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1 Fonction et champ de la parole et du langage Jacques LACAN SESAM du 4 octobre1986 au 5 juin 1993 4/10/86 LIMINAIRE 86-87 Un séminaire de lecture Il y a dans un « séminaire de lecture » une inévitable tendance à devenir un groupe de lecture : ce n’est pas tout à fait pareil. « Séminaire » vient de semer et semer de semences et le Seminarium est en la- tin « une pépinière » : un séminaire de lecture est un lieu où l’écrit redevient graine dans le terrain de chacun de ceux qui y participent. Dans cette participation, des forces opposées se conjugue parfois jusqu’à la contradiction, toujours dans l’antinomie. Il y a une antinomie en effet entre lire véritablement un texte et le ou les sentiments qui unissent dans la semblance ou dans la dissemblance ceux qui font un groupe de lecture. C’est nécessairement dans cette articulation de la lecture et de l’adhésion à un groupe que jouent toutes les projections que nous faisons les uns sur les autres et qui nous conduisent à dire que le groupe autorise le développement de notre pensée ou de notre parole ou au contraire l’inhibe. C’est du coté de l’inhibition que les choses deviennent délicates : dans l’immédiateté inhérente à toute projection nous pensons toujours que l’empêchement vient du dehors, que c’est le comportement des autres qui nous empêche de réfléchir et/ou de parler. Et ceci est d’autant plus dangereux que cela peut être exact. C’est exact mais pas vrai pour autant. Ce qui est vrai, c’est que cet empêchement extérieur, par les autres, vient se substituer à l’inhibition intérieure, c’est-à-dire au refus inconscient de laisser s’accomplir en nous l’acte même de la lecture. Ce processus est celui-là même de la résistance auquel tout analyste est censé avoir eu affaire en lui-même, qu’il est maintenant, au prix payé d’un constant travail, censé repérer en lui-même… pour ne pas épingler les résistances de son patient au titre de sa propre inhibition… en croyant que c’est lui, le patient, qui l’empêche… avec tous les autres… de travailler correctement… et de dire ce qu’il a à dire. Notes explicatives : - Les textes en caractère gras sont des phrases de Lacan extraites de « Fonction et champ de la parole et du langage » dans les ÉCRITS Le seuil – Le champ Freudien (1953)". - Les textes en italique sont la transcription de notes de participants ou d'un enregistrement pris au cours du séminaire. - Les textes en écriture droite sont écrits par Denis Vasse : ils ont été distribués au Séminaire du Samedi ou relevées dans les archives (en bleu). - La numérotation des pages du texte de Lacan : le premier chiffre est celui de l’édition complète des Écrits, Le Seuil le champ Freudien. Le second chiffre celui des Écrits dans la collection « Points »

Jacques LACAN - Denis Vasse

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Fonctionetchampdelaparoleetdulangage

JacquesLACAN

SESAMdu4octobre1986au5juin1993

4/10/86

LIMINAIRE86-87Unséminairedelecture

Il y a dans un «séminaire de lecture» une inévitable tendance à devenir un

groupedelecture:cen’estpastoutàfaitpareil.«Séminaire»vientdesemeretsemerdesemencesetleSeminariumestenla-

tin«unepépinière»:unséminairede lectureestun lieuoù l’écritredevientgrainedans le terrain de chacun de ceux qui y participent. Dans cette participation, desforces opposées se conjugue parfois jusqu’à la contradiction, toujours dansl’antinomie.Ilyauneantinomieeneffetentrelirevéritablementuntexteetleoulessentimentsquiunissentdanslasemblanceoudansladissemblanceceuxquifontungroupedelecture.

C’estnécessairementdanscettearticulationde la lectureetde l’adhésionàungroupequejouenttouteslesprojectionsquenousfaisonslesunssurlesautresetquinousconduisentàdirequelegroupeautoriseledéveloppementdenotrepenséeoudenotreparoleouaucontraire l’inhibe.C’estducotéde l’inhibitionque les chosesdeviennentdélicates:dansl’immédiatetéinhérenteàtouteprojectionnouspensonstoujoursque l’empêchementvientdudehors,quec’est lecomportementdesautresqui nous empêche de réfléchir et/ou de parler. Et ceci est d’autant plus dangereuxquecelapeutêtreexact.

C’estexactmaispasvraipourautant.Ce qui est vrai, c’est que cet empêchement extérieur, par les autres, vient se

substituer à l’inhibition intérieure, c’est-à-dire au refus inconscient de laissers’accomplirennousl’actemêmedelalecture.

Ceprocessusestcelui-làmêmede larésistanceauquel toutanalysteestcenséavoireuaffaireenlui-même,qu’ilestmaintenant,auprixpayéd’unconstanttravail,censérepéreren lui-même…pournepasépingler les résistancesdesonpatientautitredesapropreinhibition…encroyantquec’estlui,lepatient,quil’empêche…avectouslesautres…detravaillercorrectement…etdedirecequ’ilaàdire.

Notes explicatives : - Les textes en caractère gras sont des phrases de Lacan extraites de « Fonction et champ de la parole et du langage » dans les ÉCRITS Le seuil – Le champ Freudien (1953)". - Les textes en italique sont la transcription de notes de participants ou d'un enregistrement pris au cours du séminaire. - Les textes en écriture droite sont écrits par Denis Vasse : ils ont été distribués au Séminaire du Samedi ou relevées dans les archives (en bleu). - La numérotation des pages du texte de Lacan : le premier chiffre est celui de l’édition complète des Écrits, Le Seuil le champ Freudien. Le second chiffre celui des Écrits dans la collection « Points »

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C’est à cet endroit pour chacund’entre nous que s’articule notre travail ici etnotretravaildanslesecretdelacure.C’estàcetendroitquelesprojections,lesmau-vaises humeurs, les accusations ou les sympathies peuvent s’arranger… C’est à cetendroit–pourmapartetmêmesicen’estpastoujourscommode–j’essayeraidenejamaismettrelenez:nonpardélicatessequejen’aipas,maisparcequ’enaucuncasjenepuism’ysentirautorisé.Rienàvoirdonciciaveccequ’ailleursonpeutappelerdynamiquedegroupe.Ils’agitd’unséminairedelecture.

Nousavonsdéjàréfléchisurl’actedelecture(octobre80).Jevoudraisredireici

–pournotreméthode–qu’iladeuxfacesoudeuxdirections.Celapeutse formulerainsi:

1-Qu’est-cequelesmots,letexteveulentdire? 2–Qu’est-cequeçamedit?Commentçameparle?La plus grande difficulté des groupes de lecture tient à la confusion entre le

texteluetleça.Nouslisonsuntexteetnousnousdemandonscequeçaveutdire!Leça - désigne-t-il demanière démonstrative et extérieure le texte écrit

surlapage? -nedésigne-t-ilpasaussileçaquiparleennous?C’estauprixdecetteconfusionqu’aucoursdutravailnousrisquonsd’attribuer

auxautrescequeçanousditetquenousnevoulonspasentendre…ouinversement…denouslaisserporterparcequedisentlesautres…sansqueçanousdiserien:posi-tionconfortableetfréquentequistériliselapépinièreettransformeunséminaireenbaindemotsapparemmentmaternant(lebain)quientretientsecrètementlahaineetlajalousie.

Cetteconfusionentreletexteluetleçanousindiquelelieudenotretravailetdenotrediscernemententrecequelesmotsveulentdirerelativementausystèmedelangage(convention)etceque«ça»nousditquandnouslisons.Transformerlacon-fusionenarticulationoùl’actemêmedeliresestructure:voilàquinousfaitavancerdesdeuxcôtésàlafois,etducôtédel’élaboration(etdelaprécision)dulangageetducôtédel’émergencedelaparoledansceluiquilit.

Àl’exactitudedudéchiffrementdutexte(rapportdulangage)répondraoucor-respondra larigueurdecequiparleennousdanscette incessanteet toujoursnou-velleexpériencequecequiparleennous…cen’estpastellementlelangage(commeonpeutlecroireaupremierabord)maisc’estlachaircommenousl’apprendlecon-ceptmêmed’inconscient.

C’estlachairquiparledanslesmotsetellenelesaitqu’àdécouvrirsonrefusdeparler…danslesymptôme:découvertedumensongedontl’inconscientestlelieu.1

Riend’étonnant alors à ceque l’actede lecture (auquelnous introduit lapsy-chanalyse)nousconduiseàse laisserseréarticulerdemanièrevivante, c’est-à-diredanslarésistancequidénoncelerefusetdumêmecoupledésirdesavoir,lesmotsetlaparole,lesmotsquel’onsaitàlaparolequ’onnesaitpas,letexteluetçaquiparleetquiécoute.

Ce rapport desmots à la parole (et aussi bien du sujet de l’énoncé à celui del’énonciation), c’est rigoureusement l’inconscient dont Lacan nous dit, avecl’introductionduconceptdesignifiant,qu’ileststructurécommeunlangage.Etlessi-gnifiantsnousdit-ilsontcaptifsducorps.

Ilyatroisgrandespartiesdanscetexte:

1 « L’inconscient est ce chapitre de mon histoire qui est marqué par un blanc ou occupé par un mensonge ». (p. 259)

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1- LaPAROLE:laparoleetlaquestiondusujet.Laparolevideetlapa-rolepleinedanslaréalisationpsychanalytiquedusujet.

2- LeLANGAGE:lapsychanalyse,c’estàl’intérieurdulangagequ’ellealieuetnonuneinterprétationsurcequedit lepatientet lamanièredont ilsecom-portedanslaréalité.

3- L’INTERPRÉTATION.Lesrésonnancesdel’interprétationetletempsdusujetdanslatechniquepsychanalytique.

Enplusbref:1-Laparoleetlaquestiondusujet 2-Lelangageetlechampdel’analyse 3–L’interprétationoudel’unàl’autreSur leplandesmots,de leur rapportau langage,nousaurons,mesemble-t-il,

plusdedifficultésàlireLacanqueFreud.Cettedifficultédupremiertemps:«qu’est-cequeletexteécritveutdire?»risqueconstammentdeprécipiterlelecteurdanslesecondtempsetfairecroire,luifairecroire,àpeudefraisfinalement,quece-que-le–texte-dit-c’est-ce-que-ça-lui-dit.Nousretrouvonslaconfusionrepéréeplushaut.

JeveuxdireparlàquemêmelorsquelasignificationlangagièredutextedeLa-canestambiguë…c’estbiendecetteambiguïtéqu’ilfautrepartir…etnondesoneffa-cementparl’affirmationdelaconvictiondulecteur.

Àl’exactitudedudéchiffrementrépondralarigueurdecequiparleennous.Cequiparleennouscen’estpastellement le langagemaisc’est lachaircommenousl’apprendleconceptmêmed’inconscient.L’inconscientc’estcequivaserévé-lerennoussouslaformed’unechairquibafouille(actesmanqués,lapsus…).Cetexercicen’estpasfacileetj’aivuplusd’unedisputeàcetendroit.Je vous proposerai de lire le texte lui-même et non sa présentation dans une

premièrepréfacelorsdesaparutionoudanslasecondeen66lorsdelapublicationduvolume«ÉCRITS».

Introduction(p.242p.117) «Chairestcomposéedesoleil.Commentcelapeut-ilsefaire"?»

Browning

DanscetexteLacanmetenévidenceladérivedelapsychanalyseetessaiedemontrercomments’ensortir.

(p.242p.117)

Tel est l’effroi qui s’empare de l’hommeà découvrir la figure de sonpouvoirqu’ils’endétournedansl’actionmêmequiestlasiennequandcetteactionlamontrenue.

Notes.-…qu’ilsedétournedelafiguredel’actionmêmequiestlasienne

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-…quandcetteactionmontresafigurenueQuelleestl’actiondelapsychanalysequimontrenuel’actiondupouvoirde

l’homme?C’estlaparole,c’estqueçaparle.

Onpeut suivre àmesuredes anspassés cette aversionde l’intérêtquant auxfonctionsdelaparoleetquantauchampdulangage.Ellemotiveles«changementsde but et de technique» qui sont avoués dans lemouvement et dont la relation àl’amortissementdel’efficacitéthérapeutiqueestpourtantambiguë.

Lapsychanalysemetànu la figurede l’hommequiparle.Ellemotivedoncl’aversion.Laphobien’apasd’autresracinesquelapeurdeparler.Elleprofitedumensongepardéplacementsurl’objet.Ya-t-iluneparoleennousquisoitdécou-vrableautrementqueparlamédiationdumensonge?D’où,l’effroi.

Cequidoitêtreattenduchezl’analysantdanslesphobiesc’estladécouvertedumensonge,or lapeurphobiquec’est justementnerienvouloirsavoirdumen-songe.

8/11/86

Essayonsdedessiner la topiquedecemouvement.Àconsidérercette littéra-turequenousappelonsnotreactivitéscientifique, lesproblèmesactuelsde lapsy-chanalysesedégagentnettementsoustroischefs:

Cemouvementcesontlesrésistancesdel’objetdanslatechnique.A) Fonction de l’imaginaire, dirons-nous, ou plus directement des fantasmes

dans la technique de l’expérience et dans la constitution de l’objet aux différentsstadesdudéveloppementpsychiques.L’impulsionestvenue icide lapsychanalysedesenfants…(dans)l’approchedesstructurationspréverbales.C’estlàaussiquesaculminationprovoquemaintenantun retour enposant le problèmede la sanctionsymboliqueàdonnerauxfantasmesdansleurinterprétation.

«Préverbal»: quelque chose existe avant lesmots, la fonction symbolique.Certainsanalystesdel’époquepensaientques’iln’yapasunendroitoùçaparlechezl’enfant,onpeutsedemanderoùseralasanctiondel’interprétation:çafe-raitcroirequequandiln’yapassymbolisationçaneparlepas.Lafonctionsymbo-liquec’estcequidébouchesurlaparole.Cequin’apasdesanctionn’estpashu-main.Lemensongesuprêmec’estdecroireque lesmotsparlentpareux-mêmes.Laparoletraversel’imaginaire.Nousnepouvonsouvrirl’imaginairequedanslamesure où ça parle en nous. Une fonction de l’imaginaire, faute d’être articuléeparune sanction symbolique, se trouvedéconnectéedecequiparleen l’homme.C’estàcetteouverturequeLacanpointel’effroi.

(p.243§1–p.118§2)

B)Notiondesrelationslibidinalesd’objetqui,renouvelantl’idéedeprogrèsdelacure,remaniesourdementsaconduite…Lapsychanalyseydébouchesurunephé-noménologieexistentielle,voiresurunactivismeanimédecharité.Làaussiuneré-actionnettes’exerceenfaveurd’unretouraupivottechniquedelasymbolisation.

Laphénoménologieet lacharitéseréfèrentàdesprincipesdifférentsde lapsychanalyse.Vouloirqueçaprogresseparsonintermédiaire,parlapassationdesstades,s’opposeàlasymbolisation.«Çaremaniesourdementsaconduite».Sionrestefixésurcesrepèresimaginaires(lesstades),onn’écouteplus.Lalibidon’estpascaractériséeoudéfinieparunobjet.Quelestl’objetdelalibido?C’estl’Autre.Ledésirdel’hommeestledésirdel’Autre.

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C)Importanceducontre-transfertet,corrélativementdelaformationdupsychana-lyste.

Pourrendrecomptedel’analyse,ilestdemandéqu’enfindecurel’analysteexpose tous les tenants et aboutissants de sa personnalité. Lacan y oppose unethéorisation de ce que pourrait être la présence repérable de l’analyste. On vas’enfoncer de plus en plus dans ce que nous ne savons pas, à savoir qui noussommes.C’estlafonctiondelaparolequiestenjeu:cequifaitquequelquechosesedécrocheentreanalysteetanalysantau lieudeseréférerà l’inconscient inef-fable.Quandlaparoledevienttierce,l’analysantnoussourit.Ilnesaitplussic’estluiounousquil’avonsdit:noussommesintroduitparl’analysantdansuneégalitédesujet.L’analysteenfind’analyseperdsapositiondeprestige.Cen’estpastou-joursfacilecarc’estsouventl’imaginairequigouverneetnoustombonstoujoursdanscequenousdénonçons.

D’oùl’importancedelaformationdupsychanalystedanslesquestionscon-nexes:

-contre-transfert-findelacure-analysedidactique.La tentation pour le psychanalyste est d’abandonner les fondements de la

parole.

6/12/86(p.245§2-p.120§6)Dèslorssil’onmesureàsamassel’importancequelegroupeaméricaina

pourlemouvementanalytique,onapprécieraàleurpoidslesconditionsquis’yren-contrent.

Dans l’ordre symbolique d’abord, on ne peut négliger l’importance de ce fac-teur…commed’uneconstantecaractéristiqued’unmilieucultureldonné:conditionicidel’anhistorismeoùchacuns’accordeàreconnaîtreletraitmajeurdelacommu-nicationauxU.S.A.etquiànotresens,estauxantipodesdel’expérienceanalytique.

Lacanreprend lestroispoints,symbolique, imaginaireetréel.L’ordresym-boliquechezlesAméricainsçanemarchepasparcequ’ilssontanhistoriques.

Eneffetlesymboliqueestliéàl’histoireetàlalégalité,l’actionhumainedeslois. Il fautdoncrétablir lapartied’histoirequenotre inconscientnoussubtilise.Maisdanssathéorielesymboliquevapasserdel’histoireetlaloiausymboleal-gébrique.Lesgensquineveulentpasavoiraccèsàleurhistoireontunmaniementmathématique du langage. Les lieux de la géographie remplacent les lieux ducorpshistoriquepourcertainspatientsquin’ontpasaccèsàleurhistoire,cesper-sonnesontuneprécisionmathématiquedulangage.Lacaniradeplusenplusverslapsychose,versunemétonymiepresquepuredulangagesansmétaphoreetsansrepères historiques. Il se détache donc de la représentation du sujet telle que jel’entends,àsavoirque laparoleestobjetd’échangeetpivotde l’axesymbolique.Dèsqu’onparlevraimentàquelqu’un,onluidonnelaqualitédesujet.Laparoleest un objet par lequel nous échangeons nos prérogatives de sujet. La parolen’existecommeobjetquedansl’échange.

LaquestionquihanteLacanc’estlaquestiondel’êtredusujet,maisilnevadévelopperlasphèresymboliquequ’entempsqu’ellesedétachedusujet.

Dansl’analysec’estlarésistancequenousavonsàanalyseretnonlecontenu

dudiscours,c’est-à-direlematériel.Ornousfinissonsparcroirequenouspouvonsanalyserlematérielquinousestapporté.

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Larésistancesemanifesteaulieudunoyaupathogènequiserépètecomme

unleitmotiv(lapartition):c’estlelieumêmedelarésistance.C’estdanslalecturedecettepartition(sionécoutecequisedit)quevasefairelareconnaissanceduleitmotiv(delarépétition).Larésistancechercheàsediremaisn’yparvientpas.Pluslediscoursdel’analysants’approchedecequiparleenluimaisyrésiste,pluslarésistanceaugmente.

Lepointterminal,c’estcequiparledans larésistance:alorsças’ouvre,çaparle.Plusnoussommesprèsde larésistance,plus la tensionestgrandeetc’estsouventquandças’ouvrequ’onsedébineetqu’onditqu’onestguéri.

Cequiprovoquelemaximumderésistancec’estleviol.Çan’exclutpascequeFreudnousaapprissurlesstadesmaisçanefaitpasprogrèsetnousnoustrom-ponssinouscroyonscomprendrecequisepasseauniveaudesstadescarcedontils’agit,c’estdusujetdansunrapportaveclaparole.Iln’yasilencechezl’analystequelàoùlarépétitiondel’autreparle.

