108

Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

  • Upload
    lybao

  • View
    218

  • Download
    1

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111
Page 2: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Histoire générale de l'Afrique

Etudes et documents 4

Page 3: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

D a n s cette collection : 1. Le peuplement de l'Egypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroltique 2. La traite négrière du XVe au XIXe siècle 3. Les contacts historiques entre l'Afrique de l'Est, Madagascar et l'Asie du Sud-Est par les

voies de l'océan Indien 4. L'historiographie de l'Afrique australe

Page 4: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

L'historiographie de l'Afrique australe

Documents de travail et compte rendu de la réunion d'experts tenue à Gaborone, Botswana, du 7 au 11 mars 1977

(Unesco

Page 5: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Publié en 1980 par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75700 Paris

Imprimeries réunies de Chambéry

I S B N 92-3-201775-X Édition anglaise: 92-3-101775-6

© Unesco 1980

Page 6: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Préface

E n 1964, la Conférence générale de l'Unesco, dans le cadre des efforts déployés par l'Organisation pour favoriser la compréhension mutuelle des peuples et des nations, a autorisé le Directeur général à prendre les mesures nécessaires en vue de l'élaboration et de la publication d'une Histoire générale de VAfrique.

Des colloques et des rencontres scientifiques, consacrés à des sujets connexes, ont été organisés au titre des travaux préparatoires. Les c o m m u ­nications présentées et les échanges de vues qui ont eu lieu sur toute une série de sujets lors de ces réunions constituent les éléments d'une documentation scientifique de grande valeur à laquelle l'Unesco se propose d'assurer la plus large diffusion possible en la publiant dans le cadre d'une collection intitulée « Histoire générale de l'Afrique. Etudes et documents ».

Le présent ouvrage, qui constitue le quatrième volume de cette collection, contient les communications présentées lors de la Réunion d'experts sur l'his­toriographie de l'Afrique australe, tenue à Gaborone, Botswana, du 7 au 11 mars 1977, à laquelle ont participé quatorze spécialistes. O n y trouvera également le compte rendu des débats auxquels elles ont donné lieu.

Les auteurs sont responsables du choix et de la présentation des faits figurant dans cet ouvrage ainsi que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessairement celles de l'Unesco et n'engagent pas l'Organisation.

Les appellations employées dans cette publication et les données qui y figurent n'impliquent, de la part de l'Unesco, aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

Page 7: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Table des matières

Introduction 9

Thèmes de discussion 11

Première partie: L'historiographie de l'Afrique australe

Problèmes de l'historiographie de l'Afrique australe, par L . D . Ngcongco 17 Les traditions historiographiques de l'Afrique australe, par David Chanacwa 25 Remarques sur l'historiographie récente de l'Angola et du Mozambique, par René Pélissier 47

Deuxième partie: Recherche et enseignement sur l'histoire de l'Afrique australe

La place de l'histoire de l'Afrique australe dans les programmes scolaires : une synthèse, par Balam Nyeko 59 La recherche au Botswana, par A . C . Campbell 67 La promotion des études historiques à l'Université nationale du Lesotho, par Elleck K . Mashingaidze 69 La recherche historique au Malawi, par J. B . Webster 75 La recherche historique au Swaziland, par N . M . Bhebe 77 L'enseignement et la recherche sur l'Afrique australe au Royaume-Uni, par S. Marks 79 La recherche historique à l'Université de Zambie, par B . S. Khrishnamurthy 85

Troisième partie: Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

Ouverture de la réunion 89 Résumé des débats 91

Annexes

1. Liste des participants à la réunion 111 2. Bibliographie, établie par S. Marks 112

Page 8: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Introduction

Sur la recommandation du Comité scientifique international pour la rédaction d'une Histoire générale de VAfrique, l'Unesco a organisé, avec le concours de l'Université du Botswana et du Swaziland, une réunion d'experts sur l'histo­riographie de l'Afrique australe. E n recommandant la tenue de cette réunion, le comité visait un double but: d'une part, obtenir des informations complé­mentaires pour la mise au point des chapitres relatifs à cette région et, d'autre part, encourager une recherche concertée et la publication d'ouvrages sur l'histoire de l'Afrique australe.

Plusieurs documents de travail, qui sont reproduits dans cet ouvrage, avaient été préparés en vue de faciliter la discussion. Le premier est dû à L . D . Ngcongco, professeur à l'Université du Botswana et du Swaziland, qui traite des problèmes de l'historiographie de l'Afrique australe et souligne le déséquilibre entre la recherche et les études sur l'histoire des groupes africains autochtones, notamment avant qu'ils ne soient entrés en contact avec les groupes d'immigrants blancs, d'une part, et, d'autre part, celles consacrées aux acti­vités des minorités blanches immigrées dominant politiquement cette région. Le professeur Ngcongco passe en revue la littérature existant sur le sujet, résume les informations disponibles concernant les cultures de l'âge du fer dans la région et en tire des conclusions au sujet des migrations des peuples de langue bantu d'Afrique australe.

Le D r Chanaiwa, professeur associé d'histoire à l'Université d'Etat de Californie, Northridge (Etats-Unis d'Amérique), consacre son étude à l'his­toriographie de l'Afrique australe contemporaine (hormis le M o z a m b i q u e et l'Angola) et distingue diverses traditions dans cette historiographie: la tradi­tion impériale, celle des missionnaires, l'africaine, la colonialiste et la tradition libérale/révisionniste. II présente aussi des propositions pour l'orientation future de l'historiographie de l'Afrique australe.

Le professeur René Pélissier, de l'Université de Paris, cherche à identifier les grandes tendances des ouvrages historiques qui ont été consacrés, au cours du dernier demi-siècle, à l'Angola et au Mozambique , et présente des sugges­tions en vue de l'amélioration de l'historiographie de ces deux pays.

Quant au professeur Balam Nyeko , de l'Université Makerere, il souligne

Page 9: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

10 Introduction

la nécessité d'accorder une place importante à l'enseignement de l'histoire de l'Afrique australe dans les programmes scolaires et universitaires, afin que l'Afrique retrouve sa dignité dans la période postcoloniale. E n outre, dit-il, l'histoire contribue à l'édification nationale. L a communication de M . Nyeko et les informations fournies par divers participants à la réunion en ce qui con­cerne l'enseignement et la recherche sur l'histoire de l'Afrique australe sont groupées dans la deuxième partie de l'ouvrage.

Enfin, on trouvera dans la troisième partie le compte rendu des débats auxquels ont donné lieu les grands thèmes de la réunion, ainsi que les recom­mandations soumises par les experts au Directeur général de l'Unesco.

Page 10: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Thèmes de discussion

Préalablement à la réunion, l'Unesco avait envoyé aux experts invités les sug­gestions ci-après concernant les grands thèmes de discussion.

Les mouvements de populations et les structures du pouvoir

L'histoire de la région étant largement dominée par les mouvements de popu­lations, les experts, après avoir passé en revue les différentes thèses en présence, pourraient faire le point sur cette question, et notamment établir les phases et l'ampleur des mouvements migratoires. A cette fin, ils pourraient recourir aux données linguistiques, car elles contribuent grandement à la connaissance de l'histoire. U n e attention particulière devrait être accordée à l'étude des ethno-nymes et des toponymes. E n effet, les traditions orales ont retenu les n o m s de lieux qui ont marqué les différentes étapes de l'implantation des groupes ethniques dans la région.

A partir des nombreuses études qui ont été publiées sur la conception, l'organisation et le développement du pouvoir dans cette région, les experts pourraient s'efforcer de tirer au clair les structures politiques et l'organisation économique et sociale qui ont marqué l'évolution des différents Etats de la région; ils pourraient en particulier étudier la formation des Etats, ainsi que les systèmes d'échange établis entre ces derniers.

L e fer et l'agriculture dans l'évolution de l'Afrique australe

D e nombreuses recherches ont été menées sur l'apparition du fer et ses réper­cussions sur les systèmes agraires de la région. Les experts pourraient examiner les rapports éventuels entre les cultures de l'âge du fer et les civilisations actuelles et faire le point de la question compte tenu des différentes thèses en présence.

Page 11: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

12 Thèmes de discussion

Les interventions étrangères et leurs répercussions sur l'évolution de la région

Après avoir étudié le peuplement et l'organisation politique, économique et sociale de la région, les experts pourraient examiner les différentes thèses rela­tives à la rencontre de l'Afrique australe avec le m o n d e extérieur, depuis les premiers contacts côtiers jusqu'aux structures contemporaines, en passant par la résistance à l'occupation et à l'implantation des régimes coloniaux. L'accent pourrait être mis sur les interventions étrangères et sur les transformations qu'elles ont provoquées dans l'évolution des structures politiques, écono­miques, sociales et culturelles de l'Afrique australe.

L a place réservée à l'enseignement de l'histoire de l'Afrique et en particulier de l'Afrique australe

Etant donné que tous les experts invités viennent du milieu universitaire, il devrait leur être aisé de faire le point sur le rôle et la place réservés à l'enseigne­ment de l'histoire de l'Afrique et en particulier de l'Afrique australe. L'histoire contribue en effet à la prise de conscience au niveau national et au niveau du continent. Les experts pourraient illustrer par des exemples concrets la place de plus en plus importante qui est réservée à l'enseignement de l'histoire natio­nale et de l'histoire de l'Afrique dans le système éducatif, depuis l'école pri­maire jusqu'à l'université.

Définitions idéologiques; affrontements des idéologies et problèmes concrets: indépendances, bantoustans, etc.

Les experts pourraient examiner les thèses et les idées en présence dans la phase de décolonisation de cette région, en accordant une attention particulière aux mouvements de libération ; ils pourraient étudier également le rôle joué par le panafricanisme, l'Organisation de l'unité africaine et les Nations Unies. L'accent devrait être mis sur les solutions concrètes envisagées dans certains pays, telles que les indépendances, les bantoustans, etc.

Inventaire critique de la production scientifique dans les différents pays de l'Afrique australe et des moyens de l'améliorer

Les experts venant des pays de la région soumettront à l'examen de la réunion la liste des travaux ainsi que les projets de recherche de leurs institutions dans

Page 12: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Thèmes de discussion 13

le domaine de l'histoire. Dès leur arrivée à Gaborone, ils remettront au secré­tariat de la réunion les documents qui seront discutés sous cette rubrique.

Etablissement d'un programme de recherche à moyen terme

A u vu des projets de recherche présentés par les différentes institutions et compte tenu des points qui seront soulevés au cours de la réunion et qui demanderont à être approfondis, les experts pourraient établir un programme de recherche à moyen terme et de publications et proposer des moyens de coordonner les recherches des différents centres, chacun gardant, bien sûr, son autonomie.

Page 13: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Première partie L'historiographie de l'Afrique australe

Page 14: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Problèmes de l'historiographie de l'Afrique australe

L. D . Ngcongco

Les problèmes de l'historiographie de l'Afrique australe sont essentiellement liés au climat politique de la région. L a société actuelle de l'Afrique australe résulte de l'interaction de deux grands courants culturels, à savoir les peuples africains indigènes et les groupes blancs immigrés. C'est la raison pour laquelle, pendant des siècles, les recherches historiques ont été menées à partir de l'hypothèse que le passé des groupes indigènes africains n'était pas digne d'être étudié parce que leur culture était restée statique. E n conséquence, les histo­riens ont accordé toute leur attention aux activités des minorités blanches immigrées en Afrique australe qui dominaient politiquement cette région. D ' o ù un grave déséquilibre dans le volume des travaux portant sur les deux groupes.

Alors que l'Afrique du Sud a été (pendant un certain temps du moins) la région d'Afrique qui suscitait la littérature historique la plus abondante, les travaux consacrés aux sociétés noires indigènes sont restés rares, en particulier pour la période qui a précédé leurs contacts avec les groupes de commerçants ou d'immigrants blancs. Parce que les sociétés noires étaient généralement considérées c o m m e extérieures, ou au mieux périphériques, par rapport au principal centre d'intérêt des études historiques sur l'Afrique australe, il s'est instauré une tradition historiographique extrêmement restrictive qui a été maintenue avec une telle ténacité, une telle obstination, que m ê m e la tempête qu'ont provoquée dans le m o n d e occidental les défis lancés par Trevor Roper n'a pas sufli à tirer les historiens de l'Afrique australe de leur sommeil séculaire. L a tendance à centrer les travaux sur le passé de la minorité blanche domi ­nante a été renforcée par les positions rigides des universités sud-africaines (et des maisons d'édition sud-africaines en général), qui ne reconnaissent pas la valeur des sources non écrites pour les reconstitutions historiques. Le rejet délibéré de l'apport de disciplines auxiliaires c o m m e l'archéologie, l'anthro­pologie physique et sociale, la linguistique, qui est inhérent à ce point de vue étroitement disciplinaire, n'a pas seulement privé l'historiographie de l'Afrique australe de toutes les idées et innovations qui ont enrichi les travaux effectués dans d'autres régions du continent; il a contribué, dans une très large mesure, à maintenir la partialité des études historiques locales, imposant par conséquent

Page 15: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

18 L. D. Ngcongco

aux futures générations d'historiens africains le poids de ce que le professeur Ranger a très justement appelé « les distorsions résultant de l'autorité tyran-nique des sources dont ils disposent » (Ranger, 1968).

M ê m e dans le c h a m p très restreint des archives disponibles, nous cons­tatons une sélection troublante dans l'utilisation des sources.

A quelques exceptions près, les historiens professionnels ont eu tendance à commencer leurs ouvrages avec les événements relatés dans les sources écrites hollandaises, qu'elles fussent conservées en Afrique du Sud ou en Europe, ce qui a eu pour effet de privilégier le xvn e siècle, considéré c o m m e le point de départ, pour la région, de la période historique. O n sait aujourd'hui que c'était une grave erreur. Les riches archives portugaises, qui ont tant contribué à la compréhension de l'histoire de nombreuses sociétés d'Afrique de l'Est — en particulier le long des côtes — et qui ont également éclairé l'histoire pré-coloniale des sociétés du Zimbabwe , de l'Angola et du Mozambique , ont été systématiquement négligées par les historiens sud-africains.

C o m m e l'ont suggéré quelques spécialistes éminents (Wilson et T h o m p ­son, 1969), le refus des historiens professionnels d'utiliser certaines sources antérieures aux documents hollandais du xvn e siècle pourrait s'expliquer par la volonté délibérée de soutenir le système socio-politique. Mais m ê m e ceux qui voulaient vraiment rompre avec les traditions restrictives du passé ont été incapables de le faire. C'est peut-être parce que les chercheurs sud-africains qui étudient l'histoire de leur pays sont surtout des Blancs, et que, m ê m e si l'on n'empêche pas expressément les Noirs de faire des recherches, on ne les aide pas à s'y livrer en toute liberté.

Dans l'étude de l'histoire sud-africaine, notamment en ce qui concerne les sociétés africaines traditionnelles, les historiens les plus novateurs ont tra­vaillé à partir des compilations d'historiens amateurs c o m m e A . Bryant, G . E . Cory, D . F . Ellenberger et J. C . Macgregor, W . C . Holden, S. M . M o l e m a , T . Soga, G . W . Stow, G . M . Theal et A . W o o k e y . Des spécialistes c o m m e Martin Legassick, Shula Marks , William Lye et Gerrit Harinck — dont les travaux sont rassemblés dans l'ouvrage intitulé African societies in Southern Africa — ont remanié et interprété ces livres anciens qui, tout en utilisant des traditions orales recueillies au xixe siècle, reposent sur un certain nombre d'hypothèses non scientifiques (Legassick, 1969) et se présentent sous la forme « d'œuvres quelque peu romancées, qui mêlent les faits et la fiction et auxquelles fait défaut l'appareil technique des ouvrages d'érudition » (Thompson, 1969). C o m m e nous l'avons dit, ces compilations ont fait l'objet d'une masse consi­dérable de travaux critiques et analytiques, principalement dans les départe­ments d'histoire d'un certain nombre d'universités des Etats-Unis d'Amérique, du R o y a u m e - U n i , du Canada et d'autres pays étrangers, ainsi que dans quelques universités du continent africain.

L'analyse rigoureuse de ce corpus de traditions, ainsi que la comparaison

Page 16: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Problèmes de l'historiographie de VAfrique australe

19

minutieuse avec d'autres sources, publiées ou non, se développent et donnent des résultats encourageants. Il convient de souligner encore une fois que la plupart de ces travaux se déroulent en dehors de l'Afrique du Sud. Pour de n o m ­breuses sociétés d'Afrique australe, il n'existe guère d'études scientifiques du genre de celles qui ont été consacrées par Jan Vansina aux populations de la région du Congo, par D . P . A b r a h a m aux Shona, par B . A . Ogot aux L u o du Sud, par I. K i m a m b o aux Pare et par M . S. Kiwanuka aux Baganda. M ê m e si la contamination des traditions orales par les traditions déjà recueillies pose un problème grave, il n'en est pas moins désolant de constater que les étudiants des universités sud-africaines ne préparent ni thèse ni monographie sur ce sujet. M ê m e dans le cas des études dont la remise à jour est en cours, le pro­blème de la chronologie de la période à laquelle se rapportent les traditions orales n'a pas été sérieusement abordé.

Dans d'autres régions d'Afrique, l'apport de l'archéologie a beaucoup contribué à élargir les horizons de l'histoire africaine, mais en Afrique du Sud la recherche archéologique est inégalement répartie. E n Zambie et en Rhodésie, les fouilles archéologiques ont connu un développement remarquable avant l'indépendance. Parmi les principaux archéologues qui ont travaillé dans cette région, on peut citer D e s m o n d Clark, R . Summers , Keith Robinson, D . W . Phillipson, J. C . Vogel, Peter Garlake et T . N . Huffman.

Jusqu'au milieu des années soixante, l'archéologie de l'âge du fer en Afrique du Sud était très en retard par rapport à celle de la Zambie et de la Rhodésie. Le développement des fouilles sur les sites de l'âge du fer est dû surtout à Revill M a s o n , de l'Université du Witwatersrand, qui a travaillé dans le Transvaal, et, dans une moindre mesure, à Robin Derricourt, qui a travaillé sur la côte du Transkei. Si les recherches sur l'âge du fer en Afrique du Sud sont restées assez limitées, elles ont été fructueuses, car elles se sont orientées vers l'archéologie économique plutôt que vers l'archéologie cultu­relle. E n d'autres termes, on a pu distinguer dans ce cas ceux qui mettaient l'accent sur la technique dans leur recherche d'une description objective'de ceux qui se considéraient c o m m e des spécialistes en sciences sociales, cherchant à résoudre le problème de m o d e de vie des populations au m o y e n de modèles fondés sur les données disponibles, m ê m e s'ils reconnaissaient que celles-ci étaient incomplètes.

N o u s savons que, jusqu'à une période située quelque deux mille ans avant la nôtre, différents environnements physiques ont donné naissance à de grandes variantes régionales des cultures de la fin de l'âge de la pierre, c o m m e celles de Wilton Smithfield et de Nachikufuan. Cette division des cultures de la fin de l'âge de la pierre entre Wilton Smithfield et Nachikufuan semble corres­pondre plutôt à des régions écologiques qu'à des différences ethniques ou linguistiques entre les San et les Khoi tels que nous les définissons aujourd'hui. C o m m e le fait observer Inskeep, l'archéologie de l'Afrique centrale et australe

Page 17: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

20 L. D . Ngcongco

suggère une évolution semblable dans toute la région ; on ne trouve nulle part d'indices prouvant que les chasseurs-cueilleurs de la fin de l'âge de la pierre ont découvert indépendamment la métallurgie, la culture des plantes et la domes­tication des animaux (Inskeep, 1969).

Inskeep fait remarquer ensuite que les premières manifestations histo­riques et contemporaines de l'âge du fer se situent dans les sociétés de langue bantu. Les premiers établissements de l'âge du fer semblent empiéter sur ceux de la fin de l'âge de la pierre et se confondre avec eux. L'expansion vers le sud au début de l'âge du fer peut être retracée grâce à la datation par le car­bone 14. Entre le Limpopo et le Zambèze, la plus ancienne date connue se situe entre les années 20 ± 80 av. J . -C . sur les pentes nord du plateau du Zim­babwe (Calder's Cave).

Sur l'escarpement sud-est, Mabveni date de 180 ± 120 de notre ère. A u sud du Limpopo, le site le plus ancien est celui de Silver Leaves près de Tza-neen, à la limite nord-est du plateau sud-africain: il est daté de 270 ± 55 de notre ère. O n a trouvé sur le m ê m e site d'autres poteries datant de 330 et 1100 de notre ère.

Plus au sud, deux sites de l'âge du fer datent approximativement de la m ê m e période. Sur le bord oriental du plateau, au Swaziland, la date d'un site connu sous le n o m de Castle Cavern a été fixée à 400 ± 60 de notre ère; et celle d'un site de Broederstroom, dans le district de Brits au Transvaal (à l'ouest du Witwatersrand) à 460 ± 50 de notre ère.

La datation des poteries trouvées sur les sites de Silver Leaves indique que l'âge du fer a commencé en Afrique du Sud à la m ê m e époque que dans les pays au nord du Limpopo, mais que des populations négroïdes s'étaient instal­lées au sud du Limpopo dès le m e siècle de notre ère. Ces dates et ces trouvailles permettent aussi de penser que la série de Silver Leaves et les autres sites plus méridionaux (comme Castle Cavern) ne sont pas des phénomènes isolés.

A ces découvertes sont venues s'ajouter, principalement grâce à Ehret et à ses étudiants (de l'Université de Californie, à Los Angeles), des preuves linguistiques qui semblent confirmer les autres indices de la diffusion de la culture du début de l'âge du fer dans la région centrale de l'Afrique du Sud. Erhet et son équipe (utilisant un corpus modifié de 90 mots spécialement adapté à partir des 100 mots universels de Morris Swadesh) ont étudié les corrélations entre deux groupes de langues de la région centrale de l'Afrique du Sud. U n de ces groupes comprenait les dialectes shona, très différents, parlés entre le Limpopo et le Zambèze, et l'autre les dialectes sotho, nguni, tsonga, chopi et venda — ce dernier groupe étant désigné sous le n o m de langues bantu du Sud-Est. Selon Ehret, les premières populations de langue shona se seraient développées dans ce qui est actuellement la Rhodésie, tandis que les proto-Bantu du Sud-Est se seraient implantés plus au sud, probablement dans le nord du Transvaal.

Page 18: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Problèmes de l'historiographie de l'Afrique australe

21

Ehret et ses collaborateurs ont trouvé la corrélation la plus forte entre le venda et le shona (55%), puis entre le tsonga et le shona (41 %), suivi du chopi (38%), du sotho (37%) et du nguni (35%).

Pour eux, le fait d'avoir mis en évidence que les Shona et les Bantu du Sud-Est forment des sous-groupes distincts sur le plan linguistique indique l'existence de deux centres de diffusion de la langue bantu vers des zones plus vastes de l'Afrique du Sud-Est. Les corrélations entre le shona et diverses langues du groupe bantu du Sud-Est leur paraissent prouver que le proto-nguni et le proto-sotho-tswana se sont diffusés rapidement depuis leur région d'origine où sont parlées les langues sotho, chopi, tsonga, qui restent encore actuellement confinées à la basse vallée du Limpopo, c'est-à-dire au nord-est du Transvaal. E n revanche, le nguni et le sotho-tswana se sont largement diffu­sés sur les deux versants de la chaîne du Drakensberg. Il est intéressant de comparer la thèse de Ehret et l'hypothèse d'histoire linguistique formulée par Guthree Greenberg pour expliquer la diffusion des langues bantu dans l'Afrique subsaharienne.

Si les déductions tirées de la linguistique historique nous amènent à émettre l'hypothèse d'une période prolongée d'interaction entre les groupes de langue shona, venda et tsonga dans la région située entre le Zambèze et le Limpopo (c'est ce que suggère Monica Wilson pour le nguni — voir Wilson et T h o m p s o n , 1969), nous devons examiner la question du nombre élevé de mots apparentés c o m m u n s aux groupes linguistiques sotho et nguni, ainsi que des ressemblances considérables constatées dans des pratiques c o m m e la filia­tion patrilinéaire, la circoncision et la polygamie.

D ' o ù pourraient provenir les ressemblances fondamentales entre les langues, les coutumes et les formes d'organisation socio-politique, sinon du type d'interaction qui se serait maintenu entre les groupes shona, sotho, venda et tsonga? D ' u n autre côté, on est frappé de voir que tous les autres groupes possèdent des totems pour indiquer les lignages, alors que les Nguni, en règle générale, n'en ont pas. D e plus, les clans nguni observent une stricte exogamie (tout c o m m e les Shona), alors que les intermariages sont non seulement pos­sibles, mais parfois recommandés parmi les populations sotho-tswana, venda et tsonga.

Aujourd'hui, presque tous les historiens reconnaissent que les cultures de l'âge du fer en Afrique du Sud ont été l'œuvre d'agriculteurs et de pasteurs de langue bantu qui produisaient leurs aliments tout en continuant à chasser les animaux sauvages et en exploitant des mines. Ces groupes bantu étaient également experts en métallurgie. Compte tenu de toutes ces données, il semble bien que ces h o m m e s , qui ont été les premiers à introduire le fer en Afrique australe, étaient les ancêtres des sociétés actuelles de langue bantu de cette région et qu'ils sont venus du nord.

Il ne serait pas inutile à ce stade, d'examiner brièvement l'évolution qui

Page 19: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

22 L. D. Ngcongco

s'est produite à la fin de l'âge du fer. U n certain nombre de tendances observées au début de cet âge se sont maintenues jusqu'à la fin. Mais les établissements étaient, en général, plus importants. Certains indices montrent que les popu­lations de la fin de l'âge du fer tiraient de l'agriculture et de l'élevage une plus grande partie de leurs ressources. Nous avons la preuve d'une exploitation étendue des minerais de cuivre et de fer affleurant au sud du L i m ­popo, alors que l'or était principalement travaillé au nord-est et au sud-est de la Rhodésie. U n exemple célèbre est constitué par la culture de Leopard's Kopje, en Rhodésie. Cette culture était florissante vers le IXe siècle de notre ère, et ses sites les plus connus sont ceux de K h a m i , près de Bulawayo, et de M a p u n g u b w e dans la vallée du Limpopo, juste à la limite du Transvaal.

E n Afrique du Sud, la fin de l'âge du fer est représentée par des sites de la zone Magaliesburg-Witwatersrand, qui sont caractérisés par de nombreux établissements entourés de murs de pierre (Mason, 1974). Mais, c o m m e pour le début de cette période, les données concernant la fin de l'âge du fer sont très insuffisantes. E n ce qui concerne la zone Magaliesburg-Witwatersrand, M a s o n et son équipe ont découvert que la continuité culturelle entre le début et la fin de l'âge du fer les autorisait à parler de ce qu'ils ont appelé l'âge du fer moyen .

D'après cette classification, l'âge du fer moyen se situerait « approxima­tivement entre l'an 1000 de notre ère et les années 1500 à 1600 » (Mason, 1974). Cet âge du fer moyen est représenté par les villages dégagés dans la région d'Olifantspoort, à Melville Koppies et à Platberg (près de Klersdorp). L a taille de ces villages varie entre une dizaine et une vingtaine de huttes, disposées suivant un plan à peu près circulaire ou elliptique, qui étaient peut-être entou­rées d'une palissade de bois ou d'épineux. Les huttes elles-mêmes avaient à peu près deux mètres de diamètre et un sol de torchis ou de terre battue. Les vestiges trouvés dans ces villages comprennent des poteries diverses, des dents de bovins, de moutons ou de chèvres, des outils de fer et, en certains endroits, « des grains de millet carbonisés bien conservés ».

Les cultures qui se situent, selon M a s o n et son équipe, à l'âge du fer m o y e n semblent donc bien avoir été le fait des communautés de langue bantu de l'Afrique du Sud, et presque certainement des peuples sotho-tswana. L a localisation de ces sites de l'âge du fer moyen , les grandes huttes regroupées en petits villages ou en hameaux, m ê m e si les murs de pierre n'étaient pas encore très nombreux à cette époque, tout cela paraît confirmer l'impression donnée par les traditions orales des peuples sotho-tswana, qui affirment que leur pays d'origine se situait près de Rathateng, au voisinage du confluent des fleuves M a d i k w e et Crocodile.

Suivant la classification de M a s o n , la fin de l'âge du fer, dans la région de Magaliesburg-Witwatersrand, à c o m m e n c é vers le début du xviie siècle. Le plus ancien site de la fin de l'âge du fer date du milieu du xvi8 siècle (1550

Page 20: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Problèmes de l'historiographie de l'Afrique australe

23

environ). C o m m e on l'a vu, les villages de la fin de l'âge du fer étaient beaucoup plus étendus que ceux du début ou du milieu de cette période. Sur le site d'Oli-fantspoort, datant du milieu du xvie siècle, M a s o n et son équipe ont dégagé au moins quatre-vingt-huit huttes bien conservées, sur un total de cent vingt dont les vestiges formaient des tertres bien marqués au-dessus du sol (Mason, 1974). L'architecture des villages de la fin de l'âge du fer semble avoir été plus complexe; en effet, les archéologues travaillant sur la section 20/71 d'OIifant-spoort ont constaté que les sols des huttes de la fin de l'âge du fer étaient sou­vent divisés en deux compartiments, séparés par des portes coulissantes. Les fouilles effectuées sur la section 32/71 du site de Platberg ont montré une nette correspondance entre la disposition des établissements préhistoriques de l'âge du fer et celle d'un kgotla bakwena moderne, celui de Bpo-Ntloedibi, à Molepolole.

Deux autres cultures de la fin de l'âge du fer avaient été identifiées pré­cédemment par M a s o n . Il s'agit des cultures de Uitkomst et de Buispoort, n o m m é e s d'après leurs sites. O n a constaté que les sites uitkomst étaient con­centrés dans la partie centrale du sud du Transvaal, près des sources de l'Odi (Crocodile), au voisinage de la ville moderne de Pretoria. Les sites de la culture de Buispoort, qui sont beaucoup plus denses, ont été trouvés principalement à proximité des districts de Rustenburg et de Zeerust, c'est-à-dire dans la région que les traditions des Sotho-Tswana désignent c o m m e leur centre de dispersion. Les sites uitkomst remontent à une période comprise entre 1060 et 1650. Le premier site buispoort remontait, pensait-on, à 1350 environ, mais, c o m m e il a été déjà signalé, un travail récent de M a s o n et de son équipe a permis de dater du v e siècle la section 94/73 du site buispoort de Broederstroom (Mason, 1973).

Après avoir réexaminé les traditions recueillies chez les Sotho-Tswana, Martin Legassick a établi une correspondance géographique entre la culture de Buispoort et le groupe de lignages kwena-hurutshe, ainsi qu'entre la culture de Uitkomst et le groupe de Kgala-Pedi (Legassick, 1969).

