedémocratique actuelle sur le Continent, àl'im8gination et à la création d'institutibns politiqueset judiciaires plus adaptées au cantate culturel et socialaf'l'icain et qui prantissent, du point de we de leurconception, les sacro-saints principes d'indépendanceet d'équiUbre des pouvoirs.

On remarque ici que la force des démocratiesoccidentales riside d'abord dans la Diise en place et lerenforcement d'un solide pouvoir judiciaired'arbitrage actionné par des magistrats compétents,'claine, véritablement indépendants et disposant desuf1'lsamment d'autorité pour faire respecter la légalitésous, toutes ses formes. De la sorte les citoyens peuventse prendre en charge car Us savent que dèsqu'apparàissent des conf1its entre euz ou entre euz etl'Etat, il aiste des pouvoirs d'arbitrage indépendantset équitables.

En conséquence, la consolidation de ladémocratie en Afrique passera par la mise en placed'une magistrature indépendante vis-à-vis des autrespouvoirs. A dMaut, un réaménagement important desiutitutioDS politiques et judiciaires actuellementezistantes doit être entrepris dans le sens durenforcement des principes sus-énonœs.

Le règlement de' ce problème contribuerauaunment, la maturité des acteurs du jeudémocratique aidant, à ·civiliser· les mœurspolitiques et solutionner incidemment la question du'pouvoir en Afrique et notamment la question del'alternance qui devrait désormais se réaliser par lesUrDes et non plus par des décrets, des tables rondes, la

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-rue ou tout simplement les armes. Car en dernièreanalyse, la qualité d'une démocratie se nlesure par sacapacité à organiser des compétitions électorales,disputées, régulières, équitables et surtouttransparentes. Les élections sont indispensables ettoujours rassurantes pour une démocratie. Cela supposel'élaboration de textes permettant, l'éclosion de lavérité populaire par les urnes et réglant également lesort et les comportements des "recalés du pouvoir".

Cependant, les institutions républicainesdoivent faire l'objet d'une acceptation consensuelleavec des sanctions pour tous les acteurs privés et publicsqui se mettent" hors jeu".

Les expériences des pays européens nousenseignent que la démocratie s'appuie sur unconsensus autour des institutions, ce qui débouche surune société composée d'hommes et de femmes ayantchoisi de vivre ensemble à partir de règles qu'ils sesont mutuellement imposés et qu'ils respectenteffectivement.

Une démocratie dans laquelle tout candidat peuts'auto-proclamer vainqueur ne peut d~boucherque surl'anarchie et le désordre et en définitive sur desdérapages qui signeront son arrêt de mort.

Avec une crise économique et financièrepersistante, les "déçus des élections", surtout s'ilsdeviennent des marchands de haine ou d'illusions,peuvent mobiliser les marginaux et la gangrèneurbaine pour destabiliser l'ordre publ{c et lesinstitutions démocratiques., -

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(:'Aia .. d'abord aptI8I'U daDa les;nholtes cie lafaim qui avaient aaivi les premi~ mesureed'autait' cWcou1aJlt de l'application ~ nombreus......... d'.....t atractarel et euuit. dalla_ aploeioDa eoci.a. du cWbut dM ail'" quatI'e viDItdis qui oa.t 18COU' la plupart des œpltaIM africai....emportant par le biais cie "CoJlMreDc. Natiou1eB"lesNliIDM l parti uDique les plus autocratiques. •

De Rabat l Kluhuha en paMaIlt par Tunia.A1.r. BareN, LuIlÛa. NaIrobi. Niamey, Conakry,LiImwille, Lo_ et Bamako, la jeun... dau toutes.. COIDp088ntes ruralee et urbain., unhenJitairee etHolai..... marginaus et travailleul'S du Heteur'informel,' ete... est sysWmatiquement rentNe enrebellion ooahe les pouvoil'llen plaee.

Les dc5chalnements sociaux ·otJeerWs ont parmoment accroché d'autres acteurs comme lesintellectuels et les travailleurs du secteur del'administration et même certains secteul'll de l'Eglise..

Ces jeunes qui enflamment les rues descapitales au prix de leur vie, s'attaquent aux signesostentatoires des enrichis de8 fonctions publiques ainsiqu'aus aymboles des· in'Piités et de la domibation, setrouvent au carrefour, d'une triple criSe de la 8OCœ~ de ~

l'anomie et cie 1'~Cette l'n'ration des ind'pendance8 n'a connu

ni les affl'88 de la colonisation, ni l'iniquit4§ desi_titutions anWrieutee. lIeUleDient, elle est tenue lI~art de la soci'W par le ch6mage et plusieurs"privations dans une soci'W de d'monstràtion deconsommation.des minorit'_ privilégi'es par lafortune.

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Elle cumule des frustrations et des angoissesface à un avenir incertain. Même le diplôme ne leurouvre plus un accès à un travail formel. Dans un telcontexte, la jeunesse ne "perd rien que ses chain." endéclenchant des luttes insurrectionnelles souventsoutenues par une classe ouvrière exténuée et unepaysannerie totalement ruinée et en mendicité.

Ce mouvement populaire s'insurge contre l'ordresocial établi et s'organise pour le renverser en vue delui substituer un autre qui puisl;le leur assurerl'insertion dans la vie économique et sociale, laréaHsation d'une égalité de chance, la juste répartitiondes fruits du travail social et une croissance plusharmonisée entre les différentes régions et lesdifférentes ethnies.

Ce mouvement populaire revendique aussi demeilleures conditions de vie et de travail, de meilleurscadres culturels ce qui appelle la réforme du contenudes enseignements, de l'Elémentaire à l'Université,l'avènement de l'éducation permanente et de masseainsi que le développement des équipements collectifs.

