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Introduction aux études de la musique populaire Philip Tagg Montréal, septembre 2006 basée sur Popular Music Studies: Progress or Falsification, The Rayson Huang Lecture, Music Department, University of Hong Kong, mars 2003. www.tagg.org Avis linguistique Je ne garantis aucune justesse linguistique dans cette présentation. De plus, afin de ne pas trop charger les diapos, j’admets d’avoir souvent supprimé, avec intention et suivant une habitude anglophone, les articles, définis ou indéfinis (surtout le, la, les, de, du, des, parfois même à, au, aux). Si cette liberté linguistique cause l’incompréhension, prière de me la signaler, soit par courriel <ptagg[at]sympatico.ca>, soit pendant ma présentation. Dans ce dernier cas je changerai sur le champ la formulation incriminée. Merci. Abbréviations récurrentes ▪ enreg. = enregistrement ▪ mus. = musique/musical[e][s]/musicaux ▪ musP = musique[s] populaire[s] ▪ pop. = populaire trad. = tradition[nel[le][s]] ▪ TCCE = tradition classique centre-européenne

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Introduction aux études de la musique populaire

Philip TaggMontréal, septembre 2006

basée sur Popular Music Studies: Progress or Falsification, The Rayson Huang Lecture, Music Department,

University of Hong Kong, mars 2003.

www.tagg.org

Avis linguistiqueJe ne garantis aucune justesse linguistique dans cette présentation. De plus, afin de ne pas trop charger les diapos, j’admets d’avoir souvent supprimé, avec intention et suivant une habitude anglophone, les articles, définis ou indéfinis (surtout le, la, les, de, du, des, parfois même à, au, aux). Si cette liberté linguistique cause l’incompréhension, prière de me la signaler, soit par courriel <ptagg[at]sympatico.ca>, soit pendant ma présentation. Dans ce dernier cas je changerai sur le champ la formulation incriminée. Merci.

Abbréviations récurrentes▪ enreg. = enregistrement ▪ mus. = musique/musical[e][s]/musicaux

▪ musP = musique[s] populaire[s] ▪ pop. = populaire ▪ trad. = tradition[nel[le][s]]▪ TCCE = tradition classique centre-européenne

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Survol de la présentation

1. La musique populaire, c’est quoi?

2. La musique populaire, pourquoi l’étudier?

3. Problèmes d’institutionalisation et d’épistémologie• Les préjugés esthéthiques et « l’absolu » musical• L’inertie historique des institutions musicales• L’instiutionalisation des quatre connaissances musicales• Les traditions écrites et orales/aurales • Les traditions « achevées » et « inachevées »• Le penchant « canonisateur »

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Triangle axiomatique : popular / folk / art

Omniprésence de la musique ; importance économique et culturelle

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« Savante », folk, popular : organigramme historique

MUSIQUE(société avec division de travail minimale)

MUSIQUE « SAVANTE » (au cour, religion officiel)

FOLK MUSIC (musique populaire des esclaves ou du proletariat rural)

MUSIQUE « SAVANTE » (institutions à subvention

publique)

FOLK MUSIC (proletariat rural)

POPULAR MUSIC(proletariat industriel, couches moyennes)

esclavage,féodalisme

capitalisme industriel

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Art, Folk, Popular music : les traits distinctifs

Mode principal de stockage et de distribution

transmission orale

notation musicale

enregistrement (audio)visuel

folk

art

popular

Mode principal de financement de la production et de la distribution

indépendent d’une économie monétaire

financement public, patronage

marché « libre »

folk

art

popular

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Résumé des traits distinctifs de la popular music

• phénomène de la société industrielle• aucune éducation formelle nécessaire à sa

production ou à son usage• jusqu’`a récemment exclue des institutions

officielles de l’éducation et de recherche• normalement emmagasinée et distribuée comme

enregistrement (audio)visuel• normalement produite et distrubée selon les règles

du marché « libre » • impossible à définir à partir de sa structuration

musicale• la musique qui n’est ni la ‘art music’ ni la ‘folk

music’

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L’omnipresence de la musiquepresque 25% de notre vie de veille (c. 2002)

par exemple (estimations en mins. par jour)

• 35’ dans les magasins, restaurants, bars, espaces publics; aux événements religieux, sportifs, etc.