L’interprétation est toujours une erreur: elle n’est jamais tout à fait justemaisellen’estpaspourautantunmensonge.Cettepositionnes’enseignepas.Onnelapratiquequ’enyaccédantetàpartird’untravailsursoi.Uneinterprétationvéritable c’est cequ’onnepeutpasnepasdire.Le silencenepeut enaucuncasêtre une position comportementale. L’analysant sera sensible nonà ce que vouspensezmaisàvotrepatience,unepatiencequiestunepositiondesouffrance.Latentationestdecomprendrepournepasentendrelarésistance.

ÊtreMaîtredelaparolec’ests’ysoumettredanslesilencesinononestdansuneposition imaginaire.Freud lorsdupassagede lapremièreà ladeuxièmeto-piqueaintroduitleCsetl’Icsdanschacunedesinstancesdelapremièretopique.LeMoi, leSurmoiet leÇaparlentenchacunedecesinstancescommeenchacundesstades.Çaparlepartoutettoujours,passeulementdansleÇadeçaparle.C’estlavéritéquiparle.

L’unitédusujetpourLacanc’estsadivision,c’estl’unitésymboliquequisur-gitdelarencontre.Cequiparleennousetdanslemonde,cen’estpasuneques-tion analytique car il n’y a que le silence de l’Autre qui peut y répondre. Onn’éprouvenotreunitédesujetd’abordquecommealiénéedans ledédoublementimaginaire dumoi aumoi. C’est de parler qui nous fait accéder à la division etnousfaittrouvernotreunitéquedivisée.

TextedeDenisVasseprovenantdesarchivesBML(p.242p.117)

L’ordrehumainsecaractériseparceci,

quelafonctionsymboliqueintervientàtouslesmomentsetàtouslesdegrésdesonexistence.

L’effroiqui s’emparede l’homme,ditLacan,est tel lorsqu’ildécouvre la “figure”de

sonpouvoird’homme,qu’ilsedétournedecettefigurequandl’actiondeladécouvrirlamontrenue.C’est la psychanalyse qui a cette action : de montrer nue la figure du pouvoir de

l’homme.Lapsychanalyse...pourautantquechaquepsychanalysteenfaitl’expérience.Deceteffroi,poursuitLacan,naîtl’aversiondel’intérêtquantauxfonctionsdelapa-

roleetauchampdulangage.Etledétournement(aversion)quecetteaversionsuscite,motiveleschangementsdebutetdetechniquedanslapratiquepsychanalytique.

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Avectoutcequecelaentraîned’amortissementdel’efficacitéthérapeutique.Aveccedétournementdel’intérêtrelativementàcequiparleenl’hommeetquifait

peur,setrouvepromutoutundiscourssurl’objetquiditbienlarésistanceconsécutiveàl’effroi.Maisladialectiquemêmedel’analysenepeutqu’yreconnaîtreunalibidusu-jet.Aprèsavoirénumérésoustroischefs, lesproblèmesactuelsde lapsychanalyseà la

lumière,sil’onpeutdire,deladériveàlaquellecedétournementdonnelieu,Lacancon-clura,deuxpagesplusloin:“Nuldoutequeceseffets,-oùlepsychanalysterejointletype du hérosmoderne qu’illustrent des exploits dérisoires dans une situationd’égarement-,nepourraientêtrecorrigésparunjusteretouràl’étudeoùlepsy-chanalystedevraitêtrepassémaître,desfonctionsdelaparole.”(244)Voicilestroisrubriques:A. Une fonction de l’imaginaire qui, faute d’être articulée par une sanction symbo-

liqueàdonnerauxfantasmesdansleurinterprétation,setrouvedéconnectéedecequiparleenl’hommeetdonnelieuauxtentationsd’unimaginairequiseredoublesurlui-même,commeavec,danslapsychanalysed’enfants, l’approchedesstructurationspré-verbales.B.Unenotiondesrelations libidinalesd’objetqui, fauted’êtreréféréaupivot tech-

niquedelasymbolisation,débouchesurunephénoménologieexistentielle,voiresurunactivismeanimédecharité.C. L’importance accordée à la formation du psychanalyste dans les questions con-

nexesducontre-transfert,delaterminaisondelacureetdel’analysedidactique.Cetteimportanceoscilleentrelareconnaissancedel’êtredupsychanalyste(sapersonnalité?)qui serait à exposer, en fin de cure, pour rendre compte de sa conduite, etl’approfondissement toujours plus poussé du ressort inconscient qui échappe à touteconnaissance.Pouréchapperaugouffreenabîmedecetentre-deux,ilconvientdefaireretouràlaparoleentantqu’ellefondeoriginairementl’unetl’autreversant.Dansl’examendecestroisfronts,.celuidel’interprétationdesfantasmes,.celuid’uncertainparcoursdelalibidobaliséparladifférenciationdesobjetsoude

l’objetdansunecertaineidéedeprogrèsdelacure,.celuidutransfertetdesonmaniement,Lacanconstatequelatentationquiseprésenteàl’analysteestcelled’abandonnerle

fondementdelaparoleetcejustementdansdesdomainesoùsonusage,pourconfineràl’ineffable, requerrait plus que jamais son examen : à savoir la pédagogiematernelle,l’aidesamaritaineetlamaîtrisedialectique.Sansceretouràlaparole,lapédagogiematernelle(paragrapheA)risqueforteneffet

de se trouver confisquée, au bénéfice de langages qui sont compensations offertes àl’ignorance, dansun imaginaire sans sanction symbolique, sans ruptures, sansparole.Sansceretour, l’activismeexistentieletcharitable(paragrapheB)n’aplusqu’àsuivreles rails du repérage et de la désignation des objets, et c’est au bénéfice de lamêmeignorance:cequiparle.Enfin,aveclamaîtrised’unedialectiqueextérieureàlapositionmêmedu transfert (paragrapheC), c’est d’unedominationde ce qui se passe dans lacurequ’il s’agit etnond’une “obéissance”à cequi s’ypasseetquimet laparoleelle-mêmeenpositiontierceetnonlejugementdel’analystesurl’analysantousurlui-même.*ÀlireainsiLacan,ilnemesemblepasquel’ons’éloignedel’espritquilefaitécrire,

et,entoutcas,onnes’éloignepasdelalecturedeFreud...oudumoinsdelapositionde

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maîtrequeLacanreconnaîtàFreud(244)etqui,lorsqu’ils’agitdelaquestiondelapa-roleoùLacannousintroduit,consisteàs’ySOUMETTRE.Nousl’avonsremarquéàplusd’untournantdel’œuvredeFreud,c’estbienpourne

pasavoirlâchélaquestiondelafonctionetduchampdelaparoleetdulangagequ’elleva bondir et rebondir de contradictions découvertes en conceptualisations contradic-toirespromuespournepasconcéderàlasatisfactiondelaclôturedudiscours,dansdeseffetsdetransmissionrépétitive,obsessionnelledansl’usage,sinondanslagenèse,desritesreligieux.Etc’estcelaqu’enrelisantFreud,Lacandénonceaunommêmedelapsychanalyse:“L’analogies’accentueàconsidérerlalittératurequecetteactivitéproduitpour

s’ennourrir:onyasouventl’impressiond’uncurieuxcircuitfermé,oùlamécon-naissance de l’origine des termes engendre le problème de les accorder, et oùl’effortderésoudreceproblèmerenforcecetteméconnaissance.Pourremonterauxcausesdecettedétériorationdudiscoursanalytique,ilest

légitimed’appliquerlaméthodepsychanalytiqueàlacollectivitéquilesupporte.Parlereneffetdelapertedusensdel’actionanalytiqueestaussivraietaussi

vainqued’expliquerlesymptômeparsonsens,tantquecesensn’estpasrecon-nu.”(p.244§5-p.102§1)NousavonsreconnudanslescontradictionsnongomméesdeFreudleressortquiva

l’autoriser,moyennantl’introductiond’unprincipededivisiondanslesdifférentesins-tancesqu’ilad’aborddécrites,àpasserdelapremièretopiqueàlaseconde.Etc’estbiendecettedivisionstructuraleentrelemoietleje-dansl’ordredecequi

parledansunrapportàl’Autre-queLacandiraqu’elleestlaconditionduSUJETPAR-LANT,celleduPARLÊTRE.Onpourraitdire: l’unitédusujetestsadivision,divisionsanslaquellelesujetn’est

plus“unparmid’autres”danssonrapportàl’Autre,maiss’abolitdansleredoublementenabîmed’uneinstanceimaginairequinelereprésenteplus.S’ilenestvraimentainsi,nousn’éprouveronsjamaisnotreunitédesujetquecomme

d’abordaliénée,virtuelle.LacanleditdanslelivreIIduSéminaire,àlapage66:“Toute ladialectiqueque je vousaidonnéeà titred’exemple sous lenomde

stadedumiroirestfondéesurlerapportentre,d’unepart,uncertainniveaudestendances,expérimentées-disonspourl’instant,àuncertainmomentdelavie-comme déconnectées, discordantes,morcelées - et il en reste toujours quelquechose-et,d’autrepart,uneunitéavecquoiilseconfondets’appareille.Cetteuni-téestceenquoilesujetseconnaîtpourlapremièrefoiscommeunitéaliénée,vir-tuelle.Elleneparticipepasdescaractèresd’inertieduphénomènedeconsciencesoussaformeprimitive,ellea,aucontraire,unrapportvital,oucontre-vital,aveclesujet.(...)Cettedialectiqueestprésentedansl’expérience,àtouslesniveauxdelastructurationdumoihumain.” Enintroduisantladivisionconscient/inconscientenchacunedesinstancesdelase-

condetopique-ça,moi,surmoi-Freudéchappeaudédoublementstérileduconscient,d’uncôté,etdel’inconscient,del’autre.Entermeslacaniens,nousdirionsque,danslemondehumain,çaparlepartoutettoujoursdéjà.Silemondehumain,silaloicommelesmachines...sontfaitesavecdesparoles,silemondehumainestsymbolique,enunmot,lamachinehumainel’estaussi,maisfaited’instancesoùçaparle,elleposelaquestion,àlalumièredesparoles,decequiparle,duSujetoudelaParolecommetelle.

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Lacanenposetrèsouvertementlaquestion:“...c’estentantqu’ilestengagédansunjeudesymboles,dansunmondesym-

bolique, que l’hommeestun sujetdécentré. Ehbien, c’est avec cemême jeu, cemêmemonde,quelamachineestconstruite.Lesmachineslespluscompliquéesnesontfaitesqu’avecdesparoles.Laparoleestd’abordcetobjetd’échangeaveclequelonsereconnaît,etparce

quevousavezditlemotdepasse,onnesecassepaslagueuleetc...Lacirculationdelaparolecommenceainsi,etelles’enflejusqu’aupointdeconstituerlemondedu symbole qui permet des calculs algébriques. La machine, c’est la structurecommedétachéedel’activitédusujet.Lemondesymbolique,c’estlemondedelamachine.Laquestions’ouvrealorsdecequi,danscemonde,constituel’êtredusujet.CertainssontfortinquietsdemevoirmeréféreràDieu.C’estpourtantunDieu

quenoussaisissonsexmachina,àmoinsquenousn’extrayonsmachineexDeo.”(LivreIIp.63)Laparoleestdoncobjetd’échange.Nonpas simplementunobjetque l’onéchange

contreunautre.Maiscequin’existecommeobjetquedansl’échange.Làoùiln’yapasd’échange,iln’yapasdeparole.Etqu’est-cequis’échangedanscetobjetd’échange?Lareconnaissancequel’autreindéterminé-leil-estuntu,c’estàdireunje,unsujetpourmoiquisuis,danslemêmeacte,unsujetpourlui.Danslaparole,cequis’échange,c’estlaprérogatived’êtreunsujetdedroit.Lesymbolecommestructuredel’hommedanslaparolequis’échange...sedétachede

l’activité du sujet : et c’est le cas de la machine comme telle, mais aussi de la loi,l’instancequirégitledroit,delaloicommetelle.End’autrestermes,lesmotsoulespa-rolessedétachentdecequiparleoudelaparoleentantqu’elleest“objetd’échangedesprérogativesdesujet”.En d’autres termes, l’échange peut régir lemonde des représentations, le symbole

peutrégir l’imaginaire,ensedétachantde l’activitédusujetparlant,c’est-à-diredecequiluidonneunepositiondedroitdanslemonde:lespsychotiquesparfaitementadap-tésàcemondenousledisentenclair:c’estcommesijen’avaispasledroitdevivre...danscemonde.La question s’ouvre alors - commedit Lacan - de ce qui, dans cemonde, constitue

l’êtredusujet.L’ouverturedecettequestionconduitl’hommeàdécouvrirlafiguredesonpouvoir:

etlafiguredecepouvoirsedonneàcontemplernonseulementdanslemondesymbo-liquedesparolesquis’échangent,maisencoredansl’ouverturedecemondeauRÉEL.Cetteouvertureposelaquestiondel’êtredusujetquelapsychanalysesoutientducon-ceptd’inconscient.Ceconceptd’inconscient,ilarticulelesmotsàlachairetlachairàcequiparleenellelàoùnousnepensonspas.“C’est là,ditLacan,danslelivreXXdesonSéminaire(p.25,Encore),l’épreuveoù,danslapsychanalysedequiconque,sibêtesoit-il,uncertainréelpeutêtreatteint.”Parveniràlafigurenuedupouvoirdecontemplerleréelenselaissantparler:voilà

l’effroidontparleLacan.L’effroivientdecequelorsquenoussortonsdudédoublementimaginaire(lejeudes

paroles,desloisetdesmachinesentreelles)pourêtreintroduitàl’acted’uneparoledeSujetquinousconstituedansunrapportà cequenousnesavonspas,voireà cequenousnepensonspas,nousfaisonsl’expérience-quin’estpassensiblenécessairement-d’uneDIVISIONquinousconstituecommeêtreparlant,unedivisionquiindiquecommeunlieudepassageentrelemondedesparolesetleréeldelaparole.Celieudepassageestlieudesilence.

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C’estcommeuneffondrementdumurdemutismequiprotégeaitenl’organisanten-clossurlui-mêmelemondesymbolique(lesparoles)devenu,deparcemur,lemondeimaginairedanslemiroirduquelnouscherchonsnotreidentité.

“Quelleestcettevérité...quifaitpeurcommedeladynamite...

...cettevérité,c’estquelquechose...

c’estunevéritéperdue...non...tordue,pervertie...unmensongecommevousdiriez...

Quandjem’imaginepetit...tellementprislà-dedanstouslesinstants...

jecroisquej’avaispeurqueçaparlej’aitoujourspeurqueçaparlebien-sûr

maisc’estpaspareil...

jesaisquedemonpère...j’osaispasenparleràmamèreoualorsj’enparlaisàmamèrepoursemblant...

àcôté...l’airderien...mêmetoutpetit...

c’étaitpourdevrai...

j’saispascommentdiremaisfallaitquejefassesemblant...

fallaitpasquejedemandevraiment...

CetteséquencedatedequelquesjoursetLacann’avaitpastortd’écrireen1953quel’actionde lapsychanalysen’estpasmoinsprésentedans chaqueexpériencehumble-mentconduiteparl’undesouvriersformésàl’écoledeFreud...quedanssadécouvertemême.Note1.SéminairelivreIIp.41Quelleestl’originalitédelapenséequ’apporteLévi-Straussaveclastructureélémen-

taire?(...) Il n’y a aucunedéductionpossible, à partir duplannaturel, de la formationde

cettestructureélémentairequis’appellel’ordrepréférentiel.Etcelaillefondesurquoi?Surlefaitque,dansl’ordrehumain,nousavonsaffaireà

l’émergencetotaleenglobanttoutl’ordrehumaindanssatotalité-d’unefonctionnou-velle.Lafonctionsymboliquen’estpasnouvelleentantquefonction,elleadesamorcesailleursquedansl’ordrehumain,maisilnes’agitqued’amorces.L’ordrehumainseca-ractériseparceci,quelafonctionsymboliqueintervientàtouslesmomentsetàtouslesdegrésdesonexistence.(...)Pourconcevoircequisepassedansledomaineproprequiestdel’ordrehumain,

il fautquenouspartionsdel’idéequecetordreconstitueunetotalité.Latotalitédansl’ordresymboliques’appelleununivers.L’ordresymboliqueestdonnéd’aborddanssoncaractèreuniversel.Cen’estpaspeuàpeuqu’ilseconstitue.Dèsquelesymbolevient,ilyaununiversde

symboles. (...)Touts’ordonneparrapportauxsymbolessurgis,auxsymbolesune foisqu’ilssontapparus.

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La fonctionsymboliqueconstitueununiversà l’intérieurduquel toutcequiesthu-maindoits’ordonner....OrigineetInconscient.p.43Celasupposequelesinstancessymboliquesfonction-

nentdans lasociétédès l’origine,dès lemomentoùelleapparaîtcommehumaine.Orc’estcequesupposeaussibien l’inconscient telquenous ledécouvronset lemanipu-lonsdansl’analyse.Lapositiontiercedelaparoleindiquelaprésencedel’originedansl’actedeparler.Laparoleentantqu’elleparleoccupeunepositiontierceparrapportàceuxquidi-

sentdesparolesouquilesécoutent.Celaveutdirequ’elleestàlafoisplusintimeetplusextérieureparrapportàlaposi-

tionqu’occupent imaginairement lesdeuxpartenaires.Ceplus intimeàsoi-mêmequel’imagedesoi-mêmequiéquivautauplusextérieurà soi-mêmeque l’autre indique ladimensioninsaisissableapriorid’uneoriginedesoi-mêmequin’est,ducoup,concep-tualisablequerelativementàunAutreabsolu.UnAutreabsoluveutdire:unAutresansautre,sansimage,unAutrequin’estquedufaitqueJeparleetque,corpsparlant,“Je”résidedansunNOMquiestmaplaceoumapositiondanslasuitedesgénérationsetqui,enmêmetemps,meréfèreàl’origine,àlaPAROLEcommesymboleoriginaire,incons-cientparconséquentpournous-mêmesetseulementréférableàcequiparleennousetentrenouscommehommes.“Lesinstancessymboliquesfonctionnentdanslasocié-tédès l’origine,écritLacan,dès lemomentoù elle apparaît commehumaine.Orc’estcequesupposeaussil’inconscienttelquenousledécouvronsetlemanipu-lonsdansl’analyse.”(LivreIIp.43)Dès l’origine, la parole - le symbolequi fait l’homme - imposeun rapport ternaire.

C’estenfonctiondecetteprimauté,voiredecetteoriginalitédusymbole-oudusymbo-lique - que Lacan “dénonce” le principe d’une théorie psychanalytique qui“s’organiseraitautourdelarelationd’objet”aveccequ’elleentraineraitdanslapratiqued’unetentativedereconstructiondumondeimaginairedel’analysantselonlanormedumoidel’analyste.Larelationanalytiquenesauraitêtreunerelationduelle-commeonl’entendencoresouventdiresousprétextequ’onestdeux-oùsemettraitenscèneunimaginairefortetcorrectcontreunimaginairefaibleetincorrect,unmoifortcontreunmoifaible.Cettepartiedebrasdefer,justement,l’expériencenousapprendquec’estlepatientquivatenterdel’instaureretd’yprendrel’analyste.Seullesilenceenréponseàcetteprovocationetlerespectdesconditionsdel’analysepeuvent,danslapatienced’unplusoumoinslongterme,desserrercetétaud’orgueilréciproque.“Jamais Freud ne s’est contenté d’un pareil schéma. Si c’était dans cette voie

qu’ilavaitvouluconceptualiserl’analyse,iln’auraiteunulbesoind’unAu-delàduprincipeduplaisir.(...) il ne s’agit pas de rechercher une meilleure économie des mirages.

