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Yann Bertacchini Université du Sud Toulon Var Laboratoire i3m-E.A I3M Intelligence territoriale Le Territoire dans tous ses états. Ouvrage collectif Collection Les ETIC, Presses Technologiques, Toulon. ISBN : 2-9519320-1-4 EAN : 9782951932012

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Intelligence territoriale, le territoire dans tous ses tats

Yann Bertacchini

Universit du Sud Toulon Var

Laboratoire i3m-E.A I3M

Intelligence territoriale

Le Territoire dans tous ses tats.

Ouvrage collectif

Collection Les ETIC, Presses Technologiques, Toulon.ISBN: 2-9519320-1-4 EAN: 9782951932012

Intelligence territoriale

Le Territoire dans tous ses tats.

Collection Les ETIC, Presses Technologiques, Toulon.ISBN: 2-9519320-1-4 EAN: 9782951932012

Intelligence territoriale

Le Territoire dans tous ses tats

Je ddie ce livre Pierre Gilles de Gennes (1932-2007), Prix Nobel de Physique, 1991 Odon Vallet, Professeur, Universit Panthon Sorbonne

Yann Bertacchini (Sous la direction de)

Matre de Confrences, Habilit Diriger des Recherches en S.I.C

Universit du Sud Toulon Var

Laboratoire I3m-Equipe dAccueil 3820

Intelligence territoriale:

Le territoire dans tous ses tats

Ce troisime ouvrage ponctue une srie -trilogie- Vers lIntelligence Territoriale compose pour lheure de

*Territoire & Territorialits (2002), suivi de

*Mesurer la distance, Pensez la dure, Mmorisez le virtuel (2004).

Plus gnralement, cette contribution se propose de prsenter une rtrospective des recherches, travaux, publications qui ont jalonn ces dix dernires annes. Depuis le Programme Mainate (Management de lInformation Applique au Territoire) initi en 1994 au sein du laboratoire LePont, la cration du Groupe Going (groupe dInvestigations des Nouvelles Gouvernances), la dfense dune thse puis dune habilitation Diriger des Recherches et maintes cooprations en France, Europe (le rseau REIT http://www.intelligence-territoriale.eu ) et la fdration du laboratoire I3m-Equipe dAccueil 3820.

Les travaux qui seront pour partie prsents ici sinscrivent dans un axe spcifique du laboratoire I3m intitul: intelligence informationnelle (http://i3m.univ-tln.fr ). Nous en prsentons les caractristiques.

Histoire de laxe de Recherche

La recherche dans le laboratoire I3m centre sur la notion dinformation remonte aux origines de la recherche en Sic lUniversit du Sud lors de lassociation du laboratoire LePont (cofondateur de I3m) avec le Crrm de Marseille en 1993. Lintitul de ces recherches a volu avec linscription de la discipline dans le champ universitaire franais et international. De la problmatique de veilles (technologique, scientifique, commerciale, stratgique, sociale, etc..), les travaux du laboratoire ont conduit la dfinition du concept dintelligence comptitive, puis dintelligence conomique pour aboutir une vision plus globale dintelligence informationnelle qui caractrise les recherches actuelles.

Problmatiquegnrale : de lintelligence conomique lintelligence informationnelle

Lintelligence informationnelle peut tre dfinie comme une capacit individuelle et collective comprendre et rsoudre les problmatiques dacquisition de donnes et de transformation de linformation en connaissance oprationnelle, cest--dire oriente vers la dcision et laction. Elle peut tre envisage comme un champ thorique et exprimental commun au renseignement, lintelligence conomique, lintelligence territoriale, mais galement toutes les approches centres sur linformation comme support de dcision.

Dans leur dimension outil, ces sphres informationnelles mobilisent les techniques danalyse de donnes, des indicateurs infomtriques, web-mtriques, bibliomtriques, scientomtriques, lanalyse des rseaux sociaux, les techniques de datamining ou de fouille de donnes. Si nous ne rduisons pas la matrise de l'information des aspects techniques, d'organisation ou de gestion en revanche, les travaux qui sinscrivent dans le sillon de cet axe font largement appel des Recherches-actions conduites dans des domaines pouvant correspondre des problmatiques de construction dindicateurs scientomtriques de lvaluation de la recherche, dintelligence conomique dans les organisations, dintelligence territoriale, dintelligence sectorielle sur internet. C'est notre propre comprhension de linfosphre et notre capacit concevoir et mettre en uvre une infostratgie qui orientera notre avenir individuel et collectif.

Nous inscrivons nos travaux en Sciences de lInformation et de la Communication et, en tant que tels, ils se rfrent aux approches sociales, cest--dire inter relationnelle, la thorie systmique, cest--dire informationnelle (thorie de linformation et de lnergie associe imputable, entre autre, aux Tic) enfin, au constructivisme, cest--dire une approche communicationnelle en rfrence la territorialit qui compose et recompose le territoire.

Le point commun entre ces travaux et leurs auteurs se retrouve dans lexpression intelligence territoriale. Ils ont permis, en 2004, de proposer une dfinition, parmi dautres, de cette intuition de dpart que ft la runion des deux termes suivants: lintelligence & le territoire pour donner naissance une audacieuse expression, lintelligence territoriale dont nous revendiquons lancrage en Sciences de linformation & de la communication et qui a t reconnue en 2005 par les instances de Commission nationale universitaire (Cnu 71e section).

Nous empruntons J.J.Girardot de lUniversit de Franche Comt (http://www.intelligence-territoriale.fr ) cet tat de lart sur lIntelligence Territorialeauquel nous avons contribu:

tat de lart de l'intelligence territoriale

Lintgration des quipes de recherche et des acteurs territoriaux pour donner aux outils dintelligence territoriale une dimension europenne remet en question lusage des outils, mthodologies, procdures de recherche et bases de donnes ainsi que les pratiques, la participation, le partenariat et lapproche globale. Quel est ltat de lart actualis dans ce domaine qui requiert une approche multidisciplinaire des champs de la connaissance territoriale, de la gouvernance territoriale et de lingnierie territoriale ?

Traditionnellement, lIntelligence Territoriale sest nourrie de lconomie, de la gographie, des Sciences et Technologies de lInformation et la Communication (STIC) et de la gestion du savoir. Les liens avec lintelligence conomique et les STIC sont souvent cits dans les dfinitions actuelles de lintelligence territoriale. Les systmes dintelligence territoriale ont besoin dutiliser les processus traditionnels de transmission de linformation et les technologies de linformation et de la communication travers les sites Intranet ou Internet, la documentation, les systmes dinformation gographique et lanalyse de donnes.

Les activits de recherche en Intelligence Territoriale actuellement en cours sont principalement diriges par Jean-Jacques Girardot (http://mti.univ-fcomte.fr) ainsi que par Philippe Dumas et Yann Bertacchini (http://lepont.univ-tln.fr & http://i3m.univ-tln.fr ). Leurs dfinitions suivent la mme dynamique et affirment que lintelligence territoriale :

Concerne tout le savoir multidisciplinaire qui amliore la comprhension de la structure et des dynamiques des territoires (Girardot, 2002)

Permet une volution de la culture du local fonde sur la collecte et la mutualisation entre tous ses acteurs des signaux et informations, pour fournir au dcideur, et au moment opportun, linformation judicieuse (Herbaux, 2002)

Rapproche lintelligence territoriale en tant que processus cognitif et dorganisation de linformation, et le territoire en tant quespace de relations significatives (Dumas, 2004)

Ou encore un processus informationnel et anthropologique, rgulier et continu, initi par des acteurs locaux physiquement prsents et/ou distants qui sapproprient les ressources dun espace en mobilisant puis en transformant lnergie du systme territorial en capacit de projet. De ce fait, lintelligence territoriale peut tre assimile la territorialit qui rsulte du phnomne dappropriation des ressources dun territoire puis consiste dans des transferts de comptences entre des catgories dacteurs locaux de culture diffrente (Bertacchini, 2004)

Nous avons intitul cet ouvrage Intelligence territoriale: Le Territoire dans tous ses tats. Cet ouvrage est compos de quatre parties:

Lintroduction pose la problmatique densemble

Nous avons choisi de porter ce texte en ouverture de louvrage et cela, malgr quil vienne ponctuer plus de dix annes de rflexion thorique nourrie, dajustements-confrontations avec dautres disciplines, de lente imprgnation de textes fondations, de ttonnements des territoires par la mise en chantiers de nos intuitions, de discussions, de dbats, de sminaires enfin, parce que nous y exposons en substance notre conception de la place de lintellectuel dans la Cit.

Nous pouvons remarquer combien, comment, ce texte, comme les autres contributions, se nourrit de tout ou parties des autres textes runis dans le cadre de cet ouvrage illustrant de la sorte le principe de la co-construction, le phnomne de la fertilisation croise voulues par des auteurs qui se reconnaissent dans une mme veine de Recherche.

*Intelligence territoriale: Posture thorique, hypothses, dfinition. (Yann Bertacchini, Gino Grammacia, Jean-Jacques Girardot).p.14.

La partie 1 vise dfinir les bordures de notre objet.

*Lintelligence territoriale: entre ruptures et anticipations. (Yann Bertacchini, Philippe Herbaux).p.21.

*Intelligence, territoire, dcentralisation ou la rgion la Franaise. (Philippe Dumas).p.29.

*La rupture, un des corollaires de la vitesse. Lintelligence territoriale, une posture danticipation. (Philippe Herbaux, Yann Bertacchini).p.33.

*Entre verbe et projet: la mdiation, fondation de lchange & structure du dveloppement local. (Marie-Michele Venturini).p.43.