L a chronologie qui se dégage des recherches incomplètes et fragmentaires menées sur l'âge du fer au sud du Limpopo semble confirmer celle qui ressort des traditions orales des peuples sotho-tswana, bien que la chronologie de l'âge du fer ait fait reculer celle de la zone située au sud du Limpopo jusqu'au milieu du Ier millénaire de notre ère. Les dates fournies par les généalogies royales situent aux xive et xv e siècles la fondation de plusieurs Etats sotho-tswana; on peut supposer que ces indications générales ont trait à l'apparition des royaumes sotho-tswana, mais il ne faut pas confondre la formation d'Etats centralisés avec l'établissement initial des peuples sotho-tswana au sud du Limpopo, probablement bien des siècles auparavant. Et il n'est pas dit non plus que ce soit là le premier exemple de formation d'Etats.

Page 21: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

24 L. D. Ngcongco

Conclusions

Quelles conclusions provisoires pouvons-nous tirer de ce qui précède ? S'il est encore trop tôt pour se prononcer définitivement sur les migrations des peuples de langues bantu d'Afrique australe, on peut cependant affirmer que la date la plus fréquemment mentionnée et la plus généralement admise pour l'âge du fer en Afrique du Sud est le Ier millénaire de notre ère. Il est maintenant indubitable que les peuples qui ont apporté les cultures de l'âge du fer en Afrique du Sud étaient pour l'essentiel d'origine négroïde et qu'ils sont venus du nord.

Les traditions de la poterie indiquent des contacts entre les premières socié­tés de l'âge du fer en Afrique du Sud et celles de la Zambie et du Malawi (Nko-pe), et m ê m e des sociétés établies aussi loin au nord qu'à Kwale, dans le Kenya. D e plus, M a s o n a constaté des rapports entre la poterie de Broederstroom et celle de communautés vivant dans les régions côtières du Natal et du Transkei, tandis que Derricourt a soutenu que, du point de vue archéologique, les ressem­blances entre les poteries de la côte du Transkei et celles de N C Z (c'est-à-dire les poteries pré-zouloues des populations travaillant le fer au Natal) indiquent clai­rement un déplacement vers le sud des Nguni du Cap (Derricourt, 1974). D'après ces indices et d'autres dont nous avons parlé plus haut, il semble très probable que les peuples qui ont formé par la suite les deux groupes distincts des Nguni et des Sotho-Tswana étaient réunis à une certaine époque (du moins au début de l'âge du fer en Afrique australe). Il reste à résoudre les problèmes de chronologie.

L'étude des migrations bantu en Afrique australe se heurte toujours à de nombreuses difficultés. Si les Nguni et les Sotho étaient réunis à une cer­taine époque, quand et où se sont-ils séparés? Quels chemins ont-ils suivis dans leurs migrations vers le sud? Quand ont-ils franchi le Limpopo? Les Nguni ont-ils traversé le Limpopo avant ou après les Sotho (étant donné que l'on pense que les ancêtres des Nguni occupaient le site de Castle Cavern) vers le V e siècle de notre ère?

D e m ê m e , nous ne savons toujours pas pourquoi les sociétés des débuts de l'âge du fer ne semblent pas, pour la plupart, avoir connu l'élevage. Dans quelle mesure les données disponibles confirment-elles l'opinion d'Oliver et Fagan, selon laquelle les Nguni résultent de la fusion d'« un groupe de culti­vateurs et de pêcheurs, anciennement matrilinéaire... et d'un groupe patri-linéaire de pasteurs qui détestaient l'idée de manger du poisson»?

U n e autre difficulté tient au fait que la plupart des données archéologiques obtenues sur des sites de l'âge du fer au sud du Limpopo, c'est-à-dire sur les hautes terres du Transvaal et dans certaines zones de l'Etat libre d'Orange (à l'ouest du Drakensberg), se rapportent aux Sotho-Tswana. D'autres recherches archéologiques restent à faire dans les régions situées entre la chaîne du Dra­kensberg et l'océan Indien, ainsi qu'au sud du Mozambique, au Botswana, au Lesotho, au Swaziland et en Namibie.

Page 22: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de l'Afrique australe

David Chanaiwa

Cette étude se propose de fournir une analyse de l'historiographie des Etats actuels de l'Afrique australe: Afrique du Sud, Botswana, Lesotho, Swaziland, Namibie, Zimbabwe, Zambie et Malawi l . Le Comité scientifique international ayant demandé que cette étude se limite à vingt pages, nous avons fait un essai de classification afin de maîtriser et de délimiter ce qui, autrement, pourrait apparaître c o m m e très confus ou dispersé2. Sur la base des hypothèses et atti­tudes fondamentales des auteurs, de leurs thèmes principaux, de leurs méthodes, de leurs sources, de leur terminologie et du public auquel ils s'adressaient, nous avons donc distingué, dans l'historiographie de l'Afrique australe, diverses traditions — impériale, missionnaire, coloniale, africaine et libérale-révision­niste. Pour éprouver la validité de cette classification, nous nous sommes con­centrés sur les sujets les plus importants et les plus durables de l'histoire de l'Afrique australe : par exemple, la civilisation Zimbabwe, la révolution zouloue, le colonialisme, le grand Trek, le racisme et le nationalisme.

Pour prévenir tout risque de simplification excessive, nous tenons à sou­ligner que ces traditions ne sont pas nécessairement exclusives et bien déli­mitées. Certaines d'entre elles recouvrent les m ê m e s sujets; par exemple, les traditions impériale, missionnaire et colonialiste sont concernées par la révo­lution zouloue, et les traditions africaine et libérale-révisionniste par le racisme. Et, dans chaque catégorie, les auteurs présentent des divergences de style, de terminologie et de tempérament. E n outre, certaines traditions ont changé avec le temps et les circonstances. Mais il y a, dans chacune d'elles, un climat sous-jacent d'opinions, d'hypothèses et de solidarité qui justifie la catégori­sation et la généralisation. N o u s avons également apporté une profondeur historique en étudiant les traditions à travers trois périodes de l'historiographie : 1800-1900, 1900-1950, et 1950 à nos jours.

L a tradition impériale

La principale caractéristique de l'historiographie impériale est son orientation européenne. William Greswell dans Our South African Empire (1885), Sir

Page 23: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

26 David Chanaiwa

Harry Johnston dans British Central Africa (1897), Eric Walker dans A history of Southern Africa (1928), John S. Galbraith dans Reluctant Empire (1963), et Ronald Robinson, John Gallagher et Alice Denny dans Africa and the Victorians (1968) ont tous traité l'histoire de l'Afrique australe c o m m e un prolongement de l'histoire européenne, et plus particulièrement c o m m e un aspect de l'Empire britannique depuis 1783. Les historiens de l'Empire ont essentiellement étudié l'impérialisme britannique en Afrique australe c o m m e faisant partie de la politique internationale de l'Europe. Selon l'un d'eux, Arthur Percival Newton, «les destinées de l'Afrique australe se sont forgées au sein de l'Empire britannique, et leur configuration s'est modifiée sous l'in­fluence des forces qui ont affecté l'ensemble»3. Pour des raisons d'impérialisme, la majorité de ces auteurs mettent l'accent sur l'évolution politique en Europe et les intérêts stratégiques concernant la route maritime du C a p vers les Indes (par ex., Robinson et Gallagher, 1968).

Ils expliquent la dynamique interne de l'histoire de l'Afrique australe avant tout du point de vue du colonialisme, du nationalisme et de personnages éminents tels que Rhodes et Kruger (Walker 1934 et 1953, Millin 1933, Lockart et Woodhouse 1963, et Marlowe 1972). Ils traitent les missionnaires c o m m e des agents bien intentionnés de l'Empire et des intérêts britanniques. John A . H o b -son dans The war in South Africa (1900), John Harris dans The cartered millions: Rhodesia and the challenge to the British Commonwealth (1920) et Henry Labouchere dans Truth insistent sur les « conspirations » et les machinations rapaces de l'oligarchie financière, qui, disent-ils, entraînaient la Grande-Bretagne dans les guerres coloniales et l'exploitation inhumaine des Africains.

Mais, qu'ils fussent Jingoïstes, Little Englanders ou « négrophiles », les historiens de l'Empire ont généralement traité les Africains c o m m e des élé­ments de l'environnement (au m ê m e titre que la terre, la mer, les rivières et les minéraux) qui ont influé sur le développement de l'Empire britannique. Après avoir proclamé que le premier objet de sa recherche était les « causes politiques profondes» de l'unification de l'Afrique du Sud, Newton ajoute: « Les affaires indigènes ne sont évidemment pas comprises dans cet exposé, bien qu'elles aient souvent une incidence économique » (Newton 1924, p. xxi). Greswell s'excuse auprès de ses lecteurs de ne donner qu'un aperçu schéma­tique des cultures san, khoi khoi et sotho, en expliquant: « Cette référence aux races cafres m ' a amené à interrompre légèrement la continuité historique de mes chapitres par un tableau général des aborigènes d'Afrique australe *. » C e prétendu tableau général n'est en fait qu'une suite d'extraits, livrés tels quels, de récits de missionnaires, d'explorateurs et de colons.

Les historiens de l'Empire ont justifié l'ingérence et l'intrusion tant impé­rialistes que coloniales dans les sociétés africaines (zoulou, ndebele, bemba, ngoni, etc.) en mettant fortement l'accent sur les guerres « tribales », le c o m ­merce des esclaves et la « sauvagerie » (Johnston 1897, Greswell 1885, Newton

Page 24: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de l'Afrique australe

27

1924, Millin 1933, Marlowe 1972). Aussi l'expansion britannique est-elle traitée soit c o m m e une annexion destinée à empêcher qu'une zone déterminée (par exemple le Natal ou l'Afrique centrale) ne soit prise par un ennemi euro­péen potentiel (Portugais, Allemands ou Afrikaners) et utilisée contre les Bri­tanniques, soit c o m m e une intervention et une « pacification » humanitaires ayant pour objet d'éviter que les Africains et/ou les Boers n'entrent en guerre au détriment d 'eux-mêmes et des Britanniques. Mais, en tant qu'observateurs « distants », ils ont aussi idéalisé la « mission civilisatrice de la race britan­nique » et de la tutelle impériale. Bien qu'ayant c o m m e les missionnaires et les colons, des idées racistes pseudo-scientifiques sur l'infériorité supposée des Noirs, ils pensaient que 1'« indigène civilisé » était capable de progresser et de se perfectionner.

L a tradition des missionnaires

L a tradition des missionnaires fut l'une des formes les plus importantes de l'historiographie pendant la première et la deuxième période. Historiquement, les missionnaires et, dans une moindre mesure, les explorateurs furent les premiers Européens à observer, noter et étudier l'histoire, la culture et les langues africaines. C'est pourquoi les autres traditions dépendent, pour une large part, des archives des missionnaires pour ce qui est des sources « pri­maires ». Il est donc important de comprendre à la fois la nature et les limites de l'historiographie des missionnaires.

Les missionnaires de la première période étaient des produits du racisme pseudo-scientifique et du chauvinisme culturel de l'Europe6. Se qualifiant eux-mêmes d'avant-garde de la « civilisation chrétienne », ils se représentaient souvent c o m m e des serviteurs intrépides de Dieu, surmontant toutes sortes d'obstacles dus au climat et aux « indigènes » grâce à leur supériorité raciale, spirituelle, morale et technologique •. Le missionnaire était censé tenir un jour­nal et faire de la propagande en faveur des missions étrangères auprès des dona­teurs de la métropole. Les lecteurs attendaient les récits des succès retentissants de l'Evangile dans la lutte contre le « paganisme » sur le « continent noir » et cherchaient à ressentir les frissons de ce que devait être la vie « au-delà de la civilisation ». C o m m e l'a souligné Cairns, le missionnaire était « . . . déchiré entre les exigences de la vérité, les nécessités du prosélytisme et ses sentiments de fidélité envers les martyrs...7». Il avait donc des intérêts dans l'assassinat historique, culturel et racial des Africains. L e refus ou la caricature de la civi­lisation africaine conférait à l'entreprise des missionnaires un but, u n sens et une signification. C'est pourquoi l'historiographie des missionnaires de cette période se caractérisait par le journalisme sans scrupules et l'ethnographie à sensation.

Page 25: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

28 David Chanaiwa

Pour Robert Moffat, Mzilikazi était « un sauvage au sommet du pouvoir et un tyran sanguinaire et impitoyable » 8. A u x yeux du Révérend T h o m a s Morgan T h o m a s , dans Eleven years in Central South Africa (1873), les Ndebele étaient «des descendants dégénérés de C h a m » ; pour le Révérend D . Fred Ellenberger, dans son History of the Basuto: ancient and modern (1912), les San étaient des « sauvages absolument irresponsables » (p. 7) et les Sotho « gémissaient depuis des siècles sous le joug de la sorcellerie » (p. 248). L'Afri­cain était dépouillé de son histoire, de sa culture et de son humanité et accusé de cannibalisme, de polygamie, de superstition et de sorcellerie ; pour le distinguer c o m m e « noble sauvage », on avait inventé un vocabulaire spécial.

N o n seulement les missionnaires souscrivaient à l'idée d'impérialisme c o m m e les historiens de l'Empire, mais ils la percevaient en termes théologiques c o m m e une justification de la prophétie biblique (Mackenzie 1887, Moffat 1842, Carnegie 1894). Ils voyaient Dieu dans l'Histoire ou, plutôt, l'Histoire c o m m e Dieu. Dans Missionary labours and scenes in Southern Africa, Moffat affirme que « . . . l'Evangile du Christ est le seul instrument qui puisse civiliser et sauver tous les habitants et toutes les nations de la terre » (p. 11). Le Révé­rend François Coillard, auteur de On the threshold of Central Africa, prétend que la British South Africa C o m p a n y ( B S A C ) représente « la force, la civili­sation et le christianisme ». Puis il ajoute: « Dans cette grande lutte européenne pour le contrôle de l'Afrique centrale, l'Angleterre prend des mesures éner­giques afin de s'assurer la part du lion. Devons-nous la condamner? Faut-il s'en réjouir ou le déplorer? Qui peut déchiffrer l'avenir? L'important est de se rappeler que, au milieu des soubresauts des nations, c'est Dieu qui règne *. »

Par déduction théologique, les missionnaires concluaient que les Africains n'avaient pas d'histoire puisqu'ils n'avaient pas de « concept de Dieu », et, ainsi, ils sanctifiaient l'impérialisme par la justification divine. L'invasion par les colons des territoires zoulous, ndebele, xhosa, bemba et ngoni était une «guerre sainte» contre le «paganisme» (Carnegie 1894, Bryant 1911). L a destruction et la désorganisation des sociétés africaines étaient annoncées c o m m e des progrès. « L'époque tumultueuse et aventureuse est révolue, et l'on assiste chaque année à de grands changements parmi ces peuples primitifs. La civilisation est en train de modifier l'ensemble de la condition sociale des indigènes, et l'ancien ordre tribal est en voie de disparition10.» Ainsi, les missionnaires entouraient l'impérialisme d'une aura d'utopisme et d'univer-salisme religieux.

Les missionnaires avaient une vue ambivalente du colonialisme. Cer­tains d'entre eux, c o m m e John Moffat et David Carnegie, préféraient l'expan­sion coloniale à l'expansion impériale, car ils estimaient que la première était plus efficace, plus réaliste et donc plus rentable u . Mais, en général, ils accor­daient plus d'importance à la tutelle humanitaire et à l'administration impé­riale que la moyenne de leurs concitoyens. Parmi ceux-ci, certains, c o m m e

Page 26: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de l'Afrique australe

29

John Philip et John Mackensie, prirent le parti de « lutter » pour les « droits des indigènes » i a . Leur ambivalence provenait du fait qu'eux aussi, c o m m e les écrivains impérialistes et colonialistes, croyaient en la supériorité « inhérente » à la race et à la culture blanches et qu'ils considéraient la colonisation, le commerce et le christianisme c o m m e des alliés inséparables (Philip 1828, Livingstone 1866, Mackensie 1887, Howitt 1838). C'étaient des philanthropes aux idées larges qui cherchaient à adoucir les contacts culturels entre le colo­nisateur et le colonisé.

Ils étaient préoccupés, en premier lieu, par les mauvais exemples que donnaient (aux Africains) les éléments irreligieux et matérialistes des popula­tions d'immigrants. Ils s'opposaient à l'expansion incontrôlée et à la brutalité des colons ainsi qu'à l'exploitation des Africains. D a n s Colonization and Christianity, William Howitt déplorait « le mal monstrueux et universel c o m ­mis par les Européens à rencontre des aborigènes de chacune des régions où ils se sont installés ». D a n s Austral Africa, losing it or ruling it, Mackensie dénonçait la « . . . politique répressive d'une certaine catégorie de politiciens coloniaux... la conquête, la spoliation et la dégradation perpétuelle de tous les gens de couleur » (p. 493). Il proposait une formule pour une colonisation de l'Afrique centrale contrôlée par la métropole, définissant m ê m e la structure et la fonction du gouvernement. Hostile à Cecil Rhodes, à la B S A C et aux m o n o ­poles, il souhaitait que le gouvernement britannique organisât la colonisation, fixât des prix pour la terre (obtenue par la conquête), accordât des prêts à faible taux d'intérêt, perçût des impôts et finançât la construction de routes, de chemins de fer et de barrages.

L'historiographie des missionnaires se modifia légèrement au cours de la deuxième période — 1900-1945 — ou période coloniale proprement dite. Les missionnaires convertissaient alors les Africains écrasés et soumis, dont les dieux et les esprits s'étaient révélés impuissants et avaient pu être vaincus et dont la culture avait été anéantie. Les missionnaires et leurs convertis étaient en sécurité; quant aux coutumes africaines, considérées c o m m e non chrétiennes, elles étaient interdites par des décrets coloniaux. E n outre, il y avait de n o m ­breuses industries européennes pour prendre en main les sociétés africaines. D a n s cette atmosphère détendue, les missionnaires perdirent non seulement certains de leurs traits messianiques et agressifs, mais encore entreprirent, avec de bonnes intentions, quoique un peu au hasard, d'étudier le passé africain.

Leurs motifs étaient d'abord d'ordre utilitaire: il s'agissait d'« éviter les erreurs les plus dangereuses par pure ignorance de la véritable nature des rites ou des superstitions (africains) » 1 3 . Certains missionnaires espéraient aussi atténuer, en les condamnant, les préjugés, le racisme et l'exploitation euro­péens, notamment après l'unification de l'Afrique du Sud et les victoires crois­santes de l'apartheid, et après l'instauration d'un gouvernement colonial en

Page 27: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

30 David Chanaiwa

Rhodésie du Sud. Ils espéraient influencer les commissaires de district, les colons, les autres missionnaires et les Africains instruits. « C e livre s'adresse à ceux qui peuvent influencer le développement des Africains, aux autorités qui s'occupent d u problème dit indigène, et aux Africains instruits14...» D'autres missionnaires voulaient réellement entreprendre une historiographie du passé africain. « L'importance de cet ouvrage ne sera peut-être pas pleine­ment perçue à l'heure actuelle; mais sa valeur durable sera mieux appréciée dans cent ans: les historiens d'origine indigène, qui commenceront alors à apparaître, nous sauront gré d'avoir consigné ici pour la postérité le tableau de la civilisation simple de leurs ancêtres16. » Ces premiers africanistes, ban-touistes ou ethnographes ( c o m m e ils s'appelaient eux-mêmes), se mirent à « étudier » l'histoire africaine et à observer les caractères physiques, psychiques, sociaux et moraux des Africains, ce qui donna lieu à une prodigieuse produc­tion littéraire.

Mais, en dépit de leurs objectifs déclarés, les missionnaires écrivirent l'histoire africaine conformément aux attitudes, aux curiosités et aux théories (par exemple, la théorie chamitique) de leur temps. D a n s leur pharisaïsme d'experts promus par eux-mêmes à ce rang, ils négligèrent les traditions orales africaines, s'en tenant aux conjectures, aux ouï-dire et aux récits d'autres mis­sionnaires, d'explorateurs et de colons. Ils continuèrent à traiter l'histoire africaine c o m m e une « civilisation simple », utilisant la m ê m e terminologie qu'auparavant (sauvages, barbares, primitifs, etc.). L a religion était supersti­tion et les royaumes, tribus. E n fait, on a l'impression qu'ils décrivaient l'his­toire de l'Afrique pour prouver que les Africains ne possédaient pas de civi­lisation et qu'ils avaient « besoin » du christianisme et de l'européanisation. Ils percevaient rarement des différences entre les Africains, qui n'étaient, à leurs yeux, qu'une masse de « païens ». Rois, soldats, accoucheuses, artisans et sorciers africains étaient tous considérés en bloc c o m m e des agents des ténèbres historiques, issus de la « malédiction de C h a m ».

L a tradition africaine

Comparativement, l'historiographie africaine est celle qui s'est le plus modifiée de la première à la dernière période. L'historiographie de la première époque était essentiellement une version africaine de la tradition des missionnaires. Ses auteurs étaient des intellectuels chrétiens, instruits dans les écoles des missions et tributaires des presses à imprimer des missionnaires14. 11 s'agissait d'abord et avant tout de prêtres et d'enseignants psychologiquement coupés de la culture africaine et, par conséquent, d 'eux-mêmes. Ainsi, John Tengo Jabavu (1859-1921), le célèbre fondateur et rédacteur en chef de Imvo Zabant-sundu, était un méthodiste fervent, Tiyo Soga (1829-1871) fut le premier pas­teur presbytérien ordonné en Grande-Bretagne, et Walter B . Rubusana (1851-

Page 28: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de l'Afrique australe

31

1916), premier m e m b r e africain du Conseil provincial du C a p , était un pasteur congrégationaliste. Ils acceptaient le colonialisme c o m m e un état de fait, admiraient l ' h o m m e blanc pour son pouvoir, sa richesse et sa technologie, et acceptaient l'infériorité culturelle supposée de la race noire17.

Ils souscrivaient à l'universalisme et à l'utopisme des missionnaires, et voulaient, au sein du système colonial, élever les Africains jusqu'à la « chré­tienté civilisée » grâce au christianisme, à l'éducation et aux écoles profession­nelles. Mais, contrairement aux missionnaires, ils étaient également influencés par la doctrine de l'autodétermination économique noire de Booker T . W a s ­hington et par le panafricanisme de l'Eglise épiscopale méthodiste africaine. Ils fondèrent des confréries (par exemple l'Ecole professionnelle chrétienne zouloue et la Business League bantu du Natal de John Langalibalele D u b e ) , ainsi que des journaux et des groupes musicaux, copiés sur le « modèle de Tuskegee ».

Q u a n d ils écrivaient, ils étaient motivés, semble-t-il, par des raisons intellectuelles ou religieuses, et non par la conscience de l'histoire africaine. Ils traduisirent des œuvres anglaises d'inspiration religieuse en dialectes afri­cains. Ainsi, Tiyo Soga traduisit Pilgrim's progress en xhosa (U-Hambo Lom-Hambi), Rubusana traduisit Steps to Christ de E . G . White, Samuel Edward Krune Mghayi traduisit Aggrey of Africa (U-Aggrey wase Afrika) de E . W . Smith. Ils écrivirent des poèmes tirés de thèmes européens, à côté de récits sur l'histoire et les coutumes africaines et de proverbes (par ex. U-Tywala de Tiyo Soga). Ils composèrent aussi de la musique (principalement des hymnes), c o m m e Amaculo ase Lovedale (l'hymne de Lovedale) de John K n o x B o k w e , le fameux Nkosi Sikeleli I-Africa (Dieu bénisse l'Afrique) d'Enoch Sontoga, et le célèbre Ulo Thixo Omkhulu, Ngose Zulwini (Le Seigneur haut dans le ciel) de Ntsikana. O n assista aussi, pendant cette période, à une prolifération de journaux africains: Imvo de Jabavu, Leselinvana de la mission du Lesotho, Indaba de Lovedale, Isigidimi de William Wellington G q o b a , Izwi La Bantu (La voie du peuple) de Nathaniel Cyril Mhala, etc.

Dans l'ensemble, ces Africains écrivaient des ouvrages religieux et didactiques destinés aux Noirs instruits et au m o n d e des Blancs, missionnaires ou libéraux. Ils composaient des sermons sous la forme de poèmes, de romans et de musique. A l'instar des missionnaires, ils étaient opposés à la polygamie, au paganisme, à la superstition et à la sorcellerie, et ils ne voyaient ni Dieu ni grandeur dans le passé africain. Ils espéraient faire entrer les Africains dans le m o n d e des Européens, et avaient foi en eux-mêmes, dans le christianisme, les missionnaires et les Blancs libéraux. N o n seulement ils négligèrent l'histoire africaine, mais encore ils ne perçurent pas les réalités du colonialisme. Toutefois, bien que leurs œuvres ne soient pas historiques, elles sont inestimables du point de vue historiographique dans la mesure où elles révèlent l'histoire sociale et intellectuelle de l'Afrique australe au xixe siècle.

Page 29: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

32 David Chanaiwa

Les intellectuels africains de la deuxième période appartiennent à l'ère coloniale proprement dite et en sont le reflet. Ils ont connu en tant qu'obser­vateurs ou participants, les guerres frontalières, la guerre contre les Boers, la rébellion zouloue (1906), les soulèvements ndebele-shona, la rébellion barwe, et la première guerre mondiale. Plus important encore, ce sont eux qui ont supporté le plus lourd fardeau du colonialisme, avec son apartheid, ses lois discriminatoires, son travail obligatoire et ses humiliations. Ils étaient entourés de frères africains victimes du « problème noir », qui, selon la description de Davidson D o n Tengo Jabavu, étaient alors « sans terre, sans droit de vote, des esclaves, des parias, des exclus sociaux dans leur propre pays, sans aucun avenir possible » 1 8 . Leur œuvre se caractérise par le fait qu'elle est un témoi­gnage presque direct sur l'époque, par la conscience raciale qui s'en dégage, et par « un sentiment croissant de défiance vis-à-vis de l'autorité de l ' h o m m e blanc, une perte de foi dans ses protestations de bonnes intentions, et une perte de confiance dans la vieille protection bienveillante de la constitution bri­tannique » 1 9 . C e fut l'époque des revendications non violentes des Africains concernant les droits civiques — illustrée par le South African National Congress, la Southern Rhodesia Native Welfare Association et le Northern Rhodesia African Congress — et celle du syndicalisme, du séparatisme et de l'éthiopianisme.

Les pensées et les actions de ces Africains visaient essentiellement à expo­ser et à corriger (espéraient-ils) les « restrictions imposées aux indigènes » et, par conséquent, à produire une historiographie à tendance réformiste. U n des livres les plus fameux de cette période, Native life in South Africa, before and since the European war and the Boer rebellion (1916), de Solomon Tshekiso Plaatje, traite de l'histoire du Land Act et de la ségrégation en Afrique du Sud. Son objectif était de présenter « le tableau sincère d'une triste situation dans lequel, malgré toutes ses insuffisances, je m e suis efforcé de décrire les diffi­cultés des indigènes sud-africains confrontés à une loi très étrange, de façon à être entendu le plus aisément possible des lecteurs sympathisants » (p. 11). Davidson D o n Tengo Jabavu écrivit The black problem (1920), Criticism of the native bills (1935) et Native disabilities in South Africa (1935). Quelques ouvrages, c o m m e The South-Eastern Bantu (1930) et Ama-osa: life and customs de John Henderson Soga, Mekhoa le Maele a Basotho (Coutumes et proverbes des Basuto) d'Azariele Sekese, et Moeti oa Bochabela (Le voyageur de l'Est) de T h o m a s M o k o p u Mofólo, traitaient des traditions et des coutumes afri­caines. Les auteurs de cette deuxième période continuèrent à écrire des poèmes, des romans et de la musique, ainsi qu'à faire paraître des journaux africains, c o m m e ceux de la première époque. Ils écrivirent aussi des autobiographies et des biographies (par exemple, U-Shembe de D u b e , John Tengo Jabavu de Jabavu et Chaka de Mofólo).

D ' u n e façon générale, leur historiographie oscillait entre l'élitisme et

Page 30: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de l'Afrique australe

33

l'action de masse, l'espoir et le désespoir, la modération et le militantisme. Ils se considéraient c o m m e les mieux informés de l'histoire, de la culture et des intérêts africains. Jabavu dit « . . . il n 'y a qu 'un indigène pour connaître un indigène ». Il déclara qu'il écrivait son livre pour les futurs chercheurs afri­cains. « Je dis intentionnellement les chercheurs africains; en effet, quelles que puissent être la sympathie et la générosité d 'un Européen, il ne peut entre­prendre une telle tâche avec la connaissance détaillée et l'enthousiasme que seul peut posséder un Africain, lui-même victime de la pénible situation et des difficultés dont il est question20. » Cependant, ces historiens s'adressaient non pas aux masses africaines de leur temps, qu'ils considéraient souvent c o m m e composées de « paysans frustes », mais au public britannique, aux mission­naires, aux commissaires de district et aux Blancs libéraux. Plaatje plaidait pour la tutelle impériale « au n o m de cinq millions de loyaux sujets britanniques qui supportent chaque jour le fardeau de l'homme noir »2 1 . L'ambition de Jabavu était de fournir un « . . . exposé exhaustif et pratique du problème indigène par un indigène... formulant des critiques à la fois négatives et constructives ».

Ainsi, tandis que les missionnaires écrivaient l'histoire africaine préco­loniale, les Africains s'intéressaient essentiellement aux lois coloniales, à leur origine, à leur nature et à leurs effets. Ils ne recherchaient m ê m e pas les causes du colonialisme en lui-même, de la résistance africaine, du séparatisme et de l'éthiopianisme. Leur dépendance à l'égard des presses des missionnaires, leur orientation réformiste, libérale et chrétienne, et leur idéologie politique de type élitiste empêchaient que ne se développât chez eux une véritable conscience de l'histoire africaine22. A l'instar de leurs prédécesseurs de la première période, des missionnaires et des libéraux blancs, ils continuaient à compter sur le christianisme, l'éducation, le savoir-faire professionnel et la bonne volonté humaniste pour le développement africain. Leur importance, cependant, réside dans la vaste documentation scientifique contemporaine qu'ils réunirent sur le fonctionnement et les effets internes du colonialisme, laquelle donne un aperçu historique inestimable.

L'historiographie coloniale

L a tradition coloniale est le seule qui ait été largement analysée; c'est aussi la plus solide, celle qui reflète pleinement les réalités et les nécessités régionales du colonialisme. J'ai m o i - m ê m e étudié l'historiographie coloniale du Z i m ­babwe dans The Zimbabwe controversy: A case of colonialist historiography (1973). F . A . van Jaarsveld dans The Afrikaner's interpretation of South African history (1963) et Leonard M . T h o m p s o n dans Afrikaner nationalist historio­graphy and the policy ofapartheid(1962) ont analysé l'historiographie afrikaner.

