Histoire générale de la Chine

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Histoire gnrale de la Chine

Henri Cordier Histoire gnrale de la Chine 185

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HISTOIRE GNRALEDE LA CHINE et de ses relations avec les pays trangers depuis les temps les plus anciens jusqu la chute de la dynastie manchoue

parHenri CORDIER (1849-1925)

chapitres I IX Depuis les temps les plus anciens jusqu la mort de Wou ti (87 av. J.C.)

Un document produit en version numrique par Pierre Palpant,collaborateur bnvoleCourriel: [email protected]

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"dirige et fonde par Jean-Marie Tremblay,professeur de sociologie au Cgep de ChicoutimiSite web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiquesdessciencessociales/index.html

Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de lUniversit du Qubec ChicoutimiSite web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm

Un document produit en version numrique par Pierre Palpant, collaborateur bnvole,Courriel: [email protected]

partir de:

Histoire gnrale de la Chineet de ses relations avec les pays trangers

par Henri CORDIER (1849-1925)

Librairie Paul Geuthner, Paris, 1920, fac-simil disponible sur le site de la collection gallica.bnf.fr

Polices de caractres utilise: Times, 10 et 12 points.

Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5 x 11.

dition complte le 30 novembre 2004 Chicoutimi, Qubec.

T A B L E D E S M A T I R E S Notes

Chapitre Premier: Origine des Chinois: Thories trangres.Goguet, Kircher Frret Huet Mairan, de Guignes Leroux Deshauterayes Warburton Needham, de Pauw Voltaire Bouteilles de porcelaine Diodore, Hrodote Terrien de Lacouperie Biot, Ball Gobineau Buffon Bailly

Chapitre II: Sources de lhistoire de la Chine Origine des Chinois: Thories chinoises.Sources : Systme bibliographique San fen, Wou tien Chou King, Che Ki Tchou Chou Ki nien Tchouen Tsieou Toung Kien Kang mou.Origine.

Chapitre III: Les Cinq Empereurs.Fou Hi Pa Koua Sacrifices Foung et Chan Niu Koua Chen Noung Houang Ti Postrit de Houang Ti Chao Hao Tchouen Hiu Ti Ko ou Kou Ti Tche Tableau

Chapitre IV: Yao et Chouen.Yao Plante du Calendrier Le Dluge Pe Kouen Chouen Yu Travaux de Yu Trois Kiang Tablette de Yu Chouen Rgne de Chouen Mort de Chouen Kiang et Ho Le Kiang Houang Ho.

Chapitre V: Hia et Chang.Dynastie Hia: Yu Ki Tai Kang Tchoung Kang Siang, Chao Kang Koung Kia Ki Tableau dynastiqueDynastie Chang: Chang Tang Tai Kia Wou Yi Sin Ecailles de tortue Tableau dynastique.

Chapitre VI: Troisime dynastie. Les Cheou.Wou Wang Tcheng, Lgende Tchao, Mou Si Wang Mou Koung Siouen Yeou Ping Royaumes des Tchouen Tsieou Houan Houan, Tchouang, Hi, Houei Siang ... Etendue de lEmpire Gouvernement Tableau dynastique

Chapitre VII: Confucius et Lao Tseu.Confucius: Vie Livres classiques Philosophie Le culte Hiao king Culte des Anctres Mencius.Lao Tseu: Vie Lgende Entrevue avec Confucius Lao Tseu et lOccident Traduction Disciples Tchang Tao-Ling Culte.

Chapitre VIII: Quatrime Dynastie: Les Tsin.Origine Tsin Che Houang Ti Hioung Nou Grande Muraille Annam Mort de Che Houang Ti Tableau dynastique.

Chapitre IX: Cinquime Dynastie: Les HanKao Tsou Hiao Houei Limpratrice Lu Hiao King Wou Ti Wou Suen Tchang Kien Ho Kiu ping Deuxime voyage de Tchang Kien Administration corenne Tableau dynastique

Notes Principauts du Tchouen tsieou CartesTableaux dynastiques: Postrit de Houang TiTrois Souverains et Cinq Empereurs Hia Chang Tcheou Tsin Premiers HanCHAPITRE PREMIEROrigine des Chinois: Thories trangres.

5 Les origines de la nation chinoise ne peuvent tre places dans une antiquit aussi recule que celles dautres pays comme la Babylonie, lElam, lEgypte; mais son histoire offre une continuit et une dure que lon chercherait vainement dans une autre: nous navons pas en effet pour clairer les dbuts de cette histoire, des monuments de pierre dune authenticit aussi indiscutable, par exemple, que le Code dHammourabi, la Stle des Vautours et les hypoges dEgypte. Larchologie prhistorique qui commence clairer dun jour nouveau lhistoire prdynastique de lEgypte na pas encore arrach ses secrets aux vieux sol chinois, et jusqu ce jour, tout ce quon a crit sur les relations dans un pass lointain de lExtrmeOrient avec lOccident nest quhypothses et thories trop souvent absurdes.En ralit le problme non encore rsolu de lantiquit la plus loigne de lapparition de lhomme sur une terre infiniment plus ancienne que nous ne lavions cru jusquici, se pose avant le problme de lorigine de la civilisation. Nous navons pas encore de base certaine pour tablir lantiquit de lhomme. Contentonsnous aujourdhui de la petite lueur quont projete les travaux rcents de la gologie et de la prhistoire sur les dbuts de lhumanit; sur ce que nous considrons comme le fatras de nos anctres, en attendant que nos descendants leur tour traitent nos conceptions de billeveses. La vrit est toujours en marche, mais elle chemine si lentement que lhomme de nos gnrations aura probablement disparu avant de lavoir connue entire. La prhistoire ne doit pas tre traite comme lhistoire, car, faute de base vritablement scientifique, il est 6 impossible den dresser la chronologie. La prhistoire de certains pays correspond la priode historique dautres pays: elle ne suit pas une marche parallle dans toutes les contres dans lesquelles elle varie grandement suivant les temps.Les gologues nous apprennent quaux poques anciennes, avant lapparition de lhomme, une mer intrieure, appele la Thtys, sparait larc sibrien dIrkoutsk des hautes cimes de lHimalaya, les terres septentrionales des terres mridionales de lAsie, le continent de lAngara au nord, du continent de Gondwana au sud. Cette grande mer intrieure faisait communiquer lAtlantique par la Mditerrane, avec le sudest de lAsie. Peu peu cette immense masse deau fut brise au milieu de lpoque tertiaire; les deux terres borale et australe se soudrent, constituant le continent asiatique qui saffaissant, au nord donna naissance la plaine sibrienne, au sud lOcan indien, conservant une vaste mer intrieure, ellemme peu peu transforme en une srie de mers et de lacs qui durrent jusquau jour o le manque de communications avec lOcan, de la vaste nappe liquide des temps anciens fit un dsert aride. A ce desschement progressif ont correspondu, probablement des migrations successives de peuples, des priodes de barbarie succdant des priodes de civilisation qui peut navoir t que locale.Longtemps avant les dates assignes aux civilisations de la Babylonie et de lEgypte, lhomme vivait dans des oasis transcaspiens, par exemple Anau, prs dAskabad: il habitait dj dans des villes, cultivait le bl et lorge et commenait lever et domestiquer les animaux qui pouvaient lui tre utiles, cette civilisation disparut devant le desschement de la rgion, amenant des migrations qui sont peuttre lorigine des civilisations de la Babylonie et de lEgypte considres par lhistorien et larchologue comme les plus anciennes du monde, alors que le gologue seul nous rvle lexistence dAnau(1). On doit penser quil y eut des migrations de peuples des poques gologiques 7 o lhomme actuel nexistait pas encore. Nous ne devons pas croire que les peuples les plus anciens que nous connaissions soient en ralit les plus anciens des peuples. Le tmoignage de la nature est moins sujet erreur que le tmoignage de lhomme. A quelle poque lhomme, dont nous ignorons encore lantiquit, atil paru sur cette terre dExtrmeOrient, qui constitue aujourdhui lEmpire chinois? Problme jusqu prsent insoluble, et qui le restera peuttre toujours. Lintelligence de lhomme mise au service de la science est comme celleci limite; il arrive un moment o elle se trouve en prsence de phnomnes qui lui sont incomprhensibles, alors commence pour lui le surnaturel; variable suivant les progrs de la science et le dveloppement de lintelligence, suivant le milieu galement. Le surnaturel dune poque et dune rgion nest quun phnomne naturel un autre moment et dans un pays diffrent.Il sera facile de constater par la lecture de ces pages que la Chine, ayant peu emprunt et peu rendu, nest pas nanmoins un bloc rest compltement immuable et intangible travers les sicles, sans avoir dans une certaine mesure subi et influenc non seulement la civilisation des pays environnants mais aussi celle de ceux qui par leur loignement paraissaient avoir chapp tout contact avec le vaste Empire de lAsie orientale; mais ces changes rciproques se sont produits au cours des sicles dont nous connaissons lhistoire, plus en dtail, au fur et mesure quelle se rapproche de nous, mais dont nous nignorons pas, au moins dont nous souponnons certaines particularits dpoques fort loignes de notre temps. Il ne me parat pas que ces influences puissent remonter une antiquit fort recule; dans tous les cas, elles peuvent tre places pendant cette priode de lhistoire du monde qui appartient la priode gologique de lpoque actuelle; cest-dire celle o lhomme commence se rendre matre de la plante sur laquelle il a apparu des milliers dannes auparavant. Des civilisations asiatiques qui nous sont aujourdhui inconnues ou sont simplement entrevues par nous ont exist avant la priode 8 laquelle appartiennent les faits dont nous nous proposons de retracer lhistoire.La Chine dont nous crivons lhistoire aujourdhui est ignore dans son antiquit recule aussi bien de ses habitants que de nous; son pass prhistorique inconnu de nos devanciers, souponn depuis peu dannes, devient maintenant une ralit comme celui de lgypte. Puis nous constatons lexistence de monuments, tels les menhirs, dont les Chinois euxmmes ne signalent pas lexistence ou mconnaissent la signification. La Chine nous apporte une fois de plus la preuve quil ne faut rien nier, sous le mauvais prtexte quon na rien trouv; le prsent doit vivre dans le doute quand il ne touche pas la ralit; et faire crdit lavenir.Lloignement, les difficults dune longue route de terre ou les prils dune navigation sur des mers soumises laction des moussons, souvent dvastes par les typhons, la faiblesse relative des voisins, lnormit mme de son territoire, avaient forc la Chine vivre sur ellemme, sans tirer du dehors les choses ncessaires la vie; elle trouvait galement en ellemme les ressources intellectuelles utiles au dveloppement et la conservation de son gnie particulier, et somme toute, en dehors du bouddhisme, elle a peu emprunt, et encore sans continuit et des poques trs diffrentes, des lments trangers au pays. Les nations qui avaient besoin de sa soie, de sa rhubarbe, de son musc, venaient les chercher; celles qui, au contraire, lui vendaient leur opium, les toffes de laine et de coton les apportaient: Le Chinois navait pas besoin de quitter son pays pour y voir affluer les marchandises trangres ou pour faire transporter ses produits au loin. Ce qui ne veut pas dire toutefois que, au cours de leur longue existence, les Chinois naient jamais prouv le besoin ou le dsir de visiter les contres lointaines, et lon verra dans ces pages que, soit le zle religieux pour les plerins bouddhistes, soit lappt du lucre pour certains ngociants, soit des intrts politiques pour diffrentes missions comme celles de Tchang Kien et de Tcheng Ho, soit mme une ambition guerrire dans 9 lexpdition de Pan Tchao dans lAsie centrale, ont russi, mais dune faon irrgulire, attirer les Chinois hors de chez eux. Si les Chinois nont donc pas vcu compltement spars du reste du monde, toutefois, sans ignorer lexistence des pays trangers, mme lointains, ils nen ont jamais eu une notion complte jusqu lpoque contemporaine, lorsque la facilit des communications, la dure moindre des voyages ayant plac la Chine une quinzaine de jours de lEurope, lenvoi dtudiants qui ont puis des ides nouvelles hors de chez eux, lont oblige sortir de son magnifique isolement et dentrer, plutt de mauvais gr, dans le grand concert international du monde, et lont entrane tudier sans enthousiasme des problmes politiques et conomiques quelle avait nglig de se poser jusqualors.On verra que, si pendant des sicles, pour la Chine, la morale de Confucius a t le fil conducteur de sa pense, et la base mme du systme politique qui a mis la tte du pays constitu en une vaste famille un empereur Fils du Ciel, cette nation ne sest pas fige dans une administration immuable, quelle a t comme les autres agite par de nombreuses rvolutions, quelle a t gouverne, par diffrentes dynasties, quelquesunes mme trangres; quelle a connu tous les modes de gouvernement depuis lautocratie impriale jusquau socialisme dtat de Wang Ngan-che, revenant toutefois sa civilisation primordiale jusquau jour rcent o, battu en brche par les trangers devenus ses voisins ou qui lont trop pntr, le vieil difice vermoulu semble scrouler devant la pression de lOccident: reflux dune mare qui, il y a quelques sicles, avait port jusquau cur de lEurope les descendants des tribus du nord de lEmpire chinois. Mais que nous rserve lavenir? Une telle histoire est plus propre que nimporte quelle autre nous faire suivre les vicissitudes des empires et des royaumes, leur dveloppement; leur grandeur, leur dcadence. Tmoin unique dans lhistoire du monde, la Chine est le seul empire qui ait soutenu jusquaujourdhui lassaut des ans, du dsordre intrieur, de la concurrence et de la rivalit 10 extrieures. Le philosophe, autant, plus mme que lhistorien, trouve dans lenchanement des faits qui constituent sa vie matire de srieuses leons.LEurope, qui tire la soie de la Chine depuis une haute antiquit, na longtemps considr cet empire que comme une terre ayant sa vie propre; ne se rattachant par aucun lien au reste du monde; elle a t lobjet de spculations fantaisistes de la part de quelques savants; et pour la masse des gens elle ne fut quune simple curiosit. Claude Duret, au commencement du XVIIe sicle, dans lnumration des langues que contient son Thresor de lhistoire des langues (2), cite les langues indienne orientale, chinoise, japonaise, sans parler des sons, voix, bruits, langages ou langues des animaux et oyseaux. Bossuet, dans son Discours sur lHistoire Universelle, fera une place aux Scythes, mais il passera la Chine sous silence, ne souponnant pas le rle que cette masse dhumains a jou dans lhistoire gnrale du monde dont elle forme le tiers de la population, ignorant ou oubliant que cest la seule nation dont lhistoire se continue sans interruption depuis les ges les plus reculs jusqu nos jours; quaux temps lointains de lEgypte et de lAssyrie, il existait dj une Chine et que cette Chine existe encore aujourdhui. Au XIIIe et au XIVe sicles, lpoque de lhgmonie mongole, le voile mystrieux qui cache cette distante contre est soulev par Marco Polo et quelques zls missionnaires, mais il retombe pour ne se relever partiellement quau XVIe sicle, et ce ne sera quau milieu du XVIIe sicle que les missionnaires de la Compagnie de Jsus, comme Martini dans son Atlas sinensis, nous donneront enfin des notions exactes sur lEmpire du Milieu. Et comme on sera sans doute tonn quun chapitre aussi important de lhistoire du Monde ait pu se drouler pendant des milliers dannes sans que lOccident y ait eu sa grande part, on inventera des relations imaginaires, ou on tchera de se la rattacher laide de thories abracadabrantes qui, poursuivies jusqu nos jours, donnent un des plus curieux exemples des folies que peut engendrer lignorance ou une 11 science insuffisante. Nous allons examiner quelques-unes de ces thories par lesquelles les savants dEurope, dsireux de trouver lhumanit une origine commune, ont cherch relier la vieille Chine diffrents pays de lAsie antrieure, voire de lEurope.