• 30’ à la radio

• 30’ au travail

• 30’ choix conscient (chaîne stéréo, balladeur, concert, etc.)

• 10’ dans des jeux vidéo

• 5’ téléphones portables; musique d’attente, etc.

= 210 minutes soit 3h et ½ par jour

• 70’ à la télé, sur DVD, au cinéma, etc.

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Moins important aujourd’hui?

• Investissement en production musicale diminue de 25% (12,000 moins de disques mis en vente) (= profit plus élévé par commodité?)

RIAA & IFPI: 1999-2001, vente musique enregistrée diminue de 6%

• La diminution des ventes ne commence qu’APRÈS la fermeture de Napster; mus. à téléchargement gratuit exclue des statistiques

• Prix des CDs augmentait tandis que le revenu moyen des européens et des nord-américains (sauf le 5% des plus riches) diminuait nettement

• [1] Vente jeux $8.9 millards., cinéma $7.4, musique $13.7 (É-U, 1999);[2] Super Mario est 2 fois plus rentable que la somme des 5 Guerre des étoiles (revue Wired, 2003); [3] enfant moyen étatsunien: 50 min. de jeu vidéo par jour;

• [4] GB: vente jeux 60% > billets de cinéma, 80% > location VHS + DVD; [5] droits sur les mélodies de tél. portable valent $1 milliard (2002)

• Veronis Schuler Stevenson (août 2002) prévoit (2001-2006) augmentation de 6.5% dans la consommation des commodités et des services médiatiques (6.3% 1996-2001), principalement grâce à la prolifération de la télé câble/satellite et à l’augmentation des frais d’abonnement 3 fois > le taux d’inflation (É-U, Royaume-Uni).

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Préjugés socio-esthétiques contre la musique populaire dans les institutions officielles

d’éducation et de recherche

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• Ce n’est ni sérieux ni artistique « Divertir, ce n’est jamais sérieux et le sérieux ne divertit jamais »

• C’est trop banal à prendre au sérieux « Certains paramètres et certaines formes d’expression musicale sont intrinsèquement plus valables que d’autres. »

• Son inclusion dans les études supérieures baisse la qualité et menace la bonne réputation de la musique dans nos universités « La plupart des gens et de leurs habitudes musicales ne valent pas la peine d’être considérés serieusement. Seulement la musique des quelques élus mérite l’attention des universitaires. »

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Inertie de nomenclature institutionnelle [1]

Domaines d’études obligés de s’identifier comme « autre »:

1. Les femmes (51%), dont les vies et les activités étaient en général exclues des narratifs historiques conventionnels de notre culture occidentale, étaient obligées d’appeler Women’s Studies le genre d’étude qui les incluait, tandis que celui qui les excluait n’avait pas besoin d’indiquer sa spécificité .

2. La musique de la majorité populaire (bien >51%), toujours marginalisée dans les institutions officielles d’éducation musicale des pays industrialisés de l’hémisphère nord, est obligée de preciser son altérité par rapport à une musique minoritaire qui, elle, se permet de se passer d’adjectif qui exprime sa particularité. L’exception devient le norme, le norme l’exception.

• Question. Le régime apartheid en Afrique du Sud (des blancs) forçait la majorité africaine et asiatique à porter des cartes d’identité, tout en se permettant de circuler sans cette restriction bureaucratique. On peut se demander pourquoi nous, la majorité, sont aussi obligés de porter des étiquettes...