Page 31: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

34 David Chanaiwa

L'historiographie coloniale est principalement fondée sur plusieurs facteurs interdépendants qui peuvent être classés c o m m e suit: prédispositions — les complexes relatifs à l'idéologie, aux attitudes et aux institutions antérieures à la partition et à la conquête de l'Afrique australe (par exemple le racisme pseudo-scientifique, la théorie chamitique, le calvinisme et le capitalisme); facteurs historiques — la migration, la conquête et la soumission de peuples autochtones étrangers, hostiles et considérablement plus nombreux (par exemple le grand Trek, la colonne des pionniers, la guerre anglo-zoulou, la guerre anglo-ndebele, la guerre anglo-boer et la rébellion barwe) ; conjonctures — les épreuves et les tribulations endurées pour maintenir la suprématie coloniale étrangère, la cohésion et la souveraineté contre le ressentiment, le nationalisme africain et la guérilla.

Les prédispositions des historiens de la tradition coloniale étaient sem­blables à celles des missionnaires et des historiens de l'Empire. Mais le contexte historique et conjoncturel dans lequel ils se trouvaient les distinguait non seule­ment des missionnaires, des impérialistes et des Africains, mais aussi des autres colonisateurs européens d'Afrique, à l'exception de quelques-uns au Kenya et en Algérie. Tandis que les missionnaires s'intéressaient à l'âme des « bons sauvages » et que les impérialistes contribuaient à la « puissance de l'Empire », les colons volaient les terres, les troupeaux et la force de travail des Africains. Ils devaient vaincre, déposséder et exploiter ceux-ci.

L'histoire de la première période, caractérisée par les luttes de frontière, la spéculation, la guerre et les rébellions, fut écrite essentiellement pour justifier les invasions, les massacres et le pillage. D a n s Downfall of Lobengula, the cause, history and effect of the Matabele war (1894), W . A . Wills et L . T . Collin-gridge nous demandent d'accepter « . . . c o m m e une loi le fait que, lorsque des sauvages entrent en contact avec une civilisation avancée, des motifs de friction doivent nécessairement apparaître, et que cela se termine toujours par l'assu­jettissement du peuple inférieur » (p. 11), et que la guerre est une « lutte entre la civilisation et la barbarie ».

D a n s History of the Zulu war (1880) d'Alexander Wilmot, History of South Africa (1888) de George McCall Theal, Sunshine and storm in Rhodesia (1896) de Frederick Courtney Selous, A century of wrong (1900) de F . W . Reitz, The history of our land in the language of our people (1877) de S. J. du Toit, les Africains sont invariablement présentés c o m m e « des voleurs de troupeaux », des « pillards sans merci », des « tribus indigènes belliqueuses », des traîtres, des menteurs, etc. Les causes des guerres de frontière étaient toujours les vols, la perfidie des Africains et le « massacre » par ceux-ci d'« innocentes » femmes blanches; ou bien il s'agissait de missions de « secours » en faveur d'« alliés » africains. D a n s History of the Boers in South Africa (1887), Theal dit que « Tshaka gouvernait son peuple avec une cruauté à peine compréhensible des Européens » et que « seuls des h o m m e s à la peau noire et aux coutumes bar-

Page 32: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de l'Afrique australe

35

bares » pouvaient comprendre (p. 29). Les récits de ces guerres de frontière, de m ê m e que ceux des pionniers missionnaires, étaient écrits hâtivement et à chaud après les batailles et les occupations menées par des colons-soldats ou des spéculateurs convertis en historiens. Aussi reflètent-ils l'inquiétude, l'aliéna­tion et l'instabilité qui régnaient aux frontières, mais aussi le désir de leurs auteurs de faire participer les lecteurs métropolitains aux dangers et aux é m o ­tions qui étaient les leurs sur le « continent noir ».

Cependant, l'historiographie en langue anglaise et l'historiographie afrikaner différaient en ce qui concerne l'impérialisme britannique, les mission­naires et le nationalisme afrikaner. Les auteurs d'origine anglaise (Wilmot 1880, 1894, Wilmot et Chase 1869, Wills et Collingridge 1894, et Selous 1896), qui appréciaient la protection diplomatique et l'aide militaire britanniques, étaient partisans de l'impérialisme mais hostiles aux sentiments humanitaires d'Exerter Hall et surtout de la Société pour la protection des aborigènes. Ils étaient favorables aux Anglo-Saxons et souvent hostiles aux Afrikaners. D a n s l'introduction de Downfall of Lobengula, Selous déclare: « E n conclusion, je dirai que l'effet politique de la conquête du Matabeleland tendra à assurer la suprématie finale des Anglo-Saxons en Afrique du Sud, car les Etats hollandais sont maintenant complètement encerclés... » (p. 12). Quant aux auteurs afri­kaners (Du Toit 1887, Reitz 1900), ils concentraient toute leur attention sur les « m a u x qu'enduraient les Boers par la faute des Britanniques », des mission­naires et des Africains. Les principaux sujets de leurs récits étaient les Black circuits, Slaghter' nek (1815), l'émancipation, le grand Trek, la «guerre de Dingaan», l'occupation britannique du Natal, la Keate Award, Majuba , l'expédition Jameson et la guerre anglo-boer. Leur thème central était celui d'un « peuple élu », aimant Dieu et la paix, qui avait transformé l'Afrique du Sud de « désert en terre promise », qui traitait les esclaves, dans la colonie du C a p , « mieux » qu'ils ne l'étaient « dans certaines autres possessions britan­niques, c o m m e par exemple les Indes occidentales », et qui était persécuté par les Britanniques en raison de l'ignorance des secrétaires d'Etat anglais concer­nant « les affaires locales d'un continent à six mille lieues de leur expérience et de leur entendement » et de la « conspiration de la tromperie » de la part des agents locaux de l'Empire et, plus particulièrement, des missionnaires qui étaient les « défenseurs aveugles de tout ce qui était indigène ». Les colons anglais, Rhodes et la B S A C étaient généralement traités d'agents de l'impé­rialisme britannique, et les Africains de traîtres et d'alliés des Britanniques par l'entremise des missionnaires. Ainsi, l'historiographie afrikaner de cette période reflète un mélange de calvinisme, de complexe de la persécution, de mentalité de pionnier et de racisme.

L'historiographie de la deuxième période, tant d'expression anglaise qu'afrikaner, était fondée principalement sur les facteurs conjoncturels de l'époque. Les colons se trouvaient alors confrontés aux problèmes caractéris-

Page 33: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

36 David Chanaiwa

tiques de l'auto-identité et de l'autodétermination dans un environnement étranger et hostile. Ils avaient besoin non seulement d'historiens, mais encore d'une tradition historique distincte qui leur soit propre; une tradition qui serait la base de leur colonialisme particulier et qui donnerait une signification et u n but aux individus blancs et les inciterait à une participation active. Les dirigeants politiques allèrent m ê m e jusqu'à n o m m e r des « historiens officiels lauréats » (par exemple Theal pour la colonie du C a p , Richard Hall, puis H u g h Marshall Hole pour la Rhodésie du Sud). C o m m e les missionnaires, les histo­riens coloniaux se mirent, eux aussi, à étudier le passé africain précolonial. Ils écrivirent sur les migrations bantu, la révolution zouloue, Mfeqane, la civi­lisation Zimbabwe, les migrations nguni et le trafic des esclaves — qui sont les principaux sujets de l'histoire africaine d'aujourd'hui.

Mais leur approche de l'histoire africaine était négative. Leurs objectifs étaient: a) d'écrire une histoire de l'Afrique australe blanche c o m m e neige; b) de dépouiller les Africains de leur histoire, de leur patrimoine culturel et de leur humanité; c) de mettre l'accent sur la lutte raciale c o m m e thème central de l'histoire de l'Afrique australe.

U n cas typique, à cet égard, est l'historiographie coloniale de la civili­sation Zimbabwe M. Le spectre des « ruines Zimbabwe » et le fait que le peuple shona, qu'ils avaient prétendu coloniser pour toujours, affirmait être l'artisan de cette civilisation ont constamment hanté les colons les plus endurcis de la Rhodésie. E n conséquence, leurs « historiens lauréats » se sont démenés pour prouver les origines étrangères de ces «ruines» (Hall 1905, 1909, Paver 1957, et Bruwer 1965). Selon Hall, la civilisation Zimbabwe était « l'importation de la culture asiatique dans sa forme la plus parfaite à la suite de l'installation en Rhodésie des Arabes, des Perses et des Indiens qui, aux temps préhistoriques, étaient venus y exploiter les gisements aurifères » M. Bruwer affirme que « . . . ce furent les Phéniciens, les plus remarquables commerçants, mineurs, marins, bâtisseurs, inventeurs, fabricants et colonisateurs de leur temps, qui firent cet effort extraordinaire qui bouleversa la Rhodésie quelques siècles avant et quelques siècles après le début de l'ère chrétienne » 2 5 .

Les Sémites sont censés s'être installés en Rhodésie et avoir creusé des mines et construit des édifices en pierre entre 2000 et 900 avant J . - C . Ils auraient dominé l'histoire de la « Rhodésie » à cette époque. Vers 900 après J . - C , nous dit-on, les Bantu seraient arrivés et auraient provoqué l'extinction tragique de la race sémitique et l'inévitable « cafirisation » de la civilisation Zimbabwe. Les Sémites auraient été soit « exterminés par les Cafres », soit absorbés dans la race négroïde par mariages mixtes, soit encore anéantis par des maladies tropicales endémiques. Finalement, ils auraient perdu à la fois leur identité physique et leur culture supérieure. « L a culture Zimbabwe partagea le destin inévitable de toutes les civilisations importées sur le continent africain, que ce fût à Carthage ou en Egypte. Aussi longtemps que la relation avec la puissance

Page 34: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de V'Afrique australe

37

étrangère se maintenait, elles se maintenaient elles aussi, mais dès que cette relation était compromise, elles étaient inévitablement condamnées à être sub­mergées et à tomber dans l'oubli2S. » L a période supposée de domination bantu, que Hall situe entre 900 et 1650 après J . - C . , devint la « période bâtarde ».

Ainsi, les historiens tant britanniques qu'afrikaners transformèrent le racisme pseudo-scientifique et le chauvinisme culturel de l'Europe du xixe siècle en une idéologie coloniale qui, à son tour, justifiait et consolidait le colonia­lisme lui-même. Ils traitèrent le processus historique c o m m e une simple lutte raciale entre des êtres supérieurs blancs et des « indigènes », entre des bons et des méchants, et entre la vie et la mort (Bell 1909, Evans 1916, Leyds 1906, Preller 1930, 1937, et Cronje 1945, 1946, 1947). Archibald R . Colquhoun, qui fut le premier administrateur de la B S A C au Mashonaland, déclara dans The Africander land que, « eu égard au caractère racial de la nation, dénier cette loi de la solidarité (anglo-afrikaner) équivaut à fermer les yeux sur tout le cours de l'histoire... » (p. 7). Il était « absolument opposé à l'idée de mélange des races ». Avec ses collègues historiens britanniques, il prônait la théorie dite « de l'ardoise nette », c'est-à-dire la réconciliation entre les Britanniques et les Afrikaners pour l'instauration d'un « patriotisme sud-africain unique et sans réserve » 2 7 . A leurs yeux, le problème noir était « la première, la plus grande et la plus pressante de toutes les questions difficiles qui se posent » 2 8 . C o m m e les Afrikaners, ils condamnaient alors les « agents impitoyables et sans scrupules de l'impérialisme (britannique) », tels Chamberlain et Milner ( M c C o r d , p . 13), l'éducation dispensée par les missionnaires et l'urbanisation des Africains.

Les historiens afrikaners, cependant, ne répondirent que partiellement à la « théorie de l'ardoise nette » des historiens anglais. Ils voulaient, d'abord, corriger l'historiographie anglaise de l'époque précédente qui les avait « mal représentés », en récrivant l'histoire de l'Afrique sud-africaine du point de vue afrikaner (Leys, Cronje, Preller, etc.). Ils reprirent à leur manière les thèmes créés par leurs prédécesseurs et publièrent de nouvelles bibliographies et de nouvelles notes. L'impérialisme britannique était toujours traité c o m m e « une s o m m e d'erreurs stupéfiantes », et l'accent était mis sur ses « méthodes bar­bares », sa perfidie, et sur les missionnaires, qualifiés de négrophiles gênants.

Mais leur cible principale était les Africains. C o m m e celle des historiens britanniques, leur historiographie était fondée sur la conscience raciale, à laquelle s'ajoutait une attitude paternaliste vis-à-vis des Britanniques. Us s'efforcèrent non seulement de dépouiller les Africains de leur histoire, mais encore de prouver que les Afrikaners étaient les premiers habitants de l'Afrique du Sud. « Les Cafres étaient des envahisseurs venus du nord, et ils ne se mani ­festèrent qu'après que la colonie du C a p eut été occupée depuis plus d'un siècle2»»; cette assertion devint le mythe central de leur historiographie, et elle s'est maintenue jusqu'à ce jour30. L'infléchissement actuel est la nouvelle insistance sur le « tribalisme bantu », par opposition à la solidarité des Blancs.

Page 35: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

38 David Chanaiwa

Les Afrikaners, les Britanniques, les Juifs, les Allemands, et m ê m e les Japonais sont considérés c o m m e formant une seule communauté ethnique nationale blanche, tandis que les Africains sont subdivisés en Zoulous, Xhosa, Sotho, Tswana, Tonga et Pedi. C'est ainsi que Rhoodie, un élève de Cronje, déclare dans Apartheid and racial partnership in Southern Africa (1969): « D e ce qui vient d'être dit, on peut clairement déduire que le groupe blanc est, du point de vue numérique, la plus grande communauté ethnonationale d'Afrique du Sud, contrairement à la croyance courante selon laquelle les Blancs constituent une minorité31. » Pour Rhoodie, c o m m e pour ses prédécesseurs, l'histoire est encore une « lutte raciale » (p. 7).

Dans la troisième période, l'historiographie colonialiste anglaise de l'Afrique du Sud a été éclipsée par celle des Afrikaners. Mais l'historiographie rhodésienne s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui. L'historiographie de Bruwer dans Zimbabwe, de A . J. Peck dans Rhodesia condemns (1968), de D e s m o n d Lardner-Burke dans Rhodesia: the story of crisis (1966) et de Lewis H . G a n n dans A history of Southern Rhodesia (1965) est sensiblement la m ê m e que celle de Hole dans The making of Rhodesia (1926) et de Hall dans Pre-historic Rho­desia (1909). La seule différence tangible réside dans la plus grande subtilité des méthodes de sélection, d'omission et de présentation, et le souci du détail de G a n n et aussi, quoique dans une moindre mesure, de Hole, par opposition aux méthodes plus grossières d'invention, d'argumentation et de documentation de Hall, Peck, Bruwer et Lardner-Burke.

L a tradition libérale-révisionniste

Les racines de l'historiographie révisionniste actuelle remontent à la culture européenne humanitaire de la fin du xixe siècle, et notamment à la « tradition libérale du C a p » illustrée par l'octroi du droit de vote dans la province, l'Insti­tut sud-africain des relations raciales (South African Institute of Race Rela­tions), le South African National Congress, le Parti libéral (Liberal Party) d'Afrique du Sud, le Parti fédéral uni (United Federal Party) de Rhodésie et du Nyassaland, et par John X . Merriman, Jan Hofmeyr, Garfield Todd, et Albert Luthuli32. Sa force de base a toujours été un libéralisme sud-africain professé par des Africains, des métis, des Asiatiques et des Blancs qui ont cherché à réduire la discrimination raciale et à octroyer des droits égaux à « tous les h o m m e s civilisés » dans le cadre du système parlementaire colonial existant. C o m m e l'a écrit Alfred Hoernle dans South African native policy and the liberal spirit (1939), c'était un libéralisme qui, sans aller jusqu'au « rêve utopique » de la « grande société universelle, dotée d'une religion mondiale, d'une culture mondiale et peut-être d'une langue mondiale, prônée par les missionnaires et les ' indigénistes ' philanthropes », imaginait « une autre

Page 36: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de l'Afrique australe

39

manière de concevoir l'idéal d'universalité » dans un m o n d e sud-africain «multiracial» (p. xii).

Les libéraux blancs étaient d'abord et avant tout des « Européens » et des colonisateurs. D e m ê m e que les historiens impérialistes, colonialistes et missionnaires, ils étudièrent l'histoire d'un point de vue « eurocentrique », c o m m e des gens « possédant le pouvoir politique, jouissant d'une situation sociale privilégiée et bénéficiant de la supériorité économique et culturelle dans un pays dont la majorité des habitants étaient des non-Européens qu'ils étaient parvenus à dominer par la conquête » (Hoernle, pp. xii et xiii). C o m m e le souligne Hoernle, les libéraux étaient partisans de la suprématie blanche parce qu'ils étaient convaincus qu'« aucun progrès ne pouvait avoir lieu en Afrique du Sud si ce n'était avec le consentement du groupe blanc dominant » (p. 167), et que l'assimilation culturelle et le suffrage des adultes entraîneraient le « rem­placement » d'« une culture supérieure » par « une culture plus primitive » (p. 165).

Leur historiographie est caractérisée principalement par la critique socio-politique, fondée sur la conviction, exprimée dans Liberalism in South Africa de Leo Marquand, que « les esprits des h o m m e s et des femmes sont les garants de la liberté civile » (p. 52). Pendant la première période, l'historiographie libérale, c o m m e celle des abolitionnistes et des missionnaires philanthropes, fut préoccupée par le matérialisme, l'instinct de destruction et la brutalité du colonialisme et par les appels à la tutelle impériale. Ainsi, dans History of the Zulu war and its origin (1880), Frances E . Colenso dénonce la guerre: « Les collisions entre l'Angleterre et les peuples barbares vivant aux frontières de ses colonies ont très probablement été provoquées d'une façon générale par les exigences du m o m e n t , par des troubles frontaliers et des actes de violence et d'insolence de la part des sauvages, et par la nécessité absolue de protéger des assauts de ceux-ci une petite population blanche terrorisée. » (P. 1.) C e ne furent pas des causes semblables, dit cet auteur, qui amenèrent la guerre avec les Zoulous (p. 1). D'après elle (et les révisionnistes qui l'ont suivie), Sir Bartle Frère « provoqua la guerre parce que l'assujettissement des Zoulous et l'anne­xion de leur pays faisaient partie d'une politique qui occupait l'esprit de certains h o m m e s d'Etat britanniques depuis de nombreuses années » (p. 7). La « panique » au Natal, dit-elle, fut « imposée » aux colons par « un certain groupe de colons » qui voulait des richesses, des terres et de la main-d'œuvre, et par des « jeunes gens » qui étaient « tout simplement fascinés par la perspec­tive des honneurs militaires et excités par les slogans populaires prônant le combat pour la patrie et le devoir du soldat » (p. 6). Elle dénonça l'épisode de Langalibelele ainsi que l'invasion du territoire des M a n g w e qui avaient été « attaqués, tués et faits prisonniers », puis dépouillés de leurs biens « sans l'ombre d'une raison justifiant un tel traitement » (p. 63). Olive Shreiner, qui « ne s'entretint jamais avec Rhodes sans se quereller avec lui » et qui s'intéressait

Page 37: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

40 David Chanaiwa

aux Africains autant qu'aux bêtes sauvages et à la faune, condamna « la civi­lisation du matérialisme », les destructions et la brutalité de Rhodes et de la B S A C dans Trooper Peter Halket of Mashonoland (1897) M.

Pendant la deuxième période, l'historiographie libérale fut très proche de l'historiographie africaine. The black problem de Jabavu ressemble à South African native policy de Hoernle ou à The anatomy of African misery (1927) de Lord Olivier. C o m m e celle des Africains, l'historiographie libérale se caractérisa par un état d'esprit donnant la primauté à l'immédiat et par l'accent mis sur les lois et l'administration coloniales ainsi que sur 1'« impact de la domination blanche sur la population non européenne ». Les libéraux, c o m m e les Africains, étaient particulièrement affligés de 1'«essor inquiétant» de l'apartheid en Afrique du Sud.

Ils étudièrent les lois, les règlements, les rapports et les livres pour prouver des faits, des motifs et des théories leur permettant d'exposer et d'ex­pliquer le problème noir (par exemple E . H . Brookes, The history of native policy in South Africa until 1924 [1927], C . W . de Kiewiet, A history of South Africa [1941], et W . M . Macmillan, Bantu, Boer and Briton [1963]). Selon Olivier, le racisme blanc est fondé sur de « mauvais principes de théorie escla­vagiste et d'exploitation capitaliste » émanant de cinq « complexes de peur » concernant la concurrence dans le travail, la discrimination inversée, le métis­sage, l'africanisation et le pouvoir politique (p. 208-226). D a n s Race attitudes in South Africa, M c C r o n e décrit les facteurs historiques et psychologiques, et dans Black man's burden, John Burger examine les forces capitalistes-impéria­listes en action. Certains, c o m m e Monica Wilson dans Reaction to conquest (1936), Isaac Schapera dans Western civilisation and natives of South Africa (1937) et R a y E . Phillips dans The Bantu in the city (1937), s'attachent parti­culièrement aux effets. D'autres, c o m m e David Randall Maclver dans Medieval Rhodesia (1906), et Gertrude Caton-Thompson dans The Zimbabwe culture: ruins and reactions (1931), relatent les tentatives faites par les colons pour dépouiller les Africains de leur histoire; mais, c o m m e il est écrit dans The Zim­babwe controversy (p. 123), ils remplacèrent essentiellement le mythe sémitique par le mythe chamitique3*.

E n tant que groupe, les libéraux adoptèrent des approches interdisci­plinaires centrées sur un problème particulier pour replacer dans leur contexte historique et analyser les questions, controverses et conventions contempo­raines. Etant donné leur orientation culturelle axée sur l'Europe, ils n'étaient pas intéressés par la « culture indigène pré-européenne » en elle-même, ni par les traditions ou les points de vue africains. Ils appliquaient les théories des sciences sociales européennes pour expliquer un processus historique fondamen­talement africain, tandis que l'Africain était relégué au rôle d'« indigène » et d'objet du « processus civilisateur » européen. Ainsi, le contact culturel devint un processus d'« occidentalisation » à sens unique dans lequel l'Africain était

Page 38: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de VAfrique australe

41

civilisé ou tribal, instruit ou fruste, urbain ou rural, chrétien ou païen, sans qu'il y eût échange et encore moins africanisation (Wilson 1936, Schapera 1937, Phillips 1937). Les réponses africaines au colonialisme, si elles n'avaient pas de précédents connus dans la culture européenne et pas de théorie pour les expliquer (par exemple Péthiopianisme), étaient souvent considérées c o m m e aberrantes, primitives, utopiques et/ou irrationnelles.

L e révisionnisme actuel: résumé et conclusion

L e groupe constitué par les révisionnistes est un conglomérat de Noirs, d'Asia­tiques, de métis et de Blancs, de Sud-Africains et d'étrangers, de capitalistes, de marxistes et de socialistes, et d'érudits vivant dans le pays ou en exil. L a plupart d'entre eux sont de jeunes universitaires et des historiens profession­nels, spécialisés dans les études africaines35. Les révisionnistes s'attachent maintenant à une historiographie integrationniste qui voit dans l'histoire de l'Afrique australe le résultat d'une interaction entre Noirs, Blancs, métis et Asiatiques d'origines, de langues, de technologies, d'idéologies et de systèmes sociaux différents. Ils tentent de contrer le chauvinisme culturel pseudo-scien­tifique de leurs prédécesseurs, l'exclusivisme raciste des historiens colonia­listes, ainsi que les préoccupations d'actualité et 1'« émotivité » des nationa­listes 38. Ils ont apporté d'heureuses modifications à la terminologie colo­nialiste, remplaçant « indigènes » par Africains, Noirs ou non-Européens, « tribus » par groupes ou sociétés, et « païens », « sauvages », « primitifs » par traditionalistes ou paysans.

Le révisionnisme, cependant, n'est pas seulement un phénomène nou­veau; il reflète aussi les réalités raciales et coloniales de l'Afrique australe. A l'heure actuelle, la grande majorité des révisionnistes sont blancs. Les révi­sionnistes les plus anciens (par exemple Monica Wilson, Leo Marquand, J. S . Marias, Terence Ranger, Leonard T h o m p s o n , et Leo et Hilda Kuper) sont ce que Philip Curtin a appelé des « recyclés » 37 : des chercheurs spécialisés à l'origine dans les études européennes et qui se sont convertis dans les études africaines après la deuxième guerre mondiale. Ces recyclés méritent le respect pour avoir réalisé un travail de pionniers et formé la jeune génération révisionniste.

Toutefois, étant donné leur éducation et leur formation coloniales, ils ont essentiellement perpétué 1'« autodiscipline intellectuelle et émotionnelle » de la tradition libérale du C a p 3 8 . Leurs préfaces et leurs introductions pré­tendent souvent à la vérité, à l'exactitude, à la méthodologie scientifique, à l'objectivité (au désintéressement froid), et à la perspective historique. Cer­tains évitent les thèmes c o m m e le nationalisme africain, le panafricanisme et les mouvements de libération sous prétexte que ces questions sont trop actuelles et, par conséquent, trop sujettes à controverse: et ils déconseillent à un révi-

Page 39: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

42 David Chanaiwa

sionniste zoulou, shona ou b e m b a d'écrire sur son groupe parce qu'il m a n q u e ­rait d'« objectivité ». D'autres mettent l'accent sur la formation et l'expérience scientifiques au point d'exclure les intellectuels noirs de leurs colloques et de refuser qu'ils contribuent à leurs publications, sous le prétexte paternaliste que les Noirs ne sont pas « assez qualifiés ».

Sans aucun doute, l'historien se doit de maintenir l'intégrité des normes scientifiques, d'empêcher que l'histoire ne se transforme en plaidoyer et d'aspi­rer au progrès de la connaissance, au-delà des exigences colonialistes ou natio­nalistes du m o m e n t . Mais l'excès d'intellectualisme porte toujours en lui le risque de condescendance, d'aliénation et d'inadéquation. Il y a aussi le danger que ces révisionnistes blancs chevronnés jouent, dans leurs rapports avec les intellectuels africains « indigènes », le rôle colonialiste de « commissaires de district intellectuels ». E n outre, ils risquent de perpétuer (intentionnellement ou non) la prétendue « identité d'intérêts » entre les Blancs libéraux et les élites africaines, qui se révéla illusoire pendant la première et la deuxième période, et d'étouffer ainsi la nouvelle conscience historique africaine.

Mais, surtout, les révisionnistes devraient être sensibles au fait que ces archives, journaux, rapports et monographies qui servent de base à l'étude « scientifique » sont eux-mêmes faussés par les diverses traditions historio-graphiques que nous avons évoquées, particulièrement en Afrique australe où les préjugés des colonisateurs et les exigences des administrations coloniales ont été des facteurs déterminants lorsqu'il s'agissait de décider ce qui devait être relaté et sous quelle forme. Aussi notre travail d'historien et notre raison d'être ne devraient-ils pas procéder d'un appui exclusif sur les archives du passé et d'une froide « objectivité », mais de notre intérêt profond pour l'histoire, le peuple et la région au sujet desquels nous écrivons. Notre aptitude à juger avec honnêteté, équité et modération devrait être fondée autant sur notre intégrité que sur notre formation et notre expérience intellectuelles, car elle exige que nous fassions preuve d'humilité et que nous surmontions nos craintes et nos préjugés qui découlent plus de nos antécédents culturels que de nos anté­cédents universitaires.

E n conclusion, le processus historique et l'historiographie de l'Afrique australe coloniale ont été fondés l'un et l'autre, d'une part, sur la suprématie blanche, et, d'autre part, sur l'opposition africaine libérale à cette suprématie, ce qui a donné lieu à des traditions divergentes et à un m a n q u e de c o m m u n i ­cation entre les intellectuels. Le révisionnisme actuel semble être un bon départ pour une historiographie plus saine. Cependant son succès dépend de l'intérêt et de l'engagement des intellectuels. Les propositions suivantes pour l'orienta­tion future de l'historiographie de l'Afrique australe ne sont que des suggestions.

Il convient de corriger l'historiographie pseudo-scientifique et exclusive des colonialistes, ainsi que de réviser le « bantuisme » des missionnaires.

Page 40: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de l'Afrique australe

43

Il faut éviter toute historiographie qui serait axée exclusivement sur l'Europe o u sur l'Afrique et admettre que l'histoire est l'interaction, dans le temps, de peuples d'origines diverses et que sa base est beaucoup plus diversi­fiée que sa superstructure eurocentrique. Mozambique, d'Allen Isaacman, est certainement un bon début. A cet égard, il nous faut faire preuve d'esprit critique vis-à-vis de nos jugements personnels, étant donné la corrélation existant entre l'expérience historique et culturelle de l'his­torien et son historiographie.

Ainsi, nous devrions nous attacher à la pensée intellectuelle révisionniste la plus récente, à sa méthodologie et à sa terminologie, nous faire part les uns aux autres de nos découvertes et les exposer aux enseignants, aux étudiants et aux profanes.

Il convient d'organiser davantage de colloques c o m m e la présente réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe, et davantage d'échanges interpersonnels et interuniversités entre Noirs, métis, Asia­tiques et Blancs ainsi qu'entre spécialistes de tout niveau, vivant dans le pays o u en exil.

N o u s devrions élargir notre horizon, ne pas le limiter aux événements majeurs et aux personnages pittoresques, mais l'étendre aux aspects culturels, diplomatiques, juridiques, littéraires, musicaux, religieux et artistiques de l'histoire de l'Afrique australe, ainsi qu'à la contribution historique non seulement des Blancs et des Noirs, mais aussi des métis et des Asiatiques39.

Il convient de collecter de nombreuses données orales sur les événements passés et contemporains auprès de sociétés diverses, grandes et petites, avant que les traditions ne s'éteignent définitivement. Parallèlement, il faudrait éviter les pièges de la spécialisation excessive ou du provin­cialisme (Afrique du Sud, Botswana, Malawi , etc.), qui portent préju­dice à la cohérence et à la spécificité de l'Afrique australe. Les épisodes principaux de son histoire, tels que la civilisation Zimbabwe, Mfecane, le grand Trek, le travail obligatoire et le nationalisme africain, se situent au niveau régional plus que provincial. E n bref, il nous faut une historio­graphie qui soit intégrée, fondée sur les faits, analytique et scientifique aussi bien qu'humaniste et pertinente.

