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  Iles Marquises. Climat, productions, moeurs des habitants ; par un capitaine au long cours. Ouvrage orné de cent vignettes et de cinq portraits. 1843. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisatio n commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fournitur e de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenair es. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothè que municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisati on. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Iles Marquises 1843

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Iles Marquises. Climat, productions, moeurs des habitants ; par un capitaine au long cours. Ouvrage orné de cent vignettes et de cinq portraits. 1843.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la

BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :

*La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.

*La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits

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respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.

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ILES

MARQUISES.

CLIMAT, PRODUCTIONS,mOBXJÏkS DÈS ÏUBVÏMVÏS,

I>AH

UN CAPITAINE AU LONG COURS.

OUVRAGEOrné rie crnt vigneltea

v -"V<*)\  ETDECINQrOIlTRAlTS.4 '\0\  

PARTS,

CHEZ AUBERT Eï C'E,PLACEDF,LAIÎOURSK,29.

1843

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IMIHÎIMI'.l'AH IÏF.THUNEET PLON,A l'AlllS.

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AVAINT-PROPOS.

Au moment où la France entre en possession

des lies Marquises et va s'occuper de coloniserce nouveau territoire national, il est utile d'é-

clairer l'esprit public sur les circonstances quiont précédé et accompagné cette conquête , et

sur les avantages qu'elle doit avoir pour la Po-

litique et le Commerce de notre pays.C'est le but de cette publication. Malgré des

développements pleins d'intérêt, elle eût pour-tant été insuffisante si des figures n'étaient ve-nues donner une image fidèle des localités im-

portantes de l'archipel des îles Marquises, de laphysionomie de ses habilants, et des instruments

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qui sont à leur usage. Près de cent vignettes sur

bois,confiées au ciseau des

plushabiles

gra-veurs, sont intercalées dans le texte; elles ajou-tent à la précision des descriptions, qui sont duesau talent déjà éprouvé d'un Officier distingué dela Marine Française.

Pour faire ressortir la différencequi

existeentre les Marquèsans et les habitants des autres

archipels de la Polynésie et de l'Océanie, nousavons cru devoir donner ici cinq portraits faits

d'après les naturels: 1°des îles Marquises; 2° des

Carolines; 3° de Vanikoro ; 4° de Jervis.

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"Votété , roj de Tahuata.

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Marquésan.

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Carolinien.

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Naturel de Jervis.

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Naturel de Vanikoro.

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Naturel de Vaniltoro

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ILES MARQUISES,

NOUVELLE COLONIE FRANÇAISE.

« Par la prise(lepossessiondes îlesMarquises,» j'ai assuré à nos navigateurs, dans cesmers» lointaines, nn appui et un refuge dont la» nécessité était depuis long-tempssentie. »

(Discoursdu roi, 9 janvier 1843-)

Le drapeau tricolore flotte aujourd'hui sur les îles Marquises, au contre de la Polynésie ; iJ a suffià une frégate française de se montrer aux popula-tions de cet important archipel, pour que ses bravesmarins en devinssent, en peu de jours, les hôtes,

les protecteurs et les maîtres.C'est M. le contre-amiral Dupelit-Thouars quia eu l'honneur de prendre possession de cette nou-velle colonie française; nous ne pouvons mieuxcommencer notre livre qu'en transcrivant le rap-port que cet illustre officier a adressé au ministrede la marine, pour lui rendre compte de son entre-prise clans cette contrée intéressante, vers laquelle

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se diiigeront désormais les calculs généreux du

commerce, de l'industrie et de la civilisation.

"Baie deTaioliae, frégatela Reine-Blanche,le 18 juin 1842.

» En partant de Valparaiso, pressés d'arriver aux

Marquises, nous gouvernâmes directement surl'île Faluiva (la Madeleine), la plus méridionale du

groupe du S.-E. de cet archipel. Nous arrivâmesen vue de cette île le 26 avril; le 27, nous en visi-tâmes toute la côte occidentale et nous eûmes quel-ques relations avec les indigènes. Celle île, qui con-

tient, assure-t on, de 15 à 1,800 habitants, n'offrequ'un mouillage en pleine côte, toujours dangereuxcl fréquenté seulement par les baleiniers que le be-soin de provisions force à y relâcher. Le 28 au

malin, nous étions sur la côte occidentale de l'île '

Tahuala (la Christine), où nous fûmes contrariespar des calmes qui se prolongèrent assez avant dansla journée; cène fut qu'à (rois heures que nous at-

teignîmes le mouillage de la baie de Vaïtahu.»A peine étions-nous à l'ancre sur celte rade, que

nous reçûmes la visite de M. François de Paule, su-

périeur de la mission établie en cette île ; mais cene fut que le lendemain que le roi Yotété vint à

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bord, accompagné du révérend supérieur de la

mission qui voulut bien nous servir .d'interprète.Le roi parut enchanté de me revoir, et me dit qu'ilserait venu à bord la veille, dès que la frégate avaitété aperçue, s'il n'avait pas craint que nous fussions

Américains. Il m'apprit alors qu'il y avait environ .quatre mois qu'une baleinière appartenant à un bâ-timent de pêche des États-Unis, ayant perdu sonbâtiment en chassant une baleine, était venue,après plusieurs jours de mer et de souffrance, étantsans vivres, relâcher à l'île Fatuiva, où elle avaitété accueillie à coups de fusil, et où elle avait perduun homme par suite de cette attaque imprévue.

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Repousses de l'île Fatuiva, ces marins avaient repris

le large et étaient arrives à l'île ïahuala, où le roine les avait pas beaucoup mieux reçus; car il lesavait dépouillés de leurs vêtements, cl leur avaitmême enlevé leur baleinière. Depuis cette époque,les marins américains ayant trouvé à s'embarquersur un baleinier venu en relâche, protestèrent,avant leur dépari, contre les actes de piraterie dontils avaient été les viciimes, et menacèrent Yotété dela vengeance de leur gouvernement.

»Yolélé, éclairé depuis par les missionnaires etpar les capitaines venus en relâche dans la baie de

Vaïlahu, conçut de vives inquiétudes sur les suiles

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que pouvait avoir pour lui cette mauvaise affaire,

et il était encore sous l'impression de ces alarmes

lorsqu'il vint me voir. Il me demanda de le proté-

ger et de débarquer, lorsque je partirais, une par-tie de mon équipage et des canons de la frégate. Jelui répondis que j'y consentirais s'il voulait recon-

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naître la souveraineté de S. M. Louis-Philippe, et

prendre le pavillon français. Il accepta avec empres -sèment ces propositions, et nous convînmes que la

déclaration de prise de possession aurait lieu le 1er

mai, jour de la fête de S. M. Louis-Philippe, et

qu'aussitôt le pavillon français serait arboré sur l'île

Tahuala. Toutes nos dispositions furent prompte-ment faites, et le 1" mai, à 10 heures, je me rendis

à terre accompagné de l'état-major général et d une

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partie de celui de la Reine-Blanche. Une garde desoixante hommes nous avait

précédés ; ils avaient élérangés en bataille auprès du mât de pavillon, pourrendre les honneurs à nos couleurs nationales, lors-

qu'après la déclaration de prise de possession que j'allais faire au nom du roi, en présence du roiYolélé, des principaux chefs et d'un grand concours

d'indigènes, elles seraient déployées pour la pre-mière fois sur le groupe du S.-E. des îles Marquises. Arrivé sur les lieux, je fis ouvrir un ban, et

ayant pris la parole, au nom du roi, je déclarai la

prise de possession de l'île Tahuata et du groupedu

S.-E. des îles Marquises. Le pavillon fut hisséaussitôt ; nous le saluâmes de trois cris : Vive leroi! vive la France! qui furent suivis de trois

décharges de mousquelerie faites par la garded'honneur , et par des fanfares exécutées par toutela musique. La frégate la Reine-Btanche, mouil-

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lée à petite distance du rivage et entièrement pa-

voisée, prit également part à celte cérémonie, enrépondant à nos acclamations par une salve de

vingt et un coups de canon.

» Les habitants réunis en grand nombre manifes-taient également leur joie par des acclamations

bruyantes et répétées, et tous me demandèrent de

mettre des canons à terre. Nous nous rendîmes en-suite chez le roi, où Pacte de la reconnaissance dela souveraineté de S. M. Louis-Philippe et celui dela prise de possession furent immédiatement signés.

» Le même jour nous fixâmes avec le roi Yotélé

le lieu de la baie où notre établissement serait fondé,et nous entreprîmes, sans perdre de temps, les tra-vaux nécessaires à la construction des logements et

magasins. De jour en jour , depuis cette époque,ces travaux- prirent une plus grande activité : les

marins de la Reine-Blanche, envoyés à terre pourprendre part a nos opérations d'élablissement, ri-valisèrent de zèle avec les marins de la 120° com-

pagnie destinée à former la garnison.» Le 22 , la baraque destinée au logement de la

garnison ,et celle des vivres,

que j'avaisfait con-

struire à bord pendant "notre traversée, en venantde Valparaiso, étaient achevées, ainsi que le four et

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un magasin à poudre; l'élablissement commençaà s'administrer

parlui-même.

» Dans une course que j'ai faite le 5 mai à la baiede Hanauianu, île d'Hivaoa (la Dominique), j'ai ob-

tenu la reconnaissance de la souveraineté du roi parles chefs principaux de l'île, qui nous ont'demandé

à prendre le pavilion français et à recevoir une gar-nison, ce que j'ai promis d'accorder lorsqu'ils au-raient construit pour nous une case de 20 mètresde long sur 8 mètres de large. Ayant tracé cette

case, les trois Iribus qui occupent la baie se sontimmédiatement mises à l'oeuvre pour satisfaire à ma

demande.»Tout semblait prendre à Vahitahu une tournurefavorable à nos intérêts et nous promettre un

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prorapt succès, lorsque le 23, au moment où je nie

disposais à quitter la baie pour me rendre à l'île deNukuhiva, un homme qui passe pour être l'instru-ment aveugle des volontés du roi, menaça de luerun Espagnol que j'avais fait venir d'une baie situéeau vent de l'île pour servir d'interprète dans l'éta-blissement , s'il ne quittait pas aussitôt la baie d;

Yaïlahu. Instruit de ce fait par l'Espagnol lui-même,il me parut que cette menace avait été faite pourvoir jusqu'à quel point nous étendions notre pou-voir. Je me rendis aussitôt chez le roi, où ayant jfait venir le coupable, je lui déclarai, en présence:

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du roi Yolété, que, si à l'avenir, il se permettait lamoindre insulte contre les hommes de l'établisse-

ment, ou même contre ceux que je pourrais em-

ployer, je le ferais embarquer, et qu'il ne reverrait

 jamais son île. Il ne parut pas très-effrayé de ma

menace, et deux jours après il poursuivit un Anglaisquej'avais fait venir de l'île de Hivava pourfaire de la

chaux et l'attaqua dans le jardin même du supé-rieur de la mission, qui, étant survenu, empêchaqu'il ne fût tué.

» Cet événement se passait au moment du cou-cher du soleil: je n'eu fus informé qu'un peu tard,

mais dès le jour, je me rendis chez le roi que je netrouvai plus; il était parti avec toute sa famille

pour aller pleurer un mort, me dit-on; mais bien^tôt j'appris qu'il s'était caché dans une baie voisine,ce qui me confirma dans l'opinion où j'étais que cesinsultes répétées avaient été provoquées par lui.

'! J'envoyai une embarcation à la recherche duroi, elle revint sans l'avoir trouvé où on assurait

qu'il était allé. Je fis venir alors son neveu , jeunehomme qui parle bien l'anglais, et je l'engageai àaller dire à Yotété que s'il ne reparaissait pas, je ne

le considérerais plus comme roi, et que je me feraisroi moi-même à sa place. Cet indigène alla en effetà la recherche de Yolété, qu'il trouva caché tout

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près dans le ravin boisé de la petite baie d'Hana-

miliai, située sur la même rade. Le roi cependant

refusa de l'accompagner, et me fit dire qu'il ne con-sentirait à revenir qu'autant que le révérend supé-rieur de la mission irait lui-même l'y engager , ce

qui eut lieu aussitôt; M. François de Faute ayantbien voulu s'exposer à remplir cette mission, ilnous ramena le roi, sa femme et son fils aîné. Leroi Yotété confessa ses torts et dit qu'il s'était caché

parce qu'il avait eu peur. Je lui reprochai son

manque de confiance en moi, et lui dis que la faute

d'un homme tel que celui qui était coupable, nedevait nullement l'inquiéter, à moins qu'il n'eût

agi par son ordre. Je lui déclarai alors que j'exigeais

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qu'il me le livrât et que je le garderais quelquelempsà bord pour le punir, mais qu'il ne lui serait

fait aucun aucun mal; j'annonçai ensuite au roil'inteulion où j'étais de garder son fils enotagejusqu'à ce qu'il eût rempli celte condition. Il parutalors très-aftligé de ma résolution, mais il se rendità terre avec l'intention apparente de nous satisfaire.