*Lorganisation & ses Distic: des objets de la recherche hypermoderne. (Yann Bertacchini, Christian Bois).p.60.

La partie 2 voque le territoire physique et virtuel.

*Territoire & capacit de dveloppement: proposition dune fonction dvaluation du potentiel daction local. (Yann Bertacchini, Moez Bouchouicha).p.67.

*Territoire physique & Territoire virtuel: quelle cohabitation? (Groupe Going, Yann Bertacchini).p.77.

*Une lecture possible du territoire sophipolitain: lobservation des reprsentations virtuelles dune technopole. (Yann Bertacchini, Eric Boutin).p.90

La partie 3 traite du territoire, de la culture et de la construction des savoirs.

*Le Distic et le rayonnement des cultures. (Philippe Dumas).p.112.

*Lducation au territoire & le concept de territoire ducatif. (Philippe Leroy).p.124.

*De la circulation & du maillage des donnes territoriales la construction des savoirs. (Marie-Michele Venturini, Yann Bertacchini).p.134.

*Tic, culture, territoire: entre mdiation & numrisation. (Yann Bertacchini, Marie-Michele Venturini).p.145.

La partie 4 prsente la territorialisation de la Recherche & des actions.

*Anticipation des ruptures affectant le territoire, intelligence territoriale en rgion nord pas de Calais. (Philippe Herbaux).p.160.

*Le PAIC: un pont vers le dveloppement de la E-administration en Rgion Paca. (Ousman Ali Bako, Gustave Ali Coudi, Yann Bertacchini).p.180.

*Centralit locale & rseau du territoire numrique en Core: la place numrique de Gounpo. (Yann Bertacchini, Kim Seung Jin, Marie-Michele Venturini, Philippe Herbaux).p.193.

*Leau, un enjeu fdrateur dans lmergence du Ple Mer en Rgion Paca? (Yann Bertacchini, Arie de Ruiter).p.203.

*Tlvision numrique & Projet Horizon 2008 de France 3 Corse, (Marie-Michele Venturini, Yann Bertacchini).p.220.

*Dispositif dintelligence conomique territoriale & gouvernance hybride (Yannick Bouchet).p.239.

* La Corse, patrimoine insulaire et identit rgionale: vers lintelligence territoriale. (Marie-Michele Venturini, Yann Bertacchini, Julien Anglini).p.251.

Lpilogue Territoire, S.I.C & prospective situe lIntelligence territoriale au carrefour de lInformation et de la communication, engage une dynamique partir de la pratique de la veille, prsente une application des Tic dans leur capacit constituer une communaut territoriale physique et virtuelle de savoirs quelque fois oublis et/ou moins mobiliss enfin, nonce en perspective une rflexion plutt de nature stratgique en Sciences Humaines et Sociales ainsi quune application.

*Entre Information & processus de communication: lintelligence territoriale. (Yann Bertacchini, Laroussi Oueslati).p.265.

*De la veille lIntelligence territoriale. (Philippe Herbaux, Yann Bertacchini).p.277.

*Recherche Hypermoderne & Grenier de savoirs en ligne. (Christian Bois, Yann Bertacchini).p.288.

*Loffre de formation SIC: entre rformes & adaptations. Proposition dune rflexion stratgique. (Yann Bertacchini, Philippe Dumas).p.307.

* La Corse, patrimoine insulaire et identit rgionale: vers lintelligence territoriale.

(Marie Michle Venturini, Yann Bertacchini, Julien Angelini).p.303

Dingale amplitude, chaque partie et section de cet ouvrage runissent des contributions de praticiens du territoire, de chercheurs apprentis, de doctorants, de chercheurs dbutants& confirms), cest--dire en un mot, dacteurs, quelque fois de culture diffrente, souvent de rgions diffrentes et qui ont vu un intrt se situer dans le sillon de ces travaux. Quils en soient ici remercis.

La partition de cet ouvrage a t ralise en fonction des travaux disponibles, dune part, et avec, dautre part, lobjectif dillustrer une conception de lintelligence territoriale que nous avons explicit ci avant dans le corps de louvrage et que nous essayons de partager lors de la tenue du Colloque annuel Tic & Territoires: quels dveloppements? qui, en 2006, a eu lieu Besanon avec le concours de lUniversit de Franche Comt, la Maison des Sciences lHomme et lUmr ThMA-MTI, 6049 CNRS UFR SLHS. Lanne 2006 a connu la tenue de la 1e Confrence Europenne de lIntelligence territoriale Alba Julia en Roumanie la semaine prcdent le Sommet de la Francophonie Bucarest.

En juin 2007, nous avons organis Lyon ce Colloque International en coopration avec le laboratoire ERSICOM de lUniversit Lyon 3 Jean Moulin.

Les participants cet ouvrage sont

Yann Bertacchini (Dr de Recherche, lab I3m-quipe daccueil 3820)

Ousmane Ali Bako (Doctorant, lab.I3m-EA3820)

Gustave Ali Coudi (Master Recherche Distic, Universit du Sud Toulon Var)

Julien Anglini (Doctorant, Universit de Corse Pasquale Paoli)

Christian Bois (Docteur, lab.I3m-EA3820, consultant)

Yannick Bouchet (Docteur, lab.I3m-EA3820 Directeur du SITIV et du CLUSIR Rhne Alpes)

Moez Bouchouicha (McF, Directeur du CRI, Universit du Sud Toulon Var)

Eric Boutin (McF, lab.I3m-EA3820, IUT de Toulon)

Arie de Ruiter (Master Recherche Distic, Universit du Sud Toulon Var)

Philippe Dumas (Pr, Dr de I3m-EA3820, IUT de Toulon)

Jean Jacques Girardot (McF, Thma-MTI, CAENTI, Universit de Franche Comt)

Gino Gramaccia (Pr, CRED, IUT de Bordeaux 1, Prsident de la SFSIC)

Groupe GOING (Promotion du DEA Vic 2003/2004)

Philippe Herbaux (Docteur, I3m lab-EA3820, Dlgu lIntelligence conomique & territoriale, Universit de Lille 2)

Laroussi Oueslati (lab I3m-EA3820, Prsident de lUniversit du Sud Toulon Var, Conseiller Rgional PACA)

Kim Seung Jin (DEA Vic, 2003/2004, USTV)

Philippe Leroy (Conseiller du BEF, Acadmie de Nice)

Marie-Michele Venturini (Docteur, Umr Cnrs Lisa, Universit de Corse Pasquale Paoli)

Introduction: ouverture du champ de Recherche

Intelligence territoriale: Posture thorique, hypothses, dfinition.

Yann Bertacchini, Gino Grammacia, Jean-Jacques Girardot.

Avec le recul, trs court, dune dizaine dannes dun processus de type essai-erreur engag sur le sujet et la tentative de dlimitation dun nouveau champ de recherche en Sciences de lInformation et Communication, nous essaierons par cette contribution de proposer un cadrage de lintelligence territoriale en tant que capacit dintelligence collective mobilisable sur un territoire ou rsultat dun dmarche collective. Nous fonderons notre propos sur lacquis cumul dun ancrage thorique avec plusieurs expriences, Recherches ou applications dordre pratique termines, en cours et venir.

Posture thorique et engagement du Chercheur Acteur

Lintelligence territoriale, objet et champ scientifique, se pose la convergence de linformation, de la communication et de la connaissance, traduit une relation Espace-territoire, succde la territorialit, en tant que phnomne dappropriation ou de rappropriation des ressources, enfin, permet lnonc du projet territorial lorsque lchelon territorial arrive le formuler. Dun point de vue pistmologique et mthodologique, lexpression, certes audacieuse, dintelligence territoriale souligne la construction dun objet scientifique qui conduit in fine llaboration dun mta-modle du systme territorial inspir des travaux de Schwarz. Pour ce qui nous concerne, cette dmarche ne vise pas exclusivement une modlisation de nature systmique associe une matrice des processus territoriaux de nature structuraliste et fonctionnaliste. Nous inscrivons nos travaux en Sciences de lInformation et de la Communication et, en tant que tels, ils se rfrent aux approches sociales, cest--dire inter relationnelle, la thorie systmique, cest--dire informationnelle (thorie de linformation et de lnergie associe imputable, entre autre, aux Tic) enfin, au constructivisme, cest--dire une approche communicationnelle en rfrence la territorialit qui compose et recompose le territoire.

Nous complterons cette synthtique prsentation en rappelant, comme lont soulign dj dautres travaux, dans dautres disciplines, que ltude dun territoire sous tend une connaissance initiale incertaine, il est donc ncessaire de souligner le caractre heuristique de cette approche et que sur un plan ontologique, nous nous rfrons une pragmatique du territoire et de ses acteurs, du Chercheur dans sa relation avec la Socit. Enfin, nous croyons utile de prciser que lintelligence territoriale ne saurait se limiter et tre rduite une dmarche de veille mais, relve plutt dune logique de projet de type Bottom up qui va tenter de diffuser les lments dune attitude pro-active ou danticipation des risques et ruptures qui peuvent affecter le territoire.

Dans la poursuite de cette introduction plutt de nature thorique, nous prciserons que notre conception de lintelligence territoriale met laccent sur, la solidarit de destin en rponse laccroissement de la complexit comme lvoque la proposition de Morin (2005), p124: la solidarit vcue est la seule chose qui permette laccroissement de la complexit et dautre part, compte tenu de linscription de nos travaux en S.I.C, sur lenjeu associ ce champ, savoir que la communaut des enseignants chercheurs en Sic est invite adopter une attitude rsolument pro active dans les mutations en cours en semparant des opportunits offertes par les ples de comptitivit tout en ayant prsent lesprit le dfi que souligne Mucchielli,(2004) p.146 Les annes venir nous diront si les sciences de linformation & de la communication parviendront se fortifier dans leur interdisciplinarit..