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• « Musique absolue », « art music »sans référence à autre chose, non-utilitaire, non-fonctionnelle, non- prosaïque, non-banale, non-éphémère, au contraire suprasociale, transcendantale, éternelle, universale, quasiment metaphysique

• « Ernste Musik »d.h. kein leitfertig oder mass-produzierte U-Musik= pas amusant, pas l’fun; de valeur sérieuse, faite à la main, non pas en masse

• « Musique savante »le contraire de la musique ignorante

• « Musica colta »l’opposto della musica volgare (= cultivée, pas vulgaire)

• « Musica erudita »não a música dos selvagens(= érudite, aucunement la musique des sauvages)

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Inertie de nomenclature institutionnelle [2]Valeurs esthétiques absolues implicites, souvent mal cachées

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L’absolutisme musical (1)• ABSOLU (PHILO.). Qui existe indépendamment de

toute condition ou de tout rapport avec autre chose (Robert, 1993)

• musique absolue : Mozart sans parents, sans formation musicale? Son public sans identité culturelle? Hendrix sans électricité? Le techno sans ordinateur? L’opéra comique et la musique de film sans précurseurs? Le punk sans la rage des jeunes?

• PUR. Qui n’est pas mêlé avec autre chose, qui ne contient en soi aucun élément étranger (Robert 1993)

• musique pure : exclut les madrigalismes, les figures rhétoriques baroques, la possibilité du narratif dans la forme sonate, la recognition des types d’amour (parental, romantique, érotique) dans la musique de film, etc., ad inf.).

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L’absolutisme musical (2)

• Si on qualifie une musique de pure ou d’absolue, on implique l’existence d’autre musique qui ne mérite pas ces étiquettes, selon ceux qui les utilisent; sans cette musique impure et non-absolue, les épithètes pur et absolu, appliquées à la musique, n’ont pas de sens.

• Si les amateurs d’une musique appelée pure ou absolue ne constituent pas la totalité de la population, sa spécificité dépendra de l’existence d’autres groupes de personnes et de leur musique différente. Grâce à telle connotation sociale, que l’on veuille ou non, nommer une musique absolue ou pure équivaut à constater le contraire.

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L’absolutisme musical (3) : 3 questions importantes

• Si la notion de la musique « absolue » ou « autonome » ou « pure » est tellement illogique et imaginaire, comment a-t-elle pu survivre jusqu’à nos jours et comment pouvait-elle dominer aussi longtemps l’esthéthique officielle de la musique dans la culture occidentale ?

• Pourquoi ces notions irrationnelles de la musique deviennent-elles populaires au même temps qu’une vision très rationaliste du monde (le Siècle des lumières).

• Les réponses à ces questions, comment peuvent-elles nous aider à mieux comprendre la musique dans notre temps?

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Le problème absolutiste : 2 citations initiales

« Il faut que les passions soient fortes; la tendresse du musicien doit être extrème ― point d’esprit, point d’épigrammes, point de ces jolies pensées! »Diderot : « La querelle des bouffons » dans Le neveu de Rameau (1762)

« Objectivism and subjectivism need each other in order to exist. Each defines itself in opposition to the other... Objectivism takes as its allies scientific truth, rationality, precision, [etc.]... Subjectivism takes as its allies the emotions, intuitive insight, imagination, humaneness, art and the ‘higher’ truth... By giving up on rationality, the Romantics played into the hands of the myth of objectivism... Subjectivism has carved out a domain for itself in art and perhaps in religion. Most people in this culture see it as an appendage to... objectivism and [as] a retreat for the emotions and the imagination.»Lakoff & Johnson : Metaphors we Live By (1979) (v. 10 Titles p. 27)

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La Raison, la révolution bourgeoise et le grand fossé epistémique (tableaux)

Progrès : conquête de la nature, des maladies.

Révolution industrielle, expansion du commerce

Avances en sciences naturelles(objectivisme)

L’homme se croit maîtriser la nature plutôt qu’en faire partie

Côtés somatiques et émotionnelles de l’homme réprimés dans le discours rationnelle

Mise en question des dogmes ecclésiastiques

Mise en question du droit divin de la monarchie

Croyance irrationnelle dans la supér-

iorité du système capitaliste et dans le pouvoir des sciences naturelles

La notion de l’individuLiberté, égalité, fraternité

(révolution française, constitution des É-U, mani-festo communiste, abolition de l’esclavage, éducation obligatoire et gratuite, législation sociale, etc.)

Croyance irrationnelle dans l’inévita- blité de l’inégalité sociale. Abondonnement par les bourgeois des individus appertenant au 4ème état.