Nous devions appareiller le même jour, je retardainotre départ pour lui donner le temps d'envoyer lenommé Panaau, ce qu'au bout de deux jours il n'a-vaitpas encore fait. Alors pressé par le lemps, crai-

gnantque quelques-uns des bâtiments de ma division

ncfussenldéjà arrivés à la baie de Taiohae (île Nu-

kuhiva), j'appareillai pour venir ici, en emmenantcomme otage le jeune Timao, fils aîné du roi. 11était essentiel pour moi d'avoir cette garantie, le

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nommé Panaau étant un très-mauvais sujet, très-

dangereux, et capable de commettre toute espèce |de crime. J

« Je ne me suis point éloigné de Vaïtahu sans!

éprouver quelque regret d'être obligé de partir si

promptement ; cependant je laissais M. le capitainede corvette Halley dans un poste suffisamment for-

tifié contre un coup de main, avec des hommes bien

armés et capables de battre à eux seuls tous les ha-

bitants de Tahuata. Cette île qui, encore en 1838,contenait de 11 à

1,'200 habitants,n'en a

pasau-

 jourd'hui plus de 7 à 800 en tout ; il y a celte dif-férence pourtant, c'est qu'en 1838, il n'existait que

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très-peu d'armes à feu sur celte île, tandis qu'au- jourd'hui il n'y a pas un indigène qui ne possède

au moins deux ou trois fusils. Il n'y a point à crain-dre, avec ces habitants, une attaque de plein journi à force ouverte, mais on peut redouter un assassi-nat par surprise ou le feu, si une surveillance active

n'empêche pas une tentative de ce genre de réussir.»

En partant pour Vaïtahu nous emmenâmes avecnous le révérend père supérieur de la mission, qui,depuis plus de quatre mois, élait sans nouvelles des

missionnaires de Noukahiva etdTapou, qu'il savaitd'ailleurs très-exposés aux brutalités des indigènesde ces deux îles. Il désirait vivement savoir ce qu'ilsétaient devenus, et, d'un autre côté, j'étais con-vaincu, par l'influence de la morale qu'ont déjàacquise nos missionnaires parmi les naturels, quela présence de M. François de Paule à bord de lafrégate ne pouvait qu'être très-favorable au succès

delà mission que j'avais à remplir; et en effet jene nie trompais pas, comme le verra bientôt VotreExcellence par les détails qui vont suivre.

» Nous allâmes en premier lieu nous présenterdevant la baie la Hukahau, où demeure» le roi

d'Uapou ; j'expédiai un canot à lerre, et j'appris, à

son retour, que M. Caret et les missionnaires quifiaient avec lui sur celle île avaient été forcés de

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s'embarquer il y avait à peu près irois mois, eti

qu'au moment de leur départ ils avaient été pillés;enfin, que ce n'était qu'à grand'peine qu'ils avaient

pu s'échapper sains et saufs. Nous apprîmes encore

queleur mission n'était cependant pas restée sans

succès, qu'ils avaient fait dix ou douze prosélytesque leurs compatrioles ne pouvaient arracher à lafoi qu'ils avaient embrassée, et que parmi eux sefaisait surtout remarquer une ancienne grande-prêtresse.

»Pressé de suivre ma mission, je ne pus, pour lemoment, m'occuper de porter secours à nos core-

ligionnaires, et j'ajournai ce projet à l'arrivée du

premier bâtiment qui nous rallierait.» Le lendemain, 31 mai, nous mouillâmes dans

la baie deïaiohae,

où aucun des bâtimentsque j'attendais n'était encore arrivé. Je fis aussitôt dire

au roi de venir à bord, et il arriva sans se faire al-

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tendre. Après avoir causé quelques instants aveclui

parl'intermédiaire de M.

Françoisde

Paule, je lui proposai de reconnaître la souveraineté duroi des Français, et je lui promis de mettre une

garnison dans sa baie s'il y consentait; de plus, jem'engageai à forcer la tribus de Taoias à faire lapaix et à lui rendre sa femme, qu'ils lui avaient

enlevée par surprise. Le roi s'empressa d'accéderà mes propositions ; il fut convenu que j'enverraisle lendemain chercher les principaux chefs deTaoias, que la paix se ferait à bord en ma présence,et qu'aussitôt tous déclareraient ensemble, par unacte

authentique,la souveraineté de S. M. Louis-

Philippe. Ayant en effet invité les chefs do Taoiasavenir faire la paix sous ma médiation, ils se ren-

dirent à mon invitation, et arrivèrent à bord de"ès-bonne heure le 1er juin.

'

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» Tous les chefs principaux des deux baies ayant

consenti à faire la paix, se donnèrent la main ensigne de réconciliation, et on rédigea aussitôt l'actede reconnaissance et de la souveraineté de S. M.

Louis-Philippe, roi des Français, que tous signè-rent avec nous. Il fut ensuite convenu que la dé-claration de prise de possession aurait lieu en grande

cérémonie dès le lendemain,, à onze heures dumalin, et que le pavillon serait aussitôt arboré surle mont Tuhiva, situé au sud de la baie de Haca-

pehi. Le roi s'empressa alors de me céder en loutc

propriété pour la France, par un acte authentique

émané de sa volonté, le mont Tuhiva pour y faire

un port, et toule la baie pour y fonder les établis-

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35semenls qui nous feraient utiles ; et il me demandaavec instance que je lui fisse délivrer un pavillonpour l'arborer sur sa maison au moment même oùnos couleurs nationales seraient déployées sur lemont Tuhiva, lors de la déclaration de prise de

possession.» Le 2 juin, à dix heures, je quittai la Reine-

Blanche, accompagné de l'état-major général etd'une partie de celui de la frégate, et nous nousrendîmes à terre, où le roi vint se joindre à nous.H était suivi des chefs principaux de la baie, deceux des Taoias et de la tribu des Ilapas. Arrivés

sur le mont Tuhiva, nous y fûmes reçus par M. le

capitainede corvette

Collet. Ayant fait ouvrir unban, je prononçai, au nom du roi, la déclarationdeprise de possession de Noukahiva et des îles du

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groupe nord-ouest qui en dépendent. L'acte authen-

tique de la prise de possession fut dressé immédiate-ment après la cérémonie, et signé par tous les chefs.» Les transactions terminées, les chefs des Taoias

me prièrent de leur donner un pavillon pour arbo-rer sur leur baie, où ils demandèrent à être recon-duits. Je leur accordai un pavillon, et je leur fis

distribuer quelques présent*. Ils partirent ensuite,

très-satisfaits de l'accueil qu'ils avaient reçu, parla baie d'IIacapahi, où ils résident. En témoignagede leur reconnaissance, ils m'envoyèrent, par leretour du canot, des cochons en présent.

» Dès le même jour, nos lentes furent dresséesdans la baie de Kakapéhi, au pied du mont Tuhiva,où doit être placé un fort dont j'ai ordonné la roi-

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slruction, et auquel j'ai donné le nom de Collet,en commémoration du conlre-amiral de ce nom,

père du capitaine de corvette Collet, destiné à lefonder et à le commander, ainsi que le groupe dunord-ouest des îles Marquises.

»La2° section de la 120e compagnie fut immédia-tement débarquée pour y tenir garnison. Les tra-

vaux d'établissement commencèrent aussi'ôt, et de-puis ont été continués avec une ardeur qui ne s'estpas ralentie un instant.

» L'équipage de la frégate la Reine-Blancheenvoie chaque jour tous ses ouvriers de chaqueprofessionet les corvées d'hommes nécessaires pouremployer le peu d'outils dont nous pouvons dispo-ser pour les travaux.

»Le roi Temoana nous a accueillis avec un em-pressement très-remarquable ; il a changé de nom

avec M. Collet, espèce de contrat en usage parmi

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les Polynésiens, qui fait de celui auquel on donneson nom un autre soi-même. Nous lui avons fait

présent d'un uniforme rouge, d'une paire d'épau-Ieltes de colonel, de chemises, d'un pantalon. Il

porte tous ces vêlements avec aisance, et s'estmontré très-reconnaissant de nos bons procédés. Ilnous a donné en échange douze arbres à pin ma-

gnifiques et six cocotiers. Avec ces matériaux, quenos charpentiers sont occupés à mettre en oeuvre,

  j'espère que bientôt nous pourrons disposer d'une

baraque de 20 mètres de long sur 7 ou 8 de large ;on continuera à augmenter les constructions à me-sure que les matériaux nous arriveront. Des indi-

gènes nous fabriquent de la chaux ; et le comman-dant Collet ayant trouvé une argile propre à fairedes briques, j'ai l'espérance fondée que nous pour-rons arriver à faire des tuiles et des briques eu

quantité suffisante pour les besoins de rétablisse-

ment. Le 4, la corvette la Triomphante est ar-rivée et a mouillé en rade venant de Valparaiso, eten dernier lieu des îles Gambier, où elle est allée

porter les présents de la reine ; ils ont été accueillisavecenthousiasme et reconnaissance par le roi ettoutes les

populatiousde ce

groupe;le comman-

dant et l'état-major de la Triomphante ont assistéà l'inauguration de la cathédrale des îles Gambier,

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où en effet il paraît que les efforts de nos mission-naires ont été couronnés du succès le

plus complet.«Dès l'arrivée de la Triomphante, qui, commevous le savez, monsieur le Ministre, a perdu soncommandant, M. Baligot, dans sa traversée deBrest à Rio-Janeiro , j'ai nommé à ce commande-1ment M. Postel, second de la Reine-Blanche, cl j

 j'ai embarqué M. Cellier de Starnor sur la frégate,où il commande la batterie et la 160° compagniedes équipages, qui, précédemment, était com-mandée par M. Sevin, lieutenant de vaisseau, au-1

 jourd'hui devenu second de la frégate par suile du|

débarquement de M. Poslel.»Le détachement d'artillerie arrivé par la Triom-

phante est dans la meilleure situation possible, etest animé d'un très-bon esprit ; M. Rohr, qui le

commande, montre un grand zèle pour son service.»Conformément à vos instructions, j'ai divisé ce

détachement en deux sections, composées chacunede la moitié des canonniers d'artillerie de la marineet de la moitié des ouvriers de la même arme : lu

première section, commandée par M. Rohr, est

placée ici sous les ordres de M. Collet ; la secondeest partie sur la

Triomphantepour se rendre à

ceux de M. Halley, à Vaïtahu.»Le7, nous avons reçu le navire le Jules-César,

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expédié par M. le commandant Buglet, en venudes ordres que je lui avais laissés ; il nous, apportehuit mois de vivres pour le personnel des deux éta-blissements, ce qui me permet d'en assurer la sub-sistance jusqu'au 1er  janvier prochain, et d'aligner

 jusqu'au même jour les vivres des deux corvettesla Boussole et l'Embuscade, qu'il est urgent de

laisserici jusqu'à ce que tous les logements et ma-gasinsd'approvisionnement soient terminés.