De lenvironnement et des ressources mobiliser

L'environnement du territoire et ses composants technologiques, financier, juridique, humain ont mut vers davantage de complexit. Mais, la complexification (WAG99) et son corollaire, lincertitude, font peur.Les savoirs requis de la part des acteurs en charge de dfinir, dappliquer et de suivre les ralisations dune politique locale ont galement volu. Comment ds lors orchestrer ces mouvements pour btir une intelligence, que nous nommons territoriale en rfrence un mouvement de dveloppement du local, partir des ressources localises en mobilit ou latentes? Nous prsenterons dans notre contribution et ce, partir de notre exprience, les hypothses pralables lengagement ou Comment mobiliser des ressources locales aprs dtect leurs gisements de potentialits?

Un pralable la mise en commun d'expriences

Pour prtendre la dynamisation spatiale de leur contenu, les collectivits locales dtectent puis combinent les comptences disponibles, localises et/ou mobiles. Ce travail dinventaire est opr en vue de structurer leur capital de ressources et dintelligences dans loptique de faire aboutir une politique de dveloppement. La connexion de ce capital latent ou rvl ne sobtient pas dans tous les cas. Nous allons considrer le pralable une tentative de dveloppement territorial.

Nous formulerons lhypothse suivante:L'existence ou l'inexistence d'un rseau de relations entre acteurs locaux peut s'avrer tre une barrire ou un catalyseur dans la construction ou la reconstruction du lien territorial. (Bertacchini,2000).Ce tissu relationnel, physique ou virtuel, permet la mobilisation des comptences locales autour d'un objectif partag et dans lhypothse de comptences complmentaires runir, faciliter leur acquisition par un mode dapprentissage appropri. Ainsi, puisqu' il y a ingalits d'accs, ces dernires engendrent des asymtries dans les mcanismes d'valuation des auteurs de l'histoire locale. Sur la base de cette hypothse, les espaces engags dans la voie de leur mdiatisation ne possdent pas tous la mme capacit daccs au dveloppement.

Les informations transmises, changes par leurs membres sont entaches d'une dficience, d'une dformation de leur contenu et dans leur incapacit former le rseau relationnel. A priori, l'histoire de ces acteurs locaux ne leur permet pas ou leur interdit d'investir dans leur futur. A posteriori, la dficience du contenu de l'information change ne favorise pas leur adhsion au rseau. Ds lors, les relations affiches mais non partages autour de cet objectif ne peuvent se reproduire durablement et compromettent la valorisation territoriale. La construction du lien social choue et la transmission dun patrimoine collectif ne sopre pas. La tentative de mdiation, lintelligence territoriale, que nous proposons peut savrer tre une rponse.

Le point de dpart et darrive: le capital formel territorial

A lorigine physiques, les chelons territoriaux ont intgr ou intgrent progressivement les TIC. Ces dernires brouillent les dcoupages administratifs et favorisent lmergence de territoires virtuels. Ainsi, la " socit de l'information " se construit. Sil est primordial que les territoires intgrent ces technologies de linformation et de la communication, il est tout aussi ncessaire quils la nourrissent, au risque de se trouver marginaliss sur un plan national comme international. Le processus dintelligence territoriale que lon peut qualifier de dmarche dinformation et de communication territoriales trouve ici sa pleine justification dans laide apporte la constitution du capital formel dun chelon territorial (Bertacchini, 2004). A notre sens le capital formel dun chelon territorial est le prambule toute politique de dveloppement, quil sagisse de politique de mutation territoriale, de reconversion, ou dinnovation.

Nous voyons bien ainsi, que les aspects portent en effet tout autant sur un volet infrastructures, rseaux de tlcommunications haut dbit (tuyaux) que sur les supports et le contenu des documents numriss crs grce ces outils. De tels enjeux intressent tous les secteurs de la socit, de l'ducation l'conomie en passant par la sant; du monde de l'administration celui de l'entreprise, en passant par le particulier. Lintelligence territoriale sappuie sur un maillage de comptences pluridisciplinaires dtenues par des acteurs locaux de culture et donc de codes diffrents.

Les hypothses de la grammaire territoriale

Dun point de vue des S.I.C, ce processus informationnel autant que anthropologique suppose la conjonction de trois hypothses:

-Les acteurs changent de linformation(gnration dnergie titre individuel et/ou collectif) ;

-Ils accordent du crdit linformation reue(captation-change de linformation);

-Le processus de communication ainsi tabli, les acteurs tablissent les rseaux appropris et transfrent leurs comptences (mobilisation et transfert dnergie: formulation du projet).

Lorsque ces hypothses sont runies et vrifies, les gisements potentiels de comptences peuvent tre repres laide dune action dinformation et de communication territoriales puis mobiliss dans la perspective de lcriture dun projet de dveloppement. Nous pensons quil sagit du prambule la dfinition dune politique de dveloppement local de nature endogne apte rpondre au rapport concurrentiel venir entre les territoires.

Innovation et local

Le territoire sera prochainement plus orient dans un rapport de force concurrentiel o le traitement de linformation sera essentiel (Herbaux, 2005). Les mutations culturelles lies au dveloppement des TIC, les nouvelles formes daffrontement indirect rsultant de cette volution technologique sont encore mal identifies par les acteurs du territoire. En exemple, la captation de linstallation dune entreprise et des taxes locales associes avaient trouv une solution prompte dans les contrats dagglomration et de communauts de commune qui en mutualisaient les recettes;ce faisant elle en limitait de fait un processus dapprentissage dans la conqute de ressources. La mondialisation, les dlocalisations obligent les pays puiser dans les projets dominante culturelle et touristique pour esprer capter quelques revenus dune population de nomades aiss. La concurrence puise loriginalit des projets et leur essoufflement ne rsidera pas dans un aspect uniquement technique.

Le territoire doit voluer dans sa culture et accder une vritable mutualisation de linformation au sein dun processus dintelligence territoriale dont Bertacchini (Bertacchini,2004) propose la dfinition suivante:

On peut considrer lintelligence territoriale comme un processus informationnel et anthropologique, rgulier et continu, initi par des acteurs locaux physiquement prsents et/ou distants qui sapproprient les ressources dun espace en mobilisant puis en transformant lnergie du systme territorial en capacit de projet [...] Lobjectif de cette dmarche, est de veiller, au sens propre comme au sens figur, doter lchelon territorial dvelopper de ce que nous avons nomm le capital formel territorial.

Le territoire avec ses rites, ses hros, ses symboles et ses valeurs qui en constituent lhistoire, compose le thtre dun non-dit qui rythme les changes entre les hommes. Il y a capitalisation dune culture des signes et des postures (lhabitus de Bourdieu), (Bourdieu, 1994) p.24 qui tablit une grammaire de communication et fonde lidentit du groupe local Ce constat se trouve au centre de la recherche sur les problmatiques territoriales au Qubec (Herbaux, 2004) et nous loigne des prophties bates sur les rle des TIC(Sfez, 1999).

Du territoire politique vers lidentit territoriale

La cration dun environnement favorable est un pr requis de toute innovation mergente au sein de la socit;cest ce que Plissier (2001) voque dans la supriorit des structures et Gourou (1973) p.26 dans les techniques dencadrement. Un premier objectif est de crer localement un terrain institutionnel, informationnel, comportemental o les acteurs puissent exprimer leurs perceptions, enrichir leurs savoirs, affirmer leurs comptences et peser sur le processus de dveloppement;il porte sur lenvironnement politique, la reconnaissance dun pouvoir local, linstrumentation technique et administrative et la re mobilisation sociale des acteurs locaux. Les modalits dchange des informations sont au centre de ces rapports.

Cette approche du territoire consiste dfinir le cadre conceptuel de laccompagnement dun processus dmocratique ascendant et la proximit spatiale est au coeur de cette spcificit territoriale. Elle nest pas forcment impliquante de proximit sociale et identitaire, mais relve dune premire tape de construction dun nouveau territoire, travers un processus graduel dmergence dappropriation territoriale, quil sagit daccompagner et de favoriser. Cette appropriation, phnomne de reprsentation symbolique par lequel les groupes humains pensent leur rapport un espace matriel, ne peut se construire que par lintgration progressive dun sentiment local, au travers dun processus mental collectif. Brunet (1990) nous a instruit que la prise en considration du seul espace vcu a montr ses limites et que lmergence dune identit territoriale ne peut pas se rsumer une activit conomique, sociale ou culturelle commune dpourvue dexistence politique ou administrative reconnue. La seule facette du vcu au sein du local, nest ni gnitrice, ni constitutive du territoire.

En tmoignage, lhabitat de rsidence secondaire nest pas obligatoirement concourant un engagement dans le projet local. Enfin, lidentit territoriale ne se rduit pas davantage une identit politico juridique ou lenracinement dans un lieu ; il y faut cela, et quelque chose de plus :une conscience (Brunet, Op.Cit). Il sagit ainsi de faire merger un espace politique local (Lvy, 1997), dont les acteurs se sentent responsables et o se jouent des relations de pouvoir (Bourdieu,1980) en vue de son appropriation (Raffestin,1981).Durkheim, (1977), p.138 avance Pour que les suffrages expriment autre chose que les individus, pour quils soient anims ds le principe dun esprit

En conclusion temporaire: une volution de la posture informationnelle.