Goguet.Goguet ira trop loin dans son incrdulit:On peut assurer hardiment, ditil, que jusqu lan 206 av. J.C. leur histoire ne mrite aucune croyance. Cest un tissu perptuel de fables et de contradictions; cest un chaos monstrueux dont on ne saurait rien extraire de suivi et de raisonnable (3).

Kircher.Le savant jsuite allemand Athanase Kircher (4), parat tre le premier avoir soulev la question de lorigine gyptienne des Chinois dans son grand ouvrage dipus gyptiacus (5) en 1654; il a depuis reproduit sa thorie dans un autre de ses livres, la China illustrata (6), parue en 1667, dont une dition franaise (7), fut donne en 1670; dans celleci la Sixime Partie est consacre lcriture des Chinois et comprend cinq chapitres dont le quatrime traite de la diffrence qui est entre les caractres chinois, les hyeroglifes des gyptiens.Les premiers Chinois, crit Kircher, tant descendus des Egiptiens ont suivi leurs faons de faire pour leurs escritures, non pas quand la composition des lettres, mais quand aux figures tires de diverses choses naturelles; lesquelles leur servoient pour manifester leur concept. Cest pourquoy ils avoient autant de signes pour lexpliquer quils avoient de choses enoncer (8). Plus loin, il nous dit: Les enfans de Cham, ayant conduit 12 des colonies dans les extrmits de la Chine, ils y avoient introduit aussi les lettres & les caractres non pas la vrit avec toutes les significations et les mistres dont estoient orns les hyeroglifes des Egiptiens, mais tout autant quil tait ncessaire pour expliquer sa pense, & donner connoistre ses conceptions & ses sentimens; quoyque grossirement (9).Les premiers Chinois ont fait leurs caracteres de toutes les choses du monde, & ils se sont servis de tout, comme on le voit par leurs chroniques et par la forme et la figure de leurs lettres: car ils les formoient de mesme que les Egiptiens, representant tantost des animaux, maintenant des volatiles, apres des reptiles, des poissons, et enfin apres tout cela ils se servoient des herbes, des ramaux darbres, des cordes, des points, des cercles, et de plusieurs autres choses qui formoient neantmoins ces mesmes caractres dune autre faon que ceux des Chinois dapresant, lesquels pour estre devenus plus doctes et plus habilles par lexperience des choses, ont chang le tout, & ont mis cette confusion danimaux & de plantes dans une certaine ressemblence par les points quils y ont mis, lesquels rendent cette ancienne mthode plus facile et plus courte quelle nestoit (10).

Ce que Kircher connaissait de la Chine, il le tenait du P. Michel Boym(11), Polonais, envoy dExtrmeOrient en mission en Europe par ses suprieurs; il fut galement en rapport avec le P. Jean Grueber (12), autre jsuite qui visita le Tibet, et dont il a publi la relation de voyage dans sa China illustrata; sa science sinologique ntait que rudimentaire; il y ajouta ses autres connaissances, vastes assurment, et la facult de btir des thories qui suffisaient lesprit critique et de controverse de lpoque.

Frret.Kircher trouva un adversaire redoutable, devanant certainement son sicle dans certaines de ses vues, en Nicolas 13 Frret (13), qui mourut secrtaire perptuel de lAcadmie des Inscriptions et BellesLettres; il combattit vigoureusement Kircher dans un mmoire lu lAcadmie, le 6 dcembre 1718 (14).Frret observe queles Chinois nont point eu en vue les images pour les choses que la peinture peut mettre sous les yeux, ni les symboles pour reprsenter par allgorie ou par allusion les choses qui ne le peuvent tre par elles mmes. Le P. Kircher [China illustrata] est dun autre avis; mais il parot en cette occasion avoir un peu trop donn son imagination, Je ne prtends cependant pas que lon ait vit ces ressemblances entre les choses et les caractres, lorsquelles se sont prsentes: mais il est sr quon ne les a pas cherches, et quelles sont presque toujours dtruites par lanalyse du caractre o lon avoit cr les appercevoir. Les premiers inventeurs de lcriture chinoise se sont attachs des signes entirement arbitraires, ou qui nont quun rapport dinstitution avec les choses signifies; en cela ils ont suivi le gnie de la nation chinoise; qui mme avant Fohi, cestdire dans la plus profonde antiquit, se servait de cordelettes noues en guise dcriture. Le nombre des nuds de chaque corde formoit un caractre, & lassemblage de cordes tenoit lieu dune espce de livre qui servoit rappeller, ou fixer dans lesprit des hommes le souvenir des choses, qui sans cela sen seroient effaces.

Huet.Le savant vque dAvranches, Huet, nous donne lInde et la Chine comme des colonies gyptiennes: Si le commerce des Egyptiens a t aussi ancien & aussi grand dans lOrient, que nous avons sujet de le croire, il faut conclure que celui des Indiens qui taient leurs principaux correspondants, ne ltoit pas moins. Or cette correspondance des Indiens & des Egyptiens est si clairement tablie par les anciennes histoires, quon ne peut pas 14 sempcher de croire en les lisant, que si toute la nation des Indiens & des Chinois nest pas descendue des Egyptiens, elle lest du moins en la plus grande partie. Car quelle autre chose peut signifier cette expdition si clbre dOsiris dans les Indes, o il rgna pendant cinquantedeux ans, cultiva & polit cette nation, y btit des villes, & y rpandit tant de colonies dEgyptiens, que lEgypte se crut suffisamment autorise dans la suite former une prtention sur les Indes comme sur son propre(15)?Huet expose toute sa thorie dans le chapitre suivant(16): Entre tous ces esseins dEgyptiens qui inonderent les Indes, les Chinois mritent bien dtre considerez en leur particulier. On trouve chez eux des marques bien sensibles de leur origine, une grande conformit de coutumes avec celles des Egyptiens, leurs doubles lettres, hiroglifiques, et profanes, quelque affinit mme de leurs langues, la doctrine de la mtempsycose, le culte de la vache, & ce qui me paroit fort remarquable, cette aversion constante que font parotre les Chinois recevoir les negocians trangers dans leurs pays, & qui les a possedez dans tous les tems, pareille celle que Strabon attribue aux anciens Egyptiens. Je ne puis donc assez mtonner, que contre des preuves si claires, un Ecrivain de ces derniers tems, plein desprit dailleurs & de suffisance, mais sujet beaucoup de prventions, ait p soutenir au contraire que les Egyptiens et les Phniciens ont reu leurs sciences des Indiens. Il serait ais de dtruire son systme, si la matire que je traite ne mentranoit ailleurs. Quoique les Chinois soient sortis dEgypte, en tout ou en partie, avec le reste des Indiens, ils ont pourtant fait depuis long-tems un tat spar, celui-ci sest autrefois acquis une si grande puissance, quil sest rendu matre de toutes les Indes. On sait que le Japon, la Core, la Cochinchine & le Tonkin ont t des provinces de la Chine. Et si lon veut croire les Chinois mme, & que leur prsomption ne rende pas leur tmoignage un peu 15 suspect, ils ont autrefois tendu leur Empire jusquau cap de Bonne Esprance: La plupart des Indiens nanmoins leur dfrent lhonneur de cette supriorit et se souviennent de leur ancien commerce. On connot par les annales dOrmus, quon a vu dans le golfe Persique jusqu quatre cens vaisseaux chinois, se dcharger & se charger dune infinit de marchandises prcieuses. Lusage de la boussole est trs ancien parmi eux: non pas que je croye que Marc Paul lait apport de la Chine dans lEurope, comme bien des gens en sont persuads; car il parot par les vers de Guyot de Provins pote Franois, qui vivait vers lan 1200, rapport par Fauchet, que les pilotes Franois se servoient de la boussole, plus de quarante ans avant Marc Paul. Lhistoire rend tmoignage la probit et lquit des anciens Seres majeurs des Chinois; qui trafiquoient sans voir & sans se faire voir aux marchands.