L’économieimaginairen’adesens,nousn’avonsdeprisesurelle,quepourautantqu’elles’inscritdansunordresymboliquequiimposeunrapportternaire.”(296LivreII)

AppuyéauxtextesdeFreudetàl’expériencecliniquedecequiseditaucoursd’unecure-

commedansl’articlesur“ladénégation”-,Lacancontinue.Ilpointequelefaitdominant,dansl’analyse,cen’estpaslerêvecommecontenud’undiscoursquidonneraitaccèsàl’imaginairedel’analysant,c’estlerêveentantqu’ilestparlé,entantquelesujetleraconteetqu’illera-contedansletransfert,c’est-à-direpasn’importequand,nin’importecomment,niàl’adressedepersonne.

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Onpeutdireque,racontédansunerelationintersubjective,lerêveserouvreàladimen-sionduplusintimeetduplus"extérieur"(extimité?),auSujetdanssonrapportàl'Autre,àladimensiondecequiparledans,paretàtraverslarelationimaginaireàl'autreetàmoi–onpourraitdire"intramoïque"–danslaquellelesujetestcaptif.Sanscetteréférenceàl'Autreaucœurdumême,"ilnes'agitplusqued'objectiverlesujetpourlerectifiersurunplanimaginairequinepeutêtrequeceluidelarelationduelle,c'est-à-diresurlemodèledel'analyste."(p.296,livreII)

"Le fait dominant, c'est que ce rêve, le sujet le raconte. Et l'expérience nousprouvequecerêven'estpasn'importequand,n'importecomment,niàl'adressedepersonne.Lerêveatoutelavaleurd'unedéclarationdirectedusujet.C'estdanslefaitmêmequ'ilvouslecommunique,qu'ilsejugelui-mêmeavoirtelleattitude,inhibée,difficile,danscertainscas,ouaucontrairefacilitéedansd'autres,féminineoumasculine, etc. C'est là qu'est le levierde l'analyse. Cen'est pas en vainqu'ilpuisselediredanslaparole.C'estquesonexpérienceest,d'entréedejeu,organi-séedansl'ordresymbolique.L'ordrelégalauquelilestinduitpresquedèsl'originedonneleursignificationàsesrelationsimaginaires,enfonctiondecequej'appellelediscoursinconscientdusujet.Partoutcelalesujetveutdirequelquechose,etce,dansundiscoursplusvaste,àquoi toute l'histoiredusujetest intégrée.Lesujetestcommetelhistoricisédeboutenbout.C'esticiquel'analysesejoue–àlafron-tièredusymboliqueetdel'imaginaire.

C'estàcettefrontièreque,sanslesavoirencore,LacanfaitapparaîtrelegrandAutre,cetteposi-tionoriginaire,tierceetmédiatrice,dansuneréférenceauRéel,réelimpossibleàreprésenter(ori-gine)etprésentsousformed'uneabsence,présenceréelleinvisibleaucœuretdanslejeudesrepré-sentationsimaginairesentredeuxsujets,c'estdanscetteréalitéinvisibledelachairquetouteslesréalitésobjectivessetrouventarticuléesaugrandAutre.

Lesujetn'apasunrapportduelavecunobjetquiesten facede lui, c'estparrapportàunautresujetquesesrelationsaveccetobjetprennentleursenset,dumêmecoup,leurvaleur.Inversement,s'iladesrapportsaveccetobjet,c'estparcequ'unautresujetqueluiaaussidesrapportsaveccetobjet,etqu'ilspeuventtouslesdeuxlenommer,dansunordredifférentduréel(ordresymbolique).Dèslorsqu'ilpeutêtrenommé,saprésencepeutêtreévoquéecommeunedimensionori-ginale,distinctede la réalité.Lanominationestévocationdelaprésence,etmain-tientdelaprésencedansl'absence.

Enrésumé,leschémaquimetaucœurdelathéorisationdel'analyselarelationd'objet[aulieud'ymettrelaparoleenactedanslarelationàl'Autre]éludeleres-sortdel'expérienceanalytique,àsavoirquelesujetseraconte.Qu'ilseraconteestleressortdynamiquedel'analyse.Lesdéchiruresquiapparaissent,grâceàquoivouspouvezallerau-delàdecequ'ilvousraconte,nesontpasunà-côtédudiscours,ellesseproduisentdansletextedudiscours.C'estpourautantquedanslediscoursquelquechoseapparaîtcommeirrationnel,quevouspouvezfaireinterve-nirlesimagesdansleurvaleursymbolique.C'estlapremièrefoisquejevousaccordequ'ilyaquelquechosed'irrationnel.Rassu-rez-vous,jedonneàcetermesonsensarithmétique(…)Iln'yapasdecommunemesureentreladiagonaleducarré[c'estsurellequ'appa-raîtl'Autre]etsoncôté.Onamislongtempsàadmettreça.Sipetitequevouslachoi-sissiez,vousnelatrouverezpas.C'estçaqu'onappelleirrationnel.(p.97LivreII)

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Remarquonsiciquel'arêtedel'analyse,àlafrontièredusymboliqueetdel'imaginaire,estdon-néeparLacancommel'intégrationdusujetàsonhistoire.L'historicisation,l'actedeparoleparlequell'homme"entre"dansl'histoirecommesujetounaît,estdéjàicipointéeparLacancommelieud'ouvertureauréel.CetacteposelaquestiondelarelationoriginelleduSujetàl'Autre:c'estlaparoleentantqu'elleparle,laparoleincarnée(leVerbefaitchair).

Les imagesdenotresujetsontcapitonnéesdans le textedesonhistoire,ellessontprisesdansl'ordresymbolique,oùlesujethumainestintroduitàunmomentaussicoalescentquevouspouvezl'imaginerdelarelationduelle,quenoussommesforcésd'admettrecommeuneespècederésiduduréel.Dèsqu'ilyachez l'êtrehu-maincerythmed'opposition,scandépar lepremiervagissementetsacessation,quelquechoseserévèlequiestopératoiredansl'ordresymbolique.

(…)Toutcequiseproduitdansl'ordredelarelationd'objeteststructuréenfonc-tionde l'histoireparticulièredu sujet, et c'estpourquoi l'analyse estpossible, et letransfert(p.299,livreII).

N'est-cepasque,dèslanaissanceetlepremiersouffle,aveclachairdel'hommeapparaîtlesi-gnifiantdelaprésenceréelle–dansunprésentéternel.

I-PAROLEVIDEETPAROLEPLEINEDANSLARÉALISATION

PSYCHANALYTIQUEDUSUJET.(p.247p.123)Qu’elleseveuilleagentdeguérison,deformationoudesondage,lapsychana-

lysen’aqu’unmédium:laparoledupatient.L’évidencedufaitn’excusepasqu’onlanéglige.Ortouteparoleappelleréponse.

Lacanrappellequel’instrumentprincipaldelapsychanalysec’estlaparole.Ils’agitdelaparoledupatient,del’analysantcequidifférenciel’analysede

l’enseignementquiestlaparoledeceluiquisait.Lemédiumdelaparolecen’estpas un savoir ou un discours sur les stades par exemple, ou des conseils ou del’observationoumêmeuneréférenceauxémotions.Ças’inscritdoncradicalementenfauxparrapportàcequelesgensdisent:«Sivousêtespsychanalystevoussa-veztoutcequejepense".D’embléeLacannousmetdanslemystèredelaparole.

Ortouteparoleappelleuneréponse.Nousmontreronsqu’iln’estpasdeparolesansréponse,mêmesielleneren-

contrequelesilence.Iln’estpasdeparole sansréponse.Laparole impliqueunauditeurc’est-à-

direquelqu’und’autre,mêmedanslesilence.Mais si lepsychanalyste ignorequ’il envaainside la fonctionde laparole, il

n’ensubiraqueplusfortementl’appel,etsic’estlevidequid’abords’yfaitentendre,c’estenlui-mêmequ’ill’éprouvera…

Iléprouveraquoi?L’appel?Levide?…etc’estau-delàdelaparolequ’ilchercherauneréalitéquicomblecevide.

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Silepsychanalysteignorequelafonctiondelaparoleestunappelàuneré-ponse,ilvarépondre,etsilevideestprésentdanslaparoledel’analysantilvasemettreàparlerluiaussipourytrouvercequin’estpasdit.

(p.248§1–p.123§4)Ainsienvient-ilàanalyserlecomportementdusujetpourytrouvercequ’ilne

ditpas.Maispourenobtenirl’aveu,il fautbienqu’ilenparle.Iltrouvealorslapa-rolemaisrenduesuspectden’avoirréponduqu’à ladéfaitedesonsilence,devantl’échoperçudesonproprenéant.

*S’ilestvraiqu’iln’yapasdeparolesansréponse,iln’yapasdeparolesanssilence (silencede la chair). Toute réponse sans silence est une réponse vide. Laparolevideestcellequin’admetpaslesilence.Laparolevidevasemanifesterdenepasavoir tenu lesilencechez l’analyste. Ilyaaussi l’aveuentantqueparolevidequipeutcombler.Laparolevideestcellequivas’adresseràl’image,cellequivachercheràcomblerl’imaginaire,àdonnerl’objet(a)àl’imaginairepourcom-blerlenarcissisme.

Laparolepleinevas’avancerdanslesilenceretrouvé.Iln’yapasdeparolevraie làoù iln’yapas la confiance, la foi, làoùonne croitpasque çapeut ré-pondre.C’estuneaudacedeposerlaparolecommecequiappellelaparole.

(p.248§2-p.124§1)Maisqu’étaitdonccetappeldusujetau-delàduvidedesondire?Appelàlavé-

ritédanssonprincipe,àtraversquoivacillerontlesappelsdebesoinsplushumbles.Maisd’abordetd’embléeappelpropreduvide,danslabéanceambiguëd’uneséduc-tiontentéesurl’autreparlesmoyensoùlesujetmetsacomplaisanceetoùilvaen-gagerlemonumentdesonnarcissisme.

«Appel à la vérité dans son principe»… c’est-à-dire dans ce qu’elle ad’originaire.Ilditlàquec’estlavéritéquiparle.Notrerapportàlavéritéestdanslefaitquenousparlions.Nousavonsàfairel’expériencequenotreparoleestvidesurledivan.Nousprojetonsàl’endroitdusujettouteslesprojectionspulsionnellesimaginaires(besoinsimaginaires)etc’estlàqu’apparaîtlevide.Lapsychanalysen’estpasorientéeverslaguérisonmaisverslavérité.Ilfautfairel’expérienceduvidede ceque l’ondit. Souventdesanalysantsdisent:«Jene saisquedirepourqueçavousintéresse».Ontoucheàl’objet(a)quandonlespécularisesoi-même,quandonmetunnomdessus.

Laparoleestuneénigmeetnouscroyonsconstammentquec’estlelangagequi parle. Il n’y a pas d’autre signifiant de la parole au monde qu’un corpsd’homme.Lessuicidantdisent:«Jenesuisentantquecorpsparlantréponseàau-cuneparole».

Sur ledivannousallons faire l’expériencequeçaneparlepasvraimentennous. Que serions-nous si notre chair parlait vraiment? Nous allons fairel’expériencequeçament,çaparledanslemensonge.Ilyaconfusionentreparoleetmensonge,entreréelet imaginaire.Nousneparlonsquedans lemensongeetnous voudrions trouver un endroit où il n’y a pas de mensonge pour parler(combledelaperversion).Nousnousmettonsàparlerautourdusein,durien,desfèces,delavoix,duregard…Lemensongec’estdecroirequenousnesommesriensansl’objet(a)auquelnousnousidentifions.

«Lemonumentdesonnarcissisme»…lenarcissismen’estpaslaréponseàl’appeldecequiparleenmoi.L’analyseestunetraverséedel’imaginairequiauneréalitésociale:notrecorpsestunimaginairequin’estpasleréelmaisnousnepouvons pas faire l’économie de ces différentes réalités. Nous indiquons ce quenousdésirons;ledésirviseleréel.

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C’estunevéritabletendressedepouvoirsupporterlevidedequelqu’unàsaplace.Levideçapanique:lesilencenepaniquepas.Interpréterc’estpouvoirpar-lermaispassouslecoupdel’envie(avoirenviede…).Onpeutrepérerquandilnefautpasparler:danslaprécipitationparexemple.Onpeuttoujourslaisserpasser.

(p.248§3-p.124§3)Ilestétrangequ’unanalyste,pourquicepersonnageestunedespremièresren-

contresdesonexpérience,fasseencoreétatdel’introspectiondanslapsychanalyse.Lesdangersde l’introspection… c’estquandons’écouteparler,qu’onfait

parlersonimage.Oncroitalorsquec’estnousquiparlons.Parlervraimentc’estêtredélogédesonimage«dumonumentdesonnarcissique».L’altéritéradi-caleoùiln’yauraitpasdepassageseraitcelled’undieupervers.Àcetendroit,laparolen’auraitpasdesens.C’estunautrequisemetàparlerparl’intermédiaired’unobjet(a)(l’analyste)pourdécouvrirl’autrequiestenlui.

Iln’yapasdedésirsansl’espérancequ’uneréponsedel’autresemanifeste.Parler vraiment ça divise parce qu’on s’offre à l’imaginaire de l’autre au

risqued’êtremalcompris.Des psychotiques nous disent:«Vous êtes mon père et ma mère», c’est

l’endroitoùlaparoleselibère.Maisonnepeutseservirdelajoiedel’autrepourenjouir.Nousnepouvonsl’accompagnerdanslajoiequ’ensortantdelajalousie.

Lafind’uneanalyseesttoujoursdifficilepourl’analystesurtoutsi l’autreapuvivregrâceàluiouparlui:l’analystedoitsortirdelajalousie?C’estlaraisonpourlaquellelesparentssontjalouxdesenfants.

SESAMle10/1/1987 TextedistribuéparDenisVasse

I–PAROLEVIDEETPAROLEPLEINE

DANSLARÉALISATIONPSYCHANALYTIQUEDUSUJET

Quellequesoitlaviséedelaméthodepsychanalytique,son«médium»-jediraisplusvo-lontierssamédiation–miseenœuvreestlaparole,celledupatient.

Différence d’avec l’enseignement, le conseil, l’observation, la comparaison, la rapport aucieldansl’astrologie,d’avecl’auriculothérapieouleyoga(lespostures),d’avectoutedivinationc’estévident…etpourtant!

Ortouteparoleappelleréponse(p.247§1–p.123§2)Lecœurdelafonctiondelaparoledansl’analyse,c’estd’appeleruneréponselàoùseule-

ment ilpeutyenavoirune, chezquelqu’und’autre,mêmes’il se tait.Dans l’analyse, laparoleexpérimentesafonctionquiestcelled’appeleruneréponsedanslesilence(delachair)c’est-à-direlàoùçaparlevraiment.

…iln’estpasdeparolesansréponse…Onpourraitécrire:pasdeparolelàoùiln’yapasderéponse.D’où,iln’estpasdeparole

danslachairsansréponsedanslachair.Sijeparlec’estqueçamerépond.Maissilepsychanalysteignorequ’ilenvaainsidelafonctiondelaparole,iln’ensu-

bira que plus fortement l’appel (à répondre), et (comment répondre) si c’est le vide qui

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d’abords’yfaitentendre.C’estlevidequirépondàl’appelduvide.Àlaparoleviderépondralevidedanslachairdel’analysteetc’estau-delàde laparolequ’il chercherauneréalitéquicomblelevide.Au-delàdelaparolec’est-à-diredanslaréalitéimaginéedesonpatient,danssoncomportement,danscequ’ilpensedelui,danslamanièredontill’imagine,dansl’enquêtepolicière.

Ilvas’imaginercommentilestpuisilchercheradanslediscoursdanslaparolevidedupa-tientcequiconfirmecequ’ilimagine.

Ainsienvient-il(lepsychanalyste)àanalyserlecomportementdusujetpourretrou-vercequ’ilneditpas.(p.248§1–p.123§5)

Jemesuisinterrogépoursavoiràquelantécédentrenvoyaitce«il»:lepsychanalyste?oulesujet?Celapeutêtre l’unou l’autreetonpourrait traduireparune formule impersonnelle:pouryretrouvercequin’estpasdit.

Maispourenobtenirl’aveu,ilfautbienqu’ilenparle.Iltrouvealorslaparolemaisrenduesuspectden’avoirréponduqu’àladéfaitedesonsilence,devantl’échoperçudesonproprenéant.

Ilyadéfaitedusilence.Quandlapeurduvideatriomphédelaparoleetquelesmotsvien-nentcomblerlevide…cequiinterditàtouteparoledechercherréponse.

Lapeurduvidetriomphedelaparolequandnousimaginonslecomportementdenotrepa-tient et que nous le suggérons quand nous sommes dans la nécessité de faire quelque chose,d’interpréterpour satisfaire ànotre imaged’analyste…àmoinsque cene soit quandnousnepouvonssupporterlesilenceetlatensiondel’appelàlaréponsequetouteparoleprovoque.

Ilyadéfaitedusilence,lesilencesedéfait,nesupporteplusl’appeldelaréponse(devant)l’échoperçudenotreproprenéant…c’est-à-diredenotreimpossibilitéderépondreàlaparolecartouteparoledusujetestappelàlavéritédanssonprincipe:lavéritédusujet.

C’estdanscetappelquevontvenirvaciller lesappelsdebesoinsplushumbles:maisen-core faut-il pouvoir les soutenir dans le silence. Dans cet appel, dans cette aspiration du vide(béanceambiguë)vients’engagerlemouvementdunarcissisme:touteslesprojectionsdumoi,touteslesimagesquenousnousfaisons,touteslesrusesd’unimaginairequisefige,sefixe,éla-boreunobjetautourduquellemoiseconstruit,unobjetd’autantpluscentraldanscettepriseenmassedel’imagequejustementiln’estpasspécularisableet,commetel,prendlaplacedusujetinsaisissable.

L’analysantchercheau-delàduvidedesondire,au-delàdel’imageprojectivedelui-mêmeàquoisaparoleenappelle:et toutes lesconstructions imaginairesdesacomplaisancevontypasser.Ilengagedanscetappeldelaparolelemouvementdesonnarcissismeconstruitsurrien,surl’objetdufonctionnementpulsionnel.

Touteparoleappelleréponse.Cetteréponsenouslacherchonsd’aborddanslesimagesdenous-mêmes…vides…jusqu’à

l’ouverture au cœur dumême, dans le silence, à ce qui parlant répond à l’appel de la parole.L’Autrequ’aucunautre,qu’aucuneimagedemoi(=autre),nepeutremplacersansrendrevideledire,sansrameneraunéantlaparole.

Danscemouvementdeparlerà…sedérobenttoutescesbelleschosesqu’oncroyaitavoirenréserve…celledel’introspectionduprud’homme.

Etcequivaapparaître…valerendrecoiajouteLacan,c’est-à-diresilencieux. 7/2/1987

(p.248§3–p.124§2)Leprud’homme…qui en sait long sur les dangers de l’introspectionetquite-

nant la gageure de l’aventure analytique en s’y soumettant… voit arriver dans son espritd’autreschosesquelesbelleschosesauxquellesils’attendaitetquisedérobent…àsaproprevolontédelesexposer.Cequivient…luiparaîtsotouinutileàdireet lerend coiunbonmo-ment.

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(p.248§5–p.124§4)

Ilsaisitalorsladifférenceentrelemiragedemonologuedontlesfantaisiesac-commodantesanimaientsajactance,etletravailforcédecediscourssanséchappatoiresquelepsychologue,nonsanshumour,etlethérapeute,nonsansruse,ontdécorédunomde«libreassociation».