Cette capacit collective, lintelligence territoriale, du territoire anticiper les ruptures qui vont latteindre, ncessite la mise en uvre dune volution de sa culture.

Cette modification des relations et des changes, une logique de projet, doit alors sadosser un autre traitement des signaux et des informations. Communiquer diffremment en participant un projet commun agit sur les liens individuels et modifie le rapport lautre; ainsi la relation dchange sort du quotidien pour accder une altrit du projet partag puis il y a capitalisation et valorisation individuelles des missions;cette mutualisation et mise en perspective des conjectures, sont autant dopinions fondes sur les analyses dhypothses qui assurent un flux continu et interactif, formel et smiologique dune relation au groupe. La culture des organisations prend alors, par son aspect rcursif, un caractre durable.

Tout est affaire de sens. Au niveau de laction de lobjetet dans lidentit acquise par lacteur territorial;il constitue ainsi un paradigme du sens et didentit. Ainsi, la dynamique territoriale tire son existence de la complexification de ses rseaux agissant dans le dbat socialet lnergie mise en oeuvre permet de faire voluer un objet territorial nouveau.

Linnovation territoriale endogne se nourrit de signaux internes et de flux dinformations externes. Il sagit de capter des flux de donnes traiter en continu pour dpister temps la menace et ventuellement saisir lopportunit.

Les rponses collectes offrent un faisceau de nouvelles pistes explorer dans le concept de mutualisation des connaissances. Cette capitalisation des signes et informations mise en perspectives, offre au local des futurs possibles aptes djouer la menace o lincertitude. La cration de cette posture danticipation porte en germe les attributs dun outil dmocratique partag par les acteurs du local, les associant plus intimement une vision stratgique territoriale. Le terme acteur, par la ressource partage, prend alors tout son sens. Le Chercheur, dans notre conception, devient acteur du territoire.

Rfrences bibliographiques

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Partie 1: Les bordures de notre objet

Lintelligence territoriale:entre ruptures & anticipations

Yann Bertacchini, Philippe Herbaux.

Introduction

Lobjet territorial communicant est au centre des interactions sociales sur le territoire; il est en mme temps un objet dinnovation port par les rseaux runissant dans une mta organisation des humains et des non-humains mis en intermdiaires les uns avec les autres (Callon et Latour, 1991). Cette organisation assure une sorte de traitement rcurrent des problmatiques qui lui sont soumises et permettent la transformation dun nonc problmatique particulier dans le langage d'un autre nonc particulier (Amblard et al, 1996, p.134). La formidable rvolution de la dcentralisation oblige une prise en main des projets au sein du local et demande un traitement diffrent de linformation. Il ne sagit pas tant dinformer la population des dcisions prises que de lassocier plus troitement aux dcisions prendre. La dcentralisation porte les ferments dune nouvelle pdagogique de la participation communale dans un cadre prcis de lagglomration et des pays. Dans cet enclos du territoire o lacclration des informations et des menaces sape le projet partag, le pays peut-il faire limpasse dun schma de mutualisation de linformation pour servir le dessein quil prtend dfendre?

Nous rapportons ici les conclusions dune enqute (en annexe) effectue auprs dhabitants du local en amont dune recherche action sur des logiques dintelligence territoriale. Trois hypothses de travail et une de synthse avaient t soumises aux conclusions de cette enqute.

a) la perception des menaces et futures ruptures est effective par les acteurs et la population du territoire.

b) les techniques de linformation et de la communication (TIC) sont indissociables dune dmarche de mutualisation de linformationau sein du territoire.

c) le processus dintelligence territoriale est dpendant dun traitement prioritaire de linformation sur les champs conomiques.

d) lintelligence territoriale se situe, au sein du territoire, entre information et processus de communication

Les limites de cette contribution sont en rapport avec la ncessaire synthse du propos qui en limite les dveloppements mthodologiques et pistmologiques.

Innovation et local

Au Nord comme au Sud, il est maintenant admis que la mondialisation ne pourra se passer dune certaine reconnaissance du local et des responsabilits quil prendra dans son propre dveloppement. Cependant, mme si les expriences des trente dernires annes ont donn corps des approches de problmatiques de dveloppement, ces exprimentations localises peinent encore se dployer en une dynamique rgionale et durable. On sait concevoir des outils danalyse pour une gestion des informations, on sait laborer des cadres rglementaires et lgislatifs, mais on ne russit gure que des expriences localises dans le temps et lespace. La difficult est de parvenir gnraliser des dynamiques durables, les ancrer dans les pratiques des habitants et des institutions.

A linstar de la grande entreprise, le territoire sera dans un proche avenir plus orient dans un rapport de force concurrentiel o le traitement de linformation sera essentiel. Si les mutations culturelles lies au dveloppement des TIC sont encore dans le domaine des tudes, les nouvelles formes daffrontement indirect rsultant de cette volution technologique sont encore trs mal identifies par les acteurs du territoire. En exemple, la captation de linstallation dune entreprise et des taxes locales associes avaient trouv une solution prompte dans les contrats dagglomration et de communauts de commune qui en mutualisaient les recettes;ce faisant elle en limitait de fait un processus dapprentissage dans la conqute de ressources. La monte en charge des dlocalisations et de la mondialisation oblige les pays puiser dans les projets dominante culturelle et touristique pour esprer capter quelques revenus dune population de nomades aiss. Loriginalit des projets spuise dans la rplication de parcs dattraction et de route culturelle. Leur essoufflement ne rsidera pas dans un aspect uniquement technique mais dans un empitement funeste des projets qui deviendront concurrents.

Le territoire doit voluer dans sa culture et accder une vritable mutualisation de linformation au sein dun processus dintelligence territoriale dont Bertacchini propose la dfinition suivante:

On peut considrer lintelligence territoriale comme un processus informationnel et anthropologique, rgulier et continu, initi par des acteurs locaux physiquement prsents et/ou distants qui sapproprient les ressources dun espace en mobilisant puis en transformant lnergie du systme territorial en capacit de projet [...] Lobjectif de cette dmarche, est de veiller, au sens propre comme au sens figur, doter lchelon territorial dvelopper de ce que nous avons nomm le capital formel territorial (Bertacchini, 2004).

Le territoire ou pays est le lieu de la communication informelle par excellence combine avec son projet de dveloppement et sa communication formelle. Ses rites, ses hros, ses symboles et ses valeurs qui en constituent lhistoire, composent le thtre dun non-dit qui rythme les changes entre les hommes. Il y a capitalisation dune culture des signes et des postures (lhabitus de Bourdieu, 1994, p.24) qui tablit une grammaire de communication et qui fonde lidentit du groupe local Ce constat se trouve au centre de la recherche sur les problmatiques territoriales au Qubec (Andr Joyal, 1999) et qui nous loigne des prophties bates sur les rle des TIC dnonces par Sfez (1999).

Du territoire politique vers le territoire identitaire

Linnovation concrtise par une mutualisation gnralise des informations au sein du territoire est une ncessit pralable la dmarche. La cration dun environnement favorable est un pr requis de toute innovation mergente au sein de la socit;cest ce que Plissier (2001) voque dans la supriorit des structures et Gourou (1973, p. 26) dans les techniques dencadrement. Un premier objectif est de crer localement un terrain institutionnel, informationnel et comportemental o les acteurs puissent exprimer leurs perceptions, enrichir leurs savoirs, affirmer leurs comptences et peser sur le processus de dveloppement;il porte sur lenvironnement politique (la reconnaissance dun pouvoir local), linstrumentation technique et administrative (la mise en retrait de ce pouvoir dans le processus local de dcision) et la (re)mobilisation sociale des acteurs locaux. Les modalits dchange des informations sont au centre de ces rapports.

Cette approche du territoire relve dune problmatique spcifique consistant dfinir le cadre conceptuel de laccompagnement dun processus dmocratique ascendant. Cest la proximit spatiale qui est au coeur de cette spcificit territoriale. Elle nest pas forcment impliquante de proximit sociale et identitaire, mais relve dune premire tape de construction dun nouveau territoire, travers un processus graduel dmergence dune identit territoriale (lappropriation territoriale), quil sagit daccompagner et de favoriser. Cette appropriation, pur phnomne de reprsentation symbolique par lequel les groupes humains pensent leur rapport un espace matriel, ne peut se construire que par lintgration progressive dun sentiment local, au travers dun processus mental collectif (Poche, 1983). Brunet nous a instruit que la prise en considration du seul espace vcu a montr ses limites (Brunet, 1990) et que lmergence dune identit territoriale ne peut pas davantage se rsumer une activit conomique, sociale ou culturelle commune dpourvue dexistence politique ou administrative reconnue.

La seule facette du vcu au sein du local, nest ni gnitrice, ni constitutive du territoire. En tmoignage, lhabitat de rsidence secondaire nest pas obligatoirement concourant un engagement dans le projet local. Enfin, lidentit territoriale ne se rduit pas davantage une identit politico-juridique ou lenracinement dans un lieu ; il y faut un peu de tout cela, et quelque chose de plus :une conscience (Brunet 1990). Il sagit ainsi de faire merger un vritable espace politique local (Lvy, 1994), dont les acteurs se sentent responsables et o se jouent des relations de pouvoir (Bourdieu, 1980) en vue de son appropriation (Raffestin, 1981).

Pour que les suffrages expriment autre chose que les individus, pour quils soient anims ds le principe dun esprit collectif, il faut que le collge lectoral lmentaire ne soit pas form dindividus rapprochs seulement pour cette circonstance exceptionnelle, qui ne se connaissent pas, qui nont pas contribu se former mutuellement leurs opinions [...]. Il faut au contraire que ce soit un groupe constitu, cohrent permanent [...]. Alors chaque opinion individuelle, parce quelle sest forme au sein dune collectivit, a quelque chose de collectif (Durkheim, 1977, p. 138).