» Le 9, voulant consolider la paix entre le roi Te-moanaet les chefs des Taoias, qui, malgré les trai-

tés conclus à bord de la Reine-Blanche, rete-

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liaient toujours la femme du roi, je m'embarquaiau

jour, accompagnéde Témoana et du révérend

supérieur de la mission de l'île de Tuhatuta, et nousallâmes à la baie d'Hakapahi, où ils résident. Anotre arrivée, nous aperçûmes le pavillon françaisqui flottait sur la maison du vieux chef Mahéatité.Nous fûmes très bien accueillis, non-seulement des

chefs qui déjà avaient passé deux jours à bord dela frégate, mais encore de toute la population;elle nous accompagna dans notre promenade aumilieu d'une magnifique vallée d'une largeur va-riable de trois quarts de mille environ. Cette

vallée est couverte de la plante nommée Ti, en-

caissée entre deux immenses montagnes à pi

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comme des murs et de 1,000 à 1,200 mètres d'é-lévation. Le sol, en s'éloignant de la plage , va en

s'élevant par une pente si insensible qu'il paraîtpresque uni ; au milieu de la vallée coule un ruis-seauabondant, et de chaque côté, jusqu'aux mon-

tagnes, le terrain est couvert d'une forêt d'arbresà pain entremêlés de cocotiers et de pardaniers, de

bananiers et de quelques champs cultivés en patulesdouces et en tabac.» De dislance en distance, nous trouvions des

cases où on nous engageait à nous arrêter, et où

l'onnous offrait des cocos. Nous trouvâmes enfin lareine Témoana dans une de ces cases ; on nous lafit

connaître; je l'engageaià nous

accompagneraprèsnotre retour; elle me le promit d'abord, maisun indigène qui était auprès d'elle la fit se rélracter.

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Nous la quittâmes; et nous continuâmes à nousenfoncer dans la vallée, pour aller voir un vieux

chef, nommé Tumée, qui, étant malade , n'avait

pu venir au-devànt de nous. Nous le rencontrâmesdans sa case, couché et souffrant beaucoup d'unrhumatisme aigu. Nous n'étions là que depuispeu d'instants lorsque la reine vint nous y rejoin-dre ; je lui fis de nouvelles instances et lui donnai

quelques présents, mais tout fut inutile, elle per-sista dans son refus. Nous retournâmes alors versla plage, où nous nous arrêtâmes de nouveau à lacase où nous l'avions rencontrée la première fois.Elle y revint bientôt, mes instances réitérées n'eu-

rent point un meilleur succès; mais M. Françoisde Paule, lui ayant parlé pendant quelque temps,parvint à la décider à revenir avec son mari. Té-

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moaha s'approcha alors de sa femme, à laquelle iln'avait encore rien dit. Dans ce moment, toute la

population fit un cri qui nous donna lieu de penserqu'elle s'opposait à leur réunion; c'était tout lecontraire : M. François nous expliqua qu'ils avaient

voulu, par délicatesse, qu'on laissât le roi seulavec sa femme, afin qu'il lui parlât en toute li-

berté. Peu d'instanls après, la reine se leva; ellefut suivie

par son mari ; et tous deux, la femmemarchant la première dans le sentier, prirent leeliemin de la plage; dès cet instant, tous les indi-

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gènes se levèrent et suivirent en jetant des cris

d'approbation, et en manifestant leur joie par milledémonstrations étranges : c'était une véritable fête

improvisée. Cet événement, dont le succès est dû ànotre révérend missionnaire, est en lui-même ex-trêmement heureux en ce qu'il consolide la paixentre les Taoias et les Féiï's, dont Témoana est le

roi ; de plus il assure également la paix de toutel'île, car la princesse, Taipis par naissance, estchez les Taipis l'héritière du pouvoir suprême,par l'adoption qu'elle a faite du fils du chef  decette tribu : sa réunion avec Témoana assure doncà ce dernier la souveraineté entière de l'île,et à nous la tranquillité et le temps nécessaire pouraccoutumer ces peuplades à notre domination, ànotre civilisation et à nos moeurs, ce roi Témoananous étant tout dévoué.

» Ces transactions terminées, nous revînmes à la

baie de Taiohae, où le lendemain , des tribus en-tières vinrent de l'intérieur nous apporter des pré-sents en cochons et en cocos. Ces manifestationssont, m'a assuré M. François, les signes les pluscertains de la reconnaissance de notre souveraineté,d'où il suivrait

quenous sommes établis ici de la

manière la plus complète possible et la plus rassu-rante pour l'avenir de notre colonie.

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» Le Jules-César m'ayant amené un étalon et

deux juments pleines, j'ai cru devoir faire présentde l'étalon au roi Témoana, qui continue à semontrer généreux et dévoué à nos intérêts; je suisconvaincu que ce litre de propriété ne portera au-cun préjudice au projet que j'ai formé d'établir la

race chevaline dans ces îles. J'ai également fait ve-nir des ânes et des ânesses pleines, pour servir au

transport de l'eau des ruisseaux à nos camps : ser-vicequi, sous celte latitude, est beaucoup trop pé-nible pour nos hommes; surtout à rétablissement

deVaïtahu, qui, malheureusement, est très-éloignéde la seule source qui existe dans la baie, fâcheuxinconvénient qu'il n'a pas été possible d'éviter.

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» Le 11 la corvette la Triomphante a mis à la

voile pour aller à Vaïtahu porter le détachement

de canonnière et d'ouvriers d'artillerie de marinedestinés à servir sous les ordres de M. le comman-dant Halley ; elle était également chargée de luifaire un versement de deux mois de vivres pour cent

hommes, et celui de quelques animaux nécessairesà l'établissement pour y commencer un troupeau

capable, lorsqu'il sera plus complet, de parer auxgraves inconvénients qui pourraient résulter de la

perte d'un des bâtiments chargés de vivres pourl'approvisionnement de la garnison.

«En se rendant à Vaïtahu la Triomphante doiramener le révérend

père François,dont le dé

vouement nous a été si utile jusqu'à présent. JElle>encore pour mission, d'après la demande «

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M. François, d'essayer d'enlever de l'île d'Uapoules prosélytes que le révérend père Carey n'a pu

enlever avec lui en s'en allant. Je n'ai pas cru de-voir refuser de rendre ce service à la mission. Lesuccès peut avoir d'importants résultats pour notre

progrès, et par suite pour notre établissementlui-même. J'ai, en conséquence, donné l'ordre aucommandant Postel de se

présenterdevant la baie

de Hakapou, déjà visitée par nous, et de tâcher

d'embarquer les prosélytes qui s'y trouvent, pourlesporter ensuite à Vaïtahu, d'où je lui ai recom-

mandéde revenir du 20 au 25 au plus tard.» Le meilleur appui que l'on puisse donner à nos

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établissements, et le seul nécessaire, est de faire

séjourner sur rade des bâtiments de guerre ; il est

même, urgent d'en maintenir constamment un àVaïtghu et un second à Taiohae jusqu'à ce que nos

établissements soient achevés et que nos moeurs

aient commencé à faire impression sur ces popula-

tions , ce qui, je l'espère, ne peut être très-long,surtout ici, le roi se montrant fort enclin à la civi-

lisation : il suffira de l'entretenir dans ces bonnes

dispositions, chose facile en lui faisant de temps à

autre des présents, surtout de ceux qui peuvent

favoriser son penchant pour nos goûts et nos moeurs,tels que des meubles pour orner une petite maison

à l'européenne qu'il vient de faire bâtir; des vête-

ments pour lui et pour sa femme. Déjà le roi est

velu en colonel et porte des souliers. Étant resté à

bord avec sa femme après le coucher du soleil,

pour assister à la représentation d'une petite pièce

que l'on jouait, il a vu des matelots habillés en

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femmes, et aussitôt il nous a priés de faire faire

des robes semblables pour sa femme; ce que nousnous sommes empressés de faire, convaincus que

ces moyens sont les plus puissants sur eux pournous les attacher : en leur créant des besoins nousnous rendons nécessaires.

» Je suis, etc.

» Lt contre-amiral commandant en chef  la

station navale de l'occ'an l'acifique.» A. DUPETIT-TlI OUAT.S.»

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HISTOIRE.

L'archipel, de Noukahiva, compris entre les 8e et10° degrés de latitude sud et les 140° et 1/I2C de

longitude, placé à l'ouest de Paris, occupe un

espace de soixante lieues marines environ, duN. N.-O. au S. S-E., sur une largeur d'à peu prèsquinze lieues. Il.se compose d'une douzaine d'îlesdont trois seulement ont une assez grande étendue,les autres peuvent être considérées comme des îlotsou rochers.

Les terres se présentent dans l'ordre suivant, envenant par le sud : Otahi-Hoa, petite île de 15

à 20 milles de circuit, haute et populeuse. A 10

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lieues de là Motané, dé cinq à six milles, étroite,

haule et faiblement peuplée. A l'ouest de Mo-

tané, et séparée par un beau cana],Tao-Wati, de

25 à 30 milles de circuit, occupée par de nom-

breuses tribus. Au nord se trouve Ohiva-Hoa,ayant 24 milles de territoire de long sur une lar-geur de 6 à 10 milles; elle est moins peuplée

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que les précédentes. A 6 ou 7 lieues d'Ohiva,

Fetougou de huit à dix milles de circuit; puis, à

22 lieues,l'île

Oua-Poua,haute et

peuplée,de

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5520 milles de circuit. A vingt mille de Roua-Poua serévèle la riante et belle Noukahiva, la reine de

NorJ

l'archipel ; elle a dix-sept milles de l'est à l'ouest,sur dix milles du nord au sud : sa population est

estimée à15000 habilantsdivisés en plusieurs tribus.A dix milles de Noukahiva se trouve l'île Roua-

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Hong a, haute et peuplée. Deux petites îles fré-quentées par les pêcheurs indigènes se rencontrent

à 10 lieues environ de Noukahiva. L'archipel setermine par les deux îles hautes et inhabitées deBidon, et Fatouhou, ces deux îles occupent une

étendue de dix ou douze milles ; elles produisent auxNoukahiviens des cocos, et des plumes pour leurs

parures.Si Pou veut comprendre l'intérêt qui s'attache àla prise de possession de cet archipel et l'impor-

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lance de celte conquête, il est indispensable deconnaître les relations que divers voyageurs en ont

laissées.Nous allons tenter, par un récit authentique,d'initier le lecteur aux moeurs et usages de ces in-

sulaires, et à la connaissance des produits de leurs

contrées; nouvel Eden, qui, placé à moins de troismille lieues de la France, peut lui donner rapide-

ment des moyens imprévus d'activité commercialeet d'influence politique.

Ce fut en l'année 1595 que l'Espagnol Men-

dana, dans les excursions qu'il faisait, par l'or-

dre du vice-roi du Pérou Mendoce, découvrit cinq îles du groupe dont nous venons de préciser l'é-tendue , et Jui donna le nom d'îles Marquise de

Mendoça, par gracieuseté pour la marquise de

Mendoça, femme du gouverneur du Pérou. Chaque

 île qu'il découvrit fut tour à tour baptisée par lui,il nomma Otahi-Hoa SANTA-MAGDALENE; Mo-taneSAN-PEDRO; Tao-WatiSANTA-CHRISTINA ;Ohiva-Hoa la DOMINICA;les autres îles formantle groupe complet de l'archipel furent reconnues

plus tard par d'autres navigateurs.L'espagnol Mendana, à la vue de ces îles cou-

vertes de verdure, envoya une chaloupe recon-

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naître les lieux. Les hommes qui la montaient

prirent terre au son du tambour ; aussitôt un essaim

de femmes parut, et, nouvelles Circés, elles firenttout pour séduire ces nouveaux débarqués dontles traits paraissaient faire sur leurs sens une très-vive impression. Le bruit du tambour recommençaet des hommes arrivèrent ; ils se rendirent à bord

du bâtiment où les attendait Mendana. Ils invi-tèrent le capitaine à descendre dans leur île* Men-dana les suivit ; il fit célébrer une messe en actionde grâces de la réception amicale qu'il recevait deces sauvages. Et, ce qui doit étonner, c'est que ces

sauvagesassistèrent à la

cérémonie,avec

respectet recueillement. On est en droit de supposer,d'après cette réception polie, que Mendana n'était

pas le premier Européen qui les visitât ; quoi qu'ilen soit, c'est le premier qui ait été connu.

Bientôt pourtant Mendana fut obligé d'opposer

la force pour échapper au pillage que les insulaires,devenus hardis, auraient exercé sur son bâtiment;mais les coups de fusils partirent, et l'effroi des sau-

vages fut tel, qu'ils se dissipèrent aussitôt, et vin-

rent offrir à Mendana , pour apaiser sa colère, les

seules richesses qui fussenten leur

possession,savoir : des cochons, des cocos et des pommes de

l'arbre à pain.