Mairan, de Guignes.A la suite de Huet, Mairan, de lAcadmie des Sciences (17), voulut galement trouver en Egypte lorigine des Chinois.Cest, ditil, par la conformit de murs et de coutumes qui en est la grande, &, mon avis, lunique preuve, quil convient de dcider la question (18).Il ne voyait dailleurs aucune impossibilit larrive de Ssostris en Chine avec cent mille Egyptiens. Son correspondant Peking, le savant jsuite, Parrenin (19), opposa aux thories de Mairan dexcellents arguments, qui ne paraissent pas toutefois avoir produit leffet ncessaire (20), car nous voyons en 1759, de Guignes, de lAcadmie des Inscriptions, renouveler la question dans un Mmoire destin prouver que les Chinois sont une colonie gyptienne; De Guignes qui avait dabord partag les ides de Parrenin, fut frapp de la grce par un mmoire de labb Barthlmy sur les lettres phniciennes.16 Javois devant moi, ditil, les Lettres Phniciennes dont il venoit de nous donner un Alphabet exact. Pour me dlasser je mavisai de jeter les yeux sur un Dictionnaire Chinois, qui contient la forme des caractres. antiques: je fus frapp toutcoup dappercevoir, une figure qui ressembloit une Lettre Phnicienne; je mattachai uniquement ce rapport, je le suivis, et je fus tonn de la foule de preuves qui se prsenterent moi. Telle est lorigine de ce Mmoire, que deux circonstances runies par le hasard ont fait natre.Je fus alors convaincu que les caractres, les loix & la forme du Gouvernement, le Souverain, les Ministres mmes qui gouvernoient sous lui, & lEmpire entier toit gyptien; et que toute lancienne Histoire de la Chine ntait autre chose que lHistoire dgypte quon a mise la tte de celle de la Chine, comme si des Franois tablis en Amrique y fondoient actuellement un Royaume dont le premier Souverain seroit regard comme le successeur du Monarque qui rgne en France: parl toute lhistoire de France antrieure, deviendrait lhistoire ancienne de cette colonie. Je trouvai encore les caractres qui ont donn naissance ceux des Hbreux, des Arabes, des Syriens, des Ethiopiens et des Phniciens, cest-dire, les premiers caractres du monde, et une grande partie de la langue Phnicienne (21).

Leroux Deshauterayes.En fait, comme le fait remarquer Leroux Deshauterayes, le but de De Guignes tait de prouver:1 Que les caractres chinois ne sont que des espces de monogrammes forms de trois lettres phniciennes, et que la lecture qui en rsulte produit des sons phniciens ou gyptiens.2 Que les deux premires dynasties chinoises sont composes de princes qui ont rgn, non la Chine, mais en gypte... M. D. tablit la conformit entre ces princes, non par un parallle de leur histoire, ou par une ressemblance entre des faits quil rapprocheroit, mais par la lecture seule des noms chinois de ces princes quil croit 17 composs de lettres phniciennes.3 Enfin M. D. prtend encore prouver quune colonie gyptienne alla stablir dans la Chine, & il fixe lpoque de son entre dans cet Empire lan 1122: Cette poque est celle o Vouvang jetta les fondemens de la dynastie impriale des Tcheou, la troisime des Dynasties chinoises (22).Les doutes de Deshauterayes ne touchrent pas De Guignes qui rpondit son adversaire (23). Il nest dailleurs pas utile dentrer dans le dtail dune discussion qui noffre plus quun intrt de curiosit.

Warburton.Sur cette querelle sinicogyptienne viennent se greffer la thorie de langlais Warburton (24) sur les hiroglyphes gyptiens et ses remarques sur la chronologie et sur la premire criture des Chinois, qui ne restrent pas sans rponse (25): Il est temps, crit Warburton(26), de parler dune altration, que ce changement de sujet, et cette manire de lexprimer, introduisirent dans les traits des figures hiroglyphiques. Lanimal, ou la chose, qui servait reprsenter, avaient t jusques l dessins au naturel. Mais, lorsque ltude de la Philosophie, qui avait occasionn lcriture symbolique, ont port les Scavans dEgypte crire beaucoup, et sur divers sujets, ce dessein exact multipliant trop les volumes, leur parut ennuyeux. Ils se servirent donc par degrs dun autre caractre, que nous pouvons appeler lEcriture courante des hiroglyphes. Il ressemblait aux caractres chinois, et, aprs avoir dabord t form du seul contour de chaque figure, il devint la longue une sorte de marques. Je ne dois pas omettre ici de parler dun effet naturel que ce caractre de lcriture courante 18 produisit avec le temps. Je veux dire, que son usage diminua beaucoup de lattention que lon donnoit au symbole, et la fixa la chose signifie. Par ce moyen ltude de lcriture symbolique se trouva fort abrge; ny ayant alors presquautre chose faire qu se rappeller le pouvoir de la marque symbolique, au lieu quauparavant il fallait tre instruit des proprits de la chose, ou de lanimal, qui tait employ comme symbole. En un mot, cela rduisit cette sorte dcriture ltat o est prsentement celle des Chinois.

Needham.Au milieu de la controverse suscite par la thorie de De Guignes, un membre de la Socit royale de Londres, Needham, prit sur un buste dIsis, du Muse de Turin, lempreinte de caractres soi-disant gyptiens quil prtendait ressembler aux caractres chinois; il les prsenta un Chinois du Vatican, sed nihil prorsus aspectu primo intellexit, ditil. Le Chinois ny entendait rien, parce quil ne connaissoit que les caractres modernes(27). Cependant lemploy chinois de la Bibliothque vaticane, flairant probablement quelque aubaine, ne se tient pas pour battu; il sarme dun dictionnaire de Kang hi et il dcouvre immdiatement une ressemblance entre une douzaine des caractres de lIsis et des caractres chinois!De nos jours, Li Foung pao, ministre de Chine Berlin, na pas hsit dans les mmes circonstances lire du chinois.On eut pu faire la mme dcouverte avec nimporte quelle autre langue hiroglyphique; ldessus grande joie de Needham qui convoque tout ce qui pouvait constituer le ban et larrire ban scientifique Rome et il fait signer ces savants et ces grands seigneurs, le 25 mars 1762, le procsverbal de sa prtendue dcouverte (28). Pour confirmer ses vues, Needham en appela aux jsuites de Peking, 19 et la rponse (29), qui lui fut faite par le P. Cibot ne fut rien moins que favorable ses ides (30).

C. de Pauw.La thorie gyptienne trouva un adversaire dans Cornelius de Pauw: Quant la communication quon suppose avoir exist entre la Chine & lEgypte, on se convaincra par la lecture de cet ouvrage que jamais supposition ne fut moins fonde. Il est tonnant dailleurs quon ne se soit point aperu, quen lan 1122 avant notre re les Egyptiens se servoient dj dun caractre alphabtique, compos de vingtcinq lettres suivant Plutarque, & seulement de vingtdeux suivant les dcouvertes modernes. Or cest une absurdit bien grande de vouloir que les Egyptiens nayent point port la Chine leur alphabet qui tait fort simple, et de soutenir quils y ont port leurs hiroglyphes employs uniquement par les prtres, & qui ne ressemblent point aux caractres de la Chine, comme lont soutenu des crivains dont lesprit tait fcond en rveries. On ne dcouvre dailleurs aucun rapport ni entre la religion de ces deux pays, ni entre les langues(31).

Voltaire.Voltaire a consacr larticle IV de son Fragment sur lHistoire Gnrale (1773) tudier Si les Egyptiens ont peupl la Chine, et si les Chinois ont mang des hommes. Avec son grand bon sens, il crivait: Il nous a paru, par exemple, que les Chinois ne descendent pas plus dune colonie dEgypte que dune colonie de Basse Bretagne. Ceux qui ont prtendu que les Egyptiens avaient peupl la Chine ont exerc leur esprit et celui des autres. Nous avons applaudi leur rudition et leurs efforts; mais ni la figure des Chinois, ni leurs murs, ni leur langage, ni leur criture, ni leurs usages, nont rien de lantique gypte. Ils ne connurent jamais la circoncision: aucune des divinits gyptiennes ne parvint jusqu eux; ils ignorrent toujours les mystres dIsis (32).20 De nos jours, dans un plaisant paradoxe, un savant guerrier a voulu identifier les Egyptiens prhistoriques avec les Annamites (33).

Bouteilles de porcelaineLa dcouverte de bouteilles de porcelaine dans des tombes gyptiennes de Thbes allait donner, pour peu de temps dailleurs, un regain de popularit la thorie des antiques relations de la Chine avec la terre des Pharaons.

Wilkinson crivait:Parmi les nombreuses bouteilles trouves dans les tombes de Thbes, nulles nont excit plus de curiosit et de surprise que celles de fabrication chinoise, portant des inscriptions dans cette langue. La dcouverte accidentelle dune seule bouteille de ce genre passerait naturellement inaperue, et si nous ressentions quelque surprise quelle et t dpose dans un spulcre gyptien, on pouvait raisonnablement conjecturer quun visiteur dpoque plus rcente pourrait lavoir laiss tomber, en recherchant danciens trsors dune plus grande valeur. Mais cette explication cesse dtre admissible quand nous apprenons que des bouteilles ont t dcouvertes dans diverses tombes thbaines (34).....