L’associationlibredevientletravailforcéd’oùl’humourquerecouvrecemot«libre».LetravailforcépourLacanc’estlaparole,carcen’estpasévidentdepar-ler.Dèsqu’onparle,onentredanslatriade,frustration,agressivité,régression.Cequiforce,c’estquenousayonsàparler.

Lepsychotiquec’estforcéqu’ilsetaise.Ilrenonce,sanslesavoir,àlaparoleparcequ’iln’yapasderéponse.Ilsetrouvedanslapositionnarcissiqueparexcel-lenceetilprendàunmomentladécisiondeneplusparler,deneriendire.

Accepterlarègledelalibreassociationets’ylivrer,c’esttrèsdifficileparceque cela suppose de laisser tomber la nécessité où nous sommes de nous recon-naître quand nous parlons ce qui entraîne une déception. Vivre c’est allerd’écoulementimaginaireenécoulementimaginaire.C’estlàqueprendsens:«quiperdsavielagagne».Lagénération:çaparleetçavitdegénérationengénéra-tion, ça traverse la mort que nous ne pouvons pas nous représenter, c’estl’écroulementdel’imaginaire.C’estlaréférenceaunomdupèrequinousinscritdegénérationengénération.

Êtreanalystesupposelafacultédiscernanted’entendreladifférenceentrelemirage

dumonologueetletravailforcédelalibreassociation:celasupposedonclesortcommunavecl’analysant,celuid’êtrepassésurundivan,c’est-à-dired’avoirfaitl’apprentissagequecelaexige,celuid’untravailcentfoisremissurlemétier.Etquinousfaitreconnaîtrelepassagedumiragedumonologueautravail forcéde la libreassociation, lapertinenceduterme«durcharbeiten»au «working through» et qui équivaut à un travail de passage à travers cent fois repris et…d’unecertainemanièresansfin.

Comment cet ouvrage, ce travail progresse-t-il? Comment le suivre? Commentl’analyser?

Lacan rappelle ici la triade théorique héritée de Freud: frustration, agressivité, ré-gressionetseloncequiaétéditplushaut,àsavoirque lapsychanalysen’aqu’unmédium: laparole du patient. Il va en démontrer le «mécanisme» selon l’axiome qui régit ce médium.L’axiomeestunevéritéindémontrablemaisévidentepourquiconqueencomprendlesensetquiest:touteparoleappelleréponse.

LacanrelitladécouvertedeFreud:frustration,agressivité,régressionàlalumièredecequiparle.Ilvaréinterpréterchaquemotrelativementauxrèglesauxquelleslediscoursobéit:celui de l’accommodement aux images de nous-mêmes dans le mirage de monologue (quianime)…etceluidutravailforcédelalibreassociation.Travailforcéparquoi?Parlatriadejus-tementfrustration,agressivité,régressionquiconduitselonlalogiquedel’inconscientdecequenousdisons…àcequiparleennousetquenousnesavonspas,cequenousn’imaginonspas.Laparolenefaisantquemi-dire.

Lacanvamettrel’accentsurlamanièredontçafonctionne.PourFreud,lafrustra-tionparexemple consisteànepasarriveràavoir telobjetoudenepasarriverà telstade:c’estdansl’ordredelareprésentationmythique.Lacanréinterprèteselonl’ordredelaparolecequeFreudinterprèteselonl’ordredes

stadeslibidinauxetdeleursuccession.Déjàlà,nouspercevonsàquelpointl’articulationFreud-Lacancorrespondàcellequisesoutientdurapportdumytheà l’histoire.Lemythe(oedipien)rend compte de ce qui ne se dit pas dans l’histoire. Il est projeté à l’origine de l’histoiredel’inconscientquiagitdansl’histoire.Cerapportentreorigineethistoireestdanslemédiumdelaparolequiseditdanslachairsansquenouslesachions.Cequineseditpasdansl’histoire(celle

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quenousnousracontons),c’estlajalousieoedipienne:l’autoriseràsediresansquenouslesa-chions,c’estrégresserjusqu’àl’oralité.PourFreud,c’estrégresserjusqu’ausilenced’uneparoledontnousnesavonsplusendéfinitivecequ’elleditquandchuteouquandchuteral’objetimagi-nairequiensoutenait l’animation…làoùcetroudugrandAutre,commediraLacanplustard,introduitlesujetdansleréel.

Maisnousanticipons.Ilnousfautreveniràlatriade.D’oùvientlafrustration?…dusilencedel’analysteouest-elleinhérenteaudiscoursmêmedusujet?Sielleest

inhérenteaudiscoursdusujet, celaveutdireque lorsquenousparlons,dans le redoublementspéculaire de notre imaginaire pour soutenir «l’image que nous avons de nous-même», nousparlonsdanslevide.

Or,qu’elleviennedusilencedel’analysten’estpaspertinentpuisquelorsquevientdeluiuneréponsequiapprouveouquiprendencomptelaparolevide,justement,ilvas’avérerauxeffetsqu’elle estbienplus frustranteque le silence.Elle va relancer l’œuvredudiscoursdansl’imaginaireetdécevoir toutecertitudepuisqueplus lesujet tenterad’atteindreune imagere-peinteetredoréeplusilrefermeralesbrassurduvide,etcejusqu’àcequ’engros,ilselaferme.Car conclutLacan, le travail qu’il faitde reconstruire cetteœuvre imaginairepourunautre leconduitàretrouverl’aliénationfondamentalequilaluiafaitconstruirecommeuneautre.Etilatoujoursdestinécetteconstructionetreconstructionàluiêtredérobéeparunautre.

J’ajouteraisvolontiersquantàmoi:poursegarderlui-mêmeouparpeur.Icis’indiquelaracinedecequivadevenirdédoublementfauted’êtretenuparlapa-

roled’unAutrecommedivisiondusujet.C’estpar lamédiationde cette incessanteprojectionde lui-mêmedans l’imaginaire

pourunautreque l’êtredu sujet s’engagedansunedépossession toujoursplus grandede cetêtremême,ditLacanaudébutduparagraphe.Ça,c’estparlerdanslevide.

Cetégo, lemoioules«mois»danslesquelsnousessayonsdenousreprésenter,estfrustrationdanssonessenceetilnepeutenriensedéfinircommelefontlesthéoriciensmisencauseplushaut,parlacapacitédesoutenirlafrustration.

Tantplusçamarcheladépossessiondemoiparl’imageettantplusçaaliènelajouis-sancedusujetcommetelle.Çavajusqu’àlaformed’uneimagepassivanteparoùlesujetsefaitl’objetdanslaparadedumiroir.

Etdecetexcèsmêmeilnepeutsesatisfairepuisqueàatteindremêmeencetteimagelaplusparfaiteressemblance,ceseraitencorelajouissancedel’autrequ’ilyferaitreconnaître.Oùme semble-t-il on pourrait lire ce qu’ailleurs on peut identifier comme la jalousie la plusmeurtrière.C’estpourquoicontinueLacaniln’yapasderéponseadéquateàcediscourscarlesujettiendracommemépristouteparolequis’engageradanslaméprise.

Cequin’estpasmépris,endéfinitive,c’estlesilenceentantquetenudansuneposi-tionquin’estpasdeprestige.Illaisseserévélerlaméprisedelàoùellevient,dusujetquiparleàunautre(laconstruction)commesic’étaitl’Autrealorsqueçan’estquelui!

L’agressivitérésultedeladépendanced’esclavedenous-mêmesparrapportànotre

propreimagequifaitréponsevide,celledelanon-rencontre.Àl’ordreimaginairesuccèdeledé-sordrequifaitrechercherplusloin,plusprofondlaréponsequetouteparoleappelle.«Toutemavie,medisaitunejeunefemme,n’étaitquefiction…etjecroisquejevaismourir».

Cette agressivité qui est celle d’une vie qui échoue à se reconnaître sujet parlants’enfermedanslanégationdel’Autre.Ellesevengesurelle-mêmeendétruisant,dansunesorted’inversiondudésirdel’Autreendésirdemort.

L’agressivitéquelesujetéprouveran’aicirienàfaireavecl’agressivitéanimaledudésirfrustré,c’estdel’agressivitédel’esclavequ’ils’agit:esclavequirépondàlafrustra-tiondesontravaild’élaborationdelui-mêmedérobéparunautre–puisqu’ilnedonneriende

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subsistant-parundésirdemortdecemaîtrecenséluiavoirdérobé…lui-même.Ilsetrouveex-cludesaproprereprésentation.Ilestfiction.

Cen’estpasriendepointerl’apparitiondel’agressivitédanslabasculedelamépriseenmépris,basculequisefaitautourdel’actedeparlerlàoùlediscernementmanquepourquiécoute:làoùlaconfusiondoncsemanifeste.C’estbiencontrenotrepropreconfusionquenotreclartésemetencolèreenlaprojetantsurlesautres:lesfairealorsdisparaîtrec’estéquivalem-mentnousdébarrasserdenotreconfusion:cercleinfernaleneffetdelamépriseetdumépris,dontlemoteurestl’agressivitéquinaîtdelafrustrationd’unimaginairenonhonoré…etquiendéfinitive,nesauraitl’êtresaufàredoublerlamépriseenmensonge,lescertitudesenmirages…au lieude les suspendre…et, dans le discours, d’en scander les résolutions– de lesré-soudreouderésoudrelemalentendu,laméprisedontellessontlelieu.(p.251§6–p.127§6)

Danslaparolemêmevideetusée,resteunevaleurd’échange…àproposdelaquelleadisparu,àcausedel’usuredel’usage, lavéritablefigureoumétaphorequisupporterait leren-versementenméprisd’uneparolequis’engagedanslaméprise.

Cerenversementquifaitprendre–mêmeenparlant lui-même–le«moi» instanceimaginaire-pourlesujetdansl’instancesymboliqued’uneparolepleine.(p.251ligne10etssv–p.127)

Làoùcerenversementdemépriseenméprisalieus’ouvrenécessairementlavoiedela régression…qui fait chercher ceque çaveutdire,qui fait rechercheràquoi était référée laméprise,àquellevéritédesoi…pourqu’elleaitpuparaîtrevraie…alorsqu’elleestinscritedansladimensiondelatromperieimaginaire…carmêmes’ilestdestinéàtromper,écritLacan,(lediscours)spéculesurlafoidansletémoignage.(p.252haut,p.128)

Celaveutdirequemêmevide,ouvidée,usée,laparole,lediscoursrenvoieàcequel’autrepeutcroire(la foidutémoignage)maispourautant justementque lepsychanalysteen-tende,nonàquelcontenuimaginairedudiscours(grâceauxenquêtes…)lemoiestpris,maisàquelpartiedecediscoursestconfiéletermesignificatifdecequiparlepleinement.End’autrestermes:quelestlesignifiantquireprésentelesujetpourunautresignifiant?Sansqu’illesachedonclesujetestconfié(danslafoi,dansletémoignagesurlesquelstoutdiscoursspécule,mêmes’ilestdestinéàtromper)àunsignifiant…quipeuttrèsbiendanslaparolevidenerienavoiràfaireavec lesignifiantdudiscours…etquimêmepeutavoirune forme inverse.CommeFreudlui-mêmenousaapprisdanslesrêvesàinterprétercommegrand-mère(àcaused’undétail)lamiseenscèned’unefrêlejeune-filleparexemple.

La«ponctuation»quivientducôtédepsychanalysteetqui«scande» le tempsdudiscourssoulignelapartienonsignificativedudiscours…maissignifiantedusujet.

Làest toute lanécessitédenepas se laisserprendreauxeffets imaginairesdudis-cours…pourpouvoirprendre laparole làoù le sujetvientà rencontrer le signifiant…que lui-mêmearticuleoupointe.

Cespointagesonttoute«lavaleurd’uneintervention»auservicedel’interprétation– interventionqui peut aller jusqu’à l’interruptionde séances effectives…« Cequi indiquedelibérerdesoncadreroutinier»letermedelaséancepourlesoumettreàtoutesfinsutilesdelatechnique.Maisilfautdirequecettemanièred’interventionpeut,comme«lapiècedemon-naie» s’user… et rejoindre le néfaste de l’habitude vide. Il faut dire aussi qu’une interventionparléede l’analyste est toujoursune interruptionde séance…surtout si elle a lieu aubonen-droit…etcelaindiquedelibérerceterme…ducadreroutinier…oùilapus’inscrirepourlesoumettreàtoutesfinsutilesdelatechnique…celle,enparticulier,del’irremplaçablesilenceetinterruptiondudiscourssurledivan.

*********Et c’estainsiquelarégressionpeuts’opérerquin’estquel’actualisationdans

le discours des relations fantasmatiques (inconscientes), restituées par un ego à chaqueétapedeladécompositiondesastructure.(p.252–p.128).

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Larégressionenanalyseestàdifférencierdupassageàl’acterégressif,celuiquimetenétatderégressionlàoùjustementiln’yapassituationdansl’échangeetdanslaparole.

Car, enfin, cette régression,ditLacan,n’estpas réelle,cequiveutdireiciqu’elle

n’aderéalitéquedanslediscours.

(p.249§2-p.124§6)Onareconnuaupassage lapertinencedu terme…«Cent fois sur lemétier, remet-

tez…»Maiscommentl’ouvrageprogresse-t-ilici?C’estdanslemouvementdupassagequ’onareconnulapertinence.Onare-

connuaucoursdecepassagelapertinencedumot«c’estcentfoissurlemétier…»

Passagedelaparolevide Laparolepleine Mirage Letravailforcé

dumonologue Lalibreassociation LATRIADE Frustration Agression Régression(p.249§4-p.125§2)Lesujetnes’yengage-t-ilpasdansunedépossession toujoursplusgrandede

cetêtredelui-même…quecetêtren’ajamaisétéquesonœuvredansl’imaginaireetquecetteœuvredéçoiten lui toutecertitude.Cardanscetravailqu’il faitde lare-construirepourunautre, il trouve l’aliénation fondamentale qui la lui a fait cons-truirecommeuneautre,etqu’ilatoujoursdestinéeàluiêtredérobéeparunautre.

Pourunautre…reconstruiresonimagepourunautre.Çan’apasmarchéunepremièrefois,ças’estcassélafigure:onveutdoncreconstruirepourunautrequiestprétendumentl’analyste.

Commeuneautre…commeuneautreimage:ils’agitdesonimagequ’ilareconstruitecommeunautre.

Parunautre… ila toujoursdestinécette imageà luiêtredérobéeparunautre.

Ladimensiondeladéceptionestcentraleparcequ’elleditquel’imaginaireestvide:d’oùladérobade. Ilcroyait fournirquelquechose,mais iln’yariende-dans.Ilpensedoncqueçaluiaétédérobé,enlevé,parlesujetsupposésavoir.

C’est son image qu’il a construite comme une autre. En reconstruisant unautre, il retrouve la même aliénation fondamentale qui la lui fait construirecommeuneautreimagedérobéeparunautre.Onesttoutàfaitdanslemiroir.

Nepasparler,c’estnepasfairel’expériencedeladéceptionetnepasrisquersapropreconstructionimaginaire.Siquandonparleàquelqu’unonconstruituneimagequidevientvotreinterlocuteur,quidevientunautre,lafrustrationvientdufaitdeladécouvertequeçac’estvide.C’estl’êtredusujetquisetrouvecomplète-mentaliénédans l’image: celapeutaller jusqu’à la juxtapositionde l’être et del’image,aveclatentationdecroirequecommetoutesnosimagess’écroulentnousnesommesqu’image.L’êtredusujetn’estaucunedesimagesnimêmel’ensembledesimages.Nousnesommespasnotrehistoirehistoricienne.

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Cequivaêtretrouvén’apasdereprésentation:c’estlaparolecommetelle.Nousnepouvonsavoiraccèsàcequisepasseennous.Avantiln’yavaitpasdepa-rolesansréponse.Maintenantiln’yapasderéponseàlaparoleautrequelapa-rolevide.

Àquois’opposelaparolevide?

(p.149§5&150-p.125§3&126)Cetego,dontnosthéoriciensdéfinissentmaintenantlaforceparlacapacitédesou-

tenirunefrustration,estfrustrationdanssonessence.Ilestfrustrationnond’undésirdusujet,maisd’unobjetoù sondésirestaliéné… ilne saurait s’en satisfairepuisqueàat-teindremêmeencetteimagesaplusparfaiteressemblance,ceseraitencorelajouissancedel’autrequ’ilyferaitreconnaître.

Comment prétendre à l’élaboration d’unmoi fort si c’est dans son essencequelemoiestfrustrationdudésir.

…«lajouissancedel’autre…».C’estpourcelaquelesperversneveulentpasentrer dans la joie. S’ils y entrent, ils jouissent de la parole de l’autre et c’estcommes’ilsenétaientcomplètementdépossédés:c’estl’autrequijouiteneux.Ilsneconçoiventl’amourqu’àposséderl’autre.

DansMarcVI17,Hérodefaitmettre Jean-Baptisteenprisonparcequ’il luireproched’avoirépousé la femmedeson frère (inceste).Hérodeaimebien Jean-Baptistemaissesreprochesl’énervent.Lafilled’HérodiadefemmedeHérodevientdanserdevantlui.Coupdefoudre…etilditàlafille«Cequetumedemanderas,jeteledonnerai».Lafrustrationqu’Hérodeéprouvedevantlafilled’Hérodiadequidanseetplaità tout lemonde l’entraîneàs’engagerdansunedépossessiontou-joursplusgrandedelui-même.Ilsedéfendd’éprouverunetellefrustrationenenrajoutant dans l’ordre de sa grandeur ce qui n’empêche pas de vaciller sous lescoupsdel’envie.«Demande-moicequetuveux».Parolevides’ilenestquid’êtrepriseaumotvaêtresanctionnéed’undésirdemort.ElleretournevoirsamèrequiluiditdedemanderlatêtedeJean-Baptiste.

D’êtreprisauscénariodelaparolevideetd’autantplusqu’elleestvide,Hé-rode ne peut pas dire «non». La parole vide c’est croire vraiment qu’on est cequ’onimagine:c’estnotreimagequenousfaisonsparler.Nousprenonscommefi-délitéàlaparolecequiestperversion.Pouréviterlafrustrationnousallonssanslesavoirentrerdansl’agressivité,ledésirdemort,parunpassageàl’acte.Hérodevaagir le désir demortd’Hérodiade. Il vadonc faire tuer celui-làmêmedont ilsentbienquec’estdanscettedirectionqu’ilvaentendrecequiseditdusujet.

14/3/1987

(p.250§1-p.126§2)L’agressivitéquelesujetéprouvera…(est)celledel’esclavequirépondàlafrustra-

tionde son travailparundésirdemort.On conçoitdès lors comment cetteagressivitépeutrépondreàtouteinterventionqui,dénonçantlesintentionsimaginairesdudiscours,démontel’objetquelesujetaconstruitpourlessatisfaire.

La frustration est celle de l’esclave enchaîné à sa propre image. Lemaîtreprojetésurl’analystec’estlemoi.Cequifaitquelafrustrationbasculeenagressi-vité, c’estque l’analysant s’estmisdansuneposition imaginaire.À l’intérieurdelui-mêmeilestesclavedesapropreimageprojetéesurl’analyste.Leméprisetlaméprisesontàl’intérieurdumême,chezl’analysant.