Sans doute, les populations qui se soulèvent veulent laliquidation de leur classe dirigeante qui a conduit lepays à la faillite économique et sociale et qui a érigé lagabégie et la corruption en système de gouvernement,mais plus concrètement, elles attendent de ladémocratie l'affirmation et la mise en œuvre effectiveet efficiente de certains droits économiques et sociauxtels que le droit au travail, à la santé, à l'éducation etaux loisirs.

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Cependant, ces différentes luttes politiquesautour de plateformes revendicatives pertinentes,parfois très clairement formulées, ont été souventréèupérées par les politiciens professionnels manipulésde l'extérieur ou par les nouveaux acteurs politiquesinexpérimentés et sans programme de rechange.

C'est cela qui explique que l'on a rarement vUdes leaders politiques sortir des masses et prendre latête des manifestations en leur imprimant des objeètifset des orientations précises. Ils sont venus souvent del'extérieur et ont préféré négocier avec les pouvoirs enplace une sorte de transition démocratique avec ungouvernement intérimaire. Dans ce contexte, ladémocratie acquise de haute lutte est transformée ensimple circulation et cooptation des élites dans lesdifférents rouages du pouvoir et en partage desresponsabilités politiques.'

De pareilles situations, mainte fois. observéessur la scène politique africaine, devraient conduire leschercheurs et lès politiques à être attentifs audéferlement actuel des Conférences nationales ditessouveraines, dans l'aire francophone d'Afrique del'Ou.est.

E~ dernière analyse, ces conférences ne Aont"ni révolution, ,ni gadget" (Jeune Afrique) maisconstituent des actes éminemment politiques surlesquels il importe d'observer une attitude lucide etcritique.

Incontestablement et dans certainescirconstances, les Conférences Nationales peuvent êtreun passage politique salutaire et positif: C'estnotamment le cas lorsqu'elles préparent un consensussur les institutions démocratiques, leur contenu et leur

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mode de fonctionnement, sur l'organisation d'électionstransparentes et équitables et sur les fonctions dévoluesaux Partis politiques. Mais en dehors de cesprérogatives, les conférences nationales peuvent êtrepréjudiciables au développement et à la démocratie.En effet, la démocratie c'est essentiellementl'organisation d'élections crédibles, donc laconsultation régulière du peuple source unique de lasouveraineté. Or, ce principe universel est souventcontourné au profit de forums, d'organisations etd'individualités parlant et agissant au nom d'un peuplequi n'a jamais été préalablement consulté. Cecontournement du suffrage universel par les prétendusreprésentants du peuple peut conduire à des antécédentsgraves et susceptibles de provoquer une instabilitépolitique permanente du fait de la mise en accusationpossible de n'importe quel régime. Le Continent courtalors le risque d'être le champ clos de luttes internespour le pouvoir, de rivalités entre les différentesfractions de l'élite. La politique politicienne va alorss'installer au préjudice du développement et de ladémocratie. Si l'on n'y prend pas garde, ces aspects duprocessus de démocratisation finiront par bloquer ànouveau le système Politique, car les libertés acquisesmême de très haute lutte ne règlent aucune desquestions majeures soulevées par les plate-formesrevendicatives des populations désespérées.

Celles-ci reprendront alors les chemins de lacontestation de masse contre les nouveaux régimesfratchement et parfois très laborieusement mis enplace.N'est ce pas là une révélation de la difficulté decontruire la démocratie politique sur un fond de criseéconomique et sociale.

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In. LA DIMENSION SOCIALE DANS LEPROCESSUS I)E DEMOCRAl1SA110N

La plupart d~ économistes ont souventprivilégié l'économique sur le social et ont de faitconfondu la fin avec les moyens. Or, on sait depuis fortlongtemps que l'économie est au service de l'homme etnon l'inverse.Il n'existe pas d'efficacité collectivesans mobilisation individuelle. Or, celle-ci ne peut seréaliser en l'absence de justice sociale. Dès 101'8, unepensée sociale s'avère absolument indispensable à ladémocratie surtout dans des sociétés accusant un retarddes forces productives et condamnées à 'opérer destransformations décisives de leur système économiquemoyennant une longue période d'austérité et desacrifiee. Dans pareil contexte, les fondements de ladémocratie relèvent plus du contrat social que desengagements à résoudre telle ou ,'telle revendicationmême justifiée.

Une des conséquen~ des bOuleversementspolitiques et économiqueS contemporains réside daD,$la nouvelle révolution sociale qui, progressivement,~'empare de l'ensemble dès nations.

Dans un monde quasimentetl état de guerreéconomique. il y a de moins en moins de place pour lesrapports BOe_X basés8\lr les vieux principes de la luttede classes et du· radicalisme syndical. L'entreprise estdevenue l'otage d'un environnement 4conomiquecaraçtér. par l'exacerbation de la collCU~ce et oùce que .Ie patrcm ppe n'. plus forcément·pèrdu par letravailleur. Car, il faut en permanence, investir,innover et garder l'initiative sur le marché pour

.; lJ8uvegarder les emplois.

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Le Japon nous donne une parfaite illustration del'alternative apportée à la crise du travail découlantelle-même d'une double crise de l'Etat providence et dufordisme. Cette alternative consiste à réorganiser dansune direction consensuelle les relations de travail ausein de l'entreprise et à reformuler les termes de laproblématique salaire-productivité-partage des gainsentre capital et travail. Lionel STOLERU soulignedans ce sens les propos fabuleux de KONOSUKAMATSUSHITA devant des industriels occidentaux:"nous allons gagner et l'Occident industriel va perdre: vous n'y pouvez pas grand-chose, parce que c'est envous-même que vous portez votre propre défaite.