On peut avancer que le territoire est donc dabord politique, puis institutionnel, et enfin seulement et partiellement identitaire.

Ladaptation de la socit locale une nouvelle identit territoriale peut tre considr comme le signe dune vitalit dans la recherche didentit. Cest le mouvement qui semble merger pour les rgions administratives franaises, lactivisme de leurs responsables sur ce thme ayant russi ancrer en moins de vingt ans le territoire rgional dans lidentit collective locale. Cest donc un territoire vivant, changeant, qui peut apparatre ou disparatre au gr des dynamiques sociales. Si le territoire se doit bien de transformer un objet naturel en objet de communication permanent, cest dabord dans la construction dun espace politique, puis institutionnel et enfin identitaire fond sur une invention prcieuse de la territorialit (Ferrier, 1998).

Une volution de posture dans le traitement de linformation

Cette capacit du territoire anticiper sur les ruptures qui vont latteindre, ncessite la mise en uvre dune volution de sa culture.

Cette modification des relations et des changes doit alors sadosser un autre traitement des signaux et des informations. Communiquer diffremment en participant un projet commun agit sur les liens individuels et modifie le rapport lautre; ainsi la relation dchange sort des banalits du quotidien pour accder une altrit du projet partag. Il y a capitalisation et valorisation individuelles des missions;cette mutualisation et mise en perspective des conjectures, sont autant dopinions fondes sur les analyses dhypothses qui assurent un flux continu et interactif, formel et smiologique dune relation au groupe. Cest une volution de la culture des organisations qui prend alors, par son aspect rcursif, un caractre durable.

Tout est affaire de sens que ce soit au niveau de laction ou de lobjetet ce sens prend sa signification dans lidentit acquise par lacteur territorial;il constitue ainsi un paradigme du sens et didentit. Ainsi, la dynamique territoriale tire son existence de la complexification de ses rseaux agissant dans le dbat social;cette nergie mise en oeuvre permet de faire voluer un objet territorial nouveau.

Linnovation territoriale endogne se nourrit des signaux linterne comme des flux dinformations en provenance de lexterne. Il ne sagit plus de recueillir un goutte goutte dinformations mais de capter un torrent de donnes quil faut traiter en continu pour dpister temps la menace et ventuellement saisir lopportunit.

Les rponses offertes par ces acteurs du local nos questionnements offrent un ensemble de nouvelles pistes explorer dans le concept de mutualisation des connaissances. Cette capitalisation des signes et informations mise en perspectives, offre au local des futurs possibles dcrypts aptes djouer la menace o lincertitude.

Au-del de la cration de cette posture danticipation, ce vecteur porte en germe les attributs dun outil dmocratique partag par les acteurs du local, les associant plus intimement une vision stratgique territoriale. Le terme acteur, par la ressource partage prend alors tout son sens.

Enqute et Hypothses

Perception individuelle des menaces

Notre premire hypothse avanait que la perception des menaces et futures ruptures est effective par les acteurs et la population du territoire.

Les lments de lenqute de terrain peine dpouills, sils confirmaient le souci de chacun anticiper, nous amenaient un constat:lhabitant du local dans sa majorit, offre une priorit aux risques, laune dune distance gographique celui-ci. Cest--dire quil prend dabord en compte les risques affectant son environnement direct privilgiant sa scurit individuelle. La vision des menaces sur le village plantaire se rduit prioritairement sa rgion puis son pays. Si notre enqute met en vidence pour le territoire dexprimentation considr, la distance au projet local accuse par la population, elle ne remet pas en cause le principe dadhsion de lhabitant son cadre de vie et ses points dancrage culturel. Le territoire est apte mobiliser ses intelligences multiples ds lors que le projet est nonc et compris par ses acteurs. Notre premire hypothse se rvlait donc un peu optimiste dans lapprciation de cette perception. Lemploi reste au cur des proccupations de lhabitant du local.

Dans une priode de chmage endmique, lanticipation et le traitement des ruptures au sein du local nacquirent un sens pour les acteurs territoriaux que dans un discours portant prioritairement sur la protection de lemploi.

Hypothse de la priorit de dmarche

Notre deuxime hypothse avanait que les techniques de linformation et de la communication (TIC) sont indissociables dune dmarche de mutualisation de linformationau sein du territoire.

Si les logiques dintelligence territoriale peuvent apparatre comme infodes aux outils de gestion des connaissances lectroniques (plateforme lectronique, internet, groupe de travail etc.), cette mutualisation des connaissancesest dpendante de lchange pralable autour du projet.

Si les techniques offertes par les TIC sont incontournables, elles ne sont pas prioritaires pour les personnes enqutes;les logiques de mise en uvre du projet et dchange des informations sexonrent bien volontiers et dans un premier temps, de loutil technique. Celui-ci obscurcit pour certains, le champ cognitif des alas du technique (manipulation parfois complexe, changes lectroniques incertains, smantique peu adapte etc.).

Parler dintelligence territoriale, nest pas focaliser sur loutil. Au dtriment de celui-ci, privilgier la finalit (le pourquoi?) sera toujours plus recevable et participera selon Bertacchini (2004) lmancipation du capital formel territorial.

Si les personnes enqutes reconnaissent lintrt dune capitalisation lectronique des informations et mme (17%) constitue une ralit incontournable dun traitement dinformation, plus de 54% ne le posent pas comme une priorit.

Lemploi des TIC nest pas un invariant de la mutualisation de linformation au sein du territoire; il en constitue nanmoins un point dappui privilgi.

Traitement prioritaire de lintelligence conomique

Notre troisime hypothse avanait que le processus dintelligence territoriale est dpendant dun traitement prioritaire de linformation sur les champs conomiques.

Dans le questionnaire administr auprs de la population, les rponses la question 4 mettaient en vidence les priorits donnes par le public sur une gradation des ruptures et menaces au sein du le problme de lemploi (27%). Compte tenu de la rpartition de la population interroge, ce pourcentage dpasse sensiblement la population directement concerne et met en vidence, avec 46% de la population locale, les problmes de scurit. La question 3 sur lincidence des vnements caractre conomique, sur le mode de vie individuel, corrobore cette attitude avec 47% de la population interroge. Une enqute nationale (IRSN 2004) sur la perception des situations risques par les Franais, publie en avril 2005 et portant sur 1008 personnes interroges en octobre 2004 confortait a posteriori nos travaux. (La proccupation majeure des Franais:lemploi 37% des rponses).cette observation conforte par ailleurs notre premire hypothse. Dans ce rapport, le souhait de dveloppement durable est proportionnel aux sentiments dinquitude et dinscurit perus par les citoyens quant aux ressources, nergies, risques sanitaires etc.

Nous constatons une permanence de notre troisime hypothse:

a) Entre la perception de la nature du risque par la population du local rvl par notre enqute locale et lenqute nationale IRSN.

b) Entre le dbut de nos travaux (2001) et la date de leur prsentation (2006).

Nous avanons que le point dappui initial dune dmarche intgre et mutualise de traitement de linformation au sein du territoire stablit dans le traitement prioritaire de linformation retentissement conomique.

Notre hypothse de synthse

Dans son questionnement, notre hypothse de synthse lintelligence territoriale se situe, au sein du territoire, entre information et processus de communication, sordonnait en incantation dun processus espr. A la lumire des lments de travaux que nous avons avanc, nous pensons quelle se situe en corollaire des trois prcdentes,

- par la rponse quelle offre au territoire face aux changements dus la mondialisation, en le dotant dun processus de mutualisation de linformation.

- Par une mise en perspective offerte entre le processus de communication exogne au territoire et linformation qui y circule en son sein.

- En participant tablir et renforcer le capital formel territorial, point fondateur dune identit du local, lintelligence territoriale est lun des processus de communication du local.

Conclusion

Le territoire, par l'usage dune mme culture, rassemble un ensemble dindividus dont la majorit se reconnat dans les usages et les symboles utiliss. Le processus de communication propre au local est un des attributs de sa culture dont chacun sessaye en adopter les rites et les rgles conventionnelles. En retour, cette adhsion au projet commun comporte une mission implicite pour le territoire:celle doffrir un lieu de ressources accessibles, de relative scurit et de mettre en uvre les moyens et dmarches pour ce faire.

Au del de la protection individuelle, lhabitant du local recherche une solidarit collective qui ne soit pas uniquement r-active aprs un grave vnement type de catastrophe. Lincertitude et les menaces tant linterne qu lextrieur du territoire oblige une posture danticipation;celle-ci fonde sur une mutualisation des signaux et informations entre les acteurs du local permet daccder une posture pro-active dans linterprtation des conjectures. Ainsi, selon Bertacchini (2004), entre information et processus de communication se situe lintelligence territoriale.

Annexe - Enqute auprs de la population

QUESTION N1: Les pays du Pvle regroupe plus de cinquante communes qui revendiquent le partage dune culture commune; habitant de ce territoire, estimez vous partager cette culture ?

OUI ( UN PEU ( NON ( NSP (

QUESTION N2: Le monde bouge et change. Selon vous, en est-il ainsi au sein des pays du Pvle?

OUI ( UN PEU ( NON ( NSP (

QUESTION N3: Depuis trois ans (depuis janvier 1999), avez vous limpression quil y ait des vnements dominance conomique au sein de votre territoire qui ont boulevers votre mode de vie habituel?