Notes

1. Si je n'ai pas abordé les traditions du Mozambique et le l'Angola, c'est seulement en raison de m a connaissance insuffisante du portugais; j'espère que ces traditions seront amplement traitées au cours de la prochaine réunion internationale sur l'historiographie de l'Afrique australe. Pour avoir des renseignements bibliogra­phiques sur l'Angola et le Mozambique, consulter Gerald J. Bender, Portugal in

Page 41: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

44 David Chanaiwa

Africa (Los Angeles, 1972); Instituto de Angola, Boletim bibliográfico; Margaret J. Greenwood, Angola: a bibliography (Le cap, 1967); Mario Augusto da Costa, Bibliografía gerat de Mozambique (Lisbonne, 1946).

2. Il s'agit ici, à m a connaissance, de la première tentative visant à traiter l'historiographie de l'Afrique australe sur une base régionale. Il existe des études sur les traditions coloniale et révisionniste de l'Afrique du Sud. Voir, par exemple, Leonard M . Thompson, « Afrikaner nationalist historiography », Journal of African history (JAH), III, 1 (1962), p. 125-141 ; F . A . van Jaarsveld, The Afrikaner's interpretation of South African history (Le Cap, 1964); Shula Marks, «African and Afrikaner history », J A H , XI , 3 (1970), p. 435-447 ; Martin Legassick « The dynamics of moder­nization in South Africa», J A H , XIII, 1 (1972), p. 145-150; Stanley Trapido, « South Africa and the historians », African affairs, 71, oct. 72, p. 444-459; et Lewis H . G a n n , « Liberal interpretations of South African history », Rhodes-Livingstone journal, X X V , mars 1959, p. 40-58. Je tiens à préciser au lecteur qu'il ne doit pas juger ce débat c o m m e une condamnation de nos prédécesseurs, mais c o m m e un exercice d'autocritique professionnelle et de clarification. Les ouvrages cités ont été choisis pour représenter et illustrer des traditions, et non parce qu'ils étaient nécessairement les meilleurs ou les pires dans leur genre.

3. Arthur Percival Newton, Select documents relating to the unification of South Africa (Londres, 1968), première édition en 1924, p. xxvii.

4. William Greswell, Our South African empire (Londres, 1885), p. xv. 5. Voir H . Alan C . Cairns, The clash of cultures (New York, 1965); et David Chanaiwa,

The Zimbabwe controversy (Syracuse, 1973). 6. Voir par exemple, Robert Moffat, Missionary labors and scenes in Southern Africa

(New York, 1969); et François Coillard, On the treshold of central Africa (Londres, 1971).

7. A . C . Cairns, Clash of cultures, p. xii. 8. R . Moffat, Rhodesia National Archives, M O / 5 / 1 / 1 . 9. F . Coillard, On the treshold, p. 381.

10. Donald Frazer, Winning a primitive people (Westport, Conn. , 1970), p. 7. 11. R . Moffat, John Smith Moffat (New York, 1969); et David Carnegie, Among the

Matabele (Londres, 1894). 12. John Philip, Researches in South Africa (New York, 1969), vol. II, p. 327; et John

Mackenzie, Austral Africa (New York, 1969), vol. I et IL 13. Henri A . Junod, The life of a South Africa tribe (Londres, 1927), p. 8. 14. Henri P. Junod, Bantu heritage (Westport, Conn. , 1970), préface. 15. A . T . Bryant, The Zulu people as they were before the white man came (New York,

1970), p. xi. 16. Voir Daniel Kunene, The beginning of South African vernacular literature (Los Angeles,

1967). 17. Voir R . Hunt Davis, «John L . D u b e : A South African exponent of Booker T . W a s ­

hington», Journal of African studies, 2, 4 (décembre 1975); Shula Marks, « T h e ambiguities of dependence: John L . D u b e of Natal », Journal of Southern African studies, 1, 2 (avril 1975), p. 162-180; Manning Marable, « A black school in South Africa », Negro history bulletin, 37, 4 (juin/juillet 1974), p. 258-261. Peter Walshe, The rise of African nationalism in South Africa (Berkeley, 1971) et T . O . Ranger, The African voices in Southern Rhodesia (Londres, 1970).

18. Davidson D o n Tengo Jabavu, The black problem, papers and addresses on various native problems (Le Cap, 1920), p. 16.

19. Ibid., p. 1. 20. Ibid., préface.

Page 42: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les traditions historiographiques de V Afrique australe

45

21. Solomon T . Plaatje, Native life in South Africa (New York, 1969), p. 15. 22. L'historiographie de la première et de la deuxième période diffère notablement de celle

des Africains d'après la seconde guerre mondiale; ceux-ci sont influencés par le nationalisme africain, la conscience de l'histoire et une idéologie prônant la libé­ration. Voir par exemple Nosipho Majeke, The role of the missionary in conquest (Johannesburg, 1952) et Mnguni, Three hundred years.

23. Pour les principaux travaux des précurseurs de l'école « diffusionniste », consulter James Theodore Bent, The ruined cities of Mashonaland (Londres, 1893); Alexander Wilmot, Monomotapa (Londres, 1896); Richard N . Hall, Great Zimbabwe, Masho-naland, Rhodesia (Londres, 1905) et Pre-historic Rhodesia (Philadelphia, 1909). Egalement Bertram G . Paver, Zimbabwe cavalcade (Londres, 1957); et Andries J. Bruwer, Zimbabwe, Rhodesia's ancient greatness (Johannesburg, 1965).

24. Hall, Pre-historic Rhodesia, p. 478. 25. Bruwer, Zimbabwe, p. 140. 26. Hall, Pre-historic Rhodesia, p. 479. 27. J. J. M c C o r d , South African struggle (Pretoria, 1952), p. 1. 28. Archibald R . Calquhoun, The Africander land (Londres, 1906), p. xiv. 29. W . J. Leyds, The first annexation of the Transvaal (Londres, 1906), p. 27. 30. Voir par exemple, N . J. Rhoodie et H . J. Venter, Apartheid (Pretoria, 1960) et Jan

Botha, Verwoerd is dead. 31. N . J. Rhoodie, Apartheid and racial partnership in Southern Africa (Pretoria, 1969),

p. 8. 32. Voir R . F . Alfred Hoernle, South African native policy and the liberal spirit (Le C a p ,

1939); et Janet Robertson, Liberalism in South Africa (Londres, 1971). 33. Voir aussi Olive Schreiner, Thoughts on South Africa (Oxford, 1901), et An English

South African view of the situation (Londres, 1899). 34. Voir aussi I. D . MacCrone, Race attitudes in South Africa (Londres, 1937); John

Augustus Ian Agar-Hamilon, The native policy of the voortrekkers (Le Cap, 1928); Monica Wilson, Reaction to conquest (Oxford, 1936); Isaac Schapera, editor, Western civilization and the natives of South Africa (Londres, 1937); John Burger, the black man's burden (Londres, 1943); et Ray E . Phillips, The Bantu in the city (Le C a p , 1937).

35. Voir, par exemple, Hennery S. Maebelo, Reaction to colonialism (Manchester, 1971) et Allen F . Isaacman, Mozambique: The Africanization of a European institution (Madison, 1972).

36. Voir, par exemple, la critique de Leonard Thompson concernant Majeke et Mnguni dans « Afrikaner nationalist historiography », p. 133, note 22.

37. Philip D . Curtin, «African studies: a personal assessment», African studies review, X I V , 3 (décembre 1971), p. 361.

38. Ainsi, des comptes rendus récents concernant V Oxford history of South Africa, vol. II de Wilson et Thompson (Oxford, 1971), Awakening of Afrikaner nationalism de V a n Jaarsveld (Londres, 1961), Rise of African nationalism in South Africa, de Walshe et South West Africa under German rule de Helmut Bley (Evanstone, 1971), signalent tous que ces ouvrages sont remarquablement bien documentés et annotés, mais aussi que leurs auteurs ont soit négligé, soit européanisé l'aspect africain du sujet, et ont peu utilisé les traditions orales africaines.

39. Voir par exemple J. S. Marais, The cape coloured people (Londres, 1939) et Bridglal Pachai, The international aspects of the South African Indian question (Le C a p , 1971).

Page 43: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Remarques sur l'historiographie récente de l'Angola et du Mozambique

R e n é Pélissier

Parmi les territoires d'Afrique australe, l'Angola et le M o z a m b i q u e offrent la double particularité d'avoir eu les rapports les plus anciens avec le m o n d e extra-africain et d'être probablement les deux pays qui ont le plus besoin d'his­toriens pourfendeurs de mythes. Pour être bien clair, il convient de préciser d'entrée de jeu que les observations ci-après ne visent nullement à une étude exhaustive — qui oserait la revendiquer? — ni à la critique acerbe de ce qui existe, mais cherchent avant tout à dégager quelques tendances de l'historiogra­phie récente (un demi-siècle). Ni les Britanniques ni les Mozambicains ne sont responsables de certaines carences qui seront signalées, mais, bien au contraire, ils devront en subir longtemps encore les conséquences, malgré toute la bonne volonté qu'on leur suppose.

Le Portugal est un pays à la population restreinte ayant une langue encore assez peu répandue parmi les africanistes étrangers. Par ailleurs, lorsque ses ressortissants allaient en Afrique, ce n'était pas pour y cultiver les belles-lettres, mais bien pour forcer un destin parfois contraire en métropole. Il faut donc louer certains auteurs portugais d'avoir fait autant avec si peu de moyens et dans un environnement indifférent puisqu'ils ne pouvaient guère espérer de consécration universitaire, étant donné qu'il n'y avait pratiquement pas d'enseignement de l'histoire coloniale, ni à fortiori africaine, dans leurs éta­blissements scientifiques. N i de récompense financière, sauf exceptions raris­simes. O n rencontrera donc une multitude d'amateurs bien intentionnés mais manquant généralement de formation historique, sauf pour certains bien en cour auprès de l'ancien régime (1926-1974). O r , ce régime avait pratiquement insularisé l'Afrique portugaise et, c o m m e ses prédécesseurs étaient en place en un temps où les échanges intellectuels avec l'Afrique étaient réduits, on se heurte, lorsque l'on creuse la bibliographie historique lusophone, à un retard que seuls les spécialistes sont à m ê m e de jauger.

D ' u n e façon générale, la production scientifique concernant l'Afrique lusophone — à l'exclusion des livres de souvenirs, dépositions, témoignages, récits de campagnes militaires, rapports administratifs, etc. — peut se diviser qualitativement en deux grandes catégories: celle des Portugais et celle des auteurs étrangers, la place des auteurs africains d'expression portugaise étant,

Page 44: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

48 René Pélissier

jusqu'à présent, tragiquement vide. Sauf exceptions honorables, les premiers sont des amateurs triomphalistes dont le type le plus achevé est le missionnaire ayant des loisirs et des crédits officiels ou l'officier-administrateur s'intéressant aux vieux papiers épargnés par l'incurie des h o m m e s et la voracité des termites. D a n s les deux cas, le résultat de leurs travaux est une histoire, ou, mieux, une chronique coloniale se bornant à exalter les glorieux ancêtres du colonisateur et la mission civilisatrice de la métropole. A l'Africain, ces auteurs ne prêtent de qualités que dans la mesure où elles servent à mettre en valeur celles de son vainqueur.

C'est ainsi que l 'Ovambo et le Nguni voient reconnaître leur courage parce qu'il sert à rappeler celui du c o m m a n d a n t Alves Rocadas, du général Pereira de Eça, de Mousinho de Albuquerque et des autres « héros » de l'escol d'António Enes. D e la sorte, la monarchie et les deux premières républiques se sont bâti à peu de frais une galerie de héros éponymes dont les n o m s ornaient non seulement les plaques des rues, mais servaient également à désigner les chefs-lieux de district et nombre d'agglomérations plus modestes1. O n ne saurait mieux déposséder un peuple de son histoire qu'en apposant en tous lieux les n o m s des vainqueurs de ses pères.

E n d'autres termes, cette historiographie d'exposition coloniale ferait sourire par son ethnocentrisme impénitent si elle n'avait le grave défaut d'être aveugle sur le rôle des Africains. Pour la majorité de ces auteurs, il n'est point de salut en dehors du modèle chrétien et européen. Faut-il s'étonner que la plupart des historiens ignorent jusqu'au n o m du roi B u m b a au Cassange (XIXe siècle) ou, plus près de nous, du roi M a n d u m e des C u a n h a m a (1917), h o m m e s qui, s'ils avaient trouvé des historiens anglophones ou francophones, apparaîtraient c o m m e des résistants africains de l'envergure de G u n g u n h a m a ou des Cruz au M o z a m b i q u e , « redécouverts » par les auteurs anglo-américains.

L'ethnocentrisme affiché est donc la première faille de cette production, mais, pour des gens du sérail, elle n'est pas la plus gênante. L a grande lacune de la production portugaise tient à ce que ces auteurs n'ont jamais voulu, jusqu'à présent, s'intéresser sérieusement à la période contemporaine. Si nous disposions de bibliographies acceptables, nous verrions probablement que, pour dix ouvrages et articles consacrés à la période antérieure à 1800, nous ne trou­vons qu'une ou deux études historiques portugaises pour les xixe et xx e siècles. Jusqu'à une date récente, les manuels d'histoire portugais consacraient environ la moitié, voire les deux tiers de leurs pages, à la période 1580-1640. Tout le

1. En 1974, en Angola, sur les seize capitales de district, quatre étaient des toponymes africains, mais huit avaient reçu le nom de ce qu'on appelait naguère les « grands coloniaux », à savoir quatre officiers, trois hommes d'Etat et un commerçant-explorateur. Sur les quatre autres, une portait le nom d'un saint métropolitain et trois étaient des toponymes portugais.

Page 45: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Remarques sur l'historiographie récente de l'Angola et du Mozambique

49

reste était balayé par les vents de la décadence, avec quelques pics émergeant ici et là, le début du xixe siècle étant considéré c o m m e le fond du tonneau et la lumière ne réapparaissant qu'au xx e siècle. Cette mentalité est naturellement en train de changer et un ouvrage c o m m e YHistória de Portugal d'Oliveira Marques (Lisbonne, 1973) marque un tournant salutaire. Néanmoins, en ce qui concerne l'Afrique, le mal est fait et il a marqué des générations d'intellec­tuels africains.

Q u e l'on prenne YHistória de Angola de Ralph Delgado (Benguela et Lobito 1948-1955) dont le quatrième et dernier volume s'arrête en 1737, YHistória de Angola de Norberto Gonzaga (Luanda, s.d.) qui, sur 380 pages, en consacre — si l'on peut dire — une soixantaine aux xixe et X X e siècles, le Resumo da historia de Angola de José Ribeiro da Cruz (Lisbonne, 1940), qui accorde un dixième de son texte à la période 1800-1940, ou YHistória de Angola d'Alberto de L e m o s (Luanda 1929), premier et unique travail d'ensemble à avoir été écrit par un Angolais, partout on constate la m ê m e insistance à privi­légier la période de la conquête initiale en ignorant délibérément que la con­quête réelle et complète n'intervient qu'au xx e siècle. Pour le Mozambique , ce déséquilibre chronologique est un peu moins dramatique puisque le seul manuel portugais de quelque valeur — essentiellement militaire et du seul point de vue portugais — YHistória militar e política dos Portugueses em Moçambique, du général Teixeira Botelho (Lisbonne, 1936) contient un volume de plus de 700 pages pour la période 1833-1930.

E n résumé, la production portugaise ne s'intéressait qu'exceptionnelle­ment ou superficiellement à l'histoire des Africains, et elle n'a m ê m e pas établi les bases de l'historiographie de la période la plus importante pour comprendre les problèmes actuels. Cette distorsion a longtemps permis à des auteurs, deve­nus borgnes à force de se boucher les yeux, de soutenir que le Portugal possé­dait l'Angola et le Mozambique depuis cinq siècles et qu'une « colonisation » aussi ancienne fondait sa légitimité sur sa pérennité. E n échange de quoi, les Africains, puisant dans ces manuels tronqués, affirmaient avoir subi cinq siècles d'exploitation esclavagiste. Autrement dit, il est grand temps que l'historio­graphie lusophone abandonne ses clichés, atteigne un niveau scientifique plus élevé et rééquilibre ses intérêts, sous peine de laisser aux seuls auteurs étrangers le soin d'écrire l'histoire récente, ce qui, en tout pays, paraît dangereux.

Ces deux tares de l'historiographie lusophone étant suffisamment souli­gnées, il ne faudrait surtout pas en conclure que tout était médiocre ou anodin dans cette production, car si l'Angola et le Mozambique n'ont eu que rare­ment des historiens lusophones compétents, ils disposent en revanche de c o m ­pilateurs acharnés qui ont déployé une activité parcellaire et dispersée mais méritoire à plus d'un titre. E n fait, si les archivistes portugais avaient été aussi libéraux et maximalistes pour l'époque récente que pour leurs siècles de prédi­lection, ils occuperaient une place unique dans l'historiographie africaine.

Page 46: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

50 René Pélissler

Voici quelques titres récents (moins de cinquante ans) de collections de documents dont plusieurs n'ont aucun équivalent dans les autres pays, tout au moins pour ce qui est de l'ampleur. Pour l'Angola, les Arquivos de Angola contiennent, fait exceptionnel, des pièces débordant sur le xx e siècle. Egalement utiles pour connaître ce pays sont les gigantesques collections des Monumento missionária africana: Africa occidental (lre et 2 e série) du Père Antonio Brásio, bien connu des africanistes de l'Ouest. O n lui doit également, avec des c o m m e n ­taires, cinq volumes de textes sur les missionnaires du Saint-Esprit en Angola au xixe siècle, parus sous le titre de Spiritana. Monumento histórica. Angola. (Louvain, 1966-1971) et un volume de documents sur son grand h o m m e au Congo portugais (et au Mozambique): Dom Antonio Barroso. Missionário. dentista. Missiólogo (Lisbonne, 1961). A Albuquerque Feiner, ancien gouver­neur au Sud-Angola, nous sommes redevables d'un gros volume: Angola. Apontamentos sobre a ocupaçâo inicio do estabelecimento dos Portugueses no Congo. Angola e Benguela (Coimbre, 1933) et de trois volumes sur le Sud-Angola Angola. Apontamentos sobre e colonizacà dos planàltos e litoral do Sul de Angola (Lisbonne, 1940) qui atteignent la moitié du xrxe siècle. Enfin, pour contrer les accusations de passéisme, le poète angolais Fernandes de Oliveira avait reçu l'autorisation de publier deux volumes de textes annotés (xixe siècle), tirés des Archives coloniales de Lisbonne: Angolana (Lisbonne, 1968 et 1972).

E n ce qui concerne le Mozambique , la grande affaire restera l'édition bilingue (portugais-anglais), publiée avec le concours des National Archives of Rhodesia, des Documents on the Portuguese in Mozambique and Central Africa. 1491-1840 (Lisbonne 1961-1971) dont le septième et dernier volume atteint 1560. O n se rapproche un peu plus de la période contemporaine avec la Documentaçao avulsa moçambicana do arquivo histórico ultramarino, résumée par Francisco Santana (2 volumes, Lisbonne, 1964 et 1967) qui concerne le début du xixe siècle. Les relaçôes de Moçambique setecentista d'Antonio Alberto de Andrade (Lisbonne, 1955) fournissent des textes sur la dernière moitié du x v m e siècle. Carvalho Dias dans Fontes para a historia, geografía e comercio de Moçambique (Secuto Dezoito) (Lisbonne, 1954) et Montez dans la revue Moçambique, documentarlo trimestral (Lourenço Marques, 1952-1957) ont également présenté de nombreuses pièces sur le x v m e siècle.

Cette liste partielle permet de voir qu'avec d'autres collections de docu­ments ayant également un intérêt pour les africanistes, les compilateurs portu­gais ont réuni plus de 30 000 et peut-être 40 000 pages d'extraits d'archives en une quarantaine d'années, ce qui est énorme. Leur effort a cependant souffert d'un manque de coordination et de l'organisation défectueuse des archives coloniales en métropole, sans parler de la censure politique qui s'exerçait sur le choix des textes à reproduire. A mesure que l'on s'approchait du xx e siècle, elle devenait de plus en plus tatillonne et exigeante, sauf, paradoxalement, chez les archivistes militaires dont on ne saurait dire trop de bien.

Page 47: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Remarques sur l'historiographie récente de l'Angola et du Mozambique

51

Cela étant, les travaux originaux et les synthèses établis par des lusophones pâlissent quelque peu devant ceux des professionnels non portugais. L a raison majeure tient peut-être dans cette remarque désabusée d'un très grand historien portugais des découvertes qui disait récemment: « Les Portugais n'aiment pas l'histoire mais seulement ses mythes. » Il faut également rappeler de nouveau que les h o m m e s de l'art n'abondaient pas puisque les débouchés profession­nels étaient pratiquement nuls dans le domaine de l'histoire coloniale ou afri­caine (sauf marginalement à Lourenço Marques, mais assurément pas en Angola).

L a production véritablement scientifique était donc relativement rare et s'intéressait essentiellement aux explorations, aux expéditions coloniales et aux missions. Pour l'Angola, il faut mentionner en premier lieu Ralph^Delgado, dont Y Historia de Angola, déjà mentionnée, inachevée à sa mort, reste une mine de données. Son ouvrage majeur demeurera probablement son imposant Ao sul do Cuanza (2 vol, Lisbonne, 1944), tandis que O Reino de Benguela (Lis­bonne, 1945) et A famosa e histórica Benguela. (Lisbonne, 1940) en font une autorité — à contrôler sur certains points — pour le Centre et le Sud-Angola jusqu'en 1940. D e journaliste, il était presque devenu un professionnel de l'His­toire patriotique, sans qu'il en ait recueilli beaucoup de lauriers. O n citera ensuite le capitaine Gastäo Sousa Dias dont l'œuvre posthume: Os Portugueses em Angola (Lisbonne, 1959) atteint 1815, puis le missionnaire Silva Regó, intronisé historiographe quasi officiel dans les dernières années du régime colo­nial. O n lui doit A dupla restauraçâo de Angola (1641-1648) (Lisbonne, 1948) et deux ouvrages moins fouillés, mais plus ambitieux et populaires : O ultramar portugués non século XVIII (Lisbonne, 1970) et O ultramar portugués non século XIX (Lisbonne, 1966). A Silva Regó nous devons surtout la fondation et la direction du Centro de Estudos Históricos Ultramarinos dont la revue Studio est connue de nombreux africanistes ou mériterait de l'être, car, bien que domi­née par des auteurs missionnaires, parfois américanistes ou orientalistes, elle a publié des articles importants sur l'Angola et le Mozambique . Le Centro a publié également plus de soixante-dix volumes d'histoire coloniale portu­gaise, dont plusieurs des recueils de documents précités. A cet égard, il convient de mentionner impérativement la défunte (1974) Agencia Gérai do Ultramar, organe d'édition du Ministère de l'outre-mer, qui, parmi une production de qualité inégale, laissa figurer quelques rééditions et une liste impressionnante d'ouvrages traitant de questions militaires.

Parmi les officiers-historiens, le colonel Hélio Felgas, avec son Historia do Congo portugués (Carmona, 1958), mérite mieux que l'oubli et il ose dépasser 1920. O n en dira autant du lieutenant-colonel Almeida Teixeira et de saLunda (Lisbonne, 1948), ainsi que de l'histoire de la conquête des D e m b o s compilée par le capitaine David M a g n o n dans ses Guerras angolanas (Porto, 1934). Le Sud-Angola dispose, grâce au général Ernesto M a c h a d o , d'une étude sérieuse

Page 48: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

52 René Pêlissier

sur la crise militaire de 1914: No sul de Angola (Lisbonne, 1956). Quittant les officiers, sans pour autant abandonner le sud, il faut mentionner Mendonça Torres qui, avec O distrito de Moçamedes nos fases da origem e da primeira organizaçao (Lisbonne, 1950), offre une esquisse d'histoire coloniale régionale qui ne fait cependant pas oublier le très minutieux Ao sul do Cuanza de Ralph Delgado, déjà mentionné. Ajoutons une histoire diplomatique pour le nord-est : A questâo daLunda, de Eduardo dos Santos (Lisbonne, 1966).

Pour tout ce qui a trait à la résistance et au nationalisme des Angolais, sujets naturellement tabous pendant longtemps, on ne connaît aucune syn­thèse de valeur mais des centaines de sources primaires et secondaires.

Si l'on passe au Mozambique, la moisson parmi les lusophones est beau­coup moins riche, bien que ce pays ait eu, dans les dernières années coloniales, un professeur d'histoire travaillant sur le terrain. N o u s devons pratiquement tout ce que les Portugais ont publié sur Lourenco Marques à Alexandre Lobato, qui est l'auteur, entre autres, de: Historia da fundaçào de Lourenco Marques (Lisbonne, 1948), Historia do Presidio de Lourenco Marques (1182-1199) (2 vol. Lisbonne, 1949 et 1960) et Quatre estudos e uma evocacäopara a historia de Lourenco Marques (Lisbonne, 1961). O n retrouve également ce professeur sur le Zambèze avec Colonizaçào senhorial da Zambezia (Lisbonne, 1962), au xvie siècle avec A expansào portuguesa em Moçambique (3 vol., Lisbonne, 1954 et 1960), au x v m e siècle avec Evoluçào administrativa e económica de Moçambique (Lisbonne, 1957), dans l'ilôt de Mozambique, à Sofala, au Niassa, avec Mousinho de Albuquerque, etc. Incontestablement, Lobato est le Portugais qui possède la vision la plus complète de l'histoire coloniale du Mozambique.

Dans la m ê m e veine luso-centriste, on signalera également les deux volumes de l'administrateur Almeida de Eça qui, avec son Historia das guerras no Zambèze (Lisbonne, 1953-1954) publie en amateur, mais sans œillères, un récit cohérent et fondamental de la résistance victorieuse de la famille des Cruz à l'occupation portugaise au xixe siècle. Plus ambitieux dans son ency­clopédisme, le commandant Mello Machado aborde un domaine mal traité, celui du Nord-Mozambique, avec Entre os Macuas de Angoche (Lisbonne, 1970).

O n laissera de côté les tristes compilations de Nário Costa, Simôes Alberto Francisco Toscano et Julio Quintinha pour mentionner un auteur très sérieux, bien connu des africanistes de l'Ouest, le commandant de marine Teixeira da Mota , qui a élaboré, avec A cartografia antiga da Africa Centrale a travessia entre Angola e Moçambique 1500-1860 (Lourenco Marques, 1964), un compendium c o m m o d e de ce que l'on sait sur les explorations portugaises en Afrique australe. C o m m e c'est un marin polyglotte, il est remarquablement informé de ce qui se publie à l'étranger sur son thème. Cette qualité, rare chez ses compatriotes se piquant d'être des historiens, est partagée par un ethno­logue, Rita Ferreira, auteur de travaux bibliographiques mais aussi ethno-

Page 49: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Remarques sur l'historiographie récente de l'Angola et du Mozambique

53

historiques c o m m e son Ethno-história e cultura tradicional do grupo Angune (Nguni) (Lourenço Marques, 1974) et m ê m e son Povos de Moçambique. Historia e cultura (Porto, 1975).

Nous arrêterons là cette enumeration inévitablement très incomplète — ne serait-ce que par l'omission de centaines d'articles en portugais — pour nous tourner vers les auteurs étrangers qui écrivent pratiquement tous en anglais et en français et qui devraient, de ce fait, être mieux connus de la majorité des africanistes, tout au moins de réputation. Nous nous bornerons à un simple repérage des n o m s d'auteurs en commençant par l'Angola.

Le Congo angolais est particulièrement favorisé avec des Belges, c o m m e Bontinck, Cuvelier et Jadin qui s'attachent aux missions catholiques, avec la Franco-Portugaise Latour da Veiga Pinto qui étudie l'enjeu diplomatique au xixe siècle, avec le Français Balandier et le Franco-Sud-Africain Randies, tous deux experts en histoire sociologique, et avec le Britannique Anstey, connu pour son travail sur les intérêts de la Grande-Bretagne au Nord-Ouest. Le Cabinda dispose d'une histoire économique grâce à la Britannique Martin.

Le Nord-Est angolais et le commerce avec la Lunda sont sérieusement abordés par le Belge Vellut. Les M b u n d u du Nord-Cuanza ont trouvé un his­torien attentif aux xviie et xviiie siècles en la personne du Britannique Birmin­g h a m , et le Cassage dispose d'une ethno-histoire — la seule d'Angola — avec l'Américain Miller, également compétent pour les Tschokwe.

A u Centre-Angola, les Ovimbundu sont mieux connus grâce au mission­naire américain Childs, tandis que le Sud-Angola bénéficie de la première histoire régionale angolaise acceptable avec le Britannique Clarence-Smith. O n n'aura garde d'omettre la synthèse du Belge Vansina sur la période préco­loniale, l'étude de l'Américain Samuels sur l'enseignement à la charnière du xixe siècle, et l'histoire du Scramble vu par les Portugais due au Sud-Africain Axelson, que l'on retrouve au Mozambique, Egalement extrêmement perspi­caces sont le Britannique H a m m o n d pour tout ce qui touche au regain d'intérêt du Portugal en Afrique à la fin de la monarchie et le grand défricheur qu'a été l'Américain Duffy, sans oublier, naturellement, le grand maître de l'historio­graphie de l'expansion portugaise dans le m o n d e , le Britannique Boxer.

Le nationalisme angolais est couvert par les Américains M a r c u m et Wheeler et par le Français Pélissier, ce dernier étant également l'auteur d'un travail sur la résistance et les révoltes en Angola aux xixe-xxe siècles qui, à défaut de mérites plus visibles, a l'avantage de l'ampleur (3 volumes).

E n ce qui concerne le Mozambique, on trouve d'assez nombreux auteurs étrangers traitant de la périphérie du territoire (tels qu'Abraham, les Africains anglophones Bhila, Mudenge , etc.) ou des expéditions de Livingstone au Mozambique, mais relativement peu de spécialistes du Mozambique en tant que tels. A u x compilations déjà anciennes du Britannique M e Call Theal, il convient d'ajouter les travaux originaux du Sud-Africain Axelson, de l'Aile-

Page 50: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

54 René Pélissier

m a n d Hoppe sur l'administration au xviie siècle, de l'Américain Smith sur le Sud-Mozambique, du germanophone Schebesta sur les missions, ainsi que les études remarquables de l'Américain Alpers sur les Y a o et le commerce nor­diste, du Britannique Newitt, de l'Américain Isaacman sur la Zambie et de l'Américaine Hafkin sur les sultanats swahili, sans oublier la thèse de l'Alle­m a n d Liesegang sur le Nguni du Gaza et les travaux de Randies sur le xvie siècle et le Monomotapa .

O n regrettera en passant que le Mozambique ait été pratiquement omis du volume V de la Cambridge History of Africa, alors que les spécialistes anglo­phones du XIXe siècle au Mozambique sont nombreux. Citons également Jack-son-Haight et Warhurst, travaillant en Afrique australe, qui ont étudié le contexte diplomatique au xixe siècle. La période de la décolonisation n'a rien offert jusqu'à présent de bien solide, sauf l'étude du Britannique Middlemas sur Cabora Bassa.