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Répondreàlaparoleimaginaire-cellequiestconstruiteennousetnonenécoutantcequiparleennous-n’engendrequeleméprispourceluiquiyrépond(le «moi», l’analyste). Si l’analyste authentifie cette position imaginaire,l’analysantn’auraque«duméprispourcetteméprise».(p.126§1)C’estuneformedeméprisdelaissercroireàquelqu’unquel’imagequ’iladeluiestlesu-jetqu’ilest.Çafaitméprisesurlemoi.Lemoiesthaïssable.Lesilencepermetàl’analysantdefairel’épreuvequecequ’ilditouconstruitn’estpasuneréponseàlaparolequiestenlui.

Lacanvamettrel’accentsurlamanièredontçafonctionnedanslemédiumde laparole. Ilnepeutyavoirsurgissementdusujetquedans ledégagementetl’abandondel’image.L’agressivitévientdeladéceptionden’êtrepascequel’oncroitêtre.

(p.252§3-p.128§5)C’estainsiquelarégressionpeuts’opérer,quin’estquel’actualisationdansledis-

coursdesrelationsfantasmatiquesrestituéesparunégoàchaqueétapedeladécomposi-tiondesastructure.Carenfincetterégressionn’estpasréelle…

La régression est consécutive au parler vide, au laisser tomber de l’image.C’estleliendeméprisdecertainscouplesquisontlesplussolides:c’estlaformuleinversée. Ils ne peuvent aimer l’autre. «Il faut qu’elle pleure, qu’elle claque laporte».C’estl’occultationdel’origine,del’endroitoùlaparolevientdel’autre.

Lemoiperversconsidèrel’autrecommesonobjet:moiveut l’autrecommeobjetanalparexemplechezleshommesquiveulenttoujoursfarfouillerlecorpsdelafemme.Cequilefaitvivre,c’estlatendancepulsionnelleetsionmetcetteten-dance à jour chez un pervers ça panique parce que ça n’ouvre sur rien d’autrecommes’ilconfondaitl’imaginaireetl’ouverture.Ilyaconfusionentreleproces-suspulsionnel et ledésir. Chez lepervers, c’est la confusionqui fonctionnealorsque le psychotique est perdu, paumé. Dès que l’autre disparaît la tendance vas’inversercarilfautbienquel’autresemetteàexisteràl’intérieurdeluienrédui-santl’autreàl’imagedemoi:latendancepulsionnelleestintérioriséesanssymbo-lisation.Leperversprendn’importequoicommeobjetpourvuqu’ilfassefonction-nerlatendance.

.PER-version-per=àtraversn’importequoi.-CON-version-con=aveccequisignifiel’autre.Se convertir suppose le mensonge reconnu dans notre histoire: il touche

l’humanité toute entière. C’est le fondement de la solidarité humaine. Sinon, il yaurait lespardonnéset lesautres.Lasolidariténepassepaspardesjeuxderes-semblances,ellepasseparlechemindel’humilité,reconnaîtrelemensongequiestennous.

-Onfaittoujoursjouerl’agressivitédansl’ordredelareprésentation:«c’est

mamère».C’estpossible,mais ce surquoiLacanmet ledoigt, c’est leprocessusdanslemédiumdelaparole.Sil’analystenecherchepasdanscetteperspective,ilva par exemple aller chercher dans l’agressivité dont on se défend: contre quil’analysanta-t-ilpuêtreagressif(père,mère…).L’interprétationdevraportersurlachaînesignifianteetfairejaillirdanslachaînesignifiantelereprésentantdusu-jetquin’yestpas.C’estletravaildel’analyse.

-Laparoleoriginaire–«letroudel’Autre»,commeditLacan,estnécessai-

rementprisedèsledépartdansl’ordredumensonge.Ilestimpossibled’accéderà

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cequi parle dans l’hommeautrementquepar la dénonciationdumensonge: laconfusionhomme-femme,vérité-mensonge,oui-non,existedèsl’origine.

Chezlepervers;ilyauneespècedesensquin’enestpasunquinerenvoiejamaisàl’altérité.

Chez le psychotique, il n’y a pas d’altérité non plusmais un enfermementdansunmondeàsoi.

Dans lesdeuxcas, il fautsituer lesujetquiestcachéderrière lemensonge,l’orgueil.

Onpeutêtretémoindelaconfusiond’unperversmaisnepaschercherparsoi-mêmeà la liquider: c’est toujours luiqui yarrive.Tenterune interprétationquidénoncerait ledédoublementdumoi,ne faitqu’alimenter leprocessussiellenevapasaudelàqueçapuisseêtreuneréassurancesurleplandu«je».Ilfautlesaimersuffisammentpournepastomberdansleurspièges.

Sil’interprétationn’estpasjusteounedonnepasd’effets,cen’estpasgrave.Cequiestredoutable,c’estdevouloirquesoninterprétationsoitexacte:c’estcequidéclenchedespassagesàl’acte.

4/4/1987

(p.252§3-p.128§5)

Luiimputerlaréalitéd’unerelationactuelleàl’objetrevientàprojeterlesujetdansuneillusionaliénantequinefaitquerépercuterunalibidupsychanalyste.

C’estpourquoiriennesauraitpluségarerlepsychanalystequedechercheràsegui-dersurunprétenducontactéprouvédelaréalitédusujet.

L’alibidupsychanalystec’esttoujoursfinirparsouhaiterqu’ilyaitunobjet,

quesonmoisoitconfortéparlemoidel’autre.Laparolevidec’estleredoublementdel’imaginaireavecmiseenfonctionde

latriadefrustration-agression-régression.Nousavonsàtravaillersurl’endroitoùnousmettentnosanalysantsets’ils

nemettentpasenjeul’évitementdelaparole.Nousavonsaussiàmanifesterquenousnesommespas làoùoncroyaitqu’onétait:noussommesailleurs.Onvou-drait toujours enentendantquelqu’un savoir comment il se comporte, entrer encontact avec l’essentiel qui serait à dire ou àmanifester. La difficulté n’est pasdansl’essentielmaisdanslevouloir.Toujoursvouloirêtredanslaparolepleineoudanslaparolevide,c’estéquivalent,onsetrompedanslesdeuxcas:iln’yadepa-rolenividenipleine.

L’objetau-delàdelaparoledeviendralegrandAutrepourLacan.Parlamé-diationdelaparole,ledésirn’estordonnéàaucunobjetmaisaudésirdel’Autreetàlachutedel’objet(a):l’essentieldudésirc’estl’immédiateté.Ledésirestàdiffé-rencierdelapulsion.Ledésirnepeutsepenserhorsdelapulsionmaisiln’enestaucuneet,enmêmetemps, il lesarticuletoutes.Dans ledésirde larencontre, levéritable amour, c’est devenir celui qu’on aime. L’immédiateté de la rencontrenousconstituecommedésirant.Quandilyarencontrelamédiationdisparaît:elles’éprouvecommefusionouabandon,quelquechoseoùjem’abimedansl’autreoul’autreenmoi.Maiscetteimmédiatetéestquelquechosed’impossible:dansledé-sirquelque chose viseà lapertedumoi. Ledésir serait l’éternelprésent. Lapa-tienceestcequimaintientledésiretentémoigne.

L’Espritestunemédiationdel’immédiateté.

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Lamortdumoi,c’estl’ordonnancementdelarévélationdusujet,c’estledé-sir,cequ’onnepeutpasvouloir.Laplupartdutempsnousvoudrionslamortima-ginairedenotremoi.Sil’Autreestcetteinstanceinimaginable,c’estqu’onnepeutsavoircequ’elleveut.

IlyaconfusionentrelamèreetDieudanslediscoursimaginaire.Cequiestàentendre,c’estlaquestiondelachaircommemédiation.L’horreurc’est:«cequenoussommesn’estpasvrai».Ilyadeuxfaçonsd’yéchapper:-lamatérialité:cequiestréelc’estmaviande:delaviandeetalorsledésirquipeutresterouvertou-l’idéologie,laparoleestlavéritécomplète.

Siledésirestvrai,ilfautquel’autreaituncorps.Siledésirn’estpasvrai,cecorpsestbienlecorpsréel.Ils’agitdel’oppositionentrel’idolâtrieetDieu.Plusonavance sur ce lien plus le risque de l’idolâtrie est grand. Il n’y a pas de foi sanspointagedugrandAutre(A),cequelqu’unàquionpeutparlerenvéritéetiln’yapas cet entrecroisement entre croire et ne pas croire. La vie dont nous désironsvivre,nousvoudrionstoujourslasentiralorsquenousnepouvonsqu’ycroire.

(p.254§2-p.130§3)Sinousportonsmaintenantnotreregardàl’autreextrêmedel’expérienceana-

lytique, - dans son histoire, dans sa casuistique, dans le procès de la cure, - noustrouvonsàl’opposédel’analyseduhicetnunclavaleurdel’anamnèsecommeindiceet comme ressort du progrès thérapeutique, à l’intrasubjectivité obsessionnellel’intersubjectivité hystérique, à l’analyse de la résistance l’interprétation symbo-lique.Icicommencelaréalisationdelaparolepleine.

Troisformulations:histoire,anamnèse,introductiondel’histoire.-Lehicetnunc,prisicidanslesensdel’immédiatetéimaginaire,estopposéà

l’anamnèsecommeprogrès.-Ilyaplusieursmanièrederacontersonhistoireetellepeutchanger.- Réintroduire dans le présent notre histoire c’est interroger l’origine

(l’altéritéoriginaire)Assumer son histoire est imaginaire sauf quand il y a assomption du sujet

(quand il ne sait pas qu’il l’assume). Ce n’est pas l’anamnèse en soi qui comptemais elle est indiceet ressortduprogrès thérapeutiqueà travers la chose signi-fiante.Alorsunsujetvadécouvrirqu’iln’estpasréductibleàsonhistoricité.

L’intrasubjectivitéobsessionnelle–l’intersubjectivitéhystérique.Onnepeutresterdansunrapportdumoiàl’objet,ilfautintroduirel’intersubjectivité.C’estlamanièredesereprésentersubjectivementpourl’obsessionneletl’hystérique.

Obsessionnel HystériqueIntrasubjectivité intersubjectivité

Lejeudemoiavecmoi L’hystériquemetlemoihorsd’elleReprésentationdel’unetdel’autreàl’intérieur Entendrecequ’elledittoutenn’yétantpasdumême L’Autredel’hystériquec’estlemoietnonleA C’estl’arrangementquefaitl’hystérique. C’estdel’entendrequipeutnousindiquerla questiondel’altérité

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L’interprétationsymboliqueestcequiautoriselepassage,cequineselaissepasprendredanslefantasmeetquisefaitdanslarencontre.Cequiparlen’estnipleinnivide,çanouslibèred’analyserlesrésistancesdansl’ordredelapsycholo-gie. C’est dire ce que les conditions de la technique nous font dire sans qu’on lesache.

Lecontrôleentrelaparolevideetlaparolepleine

Cequi«actualisedanslediscoursdesrelationsfantasmatiques»etquicaractérise«larégression (qui) n’est pas réelle»…et donne lieu à la parole vide (p. 252 – p. 128 § 5), va«s’opposer»àl’autreextrêmedel’expérienceanalytique(p.252),àcequiactualisedanslapa-rolel’histoire,etquicaractériselarencontreoul’interprétationsymboliqueàlaquellelaparolepleinedonnelieu.

Lacanmarqueunefortedifférence–sansledire–entrel’analyseduhicetnunc(qu’elleseramèneàl’intrasubjectivitéobsessionnelleouàl’intersubjectivitéhystérique)etcequ’ilappelle«l’interprétationsymbolique»oùcommencelaréalisationdelaparolepleine:c’estpourtantàcetteinterprétationsymboliquequedonneaccèsl’analysedelarésistance.

Onpourraitdireque larencontreavecquelqu’undans l’ordrede laparole(pleine)nesefaitjamaissanslaremiseenjeu–icietmaintenant–detoutesonhistoire:c’estàcetteremiseenjeude l’histoireques’opposelarésistancede l’intrasubjectivitéobsessionnellecommecellede l’intersubjectivité hystérique même si c’est la seconde qui va nous en dire plus sur«l’événement»,causedusymptôme,causedumutisme.

Lavaleursymboliquede l’histoires’opposepourLacanà lavaleur fantasmatique(imagi-naire)d’undiscoursdu«moi»quirendcompteàchaqueétapede ladécomposition(oude lacomposition)desastructure.

Laparolepleinedemoiestvide redoublement–illusionLaparolevidedemoiestpleinedivision-altérité«Imputer» à la régression qu’entraîne la première «la réalité d’une relation actuelle à

l’objet»–lamèrede latête,parexemple–«revientàprojeter lesujetdans l’illusionaliénantequine faitque répercuterunalibidupsychanalyste».Prendreainsidesvessiespourdes lan-ternesaliènelesujetenanalysedansunailleursdelarencontreanalytique,dansunailleursdelacure,dansunailleursdelaparoledel’analyste:cetailleursc’estl’image,l’idée,lesentiment.

Pourdénoncercetailleurs,pournepaspermettrequeleprocèsdelacures’enlisedansuntelalibi(p.252…), l’analystes’autorisede lui-mêmeetnonde l’imagequ’ilade lui,decequ’ilentendetnonde la tentativequiconsiste«àseguidersurunprétenducontactéprouvéde laréalitédusujet»(p.252…).

S’autoriserde lui-même–en ce sens–veutdire: s’autoriserde laparole en tantqu’ellenousconstituecommeêtrederencontreetnonentantqu’elleestvide,évidenteetévitante.

S’autoriserdelui-mêmepourlepsychanalyste,c’ests’autoriserdecequ’ilparleavecladi-mensiond’altéritéintimeoùlaparoletrouvesasource,etestelle-mêmeautoriséedel’autre.

JenesaispassiLacanaintentionnellementvouluinsérerdesconsidérationssurlecontrôle

entredéveloppementsurparolevideet triade(frustration,agressivité,régression)etdévelop-pementsurparolepleineetrestructurationdusujetdansl’après-coup(p.256).Jecroisqu’ilnel’a pas voulu entièrement et qu’il n’a pas saisi à quel point il n’y a de parler-à que dansl’articulation de la parole vide et de la parole pleine, du dédoublement du fantasme et del’ouvertureauréeldel’histoire,dumensongefinalementetdelavérité:ducôtédumensongela

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paroleentantqu’ellevidel’hommeduréeldesonhistoireenluiévitant(pardédoublement)laréactualisationdans le corpsde sonhistoirede laquestionde l’origine (Autre):du côtéde lavéritélaparoleentantqu’elleremplitl’hommeduréeldesonhistoireendénonçantl’évitementdel’Autredansl’autre,l’évitementdecequiparleaucœurdel’imaginaire.Onpourraitdireici:l’évitementdel’esprit.(cf.«Ellefutrempliedel’EspritSaint»).

Parolevideetparolepleinenousaidentàpénétreraveclaproblématiquelacanienneplus

avantdansl’expériencedel’homme:plusavantveutdireicisanss’empêtrerdansuneconsidé-rationmoralepréalableetperverse.Iln’enrestepasmoinsqu’enfindeparcoursetrelativementausurgissementdusujetdelaconfusionentreimaginaireetréel,laquestiondumensongeetdelavéritéposeseulel’énigmed’unechairquiparle.Est-cedansladissociationdelachairetdelaparole que çaparle…etdans ce casnotre chair historiquen’est pas réellement vivante. Est-cedansl’unitédelachairetdelaparolequeçaparle…etdanscecasladissociationnousfaitfairel’expériencedumensonge.

* **

Lacanconfèreunevaleurobsessionnelle flagranteà«l’extension symptomatiquede la

raréfactiondeseffetsdelaparoledanslecontextesocialprésent»quandelletouche–danslesrèglesmêmesde lapsychanalyse– aucontactréelavec lepatientque larèglemêmede lapsychanalyseexclut.

Ceréel làdeLacan,on levoit,nesupportepas lesensquecemotprenddans lerapportR.S.I.(réel,imaginairesymbolique).

Etilnes’agitpasdecontacternidetoucheràlaréalitédusujet,commelemontrelescon-trôlesoùlecontrôleurn’ajamaisàfaireavecl’analysant.Ilinstruitleprocèsdelacurequ’ilen-tendrelateravecd’autantplusdeprécisionquelecontrôléymontremoinsdesesdonsimpéné-trablesqu’ilestsensévenirymontrerpoursepersuaderqu’ilestbienl’imagedel’analystequ’ilveutêtre.

C’estdanslescontrôlesquelaparolevideatteintàsonapogée:elleseveutpleine.«Le contrôleur manifeste une seconde vue». Il est en position de repérer des effets

moïquesducontrôlerelativementàcequ’ilentenddel’analysantàtraverslefiltreoùil luiestprésenté.C’esttellementvraiqu’ilsuffitsouventà«uncontrôlé»deprendrelalibertédeparleravecunanalystequin’estpas«son»analyste(et,àmonavisquinedoitpasl’être)pourqueceteffet de filtre autorise l’écoute et l’interprétation selon le registre où peut se lire la partitionconstituéeparcediscoursdel’analysant.

«Envousledisant,dit lecontrôlé, jepercevaisque…».C’estbien«lemeilleurpointqu’iltiredecetexercice»:celuid’apprendreàsetenirlui-mêmedanslapositiondesubjectivitése-conde(secondevue)oùsetrouvemislecontrôleurqu’ilvientvoir.

Ilmesemble,quantàmoi,quececin’estpossiblequ’àlaconditionquel’analystecontrôleurneseprennejamaispourl’analysteducontrôlé…quiauraitàdétecterunobjetau-delàdesapa-role,uninanalyséquelconquequ’ilseraitsenséluinepasperdreounepasavoirperdudevue.Même et surtout si de telles ouvertures oude tels bouleversements nemanquaient jamais aucoursd’uncontrôle,lecontrôleurn’apasàdevenirl’analysteducontrôlé.

RevenantàlacureLacanécrit:«Leseulobjetquisoitàlaportéedel’analyste,c’estlarelationimaginairequilelie

ausujetentantquemoi».Ordanslecontrôle,leseulobjetquisoitàlaportéeducontrôleur,

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c’est la relation imaginairequi lie le contrôléà l’analysant.Ce rapportestà saportéecar toutcontrôleestfondésurleprincipequenousanalystes,onestcenséentendrececioucela…quandonnousditlesmêmeschoses.Lecontrôlec’estl’effondrement–sanslesprécautionsducheminanalytiquequiestsenséavoirétésuivi–dece«nous,on».

Cettedifférenciationlàesttrèsdureetsaufàêtrereprisesurlascènedelaparolevide…indéfiniment…elledemandebeaucoupd’amour(?)etdelapartducontrôleurpourlecontrôléet de la part du contrôlé pour l’analysant. Il se peut alors que çamarche, que le contrôlé dé-couvredel’amourpourlecontrôleurlàoùjouaitd’abordleleurredel’admirationouduproduitfiniàacheter.Del’amour…ou,si«çan’ajamaismarché»,delahaine.

16mai1987(p.254§4–131§2)

Rappelonsquec’estl’expérienceinauguréeaveccettehystérique(AnnaO.)quilesamena(FreudetBreuer)àladécouvertedel’événementpathogènedittraumatique.Sicetévénementfutreconnupourêtrelacausedusymptôme,c’estquelamiseenparoledel’un(dansles«stories»delamaladie)déterminaitlalevéedel’autre.

Avecl’hystériqueilestnécessairedeleveruneambiguïté:imaginerqu’ilsuf-firaitdeparlerdel’événementpourleverlesymptôme.Parlerdel’événementse-raitlacausedelalevéedusymptôme.Ilestfauxdepenserquel’événementestlacausedusymptôme.Ornousavonstendanceàchercherquelestl’événementquiaproduitlesymptôme.C’estaussilanonmiseenparoleetlanonsymbolisationquia cristallisé le symptôme. Autrement dit, ce qui fait symptôme c’est quel’événementn’apasétésymbolisé.