Conquête d’autres peuples.

logique intuition, pensée emotion, esprit corps, sciences arts, public privé, science naturelle nature humaine

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La Raison, la révolution bourgeoise et le grand fossé epistémique (« music is music »)

1. « Orders are orders. »

2. « Business is business. »

3. « Music is music. »

= Les actions militaires sont indépendantes de la moralité, etc.

= Ne mêlez pas le sentimentou l’éthique aux affaires!

= La musique n’a aucun lien avec quoi que ce soit en dehors d’elle-même

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L’étude de la musique populaire et l’histoire du XXe siècle

(1) 1877-1931

1877 Edison invente le phonographe

1888 Berliner invente le gramophone aux disques plats

1892 1ère chanson à vendre 1 million de copies (After the Ball)1898 HMV et DGG : début de production en masse de disques

1903 Caruso enregistre Vesti la giubba : ventes 1 million

1914 Fondation de l’ASCAP1918 Tiger Rag (Original Dixieland Jazz Band) : ventes 1 million

1920 1er enregistrement électro-acoustique (Londres)

1921 Invention du micro à bobine movible

1922 BBC fondée; 3 millions postes de radio aux É-U

1923 Bessie Smith: 1er enreg. d’une million par une noire

1924 Patente d’enreg électro-magnétique (Western Electric)

1927 1er film parlant (Al Jolson dans The Jazz Singer)

1931 127 films sonores produits (8 en 1929); Rickenbacker produit les guitares électriques A model

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1934 275,000 juke boxes aux É-U 1934-39; Muzak Corporation fondée1935 75% du temps d’antenne de la BBC = la musique

1936 1er concert enregistré sur bande magnétique (BASF/AEG)

1937 50% des disques vendus aux É-U sont des enregistrements swing

1940 « Guerre » ASCAP-BMI1947 Invention des transistors; production d’amplis en masse (Fender)

1949 RCA lance les disques vinyl 45 tours1950 ‘Hillbilly’ (C&W) 1/3 des ventes de disque aux É-U

1951 1ère basse électrique (Fender)

1952 1ers rubans magnétiques stéréo produits par RCA

1955 Bill Haley: Rock Around The Clock; vente LP sales > vente simples

Programmation Top 40 introduite (format radio)

1958 Disques stéréo produits en masse

1960 200 million copies de White Christmas (Irving Berlin), chanté par Bing Crosby, vendues depuis 1942

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L’étude de la musique populaire et l’histoire du XXe siècle

(2) 1932-1960

1948 Columbia lance les disques vinyl 33 tours

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1963 1ère audiocassette (Philips)

The Beatles: She Loves You et 1er 33 tours

1965 Rolling Stones: Satisfaction; Who: My Generation

1966 Synthé Moog., ampli Marshall., piano Fender Rhodes

1967 Beatles: Sergeant Pepper; Hendrix: Are You Experienced?

1968 Festival de Woodstock (300,000 participants)

1971 Études de la musique populaire commencent à l’Université de Göteborg (Suède) et au collège Berklee (Boston, É-U)

1977 Démonstration du CD (Philips au Tokyo Audio Fair)

1980 Début commercial des vidéocassettes; 5 millions Sony Walkman (balladeur) vendus dans une seule année (É-U)

1981 Debut MTV (É-U); International Association for the Study

of Popular Music (IASPM); 1er no. de Popular Music (CUP)

1983 Début commercial du CD

1984 Cassettes se vendent plus que les 33 tours; Forschungszentrum populäre Musik (Humboldt-Universität, Berlin)P Tagg

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L’étude de la musique populaire et l’histoire du XXe siècle

(3) 1961-1984

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milieu 80s: CD ROM, samplers, MIDI, synthés numériques

1988 graveurs DAT; vente CD dépasse celle du vinyl;

fondation de l’Institute of Popular Music (Université de Liverpool)

1er prof titulaire de musique populaire (Berlin);

1989 CDs gravables sur le marché

1992 Actions AoL sur le NASDAQ; Sony corp. annonce 1ère perte ;

DCCs & MDs sur le marché; Thriller de Michael Jackson : 40 mill. disques pendant 10 ans; Madonna signe contrat de 7 ans ($700 mill.)