Pour conclure ce bilan très lacunaire, qu'il nous soit permis de faire une simple constatation et de formuler un v œ u . Il y a une dichotomie patente entre l'historiographie, jusqu'à présent défensive, et souvent archaïque dans ses techniques, des auteurs portugais, et celle plus scientifique — mais souvent déséquilibrée par l'exaspération devant le triomphalisme de Lisbonne — des auteurs étrangers. La décolonisation étant maintenant achevée, il semble souhaitable de laisser la hargne au vestiaire et de rattraper le retard accumulé par les auteurs lusophones afin que les grands absents de ces joutes intellec­tuelles puissent prendre la parole à leur tour. Il est temps, en effet, que les Africains lusophones ne laissent plus aux autres le soin d'écrire leur passé. Il est donc nécessaire et prioritaire de former des historiens angolais et m o z a m -bicains qui nous diront comment ils voient, eux, ce qu'ils lisent dans les livres des autres.

Suggestions en vue de l'amélioration de l'historiographie angolaise et mozambicaine

Programme minimal

Inventaire complet de tous les ouvrages d'intérêt historique, géographique, économique, sociologique, etc., détenus par toutes les bibliothèques de l'Angola et du Mozambique, et traitant de ces pays et de leur périphérie.

A partir de ce noyau et des bibliographies lacunaires préexistantes (voir les tentatives intéressantes de la Sociedade de Geografía de Lisboa), compilation de deux bibliographies nationales scientifiques incluant les textes publiés en langues non portugaises. (Un inventaire conduit à partir de bibliothèques non portugaises nous a permis de relever plus de 800 titres d'ouvrages étrangers

Page 51: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Remarques sur l'historiographie récente de l'Angola et du Mozambique

55

dont 70 à 80% ne figurent pas dans les bibliographies portugaises les plus complètes sur l'Angola et le Mozambique . ) C e travail doit être effectué en tenant compte — entre autres — des fonds du British M u s e u m , de la Library of Congress et de plusieurs autres institutions britanniques, américaines, fran­çaises, néerlandaises, allemandes, italiennes, brésiliennes, soviétiques, etc., complétant les richesses bibliographiques portugaises.

Acquisition des ouvrages étrangers relatifs à l'Angola et au M o z a m b i q u e introuvables sur place, et obtention des ouvrages portugais également absents des bibliothèques locales. A défaut des ouvrages originaux, obtention de repro­ductions, sous diverses formes, de ces ouvrages, ainsi que des articles pertinents.

Destruction du ghetto antérieur par une ouverture bibliographique sur les autres pays africains. Exemple: acquisition des textes de base sur l'Afrique anglophone et francophone, sur le Brésil et l'océan Indien, des revues spéciali­sées dans ce domaine et des manuels historiques (histoire africaine, etc.).

Continuation et achèvement des inventaires des archives locales. Si possible, installation de moyens de reproduction sur place, accessibles aux lecteurs.

Etablissement en portugais d'un manuel provisoire d'histoire nationale construit à partir des travaux les plus récents et délimitant les périodes et les secteurs encore obscurs.

Adaptation de ce manuel à l'enseignement primaire et secondaire, et développement de l'enseignement historique national.

Ouverture ou réouverture dans l'enseignement supérieur d'une ou plusieurs chaires d'histoire africaine et nationale, en faisant appel aux spécia­listes disponibles, où qu'ils se trouvent. Possibilité de stages de courte durée desdits spécialistes enseignant à Luanda et M a p u t o .

Envoi d'étudiants avancés dans certains centres de recherches africaines extérieurs.

Lancement d'un programme de recueil des traditions orales, tant à l'inté­rieur qu'à la périphérie des deux territoires. Simultanément, recueil des m a n u s ­crits en langues africaines (voir missions, familles swahili, etc.).

Diffusion — dans la mesure du possible — des rapports administratifs et autres établis pendant la période coloniale et présentant des éléments d'ethno-histoire et de sociologie, introuvables ailleurs sous une forme écrite.

Création et/ou développement d'un musée d'histoire nationale à partir des collections existantes. Possibilité d'ouvrir des musées spécialisés (exemple : le Musée de la guerre de libération à Maputo ) .

Programme élargi

Etablissement d'un guide général des études luso-africaines permettant de s'orienter rapidement (exemples: enumeration complète des archives, biblio-

Page 52: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

56 René Pélissier

thèques, conditions d'accès, nature des fonds, liste des spécialistes, périodes et questions à découvrir, ou à approfondir, etc.). Mise à jour périodique sur l'état de la question.

Publication d'une revue internationale de haut niveau scientifique dans laquelle les futurs spécialistes angolais et mozambicains pourraient publier des articles en portugais, à côté de leurs collègues étrangers. L a création d'une telle revue pourrait être un pas décisif vers le démarrage de l'historiographie luso-africaine en portugais sur une base solide.

Réédition et/ou traduction de certains textes fondamentaux par les insti­tuts de recherches scientifiques, à partir des bibliographies établies et des acqui­sitions prévues ci-dessus.

Mise en chantier du volume Portugal de Y Histoire générale de V Afrique patronnée par l'Unesco.

Etablissement d'un programme cohérent de fouilles archéologiques à partir des travaux antérieurs.

Préparation d'une histoire générale de l'Angola et du M o z a m b i q u e en plusieurs volumes.

Page 53: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Deuxième partie Recherche et enseignement sur l'histoire de l'Afrique australe

Page 54: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Les experts invités à la réunion ont été priés de fournir des informations précises sur la situation de renseignement et de la recherche historique dans les divers pays de VAfrique australe. Il est rappelé au lecteur que ces renseignements ont été apportés en mars 1977, et que la situation a évolué au cours des dernières années.

Page 55: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

L a place de l'histoire de l'Afrique australe dans les programmes scolaires: une synthèse

Balam Nyeko

Traditionnellement, l'Afrique australe comprend l'actuelle République d'Afrique du Sud, la Namibie (Sud-Ouest africain), le Botswana, le Lesotho, le Swaziland, le Mozambique et l'Angola. Pour en avoir une représentation complète, cependant, sur le plan de l'histoire c o m m e sur celui des réalités contemporaines, il apparaît nécessaire d'y ajouter le Zimbabwe (Rhodésie), le Malawi et la Zambie. L'histoire de toute la région révèle une unité théma­tique suffisamment marquée pour justifier le choix de cette seconde définition. Depuis l'âge du fer jusqu'à l'ère des mouvements de libération africains, les thèmes c o m m u n s à toute la zone présentent une continuité remarquable. Les premières migrations et implantations des Bantu, la révolution mfecane du xixe siècle au sein des communautés africaines, la révolution provoquée par l'exploitation des mines et ses conséquences, l'impérialisme européen et la réaction africaine au colonialisme (y compris les efforts des Africains pour mettre fin à la domination blanche), tous ces événements historiques ont inté­ressé l'ensemble de la région et nous obligent à la considérer c o m m e un tout. O n peut en dire autant, semble-t-il, des problèmes que nous nous proposons d'aborder dans la suite de cette étude et des grandes orientations de recherche que nous voulons suggérer.

Pour ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'Afrique australe, le problème de l'aménagement des programmes d'études, et en particulier de la place accordée à l'enseignement de l'histoire, se pose depuis un certain temps. Dans un rapport adressé à ce qui était alors l'Université du Botswana, du Lesotho et du Swaziland ( U B L S ) au sujet de la Conférence d'histoire tenue à G a b o ­rone, Botswana, du 3 au 6 septembre 1973, le professeur T h o m a s Tlou a mis en relief, parmi les objectifs de cette réunion, la nécessité urgente de fournir des données historiques permettant d'élaborer des programmes d'enseigne­ment de l'histoire mieux adaptés et plus riches de sens pour les écoles de l'Afrique australe. C e n'était ni la première fois ni la dernière que ce problème était posé.

Selon certains, la tâche principale de l'historien devait être de fournir ce type de données, tant par ses recherches personnelles que par l'interpréta­tion des problèmes historiques qu'elles soulèvent, et de mettre à la portée du

Page 56: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

60 Balam Nyeko

public une synthèse des informations apportées par d'autres personnes1. O n pourra objecter à cela que l'établissement des programmes scolaires ne con­cerne absolument pas l'historien. Cependant, il est indéniable que les histo­riens doivent signaler l'intérêt présenté par le sujet qu'ils étudient et justifier ainsi son inclusion dans les programmes scolaires. N o u s consacrerons donc la suite de cette étude à des questions c o m m e celles de la nature de l'histoire africaine (dans le contexte de l'Afrique australe en particulier), des caractères particuliers de l'historiographie de l'Afrique australe, des problèmes que pose l'enseignement de l'histoire de l'Afrique australe dans les écoles et les univer­sités, et de la difficulté d'africaniser cette histoire à la lumière de l'évolution récente des travaux d'histoire africaine et de son enseignement dans les autres parties du continent. C e faisant, nous espérons non seulement démontrer l'importance de l'histoire de l'Afrique australe c o m m e matière d'étude dans les établissements d'enseignement, mais encore suggérer les directions dans lesquelles pourraient s'engager les recherches futures pour contribuer à la réali­sation d 'un de nos objectifs, qui est de fournir des matériaux d 'un contenu plus pertinent.

Essai de définition de l'histoire africaine

Dans le dernier quart du x x e siècle, il est manifestement anachronique de se demander si l'histoire africaine existe ou non. Il y a maintenant plus de dix ans que l'on a réfuté les arguments des détracteurs de l'histoire africaine, dont le plus sévère était le professeur Trevor Roper, de l'Université d'Oxford. E n fait, dès le milieu des années soixante, la majorité des spécialistes avaient admis, pour reprendre les termes d 'un eminent spécialiste de l'Afrique de l'Est, que l'histoire africaine faisait partie intégrante de l'étude de l'humanité et que, sans elle, aucune histoire mondiale ne pouvait être complète2. Mais ce qui semble donner lieu à certaines controverses depuis quelques années, c'est la signifi­cation exacte du terme « histoire africaine » et ce qu'il faut mettre au premier plan quand on traite ce sujet. Il s'agit de l'histoire du continent qui « met l'accent sur les activités africaines, les adaptations africaines, les choix afri­cains, les inititatives africaines », etc.3. Quelle place ce type d'histoire doit-il accorder à l'analyse de phénomènes tels que le rôle du facteur impérialiste au cours de la période coloniale et les activités des communautés blanches qui ont immigré dans certaines parties du continent?

L e problème de la définition de l'histoire africaine se pose de façon parti­culièrement aiguë dans le cas de l'Afrique australe, où les choses sont encore compliquées non seulement par le caractère pluraliste de la population, mais aussi par les rudes réalités des problèmes politiques contemporains. E n effet, nous nous trouvons ici devant une situation où l'expérience de la population

Page 57: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

La place de l'histoire de l'Afrique australe dans les programme scolaires

61

africaine — pourtant majoritaire — est restée très longtemps ignorée des spé­cialistes qui étudiaient l'histoire de la région. Pour tenter de retrouver cet aspect de l'histoire de l'Afrique australe — décrit par Leonard T h o m p s o n c o m m e « le facteur oublié4 » — une série d'ouvrages, c o m m e celui de T h o m p ­son lui-même, African societies in Southern Africa, et une récente Oxford history of South Africa en deux volumes ont mis fortement l'accent sur le thème de l'interaction et fait ressortir la dynamique de l'histoire interne des peuples africains avant leurs contacts avec les Blancs. Il apparaît donc que le terme de « facteur oublié », qui pourrait être interprété c o m m e une référence à l'histoire de l'ensemble des populations non blanches d'Afrique du Sud, ne se rapporte en fait qu'à l'étude des sociétés africaines de la région avant la conquête. Cela ne constitue pas, et, selon nous, ne vise pas à constituer une définition satis­faisante de l'histoire africaine, car il est bien évident que l'histoire africaine s'est poursuivie au cours des périodes coloniale et post-coloniale.

Les tentatives faites pour africaniser l'histoire de l'Afrique australe n'ont pas encore, semble-t-il, obtenu un grand succès. Si africaniser l'histoire de la région signifie donner à la participation africaine la place qui lui revient dans l'exercice de l'initiative historique, nous en s o m m e s apparemment encore très loin. E n faisant cette observation, nous ne voulons pas dénigrer la contri­bution très importante que nous devons à des spécialistes c o m m e O m e r -Cooper, Shula M a r k s et d'autres, qui ont réellement placé les Africains au centre des événements qu'ils relatent5. Mais, c o m m e H y a m l'a fait remarquer récemment, les africanistes risquent, dans leur effort pour rétablir l'équilibre, d'être tentés d'affirmer qu'une histoire de l'Afrique australe centrée sur les Africains doit nier l'importance du facteur impérialiste dans toute l'histoire des populations africaines de cette région 6. Il est toutefois évident qu'une telle affirmation serait inacceptable, car elle ferait simplement écho à l'argumenta­tion des détracteurs de l'histoire africaine, aujourd'hui discrédités. C o m m e le souligne encore H y a m , la seule différence entre les deux argumentations est que les historiens africanistes laisseraient entendre qu'il n'y a pas eu d'histoire des activités européennes en Afrique, alors que les anciens adversaires de l'histoire africaine affirmaient que l'Afrique n'avait pas eu d'histoire avant l'arrivée des Européens 7. D ' u n autre côté, il paraît très difficilement justi­fiable de considérer c o m m e centrés sur les Africains des travaux qui traitent, ou affirment traiter, de l'interaction entre des peuples ayant des origines, des langues et des technologies différentes, en tant que thème essentiel de l'histoire d'une société.

D e u x spécialistes ont proposé récemment une définition combinant deux éléments qui leur paraissent importants pour l'histoire africaine: le point de vue géographique et le souci de centrer l'étude de l'Afrique sur les problèmes locaux. Atmore et M a r k s ont écrit : « Par histoire africaine, nous entendons l'histoire de toutes les sociétés d'Afrique, quelles soient noires ou blanches,

Page 58: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

62 Balam Nyeko

faite d'après l'étude des sources locales et en se plaçant du point de vue des habitants du pays, plutôt que de celui de la métropole 8. »

Implicitement, cette définition attribue une place relativement secondaire au facteur impérialiste — la métropole — dans l'évolution passée du continent. Elle conviendrait certainement à beaucoup d'autres régions d'Afrique, mais il est évident qu'elle s'applique parfaitement à l'Afrique australe, où le problème des rapports entre Noirs et Blancs est particulièrement aigu. Cette définition tient compte du « facteur oublié » et nous semble être la plus appropriée pour le m o m e n t . E n outre, sur un plan plus général, elle ne paraît pas contredire la proposition d'Ogot sur « la meilleure manière d'aborder l'histoire de l'Afrique », qui consiste à essayer d'« étudier comment les différentes entités historiques du continent ont évolué... et quelles phases de croissance il est possible de définir dans le processus d'évolution » 9.

Les particularités de l'historiographie de l'Afrique australe

Dans l'introduction du premier volume de VOxford history of South Africa, Monica Wilson et Leonard T h o m p s o n ont dégagé les traits qui distinguent l'histoire de l'Afrique du Sud de celle du reste du continent10. L'analyse des différents aspects de cette histoire a toujours été compliquée par la stratification rigide de la société pluraliste de l'Afrique du Sud. Il en est résulté que l'atten­tion accordée à un groupe particulier a pesé lourd dans les ouvrages historiques consacrés à l'Afrique du Sud. C e qui aurait dû être l'histoire de l'ensemble de la région et de sa population s'est réduit, dans la plupart des ouvrages, à une défense partiale des points de vue d 'un groupe vis-à-vis de ceux des autres. Cela est particulièrement vrai pour les relations entre les Britanniques et les Afrikaners au xixe siècle. Dans les cas des Afrikaners, par exemple, on a vu apparaître une école de pensée pour laquelle les fermiers afrikaners étaient des victimes, et les administrateurs britanniques des gens qui s'étaient immiscés à tort dans les relations entre les Afrikaners et les Africains. A u contraire, les apologistes de l'action britannique en Afrique du Sud soulignaient que les Britanniques avaient eu une attitude purement humanitaire et avaient tenté de rogner les ailes des Afrikaners11. Ces interprétations opposées de l'histoire de l'Afrique du Sud n'ont généralement plus cours, mais la tendance persiste à traiter d 'un point de vue assez étroit les relations entre Britanniques et Afrikaners, ce qui est probablement un vestige des approches antérieures. M ê m e dans les ouvrages les plus récents, on ne prend guère en compte la dimension africaine dans ces relations12.

Les directeurs de publication de V Oxford history déplorent également le fait qu 'eux-mêmes et leurs collaborateurs sont tous des Blancs dont le point

Page 59: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

La place de l'histoire de l'Afrique australe dans les programmes scolaires

63

de vue diffère de celui des Africains qui forment la majorité de la population qu'ils étudient. O n peut évidemment faire remarquer que les Africains eux-m ê m e s n'échappent pas au « particularisme de groupe » quand ils traitent de l'histoire de l'Afrique australe. Eux aussi ont des griefs à formuler contre l'ensemble de la population blanche; très souvent, la colère des Africains s'est dirigée contre les Boers, considérés par certains groupes africains c o m m e moins redoutables que les Britanniques13. Il reste donc difficile d'obtenir de la population africaine locale un traitement impartial de son histoire. E n raison des passions que les luttes politiques actuelles suscitent parmi cette population, il ne serait guère réaliste de l'exiger. D'autres obstacles, tels que le m a n q u e de moyens matériels et financiers, empêchent les Africains de se consacrer aux recherches historiques.

Si les paragraphes qui précèdent concernent l'Afrique du Sud plutôt que l'Afrique australe, telle que nous l'avons définie au début de cette étude, cela tient à la grande influence que la République exerce sur ses voisins. Cette influence est elle-même un des thèmes de l'histoire de l'Afrique australe qui justifient le plus son enseignement dans les établissements scolaires et univer­sitaires de la région. Il nous faut maintenant parler de la place qui doit être reconnue à l'histoire de l'Afrique australe.

L'histoire de l'Afrique australe dans les programmes scolaires et universitaires

Les buts de l'enseignement et de l'étude de l'histoire ont tous été exposés par un certain nombre de spécialistes et nous n'avons pas l'intention d'y revenir ici. Mais c o m m e , dans les Etats africains indépendants en particulier, on s'est parfois demandé s'il était justifié de consacrer des s o m m e s importantes à l'en­seignement d'une matière « non productive » c o m m e l'histoire, alors que la préoccupation essentielle y était le « développement » M, il n'est pas inutile de dire quelques mots de l'intérêt présenté par l'histoire africaine. L'histoire nous enseigne le passé, et, ce faisant, elle nous aide à comprendre le présent1S. Bien entendu, elle n'apprend pas à éviter les erreurs commises antérieurement. Dans le cas particulier de l'Afrique contemporaine, l'enseignement de l'histoire africaine se justifie par toute une série de raisons qui dépassent sa simple valeur culturelle. Les gouvernements des Etats indépendants n'ont pas seulement mis l'accent sur la nécessité de chercher des données sur le passé afin que l'Afrique retrouve sa dignité dans la période post-coloniale; ils ont aussi voulu souligner que l'histoire devait contribuer à l'édification nationale. Ainsi, à la fin des années soixante, au m o m e n t où l'Afrique semblait submergée par le « triba­lisme », les départements d'histoire insistaient sur des thèmes de l'histoire africaine tels que la formation de l'Etat, la constitution de grandes entités politiques, la création d 'un sentiment d'unité, etc., tendances qui se sont parti-

Page 60: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

64 Balam Nyeko

culièrement manifestées en Afrique au début du xixe siècle. O n mettait en relief les exploits de Shaka dans le royaume Zulu, les méthodes de construction nationale de M o s h w e s h u w e au Lesotho et de Sobhuza I et Mswati au Swaziland, en reléguant au second plan les influences qui tendaient à diviser les sociétés africaines16.

Autrefois, l'histoire africaine était avant tout une histoire politique: les spécialistes de l'Afrique pré-coloniale s'intéressaient aux origines des peuples ou des Etats et à l'évolution de leurs systèmes politiques; de leur côté, ceux qui étudiaient la période coloniale s'attachaient à décrire les efforts des Africains pour parvenir à une organisation politique moderne et la façon dont ils avaient « arraché » leur indépendance politique aux gouvernements des métropoles. Dans bien des cas, l'histoire de l'Afrique pré-coloniale se réduisait presque entièrement à une histoire des cours royales, car les données étaient fournies par ces cours et concernaient les règnes des différents souverains. C e n'était pas une histoire du peuple17. D ' u n autre côté, les études sur les mouvements politiques modernes en Afrique pendant la période coloniale étaient entachées d'élitisme et traitaient d'une poignée d'Africains instruits qui avaient acquis une certaine notoriété grâce à leur éducation occidentale.

Depuis quelque temps, cependant, les historiens s'intéressent aux pro­blèmes sociaux et économiques, et non plus uniquement à l'évolution politique. Dans le cas de l'Afrique australe telle que nous l'avons définie, par exemple, un certain nombre d'études ont été consacrées dernièrement aux causes du sous-développement africain, aux facteurs qui expliquent l'apparition d'une paysannerie africaine, aux bases socio-économiques de l'apartheid, aux origines de la richesse, du pouvoir et des privilèges des Blancs, etc.

Si l'on adopte un point de vue moderne — c'est-à-dire si l'on cherche à comprendre le présent — ces études portent sur les aspects de l'histoire de l'Afrique australe qui sont de loin les plus intéressants. Elles ont aussi le mérite d'avoir une base plus large que les chroniques des cours royales.

E n outre, une discussion s'est ouverte sur l'importance de la période coloniale dans l'ensemble de l'histoire africaine. C o m m e la plupart des c o m ­munautés africaines n'ont subi la domination coloniale que pendant soixante-dix ans environ, certains historiens se sont demandé si on ne lui attribuait pas une importance exagérée18. Cependant, la majorité d'entre eux reconnaissent que, si la domination coloniale n'a été qu'un épisode dans la longue histoire du continent, cet épisode a été important et ses conséquences se font encore sentir de nos jours. Il semble pourtant peu justifié de le traiter séparément du reste de l'histoire de l'Afrique. E n Afrique australe en particulier, où les contacts entre Noirs et Blancs durent depuis plus de trois siècles et ont eu des répercus­sions importantes pour les deux communautés, parler d'histoire africaine « pré-coloniale » et d'histoire « coloniale » n'a guère de sens, car il n'y a pas de rupture nette entre ces deux périodes19.

Page 61: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

La place de l'histoire de l'Afrique australe dans les programmes scolaires

65

L'intérêt que suscite actuellement l'Afrique australe tient à la montée d'une communauté blanche riche et puissante et, d'autre part, à celle d'une majorité noire pauvre et sans pouvoir. Cette remarque est également valable pour les relations entre l'actuelle République d'Afrique du Sud et ses voisins — en particulier les Etats enclavés du Botswana, du Lesotho et du Swaziland — et les anciennes colonies portugaises, qui ont été pendant quelque soixante ans des clients économiques de l'Afrique du Sud. Il serait donc utile que les spécialistes se penchent sur l'évolution historique qui a abouti à cette situation. E n outre, ils auraient apparemment intérêt à considérer la région c o m m e un ensemble intégré, ayant une histoire c o m m u n e .

Notes

1. Voir, à titre de comparaison, Roland Oliver, « Western historiography and its relevance to Africa », dans T . O . Ranger (dir. de publ.), Emerging themes of African history, p. 55, Nairobi, 1968.

2. B . A . Ogot, « S o m e approaches to African history », dans Ogot (dir. de publ.), Hadith I, p. 2, Nairobi, 1968.

3. Terence Ranger, « Introduction », dans T . O . Ranger (dir. de publ.), Emerging themes of African history, p. xxi, Londres, Heinemann Educational, 1969.

4. Leonard Thompson, « The forgotten factor in Southern African history », dans L . Thompson (dir. de publ.), African societies in Southern Africa, p. 1-23, Londres, 1969.

5. J. D . Omer-Cooper, The Zulu aftermath (Londres, 1966), et Shula Marks, Reluctant rebellion (Londres, 1969) constituent des jalons importants dans l'historiographie de l'Afrique australe.

6. R . H y a m , « Are we any nearer an African history of South Africa ? » article paru dans HistoricalJournal, X V I , 3, p. 616-626,1973.

7. Ibid. 8. A . Atmore et S. Marks, « The imperial factor in South Africa in the nineteenth century :

towards a reassessment », The Journal of Imperial and Commonwealth History, III, 1, p. 132, 1974.

9. Ogot, « S o m e approaches », op. cit. 10. M . Wilson et L . Thompson (dir. de publ.), The Oxford history of South Africa, vol. I,

préface, 1969. 11. Voir, à titre de comparaison, S. Marks, « Historians and South Africa », dans J. D .

Fage (dir. de publ.), Africa discovers her past, p. 83-89, Londres, 1970, et D . Denoon, Southern Africa since 1800, p. 230-233, Londres, 1972.

12. S. Marks, «African and Afrikaner history», article paru dans le Journal of African History, XI , 3, p. 435-447,1970.

13. Les recherches menées au Swaziland indiquent que les Swazi, dans leur ensemble, considéraient les Britanniques c o m m e un moindre mal par rapport aux Boers.

14. Voir William Ochieng, « African history in post-colonial reconstruction », East African Journal, vol. 9, n° 6, p. 14-17, juin 1972; cet article a été inclus par la suite dans le recueil d'essais du m ê m e auteur intitulé The first word: essays on Kenya history, Nairobi, 1975.

Page 62: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

66 Balam Nyeko

15. E . H . Carr, What is history, p. 26, Penguin Books, 1961, cité par Ochieng, op. cit. 16. M e m o r a n d u m du département d'histoire du comité d'inspection, Université de M a k e -

rere, 1970. Incidemment, le comité a déclaré par la suite dans ses recommandations qu'une des matières qui ne devaient pas être enseignées à Makerere était l'histoire de l'Afrique australe. Il ne donnait aucune raison pour justifier ce point de vue. Voir le rapport du comité pour 1970.

17. L'expression est du professeur D . Denoon, dans Peoples' history, leçon inaugurale à l'Université de Nouvelle-Guinée-Papouasie, 1973.

18. Il existe une abondante littérature sur l'ensemble de cette question, mais on aura intérêt à lire en particulier J. F . A . Ajayi, «Colonialism: an episode in African history », dans L . H . G a n n et Peter Duignan (dir. de publ.), Colonialism in Africa, vol. I, Cambridge University Press, 1969.

19. Pour un point de vue intéressant sur ce thème, voir le compte rendu fait par S. Marks de l'ouvrage de D . Denoon, Southern Africa since 1800 dans le Journal of African History, X V , 3, p. 491-493, 1974, où elle écrit que les principaux défauts du livre sont liés à la compréhension insuffisante qu'avait Denoon de la nature des sociétés pré-coloniales d'Afrique australe.

Page 63: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

La recherche au Botswana

A . C . Campbell

Avant 1950, le D r Weyland a recueilli sur le sol une importante collection d'objets de pierre dans tout le Botswana. Cette collection a été examinée par C . K . Cooke qui publiera sous peu une description détaillée d'un échantillon de ces objets, avec des cartes indiquant leur répartition géographique.

J. Yellen et P . Draper ont fouillé un site dans une cuvette proche de la frontière entre le nord-ouest du Botswana et la Namibie. Ils ont trouvé des sites d'implantation permanente à la fin de l'âge de la pierre remontant à 6 000 ans avant notre époque et, immédiatement au-dessous, des niveaux de la fin de l'âge de la pierre moyen . Parallèlement, ils ont entrepris de dresser une carte des sites San occupés ou abandonnés dans le voisinage, et ils tentent d'établir une correspondance entre cette carte et les résultats des fouilles.

E . Wilmsen fait des fouilles à une cinquantaine de kilomètres au sud de Yellen, également dans une cuvette. Les objets étudiés sont répartis autour du centre de la cuvette. II fait également des recherches sur le régime alimen­taire local des San, etc., et tente d'établir des correspondances c o m m e ci-dessus.

H . Esche travaille à K w e n e n g sur les San en général, et plus particulière­ment sur l'histoire des brûlis dus, d'une part, aux San, d'autre part à des pas­teurs, afin d'observer leurs effets sur la végétation et la faune sauvage.

R . Pahl a travaillé sur des sites de l'âge de la pierre, autour de Kanye datant principalement des débuts de l'âge de la pierre moyen .

J. Ebert et R . Hitchcock ont surtout travaillé autour de Makgadikgadi, sur les côtes et les plages anciennes, en utilisant la méthode des coupes. Ils ont également étudié le climat et disposent d'une quantité considérable de données concernant les peuplements de l'âge de la pierre (leurs effectifs?), leur m o d e de vie, etc. Ils ont également procédé à des études écologiques sur les activités des San le long du fleuve Nata à l'époque moderne.

M . Tamplin a fait une courte étude sur les sites préhistoriques de l'est du Botswana (quarante sites environ) et il analyse actuellement les matériaux recueillis, qui remontent pour la plupart à l'âge du fer.

M a s o n et G . Cohen ont fouillé un puits dans une mine de pierre spéculaire au sud-est du Botswana. Revil M a s o n a également examiné les plans actuels des

Page 64: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

68 A. C. Campbell

villages K w e n a et Kgalagadi, pour les comparer aux fouilles de l'âge de la pierre de Broederstroom et Olifantspoort.

L . Lepionka a fouillé un vaste site au sommet d'une colline à l'est du Botswana, où il a dégagé 250 000 restes d'animaux, qui fournissent de bonnes indications sur le régime alimentaire entre ± 1 400 et 1650 de notre ère. Il se propose de revenir et de procéder à des études sur l'âge du fer semblables à celles de Huffnam en Rhodésie.

E . Hanisch travaille au confluent du Shashe et du Limpopo et a découvert d'intéressantes poteries du type Leopard's Kopje K 2 et Zhiza; des poteries analogues, quoique légèrement différentes, non encore localisées au Transvaal, pourraient indiquer une migration en provenance de l'ouest.

R . Pahl a entrepris des fouilles sur l'âge du fer près de Kanye et a recueilli beaucoup de données historiques orales auprès des Ngwaketse, qui revendiquent la possession du site fouillé.

B . O ' C o n n o r recueille de la musique traditionnelle dans tout le Botswana. Ses découvertes seront analysées par la Library of African Music du R o y a u m e -Uni.

Richard Lee, Ide Vore, H . Harpending, M . Konner, M . Shustak et d'autres chercheurs liés à l'Université Harvard étudient depuis dix ans la culture San et en particulier le m o d e d'utilisation des ressources.

A u cours des sept dernières années, la Botswana Society a patronné trois colloques sur les sujets suivants: Développement rural; Régularité de la pro­duction dans les zones semi-arides; L'Okavango et son exploitation future.