Quandnotrenaissanceva-t-elleêtreunévénementpournous?Decetteposi-tion dépend l’avenir de l’analyse dans l’ordre d’une parole qui nous donne uncorps.Touslesévénementsquinousinscriventcommecorpsdansl’histoireseréfè-rent à notre naissance. Elle n’est repérable que comme parole qui nous donnecorps.

L’autre danger va être l’objectivation de la scène signifiante, ramener lamiseenparoleàunjeudemot.Lamanièredontonvadéduiredanslediscoursdupatientcequin’estquedanslatêted’unanalyste.Ilnesuffitpasdeconstruireunechaînesignifianteilfautqueçaparted’unévénementdecetypedanslacure.Lerisque est de déduire une structure à partir des signifiants sans repasser par lecorps,parl’événementetparlarépétition.

Cequenousapporte lediscoursde l’hystérique.La confusionavec laquellel’hystériquejoue:iln’ytombejamaistoutàfaitcequinousindiquequelquechosedeladifférence.Danslaperversiontouteinterprétationquisecontented’indiqueroudeconstater ladifférenceest insuffisante. Iln’yad’interventionquesurvéri-té/mensonge.

(p.254§4-p.131§3)

Lespréjugéspsychologiquesdel’époques’opposaientàcequ’onreconnûtdanslaverbali-sationcommetelleuneautreréalitéqueson flatusvocis.Il restequedans l’étathypno-tiqueelleestdissociéedelaprisedeconscienceetquececisuffiraitàfairerévisercetteconceptiondeseseffets.

Avecl’hypnoselaparoleestdissociéedelaremémorationconsciente.Quandlamiseenparoled’unévénementredevient-ellenotrehistoire?Quandçadevientépique.Ilyaquelquechoseennousquipourrienaumondeneselaissedébarras-ser du roman familial qui en plus est une représentation de l’histoire quin’historicisepas:leromanfamilialestàl’opposédel’épos.Plusleromanfamilial

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estcomplexeplusonytient.Ilestinstalléuneréalitéàlaplacedelavéritédusu-jet,cequimetcetteréalitéenpositionoriginaire.

(p.255§2–p.131§5)

Nousdironsquantànous,qu’ill’averbalisé…ill’afaitpasserdansleverbeou,pluspréci-sément,dansl’éposoùilrapporteàl’heureprésentelesoriginesdesapersonne.

Leseulindicequeçaparlec’estquenousavonsunlangage.Laparolec’estquelquechosedontnousnesavonspascequ’ellenousdit,c’est l’inconnu.Cet in-connu est souvent ce qui est le plus intime à nous-même. Le vide psychologiquec’estlerefusdelaissers’ouvrircettezoneinconnuedelaparole,des’enremettreàelle.Éviterlacastrationc’estfairelevidequiestlelieudupassageàl’acte.Alorsl’analysteaà écouterau-delàduvide commeau-delàdudiremanifeste.Videetdiremanifestesontdesconstructionsimaginaires.Àcetendroitduvidelepatientsaitquelleestnotreposition,entreautre la tendressed’acier.Onnepeuty tenirqu’enréférenceàquelqu’un.Lesujetnefaitpasserdansleverbesonhistoirequesic’est lui qui la fait passer. Dans les structures psychotiques, être témoin de saproprenaissance, c’est le ressort de la dénégationde l’altérité, de la toute puis-sanceetdelanonentréedansletemps.Commententendrecommesouffrancecequisedonnecommejouissance?

(p.255§2–p.132§1)

Lacanfaitunecomparaisonentreledivanet lethéâtreoùunenationpeutliresonhistoireenmarche.Dansl’unetl’autreilyaremémorationhypnotiqueetvigile.C’est laparoledanscettedoubledimensionqui constitue le sujet: c’est laparolequifaitl’homme,l’étantdecequiparle,delaparole.

C’estd’êtreparlantquenousnesupportonspascetteouvertureconstanteàl’autredanslamesureoùnousparlons.Nepluss’aliénerseraitdevenirindifférentauxsignifiantsdenotreproprehistoire:êtrenidanslerefus,nidansl’aliénationàtel ou tel signifiant,… être indifférent. L’hystérique cherche quelqu’un qui ne selaisse pas embarquer dans son mensonge. «Je voudrais pas mentir». Les puis-sancesdupassésontlespuissancesimaginaires.

L’oedipeestoccultationdel’originel.Nousavonsàreconnaîtrequelachairhumainement,queçaneparlepasvraiment,queçaneparlequedansunmen-songe et ça lève le symptôme. On est dans une fonction de devin si on parle del’oedipe comme occultation de l’origine. On occulte l’origine dans une positionperverse.C’estnousquinevoulonspasdemère,pasdepèreetêtreaveugle.

12/6/1987(p.256§1–p.132§3)

Carlavéritédecetterévélation,c’est laparoleprésentequientémoignedanslaréalitéactuelleetqui la fondeaunomdecetteréalité.Ordanscetteréalité,seule laparole té-moigne de cette part des puissances du passé qui a été écartée à chaque carrefour oùl’événementachoisi.

Danscetexteiln’yapasencorededistinctionentreréalitéetréel.Qu’estcequ’unacte?Laparoleenactec’estcequiouvrelaréalitéauréel.Il

n’yad’actequedeparole,iln’yapasd’actessansparole.Iln’estquestionderéelquepourunsujet.Iln’existepasdecatégorieduréelpourleschatsouleschiens.

Lestroublesnesontpasdusàl’événementcommetelmaisàlanonsymboli-sation de l’événement. Il s’agit sur le divan de laisser dans la réalité de la ren-contreanalytiqueremonterjusqu’aucarrefouroùlaparolequis’adresseàl’autre

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s’estperduedansleredoublementdel’imaginaire.C’estlecarrefourdumensongeinconscientoùlemoiseprendlui-mêmecommeinterlocuteur.Cetactedeparoleestceluidelachutedel’image:c’estpourquoinousnevoulonspasprendrelapa-role.Lachaircherchedans le langagesavéritéetviceversa -oppositionduelle.Deux termes dont aucun des deux n’est premier et laisse ouvert sur l’origine laplaced’unautreterme.

La parole ne s’inscrit pas dans le corpsmais dans la chair: la parole faitcorps.Lesavoiraprioriestunelettremortequiadeseffetsimaginaires.Quandonlaissechoisirl’événementc’estl’imagedemoiquichoisit.

REFUS=RE-FUSIONcoalescenceentreMOI-MÈRE.Lerefusestlecreusetdel’imagedemoietdelamère,c’estrefuserdesortirdelaCON-FUSION.Lerefusma-jeurc’estlaconfusionentrelejequiparleetleçaquirefuse.Iln’yaderencontrevraiequ’àcecarrefouroùl’onrencontreunautre,àlafoisaulieudelachair,dulangageetd’unailleurs.Leperversvafairecommesi lavéritédelachairc’étaitlesmots,lelangage.

Lecarrefouratroisbranches:lachair,lelangage,l’ailleurslelieudelapa-role.Toute thérapiequinevapas jusqu’àcecarrefourconfirme lemensonge.Sil’adultenereconnaîtpaslemensongechezl’enfant,ill’yenferme.Iln’yad’accèsàlaparolequedansl’ordredumensonge.Quandonestanalysteondoitêtrelabu-téesurlaquellepeutsesignifierlemensonge.

(p.256§2–p.133§1)Soyonscatégorique,ilnes’agitpasdansl’anamnèsepsychanalytiquederéalité,mais

devérité,parcequec’estl’effetd’uneparolepleinederéordonnerlescontingencespas-séesenleurdonnantlesensdesnécessitésàvenir,tellesquelesconstituelepeudeliber-téparoùlesujetlesfaitprésentes.

Lepasséetlefutursontimaginaires. Lesdates,c’estl’événement,laréalité Contingencedupassé Lespromessesdufutur Conjecturesurlepassé Lesnécessitésàvenir

Certitudededate Discernement Vérité

Il est important de parler dans la certitude de date. Dans l’histoire del’Hommeaulouplacertitudededateestimportante.Çan’apaslemêmesenss’ilavait6moiscarilauraitétémisdanslachambredesparentsets’ilavaitdeuxansetdemicardanscecasilyseraitalléalorsqu’iln’avaitrienàyfaire.

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3/10/87

(p.257§2–p.134§1)C’estbiencetteassomptionparlesujetdesonhistoire,entantqu’elleestconstituée

par la parole adressée à l’autre, qui fait le fond de la nouvelle méthode à quoi Freuddonnelenomdepsychanalyse…Sesmoyenssontceuxdelaparoleentantqu’elleconfèreauxfonctionsdel’individuunsens:sondomaineestceluidudiscoursconcretentantquechampdelaréalitétransindividuelledusujet:sesopérationssontcellesdel’histoireentantqu’elleconstituel’émergencedelavéritédansleréel.

Lanouvelleméthodeestfaitedemoyensqueconstituentundomaineetuneopéra-

tion.Lesmoyensdontelleseprivesont l’hypnose, lesymptômehystérique, lediscours

concret=lesymptôme.

I–Moyen II–Domaine INDIVIDU TRANSINDIVIDUEL Laparole Cequivad’unindividuàl’autre: Langage,chair, symptôme. Lesujetnepeutêtreunindividus’iln’est pasréféréàunetransindividualité. Opération HISTOIRE

Émergencedelavéritédansleréel

TextedeDenisVasseprovenantdesarchivesBMLécritle16mai1987(LACAN-ÉCRITS,P.254-

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REMÉMORATIONSYMBOLIQUEET

REMINISCENCEIMAGINAIRE

1. L’événementetl’acte

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2. L’originestructuraleetl’originechronologique

3. Lacastration

4. Remémorationhypnotiqueetremémorationvigile

5. L’ambiguïtédelarévélationhystérique

6. Lavéritéquiparle

1.L’événementetl’acte

C’estlamiseenparoledel’évènementpathogènetraumatiquequi,chezl’hystérique,déterminelalevéedusymptômequ’ilprésente.Ceciveutdirequel’évènementesttrauma-tique dans lamesure où il n’a pas été symbolisé, parlé, qu’il n’est pas devenu “histoire”pourunsujet.

Ce n’est donc pas l’évènement comme tel qui est “cause du symptôme”, c’est

l’évènemententantqu’ilnefaitpasacte.Maintenuhorsparole,ilnefaitpascorpsdesujet,iln’entrepasdansl’assomption,parlesujet,desonhistoire(257).

Icis’indiqueleressort—ouleprocès—detoutelapsychanalyse:lesévènementsne

nous inscrivent comme sujets d’une histoire que dans l’acte d’une parole. Au point quel’évènementdenotrenaissancen’estrepérablequedansl’ordred’uneparoledontle lan-gageactuelcontinuedetémoigner.

Ilentémoignepourdevrai,pourdefauxoupourderire.Pourdevrai,silelangagedutémoins’accomplitdansl’actedelachairquisedonne

commecorpsdeparoleetquis’yrisquejusquedanssadisparition(engendrementalliance,mort)

Pourdefaux,silelangagedutémoinserépètesanss’accomplirdansl’actedelachair

...Pourderire...etc’estletempsd’unesortedemiseenscèneduvraietdufaux:ony

joueàlesconfondrepours’assurerdeleurdifférenceetpourtenterdemaitriserleurvacil-lation.Sipersonnenevientl’endélivrer,c’estdecejeuquel’hystériquevadevenirprison-nier dans un perpétuel évitement de la propre détermination de son histoire ou de sonsexe.

Mais laissonscetremplinderéflexionpourrevenirautextedanslequelLacannous

met en garde devant le terme de “prise de conscience emprunté à la théorie psycholo-gique”.Ilmarqueladifférenceentrecette“prisedeconscience”quele“prestige”desexpli-cationstireducôtédelacompréhensionintellectuelleetde“l’évidence”etla“miseenpa-roles”quin’estpasré-ductibleaumouvementd’airdanslabouche,auflatusvocis.Danslerêve,lamiseenparoleestdissociéeetde”laprisedeconscience”etdu“flatusvocis”.Ainsidébarrassédecesdeuxextrêmes,lemotverbalisationpourraitconvenirà“lamiseenpa-role”.

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Laremémoration-qu’ellesoithypnotiqueouvigile-seprésentealorscommeunef-fetdelamiseenparole.

Raconter un évènement, c’est l’avoir verbalisé, l’avoirmis en paroles. Ce qu’on ex-

primeenparole(épos)estcequiaétémisenparolepourunsujet.“Lesujet...afaitpasserl’évènementdansleverbeou,plusprécisémentdansl’épos”.C’estdoncdansl’événementverbalisé,dansl’épos,quelesujet“rapporteàl’heureprésentelesoriginesdesapersonne’(255).Ilrapporteauprésentdelaparolelepointdedépartdesapersonne.2(1)

2.L’originestructuraleetl’originechronologiqueIlmesemblequ’ils’agitlàdurapportentrecequenousavonsappelél’originestruc-

turale—celledelaparoleàpartirdelaquellenaîtnotrehistoire—etl’originechronolo-gique—celle qui est lamise en scène, la représentation imaginairedudébut, “des” ori-gines.

Parlervraiment,c’estreprendreaucomptedeceluiquis’exprimemaintenantdanslejaillissementdesmots,cequiétaitfigédanslediscoursmythiqueetextériorisantdelare-présentation.Laparoleestducôtédelavieetdudésir.Ellefaitsortirdelasidérationparlediscoursouparl’image,elledémystifie.

Parler, alors,devient lamanièrede rendrecomptedesonorigine “dansun langage

quipermetausujetd’êtreentenduparsescontemporains”.Etce,quele“moi”lesacheounon.Parler,c’estlaisserlelangages’ouvriràcequiparleennous,àlavéritéquiparle,di-raitLacan.Etcetteorientationverscequiparleennousn’estpassansrisque:ellenousfaitfairel’expériencedumensonge(premier)dontlatraceesttoujoursenferméedanslafiguredumythe.

Parlervraimentne signifiepas “savoir cequ’ondit”, c’estplutôtadhérerà l’origine

et/ouà laVéritéquiparleennousetqu’onneveutpassavoirouqu’onneveutpasdiresousprétextequ’onnelasaitpas;qu’onnelamaitrisepasetqu’onnelacontrôlepas.

Celaneseréalisedanslachairqueparlamédiationdessignifiantsd’unehistoireoù

lelangageetlachairs’articulentenuneparolequis’originedansunAutreoud’unAutre.CerapportàunAutredanslaparoleinterditaulangagecommeàlachairdechercherleurraison,leurcausedansl’unoudansl’autre.Certeslelangageneparlepassanslachairetlachairneparlepassans le langage,maischairet langagereprésententuncouplededeuxtermes dont aucun n’est premier par rapport à l’autre, ce qui, nous l’avons souvent vu,ouvrelaquestiondel’origineetlasituedansleurrapport.

2 Origine est un mot dérivé et savant de ORIENT qui appartient à la famille du latin oriri, ortus “se lever (astres) “s’élancer hors de”, “naître” d’ou : 1.oriens, orientis, participe présent “soleil levant” qui s’oppose à occidens (voir CHOIR) ; dér. : orientalis. 2.origo, — inis “point de départ, source”, d’où bas latin : originalis, originarieus ; le mot aborigines “autochtones” à propos des premiers habitants du Latium, est habituellement rattaché à ab origine ; mais c’est peut-être un ancien nom de peuple déformé par étymologie populaire. 3.aboriri, abortus (avec valeur primitive de ab) “mourir, disparaître”, d’où abortare “avorter”.

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CettemédiationoriginaireestouvertureauRÉEL.HorsdecetteréférenceauRÉEL,lelangageet la chairnepeuventplusêtrepensés commeRÉALITES IMAGINABLES.Le lienentreleRÉELetlesRÉALITESestdel’ordredelaVÉRITEQUIPARLE,del’ordreduSUJET.

Maisque laVéritéparleneveutpasdire justementquenous ladisionsquandnous

voulonsladire.Celaveutdirel’inverse.C’estquandnousvoulonsladireenlesachantquenousmentons.

Danslemensonge,leliendelaparoleauRÉELORIGINAIREestperdu.Dévoyéedelaviséedudésiroùlesujetparlantsereconnaîtcommecequin’estpas

“moi”mais Autre, ce qui s’exprime par la parole s’épuise dans l’image dumoi, dans unautre.Cedévoiementdelaparoleramèneladémesureoriginelledudésir,soninfinité,àlamesure répétitive et quantitative d’une satisfaction pulsionnelle qui cherche dans la dé-chargesonextinction.

Nepourrait-onpasallerjusqu’àdire:extinctiondelachairdansl’idéalitédel’image

ouextinctiondel’imagedanslamatérialitédelachair?Ledévoiementdelaparoleentraînelaconfusiondel’Autreetdel’autre,dusujetet

du moi. Cette confusion qui tend à faire de l’autre un Autre et du moi un sujet absolus’opposeavecuneviolenceparadoxaleaujeudel’imaginaire,àl’apparitionetà ladispari-tiondel’image,àlachutedel’objet(a).Dansuntelrefusinconscientd’entendreetdepar-ler, leMOIse trouveprisdansun face-à-faceavec lui-mêmeprispour lavéritéquiparle(Dieu)elle-mêmeconfondueaveclediscoursdelamère.Emboîtementdepoupéesrusses...quidénietouterencontreoriginaire,toutenaissancevéritable.

Dieun’estjamaisiciquecequelemoifaitparler:l’imagedemoidontlapremièrere-

présentationsensorielleestlamère...elle-mêmepriseaumiroirdesonproprenarcissisme.Laremémorationsymboliquediffèredelaréminiscenceimaginaire(431)3.Desépa-

rationsenrencontresellenousconduitjusqu’au“drame”d’uneséparationoriginairequinepeutêtrequedel’ordredelaParole(créatrice)etdontnotreparoleactuelle,soumiseàlaloidulangage,rendcompte.Le“mur”dulangagefaitloi:“ilestaussibienfaitpournousfonder”, pour fonder ce qui parle en nous, “dans l’Autre que pour nous empêcher de lecomprendre”.“Etc’estbiendecelaqu’ils’agitdansl’expérienceanalytique.“

“Quandjeparle, jeportetoujourslepoidsd’unmensonge…Yachaquefoisçasous-

jacent…etjediscommesijementaiscommesiy’avaitdescombinesderrière”.L’analysantinvoqueainsiunpèrequin’acessédeluiapprendreàcontournerlaloiet

quil’exhortaitànepasmanifesterdanslarue—mêmes’ilétaitd’accordavecceuxquima-nifestaient—“parcequemêmesionétaitd’accord,onsefaisaitremarquer”etquec’étaitdangereux. Le père en appelait à la grand-mère qui était elle-même ouvrière dans uneusine— ce qui prouvait bien l’honnêteté de toute la descendance ! Cette grand-mère

3 Ecrits,(p. 431) in La chose freudienne. « L’Autre est donc le lieu où se constitue le je qui parle avec celui qui entend, ce que l’un dit étant déjà la réponse et l’autre décidant à l’entendre si l’un a ou non parlé. Mais en retour ce lieu s’étend aussi loin dans le sujet qu’y règnent les lois de la parole, c’est à dire bien au-delà du discours qui prend du moi ses mots d’ordre, depuis que Freud a découvert son champ inconscient et les lois qui le structu-rent {…} Les lois de la remémoration et de la reconnaissance symbolique, en effet, sont différentes dans leur essence et dans leur manifestation des lois de la réminiscence imaginaire, c’est à dire de l’écho du sentiment ou de l’empreinte (Prägung) instinctuelle, même si les éléments qu’ordonnent les premières comme signifiants sont empruntes au matériel auquel les secondes donnent signification ».