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Mendana ne pouvant demeurer long-temps dansune contrée

quin'avait

pourlui

quel'intérêt d'une

découverte de plus, partit en laissant quelques ca-deaux en échange de la bonne réception qu'on luiavait faite.

Il paraît que, durant l'espace d'un siècle et demi,les habitants des îles Marquises restèrent tranquilles

au milieu de la belle nature qui les environne.Maisils avaient sans doute conservé la tradition' des

coups de fusils, car, lorsqu'en 1774, Cook débar-

qua aux îles Fetougou et Tao-Wati, il eut bientôtraison des habitants par le même procédé qu'avait

employé Mendana. Quelques amorces brûlées, lapopulation fut à ses pieds. Cook et les savants quil'accompagnaient, étudièrent avec intérêt les moeursde ces insulaires; mais cette étude dura peu, Cook

n'ayant séjourné que quatre jours dans l'île.

Il reçut à bord la visite d'un chef de tribuqui

sedisait roi de toute l'île, ce roi se nommait Honou ;il avait, pour cette occasion, mis son costume de cé-rémonie : un manteau d'étoffe papyriforme flottaitsursesépaules, il portait un diadème, un hausse-col, de

larges pendants d'oreilles et, çà etlà, l'on voyait ac-

crochées autour de lui des touffes de cheveux hu-mains.

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En 1791, Ingraham, Américain, compléta la re-connaissance du groupe que notre compatriote Mar-

chand eut lieu de sanctionner un mois après. Aubout d'un an le lieutenant Hergest mouilla dans lesmêmes parages, et, depuis, les baleiniers prirentsouvent le chemin des îles Marquises, et plusieursfoisils y débarquèrent des passagers. Enfin, un jour,

arriva uu navire que montaient deux missionnaireschargés d'apporter aux sauvages la sainte parole deDieu.,Ils furent d'abord reçus avec politesse; mais

bientôt l'un d'eux mourut de la peur de servir de pâ-ture à ces nouveaux frères, et l'autre fut obligé defuir pour échapper à une mort certaine..... Faut-il

en conclureque ces saints hommes avaient peu d'é-loquence ?

Jusqu'en 1813, les îles Marquises ne furentle théâtre d'aucun grand événement. Ce fut àcette époque, le 25 octobre 1813, que le capi-

taine Porter aborda sur la baie de Taiohae. Al'aspect de ce lieu propice à servir ses excursions

maritimes, il conçut l'idée de faire de l'île une

espèce d'entrepôt de ses prises. Pour arriver à sonbut il fallait s'y établir en maître ; le moment était

favorable : l'île était alorsgouvernée par

un roi vieuxet décrépit, forcé de soutenir une guerre opiniâtreavec la tribu des Hapas ; trop faible pour espérer

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le succès, il se jeta dans les bras de cet hôte envoyécomme par un miracle, pour lancer sa foudre

sur l'ennemi. Porter accueillit la prière de ce roimalheureux, et bientôt des canons furent transpor-tés à grand'peine par les sauvages jusqu'au hautdu morne qui domine la forteresse des Hapas.Bientôt les pourparlers commencent, l'insolence de

l'ennemi décide le combat; et des projectiles lan-cés avec force, jettent dans ses rangs la terreur etla mort. Quand la victoire fut assurée, le vainqueurexigea de larges rançons pour le roi qu'il avait pro-tégé et pour lui même, et il reçut des denrées quiservirent amplement aux besoins de son équipage.

Celte victoire jeta la terreur parmi d'autres tri-bus ; le plus grand nombre vinrent se ranger sousla protection du vainqueur des Hapas. Porter, en-

couragé par ses succès, eut la pensée de s'emparerde l'archipel au nom des États-Unis; pour consa-

crer sa puissance par un acte visible, il se fit d'a-bord bâlir un village, qu'il nomma Madisonville,village consacré aux Européens ; éleva un fort pourgarder son village , prit ainsi possession de Nou-kahiva , et mit le sceau à ses prétentions par unacte ainsi conçu :

« Les présentes ont pour but de faire connaître à»l'univers, que moi, David Porter, capitaine de

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«navire au service des États-Unis, ai pris posses-

»sion de l'île nommée Noohéevah, maintenant ap-pelée par moi Madison. Toutes les tribus environ-nantes se sont placées sous notre protection » (cenombre est élevé par Porter à trente tribus). Le

traité, signé, fut renfermé dans une bouteille qu'onenterra au pied du fort Madison.

Le vainqueur demanda au roi, sans doute comme

épingle du marché, la plus jeune et la plus jolie deses filles, pour en faire sa maîtresse exclusivement

durant son séjour dansl'ile; ce qui lui fut accordéavec reconnaissance. Cette femme fut retrouvée

plus tard par notre illustre et infortuné compa-triote, le capitaine Durville.

Porter eut pourtant à soutenir quelques démêlésavec les tribus

quine s'étaient pas rangées sous sa

loi; mais le feu dévora leurs cases, ses fusils frap-pèrent les plus mutins, elles tribus furent soumises.

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Ainsi put se croire quelque temps roi de Nouka-hiva le capitaine Porter; mais une autre ambition

que celle de régner sur des sauvages l'appela horsde ces contrées, et dès qu'il fut parti,le respect ou la

crainte qui l'avaien t prolégé con Ire l'effet des remordset les regrets qu'avaient ces insulaires de se voirdominés par un étranger, firent place à la haine et

au désir de se venger. Les matelots que Porter avaitlaissés gardiens de sa conquête furent assaillis,massacrés et mangés par les sauvages; le traité fui

déchiré, la bouteille brisée et jetée à la mer, ilsfirent à leurs dieux des sacrifices humains, mirentle feu au village qu'ils avaient bâti à leurs prolec-teurs , et Noukahiva reprit, après le carnage, latranquillité et la liberté. Ce fut alors que ces Nouka-hiviens devinrent possesseurs des fusils que Porteravait laissés à ses compagnons pour se défendre aubesoin. Précaution plus qu'inutile, car ces armes

servirent à leur destruction.Depuis l'apparition de Porter jusqu'en 1825 , on

ne cite qu'un visiteur dans l'archipel ; c'est Poul-

ding, qui, n'exprimant nulle intention d'établisse-ment chez les sauvages, en fut très-bien reçu. Acelte

époque déjà, plusieursmissionnaires vivaient

au milieu des tribus; l'un d'eux donna l'hospitalitéà Poulding, qui demeura peu dans l'île. Le capi-

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laine Walde Grave y passa en 18.30. Enfin , le11 mars 1831, YQcéanie, portant le capitaine

Dumont-Durville, jeta l'ancre dans la baicdeTaiO'hae.

Laissons-le raconter lui-même les circonstancescurieuses de son abordage aux îles Marquises.

« A peine étions-nous arrivés, que plusieurs cen-

laines de pirogues circulaient déjà le long du bord,tandis que des milliersde têtes bronzées paraissaientau-dessus de l'eau, et semblaient vouloir gagner le

sloop à la nage ; en quelques minutes le pont futcouvert d'insulaires, ils avaient grimpé de touscôtés ; les uns par le câble, les autres par le gou-vernail, à tribord, à bâbord, de l'avant, de l'ar-rière. Cinq ou six entrèrent par les fenêtres ouver-tes du couronnement. C'était une véritable prised'assaut, un abordage dans toutes les règles, à partles voies de fait. Cependant ils étaient deux cents

sur le pont, gais, vifs, bons, et ne songeant pas àmal faire, mais trop nombreux pour être surveillés,et dangereux dans un de ces cas de brouillescomme il en survient si souvent avec ces peuplades.

»Je demandai que l'on fît venir les chefs princi-paux du pays. On ne pouvait plus ni minoeuvrerni se reconnaître; chacun de nous était assaillid'insulaires, hommes et femmes, nous pressant,,

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nous accablant de questions et d'agaceries. Leshommes se souciaient peu de ce que faisaient leurs

femmes, ils s'amusaient de tout à bord, et surtoutayant vu nos fusils, ils les convoitaient pour,disaient-ils, exterminer leurs ennemis.

»On annonça enfin une barque portant des per-sonnages de distinction. C'était le premier chef de

la tribu , un joli enfant de 10 ans, que conduisait

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son tuteur et régent pendant sa minorité , suivi desonfilset de Pia-Roro, chef  distingué de la tribu

des Hapas. Pia-Roro avail un air distingué etnoble, il était d'une haute taille, doué d'admirables

proportions, et d'une grande régularité de traits ;il était si complètement tatoué, qu'il avait pourainsi dire un vêtement de tatouage. Après les con-

ditions arrêtées entre les chefs et l'équipage, tousles hommes disparurent, mais les femmes ne voulu-rent pas quitter le pont. On fut à regret forcé

d'employer la violence; il fallut obéir. Elles se jetè-rent à la nage, et se jouèrent autour du sloop en

sirènes, glissant dans l'eau comme des poissons,disparaissant, puis revenant à la surface, dans l'at-titude la plus voluptueuse, après quoi ces fillesde lamer nagèrent vers la plage.

» Lorsque le pont fut libre, nous descendîmesdans la chambre de YOcéanie avec les chefs qui

étaient restés, et nous nous mîmes à dîner. Quand ledîner fut fini, ils se retirèrent en prenant l'engage-ment de mettre toute la tribu à nos ordres.

» Arrivés sur la plage , nous nous disposions à.suivre les chefs dans leurs cases; mais ils nous di-rent

queleurs maisons étaient, ce

 jour-là,Tabou.

C'était une ruse pour se donner le temps de prépa-rer une fêle solennelle. »..

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MOEURS.

Nous regrettons d'arrêter ici le récit que nousempruntons à notre illustre amiral; mais nous de-vons passer à l'étude des moeurs des Noukahiviens.

Deux cent quarante ans se sont écoulés entre le

voyage de l'Espagnol Mendana et l'arrivée ducélèbre Dumont-Durville aux îles Marquises. Les

diverses excursions des Européens dans cet archi-pel n'apportèrent que peu de modifications auxmoeurs de ses habitants, et c'était à nous qu'é-tait réservé l'honneur de rendre ces sauvages àla civilisation. C'est au moment où ces insu-

laires vont prendre d'autres moeurs qu'il est in-téressant de connaître les habitudes qu'ils vont

quitter; tout fait présumer que leur caractèredoux et intelligent se prêtera sans peine aux chan-

gements que l'on veut opérer en eux. Nous disonsleur caractère

doux,et

pourtantil

s'agitici d'an-

thropophages! Eh bien! oui, ces insulai-

res, dont nous voulons faire un jour des dandies

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et des lions à la mode, portant habit serréet gants jaunes, mangeant avec dédain les

mets les plus recherchés de l'école de Véfour ouVéry; ces hommes destinés un jour à servir demodèlesà la fashion,sonl: peut-être, aumomentoùnous parlons, vis-à-vis d'un cadavre, qu'ils se par-tagent au moyen d'une pierre anguleuse ; et sa-

vourant d'avance leur affreux régal, ils boiventun verre de sang humain au succès de notre

entreprise.

Voilà une pensée horrible contre ces nouveaux

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frères; voilà qui repoussera quelque temps encoreces nouveaux lions du boudoir de nos belles lion-

nes, malgré les habitudes semi-sauvages qu'ellesont adoptées, comme si, par un pressentiment in-

stinctif, elles avaient à se préparer à recevoir un

 jour ces hôtes redoutables!...Ainsi nos nouveaux amis sont anthropopha-

ges]... mais passons; car sans doute, quand ilsauront à leur disposition des ioeufs, des vaches,des moutons et autres animaux domestiques,dont nous leur apprendrons l'usage, ils abandon-neront sans peine la chair humaine. Du reste, à

l'exception de ce mets un peu grossier, les douxsauvages se nourrissent de poissons, de plantes etde fruits délicats. Sans doute ils béniront ceux quiles enrichiront des denrées qui leur manquent,comme ils ont divinisé Oatia, qui leur apportal'arbre à pain, et Haii, qui leur procura le co-

chon et des poules. Cet Oatia et cet Haii sontles dieux qu'ils adorent, les dieux auxquels ils ontdonné des prêtres pour les servir, qu'ils implorentpendant leur vie et à l'instant de leur mort. C'està leurs dieux qu'ils immolent les hommes qu'ils

ont vaincus ou les coupables qui enfreignent la loidu redoutable Taûou : ce Tahou, mystérieusepuissance qui renferme en deux mots un code pé-

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nal tout entier; ceTabou, plus bienfaisant que la

loi, en ce qu'il ne punit pas le crime, mais le pré-vient et l'empêche. Nous, Français, nous avonsdes portes et des verrous pour nous défendre des

voleurs; là, le Tabou sur une maison la rend in-violable. Les temples sont taboues, les prêtres,les prophètes sont taboues, le roi est taboue, et

 jusqu'aux aliments, jusqu'aux plantes recherchées,on taboue tout.Les individus taboues peuvent aller partout et

manger de tout : ce sont les personnages sacrés.La vengeance de la personne dont le tabou a étéinsulté poursuit le violateur jusqu'à sa mort.