L a Société a également patronné la recherche, dans la mesure de ses moyens, en fournissant des crédits pour l'enregistrement des traditions orales, l'étude de la musique traditionnelle et la recherche archéologique. Elle publie une revue annuelle, Botswana notes and records, qui contient des articles scien­tifiques, semi-scientifiques, etc.

Page 65: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

L a promotion des études historiques à l'Université nationale du Lesotho

Elleck K . Mashingaidze

Buts et objectifs généraux du Département d'histoire

Ces buts sont énoncés dans le prospectus du département The Department of History 1976J77) et dans Y Annuaire de l'université. Le programme d'enseigne­ment de l'histoire offre une grande variété de cours, qui ont été conçus pour donner aux étudiants du premier cycle des connaissances générales sur l'histoire de l'Afrique, en insistant particulièrement sur l'Afrique australe. Des cours sont également faits sur l'histoire de l'Europe, de la Russie et de la Chine moderne, et des Etats-Unis d'Amérique depuis la révolution. Il existe en outre un cours spécialement conçu pour familiariser les étudiants avec les problèmes méthodologiques des études historiques.

Les étudiants de dernière année doivent rédiger des mémoires de recherche. Ils suivent pour cela des séminaires et soumettent aux directeurs d'études des notes sur l'état d'avancement de leur travail.

U n nouveau cours sur « Le Lesotho et l'Afrique australe » a été créé. Il ne s'adresse actuellement qu'aux étudiants de première année, mais on espère que cette matière deviendra obligatoire pour tous les étudiants en histoire. Entre autres obligations, les étudiants de première année doivent participer à des excursions historiques avec leurs professeurs. Ces excursions sont destinées à familiariser les étudiants avec leur milieu ; ils visitent des lieux qui présentent un intérêt historique, en particulier des sites pouvant remonter à l'âge du fer. Il convient de souligner ici que, faute de crédits et de spécialistes, l'âge du fer n 'a pas encore fait l'objet de fouilles au Lesotho, bien que des sites prometteurs aient été localisés. N o u s espérons que des travaux seront entrepris sur l'âge du fer, peut-être avec l'aide de l'Unesco. E n fait, le nouveau cours sur l'histoire du Lesotho et de l'Afrique australe ne prendra sa véritable signification qu'une fois ces recherches accomplies.

Page 66: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

70 Elleck K. Mashingaidze

L e programme d'enseignement de l'histoire

Programme général du B.A.

L'historien et la reconstitution du passé: le Lesotho et l'Afrique australe. L'Europe: du xive au x v m e siècle. L'Afrique jusqu'en 1800. L'Afrique de 1800 à nos jours. Historiographie et méthodologie. Histoire régionale: a) Afrique orientale; b) Afrique occidentale; c) Afrique

centrale ; d) Afrique du Nord. L'Europe de 1789 à 1917. Grands thèmes de l'histoire du xx e siècle. La Russie moderne. Les Etats-Unis d'Amérique depuis la révolution. L'Afrique australe de 1800 à 1890. L'Afrique australe de 1890 à nos jours. Dissertation ou mémoire. (Ce cours comprend des séminaires et la présentation

aux directeurs d'études de notes sur l'état d'avancement du travail.) Les innovations religieuses en Afrique coloniale. N . B . Tous ces cours ne sont pas donnés la m ê m e année.

B.A. Honours (neuf épreuves écrites)

lre année: L'Afrique depuis 1800. U n des sujets suivants: a) Histoire de l'Afrique occidentale; b) Histoire de

l'Afrique orientale; c) Histoire de l'Afrique du Nord; d) Histoire de l'Afrique centrale.

Histoire de l'Europe depuis 1760. 2 e année: Trois des sujets suivants: a) La traite négrière; b) Histoire économique de

l'Afrique; c) Histoire de l'Islam en Afrique; d) Le panafricanisme; e) Les innovations religieuses en Afrique coloniale;/) Nationalisme et minorités; g) La littérature africaine et l'Afrique du Sud moderne; h) L a révolution dans le m o n d e moderne.

3 e année : Histoire du Lesotho et de l'Afrique du Sud moderne depuis 1800 (sujet spécial). Historiographie et méthodologie historique.

Page 67: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

La promotion des études historiques à l'Université nationale du Lesotho

71

Dissertation

Il s'agit d'un travail de 1 500 mots au m a x i m u m , présentant soit des matériaux nouveaux, soit une analyse nouvelle des matériaux existants. Le sujet est choisi par l'étudiant en accord avec les professeurs.

Hautes études universitaires

Le Département compte un étudiant préparant le M . A . qui fait des recherches sur l'histoire économique du Lesotho.

Recherche

Le Département comprend cinq enseignants qui se consacrent tous à la recherche. Cela s'explique par de multiples raisons; je n'en mentionnerai que quatre : 1. La recherche est prévue dans notre contrat. 2. Nous entreprenons des recherches pour faire progresser le savoir. 3. La revue publiée par notre Département, Mohlomi, Journal of Southern

African historical studies, nous incite à faire des recherches. 4. Notre nouveau cours sur le Lesotho et l'Afrique australe ne pourra être

viable que si chacun de nous fait des recherches.

Travaux de recherche du personnel enseignant

Professeur et directeur du département: G . M . Haliburton, M . A . (Dal.), B . Ed . (Acad.), Ph . D . (Londres). Sujets de recherche: Mouvements reli­gieux, activités missionnaires en Afrique. Actuellement, s'intéresse en parti­culier aux activités missionnaires au Lesotho.

Maîtres de conférences : S. I. Mudenge, B . A . (York, Royaume-Uni), Ph . D . (Londres). Sujets de recherche: Histoire de l'empire Rozvi. Commerce et politique dans le sud de l'Afrique centrale, le centre du Mozambique, le sud-est de la Zambie et le Zimbabwe au xvu e et au x v m e siècle. Histoire du Monomotapa au x v m e siècle. Histoire du Pius xn College. R o m a .

Chargés de cours : J. J. G u y , B . A . (Natal), Ph. D . (Londres). Sujets de recherche : Histoire du Natal et du Zululand depuis les origines, et plus particulière­ment au xixe et au xx e siècle. Les formations sociales précapitalistes en Afrique australe, et en particulier les effets de l'environnement sur les sociétés humaines. Réactions individuelles au processus de prolétarisation en Afrique australe.

E . K . Mashingaidze, B . A . (UBLS) , D . Phil. (York, Royaume-Uni) . Sujets de recherche: Rapports entre l'impérialisme britannique et les missions chré­tiennes en Afrique centrale. Activités missionnaires dans le Mashonaland. Histoire africaine en Rhodésie du Sud. Innovations religieuses en Rhodésie

Page 68: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

72 Elleck K. Mashingaidze

du Sud. Mouvements de résistance en Afrique centrale. Initiatives religieuses africaines en Rhodésie du Sud.

L . B . J. Machobane, A . A . (Piney Woods ) , B . S. et M . Ed. (Tuskegee), M . A . (Lehigh). M e m b r e du Département depuis juillet 1976. Sujets de recherche: Histoire du Basotho. Le chef Motsoene et la politique du Lesotho. Histoire du Leribe en tant que pays distinct. Les romans du Lesotho c o m m e moyens d'enseigner l'histoire.

Séminaires

Le département organise régulièrement les séminaires suivants : 1. Séminaires du premier cycle. 2. Séminaires de niveau supérieur. 3. Séminaires Mohlomi — pour les enseignants permanents et invités.

Ces séminaires sont ouverts au public.

Conférences-stages d'études pratiques

U n stage d'études pratiques d'histoire sur les modes de production a eu lieu au Département en juillet 1976. U n e conférence internationale sur l'histoire de l'Afrique australe est en cours d'organisation et se tiendra du 1er au 7 août 1977. D e cinquante à soixante historiens, dont un certain nombre d'experts présents à cette réunion de l'Unesco, y participeront.

Publication du Département

Le Département d'histoire de l'Université nationale du Lesotho publie une revue, Mohlomi, journal of Southern African historical studies, dont je tiens un certain nombre d'exemplaires à la disposition des intéressés. Toutes les contri­butions à cette revue seront accueillies avec reconnaissance. Le Département prévoit également de publier, après les avoir révisés, des mémoires d'étudiants.

Autres activités visant à promouvoir les études historiques

Le Département accorde un grand intérêt à la préservation des archives du Lesotho. Je fais m o i - m ê m e partie, avec un de mes collègues, du Comité national des archives. E n notre qualité de représentants de l'université au sein de ce comité, nous sommes actuellement en pourparlers avec le gouvernement, dont le siège est à Maseru, en vue du transfert des Archives nationales à l'Uni­versité de R o m a .

Page 69: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

La promotion des études historiques à l'Université nationale du Lesotho

73

U n autre de mes collègues fait partie du Comité de préservation, qui est responsable de la protection des sites et des bâtiments présentant une valeur historique. Je devrais peut-être signaler que ce comité a également récupéré une grande quantité de documents précieux provenant de différents districts du Lesotho — une partie de cette documentation est maintenant conservée dans des caisses à la bibliothèque de l'Université de R o m a .

U n e campagne est prévue pour recueillir les traditions orales. Peut-être devrais-je également signaler ici que des plans relatifs à la

création d'un institut d'études de l'Afrique australe sont en cours d'exécution. Cette entreprise intéresse beaucoup le Département d'histoire, mais je ne suis pas en mesure actuellement de fournir de plus amples informations à ce sujet.

Page 70: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

L a recherche historique au Malawi

J. B . Webster

Sauf circonstances imprévues, la domination des étrangers sur l'historiographie du Malawi a pris fin; elle a atteint son point culminant juste avant le départ de m o n prédécesseur, qui s'est accompagné d'un flot de publications. Contrai­rement à lui, j'ai hérité d'un département entièrement africain; par ailleurs, je ne suis pas spécialiste du Malawi et il est peu probable que je le devienne. M e s collaborateurs ont le désir sain et naturel d'apporter au monde une interpré­tation malawienne de l'histoire du Malawi. Je considère que m o n rôle per­sonnel à l'Université est d'encourager, de faciliter et de critiquer cette initiative malawienne. Le Département d'histoire du Chancellor College organise chaque semaine un séminaire de recherche pendant toute l'année universitaire. N o s étudiants de dernière année doivent présenter à ce séminaire un mémoire rédigé à partir de matériaux originaux, oraux ou écrits. O n trouvera ci-dessous un résumé des recherches menées actuellement au Malawi.

Recherches historiques actuelles au Malawi

A . H . K . Bhila, Evolution du commerce précolonial en pays Shona, 1600-1900. 0 . J. Kalinga, Les Etats précoloniaux de Ngonde et Ulambya au nord du

Malawi, 1600-1900. Kings Phiri, L'histoire précoloniale du peuple Chewa. J. B . Webster, Etude approfondie de la chefferie Y a o de Kawinga. Elias Mandai, Les Etats Kololo, dans la basse vallée du Shire, au xixe siècle. Z . Kadzamira, La planification du développement au Malawi à l'époque

moderne. 1. L a m b a , Le développement de l'éducation occidentale au Malawi. G . Ngomezulu, Etude de soixante sites préhistoriques de l'âge de la pierre et

de l'âge du fer dans le district de Dedga. R . Greenstein, Les ulémas musulmans du Malawi.

Page 71: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

76 / . B. Webster

Le projet Zamba

Tous les membres du Département d'histoire de l'Université du Malawi exé­cutent un projet collectif de recherche historique sous la direction de Z . Kadza-mira. Des professeurs, assistés par des étudiants de dernière année, vont recueillir des traditions orales dans trois districts, Chiradzulu, Z a m b a et Kasupa. Cette région présente une diversité ethnique inhabituelle — on y trouve des Chewa, des Y a o , des Ngoni et des L o m w a — et le but du projet est de retracer l'histoire de l'arrivée et de l'établissement de chacun de ces peuples.

Manuel pour les enseignants des écoles secondaires

Des membres du personnel enseignant présenteront d'avril à juillet 1977 des mémoires de séminaire sur des thèmes de l'histoire du Malawi. U n e fois exa­minés et révisés, ces travaux seront soumis à une conférence de professeurs du secondaire, pour former ensuite les chapitres d 'un manuel d'enseignement de l'histoire du Malawi.

Page 72: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

L a recherche historique au Swaziland

N . M . Bhebe

Les recherches sur le Swaziland commencent à peine, de sorte qu'il n'existe aucun matériel d'enseignement, pas plus pour les temps anciens que pour l'époque contemporaine, dans les écoles primaires et secondaires c o m m e à l'université. Les travaux effectués continuent à se présenter sous forme de thèses.

Trois chercheurs ont travaillé ou travaillent encore à des thèses de doctorat d'histoire portant sur le Swaziland: Philip Bonar a soutenu à l'Uni­versité de Londres une thèse sur le Swaziland de 1820 à 1880; Balam Nyeko se prépare à soutenir une thèse sur les concessions au Swaziland; Francis M a s -hasha prépare un doctorat à Oxford sur l'histoire coloniale des Swazi.

Hild Kuper, le célèbre anthropologue, continue de s'intéresser au Swazi­land; il a publié récemment une biographie de Sa Majesté le roi Sobura II.

L'Histoire du Swaziland due à un amateur, J. S. Matsebula, reste le seul ouvrage utilisé au Swaziland à tous les niveaux de l'enseignement.

Les archives sont restées fermées au public pendant longtemps en raison du manque de locaux et de personnel. Mais le bâtiment est maintenant terminé et nous espérons que les archives seront ouvertes à la fin de l'année 1977.

Le travail muséographique est mené activement et le gouvernement c o m m e le public collaborent à la collecte des objets culturels et des autres aspects de la civilisation des Swazi et des peuples voisins.

Recherche archéologique

U n e équipe de l'Unesco, travaillant sous la direction du D r David Price-Williams, du City University College de Londres, fera des recherches au Swazi­land pendant les cinq années à venir. La coopération est parfaite entre le Dépar­tement d'histoire et l'équipe de l'Unesco. Des étudiants en histoire sont mis à la disposition de l'équipe et leurs dépenses sont remboursées par le Départe­ment. Ces étudiants sont tenus de rédiger des mémoires sur les travaux qu'ils réalisent avec elle. L'université a scellé cette coopération en n o m m a n t M . Price-Williams directeur de recherche honoraire. A la demande du Département,

Page 73: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

78 N. M. Bhebe

Price-Williams et son équipe donnent des cours publics et dirigent des sémi­naires fondés sur leurs travaux.

L e Département

Pour encourager la recherche, le Département d'histoire a organisé un pro­gramme de préparation au M . A . fondé sur les cours et la recherche. La recherche porte sur des thèmes de l'histoire des Swazi.

A u niveau du B . A . , les étudiants doivent rédiger des mémoires sur les traditions orales. O n insiste plus sur les traditions elles-mêmes que sur leur synthèse.

Personnel enseignant

Le D r H . W . Macmillan fait des recherches sur la période coloniale. Le D r

W . N . Parsons étudie l'histoire de l'économie paysanne des Swazi.

Cours

Il existe plusieurs cours sur l'Afrique en général et le Swaziland en particulier: 1. Histoire du Swaziland. 2. Le Swaziland et les pays avoisinants. 3. L'Afrique australe de 1800 à nos jours. 4 . L'Afrique des origines à 1800. 5. L'Afrique de 1800 à nos jours. 6. La diaspora africaine. 7. L'Afrique et le monde depuis 1945. 8. Les mouvements de résistance en Afrique. 9. L'impérialisme en Afrique.

Stage d'études pratiques

Enfin, le Département sollicite une aide financière pour organiser un stage d'études pratiques sur l'histoire des Swazi, afin d'élaborer un- manuel d'enseignement.

Institut d'études africaines

L'université envisage sérieusement la création d'un tel institut pour que des travaux soient effectués sur l'Afrique australe.

Page 74: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

L'enseignement et la recherche sur l'Afrique australe au Royaume-Uni

S. Marks

Université de Londres

Quatre membres du corps enseignant s'intéressent à cette région: le professeur Richard Gray et les docteurs Birmingham, Roberts et Marks.

L'histoire de l'Afrique australe est enseignée au niveau du B . A . dans le cadre des trois grands cours sur l'histoire africaine, qui sont ouverts aux étu­diants préparant un diplôme d'histoire régionale, aux étudiants ayant choisi l'histoire c o m m e discipline secondaire, ou à ceux qui préparent un diplôme mixte d'histoire et d'anthropologie, ou d'histoire et d'une langue africaine. E n outre, un cours à option intitulé « Classe, couleur et capital en Afrique australe depuis 1970 » sera ouvert à tous les étudiants d'histoire de l'université à partir d'octobre 1977 (voir ci-après). Il existe un autre cours à option sur le christianisme et les religions indigènes en Afrique centrale et orientale de 1850 à nos jours.

A u niveau du M . A . , il existe des cours d'une année sur le Mozambique et l'Angola et l'Afrique australe (« Conflits et interdépendance en Afrique aus­trale au xixe et au X X e siècle »).

Des étudiants préparent des thèses de doctorat sur l'histoire de l'Afrique australe; actuellement, une dizaine d'étudiants travaillent sur l'histoire de l'Afrique du Sud, et quatre ou cinq sur le Mozambique, le Zimbabwe et la Zambie.

L'Institute of Commonweal th Studies organise tous les quinze jours un séminaire post-universitaire sur les « sociétés d'Afrique australe au xixe et au xx e siècle ». Les communications présentées à ce séminaire sont réunies et publiées chaque année sous forme de photocopies, qu'il est possible de se procurer auprès de l'institut. Six volumes sont déjà parus et le septième est sous presse.

Recherche au-delà du doctorat

U n projet de recherche s'étendant sur trois ans a été entrepris afin d'étudier la

Page 75: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

80 S. Marks

formation de la classe ouvrière africaine en Afrique du Sud au X X e siècle. Il a été confié à deux chercheurs, un historien, le D r Charles van Onseleer, et un anthropologue, le D r Maurette Sebisi.

L'exécution d 'un projet de trois ans pour la collecte de matériaux sur l'histoire sociale, économique et politique de l'Afrique australe vient de prendre fin. U n e liste de références complète doit être publiée prochainement sur la documentation disponible à Londres au sujet de l'Afrique australe, y compris les matériaux qui viennent d'être rassemblés (l'accent étant mis sur les matériaux éphémères et les documents intéressant les personnalités et les organisations politiques africaines qui risqueraient d'être perdus).

Autres centres du R o y a u m e - U n i

Le Centre d'études sur l'Afrique australe de l'Université de York organise un cours d'une année sur l'Afrique australe pour la préparation au B . Phil. Le Centre organise également des conférences annuelles pour les étudiants d'his­toire d'Afrique australe et en publie le compte rendu. Il compte deux ou trois étudiants qui préparent un doctorat et a réuni pendant trois ans des matériaux sur l'Afrique australe.

L'Université du Sussex ne semble plus organiser de cours magistraux sur l'Afrique australe, mais un groupe très important d'étudiants de doctorat (six) y travaille sur l'Afrique du Sud au xx e siècle dans une perspective princi­palement marxiste. Ils s'intéressent surtout aux sciences politiques.

A l'Université de Warwick ( D r Legassick — Département de socio­logie), à l'Université d'Oxford ( D r Trapido, Institute of Commonweal th Studies) et à l'Université d'Essex (Département de sociologie, D r Harold Wolpe), d'importants travaux sont en cours sur l'Afrique du Sud au X X e

siècle. U n e nouvelle revue (1974) publiée par l'Oxford University Press, le

Journal of Southern African studies, présente des travaux d'histoire et de sciences sociales sur la région. Les rédacteurs en chef sont le D r S. Trapido (Oxford), le D r C . van Onseleer (Londres) et le D r S. Cross (Norwich). Le comité de rédaction est présidé par le professeur J. Ranger.

Ecoles secondaires

Le département extérieur de la School of Oriental and African Studies accorde une grande attention à l'enseignement de l'histoire du tiers m o n d e dans les écoles anglaises. Ses membres participent à des conférences sur l'histoire de l'Afrique et de l'Asie et les problèmes contemporains organisées pour les

Page 76: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

L'enseignement et la recherche sur l'Afrique australe au Royaume-Uni

81

élèves de sixième année et pour les enseignants. Depuis un ou deux ans, l'Afrique australe est assez bien représentée dans ces conférences.

U n guide pédagogique pour l'enseignement de l'histoire mondiale et des problèmes contemporains (Sharpeville) en sixième année est en préparation. Ses auteurs espèrent qu'il fera prendre conscience aux élèves des problèmes de méthodologie historique, et en particulier des problèmes posés par la défor­mation des nouvelles dans la presse, et qu'il les renseignera sur quelques-unes des composantes structurelles de la situation en Afrique australe.

Proposition concernant une nouvelle matière à option

Classe, couleur et capital en Afrique australe, de 1810 à nos jours

L a School of Oriental and African Studies prévoit d'organiser un cours d 'un an sur cette matière destiné aux étudiants préparant le B . A . Honours degree en histoire ou un diplôme mixte, ce cours pourra aussi constituer une unité de valeur pour un grade moins élevé (dans ce cas, il ne sera pas normalement ouvert aux étudiants de première année). L'enseignement devrait commencer au début de l'année universitaire 1977-1978.

Il sera donné sous forme de séminaires et aura deux objectifs principaux : examiner l'impact de l'industrialisation sur les économies de la région à la fin du xixe siècle et étudier les rapports entre la classe et la couleur dans le contexte social, politique et économique en pleine évolution du sous-continent. Pour les besoins de ce cours, l'Afrique australe comprendra l'actuelle Répu­blique d'Afrique du Sud, la Rhodésie, la Zambie, le sud du Mozambique, le Malawi, la Namibie et les anciens protectorats, le Lesotho, le Botswana et le Swaziland. Cependant, l'enseignement portera principalement sur l'Afrique du Sud.

Les sujets traités seront les suivants : 1. L'économie politique de la région à la veille de la découverte des gisements

miniers de l'Afrique du Sud. 2. L'or et les diamants: nature des découvertes, investissements en capital

et processus de travail. 3. L'évolution des politiques de la main-d'œuvre sur les terrains diamanti­

fères et dans le Witwatersrand. Le système des migrations de travailleurs, les camps et le rôle de l'Etat dans le contrôle de la main-d'œuvre.

4. La classe ouvrière blanche. Le syndicalisme. La discrimination fondée sur la couleur — préjugé ou protection nécessaire ?

5. La naissance d'une économie sous-régionale. La compagnie B S A au nord du Limpopo.

Page 77: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

82 S. Marks

6. Le facteur impérialiste: la guerre sud-africaine et l'unification de l'Afrique du Sud.

7. Le développement de l'agriculture capitaliste: Afrique du Sud, Rhodésie et Malawi. Propriétaires et squatters.

8. Paysans africains et « réserves » africaines. Les lois sur la répartition des terres en Afrique australe.

9. Le développement des industries secondaires et l'urbanisation. L a forma­tion de classes chez les Blancs et les Noirs. La discussion sur le capital « national » et « international ».

10. L'industrialisation, l'urbanisation et l'idéologie de la ségrégation: Afrique du Sud, Rhodésie et Zambie.

11. Les découvertes de minerais dans le copperbelt et l'évolution des stratégies de la main-d'œuvre dans cette région. Travailleurs migrants, prolétari­sation et « stabilisation ».

12. L'impact de la seconde guerre mondiale. 13. L'essor des Afrikaners en Afrique du Sud. L a victoire nationaliste de

1948 — de la ségrégation à l'apartheid. 14. La fédération d'Afrique centrale et son éclatement — conséquences

économiques. 15. L'apparition d'une classe ouvrière africaine. (Ce sera l'une des lignes

directrices de l'ensemble du cours, qui décrira les différentes formes de prise de conscience des ouvriers africains à différentes époques et dans différentes régions : par exemple, les premières formes de protestation par absentéisme, et jusqu'aux formes d'organisation plus structurées, c o m m e le syndicalisme.) Conscience de classe et conscience nationale.

Cette liste de sujets n'est absolument pas exhaustive, mais elle vise à montrer le champ très large que peut couvrir cet enseignement. D ' u n e manière générale, la méthode appliquée combinera l'approche chronologique et l'ap­proche thématique et si, pour faciliter notre exposé, nous avons énuméré sépa­rément les sujets, ils s'inséreront tous en fait dans une perspective continue, c o m m e dans le cas du point 15.

Les ouvrages sur le sujet sont très nombreux, et la bibliographie suivante n'est évidemment pas exhaustive.

Bibliographie

LIVRES

A D A M , H . Modernizing racial domination, Berkeley, University of California Press, 1971. A R R I G H I , G . The political economy of Southern Rhodesia.

Page 78: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

L'enseignement et la recherche sur VAfrique australe au Royaume-Uni

83

B E R G E R , E . Labour, race and colonial rule, Oxford, Clarendon Press, 1974. E P S T E I N , A . L . Politics in an urban African community, Manchester, Manchester University Press, 1958. F R A N K E L , H . Capital investment in Africa. G R A Y , R . The two Nations, Oxford, 1960, publié sous les auspices de l'Institute of Race Relations. G R E G O R Y , T . Ernest Oppenheimer and the economic development of South Africa, Le Cap, Oxford University Press, 1962. H O B A R T - H O U G H T O N , D . ; D A G U T , J. Source material on the South African economy, I860-1970, 3 volumes. H O R W I T Z , R . The political economy of South Africa, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1967. H U N T E R , G . (ed.) Industrialisation and race relations, Oxford, 1965, publié sous les auspices de l'Institute of Race Relations. J O H N S T O N E , F. A . Class, race and gold, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1976. K U P E R , L . An African bourgeoisie. N e w Haven (Conn.), Londres, Yale University Press, 1965. M A S O N , P . The birth of a dilemma, Londres, Oxford University Press, 1958. M I T C H E L L , J. C . The Kalela dance, Manchester, Manchester University Press, 1956. R A N G E R , T . The African voice in Southern Rhodesia, Londres, Heinemann Educational, 1970. S I M O N S , H . J. Class and colour in South Africa, Harmondsworth, Penguin, 1969. T H O M P S O N , L . ; W I L S O N , M . The Oxford history of South Africa, vol. II, Londres, Oxford University Press. V A N D E R H O R S T , S. Native labour in South Africa, Londres, Oxford University Press, 1942. V A N O N S E L E N , C . Chibaro. W A L S H E , P. The rise of African nationalism in South Africa, Londres, C . Hurst, 1970. W A T S O N , W . Tribal cohesion and a money economy, Manchester, Manchester University Press, 1959. W I L S O N , F . Labour in the South African gold mines, 1911-1969, Londres, Cambridge University Press, 1972. W I L S O N , F . Migrant labour in South Africa, Londres, 1947. W I L S O N , Godfrey, The economics of detribalization.

ARTICLES

A R R I G H I , G . « Labour supplies in historical perspective : a study of the proletarianization of the African peasantry in Rhodesia », Jnl. of Devt. Studies, VI, 3, 1971. B U N D Y , C . « The emergence and decline of a South African peasantry », African Affairs, octobre, 1972. Communications contenues dans les recueils consacrés aux Societies of Southern Africa, 7 vols. Institute of Commonwealth Studies, Londres. JEEVES, A . « Labour on the gold mines, 1890-1905 », / . Southern African Studies, II, 1,1975. J O H N S T O N E , F. « White prosperity and white supremacy in South Africa today », African Affairs, 1 X I X , avril 1970. L E G A S S I C K , M . « Capital accumulation and violence in South Africa », Economy and Society, III, 1974.

. « Race, industrialization and social change in South Africa : the case of R . F . Hoernle », African Affairs, avril, 1976.

. «South Africa: forced labour, industrialization and racial discrimination», dans R . Harris (dir. de publ.) The Political Economy of Africa.

Page 79: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

84 S. Marks

M A W B Y , A . « Capital, government and politics in the Transvaal, 1900-1907: a revision and a reversion », The Historical Journal, XVII, 2, 1976. M O R R I S , M . « The role of the state and agriculture in South Africa », Economy and Society, 1976. PHIMISTER, I. R . « Peasant production in Southern Rhodesia », African Affairs, avril 1974. R E X , J. « The plural society: the South African case », Race, XII, 4, 1971. S L A T E R , H . «Land and labour in Natal: the Natal land colonization company, 1860-1948», J AH, XIV, 1975. T R A P I D O , S. « South Africa in a comparative study of industrialisation », Jul. of Devt. Studies, VIII, 3, 1971. V A N O N S E L E N , C . « African worker consciousness in the Rhodesian gold mines », J AH, XII, 1972. W O L P E , H . «The white working class in South Africa», Economy and Society, V , 2,1976.

THESES

B U N D Y , C . « The rise and decline of an African peasantry in South Africa », Oxford, 1975. H E N D E R S O N , I. « Labour and politics in Northern Rhodesia, 1900-1953 », Edimbourg, 1973. P E R R I N G S , C . « Black labour in the copper mines of the Belgian Congo and Northern Rhodesia, 1911-1941», Londres, 1976. PHIMISTER, I. R . « History of gold mining in Southern Rhodesia to 1953 », University College of Rhodesia, 1975.

Page 80: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

L a recherche historique à l'Université de Zambie

B . S. Krishnamurthy

L'Université de Zambie exécute activement un programme de recherche histo­rique. N o n seulement le Département d'histoire a son propre programme, mais d'autres départements de l'Université, en particulier le Département d'études africaines et l'Institut d'études africaines, travaillent sur des projets qui con­cernent directement l'histoire des sociétés zambiennes. Les projets actuelle­ment en cours d'exécution sont les suivants:

Projets d'étudiants

Les étudiants préparant le B . A . participent de diverses manières à des pro­grammes de recherche. Les étudiants de dernière année qui ont choisi c o m m e sujet spécial la terre et le travail en Afrique centrale rédigent des mémoires de recherche sur les problèmes de la terre et du travail en Zambie. Ces mémoires, fondés sur des travaux sur le terrain, ont été publiés dans trois volumes d'études sur la terre et le travail.

U n projet de collecte des traditions orales par les étudiants, avec l'aide financière de l'Université, a été lancé en 1975. Plusieurs étudiants ont recueilli, dans les sociétés ceva, zumbuka, laie et lenje, des traditions orales qui sont actuellement conservées dans la section des collections spéciales de l'Université de Zambie.

Recherche au niveau du M . A .

U n e étudiante zambienne, M l l e M a u d M u n t e m b a , a fait des recherches sur les systèmes politiques Lenje. Sa thèse est maintenant conservée à l'Université de Zambie. U n e autre thèse de M . A . , portant sur le Conseil représentatif africain en Zambie, a été rédigée par M l l e Dorothy Kent; elle est également disponible à la bibliothèque de l'université. Les auteurs de ces deux thèses ont recueilli un grand nombre de traditions orales.