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n’avaitpasparticipéàunemanifestation.Lesmanifestantsavaientétéfilmésetrenvoyés…elle,non…

«Tuvois,ilnefautjamaismanifester,onsaitjamais».Il associealors cette remarqueau souvenirde la chuted’un jeunehommeenmon-

tagne.C’étaitluiquiluiavaitenseignéànouerlescordesderappeletàfairedel’escalade…sansenavoirtoutàfaitlacompétenceetsansavoirvérifié…Bref,prisdepanique,ilavaitfait promettre à cet adolescentdene riendire le concernant : “Jeme sentais enpéril—alorsquec’étaitluiquil’était—sanspouvoirfairefaceàcequiétaitarrivé”.

Moyennantunenchaînementd’associationstourbillonnantes…il finirapardirequ’il

avaitpeurquelejeunehommesesoitcassélacolonnevertébrale.Aquoijerétorqueque“non” : ce dont il avait peur c’était d’en être responsable. Comme si la gravité de ce quis’étaitpassédanslachair—dumoinscequ’ilimaginait—donnaitladimensiondelagra-vitédelaparolenontenueoudelaparoleprisefaussement.

“Dansmatête,jemevoyaiscomplètementcoincé,c’étaitlapanique…dramatique!»D.V.:lavérité,çan’estpasàdirefinalement!C’estcedontilfautseméfier,c’estdramatique…Mentir,c’estassurersasurvie,aumoinsimaginairement…“C’esttoutletempsçadansmavie…etc’esttoutletempsça…c’esttoutletempsça

dansmoncorpsaussic’esttoutletempsçac’estinversé… lavéritéetlemensonge.Petit,mamèremedisaitsouvent:“Comment

tum’aimes ?“ et je laprenaisdans lesbraset je la serrais.Etplus je la serrais fort,plusj’étaissensél’aimer.Fallaitquejelaserreleplussouventpossible”.

Oùl’onretrouve…ladissociationd’unéventuelmensongequiseglisseentrechair—

cequis’éprouveoucequines’éprouvepasdanslecorps—etlangage—cequiestditoupasdit.Ilcommented’ailleurs:

“Maiscesentimentquej’avaisparrapportàelle…c’estcommequandjemesenspar-

tirdansleseffetsdefoule,àl’intérieurdemoi…Jemerendscomptequec’estdusentimen-talisme,maisquecen’estpaslavérité…

Masurvie,c’estlemensongeenmoiquiestdevenuunsystèmelogiquequiaprislaplacedelavérité…commesilavéritéc’étaitlemensonged’unmensongeoucequiestpasvraid’unmensonge.»

Voilàbiencedontils’agitdansl’expérienceanalytique:deladénonciationdececar-

refour,decettetrivialité,oùlaparolequis’adresseàl’Autreenvéritéc’estàdiredansceliendelachairetdulangage…glisseetseperddansleredoublementenabymed’unima-ginairequin’aplusdebutéedanslamesureoùlesmotsdontilsesertnetouchentplusàlachairetnefontpluscorps.

La remémoration de l’évènement et le leurre du mensonge quand elle n’est pas

«verbe».L’évitementdece“passage”danslachair.Seremémorerdansl’acted’uneparoleadresséeàquelqu’unl’évitementoulenon-dit

de laparole, voilà cequi faitdisparaître le symptôme—celuide lapeurnotamment—.Unetelleremémorationautoriseune“formederégressionquin’estpasréelle”(252)mais

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qui semanifestedans le langagepardes inflexions, des tournuresduparler “bébé” chezl’adulte.

Cecarrefourentrelaparoleouvertesurl’Autrequandelles’adresseàl’autreetledis-

coursfermésurl’objetdanslaspécularitédu“moi”,voilàcedontils’agitdansl’analyse.Ce-la devrait nous sortir de l’ornière où nous sommes lorsque nous croyons qu’interpréterc’estrenvoyeràl’analysantsonimagedansunsilenceentenduquiestceluidel’impostureredoublée. “Le langage fait pour nous renvoyer à l’autre objectivé” (livre Il) n’est riend’autre que la confirmationde l’imageduMOI en lieu et place d’unAutre inobjectivablesans lequel lesmots du savoir ne balisent jamais le chemin de la vérité au carrefour dumensonge.

“Lareprésentationparlée”…“impliquetoutessortesdeprésences”,le“matériel”his-torique…oulematérielquifaitdel’histoire,uneréalitésymbolique,quifaitducorpspar-lantàd’autreslelieudelarencontreaveccequiparlevraiment…et,aussibien,lelieudeladissociationdecetterencontre,delaperteoriginelledelaparoledanslemensonge.

3. LacastrationParlerenvéritéoulaisserparlercequiparleensoiquandonouvrelabouche,c’est

laisser tomber ce qu’on imagine avoir à dire quandonneparle pas. C’est cette pertedel’imaginairequis’entretienthorscoupureetonpourraitdirehorssexe—dans lemiroirdonc—qui est à proprement le ressort de la castration symbolique. La “castration” or-donneàl’Autre—etnonaumiroirdel’autre—cequiestperdudepuisl’origineetàquoitoutedifférenceéprouvéecommeperterenvoiedansl’ordredudésir.

Cette perte originelle, vous voyez qu’elle consonne avec la questionmythique d’un

paradis perdu… comme avec l’amour oedipien (non moins mythique finalement) de lamère…Cetteperteoriginellenousfaitpourtantexistercommeparlantetdésirant,commeparlantàunAutredansun«au-delà»duprincipedeplaisirquiestledésird’uncorpsoùle“don”delaparolenesoitpaséprouvécommeunepertenarcissique.

4. RemémorationhypnotiqueetremémorationvigileDanscetroisièmeparagraphedelapage255,Lacanvientourevientà l’articulation

des“mythesoriginelsdelaCité”etdel’histoire(faitedematériaux).Ellesefaitauthéâtre,dansle“drame”… “oùunenationdenosjoursapprendàlirelessymbolesd’unedestinéeenmarche”.Ellesefaitsurledivan.

Seréférantaulangageheideggerien(cen’estpassisouventqueLacanavouequelque

chosedecegenre),cethéâtreoùseconjuguent“laremémorationhypnotique”avecla“re-mémoration vigile” est le divan4: “l’une et l’autre y constituent le sujet” qui y parle…“commeétantceluiquiaainsiété”(régressiondansle langage).“Dansl’unitéinterne”del’origineetdel’histoire,decepassagedansletemps,delatemporalisationdecequiparle,“l’étant”decequiparle,delaparolequifaitcorps“marquelaconvergencedesayantété”dontilestissu.

Ilmesembleque l’onpeut liredans laphrasequisuitcequepourmapart j’écris :

“naîtrecommesujetc’estdevenirindifférentauxsignifiantsdesaproprehistoire”,cequi

4 C’est en ce lieu qu’on peut trouver dans certaines structures une résistance qui se caractérise par un refus obstiné de laisser se conjuguer les deux « discours ».

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suppose effectivement l’articulationde la chaînedes signifiantsquinous constituent (dupointdevuenécessairementimaginaireoùnoussommes)àlaquestiondel’Origine,c’estàdiredansl’ouvertureauréel—ouverturesanslaquellelaréalitéimaginaire,notrehistoire,n’aaucunpoids.Elleestphantasmequicherchesavéritédansunredoublementindéfinietépuisantpournepaslatrouver.

J’osepasparlerJ’aipeurdeperdrequelquechosedetropimportantjen’osepasparlerparcequetoutcequejepourraisdiretoucheàl’amouretj’aitroppeurdecomprendrecequej’aidéjàcompris…etjepréfèreresterdansledoutecar,commeondit…“làoùyadudoute,yadel’espoir”faudraitquejem’exprimemieuxetj’aibeaucoupdedifficultés…lahonte,c’estd’aimersansretour…j’aipeurd’êtrel’objetd’unamusement,d’unméprisj’aiunsentimentdeprivationetdejalousie…“Làoùlasagessepopulaireproclameque“tantqu’ilyadelavie,yadel’espoir”afinde

sortirdudoutedélétère, lapeurdeparlervraimentsubstitue ledouteà lavieet lemen-songeàl’espoir.

5. L’ambiguïtédelarévélationhystérique“L’ambiguïtéde larévélationhystérique”(p.255§3),delaparolehystériquein-

terprétantlepassé,“netientpastantàlavacillationdesoncontenuentrel’imaginaireetleréel”,entrel’histoireetl’origine,“caril(lepassé)sesituedansl’unetdansl’autre”,dans l’histoire et dans l’origine. Ce n’est pas non plus qu’elle (l’ambiguïté) soitmenson-gère…C’estqu’ellenousprésentelanaissancedelavéritédanslaparole,etqueparlànousnousheurtonsàlaréalitédecequin’estnivrainifauxden’êtreréféréàriend’Autre.Dumoinsest-ce là leplustroublantdesonproblème.L’ambiguïtén’estplusmensongère,eneffet,dèslorsqu’estéliminélerapportàl’AutreparlamédiationdelaLOIetquelemen-songen’estplus repérable comme tel.Mais, il n’empêche, l’ambiguïtéde laparolehysté-riqueposelaquestiondelavéritéquiparle…Pourmoi,c’estaussibiendirequ’elleposelaquestionducorpsréelquen’ouvrevraimentnilaréférenceàlachairnilaréférenceaudis-coursdel’autre,nilavacillationentrelesdeuxoùseperdsaconversion(somatique).Danscetteimpossibilitédesavoircequiestvraietfaux,l’hystériqueenappelleincessammentàunechairquiseraitparoleetàuneparolequiseraitchair,àunehistoirequiseraitl’origineetàuneoriginequiseraithistoire.Danscettevacillation,ilfaitl’économiedesanaissancedesujet,ilévitelacastration(symboligène)paruneloiquitémoignedanslaréalitéactuelled’uneséparationquifondeledésirdel’hommecommedésirdel’Autreàtraverstoutesles

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médiationsd’unehistoireavecl’autreordonnéeàlaRencontre/Originaire/ratéeetdési-rée.

C’estparceque l’hystérique fait l’économiedesanaissancedesujetqu’il sepose laquestionaveccettepertinenceenjouantdel’ambiguïtédurapportoùelleseposeprécisé-ment—entrehistoireetorigine…

Il suffit d’être descendu dans cette zone de soi ou d’avoir ouvert ses oreilles à quivientparler,pouren“fairel’expérience”:lavéritédelarévélationhystériquedupasséestcelled’uneparoleambigüequinesesaitnicommevraienicommefausse,etcommevraieetcommefaussecequiposeeffectivementenladéniantlaquestiondeladifférenceentreVéritéetMensonge.Ainsisetrouvesqueezéelaparolequienappelleàl’Autreentantqu’ilestletrésordessignifiantsetlieuinimaginable:laVéritéquiparleouquiparleraithorsdetouteambiguïté.

Si l’on reprend lepremierparagraphede lapage256,onvoit comment l’ambiguïté

peuts’ydéplacer.(Etc’estvraimentsafonctionquedesedéplacer...) “Carlavéritédecetterévélation…celledel’hystérie,celledecequienfantelachairdansleventre…USTERON…c’estlaparoleprésentequientémoignedanslaréalitéactuelle…celledelachairquiparle…etquilafonde…(p.256§1)quifondecettechairouce“corps”quiparleactuellementaunomdecetteréalitéac-

tuelle.Or dans cette réalité…charnelle… seule la parole témoigne de cette part

despuissancesdupasséquiaétéécartéeàchaquecarrefour...oùl’évènementachoisi…(etnonlesujet)etcejusqu’aucarrefouroriginairedupremieretinconscientmensongedontn’importequelhystériquetémoigne…etavecluitouthomme.Letourmentdel’hystérique,delachairquiparleennosventresetdanslagénération

dontilssontlelieu,c’estlarecherche(...souventenlisédansl’exaspérationdontiljouit…)dequelqu’unqu’il ne trouvepas en lui-mêmeetqu’il cherche sanspourtant envouloir :quelqu’unqui luidirait lavéritésansse tromperetsans le tromper,qui le feraitadvenircommesujet.

Encesens,l’hystérien’estpassansrapportaveccequichercheàsediredanslachair

etquiyéchoue.Dansl’hystérielachairposeconfusémentlaquestiondelavéritédecequiparle…poursortirdutourmentdel’ambiguïtéquinesesaitpasencorecommemensongeetcommerefusdel’Autre.

6. LaVéritéquiparleEllenelesauraqu’àlalumièred’uneparolequitrancheetquidiscerne…maisellene

l’entendraqu’endécouvrantqu’ellen’envoulaitrienentendre…carc’étaitpourelle,abandonner“laparolecommejeu”…oulejeudelavérité[pourpar-

lercommeSabatier,T.V].Ilnes’agitpasderéalitécharnelleou imaginaire…ditLacan,maisdevérité, c’està

dire de ce lien de la chair et de l’esprit dont la parole est le lieu dans l’articulation del’histoireetdel’origineoùelleestproduite.Dansleprésent.

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“Etc’est l’effetd’uneparolepleinederéordonner lescontingencespasséesenleurdonnantlesensdesnécessitésàvenirtellesquelesconstituelepeudelibertéparoùlesujetlesfaitprésentes”.(p.256§2)

Laparolepleinec’estlaparoleprophétiquequiinterprètelepassédanssonrapport

avecl’origineetditcequinecessed’arriverdepuisledébutetjusqu’àlafinetquin’estriend’autrequecequiarrivemaintenant:uneviequiditlaViedanslamort,lavéritédanslemensongedansuneparolequinelesconfondpas,uneparolequitranche.

Encetteparolequiengagelachairdeceluiquiparledanssonrapportauxautres—

et le prophète en meurt justement —, il s’agit d’une direction, d’un lieu où s’élève ets’assumel’histoiredansunsujet,oùlachainedessignifiantssetrouveréféréeparlesujetquiparleets’enremetàl’autreet/ouàl’Autre,auRéelenquestion.

Ilnes’agitlàditLacan…endisantquec’est“pourFreud”(256)“nidemémoirebiolo-

gique,nidesamystificationintuitionniste,nidelaparamnésiedusymptôme,maisdere-mémoration, c’est à dire d’histoire, faisant reposer sur le seul couteau des certitudes dedatelabalanceoùlesconjecturessurlepasséfontoscillerlespromessesdufutur.

Non Oui,

datedesréalisationsenfonctiondelaparoledite—remémoration.

.Siçapencheducôtédu“oui”enfonctiondeladate,laparolereçueet

remémoréeestcrédiblesinon…c’estlapanique!.Lacanva-t-illàencorejusqu’àlaquestiondelanaissance?Detoutefaçon,c’esttoujoursdansl’aprèscoup(nachträglich),dansles

effetsre-mémorésdelaparolequ’unetelleproblématique,celledusujetnais-santalieu.

C’estdecetteproblématiqueaucœurdelaquellegitlemensonge—lapossibilitédedénierlavieenvivant–quesurgitlaparoledelaVéritéquiditleSujetensedisantelle-même.

Le tempsdeconclureoùs’indique“ce qui fait le fondde la nouvelleméthode à

quoiFreuddonnelenomdepsychanalyse”,(p.257"§2)c’estbiencetteassomptionparlesujetdesonhistoire”,entantquecettehistoireestconstituéeparlaparole.

DanscettephrasedeLacan,“parlesujet”et“parlaparole”ontlamêmefonctionetla

mêmeplace:ilsentrecroisentladirectiondel’assomptiondel’histoireetcelledel’adresseàl’autre.Siunsujetdansuncorpspouvaitêtrelaparole,ceseraitleVERBE… l’actedelaParolemêmeet/oulaParoleenacte,laVÉRITEquiPARLEdèsl’ORIGINEdansl’Histoire.

16mai1987

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Laméthode: Lapositiondel’individudansl’intersubjectivité…aveclavérité(p.257§5–p.134§4)1 – Ses moyens sont ceux de la parole en tant qu’elle confère aux fonctions de

l’individuunsens.2–Sondomaineestceluidudiscoursconcretentantquechampdelaréalitétrans

individuelledusujet. 3–Sesopérationssontcellesdel’histoireentantqu’elleconstituel’émergencedelavéritédansleréel.

I–Lesmoyens.Laparoleentantqu’elleconfèreunsensàl’individu.C’estunepositiondusu-

jet.PourLacanlapositiondesujetestdéfinieparl’interlocution.Acceptationd’unepositionquifinalementestplusconstituanteenelle-mêmedurapportà

l’Autredontelleestconstituée…quetouteslesconsignesd’unemiseenscènedel’interlocution.Voirlanote:«mêmes’ilparleàlacantonadeils’adresseàcegrandAutre»(p.258)…sansquoiiln’yapasd’intersubjectivité.

Sans les moyens mis en jeu par la parole, il n’y a pas de séparation, d’individuation,d’individuétablidanssesfonctionsdesujet.Parlervraimentàquelqu’un,parlervraimentc’estfaireexisterquelqu’undansunrapportdesujet–c’estàceprixdelaparolequelesfonctionsdesujetontunsens,unedirection…C’estd’êtreordonnéeparlaparoleendirectiondel’Autrequelapersonnehumaine,lesujet,estindivisible.

II–Sondomaine.Laréponsedel’interlocuteur,c’estcequimanque.Onpassed’unedisconti-nuité physiologique à une continuité qui est celle de l’inconscient. Entre individu et trans-individualité(histoiredusujet)ilyaunerupture.Cequenousrestituonsde l’histoired’un individuc’estcequiassurelacontinuitédesonhistoirelàoùelleétaitdiscontinue.

Dansl’intersubjectivitél’interlocutionesttoujoursdéjàuneréponseàl’interlocuteur,àce-luiauquelelles’adresse,àl’Autre.C’estdanslarestitutiondecequiparlait(parle)enluietqu’ilnesavaitpas–ounevoulaitpassavoir–queserétablit«lacontinuitéintersubjectivedudis-coursoùseconstituel’histoiredusujet».

Iln’yapasd’abordunsujetquiauraitsecondairementunehistoire.Ilyaunsujet–dessu-jets–quinaissentdel’histoire,decequiadvient.Lerefusdenaîtresesolderadel’évitementdel’intersubjectivité(rencontre)etduretrait.

Lediscoursconcretest ledomainedecette individuationdusujet.Cette individuationsefaitenréférenceàlalanguequiimpliquequeçaparledansl’actemêmeoùçafaitsujetconcret.Celaveutdirequ’iln’yapasdesentitésd’individusetsecondairementun langage(çanevou-draitriendire).

III – Ses opérations. Ce qui fait défaut, il y a un trou. L’inconscient ne peut être pensécommeréalitéquineseraitqu’individuelle.Lesujetneparlequesiçaparleenlui.C’estdansladiscontinuitéque la vérité faithistoirepourun sujet. L’inconscient c’est ladiscontinuité entrel’individuelet le trans-individuelquinepeutêtrerestauréquedans l’ordred’unevéritéhisto-rique.

Danslapsychoseiln’yapasdediscontinuitéentrel’individuetlemilieu:«c’estmamèrequiparle».L’émergencedelavéritésefaitparlebiaisdel’inconscient,parlaparole.Cequifaitmensongenousavonsà ledénoncer làoù ilyadesblancs.L’obsessionnel livréà l’analysedé-couvrelevide,leblancde«monmoic’estmoi»:toutestbâtisurlevidedesonmensongesur-moïque. L’hystérique livré à l’analyse découvre le mensonge de sonmoi confusionnel: «moic’estl’autre».