Si une femme s'oublie jusqu'à loucher à un ob- jet devenu tabou, parce qu'il appartient à une per-sonne tabouèe , elle doit expier son crime par IJmort. Si un homme tabou passe ses mains sur unenatte à dormir, cette natte ne doit plus servir de

couche : le violateur du abou est désigné par lemot kikino , c'est-à-dire destiné à être sacrifié et

mangé tôt ou tard.11y a un tabou plus sacré encore et plus sévère,

c'est le tabou décrété à la mort de quelque célè-bre Tahoua (grand-prêtre); les sacrifices qu'ilimpose ont pour but de désarmer l'esprit du dé-funt.

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Les prêtres, et les rois ont le droit de tabouer;c'est ainsi que pour faire respecter le vaisseau qui

apporta le commandant Durville, il obtint le Ta-bou. Les objets taboues sont mis en interdit ; un

sauvage mourrait de faim à côté d'un garde-mangertaboue, et il arrive souvent que pour conserverce qu'il renferme on a recours à ce moyen.

Le respect daTabou vient d'une ancienne tra-dition. On dit que le dieu Haii s'étant reposé sousun arbre, dit à l'arbre : Tabou, ce qui voulaitdire à l'arbre : Je te fais sarré, personne ne tetouchera. Ce jour-là même Haii mourut, et léguaà un prêtre le Tabou redoutable. Celle loi, pro-fitable aux chefs, impose au peuple de grandes pri-vations ; car chez ces peuples de ta nature l'éga-lité ne règne pas : d'où l'on serait peut-être endroit de penser que l'égalité est peu dans la na-ture. En effet, il y a là des rois, des régents, des

chefs, des guerriers, des ministres, des grands-prêtres, des desservants; puis vient la populace,qui n'a rien à elle que ses bras et sa force pourapporter au roi, au régent, aux grands-prêtres, aux

guerriers, aux chefs de tribus le produit de son

travail, qui consiste dans la pêche et l'agriculture :

l'agriculture, facile dans un climat où la terre pro-duit d'elle-même tout ce qui est nécessaire à la

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vie des habitants ; la pêche, qui se fait aussi par un

moyen prompt, facile et ingénieux. Il consiste dans

l'emploi d'une plante qu'ils coupent en petits mor-ceauxet jettent dans l'eau ; en peu d'inslanls.on voit

surnager à la surface de l'eau des milliers de pois-sous engourdis et faciles à saisir.. Pour amusement les sauvages se donnent un

agréable spectacle, qui consiste en une pêche auflambeau ;.cette pêche est une véritable fêle, à la-

quelle ils travaillent long-temps d'avancepour pré-parer les bois résineux qui doivent éclairer leurs

pirogues.

Lorsque ces petites embarcations s'élancent surla mer aux joyeux cris des spectateurs, l'effet que

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produisent ces feux glissant sur les eaux, sous unbeau ciel argenlé, est on ne peut plus gracieux et

original; mais il ne faut pas attendre un grand pro-duit de ces excursions nocturnes.

D'ailleurs, la pêche n'est pas chez les sauvagesconsidérée comme un produit très-nécessaire; ils

préfèrent au plus beau poisson un morceau de co-

chon ou de tortue.Parmi les Noukahiviens, il y a des charpentiers

pour établir les canots et les pirogues ; des tabletierspour faire les coffrets, les coupes , les berceaux

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d'enfant, les instruments aratoires ; puis des nattes,

qui servent de lit, de tables, de couvertures; enfin

des joailliers qui fonfavec des os humains des orne-ments aux vases et armes des guerriers. Les mai-sons de ces insulaires sont

longues,étroites, leur

construction est faite à l'aide de troncs d'arbres etde bambous ; des feuilles sèches de cocotier , des

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fougères, et des feuilles sèches d'arbre à pain, for-ment la construction solide de l'habitation. Les ri-ches ont, à petite distance, une autre case réservéeaux banquets des hommes. Cette maison, où ils seréunissent en grand nombre pour chanter, rire,manger et boire, est interdite aux femmes, et, pourqu'elles n'aient pas la pensée d'y pénétrer, elle est

tabouéeel entourée d'eau. Ainsi les Noukihiviensont leurs cercles, leur Jockey-club. A quoi nous sertd'êlre le peuple le plus civilise de la terre, pour fi-nir comme les peuples sauvages commencent ! M

Ceux-ci ont leur religion, et, comme nous l'a-vons dit, leurs prêtres. Le pouvoir de leurs prêtresest incalculable, le cruel ta,bou \cs protège contre

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toute attaque, et ils l'exercent sur tout ce qui pour-rait leur nuire. S'ils font preuve d'une puissancesurnaturelle, ils sont déclarés dès-lors Atouas: cequi signifie homme-dieu. Alors, ils vivent dans la

réclusion; leur case est entourée de palissades pouren empêcher l'approche. Celte case, ces palissa-des, cet homme, et tout ce qui lui esl propre, sont

taboues. Nul ne peut pénétrer dans son antre si cen'est pour être immolé, ou lui offrir un grandnombre de victimes ; il est invoqué sur tous les

points de l'île. Dans sa case est un autel où se fontles sacrifices, et de toutes parts on y voit suspen-dues des carcasses humaines la tête en bas.

Ces temples sont élevés sur une plate-forme enpierre, que des idoles grossières décorent. Sous desberceaux touffus, on voit souvent des tombeaux.

Çàet là, on rencontre des maisons tabouées quel'onnomme Moraï, c'est-à-dire Maisons des morts.

Lorsqu'un malade est agonisant, tous ses amis etsesparents l'entourent; et celle foule, loin d'être,comme chez les hommes civilisés, silencieuse etcalme, se lamente, pousse des cris et des gémisse-ments faits pour révolutionner el irriter les nerfsdu pauvre patient, si un sauvage avait des ncr,"s.Par ces cris, ceux qui le pleurent croient repousserlesmauvais esprits ; ce sont des charmes contre les

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maladies et des conjurations pour éloigner la mort.

On exécute encore des danses sataniques autour de

l'agonisant, on se déchire le corps avec des pierrestranchantes, et l'on augmente les contorsions et les

cris jusqu'à ce que le moribond exhale le dernier

soupir.

Quand le décès est bien certain, on apporte dans

un endroit écarté une sorte de bière fabriquéeavec des lances que lient entre elles des cordes

de lianes ; cetlc bière, couverte de nattes, est pla-

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cée dans une case ou maison voisine]de celle dudéfunt. Pendant ce temps, on prépare le cadavre ;

onle revêt d'habits neufs; on le pose sur un cata-falque, où il demeure exposé pendant plusieurs

 jours. Des amis, des parents veillent sans relâcheautour de ce monument funéraire, la nuit ils l'en-tourent de torches allumées; et des prêtres veillent

et récitent lentement leurs hymnes de mort. Puisle mort, est placé dans sa dernière demeure, et

on le laisse exposé à l'air jusqu'à ce que le tempsait réduit sa chair en cendre. Les os alors serventd'ornements à divers

usages,et

quelques-unsde-

viennent des reliques. Enfin la bière est fermée ; etsouvent elle esl déposée au milieu de l'habitation

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du meilleur ami ou du parent le plus rapproché dudéfunt. Faisons-nous plus de cérémonies pour ceux

que nous perdons?...Une affaire très-importante parmi les tribus, c'est

le festin que doit donner la famille du mort, festin

toujours en rapport avec la fortune du défunt.Pour être sûr d'avoir un grand inonde dans ces

contrées, les invitations se font à l'avance; n'ayantlà ni petites postes ni messagers à la manière de

Bidault, ils font partir des sauvages en grand cos-tume, portant un long bâton à sept lanières d'étoffe.Ces messagers , dirigés chacun sur divers points,

parcourenttoute l'île et vont à

chaque porte ap-peler par son nom la personne qu'il leur est ordonné

d'inviter, en lui expliquant l'objet du message,le lieu de la réunion j le temps que doit durer lefestin. Le mol tou-ki, qu'ils emploient pour sefaire ouvrir les portes, signifie festin mortuaire.

Ce mot est un appel auquel nul ne peut manquer.Alors les conviés doivent se préparer pour cette

solennité à laquelle ils sont convoqués ; on ne va

pas à un festin mortuaire comme à un repas or-dinaire. Tous les invités commencent par se réunir

dansune maison tabou et se

résignentà un

jeûnerigoureux. Pendant le temos que dure le jeûne,tous 'es feux sonl prohibés clans tous les environs.

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Enfin la fête du mort s'apprête; et, quand leschants des prêtres ont cessé, le signal est donné.

Un grand bruit de tambour se fait entendre pourappeler les convives au banquet. Les cochons sont

apportés du four ainsi que les autres mets de fruitsà pain, de coco, de banane ; c'est le chef  de lafamille qui découpe les cochons à l'aide d'une

pierretranchante et d'un couteau de bambou. C'est

au premier prêtre que reviennent, de droit, les têtes

décochons, et il peut, s'il l'aime mieux, choisir telmorceau qui lui conviendra. Les honneurs sontfaits ensuite aux chefs de tribu.

Ces repas mortuaires durent quelquefois plu-

sieurs jours et sont d'une gaieté et d'une animationqui doivent faire oublier le motif de la fête.

Les prêtres ont recours aux sortilèges pour sefaire craindre ; ils imaginent des actions vulgairesauxquelles ils donnent un caractère miraculeux :

quelquefoisils ordonnent un

voyageà celui des ha-

bitants dont ils veulent posséder la maison et lesbiens ; certains que le malheureux ne reviendra pas,une fois lancé au delà des mers. Comme ils sont lesseuls qui s'occupent de guérir, ils ont aux yeux desfamilles toute l'importance d'un dieu qui a le droit

de vie et de mort sur sa créature. La superstitionles protège contre leur ignorance ; et tandis qu'ils

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donnent au malade leurs soins inintelligents, la fa-mille crie et se lamente autour du patient couché

dans l'eau et qu'un grand-prêtre frappe avec unepetite branche chargée d'épines. Les prêtres sontaussi opérateurs : c'est à l'aide d'une dent de re-

quin qu'ils exécutent le trépan. La pensée qu'ontces sauvages de donner leur confiance à leurs prê-

tres,vient de ce

qu'ilsaccusent

toujoursun mau-

vais esprit d'être la cause de leurs maux; et les

pauvres sauvages, il faut l'avouer à notre honte,sont sujets aux mêmes infirmités que nous. Il leurarrive de mourir d'une affection de poitrineou de foie, ils ont des ophthalmies , des rhu-

matismes , voire même des fluxions de poitrine;on ne dit pas que quelques-uns soient encore mortsd'amour... C'est sans doute parce que la mode enest passée chez nous.

Les prêtres, objets de respect et de Crainte du-

rant leur vie, sont divinisés après leur mort. C'estalors qu'ils gémissent dans la tempête, soufflent dansles vagues, éclatent dans le tonnerre... ils voltigentsous l'aspect d'un insecte ; ils gazouillent dans le

chant d'un oiseau; enfin, la religion des Nouka-hiviens est du paganisme au petit pied. A part leurs

dieux Oatia et Haii ils ont encore leurs dieux Pénates,ainsi que des petites figurines de dieux qu'ils peu-

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dent à leur cou. Ils font aussi des reliques avec les

crânes et les ossements des hommes qu'ils ont im-

molés; et, toul en respectant ces objets et leur al-

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tribuant des charmes, ils jouent avec eux, et!cèdent

pourdes

échangesde

peude valeur.