1994 Viacom achète Paramount (incl. MTV); prix $10 milliards;

Enreg. vid. et audio de Pavarotti dépassent 50 million unités

1995-…Fusions, « réstructuration » : milliers au chômage (industr. mus.);

importance croissante de l’internet

études commerciales en musique (Edinburgh, Liverpool, etc.)

1998 Spécifications DVD établies

2000 AoL achète Time-Warner (incl. CNN, CompuServe, etc.)

1990 Plus de gens reconnaissent le thème de Mario que de Mickey Mouse

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L’étude de la musique populaire et l’histoire du XXe siècle

(4) 1984 - 2000

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Entrée graduelle des études de la musique populaire dans les universités (1)

1930-32 Musik und Gesellschaft: pédagogues, ethno-musicologues, compositeurs &c préoccupés par la culture musicale de masse en Allemagne pré-fasciste

1940-1945 Motivation research (É-U) : les liens entre les goûts musicaux et les groupes cibles

1960s [1] École de Francfort: Adorno, Marcuse et l’« authenticité » des counter-cultures (Rolling Stone, É-U). [2] Cultural Studies: (a) expansion conceptuelle du mot « culture » par des gens issus des études litéraires, des sciences politiques et sociales; (b) realisation de l’importance de la mus. pop. dans la construction d’identité sociale chez les jeunes subcultural theory (CCCS, Birmingham, Angleterre). [3] Critique musical du Times (Londres) propose Lennon & McCartney comme composers of the year (1964). [4] Musique populaire fait partie du programme scolaire national (Suède, 1969)

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1970s [1] Programmes universitaires (sciences sociales, éducation musicale) commencent à inclure la musique populaire (Suède, Autriche, Allemagne; plus tard É-U, Royaume-Uni, Australie, Amérique Latine, Canada). L’Université de Montréal embauche son premier prof de musique populaire en 2002.

1980s [1] Fondation de l’IASPM (International Association for the Study of Popular Music, Amsterdam, 1981); [2] 1er numéro de Popular Music (Cambridge U.P., 1981)

L’étude de la musique populaire est établie comme un domaine de connaissance interdisciplinaire et interprofessionnel.

1980s-90s [1] Présence croissante de la musique populaire dans les programmes universitaires (communications, cultural studies, musique, musicologie, etc.); [2] programmes d’études commerciales en musique s’établissent.

Entrée graduelle des études de la musique populaire dans les universités (2)

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Presentation overview

1. Popular Music —what is it?

2. Popular Music — why study it?

3. Popular music: problems of institutionalisation• Aesthetic prejudices• When and how did it enter the academy?• Pre-existing modes of institutionalising knowledge and

the imperative of interdisciplinarity• Scribal and oral traditions, notation and recording• Historically defined and ongoing (‘unfinished’) traditions• Temptation to replace old canons with new ones

4. Suggestions for the future

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4 défis à l’absolutisme musicologique

Phase Début Médias de masse musicales Lingua franca musicale

ethno c. 1900 notation, enreg. acoustique TCCE & musP CEuro.

socio

sémio

Étude musP

c. 1930 radio, film, électro-acoustique TCCE + musP É-U,musique de film

c. 1970 vinyl, transistors, TV, vidéo, audio numérique, jeux vid.

rock/pop angloph., mus. et images en mouvt.

1970+radio, film, électro-ac., vinyl, transistors, TV, vidéo, audio & video numérique, jeux vidéo, internet

musP anglo, mus. de film / TV (É-U, Indes), mus. du « monde », TCCE populaire.

pratiquement n’importe quoi…!P Tagg 2006

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Explication du diapo suivant

cette ligne cerne les domaines d’intérêt aux études de la musP

La grandeur des étoiles associées à chaque domaine d’étude correspond à la probabilité d’inclusion du domaine dans la discipline pertinente. Bleu = musicologie conventionnelle, rouge = sociologie, vert = ethnomusicologie.