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L’histoire…alors…estàconsidérercommelaparoledevérité…oulavéritéquiparleémer-geantaucœurdecequi fondetoutes lesréalités–celledel’individuaussibienquecelledelatransindividualité–etquiestleréel.

INDIVIDU BLANC TRANSINDIVIDUALITÉ

Actedusujetquideparlerreçoit Cequifait Mouvementlemessagedel’autredans discontinuité Corpsl’intersubjectivité.Nousneparlons Styledeviequesiçaparle:souvenirs,documentsd’archives,légendes(cequ’onditdenous) L’inconscientestlelieud’articulationdetouteslesdonnéesetdechacunàtous. Mouvements Souvenirs Corps Légendes Styledevie RÉEL

Individu Transindividualité

H I S T O I R E VÉRITÉ

Aveclavéritéquiparle,l’inconscient.(p.258§4–p.136§1)L’inconscientestcettepartiedudiscoursconcretentantquetransindividuel,quifaitdé-fautàladispositiondusujetpourrétablirlacontinuitédesondiscoursconscient.

a) Cettepartiedudiscoursconcretentantquetrans-individuelquifaitdéfautàladisposi-

tiondusujetpourrétablirlacontinuitédesondiscoursconscient

Ics

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Discours discours conscient concretEntantqu’elleestoriginaire(pasundiscours)laparoles’indiquedanslesblancsdu cequifaitdéfautdiscoursoudansladiscontinuité audiscoursdusujet:conscient/concret. Discontinuité

leblanc

(p.259§2–p.136§4)L’inconscientestcechapitredemonhistoirequiestmarquéparunblancouoccupéparunmensonge: c’est lechapitrecensuré.Mais lavéritépeutêtreretrouvée: leplussou-ventdéjàelleestécriteailleurs.

b)Cechapitredemonhistoiremarquéparunblancouparunmensonge:censuréquandà

laviséederéelquisemanifestecommelavéritéquiparledansl’histoire. RÉEL

Imaginairedu ImaginaireduEntantqu’elleestrévélation «commesi» «commesi»del’originedelavéritéquiparle toutlediscours Mensonge tout le discourslaparoles’indiquedans conscientétait concretétaitle–lesmensongesde concret conscientl’histoireordonnéeàlaproductioncontinuedel’imaginaireàlaplaceduréel. Histoire Vérité

Lavéritéquiparledanslesujet,etdanslemonde,etdanslediscoursconscientetdanslediscoursconcretestcensuréeparunblancquifaitmensonge.

-nonseulementuneabsencedeparole-maisencoreuneparolequineveutriensavoirdelaviséederéeldelavérité-nonuneerreur-maisunmensonge quitoucheàunevolontéquineveutpaset quipervertit–détourneledésirdel’Autre

Cettevéritéquines’écritpasdanslaviséeduDÉSIRdel’histoire,«peutêtreretrouvéeail-

leurs»…làoùjenesaispas:-dansmoncorps(mouvements)-dansmessouvenirsd’enfance(archives)-danslestyledemavieetdemoncaractère(évaluationsémantique)-danscequ’onditdemoi(légendesettradition)-danslesadultérationsetlesdistorsions(traces)

AveccespagesdeLacan,noussommesaucœurdelaquestiondeladénégationtouchantd’unmêmecoupàcelledel’origineetàcelledel’inconscientdansl’histoire.

Ilfautdansl’inconscientrepérerlaparticularitédechaqueindividumaisre-

liéeàl’ensembledel’humanité.Lechapitreadultérécesontlesblancsetlesmensonges.Lemensongec’estce

dontnousnevoulonspasnoussouvenir.Ilfautallerjusqu’àmontrerquelemen-

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songeestunrefusetpasseulementlerepérercommerefusdelaviequisedonne,refusdel’altérité.

Lefantasmedetoute-puissance«moiveuxtoutelaplace»signifielerefusdel’altérité en tantque la vie estdonnéeà l’autre.Quand le refus est central, c’estcommesileréelétaitlerefus.

Le faitquequelqu’und’autre toucheàcerefusprovoque lahainecaronal’impressionalorsdedevenirfouparcequeçadésorganisetoutlesystème.Lerefusestpresquel’ouverturemaispascomplètement:ilfauttoujoursunpeudedistor-sion pour nourrir ce refus. C’est la distorsion qui fait l’homme: c’est le lieu ducombat.

7/11/1987(p.260§2–p.137§2)Il (l’étudiant)pourra dès lors plus facilement toucher, à chaque instant de sa pra-

tique,qu’àl’instardelanégationquesonredoublementannule,cesmétaphoresperdentleurdimensionmétaphorique,etilreconnaîtraqu’ilenestainsiparcequ’ilopèredansledomainepropredelamétaphorequin’estquelesynonymedudéplacementsymbolique,misenjeudanslesymptôme.

Ledéplacementsymbolique–Ledéplacementimaginaire.Cequiapparaîtcommemétaphoresausensimaginairedesmotsdansmondiscoursperd

sadimensionmétaphorique–de«transportetdetransfertdesens»-dansl’œuvredeFreudquinousfait«opérerdansledomainepropredelamétaphore»,celuidu«transportetdutransfertdesens»quin’estque«lesynonymedudéplacementsymbolique»(dutransfertetdutransportdesens)misenjeudanslesymptôme.

Dansle«déplacementsymbolique»sontjetésensembledeuxséries:uneextérieuresoma-tique,uneinternepsychique(historique).C’estdecelaqu’ils’agitchezFreud.

Aveclaréférence«auxstadesprétendusorganiquesdudéveloppementindividuel»-oral,anal…-Fenichelestdans ledéplacementou lamétaphore imaginaire,au lieude laissersedé-couvriroudelaissersefaireunerechercheauthentiquedel’histoireoùlesujetestimpliqué.Cequeditl’analysantestréféréàdeprétenduesloisquidépendentd’unsystèmephilosophiqueouphysiologiqueoùlesurgissementdusujetcommeteln’apluslieu.

Autrementdit, laréférenceausystèmedesstadesorganiquesamêmevaleurquelaréfé-rence «à la marche générale de l’histoire» qui laisse tomber la question du sujet qui ouvrel’histoireparticulièreàl’histoiregénérale.

(p.261§1–p.138&4)Les événements s’engendrent dans une historisation primaire autrement dit

l’histoiresefaitdéjàsurlascèneoùonlajoueraunefoisécrite,auforinternecommeauforextérieur…

L’amnésiedurefoulementestunedesformeslesplusvivantesdelamémoire…(p.261§5–p.139§2)Cequenousapprenonsausujetàreconnaîtrecommesoninconscient,c’estsonhis-

toire, - c’est-à-dire quenous l’aidons à parfaire l’historisation actuelle des faits qui ontdéterminédéjàdanssonexistenceuncertainnombrede«tournants»historiques.Mais

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s’ilsonteucerôle,c’estdéjàentantquefaitsd’histoire,c’est-à-direentantquereconnusdansuncertainsensoucensurésdansuncertainordre…

Qu’est-cequel’histoire?Certainsenfermentl’histoired’unêtrehumaindans

l’ordrebiologiquedesstades(oral,anal…).L’histoireidéaliséed’unsujetestrabat-tuedansuneloigénéraleparcequ’elleestpréférableàunsavoirimaginaire.

Il est difficile de renoncerà l’histoire idéalisée qui justifie notre comporte-ment actuel. Parfois on n’arrive pas à s’en séparer. Si l’histoire particulière nes’inscritpasdans l’histoire idéale,onnepeut identifierunsujetqu’auxdifférentstraumatismesqu’ila subis…mais le sujetn’estpasdecetordre.Lesévénementss’engendrentdansunehistoire,maisnousnepouvons lire cequinousestarrivéqu’enpassantledeuxièmetempsdel’historisation,enrebroussantchemin.(Onnepeutparlerdeprimaireques’ilyadusecondaire).

Auforinterne,cequiconcernelejugementdelaconsciencedequelqu’unetquinepeutêtreétalésurlaplacepublique.C’estlaporteintérieurequiestducôtédelapsychanalyse.

Leforexterneconcerneletribunalpublic.C’estlaportedelacité,extérieure.Seraitducôtédel’histoire,lamanièredejugerd’unenchaînementdefaits.

Auforinterne,unévénementpeutêtrevécudemanièredifférenteselonlesindividus.

Lesdeuxtempsdel’historisation.Danslapsychanalysecommedansl’histoire«lesévénementss’engendrentdansune

historisationprimaire»cequisupposeunrapportconstitutifdecettehistoireàunehistorisa-tionsecondaire.«Autrementdit,l’histoiresefaitdéjàsurlascèneoùonlajoueraunefoisécrite…»(p.261§1)(celledulangage).

Iln’yad’histoirequedanscerapportentreuntempspremierquin’estaccessiblecommehistoire que par un temps second où il estmis en scène. Dans le rapport de ces deux tempss’indiquel’activitéhistoriquedusujet.Cettehistoireenacteestréactualiséedanslapsyché«auforinternecommeauforexterne»,ditLacan,c’est-à-dire:

-aujugementdelaconscienceàlaportequis’ouvreendedans-ouaujugementdestribunauxàlaportequis’ouvreendehors(delaville).Nousvoulonsdirequelesépoquesnelaissentpaslamêmesortedesouvenirdanslamé-

moiredeshommes…-niselonlaconsciencequ’onenapournous-même,-niselonlejugementqu’onenfaitofficiellement.

Cecin’estpasdutoutlemêmeévénementhistoriqueselonlestribunauxquijugentlespeuplesetselonlaconsciencequijugeunindividu.

Etmêmenoussavonsquelamanièredelirenotrehistoire–qu’ellesoitindividuelleoucol-lective–semodifieselonlesrencontresquenousfaisonsetquinousfont,c’est-à-direquimodi-fientnotre jugementet révèlentcommenouveaucequiétait cachédans l’ancien:«leschosescachéesdepuislecommencementdumonde».Nousnesauronsledébutqu’àlafin,danslamiseenscènefinaledel’histoire.

Cequiestoubliédepuisledébutdans«l’amnésiedurefoulement»demeurevivantdanslamémoire.Lacensuremanifestecequichercheàsediredansl’histoire–auforinternecommeauforexterne–etcelanepeutsedire(partiellementouprogressivement)quedansl’articulationdelaFINàl’ORIGINE.(Maisonpeuts’arrêterenroute).

L’amnésiedurefoulement.Lafonctiondel’oublidanslaperversion.

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Ilyaunelutteinconscienteentrel’oublietlaréapparitionsousformetrau-matique d’un événement qui se répète et ne peut être symbolisé. C’est vraimentunechutedansl’oubli,etenmêmetempscequifonctionneàtraverscetoubli,c’estquelquechosequinepeutplusêtreréinscritdansunehistoire.

Veniràboutdelaparoleforclose!Cesontlesperversquinousenseignentleplussurlapsychose.Quandilssontd’uncôté, ilsoublientcomplètementcequ’ilsontété:«Jenesaispas»-«Jenepeuxpassavoir».Ilfautl’ameneràsentirqu’ilrefuse,qu’ilcommenceàcroirequ’ilrefuse.Ilyaunrefuspréalableàêtretouchédans une rencontre. Ce qui apparaît alors c’est la haine qui se présente commeoriginairealorsqu’ellen’estquepremière.C’estunrefusquinesesaitmêmepas.Qu’est-cequinousautoriseàfrapperainsiauforinterne?C’estàcetteplacequenoussommespourtant.Qu’estcequinousautoriseàentendrelahaineàcepointultimeoùelletoucheàl’origine?Cequiestàl’œuvrequandunanalysantparledelahainejusqu’aubout,c’estl’amour.Lahaineestlerempartultimepourqu’iln’yaitpersonne.Maisdanslamesureoùelleseditjusqu’aubout,ontrouvel’amour.Lepsychanalysteestmisenpositiondecroirequequelquechoseestàl’œuvredanscequiseparle.C’estlechemindelasortiedelapsychoseetdelaperversion.

Lahonteparlamédiationdel’orgueilnejustifiepluslatransgressionmaisconduitàenparleràunautre.Derrièrelahontequisemanifesteetdoncdéjàdis-paraît,apparaîtlesentimentdepourriture,lequelquechosequisentmauvaisenmoi,c’estàdirequelquechosequifaitpourrirlachair.Cequelquechosec’estlemensongequineparlepaspourfairevivre.

Fairel’expériencedevivrelàoùnousaurionsdûmourir(dansl’ordredelaputréfaction)c’estcequinousrenseignesurnotrenaissance.Naitrevraimentc’estsortirdumensongepremieretl’onsaitquelemensongepremierc’estlerefusd’uneparolequisedonne.

LechampdelaPsychanalyse:lesymptômeetl’histoire.Lechampdelapsychanalyseestnécessairementdanslechampdel’histoirecariln’yapas

deparolepensablehorsdutempsetde l’histoire.C’estunedes fonctionsde laparoledenousintroduiredansletempscommesujetd’unehistoire,dansuncorps.

Ledéchiffragedel’inconscientnepeutêtreréduità«unethéoriedesl’instincts,voiredespulsions»,àunesuccessibilitégénéraledesstadesorganiquesenquoiconsisteraitcettelecturejustement,mêmesic’estsurcefondqu’ellealieu.

Ducoup,«cequenousapprenonsausujetàreconnaîtrecommesoninconscient…» cenesontpaslesmodalitésorales,anales,urétralesquisontlesconditionsdesonsurgis-

sementàl’ordrehumaindel’histoire.«c’estsonhistoire»«c’est-à-direquenousl’aidonsàparfairel’historisationactuelledesfaitsquisontdétermi-

nésdéjàdanssonexistenceuncertainnombredetournantshistoriques».Les«tournants»historiquesneselisentqu’àlalumièreàlaquelle«ilssontreconnusdans

uncertainsensoucensurésdansuncertainordre,à la lumièredelaparoleà laquelle j’accèdemaintenant,dansl’histoire,etquim’autoriseàlesconsidérercommelenavigateurquiconsidèrelesastres.

Danscetteconsidération,c’estdu«sujetdudésir»qu’ilestquestionetc’estellequilemet«enfinenquestion».(p.229-236–p.107-108)

Dansletextequiprécède«Dusujetenfinenquestion»etquidatede1966(plusde10ans

après),Lacanrevientcommeenintroductionàcetextesur«Lesautdel’opérationFreudienne»,«quiarticuleenclairlestatutdusymptômeavecceluidelathématiquedelavéritéetdesonbiaisdanslesavoir».Ilditquel’opérationpropredusymptôme,«celledutransportetdutrans-

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fertdesens»,delachutedesensdanslachairestl’opérationfreudienne,ensensinverse.

Lus en tant que fait d’histoire, les symptômes sont ordonnés à l’assomption du sujet del’inconscientauquel il renvoie. Ilnes’interprètealorsquedans l’ordredusignifiantquin’adesensquedans sa relationàunautre signifiant, relationquin’est soutenuequepar le sujetdel’histoire,parlesujetquisesoutientdel’articulationdesdeuxtempsdel’historisationquenousavonsvutoutàl’heure).

«C’estdanscettearticulationdusymptômeàl’assomptiondusujetquerésidelavéritédusymptôme».

Danssa lecturecommesignifiantdusujet,nondanssa lecturecommesigned’unerepré-

sentationquelconque,fut-ellesubjective…resteouvertelaquestiondelavéritédusujetrepré-sentéparunsignifiantpourunautresignifiant.

End’autres termes lavéritédusymptômeestdans lerapportdu«mot»ausujet–c’estdanscerapportqu’ildevientsignifiant,maisoùrésidelavéritédusujet?

Lesymptôme,ditLacan,nereprésentepasquelqueirruptiondevérité-ilseraitencorein-

terprétédansl’ordredusigne,«il estvéritéd’être faitdumêmeboisdontelleest faite sinous posonsmatérialistement que la vérité c’est ce qui s’instaure dans la chaîne signi-fiante…».

Sinonnousposonsquel’histoireestconstituéeparlerapportdialectiquedelamatièreetdelavéritédontlesujetestletroisièmetermequiaccomplitlesdeuxactes(enlesfaisantdispa-raître).Dequelpointdevuefaut-ilprendrelafuméedesfourscrématoires:celuidusignequiditqu’ilyafeuouceluidusignifiantquiditqu’ilétaitjuif,cettefuméereprésentantlejuifpourunautresignifiant,l’électiond’unpeupleparexemple…

Unefoisencore,noussommeslàauxprisesaveclalectured’unLacan-ouavecsonaudi-tion-quinecessedefairejouerlacontradictiondanslaformeambiguëdudiscours:c’estsansdouteundesendroitsquinousmontrecomment il interdità sondiscoursdese clore sur lui-même.Lafuméedesfourscrématoires?Ya-t-ilsymptômeplushistorique?

C’estceluientoutcasqueLacanavancepouraffecterd’unconditionnelcequ’ilenresteraitpourlaréductionmatérialiste;unélémentmoinsmétaphoriquementimaginairequetouteslesfuméesqu’ilpourraits’éleveràdébattresicequ’ellereprésente,cette fuméedes fourscréma-toires,estàreprendreparlebiaisdubiologiqueoudusocial.

N’est-cepasmanièrederenvoyerdosàdos l’interprétationbiologiqueet l’interprétationsocialeenlaissantouvertlechampdeinterprétationdusujet?

Des conséquences du langage (comme signifiant) ou désir du savoir (comme sujet) lesvoiesviendrontpluspraticablessil’onserepèreàsejointqu’estlesujet.

Cequ’onsaitdepuistoujoursdeladistancequisépareleSUJETd’avecsonexistenced’êtresexué,voired’êtrevivant,voilàlechampquelapsychanalyserouvre.

Elleoffreunbâtiqu’ondoitatteindrecommeécranfondamentalduréeldanslefantasmeinconscient(blancoumensonge).

Aussibiendansl’histoirequedanslapsychanalyse.

Decelailrésulteque«toutefixationaunprétendustadeinstinctuelestavanttoutstigmated’historique:pagedehontequ’onannuleoupagedegloirequioblige…»(p.261§5)

EnsetenantàlaréférencebiologiquevoirauplanbiologiquedeJaworski…Lacans’amuse

àmontrer jusqu’oùpeutaller lamétaphoredevenueanalogie(p.262): leM.A.,àcausedesar-muresseraitdansl’histoireàréféreràl’ordredescrustacés.

L’Interprétation des rêves de Freud met enjeu une métaphore qui «va strictement àl’encontredelapenséeanalogique».

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«Analogos»veutdireproportionnel,quiestenrapportavec…etlesdéplacementsdelaméta-phorefreudiennenetiennentpascomptedesproportionsoudesrapportsanalogiquesquiexis-tententrelesélémentsdansunefiguredonnéeouquiexistentdanslesrapportsd’unefigureàuneautre.

L’analogiequiinterprètel’histoiredusujetparrapportàla«mythologiedelamaturationinstinctuel»bâtieaveclesmorceauxchoisisdel’œuvredeFreud…enmarchevers«lecieldelapleineréalisationdel’objetgénital».

Lacan (p.264§2–p.142§1)montreraenfinquel«rang secondaire et hypothétique

tientdans l’œuvredeFreud la théoriedes instinctsquinesaurait tenirunseul instantcontrelemoindrefaitparticulierd’unehistoire».Ilapporteàsadémonstrationl’argumentde«l’Hommeauloups»et«c’estàl’analysed’untelcasqu’onvoitbienquelaréalisationdel’amourparfaitn’estpasunfruitdelanaturemaisdelagrâce,c’est-à-dired’unaccordintersubjectifimposantsonharmonieàlanaturedéchiréequilesupporte»(§3-§2).

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