Les femmes sont libres dès l'âge le plus tendre ;l'union du mariage pourtant est sacrée sous un

rapport, c'est qu'elles ne peuvent quitter leursmaris pour aller vivre sous un autre toit. Une

reine, nouvelle Hélène, qui avait quitté son époux,alluma la guerre enlre deux tribus, et la paix ne futconclue que lorsqu'elle se décida à revenir dans ses

foyers. Son retour fut un événement qui provoquades fêtes publiques.Mais, pour ne pas pouvoir quitter ses foyers,

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les femmes n'en sont pas moins portées à beaucoupde licence ; les mots de fidélité, de constance, nesont pas écrits dans le vocabulaire des Noukahi-viennes. Les hommes, loin d'être jaloux des hom-

mages qu'on rend à leurs femmes, les encouragentet les provoquent eux-mêmes; leur premier soinest d'offrir leurs épouses aux étrangers qui abor-

dent dans leurs îles, on prétend même qu'ils sontfort blessés lorsque ceux-ci les refusent.Il y a chez les rois une charge qu'on nomme

ALLUMEURDUFEUDU ROI. Cet emploi consiste à

remplacer le roi en tout, au dehors et au dedansde son

ménage.

Lorsquele roi s'absente, c'est

un honneur qu'il accorde ou qu'il offre à l'étrangerqui mérite son estime.

Un des rois de l'île de Noukahiva crut devoirun jour offrir cette charge temporaire à un mis-

sionnaire, qui l'accepta sans savoir trop à quoi

il s'engageait; le pauvre homme se trouva fortembarrassé lorsque, tête à tête avec la reine, il

comprit le changement qui allait s'opérer dans sonministère. A celle occasion il pensa lui arriver d'é-

tranges incidents, mais il put s'échapper et en fut

quitte pourla

peur.Les femmes sont coquettes, gracieuses et tres-

sante; elles prennent grand soin de leur per-

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sonne. Du reste leurs grands yeux noirs ont une

expression douce et tendre, et leur sourire répondà leurs regards ; elles ont des dénis d'une blancheuréclatante et rangées parfaitement. Des cheveux

presque toujours bouclés naturellement, relevés

par des bandelettes d'étoffe blanche, ou bien ornésde perles ou de plumes, font leur coiffure; quel-quefois elles s'enveloppent la lête à la manière des

  juives par des bandelettes passées sous le cou ;cette coiffure est très-gracieuse.

A force de se frotter avec le papa, elles par-

viennent à rendre leur peau presque blanche. Lesfemmes de distinction sont élégantes autant queleurs ressources dans l'art de la coquetterie le

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permettent ; elles restent tout le jour enveloppéesdans leur manteau fait de l'étoffe d'écorce d'arbre,

la seule qui soit en usage. Ce manteau est confec-tionné de façon à les garantir contre l'ardeur du

soleil. Lorsqu'elles sortent de leur case, elles ont delarges ombrelles de feuilles de palmiers. Les Nouka-hiviennes ont aussi leur fard, leur cosmétique etleur parfum ; leur vêtement se compose d'une lon-gue robe blanche, le plus souvent faite par elles-

mêmes à l'aide d'un petit instrument semblable àun battoir de blanchisseuse. Le fil et les aiguillessont inconnues aux mères de famille de ces con-

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trées, et pourtant leurs vêlements ne durent que

quelques semaines;car cette

étoffe,tissée

parla

nature, est fragile et se déchire au moindre mou-vement. Toute la population féminine passe sa viedans l'eau : la natation est pour elle un besoin, uu

amusement, un art; les femmesfont delà mer,tour à tour, leur cabinet de toilette, leur gymnase

et leur salle de danse. Rien n'est plus gracieux queles tours que ces sirènes exécutent dans l'eau ; cetexercice nautique donne à leur allure une souplesseet une grâce particulières.

Les hommes sont braves et fiers, affables et

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complaisants ; leur teint est plus bronzé que celuides femmes ; ils aiment les combats, les courses,les exercices de corps ; ils sont généralement nus,et portent une simple ceinture d'étoffe. Le roi, les

guerriers et les prêtres ont seuls droit de porter lemanteau, le diadème et le casque. Le costume des

guerriers est à la fois simple et ouvragé, la peau

de l'indigène en fait les frais ; mais cette peau dis-paraît sous les figures symboliques exécutées à lafaveur du tatouage. Ces figures bizarres et nom-breuses transforment le caleçon naturel du guer-rier en un pourpoint merveilleusement brodé; sesbras nus, sa poitrine nue, son corps tout entier et

sa figure sont soumis au même travestissement, et

lorsque le manteau, la ceinture d'étoffe blanche,

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le casque orné de graines brillantes et de plumes

de coq achèvent la toilette du guerrier, son aspectest véritablement imposant et beau. A l'avenir,probablement, nous leur ferons perdre l'habitudede se servir de touffes de cheveux humains pourorner leurs bras, leurs pieds et leur cou. Ce sontles indices de leur valeur, car chaque touffe de

cheveux représente une victime tombée sous lescoups du redoutable insulaire; c'est une décora-tion : n'est-elle pas analogue, du reste, aux cor-dons distribués à nos hommes de guerre sur les

champs de bataille qu'ils ont couverts de leurs

victimes?... H est vrai que ces cordons n'ont que lacouleur du sang et ne sont pas sanglants... c'est

beaucoup plus délicat.A Noukahiva, les familles de distinction ne

contractent pas de mésalliances. Les chefs et lesrois ne se marient qu'en famille, ils se considèrent

d'une autre nature que le reste de la tribu... Etl'on dit tous les jours que la fierté de sa race et lanoblesse du sang sont une affaire de convenlion etde civilisation ! ! ! ! !

Qu'on ne croie pas qu'à Noukahiva on vive

privé du secours des arts ! La musique, la danse,la comédie, le drame même, y soni fort en faveur.Arrive-t-il un étranger, ils font de grands prépara-

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tifs pour le recevoir ; ils ont même recours à la fi-nesse pour lui ménager des surprises : telle fut leurconduite à l'égard des officiers de l'Astrolabe,lorsque , voulant leur faire une réception digne del'estime qu'ils leur portaient, ils remirent au len-demain l'honneur de les recevoir.

Le moment est venu de donner place au récitque

Dumont-Durville a donné de cette fêle :« Le lendemain un chef  vint nous prendre; nousnous embarquâmes, deux de mes compagnons et

moi, puis un domestique portant les présents quenous voulions offrir à nos hôtes. Dans le courant dela traversée du bord à la

plage, nous fûmes escor-

tés par une multitude de pirogues. Au débarcadèreles insulaires s'étaient rangés en haie pour nous re-cevoir et nous voir passer. Deux chefs subalternesveillaient à la sûreté de nos personnes. Alors le ré-

gent parut; il était revêtu de son plus beau costume,

coiffé d'un casque orné de plumes et de perles, degraines éclatantes : un hausse-col en coquille brillaitsur sa poitrine. Le régent prit la tête du cortège, etles huit chefs de tribu se tenaient à nos côtés. Le

cortège marcha lentement jusqu'à la résidence du

 jeuneroi. Pour arriver au

palais,il nous fallut tra-

verser plusieurs torrents; avant que nous eussionspu songer aux moyens de les franchir, nous fûmes

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enlevés de terre en un clin d'oeil et portés à l'autrebord sur les bras des

sauvages.Les

groupesd'insu-

laires que nous rencontrâmes se prosternaient ànotre aspect, et grimpaient sur les arbres pournous voir plus long-temps.

»Ce fut ainsi que nous arrivâmes jusqu'à l'habi-tation du roi. Elle s'élevait au milieu d'un bouquet

d'arbres à pain où conduisait une avenue de coco-tiers belle et régulière ; au dehors, et du côté de la

mer, se développait une belle pelouse de plusieursacres d'étendue. La maison, dite palais, avait cent

pieds de long sur vingt de large, elle était recou-verte en bambous et feuilles de

palmier, pavéeà

l'intérieur de pierre de taille, et séparée par descloisons en nattes. On montait à cette espèce de

palais par quatre degrés en pierre de taille. Chemin

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faisant, avant d'arriver an palais du roi, nous fî-mes plusieurs stations pour écouter les haranguesdébitées en notre honneur par les chefs des tribus.

» Sur les degrés du palais, deux cents femmes,la fleur de Noukahiva, étaient assises et attendaientavec impatience notre arrivée. Ces dames étaientvêtues de leurs plus beaux atours, leurs robes d'é-

toffe blanche étaient transparentes, elles portaientsur leurs cheveux, parfumés d'huile de bois de san-

dal, un turban de même étoffe que leurs robes. Au

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milieu de ce groupe de belles, se tenait le jeuneroi et la reine-mère, grosse réjouie de bonne mine,âgée à peu près de quarante ans. Nous fûmes pla-cés entre le roi et sa mère, et les chefs de la tribuse levèrent; un d'eux nous harangua. Celte haran-

gué avait pour but de nous demander alliance et

protection. Nous répondîmes affirmativement. Alors

on nous fit apporter trois cochons et des fruits, pournous les offrir ; nous répondîmes à ce charmant ca-deau par des présents d'autre nature. Aux guerriersnous donnâmes des doits de cachalot, objetsd'un grand prix chez les insulaires , et aux damesdes rubans , des miroirs et différentes étoffes. Leurenthousiasme alors fut au comble, elles nous ser-raient dans leurs bras, nous embrassaient à nous

inquiéter pour les suites d'une semblable ardeur.» L'intimité s'établit bientôt entre la famille royale

et nous. On nous accablait de questions, sur les

femmes européennes, sur leurs maris, leur toi-lette, et, tandis que je causais avec la reine-mèredes Noukahiviens, mes compagnons étaient entre-pris par le régent et les chefs ; ils étaient fort cu-rieux de savoir comment nous nous gouvernionschez nous.

» Lorsque la causerie fut épuisée, il fallut songciau retour à bord ; alors nous descendîmes vers le

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rivage, et nous trouvâmes plusieurs chefs installés,à la place de simples bateliers, dans la plus belle

pirogue pour nous accompagner à notre bâtiment.La pirogue qui devait nous transporter était déco-rée de feuilles de cocotier. Lorsque nous fûmes ar-rivés, ils nous firent promettre d'assister le lende-main à une petite fête qu'ils désiraient nous offrir;et nous

promîmesde nous

y rendre,à la condition

d'avoir des guides. Us nous remercièrent, et nousdirent qu'ils viendraient nous chercher. En effet,le lendemain la même pirogue et les mêmes chefsétaient à bord de VOcéanie. Nous refîmes la pe-tite traversée ; et, arrivés sur le rivage, nous trou-

vâmes un grand nombre d'insulaires pour nous es-corter et nous servir durant le trajet. Le lieu delàdanse était fort éloigné, souvent notre fatigue s'a-

percevait sur nos traits ; alors, sans nous rien dire,les sauvages nous plaçaient sur leurs épaules etfranchissaient les

montagnes,les

longs sentiers,les

ravins aussi lestement que s'ils eussent été chargésde plume d'oiseau. Enfin une pente rapide, unsentier bordé d'habitations charmantes nous guidavers le lieu de la danse. Le son du tam-tam frappanos oreilles, et nous vîmes accourir à nous une

troupe de sauvages armés de leurs pagayes etde leurs casse-têtes, poussant des cris de joie,

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et nous témoignant par des gestes jusqu'à quel

point nous étions les bienvenus ; ils nous précédè-rent en faisant des passes gracieuses, où se pei-gnaient la gaieté et le bonheur. Enfin nous arrivâmesau Hahoua (place de la danse). Cette place étaitenvironnée d'arbres énormes qui la protégeaient

contre l'ardeur du soleil. L'assemblée qui s'y trou-vait réunie comptait plusieurs centaines d'individusdes de ux sexes, serrés derrière un cercle d'insu-laires accroupis autour de l'orateur qui se prépa-rait à nous haranguer. Ils étaient tous dans leur

plus riche parure ; les guerriers avaient leur cos-tume de combat; les danseurs, des vêtements defantaisie; les dames, des toilettes variées à l'infini.

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Un bal, un raout d'Europe n'auraient pas étalé

plus de recherche que celte danse de sauvages.