Projets du personnel enseignant

A l'heure actuelle, malheureusement, le personnel du Département comprend une majorité d'étrangers, depuis que M B r e M u t u m b a Bull a été appelée à servir

Page 81: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

86 B. S. Krishnamurthy

la Zambie dans d'autres fonctions, ce qui a été une grande perte pour le Dépar­tement. Celui-ci poursuit néanmoins une politique de zambianisation active. Il compte actuellement deux maîtres de conférence zambiens, qui sont en congé d'études pour terminer leurs thèses de doctorat, trois stagiaires qui ont terminé leur M . A . ou sont sur le point de le faire, avant de commencer leur doctorat, ainsi que deux étudiants qui ont obtenu cette année des bourses de stagiaires.

Le personnel enseignant étudie divers aspects de l'histoire précoloniale et coloniale de la Zambie. Les travaux sur le terrain ont fourni la matière de plu­sieurs articles: le commerce et la politique chez les Z u m b u k e (D r L . Veil); l'influence de l'écologie sur le développement économique dans la province orientale de la Zambie ( D r Veil); les formations sociales précoloniales dans la région de Hezhi-kehi (D r Keith Rennil); l'influence de la mission de Livingstone sur l'apparition d'une élite instruite en Zambie (D r John Cook) ; le sous-déve­loppement dans les zones rurales kabuc ( M l l e M a u d Muntemba) ; l'économie précoloniale dans la région de Luapula ( M . Musambochime); la pauvreté rurale dans la région de L o m b e ( M . Luchembe).

Le personnel enseignant fait également des recherches sur les régions voisines de la Zambie : D r Leroy Vail et M . White, Les plantations de canne à sucre de Sena au Mozambique; D r Leroy Vail, Les chemins de fer du Nyassa-land; D r B . S. Krishnamurthy, Le sous-développement au Malawi; D r Clarence Smith, La formation des classes en Ovamboland; D r R . Palmer; Race et terre en Rhodésie; D r Fay Gadsian, La presse au Kenya.

L e Département d'études africaines

E n liaison avec d'autres départements de l'Ecole des lettres et des sciences sociales, ce département a mis sur pied un projet pour étudier les conséquences des transferts de technologie au cours des périodes coloniales et postcoloniales.

L'Institut d'études africaines

Sous la direction du professeur Kashoki, l'Institut a participé à divers projets concernant l'histoire culturelle de la Zambie. M . M a p o m a et M . Omondi ont rassemblé une importante collection de chants traditionnels, provenant en particulier de la province du nord. M m e Omondi étudie les rapports entre la linguistique et la culture. Actuellement, l'Institut prépare un projet de cons­truction d'un centre artistique et d'un musée.

Page 82: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Troisième partie Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

Page 83: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Ouverture de la réunion

L a séance inaugurale a été présidée par S. Exe. K . P . Morake , ministre de l'éducation du Botswana.

Le D r Phinias M a k h u r a m e , vice-recteur de l'Université du Bostswana et du Swaziland, a pris la parole le premier. Il a souligné l'importance que revêt pour toute la population du Botswana, et plus largement pour tous les peuples de l'Afrique australe, la redécouverte de leur passé; sans la connaissance de son passé, a-t-il dit, aucun peuple n'a d'avenir. L u i - m ê m e , bien que n'étant pas historien, accordait une grande importance à l'élaboration de l'histoire africaine par les Noirs de cette partie du continent, après tant d'époques où cette histoire n'a été écrite, de l'extérieur, que par des Blancs.

« . . . Les quelques cours d'histoire qui m'ont été donnés à l'école, a déclaré le D r M a k h u r a m e , m'ont toujours présenté le passé de cette partie du m o n d e du point de vue d'un étranger, ou, si l'on préfère, du point de vue d'un Blanc. L a personnalité, la dignité, la culture et la mentalité tout entière des Africains étaient totalement ignorées sous prétexte qu'il s'agissait de païens, de barbares, d'esclaves, de simples outils entre les mains du maître blanc, incapables de penser par eux-mêmes ou d'avoir un comportement rationnel. Toute la perspec­tive était faussée, nos manuels nous présentaient les Africains adultes c o m m e des êtres infantiles dont on n'avait pas à se soucier. Aujourd'hui, grâce aux nouveaux historiens africains et à d'autres qui peuvent présenter le passé de l'Afrique dans sa réalité et cherchent à voir l'Africain c o m m e il se voit lui-m ê m e , les choses sont tout à fait différentes: l'Africain est reconnu dans sa dignité, à laquelle il a droit. L a connaissance du passé, de ce passé que font resurgir la tradition orale et d'autres méthodes qui ne laissent pas les préjugés de race déformer la vérité... fera que les pays d'Afrique prendront leur place parmi les nations du m o n d e — fiers de la contribution qu'ils ont apportée à l'histoire de l ' h o m m e . . .

» E n ce qui concerne l'Afrique du Sud, il est tout à fait à propos que vous soyez tous ici rassemblés pour vous pencher sur un passé qui a tant influé sur les événements actuels dans cette partie troublée de notre continent. J'espère que vous réussirez à découvrir dans le passé le m o m e n t où les choses ont vrai­ment commencé à se gâter. Peut-être devrez-vous vous aventurer sur le terrain

Page 84: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

90 Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

de la politique, mais la politique d'hier n'est-elle pas l'histoire que nos enfants apprendront demain... »

Dans sa réponse, le représentant du Directeur général de l'Unesco a remercié le Botswana de l'hospitalité accordée à cette réunion, souhaitée par le Comité scientifique international et qui s'inscrivait dans le cadre des études en en cours au m o m e n t où sont rédigés les volumes de l'Histoire générale de l'Afrique.

Le ministre de l'éducation du Botswana a remercié l'Unesco d'avoir accepté que la réunion se tienne dans son pays et souligné que toute la popu­lation du Botswana prêtait une grande attention aux travaux qui allaient se dérouler.

L'histoire de cette partie du continent, a-t-il dit, n'a été écrite jusqu'ici que par des Blancs ou presque. L a réunion devrait permettre de faire un grand pas en avant vers un changement profond de cet état de choses. Il a appelé les universités de cette région d'Afrique à accorder une priorité à la recherche sur le passé et à recourir à toutes les techniques d'approche dont disposent aujour­d'hui les historiens, afin de provoquer une réelle renaissance culturelle africaine.

La réunion a élu son bureau, qui était composé c o m m e suit: président, le professeur L . D . Ngcongco; vice-présidents, les professeurs N . Bhebe et J. B . Webster; rapporteur, le professeur J. Dévisse.

Page 85: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Résumé des débats

Les discussions ont été, de bout en bout, dominées par un débat fondamental, qui n'a donné lieu à aucun exposé d'ensemble systématique et qui n'a pas abouti, dans tous les domaines évoqués ou traités, à un accord général.

U n e partie des participants a constamment manifesté un triple souci: a) que l'histoire de l'Afrique méridionale soit abordée à l'aide d'une méthode globale, pluridisciplinaire; b) que cette histoire vise à éclairer, par la redécou­verte de l'évolution longue des sociétés concernées, la situation actuelle de ces sociétés aux prises avec les problèmes que leur pose leur libération; c) que cette histoire ne soit analysée ni c o m m e exclusivement « régionale », ni c o m m e « spécifiquement africaine », mais c o m m e un cas, parmi d'autres, de l'évolution historique mondiale. A ce titre, il ne saurait être suffisant, pour que cette histoire soit réellement nouvelle par rapport à celles qui ont précédé, qu'elle soit écrite par des historiens appartenant à la région d'Afrique considérée, si ces historiens n'appliquent pas, dans leurs études, une méthode scientifique globale.

C e souci méthodologique, fréquemment réaffirmé, a reçu une appro­bation plus ou moins totale et suscité des réserves plus ou moins ouvertement exprimées. Il a entraîné des développements dont l'analyse sera présentée à propos de chacun des thèmes examinés.

Les mouvements de population et les structures du pouvoir, le fer et l'agriculture dans l'évolution de l'Afrique australe

Les participants ont estimé qu'il était impossible de dissocier l'étude de ces deux questions.

Ils considéraient tous que l'information progresse très vite dans ce domaine c o m m e dans beaucoup d'autres et qu'elle modifie sans cesse les tableaux synthétiques trop hâtivement dressés à partir de quelques découvertes; les hypothèses sur le peuplement de cette région de l'Afrique ont beaucoup changé depuis dix ans, et elles changent encore.

L a nécessité a été soulignée de garder une attitude de prudence devant

Page 86: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

92 Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

les constructions trop rapides alors que l'enquête archéologique systématique ne fait que commencer et qu'elle apporte d'incessantes modifications aux hypothèses antérieures.

Peuplement ancien de l'Afrique méridionale

Sans reprendre en détail les analyses faites sur les langues centre-soudanaises (Central Sudanic languages) dans le centre-est de l'Afrique et leur possible influence sur l'Afrique méridionale, sur les Khoi Khoi ou les San, la réunion s'est bornée à enregistrer l'ancienneté, confirmée par l'archéologie, de l'occu­pation humaine dans toute la partie méridionale du continent.

L'importance des découvertes archéologiques récentes, jusque dans la région du Cap , montre qu'une grande consommation de moutons a été faite, par exemple par les plus anciens occupants de cette région. L a « frontière du Limpopo » n 'a aucune signification historique ancienne. D'autre part, il est arbitraire de séparer l'évolution des périodes Iithiques de celles où le fer est présent.

Des découvertes datant du Premier âge du fer confirment la présence de groupes de cultivateurs au sud du Limpopo. Le site de Lydenberg, dans le Transvaal oriental, a livré de belles têtes en céramique. Broederstroom, où l'on a découvert des objets datant du v e siècle de notre ère, a été un impor­tant «berceau» de peuplement africain. D u matériel remontant aux m e et IVe siècles a été retrouvé dans la région au sud du Limpopo.

Pour des raisons qui apparaîtront par la suite, il n 'a pas semblé très important aux experts d'identifier par un n o m les peuples alors installés au sud du Limpopo.

E x a m e n critique de la théorie relative aux « migrations bantu »

Les participants n'ont pas jugé bon de conserver le schéma ancien. Il n'existe guère de preuves d'une migration massive et continue du nord au sud. L'idée que ces « migrants » apportaient aux peuples parmi lesquels ils s'installaient une langue structurée et des technologies avancées n'est plus reçue globalement, sans nuances et sans examen détaillé. Il reste que, dans toute l'Afrique méri­dionale c o m m e ailleurs, l'introduction des outils de fer dans l'agriculture mérite d'être étudiée avec un soin particulier parce qu'elle a engendré des formes nouvelles de sédentarisation et un accroissement des possibilités nutri-tionnelles. Il faut simplement se garder, désormais, d'en faire une conséquence automatique de « l'arrivée des Bantu ».

Page 87: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Compte rendu des débats 93

S'appuyant sur des découvertes archéologiques récentes en Afrique centrale et méridionale et sur des exemples empruntés à d'autres régions d'Afrique et à d'autres continents, les experts ont proposé à l'attention du Comité scientifique international et aux rédacteurs de VHistoire générale de VAfrique des thèmes d'analyse plus complexes:

a) S'il y a bien eu migrations, elles peuvent avoir déplacé, simultané­ment ou non, des h o m m e s et des techniques. Il faut accueillir avec prudence les datations de la présence du fer: les données du problème ont beaucoup évolué en quelques années et elles évolueront encore. Les indices de présence du fer au sud du Limpopo au m e siècle ne permettent pas encore de conclure définitivement que toute cette région avait alors une civilisation reposant sur l'utilisation de ce métal. Ces indices rendent cependant caduque l'idée du « front-pionnier » de migration bantu apportant à la fois l'agriculture déve­loppée et le fer. Elle remet aussi en question celle d'une direction linéaire unique nord-sud d'éventuels mouvements migratoires. O n ne peut exclure la possi­bilité d'autres mouvements ayant eu des directions très diverses.

Il devient dès lors fondamental d'étudier les causes possibles de ces migrations. L'écologie (la famine, les sécheresses en particulier) a, selon cer­tains auteurs, joué un rôle important dans les déplacements des Sotho au xive siècle, puis dans ceux d'autres peuples plus récemment. D'autres causes, mal discernables au stade actuel de la recherche, ont probablement incité des groupes plus ou moins nombreux, plus ou moins cohérents, à émigrer. D ' u n e manière générale, les experts ont insisté sur l'idée que les facteurs écologiques doivent être largement étudiés, spécialement pour les époques préindustrielles, c o m m e explication des mouvements de peuples de toutes natures et de toute portée.

b) D e m ê m e , la notion de déplacement de masses en migration a été remise en cause par les experts. O n possède des chiffres précis, pour des exemples étudiés, qui montrent que les migrants ne dépassent pas 10% du chiffre de la population d'accueil. D'autres cas ont fait apparaître que si un groupe migrant est cohérent dans son organisation socio-économique, ce pourcentage suffit pour que le groupe d'accueil lui emprunte ses techniques et sa langue.

Il devient donc capital d'étudier les processus, les dates et les étapes des intégrations socio-économiques que l'historien peut reconstituer, à partir d'éléments très peu nombreux. Ces processus, probablement générateurs de différenciations sociales et de pouvoirs, sont beaucoup plus importants que le n o m des groupes en présence, si aucune tradition n'a conservé celui-ci. La réunion a estimé que, pour les périodes anciennes, il était assez vain de définir les peuples par des caractéristiques ethniques et linguistiques tranchées. L'ins­tallation généralisée des langues bantu correspondrait probablement à un long et lent processus historique, et non à un mouvement organisé de migration du nord au sud.

Page 88: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

94 Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

O n aurait tort de renoncer totalement à une recherche d'identification qui recule le plus loin possible vers le passé les traces et les preuves d'une diffé­renciation historique entre peuples. Il ne faut cependant pas tomber dans le piège de 1'« ethnisme » et donner pour principal objectif à l'histoire de la région considérée de retrouver les origines lointaines de chacun des peuples qui y vivent aujourd'hui. D'autant que ces peuples ont beaucoup plus de chance d'être le produit de fusions successives que des ethnies demeurées « pures » à travers le temps. Il y a là un équilibre difficile à trouver, les experts en étaient conscients.

U n m o y e n de parvenir, peut-être, à mieux connaître le passé de certains groupes, consisterait à dresser des cartes de toponymes anciens, c o m m e l'a recommandé le Comité scientifique. Ceux-ci risquent d'être difficiles à retrou­ver, dans une région généralement bantouphone, plus difficile encore à inter­préter, mais il ne convient pas de renoncer à retrouver certains de ces toponymes anciens grâce aux traditions orales qui, en d'autres points du continent, en conservent un bon nombre.

c) L'idée que les migrations aient pu se produire lentement, peut-être par segmentations, avec des avancées importantes suivies de reculs plus ou moins définitifs, a été illustrée par des exemples. U n e autre idée séduisante est que le commerce à longue distance a pu prendre parfois le relais des migrations humaines, en déplaçant seulement les techniques et les langues. Les séductions du diffusionisme ne sont pas loin, mais la réunion en a bien compris le risque. Autre thème important évoqué par plusieurs participants: l'accueil aux arri­vants et l'acceptation ou le refus des innovations dans les sociétés antérieures. C e qui revient, dans une certaine mesure, à étudier les refus de fusion. L'exemple de chevauchements linguistiques — emprunt de nombreux cliks par des zoulou-phones au xixe siècle — montre une autre voie d'approche du problème des déplacements de groupes humains et de fusion.

C e cheminement a tout naturellement conduit les experts à considérer que le problème des « origines » était moins intéressant que celui des processus d'intégration et de fusion éventuellement repérables à tel ou tel point de la chronologie, sous forme d'écosystème plus ou moins complexe, plus ou moins diversifié socialement.

L'idée que les peuples doivent être désignés par les n o m s qu'ils ont eux-m ê m e s choisis est bien entendu apparue à ce stade de la discussion. Si, par exemple, les Khoi Khoi se désignent eux-mêmes c o m m e « les h o m m e s parmi les h o m m e s », la pertinence du mot San est moins évidente.

Lancée sur les sentiers de la sémantique, la réunion s'est interrogée sur la signification à donner, dans cette région du continent, aux mots « migration, mouvement de peuples »; aucune définition définitive n'a été proposée de ces termes; leur étude précise, dans le contexte géographique et historique consi­déré, vaudrait la peine d'être tentée.

Page 89: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Compte rendu des débats 95

d) E n tout état de cause, les experts ont recommandé que les études soient menées, désormais, sur le thème des « migrations » par convergence des résultats obtenus en appliquant toutes les techniques d'approche.

L'archéologie garde, bien entendu, une valeur décisive pour les périodes anciennes. Encore faut-il que, renonçant à définir les phases de l'histoire à l'aide de quelques données locales, fournies le plus souvent par des découvertes faites au hasard sans recherche systématique, les archéologues acceptent de travailler en étroite liaison avec les historiens et d'autres chercheurs. L'objectif de l'archéologie devrait être désormais, en Afrique méridionale, c o m m e il l'est en d'autres régions du m o n d e , de retrouver le niveau de complexité des cultures matérielles, les rapports des h o m m e s avec leur environnement et aussi, pour autant que la chose soit possible, l'organisation économico-sociale du groupe dont les vestiges sont découverts. Sur ce dernier point, un intéressant exemple a été signalé aux experts à partir des dernières fouilles effectuées à Zimbabwe.

Les traditions orales fournissent, à condition d'être critiquées scienti­fiquement c o m m e toute autre source historique, des informations qui remontent parfois bien au-delà du m o m e n t où elles ont été fixées parce que le besoin s'en faisait sentir dans leur société de référence. Plusieurs experts ont insisté sur la mise en relation des informations qu'elles apportent avec les résultats de l'archéologie. Elles posent en tout cas d'intéressantes questions aux historiens, c o m m e le montrent les exemples donnés par le professeur Ngcongco, dans son étude, à propos des Sotho-Tswana.

é) Sans que le thème ait été exploité en tant que tel, la répétition des allusions qui y ont été faites permet de dire que l'existence très ancienne d'agglo­mérations importantes, par exemple chez les Tswana ou dans la région de Broederstroom, pose aux historiens, c o m m e dans d'autres régions du continent, le problème de l'ancienneté des villes, de leur aménagement de l'espace, de l'éventuelle division du travail en leur sein.

Approche méthodologique

A ce stade du débat, un désaccord s'est fait jour entre deux approches métho­dologiques différentes de ce passé lointain. Pour une partie des experts, la manière de travailler qui avait été jusque-là adoptée était déconcertante et peu scientifique. Ils souhaitaient que l'étude des sociétés africaines anciennes fût abordée c o m m e celle de toute autre société ancienne dans toute autre région du m o n d e . Méthodologiquement, cette idée était parfaitement recevable m ê m e si elle bousculait un peu les habitudes d'esprit. Le désaccord est devenu plus fort lorsqu'il est apparu que, pour certains de ces experts, l'étude de ces sociétés,

Page 90: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

96 Réunion d'experts sur Vhistoriographie de l'Afrique australe

« regardées du X X e siècle », pourrait avoir pour but essentiel de discerner les racines des situations actuelles. L'idée est séduisante, mais elle comporte le risque de faire appliquer à ces sociétés anciennes, quitte à être arbitraires ou déçus par les résultats, des schémas d'analyse contemporains qui ne sont pas tous valables pour les sociétés passées, tant sont faibles les moyens d'approche réelle dont nous disposons. Très excitante pour l'esprit, très imaginative, cette méthode sociologique n'est probablement pas applicable à tous les cas anciens. Il est d'ailleurs apparu souvent qu'elle n'était appliquée, dans les exemples présentés, qu'à des sociétés postérieures au xive siècle, voire à des sociétés beau­coup plus récentes.

L a crainte, exprimée par plusieurs experts, de voir appliquer de nouveaux schémas mécaniques à l'histoire des sociétés anciennes, à la place de ceux qu'ils étaient en train de critiquer et au m o m e n t m ê m e où ils faisaient un effort pour les critiquer, a entraîné quelques difficultés, en particulier au niveau des défi­nitions de base. Le président a chargé un petit groupe d'experts de préparer, pour le soumettre à la réunion, un texte clarifiant la notion qui avait suscité le plus de débats et de réserves: la notion de m o d e de production. C e texte, reproduit ci-dessous, a été adopté par les participants à l'unanimité.

« Lors du séminaire sur l'historiographie de l'Afrique du Sud, il a été dit à plusieurs occasions que nous pourrions améliorer notre compréhension des sociétés précoloniales, coloniales et postcoloniales si nous utilisions les travaux des historiens qui ont c o m m e n c é à analyser les divers modes de production dans différentes parties d'Afrique et à différentes époques.

» Par m o d e de production, on entend l'interaction des forces de produc­tion (écologie, technologie, etc.) et les relations de production (c'est-à-dire la manière dont le travail est divisé — dans le cadre du « pacte » familial, sur la base de la réciprocité ou de la catégorie sociale — et dont les excédents sont produits, extraits et distribués). D a n s cette interaction des forces et des relations de production, ce sont ces dernières qui prédominent. Il est important de reconnaître qu'un m o d e de production comporte des niveaux économique, politique et idéologique et que, dans les sociétés précapitalistes en particulier, la distinction entre ces niveaux n'est pas claire.

» D e fait, la reproduction des relations sociales dans ces sociétés peut fort bien s'appuyer sur l'idéologie. E n se référant à ce cadre, on pourra approfondir certaines questions fondamentales intéressant les sociétés africaines qui jus­qu'ici sont restées ignorées.

» Sans prétendre fournir un superbe modèle abstrait du « m o d e africain de production » et sans essayer de faire cadrer rapidement la société africaine avec les typologies européocentriques, on a estimé que, là où c'était possible, les grandes catégories qui se sont révélées utiles pour d'autres parties du m o n d e devraient être appliquées et testées de façon empirique dans des contextes afri­cains spécifiques. »

Page 91: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Compte rendu des débats 97

II restait à tirer les conséquences positives du débat difficile qui venait d'avoir lieu. Ces conséquences sont évidentes.

à) L'intérêt des sociologues pour les informations que leur apporte l'histoire les a peut-être conduits, dans un premier temps, à trop attendre des méthodes d'approche accessibles aux historiens pour étudier les sociétés anciennes. L a « provocation » n 'en est pas moins féconde pour les historiens.

b) Sans doute l'accord aurait-il été moins facile si le débat ne s'était pas engagé sur les problèmes de chronologie. Chacun a reconnu que, hors d 'une référence à un temps authentiquement découpé, il n 'y avait pas d'histoire.

Tous les experts ont recommandé que l'on renonce à des découpages arbitraires et prématurés en u n nombre croissant d'âges de la pierre ou de tel ou tel métal, découpages qui satisfont les seuls auteurs des découvertes archéolo­giques mais qui rompent arbitrairement les continuités sur lesquelles, cette fois, tous les experts entendaient travailler. D a n s cette perspective « longue », la découverte de l'agriculture, antérieure dans certains cas à celle du fer, est probablement un fait dont, jusqu'ici, les historiens n'ont pas suffisamment souligné l'importance pour cette région. Le souci a été aussi unanimement exprimé de confronter et de mettre en correspondance les chronologies diverses d'origines scientifiques différentes actuellement établies pour l'histoire des peuples de l'Afrique méridionale.

c) Finalement, les experts ont estimé qu'il était souhaitable de comparer plusieurs sociétés à une m ê m e date pour apprécier leurs ressemblances et sur­tout leurs différences, de comparer les états d 'une m ê m e société à des dates différentes et de ne pas dissocier ces analyses des comparaisons de l'étude de l'évolution des sociétés dans les autres parties du m o n d e .

L a formation des Etats

L a discussion sur « l'apparition des Etats » n ' a pas été aussi difficile, mais n ' a pas permis de dégager des vues aussi intéressantes et aussi nouvelles que dans les cas précédents.

U n e nouvelle fois, la sémantique a séparé ceux qui souhaitent abandonner des termes c o m m e « Etat » au profit de termes choisis par les sociétés africaines elles-mêmes pour définir leur pouvoir, et ceux que le m o t « Etat » ne gêne pas, à condition cependant que l'usage en soit plus clairement et plus rigoureuse­ment défini.

Le débat, plus profond, relatif aux conditions d'apparition de l'Etat n 'a pas porté tous ses fruits. Sans doute parce que, pour les partisans de l'ana­lyse sociologique, cette apparition coïncide automatiquement avec l'analyse du m o d e de production dominant à un m o m e n t donné. L'idée qu'il existe certainement de nombreuses conditions très différentes d'apparition de l'Etat

Page 92: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

98 Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

a été avancée. Cette thèse est probablement plus prudente et plus sage, mais n'a pas rendu caduc le souci de plus d 'un participant, s'agissant des sociétés afri­caines, d'améliorer l'analyse de ce problème. La science politique peut ici beaucoup aider les historiens, sans qu'ils renoncent aux analyses socio-écono­miques, à étudier l'originalité des pouvoirs africains, à condition qu'ils se refusent à tout mécanisme et à copier les schémas extérieurs. Sans aucun doute aussi, la profonde différence de structuration institutionnelle entre les peuples africains et les peuples blancs avec lesquels ils sont entrés en contact à divers moments expliquent plus d 'un aspect de ces relations extérieures africaines.

Les interventions étrangères et leurs répercussions sur l'évolution de la région

Bien plus que dans le cas précédent, et sans apporter autant de lumière, la discussion sur ce point a fait apparaître des points de vue opposés qui n'ont pas été systématiquement définis. La recherche d'une méthode d'approche de la question a pratiquement occupé toute une séance de travail.

Sans faire l'objet d'exposés systématiques, deux conceptions assez éloi­gnées l'une de l'autre ont été esquissées.

a) Certains experts ont estimé qu'il fallait séparer l'étude des interventions étrangères de celle des contrecoups internes qu'elles ont eus. La cause essen­tielle de l'intervention impérialiste est à rechercher au niveau de l'économie. Tout a tourné, en Afrique méridionale, autour de l'oligarchie blanche qui, peu à peu, depuis le Cap , a étendu son réseau d'influence vers l'intérieur de l'Afrique à la fin du xixe siècle. Pour cette oligarchie, la recherche du profit immédiat et sûr n'était évidemment pas négligeable mais l'occupation de vastes terri­toires réservés pour l'avenir semble avoir été aussi importante. Les compagnies étaient plus puissantes que le gouvernement; elles imposaient les solutions de leur choix; elles faisaient de tous les Blancs présents des agents de l'impéria­lisme.

Cette position a été considérée c o m m e trop étroite par beaucoup de participants qui pensaient que bien d'autres facteurs sont entrés en jeu et qu'il fallait étudier l'ensemble des causes de l'expansion blanche.

O n a dit aussi que cette manière de poser le problème ne rendait pas compte de tous les éléments du dossier. Pour l'Angola, la traite a joué un rôle très différent et encore plus dramatique. L'étude des deux formes de la présence hollandaise dans la région du C a p et à l'intérieur de l'Afrique mérite de retenir l'attention; l'exposé sur ce dernier point s'est appuyé sur des analyses détaillées qui n'ont malheureusement pas été discutées. U n débat sur la responsabilité des missionnaires a tourné court après un échange de vues.

E n dehors de quelques informations bibliographiques complémentaires,

Page 93: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Compte rendu des débals 99

la discussion sur ce premier point de vue n'est guère allée au-delà de quelques généralités.

b) A l'opposé, bon nombre d'experts ont déclaré que ce qui les intéressait avant tout, c'étaient les répercussions des interventions extérieures sur les sociétés africaines, et, peut-être plus encore, la situation de ces sociétés à la veille de ces interventions.

U n cadre de réflexion a été proposé aux historiens qui distinguent quatre périodes du xvn e au xixe siècle, selon des méthodes d'approche qui n'ont suscité qu'assez peu de réactions. U n expert a mis en garde, à l'aide d'exemples précis et nuancés, contre toute globalisation trop rapide des analyses, en insis­tant sur la juxtaposition, au m ê m e m o m e n t , de modes de production différents dans un espace régional assez restreint. Mais, là encore, le débat qui aurait pu être très intéressant a tourné court.

Peut-être les experts, très absorbés par la discussion sur les deux premiers points, n'ont-ils pas pu consacrer suffisamment de temps à l'examen de cette question. Peut-être les divergences et les difficultés sont-elles dans ce domaine trop importantes pour qu'il ait été possible de les aborder sérieusement en si peu de temps. Peut-être aussi l'historiographie a-t-elle déjà fourni des information de bonne qualité et n'est-il pas nécessaire de procéder à des révisions aussi radicales que dans les cas précédents. D e toute façon, m ê m e si l'on dispose déjà d 'un stock important d'informations sur le xrxe siècle, il reste que le point de vue de l'historiographie africaine sur l'impact du colonialisme est encore insuffisamment exposé.

L a place réservée à l'enseignement de l'histoire de l'Afrique, et en particulier de l'Afrique australe

Introduit par un exposé du professeur Webster, le débat sur cette question a été bref mais précis. Il a permis de dégager quelques idées importantes et abouti à la formulation d'une recommandation.

Recherche et enseignement relatifs à l'histoire de l'Afrique australe: les porte-parole des universités représentées à la réunion ont affirmé que celles-ci accordaient, au niveau de l'enseignement, des examens, de la recherche, une place importante à l'histoire de leur région. Ils ont souhaité que les autres universités d'Afrique et sans doute aussi des universités ou instituts situés dans le reste du m o n d e s'intéressent aussi à cette histoire, afin de la « désenclaver » 1 .

L a publication des résultats des recherches subit de longs délais et la libre expression des auteurs rencontre des obstacles sérieux; les revues publiées dans chaque université connaissent, c o m m e toutes les revues scientifiques du m o n d e , des difficultés de financement. Aucune maison d'édition, dans cette région de l'Afrique, n'est en mesure d'assurer une diffusion convenable aux

Page 94: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

100 Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

travaux des chercheurs. O n manque de bons ouvrages de vulgarisation sur l'histoire de cette région. A ce propos, le professeur Ogot a proposé d'aider à la publication d 'un ou deux volumes qui seraient mis au point, à partir des travaux des chercheurs d'Afrique méridionale et sous leur impulsion, par eux-m ê m e s et par des collaborateurs de leur choix.

Il semble qu 'au niveau des études secondaires et primaires, un gros effort soit nécessaire pour africaniser les programmes et faire place à l'étude de la région méridionale de l'Afrique. D a n s ce domaine, l'aide des autorités minis­térielles est indispensable pour accélérer les transformations souhaitées par tous les participants, m ê m e s'ils n'ont pas tous souhaité très exactement le m ê m e type de transformations.

L a réunion s'est montrée intéressée par le projet qu 'a conçu le Comité scientifique international de mettre à la disposition du public populaire afri­cain des résumés importants des chapitres de Y Histoire générale de l'Afrique préparée par I'Unesco, sous forme de cassettes utilisables par les radiodiffusions nationales ou éventuellement vendables.