Samuel Birch, dans son dition de Wilkinson, avant de citer les traductions de Medhurst et de Davis, remarque: Il est maintenant connu que ces bouteilles sont dune priode relativement rcente. M. Prisse a dcouvert, en questionnant les Arabes du Caire faisant le commerce des antiquits, quils avourent que les bouteilles ntaient jamais trouves dans les tombeaux ou les ruines, et que le plus grand nombre des bouteilles provenaient de Qous, Xeft et Cosseir, entrepts du commerce avec lInde sur la Mer Rouge(35).

W. H. Medhurst a examin les facsimiles de douze 21 inscriptions sur des bouteilles de porcelaine trouves en Egypte et envoyes par Stanislas Julien. Il a traduit ces inscriptions avec son lettr et la conclusion de cet examen est que les bouteilles fabriques dune matire qui ne pouvait tre antrieure la dynastie des Han portaient des citations de vers qui ne pouvaient pas, si lhistoire de la posie chinoise est vraie, avoir t crits avant la dynastie des Tang, ce qui rendait impossible leur dcouverte dans des tombes contemporaines des plus anciens vnements de la chronologie chinoise; et que, au contraire; ces bouteilles avaient t fabriques sous la dynastie des Ming(36). Harry Parkes de son ct tait convaincu que ces bouteilles ne possdaient pas lantiquit qui leur tait attribue(37).

Feuillet de Conches a rsum ainsi la question:On a fait beaucoup de bruit, dans lanne 1834, en Italie et en Angleterre, de la dcouverte de petits flacons de porcelaine chinoise, trouvs dans des hypoges gyptiennes, dune poque pharaonique antrieure de 1800 ans notre re, et qui, disaiton, navaient jamais t ouvertes. Lgyptologue pisan Rossellini, MM. Wilkinson et Davis crirent au miracle. Que de discussions eussent t souleves si la dcouverte net pas rencontr, ds labord, un puissant contradicteur! La Bible allait tre mise en jeu, et la science historique se serait perdue en vaines conjectures sur je ne sais quelle fabuleuse communaut dorigine, ou de rapports commerciaux entre des peuples de races distinctes, et qui, de fait, ne se sont point connus ces poques recules: Or, on stait jou malicieusement de la crdulit des trois savants personnages, comme le Grec Simonids sest heurt dans ces derniers temps contre la sagacit de M. Hase en France, et dAlexandre de Humboldt en Prusse. Le clbre sinologue de notre Institut, M. Stanislas Julien, a restitu(38) la vritable date de ces fioles merveilleuses, 22 en prouvant quelles portaient des inscriptions tires de potes du VIIe sicle aprs JsusChrist, ce qui ne voulait pas mme dire quelles ne fussent point de fabrication trs rcente; car les Chinois sont les plus habiles faussaires, les plus adroits fabricateurs dantiquits(39).

Pauthier stait montr sage dans la question des bouteilles de porcelaine; il le fut moins dans le travail quil publia en 1842 chez Didot et dont le titre suffit faire connatre lobjet: Sinico Aegyptiaca. Essai sur la formation similaire des critures figuratives chinoise et gyptienne. Il nen donna que la premire partie dans laquelle il indiquait les principes, communs suivant lui aux deux critures figuratives chinoise et gyptienne, en font des critures dune nature spciale et similaire, qui ne peuvent tre soumises qu des lois spciales. Ce sont ces lois, ditil, que nous avons esquisses prcdemment. La suite de cet Essai sera consacre leur dmonstrationOn a vainement attendu cette dmonstration.

Morton.Dans son ouvrage Crania Egyptiaea (40), S. G. Morton dclare quil ne trouve rien comme traits mongols dans aucune tte embaume de sa collection, moins quune ressemblance gnrale puisse tre trace dans un exemple unique de Thbes. Cette observation vient lappui de lopinion du Professeur Blumenbach, qui, en comparant les Egyptiens avec les diverses races humaines, affirme quils diffrent daucune autant que de la race mongole, laquelle appartiennent les Chinois(41).Morton ajoute:Que les Chinois aient eu des relations commerciales avec les Egyptiens dans les temps primitifs 23 nest pas discutable; car des vases de porcelaine chinoise, avec des inscriptions dans cette langue, ont t trouvs dans les catacombes de Thbes(42). Cependant dans chaque exemple o nous dcouvrons des Mongols sur les monuments, ils sont reprsents comme des trangers et des ennemis. La gravure sur bois ci-jointe, avec le nez petit et un peu dprim, la tte rase, la natte de la tte, la barbe rare, la moustache, et le teint blme, semble clairement indiquer un homme de cette race. Elle est copie dun dessin dans Rosellini, dans lequel Ramess III est reprsent combattant contre les Sheto ou Scythes, parmi lesquels les Mongols apparaissent contre des allis ou des mercenaires(43).Morton conclut de ses recherches: 1 La Valle du Nil, en Egypte et en Nubie, tait lorigine peuple par une race caucasienne; 2 Ces peuples primitifs, appels depuis Egyptiens, taient les Mizraimites de lEcriture, la postrit de Ham, et affilis directement avec la famille libyenne des nations; 3 Dans leurs caractres physiques, les Egyptiens taient intermdiaires entre les races indoeuropenne et smitique... les ngres taient nombreux en Egypte, mais leur position sociale dans les temps anciens tait la mme que maintenant, celle de serviteurs et desclaves.; les fellahs daujourdhui sont les descendants en ligne directe et les moins mlangs des anciens Egyptiens (44).

Ramss II, Diodore, Hrodote, ...La dernire fantaisie sinicogyptienne est celle de la conqute de la Chine par le grand Ramss II, sur lautorit dHrodote et de Diodore de Sicile.Diodore de Sicile nous raconte en effet que le grand Sesoosis, le Ssostris dHrodote, le Ramss II des gyptiens, dans son dsir de domination universelle,se rendant en Asie, la tte de son arme, soumit tout ce pays; il pntra non seulement dans les pays qui furent plus tard conquis par Alexandre le Macdonien, mais encore il aborda des contres et des nations que celui-ci natteignit pas. Car, il passa le Gange, et savana dans lInde jusqu lOcan, 24 et du ct de la Scythie jusquau Tanas, fleuve qui spare lEurope de lAsie. On raconte mme, quun certain nombre dEgyptiens, laisss aux environs du Palus Motide, donnrent naissance au peuple des Colchidiens(45).Hrodote avait t plus sobre: Sesostris fut, selon ces Prtres, le premier qui, tant parti du golfe Arabique avec des vaisseaux longs, subjugua les peuples qui habitaient les bords de la Mer Erythre: il fit voile encore plus loin, jusqu une mer qui ntait plus navigable cause des bas fonds. De l, selon les mmes Prtres, tant revenu en Egypte, il leva une nombreuse arme, et avanant par la terre ferme, il subjugua tous les peuples qui se trouvrent sur sa route. En parcourant ainsi le continent, il passa dAsie en Europe, et subjugua les Scythes et les Thraces: mais je crois que larme Egyptienne nalla pas plus avant; car on voit, chez ces nations, les colonnes quil y fit riger, et lon nen trouve point au del. Il retourna ensuite sur ses pas: quand il fut arriv sur les bords du Phase, je ne puis assurer sil y laissa une partie de son arme pour cultiver le pays, ou bien si quelquesuns de ses soldats, ennuys de la longueur de ces voyages, ne stablirent point sur les bords de ce fleuve. Quoi quil en soit, il parat que les Colchidiens sont Egyptiens dorigine(46).Diodore reproduit Hrodote en y ajoutant le passage du Gange et lavance dans lInde jusqu lOcan, et cest sur son tmoignage quun crivain, que nous ne nommerons pas, nous dclare que Sesostris conquit la Chine aux environs de 1500 ou 1600 ans avant J.C., quatre ans avant lexode, des Hbreux! En ralit la lgende de Sesostris conqurant dans la forme que lui donna Hrodote est postrieure la conqute perse.Aussi bien, nous dit un matre(47), Hrodote natil fait ici encore que transcrire sans sen douter un roman populaire, o les donnes dapparence historique ne servaient qu introduire un certain nombre dpisodes de pure imagination.25 Aujourdhui, la plupart des savants cherchent en Afrique et non en Asie lorigine de la civilisation gyptienne. Dans son Histoire ancienne des Peuples de lOrient classique, I, pp. 4546, M. Maspero remarque:A examiner les choses dun peu prs, il faut bien reconnatre que lhypothse dune origine asiatique, si sduisante quelle paraisse, est assez malaise dfendre. Le gros de la population gyptienne prsente les caractres des races blanches quon trouve installes de toute antiquit dans les parties du continent libyen qui bordent la Mditerrane: il est originaire de lAfrique mme et se transporta en Egypte par louest ou par le sudouest. Peuttre rencontratil dans la valle quelque peuplade noire quil dtruisit ou quil refoula; peut-tre y futil accru aprs coup dlments asiatiques introduits par listhme et par les marais du delta.M. Edouard Naville crit:En rsum, la population primitive de lEgypte est africaine, elle se compose de deux lments de mme race; lun, les Anou, les primitifs nolithiques qui ont t les premiers occuper le pays dans toute son tendue, lautre africain galement, venant de quelque part sur le Haut Nil, peuplade pratiquant lagriculture et connaissant la mtallurgie. Ces nouveaux venus ont t dabord des conqurants, ils ont frapp les Anou, mais ils se sont mls graduellement la population primitive, et de ce mlange est ne la civilisation gyptienne, qui est autochtone et qui ne prsente pas dlments trangers(48).La linguistique, avec M. Reinisch, confirme galement lorigine africaine des Egyptiens.

Il me parat toutefois impossible, que si lon admet lorigine africaine de lEgypte, on nie absolument une influence asiatique. Dans la sance de lAcadmie des Inscriptions et BellesLettres du 22 mai 1914, M. George Bndite, conservateur au Muse du Louvre, a communiqu un couteau en silex gyptien muni dun manche divoire dcor. Sur lun des cts, il y a un personnage hroque matrisant deux lions, dont le caractre asiatique est confirm par les 26 figures de la face oppose, o rapparaissent certains lments qui voquent le souvenir de la Stle des Vautours. Il faut placer ce monument un peu avant lpoque thinite.

Peu de temps aprs que Kircher eut expos sa thorie gyptienne de lorigine des Chinois, un certain John Webb, de Butleigh, Comt de Somerset, fit mieux encore; il publia un essai historique pour dmontrer quil tait probable que le chinois tait la langue primitive parle par les hommes avant la confusion cause par la construction de la tour de Babel(49). Un anglais homonyme, Daniel Webb, inspir par ltude de la Grammaire chinoise de Fourmont parue en 1742, eut lide gniale que la langue grecque tait. drive du chinois(50).

En 1870, le Rv. Joseph Edkins publiait un volume entier(51) pour montrer que les langues de lEurope et de lAsie peuvent tre rattaches une origine unique dans la rgion de lArmnie et de la Msopotamie. Ce sinologue distingu a montr plus tard la fertilit de son imagination en voulant rattacher les habitants du Dakota aux races asiatiques par une filiation nordamricaine, mongole, touranienne(52).