Vos organisations sont tayloriennes, mais lepire, c'est que vos têtes le sont aussi. Vous êtestotalement persuadés de faire bien fonctionner vosentreprises en distinguant d'un côté les chefs, del'autre les exécutants. D'un côté ceux qui pensent del'autre ceux qui vissent.

Pour vous le m~nagement c'est l'art de fairepasser convenablement les idées des patrons dans lesmains des manoeuvres. Nous, nous sommes post­tayloriens. Nous savons que le business est devenu sicompliqué, si difficile et la survie d'une firme siproblématique dans un environnement de plus en plusdangereux, inattendu et compétitif, qu'une entreprisedoit chaque jour mobiliser toute l'intelligence de touspour avoir la chance de s'en tirer...

Nous savons que l'intelligence de quelquestechnocrates .si brillants soient-ils est dorénavanttotalement insuffisante pour relever les défIS.

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Seule l'intelligence de tous ses membres peutpermettre à une entreprise d'affronter les turbulences etles exigences de son nouv~l enyironnement. C'est pourcela que nos grandes sociétés donnent trois ou quatrefois plus de formation à tout leur personnel que ne lefont les vôtres. C'est pour cela qu'elles entretiennent enleur sein un dialogue et une communication si denses,qu'elles sollicitent sans cesse des suggestions de tous etsurtout qu'elIes demandent· en amont· au système.éducatif national de leur préparer toujours plus debacheliers, de généralistes éclairés et cultivés, terreauindispensable à une industrie qui doit se nourrird'intelligence permanente. Vos "patrons sociaux",souvent des gens de bonne volon~, croient qu'il fautdéfendre l'homme dans l'entreprise.

Réalistes, nous pensons à l'inverse qu'il fautfaire défendre l'entreprise par l'homme et que celIe-cileur rendra au centuple ce qu'ils auront donné. Cefaisant, nous finissons par être plus "sociaux" que vous(26).

Cependant, .il faut bien comprendre que ce quiest en cause ce n'est pas simplement undisfonctionnement dans l'organisation des rapports ausein des entreprises, mais il s'agit plus profond'mentd'une crise de travail à laquelle il faut trouver dessolutions proprement africaines donc adaptées à .l'environnement humain et culturel.

Une telle hyper-eompétition économique, tout enaceélérant le progrès technique et l'amélioration duniv8A.u de vie, n'a pas manquéparadoulement defragiliser socialement les travailleurs.

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Les économistes ont consacré et traduit cet étatde rait par un barbarisme terrirlant : la flexibilité.L'Afrique, qui est partie intégrante de ce mouvementmondial, ne saurait se marginaliser, car lacompétition économique contemporaine est globale,mondiale et tendanciellement uniformisante.

Pour faire aboutir le train de réformeséconomiques, politiques et institutionnelles et survivredans la jungle économique d'aujourd'hui, les EtatsAfricains devront élaborer des chartes socialesnationales basées sur les principes directeurs ci-aprils :

• une confiance réciproque entre patronat etsyndicats ;

- un plus grand réalisme de part et d'autre;- une volonté farouche de l'entreprise (patron et

employé) d'amélioration continue des gainsde productivité ;

- une sécurité sociale consensuelle, variable etmodulable en fonction des spécificités dusecteur d'activités et des vicissitudes del'environnement' de l'unité de production.

C'est une manière de repenser les anciennesformes du syndicalisme trop défensif qui formulentplus de refus que de propositions. Avec de tellesorientations, les syndicats participeraient mieux ~

l'amélioration de la capacité concurrentielle del'entreprise, ce qui obligerait tous les partenaires à. uneffort de réorganisation du travail et de répartition pluséquitable des surplus. Par ailleurs, dans un telcontexte, les travailleurs disposeront des" espacesgrandissants de libertés collectives et pourront jouerdes rôles plus déterminants dans la vie sociale.

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Au plus fort de la crise du système économiquemondial dans ses deux pôles capitalistes et socialistes;les pays industriels ayant pratiqué ce partenariatsocial ont fait preuve d'une remarquable stabilité etconnu une croissance régulière et harmonieuse.

Les trois formules de la social-démocratie : laco-gestion (en Allemagne et en Australie), le modèlecontractuel avec la généralisation de la négociationcollective (Suède) et la participation syndicale, ontpermis à ces pays de réaliser, dans les années derécession, une forte croissance économique et uneamélioration permanente du niveau de vie de toutes lescatégories de travailleurs.

Tant au plan institutionnel, économique quesocial, les développements précédents indiquentclairement les voies qu'il importe d'explorer poursortir rapidement des monologu~s parallèles et stériles,de l'anathème érigé en discours politiques ainsi que dela guerre politicienne larvée qui détournent desproblèmes essentiels et entravent à la fois ledéveloppement de l'économie et de la démocratie.

Sur le plan des acquis, il est indéniable que ladémocratie politique à travers ses composantesessentielles a été continûment renforcée,et élargie enAfrique avec la généralisation du multipartisme etl'instauration d'une presse libre.

Ainsi, dans le domaine des libertés (politique,religieuse, syndicale, de presse, d'association) ou danscelui de l'organisation régulière et transparente deconsultations électorales -(municipales, législatives ouprésidentielles), l'Afrique doit réaliser des progrèsnotables qu'il faut consolider et élargir.

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Ce qui passe par quatre élément."i au moins:la revue de çertaines institutions dans le sensd 'u ne meilleu re décen tralisationsystématique et totale, d'un meilleurfonctionnement du système central et d'uneadaptation permanente à l'environnementsocio-politique en mutation constante;

le développement de l'esprit civique etl'élevation continue de la conscience politiquedes populations ainsi que la réunion desconditions d'un consensus minimal entre lesdifférentes familles politiques sur les règlesdu jeu démocratique;

le renforcement de la démocratisation de lavie économique par une plus largeparticipation et intéressement des différentescouches de la population;

la consolidation de la démocratie sociale àtravers une plus grande justice sociale, unepolitique de répartition plus équilibrée et lamise en œuvre d'un système souple et peucoûteux de résorption des marginaux sociauxgénérés par le niveau de développementactuellement insuffisant.