Les double-flèches qui tournent entre les colonnes Mus. et Soc. indiquent que les liens entre la structuration musicale et les phénomènes socioculturels sont un sujet d’intérêt à la discipline pertinente. Par exemple, de tels liens entre la structuration musicale et la société dans les cultures « exotiques » sont souvent l’objet d’intérêt des ethnomusicologues, d’où vers à gauche dans le tableau.

Veuillez noter l’absence de double-flèches entre Mus. et Soc. pour la TCCE et les « autres » cultures musicales occidentales.

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Objets d’étude typiques de 4 approches générales

Musicologie conven-tionnelle européenne

Ethnomusicologie

Sociologie, cultural studies

sémiotique / sémiologiemusicale

Approche générale Mus. Soc. Mus. Soc. Mus. Soc.

TCCE « autres »

Cultures mus. occidentalesObjes d’étude

Cultures « exotiques »

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Phase 1 — ‘ethno’

• 1877: Edison invente le phonographe• 1889: Enreg. de musique autochthone n-américaine• 1900: Stumpf enregistre mus. Thaï à Berlin• 1904: Bartók & Kodály en Transylvanie

• 1924: Patente enregistrement électro-magnétique• 1926-: Enregistrements « hillbilly » et blues• 1960-: Enregistrements UNESCO sur vinyl

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Phase 1 — ‘ethno’: importance aux études de la musP

• Enreg. des mus. non-TCCE : musiques non-écrites disponibles à tous; plus d’impératif de notation.

• Diffusion d’une multitude de traits stylistiques et de valeurs esthéthiques différents à ceux de la TCCE : impossible maintenir la supériorité d’un seul ensemble de règles musicaux et de valeurs esthétiques.

• « Leur » musique nous reste incompréhensible si elle n’est pas expliquée par rapport à ses usages socioculturels : l’absolutisme mus. devient impossible.

• Connaissance d’autres musiques provoque des questions sur la nôtre.

• Si, pour comprendre « leur » musique, il faut savoir quels liens existent entre la structuration musicale et la société, qu’est-ce qu’ « ils » doivent savoir afin de comprendre « notre » musique?

• « Nos » musiques, comment fonctionnent-elles anthropologiquement?

• Une vraie ethnomusicologie de la TCCE, pourquoi n’existe-t-elle pas?

• Et les « autres » de chez nous et « leur » musique ? (musP?)

• Nous ne sommes pas un ? Je ne suis pas un ?

« Normalement » non!

Pourquoi pas ?

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• [Ethnomusicology] ‘investigates all tribal and folk music and every kind of musical acculturation’… ‘Western art and popular (entertainment) music do not belong to its field’ (Jaap Kunst: Ethnomusicology, Den Haag, 1959, p.1).

Phase 1 — ‘ethno’: le syndrome du safari académique (SSA)

• [Ethnomusicologists] ‘have worked as the… kind of musicologist who investigates exotic music and as the… kind of anthropologist who investigates music rather than other aspects

of human cuture… outside Western civilisation’ (Bruno Nettl: Theory and Method in Ethnomusicology, London, 1964, pp. 1-3)

• Ces définitions mises en question par Vega (1944), Hood (1957), Chase (1958), Merriam (1964), Ayesterán (1965) et al.

• Toutefois le fétiche du « terrain » ailleurs que chez nous persiste (voir inscription ESEM/ICTM). Les chercheurs de la mus. des jeux vidéo ou de la télé, ont-ils/elles un « terrain » ethnomusicologiquement correct? Faut-il vraiment partir en safari pour être ethnomusicologue?

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Phase 2 : ‘socio’

• Sociologie : 1ère discipline à prendre au sérieux la musP.• La sociologie, qu’elle soit théorique/critique ou empirique,

contribue à l’inclusion de la musP comme objet d’étude valable chez les chercheurs en sciences sociales intéressés aux questions culturelles et idéologiques (d’où l’importance des Cultural Studies dans l’étude musP).

• La sociologie empirique fournit des statistiques sur les habitudes musicales. Info utile à la mise en question des politiques antidémocratiques sur le plan culturel et pédagogique.