G. Schlegel a critiqu la fois le Rv. J. Chalmers, auteur de The Origin of the Chinese, Hongkong, 1866, et le Rv. J. Edkins. Du premier il nous dit: Cet essai est aussi infructueux que les autres; car M. Chalmers, ne possdant point, comme il lavoue lui-mme, la mthode scientifique de la philologie compare, a rassembl seulement un tas de mots de toutes les langues du monde, quil a essay de comparer des mots chinois, selon leur prononciation actuelle. Ce petit livre est ce que les Anglais nommeraient: a total failure.Du second il crit:Quoique plus savant que lbauche informe du Rv. Chalmers, dont, cependant, M. Edkins semble approuver les rves tymologiques, il abonde pourtant en erreurs, et cela par la simple raison que M. Edkins semble ignorer les travaux tymologiques 27 faits depuis 60 ans(53).Schlegel, si svre pour les autres, quoiquil ait suivi la mthode rigoureuse de lcole philologique allemande(54) ne parat pas avoir t plus heureux dans ses recherches sur les racines sanscrites et indoeuropennes(55).

Terrien de Lacouperie.Si quelques savants avaient constat une similitude entre des caractres cuniformes et des signes chinois comme dautres entre les hiroglyphes gyptiens et ces mmes signes, Terrien de Lacouperie est celui qui a renouvel et cherch donner une base solide la doctrine dont il a t laptre de lorigine babylonienne de la civilisation chinoise. Esprit ingnieux et paradoxal, dou de plus dimagination que de science, possdant des connaissances plus tendues que profondes, ignorant lassyrien et ne sachant du chinois que ce quil avait puis lui-mme dans des livres en Europe, Terrien, ne tenant aucun compte de la chronologie, sappuyant souvent sur des textes dorigine relativement rcente, leur dcernant un brevet dune authenticit parfois douteuse, apportant frquemment lappui de ses thses des faits appartenant plutt au domaine du folklore qu celui de lhistoire, adaptant les vnements une thorie prconue, Terrien a ainsi russi difier un systme dont la faade peut paratre imposante mais qui scroule ds quon y touche. Rendonslui justice: il a eu cependant le grand mrite de remuer beaucoup dides, les unes fausses, ce sont les plus nombreuses, les autres justes; attirant ainsi lattention sur des problmes dont ltude avait t trop nglige par les savants.Terrien de Lacouperie indique quelquesunes des plus remarquables traditions que selon lui les tribus Bak auraient apprises avant leur migration, par exemple le souvenir lgendaire de: Un grand cataclysme qui semble se rapporter au dluge; de Sargon et des dtails de sa vie, sousle nom modifi de 28 Chen Noung; de Dungi enseignant lcriture aux tribus Bak; de Nakhounte, comme Nai Houang Ti, avec des circonstances qui se rapportent Koudour Nakhounte et sa conqute de la Babylonie en 2283 avant J.C.; de lapparition successive dtres moiti poisson, moiti homme au dbut de la civilisation et en rapport avec lintroduction de lcriture; de larbre symbolique de vie et ses caractristiques de calendrier, etc.(56).Somme toute, ceci revient dire que la Chine a reu sa civilisation de tribus Bak, cestdire les Pe Sing des Livres Classiques chinois. Ces Bak Sings auraient eu trs probablement les yeux bleus, la face colore et des cheveux qui nauraient pas t noirs, ce qui les distinguait du peuple chinois cheveux noirs (li min, des Livres Classiques)(57). Plus tard on verra au IIIe sicle avant J.C., Tsin Che Houang Ti donner son peuple le nom de Ttes Noires; il faut donc admettre que les Pe Sing ntaient pas les Cent noms de famille ainsi que le croyaient les sinologues, cestdire, comme le dit Legge, la dsignation des grandes familles de ltat sous les Tcheou(58); mais bien des tribus portant le nom spcial de Bak, Pe cessant dans le systme de Terrien dtre le chiffre 100, mais une simple phontique qui se prononait jadis Bak, ce qui nest dailleurs pas prouv. Ainsi donc toute la thorie de la civilisation de la Chine par des tribus soi-disant Bak repose sur un postulatum qui est en contradiction formelle avec tous les textes chinois ainsi que la dmontr Harlez(59).

Edouard Biot.Daprs les donnes authentiques consignes dans les livres sacrs, et dans les quatre livres classiques qui forment la base de lancienne histoire chinoise, crit Biot, les premiers habitants de la Chine taient des peuples sauvages et chasseurs, au milieu desquels savana, entre le XXXe et le XXVIIe sicle avant notre re, une colonie dtrangers, venant du nordouest. Cette colonie est gnralement 29 dsigne dans les textes sous le nom de peuple aux cheveux noirs, sans doute par opposition la couleur diffrente ou mle, des cheveux de la race indigne, dont quelques dbris occupent encore les montagnes centrales de la Chine. Elle est appele aussi les cent familles; et ses premires oprations prsentent beaucoup danalogie avec celles des planteurs, qui vont dfricher les forts de lAmrique septentrionale(60).La thorie de Biot est donc la contrepartie de celle de Terrien, puisque celui-ci voit au contraire le peuple chinois dans la race cheveux noirs et limmigrant dans le Bak aux yeux bleus. Mais rien dans les ouvrages chinois anciens ne permet de supposer quil y ait eu une immigration trangre quelconque lpoque dont parlent Biot et Terrien et qui ne peut tre prise que pour une simple hypothse, possible, mais que rien ne prouve jusqu prsent.

C. J. Ball.En faisant driver certains caractres chinois des caractres babyloniens, Terrien de Lacouperie a suscit la vocation de quelques disciples dont le plus connu est le Rv. C. J. Ball, qui, alors chapelain de Lincolns Inn, pour suivait dans les Proceedings of the Society of Biblical Archology des tudes compares daccadien et de chinois, lpoque mme o Terrien dveloppait ses thories sur lorigine chaldenne de la civilisation du Cleste Empire.Celui-ci a disparu, mais le Rv. C.J. Ball, aujourdhui professeur dassyriologie lUniversit dOxford, a prsent tout rcemment le rsultat dun grand nombre dannes de travail dans son volume intitul Chinese and Sumerian (1913). Il nous explique dabord dans son introduction la nature de lcriture sumrienne illustre par lanalyse de certains caractres; puis il donne une liste prliminaire de mots semblables; ensuite la classification chinoise des caractres crits et les prototypes sumriens; un essai de vocabulaire compar de sumrien et de chinois; enfin une liste de signes dans laquelle les formes anciennes (kou wn) des caractres chinois sont compares avec leurs prototypes sumriens. Dans cette dernire liste il est hors de 30 doute quil y a une grande similitude, parfois une similitude absolue entre les anciens caractres chinois et lcriture sumrienne, mais il ne sensuit pas ncessairement que les uns drivent de lautre; ce sont rsultats defforts parallles. Le Rv. C. J. Ball nous dit dans son introduction: Nous navons aucune raison de supposer que le systme primitif sumrien dcriture a t linvention dun seul esprit ou dune seule gnration; il ny a pas plus de raison de supposer que le systme chinois t linvention du mme esprit qui a cr le systme sumrien; ils sont lun et lautre le fruit de recherches qui ont pu tre conduites indpendamment les unes des autres. Lorsque la Chine a reu sa premire forme dcriture, la Babylonie avait depuis longtemps abandonn son criture primitive pictographique ou hiroglyphique; dautre part, il me parat matriellement impossible que des relations aient pu exister entre les deux pays dans lantiquit du monde telle que la science moderne nous autorise de la concevoir maintenant. Rien ne permet daccorder lEmpire chinois une antiquit semblable celle que rvlent les monuments de la Babylonie et de la Chalde. Quand des fouilles systmatiques auront t entreprises en Chine, larchologie prhistorique nous rvlera peuttre des relations dont lexistence ne nous est pas encore prouve, relations qui ne paraissent pas pouvoir concider avec la priode assigne lcriture sumrienne.

Gobineau.M. de Gobineau cherche aux Indes lorigine de la civilisation chinoise dont il naccepte pas la haute antiquitRien ninfirme, tout appuie, au contraire, le tmoignage des lois de Manou, et il en rsulte que la Chine, une poque postrieure aux premiers temps hroques de lInde, a t civilise par une nation immigrante de la race hindoue, kschattrya, ariane, blanche, et, par consquent, que Pan-kou, ce premier homme que, tout dabord, on est surpris de voir dfini en lgislateur par la lgende chinoise, tait, ou lun des chefs, ou le chef, ou la personnification dun peuple blanc venant oprer en Chine, dans le Ho Nan, les mmes merveilles quun rameau galement hindou avait, 31 antrieurement, prpares dans la valle suprieure du NilEt M. de Gobineau dajouter:Ainsi, en Chine, comme en Egypte, lautre extrmit du monde asiatique, comme dans toutes les rgions que nous avons dj parcourues jusquici, voil un rameau blanc charg par la Providence dinventer une civilisation(61).Le phnomnal Pan-kou, dont nous parlons plus loin, transform en introducteur de la civilisation en Chine ne manque pas de saveur.Ceux qui ont fait venir les Chinois de louest, leur ont fait parcourir une longue route par lAsie centrale avant datteindre le point final de leur migration, cest--dire les bords du Fleuve Jaune. Mais de nos jours des savants (le P. Wieger, par exemple), se sont pos la question de savoir si les Chinois, au lieu de descendre du nord au sud, ne seraient pas au contraire remonts du midi vers le septentrion, de contres de la presqule indochinoise, vers le Kiang et la Wei. Toute discussion est possible, lorsquil sagit des thories relatives lorigine des Chinois, puisquelles ne reposent sur rien de solide, mais lpoque o le Cleste Empire entre dans le domaine historique, il y avait sans aucun doute des sicles que la race chinoise tait implante au nord du Kiang, et je ne vois pas les lments qui pourraient servir de base la nouvelle thorie, qui nest pas plus probante dailleurs, que celle qui fait venir les Chinois de louest, par les Tien Chan et lAlta. Tout ici est supposition.Les savants et les philosophes du XVIIIe sicle ont compris facilement que la Chine navait t quun chanon dune civilisation remontant une antiquit plus recule. Ils ont malheureusement voulu tre trop exacts; il sagit chez eux de faire remonter la civilisation un peuple unique, car ils nadmettent pas que lon puisse discuter lunit dorigine de la race humaine; lhabitat de ce peuple lu est mme prcis; en Asie naturellement, mais dans lAsie septentrionale.