Tout ceci est possible dans le cadre d'une largeconcert.ation nationale, franche et loyale où lesectarisme, l'anathème et l'invective gratuite doiventcéder la place à la courtoisie, à l'accr~ptation mutuelleainsi qu'à la concertation permanente érigée ensystème dé gestion du pluralisme politique.

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Cependant, il est indispensable d'éclairer ce dialogueen élimins,nt toutes les zones d'ombre qui favorisent lapréservation des privilèges et des inégalités etempêchent toute confrontation transparente dessituations.

Au tobl, nous pouvons retenir que la démocratieconsidérée comme le meilleur des systèmes politiques(ou à tout le moins, comme le moins mauvais dessystèmes) n'est jamais définitivement acquise et ce,même dans les pays très avancés et plus anciens en lamatière. Cela tient au caractère fragile qui lui estconsubstantiel et qui nécessite un équilibre de tous lesinstants entre la liberté et l'égalité.

La profondeur et l'ampleur de la crise enAfrique montre l'existence de multiples facteurs dedésordre comme la désintégration de la société rurale,la montée de la paupérisation et de la misère, les fortesinégalités et l'urbanisation chaotique et explosive. Deplus, la démographie galopante jointe àl'appauvrissement progressif créeront toujours lesconditions d'une explosion sociale.

Ces éléments sont - caractéristiques d'uneparalysie économique, politique et administrative,donc d'un blocage de la :société minée par de multiplescontradictions pouvant conduire dès le moindre déclicà l'implosion sociale.

Face à celle-ci, les Etats D"" disposent souventd'aucune solution à court terme, alors ils choisissent lechemin le plus facile poUT eux : la répression au nomde. l'ordre et de la stabilité. Par conséquent, cette quêtedémocratique perpétuelle, pour être pérenne, doit sedonner les moyens de sa défense permanente.

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Or, en Mrique, elle court deux risques DUVeurs :• un premier risque de blocage de la société du

fait de l'incompréhension mutuelle, del'agitation perpétuelle, des monologuesparallèles et stérilisants, de la tendance àl'affrontement permanent et enfin du poseibleréveil, dans certains pays, des velléités ethno­tribalistes ;

- ensuite, un risque d'exploitation pernicieusedes divers handicaps sociaux et frustrationsressentis par les populations du fait del'insufrlsance du niveau de développement despays africains ainsi que de la, criseéconomique et sociale qui perdure. '

Il faut espérer qu.e les forces politiques aupouvoir ne s'en tiennent pas qu'à des dissertationslénifiantes et parfois brillantes sur la démocratie et leslibertés tout en se gardant de secouer copieusement lesinstitutions, les comportements et la culture de partiunique.

On serait alors en présence d'une démocratied'apparence qui se réduirait pour l'essentiel à unformalisme qui ne règle rien politiquement,économiquement et socialement. On retombe alorsdans les déclarations de politiciens qui correspondentrarement à leurs pratiques sociales.

Il faut aussi espérer que l'opposition ne sespécialise dans l'activation des braises et des tensionssociales, ne dise "non" à tout et ne finisse par porter desatteintes graves à l'ordre et à la stabilité desinstitutions. Elle risquerait alors de se discréditer etd'estropier la démocratie qui est un système danslequel la politique ne saurait se réduire à des propos de

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perre civile même verbale,~ à l'organisation dela compétition des réponses auz problèmes de tousordres qui se posent auz populatioDB et à la nation.

Pour régler tous ces problèmes et éviter cesriBques de ~rapage, il faut impé~tivementrechercherun consensus minimal sur le fonctionnement duPr0ceB8uS d'mocratique. Ceci est possible et peutfavoriser l''mergence d'une d'mocratie viable, si le!acteun de la scène politique retrouyent le chemin et lesvertus d'un dialogue serein, sincère et fkond afind'êviter de devoir se battre un jour le dos au mur.

A l'khelle mondiale, la s~'rit' des crl8eskonomiques, financières et inilitaires, les dangers

.qu'ellee font courrir à l'humanit' toute entière aimPJ&', un peu partout, une logique de concertation et decoopération.

Face auz incertitudes, les responsablespolitiques comprennent, qu'il faut coJÜuguer les effortspour agir ensemble ou pMir. Les confrontations et lesoppositions irréductibles reculent pour faire place,progressivement; à la collaboration. On red'c.ouvrel'id_ de A. GRAMSCI de la formation d'une volont'collective nationale populaire qui se matérialise parlaconstitution d'une majorit' politique qui d'passe lescUvages soeiauz traiditionne1s et la dkomposition dela soeœt' civile.

Lee id~logies du consensus deviellllent alorsindispensables aujourd'hui surtout pour les socl'tMafricaP18s confrontB à des problèmes konomiques,Politiques, ethniques et tribauz assez aigus. .L8.....-oc_t'politique y est eztrêmement atomiHe et l'alternanceinstitutio]Jnel1e difficilement réalisable.

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Les oppositions des élites, que la démocratiefavorise, risquent d'immobiliser et de bloquer la sociétédans des conftitsstmiles de conCl'lête du pouvoir.

Il en Nsultera une fragilisation de l'Etat et uneinstabilité politique préjudiciable è. la fois audmloppement et è. la démocratie.

Dès lors, il devient impérieux de développer desprogrammes politiques consensuels, mobilisateurspour l'ensemble, ou du moins la majorité, du corpssocial.