OUI ( UN PEU ( NON ( NSP (

QUESTION N4: Parmi ces vnements, quel est celui qui vous semble le plus important pour vous mme et rattachez le lune de ces propositions:

Emploi ( Sant ( Environnement ( Scurit ( Autre ( Nsp (

QUESTION N5: Les vnements du monde nous parviennent linstant par les mdias et nous instruisent en direct des guerres, conflits, famines, attentats, situations politiques etc. Avez vous limpression que ces vnements agissent en contre coup sur votre mode de vie au quotidien ?

OUI ( UN PEU ( NON ( NSP (

QUESTION N6: La tlvision, la radio, les journaux nous informent rapidement des vnements extrieurs et mondiaux, quel support privilgiez vous pour avoir des nouvelles du paysdu Pvle?

Le quotidien ( La TV rgionale ( Les magazines locaux ( Internet ( Autres ( Nsp (

QUESTION N7: Internet est utilis de plus en plus par chacun; estimez vous que laccs des sites publiques et privs traitant des Pays du Pvle doit tre encourag?

OUI ( UN PEU ( NON ( NSP (

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Intelligence, Territoire, Dcentralisation ou la rgion la franaise

Philippe Dumas

Introduction

Les vnements rcents ont relanc le dbat sur la dcentralisation de faon malheureusement maladroite et polmique. Le sujet vaut mieux que des anathmes et des prises de position abrupte. Plusieurs auteurs (Point de vue, Le Monde du 14 juin 2003, Dossier Le Monde Economie du 17 juin 2003) ont montr les acquis, les apports et les difficults de la mise en uvre de ce concept. Ils ont notamment rappel que le mouvement remontait au moins lpoque de Mitterrand et de Deferre (1982), et mme de de Gaulle (1969) et avait t poursuivi sous les diffrents gouvernements de la cinquime Rpublique, quelle quen soit la couleur. Le prsent article nest pas une dfense des mesures envisages par le gouvernement de M. Raffarin mais une exploration des nouveaux horizons que peut offrir la restructuration dune France rgionalise en raison de tendances profondes de mutation de nos socits.

De la dcentralisation

Au nombre des arguments des dfenseurs de la dcentralisation (au fait, on ne parle presque plus de rgionalisation?), on trouve le rapprochement du citoyen des centres de dcision qui influent sur sa vie quotidienne, ladquation une configuration europenne o les rgions sont la rgle dans les pays les plus tendus (Allemagne, Italie, Espagne, Grande Bretagne). Au nombre des succs de la premire dcentralisation (1982), on reconnat la prise en charge des besoins sociaux de proximit, la gestion des infrastructures ducatives, des transports rgionaux, des infrastructures touristiques. Parmi les menaces quagitent les dtracteurs, on trouve le risque de dveloppement des ingalits inter-rgionales, le dchanement des politiques de clocher, la perte de la notion du service public, si ce nest de lintrt gnral, le cot apparent de linflation administrative, le risque de march de dupe avec lEtat dans le transfert des ressources associes aux nouvelles charges. Toutes ces craintes peuvent tre en partie fondes, mais des mesures techniques peuvent apporter des garanties ncessaires la correction de possibles dysfonctionnements.

Du territoire

Nous voudrions aller plus loin dans la rflexion en abordant lactualit dune notion ancestrale, le territoire, et en montrant comment le tissu des relations qui se nouent sur le territoire conduit une intelligence territoriale qui peut devenir la modernit et la richesse dune dcentralisation russie, ou mieux, russir.

Face aux incertitudes du monde contemporain dont les principaux facteurs sont la mondialisation et linscurit, une des premires ractions de lanimal social est le repli sur le groupe qui est cens le protger le mieux. La question est de savoir quel est le meilleur chelon pour le citoyen franais du XXI sicle: la communaut, le voisinage, ou, pour reprendre les divisions hrites du XIX sicle, la commune, le canton, le dpartement, la rgion, lEtat, lEurope? Cette question pose indirectement la question de notre rapport lespace. Rappelons que commune, canton, dpartement avaient explicitement t dfinis en fonction des temps de dplacement pour atteindre les chefs-lieu avec les technologies de lpoque (la marche, le cheval, le tlgraphe). Avec les performances actuelles des technologies de communication (citons linternet, le Tgv et la gnralisation des rseaux de toutes sortes), nos rapports lespace sont bouleverss. Ils sont surtout mouvants, instables, reconfigurables en fonction des besoins et de lenvironnement. Il sensuit que la notion de territoire sur laquelle sappuient bien des argumentations devient la fois cruciale (pour lenracinement) et floue (pour son contour).

De lintellligence territoriale

Avec le concept dintelligence territoriale, nous envisageons un saut qualitatif vers une notion identitaire qui affirme son caractre flou, mouvant, rtif toute dfinition positiviste, mais qui permette en revanche de penser et de communiquer par rapport la complexit lincertitude du monde socio-conomique contemporain. Par rfrence lintelligence conomique comprise comme une dmarche organise au service du management stratgique de lentreprise, lintelligence territoriale joue sur le rapprochement entre lintelligence comme processus cognitif et dorganisation de linformation, et le territoire comme espace de relations signifiantes. Si lon part de cette approche pour chercher dfinir un optimum de la division administrative de notre pays, on va trouver plusieurs arguments nouveaux pour prner une dcentralisation qui soit une rgionalisation, et esquisser des lignes denrichissement de notre pense et de notre action.

Ainsi dans notre intelligence de la rgion, nous pouvons mettre en avant une spcificit europenne, une exception franaise, une communaut significative dintrts, un quilibrage autorgulateur des pouvoirs.

Sur notre plante, que nous sommes maintenant capables dapprhender dun regard de cosmonaute, comme dune communication instantane par lInternet ou dun voyage express en jet, des ensembles rgionaux ont merg de toutes parts depuis les dernires dcennies: Union europenne, Alena (Amrique latine), Asean (Asie du sud-est), etc. Ces rgions plantaires sont des associations dtats au sens traditionnel du terme, fondes sur des motivations principalement conomiques. Ces tats se retrouvent aussi dans les grandes fdrations telles que les Etats-Unis, le Brsil ou la Russie. Ces tats, nations ou pas, nont pas de subdivisions politiques majeures qui ressemblent aux rgions europennes. Mme si nous simplifions un peu trop, nous pouvons dire que la rgion europenne est une spcificit mondiale. Elle correspond une histoire et une configuration culturelle nulle autre pareille. Elle doit rpondre une ambition elle-mme unique, celle qui merge des nouveaux rapports mondiaux depuis le 11 septembre, illustre par le dernier conflit irakien, celle de promouvoir une culture multiple, complexe et hglienne dans le sens o une instance suprieure nat de la confrontation de la diversit. La rgion europenne sappuyant sur le principe de subsidiarit est lchelon qui procure la meilleure visibilit aux cultures et aux richesses permettant lEurope, donc chacun de ses citoyens, de saffirmer autrement sur la scne mondiale; par exemple en pratiquant la recherche de la paix par le consensus plutt que par la force, le shock and awe (choc et effroi) de MM. Bush et Rumsfeld.

Bien quelle ait une signification au niveau mondial, la rgion europenne nobit pas un modle unique. Les rgions des pays que nous avons cits (Allemagne, Italie, Espagne, Royaume Uni) ont des histoires diffrentes qui les ont amenes se constituer quasiment comme des rgions-nations. La rgion franaise qui se fait devant nous depuis cinquante ans va tre une nouvelle exception franaise. Le nationalisme rgional nest pas sa dimension majeure et ne devrait pas le devenir. Le catalan franais ne se sentira pas catalan de la mme faon que le catalan espagnol. Dun certain point de vue la rgionalisation franaise est plus rationnelle; elle vient du sentiment que les transformations de nos rapports lespace sous limpact des technologies, lautorit sous linfluence des modes de vie, lefficacit de laction publique nous poussent vers une autre organisation de la nation laquelle nous gardons un attachement maintenant sculaire.

Gouvernance et intelligence territoriale

Ainsi la rgion franaise pourrait se dfinir autour dune communaut significative dintrts; le mot significative se situe dans la logique dune intelligence territoriale o lon cherche dpasser les termes dialectiques universels tels que intgration- diffrentiation, globalisation- localisation, centre- priphrie. Nous souhaitons centrer notre attention sur deux dimensions de lintelligence territoriale que sont la confiance et la gouvernance, sans oublier quintelligence territoriale est une notion floue qui permet notamment un enrichissement du champ smantique et du corpus lexical associs au terme rgion. La crise de ltat, de son autorit, de ses instances dmocratiques (le parlement) est pour partie une crise de confiance. Quoi que fassent nos gouvernants nationaux, on nen comprend pas les raisons et la logique; on les souponne darrires penses politiciennes ou dincomptence. La rgion ne gurira pas tout. Mais sur le plan de la confiance, le rapprochement du dcideur de ses mandants et surtout du rsultat concret de ses dcisions est un lment du rtablissement de la confiance dans un service public renouvel.