Buffon.32 Buffon, dans son clbre ouvrage Des poques de la Nature, paru en 1778, scrie(62): Ce nest point en Afrique, ni dans les terres de lAsie les plus avances vers le midi, que les grandes socits ont pu dabord se former; ces contres taient encore brlantes et dsertes: ce nest point en Amrique, qui nest videmment, lexception de ses chanes de montagnes, quune terre nouvelle; ce nest pas mme en Europe, qui na reu que fort tard les lumires de lOrient, que se sont tablis les premiers hommes civiliss, puisquavant la fondation de Rome les contres les plus heureuses de cette partie du monde, telles que lItalie, la France, et lAllemagne, ntaient encore peuples que dhommes plus qu demi-sauvages. Lisez Tacite sur les murs des Germains; cest le tableau de celles des Hurons, ou plutt des habitudes de lespce humaine entire sortant de ltat de nature. Cest donc dans les contres septentrionales de lAsie que sest leve la tige des connaissances de lhomme, et cest sur ce tronc de larbre de la science que sest lev le tronc de sa puissance: plus il a su, plus il a pu; mais aussi moins il a fait, moins il a su. Tout cela suppose les hommes actifs dans un climat heureux, sous un ciel pur pour lobserver, sur une terre fconde pour la cultiver, dans une contre privilgie, labri des inondations, loigne des volcans, plus leve et par consquent plus anciennement tempre que les autres. Or toutes ces conditions, toutes ces circonstances, se sont trouves runies dans le centre du continent de lAsie, depuis le 40e degr de latitude jusquau 55e: Les fleuves qui portent les eaux dans la mer du Nord, dans lOcan oriental, dans les mers du Midi et dans la Caspienne, partent galement de cette rgion leve qui fait aujourdhui partie de la Sibrie mridionale et de la Tartarie. Cest dans cette terre plus leve, plus solide que les autres, puisquelle leur sert de centre, et quelle est loigne de prs de cinq cents lieues de tous les Ocans; cest, dans cette contre privilgie que sest form le premier peuple digne de porter ce 33 nom, digne de tous nos respects, comme crateur des sciences, des arts; et de toutes les institutions utiles.

Bailly.Dj Sylvain Bailly avait en 1775 mis la thorie dun peuple primitif: Quand on considre avec attention ltat de lAstronomie dans la Chalde, dans lInde et la Chine, on y trouve plutt les dbris que les lmens dune science; ce sont des mthodes assez exactes pour le calcul des clipses qui ne sont que des pratiques aveugles, sans nulle ide des principes de ces mthodes, ni des causes des phnomnes; certains lmens assez bien connus, tandis que dautres aussi essentiels, aussi simples, sont, ou inconnus; ou grossirement dtermins; une foule dobservations qui restent, pendant des sicles, sans usage & sans rsultats. Comment concevoir que des peuples, inventeurs de lAstronomie, naient pas su la perfectionner dans la dure dune longue existence. Sil est des peuples aussi incapables de marcher que dentrer dans la carrire des sciences, celui qui y est entr une fois par le mouvement quil sest imprim lui-mme, perdra-t-il ce mouvement, & peutil sarrter jamais? Linvention & les progrs des sciences sont de la mme nature. Ces progrs ne sont que linvention renouvele, une suite de vues semblables, & peuttre defforts peu prs gaux. Pourquoi donc les Indiens, mais surtout les Chinois et les Chaldens ontils fait faire si peu de pas lAstronomie, pendant un si grand nombre de sicles? Cest que ces peuples ont t sans gnie, cest quils ont eu la mme indolence pour les dcouvertes que pour les conqutes, cest quils nont point invent la science. Elle est louvrage dun peuple antrieur; qui avait fait sans doute en ce genre des progrs; dont nous ignorons la plus grande partie. Ce peuple a t dtruit par une grande rvolution. Quelques-unes de ses dcouvertes, de ses mthodes, des priodes quil avait inventes, se sont conserves. dans la mmoire des individus disperss. Mais elles se sont conserves par des notions vagues & confuses, par une connoissance des usages, plutt que des principes. On a port ces restes dune science dmembre la Chine, aux Indes, dans la Chalde; 34 on les a livrs lignorance qui nen a pas su profiter(63).Il rptait encore (page 62): Lastronomie ancienne & orientale noffroit que les dbris des dcouvertes dun peuple antrieur aux peuples connus les plus anciens.Bailly renouvelle cette dclaration dans sa premire lettre Voltaire:Jai dit quen considrant avec attention ltat de lastronomie la Chine, dans lInde, dans la Chalde, nous y trouvons plutt les dbris que les lmens dune science (p. 18).Insistant pour que Voltaire croie son ancien peuple perdu, Bailly tudie successivement:les Conformits des peuples anciens dans les sciences; que ces conformits ne sont point le produit de la communication; que ces conformits ne tiennent point essentiellement la nature, elles naissent dune identit dorigine entre tous les anciens peuples, & sont les restes des institutions dun peuple plus ancienEt il arrive ces conclusions: Cet ancien peuple a eu des sciences perfectionnes, une philosophie sublime et sage; cet ancien peuple parat avoir habit dans lAsie, vers le parallle de 49. I1 semble que la lumire des sciences et la population se soient tendues sur la terre, du nord au midi(64).Bailly entrera dans un domaine de pure fantaisie en divisant lAsie en deux parties par une ligne tantt naturelle, tantt artificielle: Je vois donc le mur & les palissades de la Core, la Grande Muraille de la Chine, le rempart de Gog, les portes Caspiennes du Caucase, ouvrages de lart, se joindre aux montagnes escarpes, aux fortifications de la nature pour former une vaste circonvallation; qui spare le midi davec le nord de lAsie.(65)Le philosophe de Ferney admet dailleurs la possibilit de lexistence de peuples anciens civiliss antrieurs ceux que nous connaissons:Il est possible, ditil, que longtemps 35 avant les Empires de la Chine et des Indes, il y ait eu des nations instruites, polies et puissantes, que des dluges de barbares auront ensuite replonges dans le premier tat dignorance et de grossiret quon appelle ltat de pure nature(66).Ainsi donc Buffon et Bailly plaaient le berceau de la civilisation dans le nord de lAsie, alors plus chaude quelle ne lest aujourdhui; cette civilisation serait descendue du nord au sud et naurait pas march de louest vers lest, comme le marquent ceux qui font sortir lhumanit entire de larche de No et de lAsie antrieure.Avec la vision du gnie, Buffon avait devin les transformations de notre monde, mais il plaait lhistoire entire de lhumanit dans la priode actuelle de lhistoire connue de lhomme de nos jours. Il nosait pas croire, ou plutt, car il aurait os croire, il nimaginait pas que lhumanit avait pu passer par dautres phases que celles de la priode actuelle. A son poque, la thorie dun peuple primitif adopte galement par Bailly tait soutenable. Voltaire qui rejoint Buffon par lintermdiaire de Bailly ladmet, mais o le futur maire de Paris gche son systme, cest lorsquil cherche ltayer avec les mythes de lancienne Grce. Ces thories ingnieuses taient luvre dhommes savants, mais dont le gnie ne pouvait devancer leur sicle et pntrer des mystres obscurs encore aujourdhui.Il faut bien avouer que tous ces savants trop ingnieux (je ne parle ni de Buffon, ni de Bailly) nont suivi aucune mthode rationnelle; ils ont choisi leurs points de comparaison au hasard des dialectes et des sicles. Pour point de dpart, ils auraient d prendre le chinois ancien. Toutes leurs dissertations philologiques ne sont que de la haute fantaisie et ne sauraient jeter aucun jour sur lorigine de la langue chinoise et par suite sur celle du peuple chinois. Il. faut dabord connatre la langue chinoise ancienne, par suite sa phontique, et dans ce but il est ncessaire dtudier 36 dabord non seulement tous ses dialectes dont la majorit nous est encore inconnue, mais aussi les langues qui lui sont apparentes; cette tude est peine commence.Du jour, dit B. Karlgren(67), o la linguistique aura russi reconstruire avec sret le systme phontique de lancien chinois, lhistoire et larchologie constateront avec reconnaissance que dinnombrables problmes concernant lAsie orientale et lAsie centrale auront cess dtre des problmes.Dans cette immense famille de langues de lAsie orientale, que sous le nom de Famille TibetoChinoise, Sir George A.Grierson, dans son Linguistic Survey of India, divise en branches tibetobirmane et sino-siamoise, cette dernire ellemme ddouble en groupe chinois et groupe ta, qui oserait dire que la plus ancienne est la langue chinoise; ces langues ou ces dialectes se sont dvelopps paralllement, parfois senchevtrant, descendant sans doute dune lointaine source commune que nous ignorons et qui a d exister. La langue comme lhistoire de la Chine ont bnfici de la dure et de la stabilit de lEmpire. Dans une autre rgion de lAsie, la continuit de lhistoire du peuple dIsral rest monothiste lui a donn une importance qui appartiendrait peuttre plus lgitimement des Empires plus puissants mais de dure plus phmre, et cependant la connaissance des hiroglyphes et des cuniformes permet aujourdhui de rendre lEgypte et lAssyrie la place prpondrante jadis occupe par les juifs.Dans lhistoire de la Chine, pas trace dune immigration venue de ltranger; nous avons rejet la thorie de Terrien de Lacouperie de larrive des BakSings; le dveloppement de sa civilisation sest fait sous lide quelle tait le centre de lunivers, lEmpire du Milieu (Tchoung kouo), borne par les Quatre Mers (Seu Ha), environne de nations barbares ou moins civilises quelle, sur lesquelles elle exerait une suzerainet tout au moins nominale, notion dhgmonie qui ne parat pas avoir compltement disparu de lhumanit, si nous en jugeons par les thories civilisatrices dun peuple moderne qui a cherch asservir lEurope, 37 voire le monde, non seulement sa brutale domination mais aussi sa soi-disant kultur.Il ne sensuit pas de ce que les auteurs des thories que nous venons dexposer nont pas russi nous en donner des preuves suffisantes pour nous convaincre de leur exactitude que nous devions rejeter comme impossibles toutes les hypothses. Le problme de lorigine des Chinois est toujours pos. Lorsque nous trouvions les Chinois camps sur les rives du Fleuve Jaune, do venaientils? qutaient les tribus non chinoises quils trouvrent dans la rgion dans laquelle ils stablirent et aux dpens desquelles ils colonisrent? Mais de ce que nous ne pouvons rsoudre le problme actuellement, il nen existe pas moins. Nous navons pas le droit de supprimer un fait ou un personnage de lhistoire sous prtexte que leur existence nest pas prouve par des documents; on ne peut carter la tradition qui peut reposer sur des monuments ou des pices dont nous ignorons lexistence ou qui peuvent avoir disparu. Si lhistoire telle que nous la connaissons, et larchologie ne suffisent pas donner la clef de lorigine des Chinois, cela prouve simplement notre ignorance du pass. Peuttre fautil chercher le lien qui rattache la Chine au reste de lhumanit dans une antiquit si recule que les gnrations actuelles ne sauraient y remonter. Nous entrons dans le domaine de la prhistoire, et, quant la Chine cette prhistoire est, pour nous un terrain encore inexplor.

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CHAPITRE II.Sources de lhistoire de la Chine Origine des Chinois: Thories chinoises.Sources de lhistoire de la Chine.