En effet, les africains se trouventsimultanément confrontés à un double défi :

- d'une part celui de construire et d'approfondirla démocratie sur un arrière-fond de criset§conomique et sociale d'une ampleur et d'uneprofondeur exceptionnelles et pour laquelle, ilfaut bien admettre que les solutions ne sont pasencore légions ;d'autre part et parallèlement, l'important défide mobilisation effective de toutes les forcesvives intérieures en vue de réaliser lesobjectifs de d"'eloppement et de consolidationde l'unité nationale parfois dans desenvironnements hostiles.

Sous ce double rapport, il s'impose deréactualiser les termes de la problématique duConsensus national et d'en indiquer le pourquoi et lecomment de façon è. ce que, par-delà les violencespolitiques, la crispation ambiante, voire même unecertaine inertie, il puisse se dégager les conditionsd'une vaste concertation permettant de passer del'anathème au dialogue, des querelles partisanesstériles et autres monologues parallèles à une large

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union pour affronter toutes 1. dift'icultâ et mettre 1.pey8 au travail dans la paix, la concorde et la stabilit'.Bien str, il ne faut p88 perdre de we que 1. soci'téJsont animées par d. idées plurien., des d'batscontradictoires et des propositions de r'ponsesdift'mentee auz préoccupations d. peuples. Cee cont1itssont, à la llmite"indispensables et·· empêchent lascl'roee et l'immobilisme.

Seulement le débI,lt politique risque de manquerde hauteur et ~ Se polariser ezclusivement sur lasituation sociale cWgracIêe, les malaises et de cWJouchersur lé blocage de la soc~ ou la réBur88Jlce de tensionscWMquilibrantee pouvant mener au chace. La liberté et·latolénmêe ne sont p88 toujours 'aalement paria..par les acteurs du jeu politique.

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QUELS SONTALORSLUJ~DU CON8EN8U8?

Dans la vie de jeunes nations, la question del'unité dans les périodes décisives de fracture, derupture, de doute et d'incertitude revêt une importancecapitale qui appelle un traitement à la fois cohérent,rigoureux et approprié. C'est pourquoi nous ne noueattarderons pas sur les interminables tirades d'auto­satisfaction de certains acteurs de la scène politique,les homélies réellement ennuyeuses et les polémiquesstériles qui jettent les vrais problèmes aux orties, auprofit de mots et slogans creux qui, ignorant la naturedes enjeux, ne font pas avancer d'un iota le débat"démocratie et développement" dans les sociétésafricaines en crise.

Tout d'abord, il faudrait se convaincre qu'enpolitique, la meilleure attitude réside dans une correcteappréciation permanente des nécessités de l'heure, desenjeux et des situations afin d'éviter d'avoir à setromper de com~t, d'adversaire et surtout d'époque.

De même, en démocratie, ·la pratique politiquene saurait se résumer, à des confrontations mêmesverbales, encore moins à l'entretien de tensionsfrénétiques permanentes conduisant in~,x01'ablem.entàl'affaiblissement progressif de la nation, à l'éveil desconvoitises de tous ordres, à la démoralisation ainsiqu'à la démobilisation d~importantes frimges de lasociété civile.

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Or à l'heure actuelle, le Continent réunit tousles éléments d'implosion et d'instabilité.Pour arrêter la marche vers ces catastrophes multiples

et enrayer la double destabilisation rampante, lepremier réflexe de toute la classe politique devraitconsister à rechercher en toute loyauté des formulesconsensuelles et unitaires d'organisation de la paixcivile et de préservation des fondements encorefragiles de l'unité nationale.

De toute façon, lorsque la patrie est en danger, lapolitique et la démocratie risquent de deven ir sansobjet. Il importe par conséquent de rechercher, defocaliser et d'entretenir une volonté politique unitaire,même conjoncturelle, pour faire émerger et durer unélan d'action collective face à une situation admise partous comme alarmante et socialement grave.

Dans ce contexte, il devient souhaitable que lesforces politiques composent en vue de faire faceensemble à tous les problèmes, de consolider et mêmed'approfondir la démocratie afin de se mobiliser poursortir de la crise sous toutes ses formes. Les politiquesde rigueur qu'impose la sortie d'une situation de plusen plus alarmante ne peuvent se gérer par décret maispar consensus.

Le consensus devient alors une sorte d'ententeentre des partenaires totalement libres qui ne font pasmystère de leurs divergences, qui maintiennent leurllbertéd'orpnisation et de pensée mais qui,en raisondeS circonstances particulières, conjuguent leurspositions pour gérer une politique alternativecommune.

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Comme on le Sait, la juxtllposition d'intérêtsconflictuels est toujours lourde de ~nséquenceset depérils en tous genres, car génératrice d'enfermementset d'incompréhensions mutuelles pouvant débouchersur des affrontements préjudiciables à la fois auprocessus démocratique interne, à la survie externe dela nation et à la relance économique. Or, la résorptiondu sous-développement et la résolution des problèmescomplexes impliqués dans la crise ne peuvent se faireque dans la stabilité et l'unité des forces vives de lanation. Il faut par conséquent en prendre pleinementconscience, mesurer.. les enjeux à leur juste valeur etagir collectivement.C'est dire donc que le consensus national, quelle qu'ensoit la nécessité ou l'urgence, est vide de sens,totalement abstrait et sans portée, s'il n'est pas rapportéà des objectifs, secteurs ou programmes, bref à desfinalités..Pour cela, nous essayerens d'indiquer dansle deuxième point le comment de',ce consensus auregard des données objectives qui caractérisent lasituation des pays africains.