Limpact rapide et simple des dcisions des politiques locaux sur les finances locales fait que les citoyens peuvent valuer la vracit des slogans et la comptence des hommes et des femmes quils lisent. Ceci nous amne voquer une nouvelle gouvernance rgionale. Le mot est beau, voque un ensemble de pratiques (un art, une manire de gouverner) qui sallient lintelligence territoriale, bien quil sente le soufre de sa remise en circulation. En effet, gouvernance, dorigine franaise, a t propos par les instances mondiales de rgulation conomique (Fmi, Banque mondiale, Pnud, etc.) ds les annes 1980 dans des discours normatifs inspirs de libralisme conomique sans contrle. Pour certains, la gouvernance est un programme de privatisation de la dcision publique. Nous souhaitons dynamiter cette vision en plaant la gouvernance rgionale comme le lieu doptimisation de laction publique et des intrts privs. Elle est associe ce principe de subsidiarit invent par les Europens. Elle doit organiser les contre pouvoirs, se trouver lintersection des intrts locaux et des intrts nationaux et europens, les autres chelons de la rpartition territoriale des pouvoirs. Il nest pas dans lobjet de cet article de prciser plus les modalits techniques dun tel systme auto-rgulateur, sauf citer les prquations financires entre rgions europennes

Visibilit, communaut dintrts, contrle de la gestion de ce qui touche au plus prs le citoyen, la rgion se manifeste aussi par sa capacit penser de nouvelles alliances, agir, r-agir, et pro-agir dans le monde moderne.

Lexprience, et la logique, prouvent quil ny a pas dchelon territorial naturel.

En conclusion

Donc parler de territoire ne peut se faire dans labsolu. Il nen reste pas moins que, dans le monde actuel, la rgion la franaise peut tre un territoire de taille, de forme, de contenus satisfaisants et propice lmergence dune intelligence partage.

La rupture, un des corollaires de la vitesse. Lintelligence territoriale, une posture danticipation.

Philippe Herbaux, Yann Bertacchini

Rsum:

Au XXIsicle, la dcentralisation galopante oblige le territoire, linstar de lentreprise, animer dun projet dont il doit dfendre lexistence. Les postures danticipation des ruptures (conomiques, sociales, environnementales etc.) sont au cur dune interrogation dont on peine en cerner les contours tant lacclration des flux communicants cre un brouillard dinformations; ce nest pas tant le manque dinformation que son excdent qui obscurcit la prise de dcision rappelait Barthes.

Le XXIs sera spirituel ou ne sera pas prdisait Andr Malraux; nous pensons que le XXIs est aussi le sicle de la vitesse (vitesse des transports, des transmissions, des prestations etc.) et en corollaire celui de laccident. La rupture est une rsultante de la vitesseet le territoire se situe au centre de cette volution.

Or ce nest pas tant laccident qui est surveiller que sa vitesse de survenue constate Paul Virilio; celle-ci demande un changement de braquet dans le recueil, le traitement, lanalyse et la prise de dcision ventuelle qui doit tre engage. Lanticipation des ruptures au sein du territoire doit alors tre en rapport avec une capacit de suivi de la vitesse de survenue. Par leur capacit d'instantanit, les TIC sont lun des moyens de ltablissement des conjectures. Une illustration peut tre effectue sur le fonctionnement des vhicules munis du systme ABS (Antilock Braking System)ou les quatre phases du processus sont traits linstant pour prvenir laccident mais laction dappuyer sur le frein est pour linstant, du ressort du conducteur.

En matire dinformation, le dcideur ne peut plus assurer seul le traitement simultan du processus (recueil, traitement, analyse et dcision). Il doit favoriser une mobilit des signaux entre les acteurs qui lentourent en optimisant la circulation des informations et leur traitement. Il agit ainsi sur une volution de la culture de linformation au sein de son organisation.

Mots cls: territoire, rupture, intelligence territoriale, mutualisation, vitesse, gouvernance

Introduction

Le continuum de la menace et de la rupture est chose exceptionnelle. Ds que la menace est identifie, elle gnre habituellement chez lhumain ou lanimal un chafaudage des conjectures fondes sur un recueil acclr de donnes qui tend connatre son pilogue lors de la mise en uvre dun dispositif de protection. Or, lexplosion des flux dinformations gnre par les TIC, gne leur recueil; le traitement puis leur synthse est alors perturbe dans un clairage de la future dcision. Dans le cas du territoire et de ses prils, lappui des TIC permet de raccourcir les phases prparatoires la dcision; encore faut-il que leffet entonnoir puisse sappuyer sur un recueil prcis, continu et judicieux des signaux et informations et ce, dans de nombreux registres. La mutualisation de linformation entre les acteurs du territoire devient alors un point dappui fondamental de la dmarche danticipation des ruptures encore appele intelligence territoriale.

Aprs un clairage sur la notion de rupture, de risque et de menace, nous verrons en quoi les TIC peuvent agir au sein du territoire sur le cycle de dcision. Nous proposerons cet effet, une cl dentre la mise en place dun processus de traitement de linformation au sein du territoire. Nous nous appuierons pour ce faire, sur une dmarche dapprentissage en intelligence conomique mise en uvre en rgion Nord-Pas de Calais.

De la dcision: Rupture et vitesse

Laugmentation de la vitesse favorise la rupture. Si ce raisonnement est banal dans le domaine de la conduite dun engin, il devient sujet dinterrogation dans le domaine de la prise de dcision.

La dcision est chose complexe; ni bonne, ni mauvaise en soi, elle survient le plus souvent de faon pro-active, savoir quelle se justifie par une posture danticipation dun vnement que lon veut viter, ou intervient de faon ractive suite une vnement dj survenu dont il faut modifier les consquences.

La dcision peut tre aussi une indcision: hsiter, cest dj prendre une dcision (Stanilsaw Jerzy Lec).

Le plus souvent, la dcision raisonne se nourrit dune phase prliminaire de recueil de donnes permettant un traitement des informations qui fondera la synthse. La dcision sera issue du choix entre les conjectures dgages (fig.1).

Si lutilisation de systme automatique de recueil et de traitement de linformation peut agir sur le temps de mise en uvre de ou des alternatives de dcision, le temps consacr la rflexion humaine est beaucoup moins compressible.

R T S D

Figure.1: Recueil, Traitement, Synthse et Dcision

Penser rduire le temps de la dcision laune des ratios obtenus sur les phases prcdentes est problmatique. La dcision ne stablit pas toujours sur un raisonnement logique et demande bien souvent un croisement de critres quantitatifs, qualitatifs ou parfois affectifs qui en plombent la vivacit.

Ainsi larme de lair franaise agissant sur son process de dcision dalerte a-t-elle rduit considrablement ses phases dtablissement des conjectures pour les porter quelques minutes, mais laissant aux responsables lespace temps ncessaire une dcision circonstancie. Quand il sagit de riposte une ventuelle mais improbable attaque, on se flicite que la dcision humaine reste ici souveraine.

Risques et menaces

On distingue une nuance entre les notions dincertitude et de risque. Le risque (prendre un risque) suppose que la menace soit plutt identifie et que lon en mesure peu ou prou la probabilit dapparition; au contraire de lincertitude dont on ne peut a priori, en valuer la probabilit de survenue.

Eisenberg, un des pairs de la mcanique quantique, avanait en 1933 quil ny avait pas dincertitude et que celle-ci tait un risque que lon navait pas encore russi probabiliser. Cette relation dindtermination est mise en uvre particulirement dans le domaine de lassurance par une connaissance approfondie du domaine de lincertitude et de lexistence dune population concerne importante; ces donnes pouvant alors bnficier dun traitement statistique risque acceptable.

On peut alors parler dune science incertaine ncessitant lapplication dun principe de prcaution. Il y a existence dune zone intermdiaire entre science probabiliste et science incertaine. Traduction: ne pas attendre les rsultats de la science certaine pour mettre en uvre les mesures danticipation.

Pour illustrer cette relation dindtermination dans une problmatique territoriale, nous prendrons le cas rcent de lencphalopathie spongiforme bovine (ESB) au Royaume unis.

En 1995/96, les scientifiques britanniques faisaient part dune observation simultane au Royaume Unis de lexistence de syndrome ESB chez la vache et dune dgnrescence du tissu encphalique chez lhomme dsign par le syndrome de Kreusfel Jacob.

Le postulat existant cette poque reposait sur une thorie de barrire des espces qui interdisait de poser un lien causal entre ESB et syndrome de Kreusfel Jabob.

Dbut 1997, un laboratoire de recherche de Bristol prouvait lexistence dun syndrome ESB chez un chat suite laddition dans la nourriture de celui-ci, dabats bovins contamins.

A la suite de cette communication, le principe de prcaution tait aussitt appliqu en Angleterre puis en Europe avec la mise en place dun cordon sanitaire exceptionnel. Nanmoins, et pendant ce temps, une trentaine de dcs en Angleterre tait comptabilis dans le registre du syndrome de Kreusfel Jacob.

Cette voie de recherche tait complte peu aprs par les travaux existants de Stanley B. Prusiner sur le prion (Protein Infection) qui mettait en vidence le rle infectieux de certaines protines dans la transmission dun agent viral; celui-ci intervenant dans certaines maladies neurodgnratives, comme la dte tremblante du mouton, l'encphalopathie spongiforme bovine et la maladie de Kreusfel-Jacob.

Si le risque ntait pas identifi priori, la notion dincertitude sassimilait ici un risque probabilisable qui motivait la mise en place dun principe de prcaution. Les travaux de Morgenstern et Von Neuman aprs la seconde guerre mondiale, avaient mis en vidence les principes de la thorie des jeux dans laffinage de la probabilit. Ces travaux dbouchaient sur leur thorie de la dcision reprise principalement dans les sciences sociales.

Un autre exemple plus global en rapport avec la notion dincertitude concerne le problme climatique mondial et lhypothse de rpercutions sur nos modes de vie quelques dizaines dannes.

Un programme de recherche international sur les problmatiques climatiques (GIEC, groupement intergouvernemental de lvolution des climats) runit un ensemble de scientifiques de tous pays dans les domaines de locanographie, de la biologie, de la zoologie de lconomie etc. Ce rseau informel travaille en permanence sur le sujet et tablit un volumineux rapport dtude tous les six ans environ (1994-2000-2006..). Une synthse est publie sous arbitrage des gouvernements concerns qui en limitent nanmoins les contenus et les constats. Le GIEC a un rle dalerte (alherta= sur la montagne).