38 Nous avons eu lhabitude denvisager lhistoire du monde exclusivement au point de vue occidental, ngligeant compltement le point de vue oriental; chaque peuple a la tendance, naturelle dailleurs, considrer son histoire comme le pivot de celle du monde alors quelle nen est quun petit fragment, quelle que soit limportance de cette histoire particulire. Et cependant tel fait qui sest produit en Europe nest que le contrecoup dun vnement qui sest droul dans la lointaine Asie ainsi que je lai jadis crit, pour linvasion des Huns, le mouvement des peuples se transmet de proche en proche, de horde en horde, de tribu en tribu, de peuple en peuple, comme des ondes sonores, jusquen Europe; qui, lorsquelle est frappe par le Flau de Dieu, ignore do part le coup initial(68). Il est tel rgne de lEmpire chinois qui a plus dimportance pour lhistoire gnrale du Monde que tel autre considr comme capital lautre extrmit du globe. La rciproque est dailleurs vraie; le Chinois, tout en ayant une connaissance de lextrieur, na jamais essay de se rendre compte de la rpercussion que pouvaient avoir chez lui les perturbations du monde occidental, dont il na commenc apprcier limportance que lorsque les navires de guerre anglais sont venus au XIXe sicle bombarder ses ports.Nous avons trouv facile ou dignorer la Chine, comme Bossuet dans son Histoire universelle, ou de nous en reprsenter une image qui na subi aucune altration au cours 39 des sicles: Cest une erreur! Depuis vingt ans les tudes chinoises ont subi de profondes transformations. Tout en stonnant quun esprit aussi ouvert que ltait celui de Renan ait pu croire quon pouvait crire lhistoire de lhumanit en laissant de ct un bon tiers de la population du globe, on a pu lire encore dans la prface de lHistoire du Peuple dIsral: Pour un esprit philosophique, cest-dire pour un esprit proccup des origines, il ny a vraiment dans le pass de lhumanit que trois histoires de premier intrt: lhistoire grecque, lhistoire dIsral, lhistoire romaine. Ces trois histoires runies constituent ce quon peut appeler lhistoire de la civilisation, la civilisation tant le rsultat de la collaboration alternative de la Grce, de la Jude et de Rome.Renan ne pourrait crire cette phrase aujourdhui. Les dcouvertes des inscriptions de lOrkhon et de lInissi, les fouilles dans lAsie Centrale, louverture des grottes de Touen Houang, ltude de la sculpture sur pierre, des textes chinois plus nombreux rendus accessibles aux savants, ont donn la Chine sa place dans lhistoire du monde, qui comprenddsormais luniversalit du globe et non plus quelques territoires de lEurope et de lAsie antrieure, dont les habitants avaient confisqu leur profit tout le pass de lhumanit. Lhistoire du monde forme une unit; si on la considre seulement dun ct de la plante, si on ntudie pas sur toute la surface du globe les vnements qui sy droulent, cette histoire perd ses proportions relles; on ne peroit pas la vue de son ensemble, on ne mesure pas exactement les rsultats ou le contrecoup de laction des diffrents peuples les uns sur les autres. Etudier isolment les faits cest perdre leur enchanement qui constitue la continuit de lhistoire de lhumanit. Lhistoire se compose non seulement dune srie de faits qui, runis, coordonns, constituent lhistoire gnrale, mais ausside vastes ensembles qui servent jalonner les grandes lignes de lhistoire de lhumanit.Ce serait une erreur profonde de croire quau cours des sicles, le Chinois est rest immuable: Si, lorigine, les coutumes ont t communes, la longue, suivant le climat, la 40 temprature, etc., elles se sont modifies et lhomme se diffrencie en consquence suivant le pays, quitte emprunter ensuite nouveau les usages, de ses voisins. Dans son histoire, la plus longue et la plus coutumire des histoires, la Chine na pas chapp la loi ordinaire et ici je puis rpter ce que jai crit ailleurs il y a bien des annes:Il est, chez les gens qui napprofondissent pas les questions et jugent tmrairement des choses daprs les manuels de faiseurs de livres, ou les rcits de voyageurs superficiels, de commun parler de dire que de toutes les nations, la chinoise est la plus stable dans ses institutions, la moins changeante dans ses murs et ses coutumes. Rien de plus faux assurment. Aucun pays na t en proie plus de rvolutions et na subi plus de bouleversements dans son gouvernement; il a fait en politique lexprience de tous les systmes: depuis le socialisme jusqu la tyrannie; il a connu toutes les doctrines philosophiques; ses murs et ses coutumes ont t profondment altres: il a accept, par exemple, il y a trois sicles seulement, du conqurant mandchou, lusage quavaient ses habitants, avant la rcente rvolution, de porter la partie postrieure de la tte leurs cheveux, runis en une longue tresse qui descend le long du dos, formant ainsi un appendice caudal qui, pour nous Occidentaux, est minemment chinois quoiquil soit en ralit dimportation trangre. Si javais cependant un exemple citer de la facilit avec laquelle le Chinois, non seulement adopte, mais encore sassimile un lment tranger, je citerais sans hsitation la rapidit avec laquelle le Bouddhisme, religion indienne, sest rpandu dans le Cleste Empire et sy est fermement implant(69).Dans cette mle o les peuples se fondent les uns, dans les autres, se superposent ou sexterminent, quel a t le rle de la Chine: le Chinois nest pas ltre impassible lextrieur, ignorant tout du monde dont il est le centre en dehors des dixhuit provinces qui forment lEmpire et des pays qui en dpendent, souvent dpeints par les trangers; il a fait des emprunts peu nombreux, avonsnous 41 crit, des civilisations trangres; certaines de ses murs ont t modifies par ses conqurants, comme nous venons de le dire; et dautre part son action politique et militaire sest tendue de la Core lAnnam, du Japon lAsie centrale. De ses explorations vers louest, il a rapport, avec la religion bouddhique, la connaissance dun art affin par la tradition de la Grce qui a eu, comme nous le verrons, la plus dcisive et la plus heureuse influence sur le got de lAsie orientale.Les documents relatifs lhistoire de la Chine, fort nombreux et fort intressants, offrent au savant un champ presque illimit de recherches qui na encore t que partiellement explor. Jai indiqu dans la Bibliotheca Sinica, laquelle je renvoie le lecteur, les travaux qui ont t publis jusqu ce jour par les Occidentaux sur les diffrents points de lHistoire de ce vaste Empire. On verra quune histoire critique, scientifique de ce pays, telle que nous lentendons aujourdhui en Europe, nexiste pas, que si les sinologues ont dploy beaucoup de savoir et de sagacit dans la traduction et linterprtation des King (Livres canoniques), ils sont rests dans les tudes historiques bien audessous de ce quon tait en droit desprer deux. Toutefois, il serait injuste de ne pas marquer le renouveau qui depuis une quinzaine dannes sest produit dans les tudes archologiques relatives la Chine. Le prsent ouvrage, qui comblera peut tre une lacune, a largement profit des travaux de savants tels que MM. Chavannes et Pelliot.La Chine possde dinnombrables inscriptions recueillies dailleurs avec soin par les historiens et les archologues, mais les plus anciennes comme celles de Yu le Grand ne sont rien moins quauthentiques. En outre, des matriaux souvent employs, le papier et le bois sont minemment prissables, et des inscriptions graves dans la pierre, ou le marbre, fort peu remontent une poque recule grce aux dsastres causs par les rvolutions ou aux mutilations opres par les vandales jusqu nos jours. Ce nest dailleurs que sous la dynastie des Soung que commencrent se former les collections destampages qui circulaient en 42 Chine ds les Tang et sur lesquels travaillrent les lettrs jusqu nos jours; cest aussi cette mme poque des Soung que remontent les plus anciennes publications archologiques(70).Les Chinois, qui sont si amateurs de lantiquit, ont eu le malheur de perdre presque tous leurs anciens monumens en cuivre, bronze, fer, marbre, pierre, nous dit Gaubil(71). Les guerres, les pillages, les saccagemens des villes et des tombeaux, ont dtruit une infinit danciens monumens. Lintrt a fait fondre danciens monumens en cuivre et autres mtaux pour avoir de largent. Le mme intrt a fait vendre bien danciens monumens en pierre et en marbre, dont on a effac les caractres pour leur en substituer dautres. Les anciens instrumens de mathmatiques, mme ceux des dynasties depuis les Han jusqu la dynastie Youen, se sont perdus ou ont t fondus, et il nen reste que peu de la dynastie passe, faits sur le modle de ceux de la dynastie des Youen.Seules des fouilles mthodiques pourront peuttre donner satisfaction larchologie prhistorique.

Systme bibliographique.Dans le systme bibliographique adopt par les Chinois gnralement, et en particulier dans la grande collection des ouvrages les plus estims dans le pays, dont lexcution fut ordonne en 1773 par lempereur Kien Loung, la premire classe est consacre aux Livres canoniques (King), la seconde aux Ouvrages historiques (Che). Cette classe se subdivise elle-mme en: 1Histoire des diffrentes dynasties, Tcheng che; 2 Annales, Pien nien; 3Histoires gnrales; Ki se peun mo; 4 Histoires particulires, Pie che (Histoires spares); 5 Histoires diverses Tsa che; 6 Documents officiels, Tchaou ling tseou yi; 7 Biographies, Tchouan Ki; 8 Extraits historiques; Che Tchao; 9 Histoires dtats particuliers, Tsai Ki; 10 Chronologie, Che Ling; 11 Gographie, etc., Ti Li; 12 Administration et gouvernement, Tche Kouan, 13 Constitution, lois, dits, etc., Tcheng chou; 14 Bibliographie, Mou lou; 15 Critique dhistoires; Che Ping.

Nous parlerons dabord de lhistoire des diffrentes dynasties de la Chine. Les ouvrages qui traitent de lhistoire particulire des familles souveraines ne sont pas de simples rcits dvnements passs sous chaque rgne, mais bien de vritables Encyclopdies. Alexandre Wylie qui, dans toutes les questions de littrature et de bibliographie chinoises, tait le matre incontest, remarque dans ses Notes on Chinese Literature que ces histoires sont gnralement faites sur le mme modle et comprennent trois sections: 1 Ti ki, Chronique des diffrents empereurs de la dynastie; 2 Tche, Mmoires sur les mathmatiques, les rites, la musique; la jurisprudence, lconomie politique, les sacrifices, lastronomie, linfluence des lments, la gographie et la littrature; et3 Li tchouan, biographies des personnes clbres et notes sur les peuples trangers.

On compte 24 Histoires dynastiques: Eul Che se che.