Définitions idéologiques; affrontements idéologiques et problèmes concrets: indépendances, bantoustans, etc.

L e débat sur ces questions a permis de voir plus clairement que dans les cas précédents sur quels points de la méthode historique et des conceptions globales portaient les accords et les désaccords, plus ou moins forts et plus ou moins exprimés, entre les experts.

A u niveau de la méthodologie, l'accord a été aisément réalisé sur la nécessité d'une approche pluridisciplinaire des phénomènes historiques. D e ce point de vue, plusieurs participants ont souhaité que des enquêtes tout à fait nouvelles soient entreprises dans un grand nombre de directions. Des exemples concrets ont montré l'intérêt qu'auraient, en effet, des enquêtes pluridiscipli­naires menées en milieu paysan, ouvrier et urbain, des enquêtes concernant les rapports de groupes ou de classes sociales, les stratifications raciales et leurs rapports avec les stratifications sociales, et des enquêtes faites parmi les réfugiés, et dans les groupes de guérilla. D e m ê m e , lorsqu'une forme de libération a échoué, il semble important d'étudier les causes de cet échec, en ne se conten­tant pas d'explications théoriques générales: l'historien ne pratique pas seule­ment le prophétisme des triomphes, il analyse aussi en profondeur les raisons des insuccès.

Les historiens, a-t-on remarqué, ont peut-être trop tendance à s'enfermer dans la spécificité de leurs méthodes d'approche et ne prêtent peut-être pas suffisamment d'attention aux résultats obtenus par les chercheurs dans des disciplines sœurs. Cependant, plus généralement, la recherche par les socio-

Page 95: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Compte rendu des débats 101

logues d'une dimension historique profonde correspond peut-être à un désir des historiens d'élargir le c h a m p de leurs enquêtes et de rénover certaines de leurs méthodes. L a convergence est indéniable; elle ne fait que commencer à produire ses effets. Mais, au fond, le débat sur ce point n'a pas été m e n é à son terme, ce qui aurait peut-être permis d'opposer deux conceptions du travail de l'historien. L a raison en est que, pour la plupart des participants, il était probablement déjà admis que l'une des deux conceptions était dominante et nécessaire.

Selon l'une de ces conceptions, on pourrait considérer que, tout en se nourrissant des apports scientifiques, dans la méthode et sur le fond, des dis­ciplines voisines, le métier de l'historien consiste à garder une certaine distance par rapport aux éléments de l'enquête et à établir avec honnêteté et lucidité un dossier sérieux et complet dont peuvent ensuite se servir les h o m m e s d'ac­tion. L'autre conception mêle étroitement, dans la personne de l'historien, l'analyse fondamentale du passé et la pratique politique militante, en consi­dérant que la distance observée dans le cas précédent constituerait u n refus d'engagement idéologique. Bien entendu, selon cette deuxième conception, il n'existe pas de spécificité de la méthode historique, qui n'est qu'un cas parti­culier d'une méthode d'ensemble socio-économique où toutes les disciplines se rejoignent.

U n débat plus fondamental n'a pas abouti à des conclusions toujours explicites mais il n'en a pas moins revêtu un très grand intérêt. Déjà esquissé au cours des discussions sur les deux premiers thèmes de discussion, il a donné lieu à la formulation d'opinions apparemment contradictoires mais fondamen­talement convergentes sur le fond.

Quelques participants ont soutenu que la méthode d'approche est insé­parable de l'idéologie. A l'ancienne idéologie, réalisée sous des formes multiples par l'évolution du m o n d e capitaliste et qui peut prolonger ses effets au-delà des indépendances légales, doit être substituée une idéologie de rupture qui permette à la fois d'affermir le regard sur le passé africain et la transformation rapide des sociétés africaines. L a rupture doit être double : idéologique, elle rompt avec l'explication fractionnée de l'histoire africaine en vigueur dans le m o n d e capitaliste, en Afrique et hors d'Afrique; politique, elle assure une transfor­mation radicale des rapports de classe au m o m e n t de la conquête de l'indépen­dance réelle. Pour les participants, la lutte de libération nationale appartient déjà au passé historique de l'Afrique méridionale ; elle n'est pas un objectif suffi­sant ; la libération doit s'accompagner d'une transformation radicale de la société.

D'autres participants ne paraissaient pas convaincus que la rigueur d'une analyse historique passée soit productrice d'une analyse politique actuelle automatiquement exacte. Ils préféraient procéder plus empiriquement par démarches successives dans leur recherche historique et dans leur conception de l'indépendance, de la libération et de la construction d'une société nouvelle,

Page 96: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

102 Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

différente à la fois de la société africaine ancienne, de celle du xixe siècle, de la société sur laquelle a passé la colonisation et aussi de celle de l'époque postco­loniale. Le caractère systématique de la conception plus radicale de leurs collè­gues a semblé les inquiéter et ils préféraient donner la priorité à la lutte nationale par rapport à la brutale transformation sociale.

Il est bien certain que ces analyses doivent beaucoup au contexte géogra­phique et historique dans lequel s'est déroulée la réunion, contexte qui ne pouvait laisser les historiens indifférents au sort des peuples de l'Afrique méridionale.

D e u x conceptions, également importantes, d'une histoire militante et génératrice d'une vie politique, économique et sociale nouvelle, se sont trouvées confrontées, bien plus d'ailleurs qu'elles ne se sont affrontées. Les réticences dues aux tempéraments, à l'âge, à des expériences personnelles diverses, à des engagements sociaux différents, à des formations disciplinaires variées, ne doivent pas masquer le désir c o m m u n d'assurer simultanément, m ê m e s'il y a différence d'appréciation sur les méthodes et les étapes, l'indépendance et la transformation sociale.

L a référence constante à ce qui est ici considéré c o m m e l'échec des indé­pendances formelles sans possibilité d'indépendance économique réelle et de transformation sociale profonde a été l'un des éléments les plus frappants de la discussion. A ce niveau, la différence a été explicitement constatée avec les types d'indépendance des années soixante: les leaders ont alors cru, à tort selon les experts, pouvoir se dispenser de réaliser des transformations économiques et sociales profondes.

Au-delà de ces convergences, des divergences sont réapparues. Certains experts redoutaient des phénomènes de recolonisation, d'autres ont insisté sur l'importance écrasante du contexte économique et politique mondial dans lequel les indépendances sont en cours de réalisation en Afrique méridionale.

Sans constituer en eux-mêmes une méthode d'approche toujours expli­citée de l'histoire africaine, ces soucis idéologiques n'en ont pas moins éclairé de manière décisive la démarche intellectuelle des participants africains à la réunion.

Face à de telles analyses, les questions soulevées dans le document de tra­vail préparé par le Secrétariat n'ont pas été largement discutées. Elles ont sem­blé moins intéressantes et moins importantes que le débat fondamental qui vient d'être résumé.

Il est parfaitement exact que, devant une analyse idéologique radicalisée des situations en Afrique méridionale, le cas particulier des bantoustans, celui de la participation aux débats des Nations Unies et celui du panafricanisme ont une importance relative. Il a toutefois été souligné que l'analyse de la dyna­mique des bantoustans vient d'être entamée par des historiens travaillant en collaboration avec d'autres chercheurs en sciences sociales.

Page 97: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Compte rendu des débats 103

C e débat fondamental a été abordé avec lucidité et clarté par les parti­cipants africains à la réunion. Ceux-ci avaient à la fois le désir de radicaliser leur analyse des situations politiques actuelles, dans cette partie du continent qui connaît une guerre plus ou moins ouverte, et aussi de rechercher les bases et les méthodes qui permettraient d'assurer, sans copier des modèles extérieurs à l'Afrique, la construction des sociétés nouvelles, intégrées au m o n d e contem­porain et libérées des plus graves contraintes qui les maintiennent dans la dépen­dance, en intégrant aussi leur propre passé c o m m e un élément essentiel de leur construction future.

Il s'agit là de contributions capitales non seulement à l'historiographie de cette partie de l'Afrique, mais aussi aux travaux du Comité relatifs à la rédaction du volume VIII de Y Histoire générale de V Afrique2.

U n essai de clarification de quelques concepts tels que celui de décolo­nisation n 'a pas abouti à des résultats concrets très importants. Sans doute presque tous les participants avaient-ils conscience que la discussion précédente avait apporté de fructueux moyens d'analyse de cette question.

Quelques propositions d'enquête ont été faites au sujet des mouvements de libération.

O n s'est d'abord accordé à constater que ces mouvements, d'abord dirigés par des nationalistes bourgeois, avaient changé de signification et d'objectifs idéologiques au fur et à mesure que se développait la lutte armée. Dans certains cas, ce changement s'est traduit par des affrontements plus ou moins ouverts entre « chefs historiques » et nouveaux leaders.

Il serait donc utile d'analyser les raisons qui ont conduit ces mouvements à cette radicalisation.

D e m ê m e , le v œ u a été formulé que ces mouvements de libération étudient sérieusement les types de sociétés qu'ils peuvent être amenés à diriger après la libération, afin de n'être pas « surpris par l'histoire ».

U n participant a souligné l'intérêt qu'avait, à ses yeux, l'étude des Afri­cains des diasporas occidentale et orientale et de leur influence sur les situations actuelles en Afrique méridionale.

Inventaire critique de la production scientifique dans les différents pays de l'Afrique australe et des moyens de l'améliorer

A la demande de l'Unesco, plusieurs participants ont présenté un rapport sur la situation de l'enseignement et de la recherche historique dans les différents pays de l'Afrique australe; ces rapports sont reproduits dans la deuxième partie du présent volume.

Diverses questions soulevées à l'occasion de leur présentation ont permis d'obtenir des précisions supplémentaires.

Page 98: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

104 Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

Swaziland: L'institut d'études africaines dont la création envisagée à l'Univer­sité du Swaziland se consacrerait à l'étude de l'ensemble de l'Afrique méridionale.

Malawi: L'Université du Malawi concentrait pour le m o m e n t ses recherches sur la période précoloniale. Le professeur Webster, répondant aux ques­tions qui lui étaient posées, a souligné la continuité de la vie des sociétés avant, pendant et après la période coloniale. Et aussi le caractère c o m ­plexe de ces sociétés, où les relations inter-ethniques sont nombreuses.

Zambie: D u fait des besoins en cadres supérieurs, l'Université de Zambie n'avait pu, jusqu'à une date récente, conserver les gradués en histoire c o m m e enseignants. L a situation devait changer en 1978: quatre pro­fesseurs zambiens allaient entrer en fonction cette année-là. Les résultats d'un colloque tenu à Lusaka en 1973 sur les questions religieuses n'avaient pas encore pu être publiés.

Lesotho: Il n'y avait pas encore eu de prospection archéologique dans ce pays. U n relevé des sites historiques était en cours. La coopération entre l'Uni­versité du Lesotho et les universités des Etats voisins s'améliorait.

Botswana: Les travaux archéologiques avaient donné des résultats intéressants. Aucune carte archéologique n'avait encore été préparée, mais un atlas était en préparation en Californie.

Mozambique: L a recherche avait repris depuis l'Indépendance. Des archéo­logues britanniques avaient entrepris des fouilles, en liaison étroite avec l'Université de M a p u t o , sur des sites comparables à ceux du Z imbabwe . L'Université, qui demandait le concours de savants étrangers, tentait de mettre sur pied u n centre d'études africaines. Des demandes de docu­mentation historique et d'aide pour l'élaboration de manuels avaient été adressées tant à l'Unesco qu'au R o y a u m e - U n i et à la France.

Angola: Ici au contraire, rien ne paraissait avoir été fait en matière de recherche

sur l'histoire africaine. A u total, plusieurs obstacles semblaient gêner, sinon rendre à peu près impos­sible, la recherche: a) l'absence d'une politique définie en ce qui concerne les archives d'Etat; b) l'absence de possibilités de développer rapidement l'enquête archéologique, sauf au Swaziland où l'aide de l'Unesco se révélait efficace; c) l'absence d'instruments bibliographiques, m ê m e les plus élémentaires. Les difficultés que connaissaient les universités de cette partie de l'Afrique étaient sans c o m m u n e mesure avec celles des universités de toutes les autres régions du continent.

Les experts ont considéré que les recherches sur la Namibie étaient très insuffisantes. Ils ont tous estimé qu'il serait souhaitable qu'un chercheur nami-bien soit attaché à l'Institut namibien de Lusaka; un enseignant namibien participait à la vie de cet Institut.

Les professeurs S. Marks (Royaume-Uni) et J. Dévisse (France) ont

Page 99: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Compte rendu des débats 105

apporté des informations sur l'enseignement et la recherche relatifs à l'Afrique australe dans leurs pays respectifs. Le professeur S. Marks a répondu à des questions posées par plusieurs experts concernant la formation des jeunes chercheurs africains et l'information du public européen sur la situation dans cette région du continent et celle du public africain sur les recherches menées en Europe.

L a réunion a tenu à souligner que, du fait de la situation actuelle dans cette région de l'Afrique, les universités connaissaient, dans l'organisation de la recherche et de l'enseignement de l'histoire, des difficultés qui étaient sans c o m m u n e mesure avec celles des autres universités du continent africain.

Certes, cette situation, de totale pénurie parfois, était génératrice d'inno­vations importantes, d'initiatives fécondes dans les méthodes d'enseignement. Toutefois elle ne saurait se prolonger longtemps sans que se trouvât encore aggravé le déséquilibre, souvent signalé par le Comité scientifique international, entre cette région de l'Afrique et les autres. U n effort africain et international exceptionnel était donc nécessaire pour sortir de la situation actuelle et per­mettre le décollage de la recherche et d 'un enseignement de qualité dans une région où les chercheurs avaient le plus vif désir de travailler, d'innover et de découvrir, mais se trouvaient démunis s'ils ne travaillaient pas dans des uni­versités extra-africaines, des moyens et du temps nécessaires pour mener des recherches de haut niveau.

Tout manquait souvent, à commencer par les bibliothèques. A l'autre bout de la chaîne, il n'existait aucun manuel de bonne vulgarisation sur l'his­toire de cette région et, presque partout, les manuels destinés à l'enseignement secondaire étaient encore à écrire.

Etablissement d'un programme de recherche à m o y e n terme

Les mesures à prendre pour améliorer, à m o y e n terme, la situation de la recherche en Afrique méridionale ont été examinées. Elles concernaient d'abord, probablement, les besoins des universités existantes, tels que les avaient définis leurs représentants présents à la réunion.

Le Botswana, qui avait déjà entrepris des travaux sur les traditions orales et l'archéologie, souhaitait que les efforts intégrés de recherche historique sur le Botswana lui-même et l'Afrique méridionale fussent renforcés et encouragés de l'extérieur.

Le Lesotho souhaitait que fût étendue à son territoire l'assistance tech­nique accordée au Swaziland par I'Unesco dans le domaine archéologique.

Le Malawi, lui, souhaitait être associé étroitement au programme décen­nal de I'Unesco sur les traditions orales.

Page 100: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

106 Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

L a Namibie aurait probablement besoin d'un chercheur attaché à l'Institut de Lusaka.

Le Swaziland souhaitait qu'une mission d'experts lui fût envoyée pendant plusieurs mois, pour l'aider à établir des programmes de recherche, à dresser la liste des livres dont le besoin se faisait sentir, et, enfin, à mettre en forme des manuels de base indispensables.

Le représentant de l'Unesco a insisté sur la nécessité pour les Etats de définir clairement leurs objectifs et de les faire connaître à l'Unesco. Les uni­versités, a-t-il dit, devraient a) jouer un rôle d'incitation sur ce plan; b) s'efibrcer d'harmoniser au m a x i m u m leurs plans de recherches; c) essayer de s'intégrer le mieux possible aux structures souples de recherche dont l'Unesco a favorisé l'apparition en Afrique centrale, orientale et méridionale, relativement aux traditions orales et à l'archéologie.

L a question de la création du Centre régional de documentation histo­rique, demandée par le Comité scientifique international lors de sa session tenue à Lusaka en 1973, a été soulevée 3.

Le représentant de l'Unesco a insisté sur le fait que l'assistance de l'Orga­nisation ne saurait se substituer à l'initiative et à la volonté de coopération des Etats; il a souligné également la nécessité de ne pas créer de nouvelles structures administratives coûteuses, mais de chercher, au contraire, à utiliser tous les moyens déjà existants. A son avis, le grand obstacle que constitue le désir de chaque Etat d'avoir, sur son territoire, un Institut de caractère régional doté de moyens importants pourrait être contourné si l'on pratiquait la rotation des conférences et des groupes de travail ou de recherches, de pays en pays.

Il a conseillé, surtout, de ne pas « enfermer la recherche » dans les fron­tières nationales actuelles qui rompent parfois, ici c o m m e en d'autres régions d'Afrique, d'importantes solidarités précoloniales.

L a création d'un bulletin de liaison entre toutes les universités de l'Afrique australe a été envisagée. C e bulletin serait d'une grande utilité à deux niveaux différents: a) interne: en tant qu'organe interne d'information, il améliorerait considérablement les relations entre les universités, sans néces­siter des investissements considérables; b) externe: à ce niveau, le bulletin aurait pour but de permettre aux universités en question d'assurer la publica­tion immédiate des travaux de recherche effectués sous leur égide. Il ne ferait pas concurrence aux diverses revues qui existent déjà à peu près dans chaque Etat et devrait faciliter les échanges avec les autres universités, africaines ou non.

D a n s le deuxième cas, la création d'un tel bulletin nécessiterait de plus grands investissements et devrait donc faire l'objet d'une concertation entre toutes les universités concernées; celles-ci, si elles parvenaient à un accord, transmettraient leurs propositions c o m m u n e s à leurs gouvernements respectifs, qui, à leur tour, les communiqueraient au Directeur général de l'Unesco.

Page 101: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Compte rendu des débats 107

Recommandations

A la séance de clôture, la réunion a adopté les recommandations ci-après, adressées au Directeur général de l'Unesco. Recommandation n° 1, pour diffusion auprès des Etats membres et de leurs universités: a) Chaque fois qu 'un travail de recherche est mené à bien selon les méthodes

universitaires, chaque fois qu 'un ouvrage qui concerne l'histoire de l'Afrique méridionale, est publié, il est souhaitable qu 'un exemplaire en soit envoyé aux universités d'Afrique australe des Etats membres de l'Unesco.

b) Les universités africaines des autres parties du continent sont invitées à accroître les échanges d'informations scientifiques avec les universités des Etats d'Afrique australe membres de l'Unesco.

Recommandation n° 2, sur les toponymes et ethnonymes : a) Toutes les organisations scientifiques, africaines et non africaines,

devraient être invitées à fournir aux universités d'Afrique australe appar­tenant à des Etats membres de l'Unesco toutes les informations qu'elles détiennent relativement aux toponymes et aux n o m s des groupes ethniques, sociaux, familiaux, en Afrique méridionale.

b) Des chercheurs provenant des universités d'Afrique australe devraient éventuellement être associés par l'Unesco à toute enquête internationale portant sur ces points.

Recommandation n° 3, sur les langues africaines : Par référence aux recommandations formulées par le Colloque du Caire 4, la Conférence souhaite que les langues d'Afrique australe soient étudiées dans les conditions définies par les experts du Caire et que des chercheurs d'Afrique australe appartenant aux universités des Etats membres de l'Unesco soient associés à tout colloque, séminaire d'experts ou groupe de travail réuni sur ces questions.

Recommandation n° 4. La Conférence souhaite que cette recommandation soit portée à la connaissance des ministres responsables, dans les différents Etats membres :

a) Q u ' u n e aide soit rapidement apportée à la publication des études ache­vées, sur l'Afrique méridionale, par des chercheurs africains.

b) Si le besoin en est ressenti par les universités de la région, et après qu'elles auront établi un plan concerté, présenté par leurs gouvernements respectifs au Directeur général de l'Unesco, une aide sera apportée à la publication d'une revue régionale spécialisée.

c) Aide de l'Unesco à la publication rapide d'un ou deux volumes, destinés à un large public, sur l'histoire de l'Afrique australe.

d) Aide accordée par les Etats de l'Afrique australe, dans le cadre de la

Page 102: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

108 Réunion d'experts sur l'historiographie de l'Afrique australe

planification économique, à la recherche en sciences humaines, en parti­culier à la recherche en histoire.

e) Aide internationale à l'équipement des instituts et laboratoires de recherche, des bibliothèques scientifiques des universités d'Afrique australe, en fonction des programmes détaillés établis par chacune de ces universités et présentés par leurs gouvernements respectifs à l'Unesco.

/ ) Intégration aux programmes soutenus en Afrique par l'Unesco dans différents secteurs de la recherche (archéologie, traditions orales, sciences sociales, etc.) des recherches planifiées par diverses universités et pré­sentées à l'Unesco par leur gouvernement.

Notes

1. A ce titre, le présent rapport a été envoyé, après la réunion, aux différentes universités africaines.

2. Le volume VIII de l'Histoire générale de l'Afrique porte sur l'Afrique depuis 1935. 3. Les pays intéressés sont en pourparlers au sujet de la possibilité de créer ce centre,

probablement au Lesotho. 4. Voir Le peuplement de l'Egypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture mérottique. Paris,

Unesco, 1978 (Histoire générale de l'Afrique. Etudes et documents 1).

Page 103: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Annexes

Page 104: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

1. Liste des participants à la réunion

N . M . B . Bhebe, University of Botswana & Swaziland, P /B Kwaluseni, Swaziland. H . H . K . Bhila, University of Malawi, P. O . Box 280, Zomba, Malawi. D . Chanaiwa, 22243 Cass Avenue, Woodland Hills, California 91364, Etats-Unis. J. Dévisse, 14, avenue de la Porte-de-Vincennes, 75012 Paris, France. B . S. Krishnamurthy, University of Zambia, P. O . Box 2379, Lusaka, Zambie. Shula Marks, « Cypress Tree House », Dulwich C o m m o n , London SE21, Royaume-

Uni. E . K . Mashingaidze, National University of Lesotho, R o m a , Lesotho. L . D . Ngongco, Department of History, University of Botswana and Swaziland,

Private Bag 22, Gaborone, Botswana. B . A . Ogot, Department of History, University of Nairobi, P . O . Box 30197, Nairobi,

Kenya. J. D . Omer-Cooper, University of Otago, P . O . Box 65, Dunedin, Nouvelle-Zélande. R . Pélissier, route des Alluets, 78630 Orgeval, France. J. B . Webster, Department of History, Chancellor College, P . O . Box 280, Zomba ,

Malawi. R . T . Zwinoira, P . O . Box 983, Manzini, Swaziland.

Représentants de l'Unesco

M . A . Gatera, spécialiste du programme, Division des études des cultures. M U e M . - F . Lengue, Division des études des cultures.

Page 105: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

2. Bibliographie

L A FIN D E L ' Â G E D E LA PIERRE ET L ' Â G E D U FER EN A F R I Q U E D U S U D

Articles: archéologie

D E M A R E T , P . ; C A H E N , D . ; V A N N O T E N , F. Radiocarbon dates from Central Africa: a synthesis. / . Afr. Hist., XVIII, 3, 1977.

INSKEEP, R . R . ; M A G G S , T . M . O ' C . Unique art objects in the Iron Age of the Trans­vaal, South Africa. S. Afr. Archaeol. Bull., parties III et IV, X X X , 1975.

M A G O S , T . Some recent radiocarbon dates from Eastern and Southern Africa. / . Afr. Hist., XVIII, 2, 1977.

. Pastoral settlements on the Riet River. S. Afr. Arch. Bull., 1971.

. M I C H A E L , M . A . Ntshetane, an Early Iron Age site in the Tugela Basin, Natal. Ann. Natal Mus., XXII, 3,1976.

M A S O N , R . J. Background to the Transvaal Iron Age —new discoveries at Olifants-poort and Broederstroom. J. S. Afr. Instit. Min. Met., L X X I V , 1974.

et al. Early Iron Age settlement of Southern Africa. S. Afr. J. sei., L X I X , 1973. PHILLIPSON, D . Archaeology and Bantu linguistics. World Archaeol., VIII, 1, 1976. S O P E R , R . C . N e w radiocarbon dates for Eastern and Southern Africa. J. Afr. Hist.,

X V , 2, 1974. S U T T O N , J. E . G . N e w radiocarbon dates for Eastern and Southern Africa. J. Afr.

Hist., XIII, I, 1972.

Livres et chapitres de livres récents

M A R K S , S.; B I R M I N G H A M , D . Southern Africa. Dans R . Oliver (dir. publ.), Cam­bridge History of Africa, vol. 3 (1000-1600 ap. J . - C ) .

; G R A Y R . Southern Africa and Madagascar. Dans R . Gray (dir. publ.), Cambridge History of Africa, vol. 4 (1600-1790).

(Voir également les bibliographies à la fin de chaque volume.)

Page 106: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

Annexes 113

Monographies spécialisées: âge du fer

D E R R I C O U R T , R . M . Prehistoric m a n in the Ciskei and Transkei. Le Cap, Struik, 1977. M A G G S , T . M . O ' C . Iron Age communities of the Southern Highveld, Pietermaritz-

burg, 1976.

Fin de Vâge de la pierre

BISSON, M . Kansanshi: a prehistoric Coppermine in north-western Zambia. Archaeol., X X V I I , 1974.

C A R R , M . J. et A . C . ; J A C O B S O N , L . ; V O G E L , J. C . Radiocarbon dates from the Zerri-sene mountain open station settlement complex. S. Afr. J. Sei., LXXII , 1976. (Namibie.)

D E A C O N , J. Patterning in the radiocarbon dates for the Walton-Smithfield complex in Sn. Africa. S. Afr. Arch. Bull., X X I X , 1974.

; Where Hunters Gathered, 1976. E V E R S , T . M . Recent Iron Age research in the Eastern Transvaal, South Africa. S. Afr.

Arch. Bull., X X I X , 1974. H U F F M A N , T . N . Cattle from Mabveni. S. Afr. Arch. Bull., partie I, II, X X X , 1975. H U M P H R E Y S , A . J. B. Note on a date for a burial from the Riet River. S. Afr. J. Sei.,

L X X , 1974. J A C O B S O N , L . ; V O G E L , J. C . Recent radiocarbon dates from the Brandberg (Namibie).

S. Afr. J. Sei., L X X I , 1975. M A G O S , T . M . O ' C . Bilobial dwellings: a persistent feature of Sn. Tswana settlements.

S. Afr. Arch. Soc, Goodwin Series I, juin 1972. PARKrNGTON, J. Follow the San, thèse de doctorat, Univ. du Cap, 1976. P R I N S L O O , H . P. Early Iron Age site at Klein Afrika near Williespoort, Soutpansberg

Mountains, S. Africa. S. Afr. J. Sei., L X X , 1974. S C H W E I T Z E R , F. R . Archaeol. evidence for sheep at the Cape. S. Afr. Arch. Bull.,

X X I X , 1974.

RELATIVE A U X D O N N É E S LINGUISTIQUES SUR L ' A F R I Q U E AUSTRALE

E H R E T , C . Cattle-keeping and milking in Eastern and Southern Africa. / . Afr. Hist., VIII, 1,1967. Sheep and Central Sudanic people in Southern Africa. / . Afr. Hist., IX, 2,1968. Patterns of Bantu and Central Sudanic settlement in Central and Sou­thern Africa. Transafrican J. of Hist., IV, 1,1974.

. Outlining Southern African History 100-1500 A . D . Ufuhanm, III, 1,1972. L A N H A M , L . W . The proliferation and extension of Bantu phonemic systems influenced

by Bushman and Hottentot. Proc. of 9th Congress of Linguistics, Comb. Mass. 1962, La Haye, 1967

W E S T P H A L , E . J. The linguistic prehistory of Southern Africa : Bush, Kwadi, Hottentot and Bantu linguistic relationships. Africa, XXXIII, 3,1963.

Page 107: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

114 Annexes

W E S T P H A L , E . J. A reclassification of Southern Africa non-Bantu languages. J. of African Languages, I, 1, 1962.

LESOTHO, M O H L O M I

Journal of Southern African Historical Studies, vol. I, 1976. Publié par le Départe­ment d'histoire, N . U . L . , R o m a , Lesotho. Sommaire: Cartes du Lesotho et des régions avoisinantes, 1779-1828, par David

P. Ambrose; Attitudes africaines à l'égard du savoir, par Ernest A . Rouch; Les domi­nicains à Z u m b o : un aspect des missions dans la vallée du Zambèze, 1726-1836; Edward Lion du Lesotho, par Gordon M . Haliburton; Le christianisme et le culte mhondoro. Une étude sur les religions africaines: initiative et soumission dans la région de la vallée du Mozoe au Mashonaland; La répartition de la main-d'œuvre au Lesotho, par Larry S. Covley; Les territoires de la Haute-Commission 1908-1964: une bibliographie. G . Neil Parsons.

C H A N A I W A , D . S. (dir. publ.). Profiles of self-determination: African responses to European colonialism in Southern Africa, 1652-present. Environ 400 pages; cartes, schémas, diagrammes, index et bibliographie.

Table des matières. Introduction: Les sociétés de l'Afrique australe à la veille de la colonisation. / : Réactions au partage et à la conquête. Nouvelles orientations de l'étude de la résistance africaine, par Allen Isaacman; L'émergence d'un Etat griqua: une réaction africaine au colonialisme et au christianisme, par William F . Lye; Les réactions des Herero: la période précoloniale, la période allemande et la période sud-africaine, par W a d e Pendleton; La guerre de 100 ans: réflexions sur la résistance africaine à la frontière orientale de la province du C a p , par Chris­topher Saunders; L'abattage du bétail des Xhosa, 1856-1857: le facteur messia­nique dans la résistance africaine, par Richard Ralston; L a rébellion Barwe en 1917: l'émergence d'une conscience pan-zambésienne, par Allen et Barbara Isaac­m a n ; Tradition et résistance armée dans l'Afrique coloniale: les Ndebele et les Shona, 1896-1900, par David Chanaiwa. / / : Réactions à radministration coloniale. Le nationalisme africain dans un environnement de colons, par Antony N g u b o ; Le mouvement religieux apostolico-prophétique au Zimbabwe, par Micah Tso-m o n d o ; John Langalibalele D u b e , Booker T . Washington et les origines de la pensée nationaliste sud-africaine, 1896-1899, par Manning Marable; Le facteur afro-américain dans l'éthiopisme sud-africain, 1890-1906, par J. Mutero Chirenje; Les points de vue zambiens et malawiens sur l'évolution politique en Afrique aus­trale, par Douglas G . Anglin. Le Zimbabwe, détente et néo-colonialisme en Afrique australe, par Agrippah M u g o m b a . Résumé et conclusions.

Page 108: Histoire générale de l'Afrique - UNESDOC Databaseunesdoc.unesco.org/images/0019/001925/192574fo.pdf · Résumé des débats 91 Annexes 1. Liste des participants à la réunion 111

[A. 22] CC. 79/XXX. 4/F