Le consensus national de par la charge ~ectiveet politique qui lui est consubstantielle, demeure unenotion très controversée dans sa significationintrinsèque et très différemment interprétée dans soncontenu : états généraux de la politique? Coalition detoutes les formations politiques ? Table ronde ouConférences Nationales? Détermination d'une plate­forme unitaire d'action ponctuelle? Constitution d'ungouvernement d'Union nationale,... Qu'importe, lesformes sont.variables, mais c'est la finalité qui estdéterminan.te et devrait déboucher sur une volontécollective, national\:! et populaire.

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En réalité, l'expérience récente a montréqu'aucune formule, ausSi spectaculaire fftt--elle, ne ~suffit à elle-même p<)J,lr amorcer irréversiblement leprocessus d'union nationale. en vue de faire face auxdéfis qui assaillent un pays dans une conjoncturemondiale complexe et en pleine restructuration. IleOlivient alors d'expliciter la pédagogie de la stratégieconsensuelle, ses formes, ses exigences aux plansindividuel et collectif ainsi que ses implicationssurtOut politiques et sociales.

Dans cette perspective, il importe tout d'abord denoter que l'émergence de l'expression d'une volontécollective consciente et déterminée pour assumer lasituation nationale difficile actuelle, susciter ~t

entretenir un élan réfléchi, tendu dans une luttecommune de résistance, d'auto-conservation, face à lataille des crises et à l'implacable cruau té desproblèmes, implique la recherche constante des moyensles plus appropriés de préservation, de consolidation etd'extension des acquis.

Cette démarche, pour être viable, doit s'appuyersur les attributs essentiels que sont: le civisme, lenationalisme, le patriotisme, la compétence, ladisponibilité et l'engagement.

Ensuite, il faut définitivement se convaincreque la mobilisation nationale autour d'objectifsclairement définis et consensuel1ement approuv~s

exige l'acceptation d'importants efforts et sacrifices entous genres. Car la mise en œuvre d'une telle stratégiecommande de compter prioritairement sur ses propresforces pour réunir tous les moyens d'une resistance

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interne et externe autour d'un programme réftéchietcohérent qui appelle l'adhésion populaire mais surtoutcelle des couches, sur lesquelles portera la plus grandepart des sacrifices. Il faut souligner très clairementque le premier moyen d'établir cet esprit de sacrifice,d'austérité, de mobilisation et de solidarité est des'attaquer très courageusement aux privilèges etgaspillages propres aux régimes africains, de réduirede façon drastique le train de vie de l'Etat et des élitesdu pouvoir. Si on réussit à mettre fin aux pspillages etaux consommations de luxe des couches dirigeantesqui ont la responsabilité d'introduire plus derationalité dans la gestion économique et financière,nous réaliserons des économies substantielles serontréalisées. D'ailleurs en Afrique, le problème majeurde l'accumulation est à la fois une réappropriationinterne et une réall0c8tion productive du surplus.

C'est d'ailleurs là le meilleur test de lagrandeur et de. la maturi~ d'un peuple. Du reste, tousles peuples qui ont vaincu les contraintes de tous ordressur les plans interne. et externe, ont dominé la nature,fait reculer les ftéaux sociaux et préservé durablementleur indépendance, leur intégrité territoriale ainsi queleur dignité, ont dft consetttir de lourds sacrifices etobserver" dans le cadre d'Une large union de surviecollective, une discipline librement consentie. A cetégard, l'Europe Oceidentale, les Etats-Unis, la Chine etsu~tout le Japon offrent de parfaites illustrations depays ayant vaincu le sous-développement, les crises,les guerres et les calamités de toutes .sortes à partir d'un."contrat" social national collectivèmAnt accepté etassumé.

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L'histoire a bien retenu les oompromis des blocssociaux, les programmes c:ommuns dans;les situationSde criee en Europe Occidentale.

Sur le plan programmatique et de façon plusconcrète, quelques centres d'intérêts majeurs peuventdéjà cod.stituer, au regard du contexte actuel, les axescentraux d'une plate-forme minimale d'actionconsensuelle. à savoir: la nécessité de retrouverrapidement les vertus du dialogue, ce qui passe parl'ouverture d'une concertation nationale formelle ouinformelle, mais véritable et sincère sur l'ensembledes problèmes qui agitent les pays et ceci,dans un eSpritde tolérance appuyé sur une volonté clairementaffirmée d'agir et de travailler ensemble.

Dans cette optique, l'objectif majeur consiste,sur la base de la confrontation des positions, à dégagerdes convergences essentielles qui enjambent lesdivergences et oppositjons traditionnelles et mobilisénttous les acteurs au service des intérêts supérieurs deleur pays.

Sur le plaltpratique, ces convergencesdevraient, à très court termë, favoriser l'union de toutesles forces vives de la nation autour de problèmescommuns et importants comme : les menaces etvélléités de destabilisation interne, la moptée del'insécurité.

Cette première étape devrait, dans le cadre del'apprentissage et de l'approfondissement du dialoguedémocratique, déboucher à court ou moyen terme sur undeuxième niveau de convergences autour des sujetsaussi essentiéls que :

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-les velléités sécessionnistes et les risques de remiseen cause de l'unité nationale par des minoritésethniques, culturelles et religieuses;-la politique économique et les programmesd'austérité et de rigueur qu'appelle la sortie de crise;- les problèmes de la jeunesse et ceux liés à ladéfaillance des systèmes éducatifs et de formation.