Le groupement tablit des modles et scnarios sur la base de jeux dhypothses et de conjectures; ceux-ci voluent chronologiquement.

Cest ainsi que le GIEC avance des bornes dincertitude de phnomnes qui affecteront le globe dans les cent prochaines annes, si les modes de vie des nations ninvoluent pas. Cette plage de survenue ventuelle de lvnement pose un gradient de gravit loquent:

1) augmentation de la temprature mondiale de 1,4C 5,8C

si 5C supplmentaires au milieu du Sahara ne reprsenteraient pas une menace fatale pour la vie animale comme vgtale, il nen nest pas de mme au ple Nord o lquilibre cologique sen trouverait compltement bouscul.

2) hausse du niveau des mers de 9 cm 88 cm.

Si 9 cm dlvation du niveau des mers peut paratre supportable, 88 cm est rdhibitoire pour les massifs coralliens habits du Pacifique et les deltas de lInde et du Bengladesh.

3) gaz effet de serre entre 540 et 970 ppm (parties par million)

( savoir que 540 ppm = 2 fois la densit observe au XIXs)

4) modifications qualitatives sur le rgime des pluies (plus contrast) avec extension de la dsertification du Sahara et augmentation de la violence des moussons

5) concept de surprise: inversion des courants thermo-halins avec inversion de labsorption du CO par locan et fonte des glaces au ple nord. La fonte du permafrost polaire entranerait de plus la libration de CO contenu dans les organismes pour linstant confins.

La notion dincertitude est ici borne une limite minimum et maximum qui rduit celui-ci un environnement probabilisable; cet exemple est une illustration de ce dont Eisenberg nous avait entretenu (ibid).

Il ne sagit pas dune science exacte mais dune posture scientifique drive des tudes sur la logique floue et de ltude des fractales. Mais dit Joseph Ziman (2000) dans son dernier ouvrage what it is, what it means Nanmoins, il ne peut y avoir en ce domaine, de science exacte.

Le territoire apprenant

Les TIC dans le traitement de linformation

Dans ce courant de pense o le caractre inluctable du dveloppement de la nouvelle technologie des TIC triomphe, trouvant en elle-mme la loi de sa propre production, on peut se demander quelle posture adopter pour le territoire?. Peut-on esprer une utilisation efficiente des TIC qui assurerait en grande partie la ralisation en temps rel des trois phases initiales de la dcision (recueil, traitement, synthse)? Si ce concept est utilis classiquement dans les domaines du chiffre (ex: consolidation comptable), nous sommes encore dans le balbutiement en ce qui concerne le traitement du texte. Nanmoins, lessor des logiciels danalyse smantique coupls des corpus aliments automatiquement nous offre des lments de perspective. Viendra le temps o la chane de valeurs du traitement de linformation sera presque entirement automatise. Elle prsentera alors au dcideur les seules conjectures utiles la dcision; celles fortement improbables resteront encore pour quelques temps dans le domaine du gnie humain.

Dans la configuration dune nouvelle problmatique qui sesquisse, comment le territoire doit-il grer ses menaces et ses opportunits?

Quelle est la pertinence de ses choix de formation sur les nouveaux outils, dans un monde de mouvance ou lobsolescence guette la nouvelle acquisition?

Le poids des TIC

Lutilisation des TIC par les entreprises europennes est une donne progressivement croissante mais dont les chiffres masquent mal les disparits dquipement territoriales.

La quatrime dition du Global Information Technology Report ralise en 2005, nous propose (fig.2) les rsultats dune tude sur le degr davancement des TIC dans plusieurs pays. Ces travaux ont t ralis par le Forum Economique Mondial en coopration avec lInsead.

Le classement prend en compte diffrents paramtres qui globalement sont censs mesurer le dveloppement et lutilisation des technologies de linformation et de la communication. Ce rapport classe la France en 20e position des 104 pays analyss avec cette anne, Singapour est la premire place.

Figure 2: classement TIC par pays (tude Insead et Forum Economique Mondial).

On remarquera que, mis part les USA, les sept premiers sont des petits pays faible population o il est certainement plus facile de dvelopper une infrastructure que dans d'autres comme la Chine (41e place) ou le Brsil (46e place).

TIC et lien social

La dure de vie de linnovation TIC se situe dans des horizons de temps de plus en plus rapide, capable de dcontenancer tout dcideur progressiste. Faut-il se reposer sur lchelon Etat pour les infrastructures massives? Dans ce cas, les dcisions dquipement qui sont par dfinition des choix, risquent de donner des territoires adjacents deux vitesses: ceux quips et ceux qui ne le sont pas, renforant par cet effet, la comptition des territoires.

La notion de milieu innovateur peut alors mieux rendre compte de la capacit dun territoire promouvoir les outils de son dveloppement.

Les fora lectroniques utiliss parfois au sein des communauts territoriales encouragent par essence le colloque plusieurs au dtriment de lchange particulier. Les biais voqus plus haut sestompent par le fait que cette communaut virtuelle est en mme temps une communaut relle dacteurs, ayant une connaissance de lautre. Sur ce sujet, Proulx constate un renforcement du lien dappartenanceau groupe social par lemploi de cette typologie de medium. Il y a capitalisation de lchange entre le rel et le virtuel, entre lindividuel et le collectif et entre le formel et le symbolique.

Le projet partag au sein de cette communaut lectronique sexprime de faon diffrente et comporte un rarrangement des codes et conduites de discussion: si le fond demeure, les postures changent. Ce processus participe dit Proulx (ibid) la conscientisation social du soi individuel qui permet lindividu de renforcer son sentiment dappartenance un groupe social. Il intervient alors en renforcement du lien social comme peut ltre la discussion en face face.

On peut avancer que la communaut territoriale virtuelle est imbrique dans une pratique dmocratique car celle-ci est avant tout locale. Elle a t invente dans la cite et non dans les empires car la communaut de voisinage est lchelon naturel de rgulation et de dcision. Ce qui participe au projet commun, est bien linterdpendance du groupe et la ncessit doutils dchange entre tous qui participeront llaboration des grandes dcisions. Ce faisant, ce projet commun ne peut nier la reprsentativit des lus dsigns pour transmettre les options de ses mandants.

TIC un outil contre lincertitude?

Nous lavons vu en amont, si le temps de rflexion est peu compressible, celui du traitement damont (recueil, analyse, traitement et synthse aboutissant des conjectures) peut bnficier dune optimisation de processus par lemploi des TIC.

La capacit dun groupe ou dun territoire mutualiser sur le mme medium linformation et le signal, est une avance dterminante. Leffet cliquet que jouent les plateformes lectroniques territoriales dans la capitalisation des donnes offre un point dappui essentiel dans la gestion des connaissances du local; encore faut-il que cet outil ne se limite pas une fonction guichet; cest dire assurer uniquement un change sens unique (ralisations, compte-rendu, visites officielles etc.).

La notion dinteractivit peut alors sexprimer par la gestion des flux dinformations provenant des acteurs vers la plateforme et leur traitement en retour.

Le dispositif de mutualisation de linformation mise en uvre dans les entreprises engages en intelligence conomique est en exemple des dmarches induire pour tablir un processus dintelligence territoriale.

Nous prendrons lexemple du programme dintelligence conomique mis en uvre dans la rgion Nord-Pas de Calais avec cinquante deux entreprises engages dans un processus de traitement de linformation. Les processus dintelligence conomique en cours constituent, par la dmarche engage, un banc dessai et dapprentissage grandeur nature de la dmarche dintelligence territoriale mettre en uvre.

Une phase dapprentissage

La problmatique de lanticipation ne se trouve pas prioritairement dans loutil logiciel et dans ses capacits.

Nous pensons quelle se situe essentiellement dans la dmarche de mutualisation des informations et des signaux, or cette apprentissage mthodologique demande le plus souvent un accompagnement de six mois deux ans aboutissant une fluidit effective des changes au sein des groupes.

La mise en uvre en priorit dun processus dintelligence conomique permet de sappuyer sur le tissu conomique local et agir ainsi sur la proccupation majeure du citoyen franais: lemploi.

La dmarche dapprentissage des outils logiciels et des comportements de mutualisation des informations est laborieuse mais la capacit des acteurs locaux se mobiliser sur un projet commun et en dfendre les points dappui constitue la pierre angulaire du dispositif.

Il apparat que la cl dentre dune dmarche globale et locale est dpendante de la mise en uvre prliminaire dans le tissu conomique, dune dmarche dintelligence conomique; elle en constitue le volet dapprentissage.

Sil parat important que le projet soit partag, il est utile que la mthode employe reoive lintrt de chacun. Dans le projet Nord-Pas de Calais, nous avancions alors la notion de pas mthodologique, bas sur la ncessit dune complmentarit de quatre axes dactions: sensibiliser, former, initier et accompagner. Outre lintrt dune dmarche reproductible, lexigence dune valuation transversale et future des actions imposait une procdure identique. Proposer une vision globale fonctionnelle qui prend en compte les diffrentes phases dappropriation, assure ainsi un suivi effectif des entreprises, des personnes et des programmes associs.

Ce pas mthodologique diffre des stades classiques de Nolan (initiation, contagion, contrle et intgration) par une prise en compte plus large de la phase de sensibilisation permettant une vritable imprgnation culturelle du concept.

Initiation

Contagion

Contrle