• Marcuse et les notions de « l’authenticité » refont surface dans le discours des journalistes rock pendant les 1960s (le spectre d’Adorno).

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Phase 3 : sémio• Discipline dévouée à l’investigation des liens entre les sons

musicaux et leurs signafications• Discipline ne se définit pas par répertoire mais par approche :

donc, plus pertinente à la musP, non seulement à la TCCE ou aux cultures musicales « exotiques »

• Tendance générale à la fixation syntactique; très peu de sémantique ou de pragmatique (80% syntaxe, 20% le reste). ‘La sintattica e la semantica, quando si trovano in splendido isolamento diventano… discipline “perverse”.’ (Eco: I limiti dell’interpretazione, 1990, p. 259).

• Application quasiment exclusive à la TCCE.• Les problèmes causés par le transfert à la musique des

modèles de sémiose conçus par les linguistes amènent à la regression générale vers les enjeux intramusicaux, ce qui renforce la fixation syntactique institutionnelle.

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Page 32: Introduction aux études de la musique populaire Philip Tagg Montréal, septembre 2006 basée sur Popular Music Studies: Progress or Falsification, The Rayson

Types généraux de la connaissance musicale

1. Musique comme connaissance (connaissances dans la musique)

2. Connaissances métamusicales ([autour] de la musique)

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1. Musique comme connaissance

1a. Compétence constructionnelle / poïétique

inclut : création, production, composition arrangement, interprétation, etc.

habitat institutionnel : conservatoires, écoles de musique, etc.

1b. Compétence réceptionnelle / esthésique

inclut : rappel et recognition de sons musicaux différents, ainsi que de leurs connotations et fonctions culturellement spécifiques

habitat institutionnel : ……?

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2. Connaissances métamusicales

2a. Compétence métatextuelleinclut : « théorie musicale », analyse musicale conventionnelle, identification et étiquetage des éléments de structuration musicale, etc.

habitat institutionnel : départements de musique / musicologie, écoles de musique, etc.

2b. Compétence métacontextuelleinclut : explication des liens entre les pratiques musicales, culturelles, sociales, économiques, politiques, etc. (approches sémiotiques, acoustiques, anthropologiques, psychologiques, biologiques, sociologiques, etc., etc.)

habitat institutionnel : départements des sciences sociales, naturelles, politiques, etc.

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Presentation overview

1. Popular Music —what is it?

2. Popular Music — why study it?

3. Popular music: problems of institutionalisation• Aesthetic prejudices• When and how did it enter the academy?• Pre-existing modes of institutionalising knowledge and

the imperative of interdisciplinarity• Scribal and oral traditions, notation and recording• Historically defined and ongoing (‘unfinished’) traditions• Tendency to replace old canons with new ones

4. Suggestions for the future

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Écrit oral/aural notation enregistrement

1. Hégémonie des chiffres et de la parole écrite dans le monde « savant » conventionnel : graphocentrisme et scopocentrisme; manque d’intérêt envers le son non-verbal (oral/aural).

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2. Tendance à privilégier les paramètres d’expression musicale transcriptibles selon la notation musicale occidentale, ce système ayant été développé afin d’emmagasiner les traits spécifiques de la musique « savante » occidentale plutôt que ceux d’autres cultures musicales (complexités de timbre, d’inflexion, de rhythme, de mètre, etc.)

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Presentation overview

1. Popular Music —what is it?

2. Popular Music — why study it?

3. Popular music: problems of institutionalisation• Aesthetic prejudices• When and how did it enter the academy?• Pre-existing modes of institutionalising knowledge and

the imperative of interdisciplinarity• Scribal and oral traditions, notation and recording• Historically defined and ongoing (‘unfinished’) traditions• Tendency to replace old canons with new ones

4. Suggestions for the future

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Achevé et inachevé

Exigences des institutions établies: Programmes d’études recyclables�

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Répertoire canonique�

Pourquoi? Faciliter les critères d’évaluation constants (immutables?)� Faciliter le classement des étudiants, des profs et des � institutions Faciliter le contrôle administratif�

La musique populaire change constamment avec

▪ la technologie ▪ l’économie ▪ les regroupements sociaux et démographiques