Le premier point est aujourd'hui essentiel pourl'Afrique où la démocratie a éveillé tous les vieuxdémons du tribalisme, du régionalisme et del'ethnicité. Chaque Etat a ses minorités. D'ailleurs, ilsn'en ont pas le monopole quand on sait quel'Angleterre, reine de la démocratie, flambe sous lesfeux de revendications d'identités culturelles etreligieuses, que la France, que l'Espagne sontconfrontées à ,des problèmes identiques maispudiquement baptisés de nationalités, que les Balkansrééc1atent sous la poussée d'un nationalisme d'essenceethno-tribale et enfin que l'Union Soviétique sedésagrège complètement avec la proclamation del'indépendance des "Soviets de nationalité" (Russie,Pays Baltes, Ukraine etc... ). Ce sont ces foyers detension, d'instabilité qu'il faut consensuellementéteindre dans la quasi totalité des pays africains.

Cette dynamique devrait déboucher, à moyenterme, sur la définition et l'élaboration concertées destructures, d'instruments et d'appareils institutionnelsde gestion du consensus. Ce dernier ne devant laisseren marge aucune formation !?ignificative désirant yadhérer, ni non plus étouffer aucune sensibilitépolitique; il faudra lui trouver des structures et autresleviers institutionnels de mise en œuvre à la foissouples et rigoureux et traduisant son caractère de libre

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alliance en VIlle de faciliter le Nglement d'mocratiquedes conflits éventuels pouvant nattre entre lesdlft'érents partenaires.

Cela est possible et renvoie à l'élaboration etl'adoption de Chat'te Nationale de ,la Démocratie, dansune vision consensuelle car sans un consensus sociallarge, il n' y aura pas de stabilité indispensable audéveloppement.

Une telle perspective offre parallèlement laconstitution d'un front politique national uni capablede faire efficacement face à tous les défis dudéveloppement et de la croissance.

La crédibilité et la respectabilité exttb'ieure del'Afrique en seront positivement affectées, la paixcivile et sociale ainsi que la stabilité inteme serontrétablies et les africains pourront alors se remettre autravail en restant irréversiblement tendus vers JedéveJoppement. Il apparaJt alors que les politiques deconsensus permettent de régler le sort des politiciensabsorbés en permanence à résoudre les querellespoliticiennes et de sécuriser et surtout-atabiUser le fronteoeial rendant ainsi possible la mobilisation pour ledéveloppement.

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CONCLUSIONDans une analyse pénétrante et très lucide,

Samir AMIN observe que "la campagne oJ'Chestrée parl'Occident sur la démocratie mot l'accent sur certains·aspects du problème et néglige les autres. Par exemple,elle place un signe d'égalité entre multipartismepolitique et démocratie... La démocratie au sein duParti, sa séparation de l'Etat, la distinction claire entreEtat et Société civile, l'ouverture du Parti et desOrganisations sociales (syndicats réellementindépendants, coopératives paysannes, etc) au débat et àla confrontation sont ici les réformes nécessaires queles faux amis occidentaux des peuples du Tiers-monderefuseront de porter au crédit de la démocratie"...

Dans cette Afrique ruinée, en failliteéconomique et financiére, la démocratie occidentaleest-elle le modèle idéal qu'il faut appliquer? Il est bienconnu que ce système démocratique repose sur desinstitutions solides, des Etats de droit forts, des

, traditions administratives millénaires et qui desurcrott bénéficie d'une prospérité économiqu, quipermet de trouver des solutions aux crises sociales.

Par ailleurs, les structures sociales sontrelativement stabilsées, les conflits majeurs decaractère éthnique, tribal ou relgieux sontdéf'"mitivement réglés ou en voie de l'être.

Au regard de toutes ces caractéristiques, cette·'démocratie ne risque-t-elle pas d'être un pur produit:d'importation indigeste? Ou alors d'être une greffe malacceptée donc condamnée au rejet ? .

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Dans ces conditions, il revient aux intellectuelset chercheurs africains de creuser davantage l'anàlyseet de trouver les réponses convenables à ces questions età bien d'autres soulevées' par le couple démocratie etdéveloppement.

Leurs succès seront fonction de la réunion dedeux conditions: la première est que le système externeet ses institutions, le système interne et ses politiques,leur laissent la liberté, selon le mot de Basile L.GUISSOU, de penser nos propl'éS problèmes, avec nospropres têtes et proposer nos propres solutions. Laseconde est que ces intellectuels et chercheurs observentà leur tour, la même attitude démocratique en restituantaux peuples la responsabilité de leur développementselon leurs propres lignes.

Au terme de cette analyse, il faut se convaincreque l'Afrique, pour sortir de la crise généraliséesouvent réduite, malheureusement 'à sa dimensionéconomique et sociale spectaculaire, a besoin dé créer etde maîtriser toutes les conditions, favorables audéveloppement et à la croissance. Tant que les pays nesont pas sortis de la famine et de la misére, ladémocratie ne sera point irréversible,

'Pour cela, des politiques nouvelles deviennentincontournables et devraient affecter aussi bienl'évolution économique et sociale que la vie politique;Elles passent par de$ mesures rigoureuses et sévèresaux conséquences imprévisibles comme le changementde modèle de développement et d'accumulation, larestructuration en profondeur des systèmes productifs,la réorientation des politiques sectorielles, la réductiondes inégalités trop criantes et l'instauration deconditions d'une égalité de chances pour tous, ia

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compression du train de vie de l'Etat et de l'élite dupouvoir pour le ramener au niveau des ressourcesdisponibles,' l'éradication, la diminution desgaspil1ages,la réalisation de l'unité et de la cohésionnationale. Le succès de telles politiques est fonction dela mobilisation des populations et plus particulièrementde leur acceptation des mutations.

Dans ce contexte d'inévitables contraintes detous ordres vont peser sur l'ensemble du corps social. Ilfaut alors sa~oir quel est le régime démocratique leplus approprié à pareille situation. Faut-il sacrifier leslibertés individuelles sur l'autel du développementéconomique et social ? En effet, la sortie de crise et lamodernisation des économies africaines, l'austérité etles mutations que cela implique, vont démultiplier lesmécontentements et les sources de tension. Commentgérer pareille situation ?