» Les turbans des danseurs, leurs manteaux jetés

avec goût, leurs cheveux flottant au hasard, lesfeuillages, les graines brillantes qui garnissent leurmenton ou kakaï, leur grâce naturelle et la véritable

gaieté qui se peignait dans les traits des assistantsfaisaient de ces fêtes une chose à part de toutes nos

fêtes, depuisles

plusbrillantes de nos salons

dorés, jusqu'trlaj^lus simple de nos villages. A notre arri-

vée^ il. y'et$\une grande confusion ; les femmes. : . '^.\ 7

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nous souriaient, les sauvages nous regardaientavec une

avide curiosité.»On nous plaça sur des sièges d'honneur préparéspour nous recevoir, et desquels nous pouvions,très à notre aise, jouir du spectacle. Sur la places'élevait un théâtre solidement bâti en pierre derocher ; c'était un carré oblong, de soixante pieds

de longueur sur quarante de largeur : c'est là quese tiennent les chanteurs et les musiciens pour ac-

compagner et régler la danse. L'orchestre se com-

pose de quatre tambours, ou tam-tam, et de cent

cinquante voix de chanteurs. C'est au son de cette

musique queles

sauvagesexécutent leurs

danses,qui, comme les danses de nos ballets, commencent

par des ronds de jambe et des poses qui se termi-nent par des sauts en l'air et des trépignements :dans ce moment les chants prirent un caractère

plus vif, et le public s'identifia si bien au plaisir

qu'on voulait lui procurer qu'il répondit en choeurà ces chants radieux.

» Après la danse vint le concert. Des femmes pa-rées, au nombre de quarante ou cinquante, se

présentèrent et chantèrent des espèces de roman-ces

,chants monotones et

mélancoliques, quifont

sur les nerfs une'puissante impression.»1I y a aussi parmi les insulaires des chanteurs et

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des poètes de profession en nom, qui sont à la fois

compositeurset acteurs; leur musique, leurs pa-

roles ont été inspirées par le souvenir de leurs

guerres ou l'arrivée d'un navire, et l'on chante lesmêmes airs et les mêmes paroles de siècle en siècle.

» Lejourdela fête que je pourrais nommer notre

fête, l'exécution du concert fut parfaite à en juger

par l'enthousiasme des assistants. Après le dernierchoeur, que toute la population avait répété, on seleva ; c'était le signal donné pour terminer la fête.A ce moment nous fûmes assaillis de tous côtés, c'é-tait des questions, des caresses à n'en plus finir :nous devenions

l'objetd'une curiosité

intolérable,et nous quittâmes cette position , qui n'était pluslenable, charmés pourtant d'être venus mais

très-pressés d'effectuer notre retraite. Plusieurschefs nous accompagnèrent ; et nous regagnâmesle rivage, d'où la même pirogue nous reconduisit

à bord. »

Avant de passer à la description des sites et des

productions des îles Marquises, nous devons donner

place ici à l'histoire de Palini, celte fille du roi

Keata-Noui, quifut la maîtresse de Porter durant

son séjour dans cette île.Nous avons dit, à propos de la position que

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Porter avait prise à Noukahiva, qu'une jeune et

belle fille du vieux roi Keala-Noui, Patini, lui avaitété donnée pour maîtresse. Il ne sera pas sansintérêt pour le lecteur de connaître plus intimementcelte jeune insulaire, qui vivait encore au premiervoyage que le commandant Durville fit dans les

 îles Marquises.Patini étail d'une beauté remarquable , grande ,

assez élancée, et douée, dans tousses mouven ents,d'une grâce qui charma au premier coup d'oeil lemarin vainqueur.

Voulant rester quelque temps à Noukahiva,

pour assurer sa conquête, il lui fut assez douxd'attacher une femme exclusivement à son exis-tence temporaire. La jeune Palini avait dix-septans; cet âge heureux répond dans ces contrées à

l'âge de vingt-cinq ans chez nous. Ainsi Porter

n'espéra pas posséder une ingénue dans cette jeuneprincesse, et il fit bien ; mais ce qu'il ne croyaitpas posséder, non plus, c'était une femme tendre,sensible, intelligente et nob'e, et ce fut cependantce qu'il posséda. Patini réunissait toutes les qua-lités, j'allais dire les vertus de nos belles Fran-

çaises, quand elles ont des vertus; seulementPatini n'avait pas la VERTUde beaucoup d'entreelles, et, disons-le, de presque toutes à dix-sept ans.

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Le jour où Patini alla prendre possession de la

 jolie maison qu'avait fait construire-Porter, fut un

 jour de fêle. Cette maison, placée au milieu duvillage Madisonville, avait des fenêtres, des por-

tes, un toit, était close des toutes parts, et meubléeparfaitement ; car le capitaine avait fait faire un lit,

des chaises, une table, voire même un canapé, letout en bois de sandal mêlé au bois d'hibiscus :puis avec des feuilles et des fleurs de gardénia, quise trouvent sur le sommet du mont Tieùhoy, dif-ficile à gravir parce que la mer n'en permet l'ap-

proche qued'un côté

très-étroit;à

l'aide, dis-je,de ces productions odoriférantes et cotonneuses, ilse fit faire des oreillers, des matelas, et en très-

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peu de temps il eut dans cette maison un confor-table

européen.

Patini, loin de se trouver gênée au milieu de cesobjets inconnus, perdit peu à peu l'habitude des'asseoir à terre, de laisser sa tête reposer au ha-

sard, elle perdit surtout l'habitude de dormir ensociété avec toute sa famille; s'arrangea très-biende se trouver tête à tête avec un seul homme, et

prit pour cet homme une telle passion, qu'il devinten quelque jour son Dieu, son unique pensée.Porter avait provoqué par des présents la ten-dresse de cette nouvelle amante ; il lui donna desétoffes de gaze, de mousseline ; il lui donna des

bijoux d'or et des pierreries. La joie de Patiniétait délirante, en posant ces bijoux sur ses che-

veux, à son cou, autour de ses bras et, lorsquelle

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s'était drapée dans, une pièce d'étoffe de mousse-line, de l'Inde, lorsqu'elle en avait enveloppé sa

tête, elle se regardait dans les miroirs qu'elle avaitsuspendus de toutes parts dans sa maison, et cher-chait à charmer son amant par les poses les plusgracieuses et les plus voluptueuses à la fois.

Ces attentions pour celui qu'elle aimait étaient

toutes délicates. Lorsque Porter, fatigué par lachaleur, s'étendait sur le canapé et s'endormait,Patini s'établissait près de lui et, avec son éventailde bambou, chassait les insectes importuns quivoltigeaient autour de son amant, et par un mou-vement continuel, durant des heures entières, elle

rafraîchissait l'air qu'il respirait.Un jour elle avait vu Porter s'asseoir dans un

buisson d'aleurites, savourant les odeurs délicieuses

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qui s'exhalaient autour de lui; et s'élant aperçuequ'il y avait souffert de l'ardeur du soleil, elle ima-

gina de lui bâtir une espèce de parapluie formé delongues tiges de bambous et de nattes légères.

Un jour elle pensa être victime d'un dévouement

plus énergique. Un Anglais, Wilson, établi depuisquelque temps déjà aux îles Marquises, après

avoir servi Porter dans ses projets pour s'emparerde Noukahiva, élait devenu jaloux du capitaine.A la suite d'un repas qu'il élait venu prendre chez

lui, soit effet du rhum que le bon marin lui avaitversé largement, soit que son mauvais naturel l'em-

portât, il conçut de criminels projets contre Porter.Ce dernier élait sorti, laissant l'Anglais auprès

de Patini; Wilson voulut profiter de l'absence du

capitaine pour attaquer sa maîtresse. Patini, àcette attaque imprévue, recule avec fierté en jetantun cri d'horreur... L'Anglais éc aie de rire. « Haï!...

haï!... » criait la jeune fille... L'Anglais avançaittoujours. Alors Patini se saisit du fusil de Porter,qui élait accroché à la muraille; mais, nesachantcomment s'en servir, elle cherchait la détente en

braquant le canon sur l'Anglais. Wilson effrayé sai-sit

l'arme,et

l'emporteen

proférantune horrible

menace contre Porter... La pauvre jeune fille courtsur lès pas dé Wilson, elle le voit caché derrière

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un arbre, vis-à-vis du buisson favori de son amant,il tenait le fusil en joue et prêt à tirer sur un être

que Patini a deviné. Alors n'écoulant que sa frayeurpour le danger que court Porter, elle ne fait qu'unbond, saute sur le fusil, l'arrache tout armé desmains du misérable et s'enfuit avant même que

celui ci ait pu reconnaître le libérateur de sonheureux rival.Dans la course rapide de Patini, le coup part,

Porter, effrayé à son tour, quitte sa retraite, ilaccourt vers le lieu de son habitation, il voitPatini

étendue, sans connaissance, sur la terre et le fusilà côté d'elle ; le brave marin croit sa Palini per-due. Il la prend dans ses bras, elle n'était pas

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blessée, il la réchauffe sous ses caresses et sesbaisers, il lui donne des spiritueux, enfin elle re-

vient à elle.Comment peindre la joie naïve et brûlante de

cette charmante fille, en se trouvant dans les brasde son amant ? Elle se roulait par lerrc en serrantses mains, elle élevait au ciel ses yeux et ses bras,

tombait à genoux criant de toutes ses forces «Haït,Tao... » puis embrassait les petites reliques qu'elleportait habituellement, puis baisait les mains dePorter et l'enveloppait de ses cheveux comme pourle proléger encore... puis elle pleurait, elle riailaux éclats; c'était du délire, de la

joie,du bon-

heur ; c'était une femme, enfin, exprimant sonamour avec une nature forte et complète, qu'unecivilisation réfrigérante n'avait pas modifiée.

Toutes ces preuves d'amour auraient dû , sansdoute, attacher Porter à cette jeune fille, il aurait

dû se dire que le monde entier ne lui redonneraitpas un semblable coeur, à lui. Mais d'autres soins,comme nous l'avons vu , appelaient le marin loinde Noukahiva, et il abandonna celte femme,vierge de pensée et de coeur, comme il quitta son

archipel.Pauvre Palini ! avant de la quitter, Porter luidonna son portrait qu'il avait acheté dans une ville

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où il fut élonné de le trouver. Nous espérons, pour

motiver l'amour de Patini, que l'artiste qui s'était

chargé alors de rendre les traits du capitaine,n'avait pas le défaut de flatter ses modèles, oumême que le modèle avait peu posé.

Cependant Patini reçut avec un bonheur inouï

l'image de celui qu'elle adorait ; elle crut à un pro-dige lorsque Porter lui donna le médaillon quicontenait sa tête gravée ; tour à tour elle jetait lesyeux sur cette image et sur son bien-aimô; elle

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sourit, elle pleura, elle les embrassa tous deux.

Porter, à son lour, dessina sur une feuille de pa-pier les traits de Patini. et lui fit comprendre qu'ainsiils seraient ensemble toujours : cette pensée calmale chagrin de la jeune fille, et lorsque Porter l'eutassurée qu'il reviendrait bientôt, qu'il la laisseraitau milieu de ses compagnons Quini, c'est-à-dire

reine et maîtresse, qu'il lui léguait le droit de com-mander et de défendre à sa place, jusqu'à son retour,son île, ses possessions et sa demeure, lorsqu'illui eut fait cadeau de ses armes dont il lui avait

appris l'usage, lorsqu'il l'eut nommée, au milieu

des marins assemblés , la gouvernante et reinedes îles Marquises, et de toutes les tribusréunies sous la loi du commandant Porter,

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elle s'éleva au niveau de sa nouvelle dignité, jurasur le Tabou de respecter et de faire respecterles ordres du commandant, son unique et seulami. Cette fille jusque-là langoureuse, faible, gaie,altentive, sensible et tendre, devint sérieuse, cou-

rageuse et noble; elle, avait appris assez passable-ment l'anglais pour se faire comprendre des ma-

rins que Porter avail faits les ardiens de sa con-quête.