Les intellectuels d'Mrique doivent apprécierlucidement et objectivement les risques que nous

-encourons et évaluer toutes les conséquences qui s'yrattàchent .

Par nos recherches et nos controverses, nousdevons inventer de meilleurs instruments et modèlesd'une gestion démocratique en parfaite harmonie avecnos structures sociales et toutes nos exigences dedéveloppement. Nous avons voulu résister aumimétisme stérilisant et aux pratiques corrosives pourproposer, par delà les multiples divergences des classes.i.Jolitiques africaines, les voies et moyens pourtravailler ensemble au redressement de notreContinent.

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Dans cette direction, nous faisons volontiersnôtres les propos, fort pertinents de François BILLOUXlorsqu'il observait que "si son Parti avait pris desinitiatives dans le Front Populaire, c'est parce qu'il nes'était pas borné à répéter des formules apprises, àpuiser dans la théorie des schémas tout prêts et às'efforcer de les appliquer".

En vérité, ses camarades se sont au contraire,dans le cadre du Front Populaire, évertuœ 'à applique.l'ce précepte selon lequel il faut prendre les chosescomme elles sont, c'est-à·dire faire valoir l'intérêtgénéral d'une façon qui corresponde aux conditionsnouvelles.

En effet, lorsque la classe politique africaine,notamment dans sa composante oppositionnelle,· auraappris et médité ces mots, elle acquerra ce sens desréalités, abandonnera probablement la stratégie du pireet,du ''tout ou rien" et distinguera clairement ce qui estpossible de ce qui ne l'est pas. De la sorte, il y auracertainement moins de crispation et d'extrémisme surles scènes politiques, moins de discours de tension et deguerre civile avec ses termes excessifs et ses dérapagesverbaux et conséquemment, plus de lucidité et desagesse dans le jeu politique.

En définitive, la crise multiforme que traversele Continent ne constitue pas en soit une fatalité, ni nonplus une malédiction ; elle est plus simplement leproduit d'une série de facteurs défavorables qu'il fautrapidement mattriser et dépasser.

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Elle constitue néanmoins un ensemble de défisque les peuples peuvent parfaitement surmonter sanstension, ni dommage majeur pour la paix civile, ladémocratie et le progrès social si , bien entendu, lespolitiques réussissent ensemble à sceller un contratinterne pour la paix ciVile et le développement. Nousdevons réagir et œuvrer pour l'avènement d'un largemouvetnent consensuel national et la constitution de~

structures efficientes ainsi que de cadres opérationnelsde concertation qui favorisent la définition etl'exécution d'un programme de sauvegarde et derestauration continentale.

Si tous les hommes politiques de ce Continentcomprennent que c'est là la seule voie du salut et surtouts'ils se convainquent que la politique, en dernièreinstance, n'est que l'art du possible, alors ils aurontgagné en sagesse, en maturité et en lucidité et lesafricains, réconciliés avec eux-mêmes, pourrontcomme un seul homme faire victorieusement face àtous les problèmes internes et externes.

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1---

/TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

1) La dimension économique

de la démocratie

II) La dimension institutionnelle :

la décentralisation

III) La dimension sociale dans le

processus de "démocratisation

CONCLUSIONBIBLIOGRAPHIE

2

42

57

75

94

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DU MEME AUTEUR

- Du sous-dévelopPement au socialismeEditio~ Silex,.Paris 1987

- SENEGAL : Crise économique et ajustementEditions Nouvelles du Sud, Paris 1990

\- n.weIoppement paÎ' l'Intégration en Afrique de l'OuestEditions NEAS, Dakar,~ 1991

- L'Afrique endett'eEditions CREA-NEAS, Dakar, Dœembre 1991

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Les années Quatre-Vi'ngt ont été, pour Je Continent ~\: lafricain, celles d'une triple crisp. du développément avec lamontée des déficits macroé!onomiques et l'avènement de lapauvreté de masse, du Parti Unique combiPai~nde procé­dés staliniens et de traditions triha.l~'onférai1t il une '- .....minorité le pouvoir politique et I!:~ntrôlede la répartition-t-~ ';.des sinécures, de l'Etat bonapJ;tiste centralisateur, tenta-', •culaire et autoritaire, '~,:,\:

Les "Vents d'Est" qui ont secoué tous les pouvoirs" ~

totalitaires et f~1it tomber tous 10<; «murs., condamnentl'Afrique il rentrer dans la culture démocratique universelle.Cependant, Je processus de démocratisation uute sur deuxcontraintes majeures: d'une part la f~lillite du développt'mcnt que connaît Je continent et qui porte les germés d'u.,,!e . ~,

explosion populaire et d'autre part la fragilité du tissu social.qui cst susceptible de réveiller h~s vieux démons comme le , il:-'trihalisme, les nartinJ!arismes éthnic)ues et les divers'

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regionalismes et de faire l'objet de manipLi.lation~ à>d~s fi'ns ..~=:"con tra i l'CS aux intàêts supérieu rs des peuples et des nation s,' . 1'~>

Cd ouvrage est ù la fois une réflexion et ~ne illterpel~' "Iation aux intellectuels, chercheurs et hommes politiquespour trouver un modèle démocratique indissociable du déve­loppement économique et social, du progrés, de la justicesociale et de la participation effccti\'c des populatioilS à lat' .conception, il la réalisation et à la gestion des politiques de 1

développement.-~ .-_..-_4

ProfcsscUl' Moustapha KA...,SE est Directeur du Centredc Hecherchcs EconomiqlH''; Appliquées (CHEAi - DAKAHetenseignc dans la plupart des Universités Ouest-africaines,les problèmes du développement économique.

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