Un canon, une ancre et deux boulets furent, par

les ordres de Palini, tiansportés sur le terrain où

Porter reposait le jour où l'Anglais Wilson voulut

le tuer ; et là, sur ces inslruments de guerre, elle

fit jurer à ceux qu'elle considérait comme ses su- jets de défendre le village Madisonviile jusqu'à

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la dernière extrémité, si les insulaires pensaient à

l'attaquer.Hélas ! nous avons vu que la tranquillité de l'îlefut bientôt troublée. Lorsque- les navires de guerreeurent disparu de ces parages, on ne reconnut

plus pour chef  l'officier Gamble, que Porter avaitlaissé à la tête d'une cinquantaine d'hommes avec

quelques fusils, de la poudre et quelques canons.Non seulement on cessa de payer le tribut, maisles Européens furent molestés par les insulaires,au mépris de la fille de leur roi devenue reine, etenfin la révolte éclata ayant à sa tête Wilson.

LesAméricains eux-mêmes ne reconnurent

plusaucune autorité ; le lieutenant Gamble fut compro-mis et menacé. Dans cette terrible situation Patinise conduisit avec un courage héroïque, se battantau milieu des soldats de Porter, excitant leur va-

leur, les encourageant par son exemple et le sou-

venir de leur chef. Elle avait placé au milieu desa poitrine le portrait de Porter, qu'elle considé-rait comme un talisman ; elle croyait que la vue decelte image, sacrée à ses yeux , devait animer lessoldats du même enthousiasme qu'elle ressentaitelle

même,elle se

trompait.Plusieurs se

jetèrentau milieu des flots pour échapper à une mort quela rage de Wilson rendait certaine.

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Patini fut bientôt seule dans ce village devenul'asile de la mort et de la terreur. Le roi fit dire à

sa fille de revenir dans sa famille ; Patini refusa. Lamaison que Porter lui avait fait bâtir avait été res-

pectée, et la pauvre fille s'y renferma. Elle regar-dait chacun des objets qui composaient son ameu-blement comme une relique; elle ne sortait de sa

demeure que pour monter au haut du fort

quePorter avait fait bâtir et

quidominait la mer,

ou pour errer sur des rochers d'où l'on découvraitun immense horizon.

Ces excursions fatigantes et dangereuses avaient

pour but de guetter le vaisseau qui devait lui rap-porter son amant. Que de fois son coeur battit à

l'aspect d'un point noir glissant sur les vagues!que de fois ses larmes tombèrent dans le gouffre

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qui s'ouvrail à ses pieds ! que de fois elle eut la

penséede

s'y jeteravec ses larmes! Mais

l'espé-

rance, fille du ciel, descend dans le coeur d'une

sauvage aussi bien que dans le coeur des autres

femmes,et elle se laisse

trompersans

comprendrel'illusion qui l'aveugle. En effet, Patini attenditen vain des années; et les années passées dansl'attente produisirent sur cette fille de la nature ce

qu'elles produisent chez les femmes du inonde : sadouleur se calma; seulement elle ne perdit pas le

souvenir de son bonheur passé.Le capitaine Durville racontait qu'il avait re-

trouvé la fille du roi Keata-Noui vivant dans la

retraite, conservant un religieux souvenir du capi-taine Porter, et, lout âgée qu'elle était alors,

ayant encore de la beaulé et surtout une noblessedans les manières, un ton de convenance avjc les

étrangers qui n'étonna pas peu l'illustre voyageur.

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Près de la maison de Patini est une autre mai-son Moraï : c'est le tombeau qu'elle a élevé a

Porter, et ce doit être aussi le sien ; elle veut être

déposée dans ce lieu, espérant que l'esprit dePorter l'y viendra trouver.

Est-il une pensée plus religieuse et plus ten-dre chez nos amantes les plus aimées et les plus

aimables?....

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SITES, CLIMAT,

!PIJ©I»iIJ£WÏ©NS ET VE6EMS!®».

Nul danger n'entoure l'archipel de Noukahiva.Les récifs de corail, qui pourraient rendre l'appro-

che des îles dangereux, ne s'élendent pas à plusd'une encablure au large, circonstance fort raredans les parages de l'Océanie. Peu de (erre présente

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des points de vues aussi variés et aussi ravissants.Au

premier plan, d'abord,s'offre une

longuesuite

de mornes escarpés, entrecoupés de ravins pro-fonds que décore la plus belle végétation; des

pics en perspective de 500 toises d'élévation, desrochers gigantesques de la forme la plus singu-lière , des vallées étendues et des baies profondes

puis des forêts où sont percés des chemins condui-sant sous un dôme de verdure à de vastes vallées ,

longues de plusi urs milles, et couvertes dans toute

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leur longueur d'arbres à pain, de cocotiers et d'au-

tres arbres si serrés, si voisins les uns des autres,que l'on peut marcher des heures entières sous unevoûte de verdure vaste et continue. Les casca-des blanches et écumeuses tombent des rochers

pour se perdre à leur pied dans de rapides tor-rents. La végétation active des joncées et des restia-

cées couvre les bords de la nier : la nature

agreste, riante et quelquefois sauvage, attire lesregards, excite l'imagination. Les arbres sont sitouffus, que les habitations disparaissent sous laverdure; et cette verdure se compose d'arbres etde plantes précieuses : c'est le bois de sandal odori-

férant qui y forme les forêts, c'est l'arbre à paindonnant un fruit délicieux et nourrissant, c'est lecoco qui fournit une boisson, une nourriture el des

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objets d'industrie, c'est la canne à sucre qui donneson miel et sa tige, c'est le phormium, qui rem-

place pour les naturels de Noukahiva le chanvreet le lin ; c'est une quantité innombrable de plan-tes , toutes utiles , toutes employées sans peine etsans frais pour confectionner les meubles , les mai-sons , les habillements, les canots et les pirogues ,

les armes, enfin tout ce qui est utile aux insulaires.Quelques animaux, tels que le lézard, la tortue

et beaucoup de mollusques, servent à la nourriture

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des Noukahiviens. Us ont aussi une autre utilité

pour eux, c'est que les carapaces des tortues et les

coquilles des mollusques sont employées comme

boucliers, comme casques, comme coupes, etc.Les ciselures variées et élégantes qu'ils prati-

quent sur ces objets, ont été, pendant long-temps,la seule branche de commerce à laquelle ils sesoient livrés. C'est pour acquérir ces objets queles navigateurs ont établi un port dans la baieAnna-Maria. Ce port est le meilleur de toutela Polynésie.

Il nous suffira de citer, parmi les innombrablescoquilles qui se rencontrent sur les plages des

Marquises, l'arche et quelques variétés des peignes,

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la peintadine , ou coquille perlière, qui ne semblepas y avoir été exploitée comme à Ceylan ; l'hallio-

tide aux couleurs diaprées de bleu, d'or et de vio-let, qui est d'un si grand prix dans les collections

conchyhologiques; la pourpre, si renommée pour

la belle couleur rouge fournie par l'animal qui l'ha-

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bite; quelques espèces curieuses de méduses, et des

variétés de miniades et de polypes que leurs cou-

leurs et leur transparence font rechercher et payer

à grand prix.Les poissons sont nombreux dans l'archipel :

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on y trouve la carpe marbrée de jaune et d'argent;

le polyodon, que sa tête, armée d'une lance tran-chante, rend si redoutable à la baleine et au re-

quin.

Les Noukahiviens mangent avec délice le flélan,

que nous trouvons si abondanldans les mers de l'Eu-

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rope : et une variété de la raie, qui, comme la tor-

pille électrique, imprime un douloureux engour-

dissement au bras qui vient de la saisir.Nous ne pouvons oublier l'ostracion, si remar-

quable par sa cuirasse enrichie de mosaïques bril-lantes qui semblent défier le burin du plus habile

Ciseleur; ni le pégase, qui doil à la forme parti-culière de ses nageoires la faculté de s'élancer horsde l'eau et de se soutenir quelque temps en l'air

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en prenant appui sur cet élément mobile et fugitif.

L'animal dont les Noukahiviens font le plus decas, et qu'ils croient leur avoir été donné par un

miracle, est le cochon.

Il est bizarre que cet animal immonde, qui a

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toujours eu une part dans les mythes et les créa-tions fabuleuses de

l'antiquité,réveille

égalemeutde religieux souvenirs chez ces peuples lointains,qui certainement n'ont jamais entendu parler ni du

sanglier qui immortalisa Méléagre, ni de celui quicausa la mort d'Adonis, ni de celui qui ajouta à la

gloire d'Hercule en tombant sous ses coups dans

la forêt d'Érimanthe.Les poules et d'autres gallinacés, tels que la

perdrix et le pigeon, sont communs aux îles Mar-

quises; on y trouve aussi l'aningha au port élégantet flexible.

On a trouvé dans les forêts le vampire, qui seplaît à sucer le sang des hommes endormis, et quiparvient quelquefois à l'épuiser tout entier, sans

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que sa victime se soit réveillée pendant cette hor-

rible opération. On y voit aussi une espèce de caille.

Le cochon, le chien et le rat étaient, comme danstoute la Polynésie, les seuls quadrupèdes connus àNoukahiva avant l'arrivée des Européens. De tous

les animaux qui y ont été importés, le chat est leseul qui s'y soit propagé. Les naturels croient quec'est un dieu, qu'ils nomment Haiti, qui l'apporta,il y aune soixantaine d'années, à Vao-Wali, d'où ilse répandit dans le reste de l'archipel.

Quelques voyageurs ontécrit

que la baleine fré-quentait les eaux de Noukahiva : il est certain

qu'on y rencontre souvent d'autres cétacés, tels

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que le marsouin; et il n'est pas impossible que lesbaleines aient fui

jusquedans la

Polynésie,la

chasse opiniâtre dont elles sont l'objet dans les

grands courants de l'océan Pacifique.

Lesîles

Noukahiva jouissent d'un climat chaud,mais cependant très-sain ; ainsi que le prouve l'é-tat sanitaire des insulaires et de tous les équipagesqui y ont séjourné. On lit dans le Voyage de Mar-chand qu'au port Mcuir v deDios, dans l'île Santa-Ghristina, le thermomètre se tenait, au mois de

 juin, à vingt-sept degrés au-dessus de zéro. Lahauteur de celui de Krusensternau port d'Jnna-Maria (Noukahiva), a été jusqu'à vingt-cinq;mais ordinairement il marquait vingt - trois ou

vingt-quatre. A terre il peut monter à deux degrés

de plus. Dans ce pays, comme dans toutes les régionstropicales, l'hiver est la saison des pluies, maiselles ne sont ni fréquentes ni continues ; quelques

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fois même il s'écoule plusieurs mois sans qu'il

tombe une goutte d'eau,ce

qui y occasionne sou-vent la disette.Les Noukahiviens se suffisent à eux-mêmes : cha-

que tribu vit du produit de son île ; ils ne font d'é-

changes qu'avec les Européens, mais ils commen-cent a mettre une valeur moins grande aux petits

colifichets pour lesquels ils eussent donné, il y aun siècle, leurs forêts tout entières. Il arriva à descorsaires d'emporter des chargements complets debois de sandal pour un panier de petits couteauxde deux sous et des verroteries : il n'en est plus

ainsi aujourd'hui.La mer semble d'elle-même s'être calmée au-tour des îles Marquises, pour en faire un séjourenchanteur. Dans un rayon de six cents lieuesautour de cet archipel, on n'a pas à craindre unécueil sur ces eaux belles et limpides ; les navires

semblent glisser naturellement et portés amoureu-sement par les vagues onduleuses. Il n'est pas jus-

. qu'aux requins et autres monstres qui habitent lamer de ces contrées qui ne se fassent pacifiquespour attirer les voyageurs. S'il arrive un bâtiment

dans ces parages, les marsouins quittent le fond del'eau et viennent le reconnaître; ils l'entourent,non pour l'attaquer en ennemi, niais pour lui scr-

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--. d'escorte, et témoignent leur joie et leur gra-

tude pour les moindres débris qu'on leur jette.Souvent les jeunes naturels des îles Noukahivien-nes se trouvent en nageant eja compagnie avec des

requins, et il leur suffit de faire quelques passesénergiques dans la mer pour les faire fuir au loin.

Ainsi, abordage facile, climat enchanteur, pro-ductions et végétation merveilleuses, habitants

intelligents, courageux et actifs, belle et nom-breuse population, voilà ce qui assure à la con-mête de la France une colonie intéressante et une

gloirefondée sur de véritables bienfaits.

FIN.

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