1 Che Ki, Mmoires historiques, par Se ma Tsien, depuis lantiquit jusqu 122 av. J. C., comprend 130 livres.2 Tsien Han Chou, Histoire des Han antrieurs, par Pan Kou, 206 av. J.C., 24 ap. J.C., 120 livres.3 Heou Han Chou, Histoire des Han postrieurs, par Fan Ye, 26220 ap. J.C., 120 livres.4 San Kouo Tche, Histoire des Trois Royaumes; par Tchen Cheou, 220280, 65 livres.5 Tsin Chou, Histoire des Tsin, par Fang Kiao, etc., 265419, 130 livres.6 Soung Chou, Histoire des Soung, par Tchen Yo, 420-478, 100 livres.7 Nan Tsi Chou, Histoire des Tsi mridionaux, par Siao Tseuhien, 479501, 59 livres.8 Leang Chou, Histoire des Leang, par Yao Selien, 502-556, 56 livres.9 Tchen Chou, Histoire des Tchen, par Yao Selien, 556580, 36 livres.10 Wei Chou, Histoire des Wei, par Wei Chenu, 386-556, 114 livres.11 Pe Tsi Chou, Histoire des Tsi septentrionaux, par Li Peyo, 550577; 15 livres. 12 Heou Tcheou Chou, Histoire des Tcheou postrieurs, par Linghou Tefeun, et autres, 557581, 50 livres.13 Souei Chou, Histoire des Souei, par Wei Tcheng, et autres, 581617, 85 livres.14 Nan Che, Historiens du Sud, par Li Yencheou, 420-589, 80 livres.15 Pe Che, Historiens du Nord, par Li Yencheou, 386- , 100 livres. 16 Kieou Tang Chou, les anciens livres des Tang, par Lieou Hiu, et autres, 618906, 214 livres.17 Sin Tang Chou, les nouveaux livres des Tang, par Ngeouyang Sieou et Soung Ki, 618906, 255 livres.18 Kieou Wou Tai Chou, Ancien livre des Cinq Dynasties, par Sie Kiutcheng, 907959, 150 livres.19 Sin Wou Tai Chou, Livre des Cinq Dynasties, par Ngeouyang Sieou, 907959, 74 livres.20 Soung Che, Histoire des Soung, par To to, 960-1279, 496 livres.21 Leao Che, Histoire des Leao, par To to, 9161125, 116 livres.22 Kin Che, Histoire des Kin, par To to, 11151234, 134 livres.23 Youen Che, Histoire des Mongoux, par Soung Lien, et autres, 12061367, 210 livres.24 Ming Che, Histoire des Ming, par Tchang Tingyu, 13681643, 332 livres.

La plus considrable de ces histoires est celle de la dynastie des Soung, qui comprend 496 livres; la plus ancienne 455 est le Che Ki [Mmoires historiques] du clbre Se-ma Tsien dont nous avons dj parl: Chavannes en avait entrepris la traduction complte, mais cet immense travail a t arrt par la mort de ce regrett savant.Pour suppler en partie labsence dune histoire des Mandchous, qui rgnaient depuis 1644, on pouvait consulter le Toung houa lou, rsum des vnements qui se sont drouls depuis lorigine de la dynastie jusquen 1735, par Tsiang Liang Ki, le Kouo tchao sien tcheng che lio, Prcis historique des Hommes illustres, dj dcds, de la dynastie actuellement rgnante en Chine, par Li Youen tou (1866), ou encore le Cheng Wou Ki, Les Saintes Guerres de la dynastie mandchoue, par Wei Youen (1842) qui a eu plusieurs ditions depuis.Il ne faut manier cette masse de matriaux quavec prudence; lhistoire nest nulle part une science ayant le caractre dune science exacte; pas plus en Chine quailleurs, et Voltaire (72), sans doute pour les besoins de ses thories, accordait aux annales chinoises une certitude qui nest nullement universellement admise comme il le croyait:Oseronsnous parler des Chinois sans nous en rapporter leurs propres annales? elles sont confirmes par le tmoignage unanime de nos voyageurs de diffrentes sectes, jacobins, jsuites, luthriens, calvinistes, anglicans; tous intresss se contredire. Si quelques annales portent un caractre de certitude, ce sont celles des Chinois, qui ont joint lhistoire du ciel celle de la terre.

San fen, Wou tien.Suivant la tradition constante des Chinois, lhistoire depuis Fou Hi, fondateur de leur Empire, jusqu lempereur Chouen inclusivement, tait comprise dans les livres San fen et Wou tien. Le San fen ntait autre chose que lhistoire des trois premiers empereurs, Fou Hi, Chen Noung et Houang Ti; elle comprenait leurs instructions et leur manire de gouverner. Le Wou tien renfermait lhistoire des cinq princes qui leur ont succd immdiatement Chao hao, Tchouen Hiu, Ti Ko, Yao et Chouen(73).46 Le San fen est totalement perdu ainsi que la plus grande partie du Wou tien; ce qui en reste, rgnes de Yao et Chouen, a pris place en tte du Chou King. Pour les dynasties suivantes, nous possdons le Chou King, le Tchouen Tsieou, le Tchou Chou Ki nien et le Che Ki.

Chou King et Che Ki.Les deux ouvrages dans lesquels nous pouvons puiser et encore avec beaucoup de prudence pour les parties les plus anciennes nos renseignements sur lorigine et sur les premires dynasties des Chinois, sont le Chou King et le Che Ki: le premier commence aux empereurs Yao et Chouen, le second dbute avec Houang Ti. On ny trouve rien de ces lgendes dont les Taostes ont entour lorigine des Chinois. Ces fables, invention de dates relativement rcentes, remontent une poque laquelle la Chine, sinon entre en relations avec les peuples trangers, avait du moins entendu parler de ceuxci; rien dtonnant par suite que lon retrouve dans lhistoire mythique de la Chine des analogies avec des lgendes ou mme avec des faits historiques de lInde ou de lAsie antrieure, ressemblances qui comme nous lavons vu ont permis Terrien de Lacouperie et dautres savants limagination fertile de faire driver la civilisation de la Chine de celle de peuples quelle na connus qu une poque beaucoup moins ancienne. Tous les ouvrages qui traitent de lantiquit chinoise, cestdire des fables, ont t rdigs une date postrieure lre chrtienne, et leurs emprunts aux lgendes trangres ajouts au merveilleux de la lgende cre par les disciples de Lao Tseu ont constitu le fond et la forme de ces rcits dvnements, placs comme une sorte de prologue luvre de Confucius et celle de Se-ma Tsien, au Chou King et au Che Ki.

Chou King.Le Chou King, ou simplement le Chou, le Livre dHistoire, parfois appel Chang Chou, depuis les Han, est le second des Grands Livres Classiques (King); il est possible, sans que la chose soit certaine, quil ait t crit daprs des documents plus anciens par Confucius auquel on attribue parfois sa prface. Il se serait compos de cent chapitres ou pien, stendant depuis les empereurs Yao et Chouen 47 jusqu 721 av. J.C., rgne de Ping Wang, de la dynastie des Tcheou. La nature mme de louvrage le dsignait tout particulirement aux excuteurs des ordres de destruction, (213 av. J.C.) de Tsin Che Houang Ti, au IIIe sicle avant notre re. Lorsque sous lempereur Hiao Wen (179157 av. J.C.), des Han, on chercha reconstituer le texte des anciens livres, grce un vieillard de Tsi nan, capitale du Chan Toung, nomm Fou Cheng, on put rtablir vingthuit ou vingtneuf chapitres quil savait par cur ou que, suivant Se-ma Tsien, il avait conservs sur des tablettes caches dans un mur, tablettes remises par lui un envoy de lempereur Wen (178156 av. J.C.); cette portion du livre est connue sous le nom de Kin wen ou texte moderne. Le livre V, Tai Kia, des Annales des Chang, aurait t fourni par une jeune fille du Ho nan. Un peu plus tard, laide dun texte en caractres archaques (Ko teou), retrouv dans un mur lors de la dmolition par ordre de Koung Wang, prince de Lou, de la maison de Confucius, Koung Ngan kouo constata que les 29 chapitres de Fou Cheng en formaient en ralit 34; il trouva de plus 25 sections nouvelles, ayant ainsi 59 sections dont 58 taient des chapitres des 100 chapitres de Confucius et dont la 59e tait le siao siu du Chou King, cestdire lensemble des rsums prliminaires de chacune des 100 sections. Koung ayant constitu ces cinquante huit chapitres les prsenta en 96 av. J.C. lempereur. Lauthenticit de la prface et du commentaire de Koung Ngan kouo a t depuis considr comme un faux par les commentateurs modernes (74). Sous les Tsin orientaux, lpoque de lempereur Youen (317323), Mei Tsi tablit daprs Nean kouo un nouveau texte qui forme le Kou wei, ou texte ancien, en caractres imitant la forme du ttard Ko teou tseu. Enfin sous les Soung, Tchou Hi et son disciple Tsai Tchen, en 1210, ajoutrent de nouvelles remarques et un commentaire. Cest non pas un ouvrage dune parfaite unit, conu et crit dune manire 48 continue par un historien, mais un recueil factice de diverses pices prsentant des anomalies. Tchou Hi puis, plus tard Wou Tcheng vers 1300, et dautres, critiqurent luvre de Mei Tsi. Aucune chronologie nexiste dans le Chou King, le dbut est considr par les lettrs comme moins certain que la suite du livre. Le Chou King comprend 25 700 caractres(75).

Che Ki.Ce fut le grand astrologue Se-ma Tan, mort en 110 avant J.C., Lo Yang, qui eut lide du Che Ki et commena runir les matriaux ncessaires, quil lgua sur son lit de mort son fils Se-ma Tsien qui lui succda dans sa charge; celui-ci avait par des voyages acquis une grande exprience. La date de sa naissance Loung Men, sur la rive droite du Houang Ho, est inconnue; quelquesuns la placent en 163 av. J.C. Pour avoir dfendu le gnral malheureux Li Ling, il fut condamn la castration (98 av. J.C.). Il mourut probablement au commencement du rgne de lempereur Tchao (86-74 av. J.C.) Aprs son malheur, il avait continu damasser les matriaux, les mettre en uvre et donna la rdaction dfinitive du Che Ki. Il a videmment possd un grand nombre dhistoires locales dont il a fait usage pour crire lhistoire des principauts. Le mrite, dit Chavannes, quon ne saurait dnier Se ma Tan et Se-ma Tsien, cest davoir les premiers conu le plan dune histoire gnrale. Jusqu eux, on navait eu que des chroniques locales(76). Se rua Tsien a su justifier le surnom de Pre de lHistoire comme Hrodote et son uvre a servi de modle celle de ses successeurs.Les Mmoires Historiques (Che Ki) stendent depuis Houang Ti, Tchouen Hiu, Kou, Yao et Chouen jusqu 122 avant notre re. Ils comprennent 130 chapitres diviss en cinq sections: I. Annales principales (Ti Ki), 12 chapitres, depuis les Cinq Empereurs jusqu lempereur Hiao Wou; II. Tableaux chronologiques (Nien piaou), 10 chapitres; III. Les Huit Traits (Pa chou), 8 chapitres (rites, musique, harmonie, calendrier, astrologie, sacrifices foung 49 et chan, le fleuve et les canaux, poids et mesures); IV. Les Maisons hrditaires (Che Kiao), 30 chapitres; V. Monographies (Li tchouen), 70 chapitres. On voit quelle partie importante de lhistoire de la Chine embrasse louvrage de Se-ma Tsien. Elle couvre une priode de prs de trois mille annes qui remonte au del des temps historiques, au del mme de la premire des dynasties, la dynastie Hia, pour continuer sous les Chang, les Tcheou, les Tsin, et se terminer sous les Han. Sous la dynastie des Tang, Se-ma Tcheng crivit les Annales des Trois Souverains (Pao Hi, Niu Koua, Chen Noung Ou Yen Ti) que lon place en tte des Che Ki.

Tchou Chou Ki nien.Le Tchou Chou Ki nien, Annales crites sur bambou, est une chronique trouve lan 284 (77) ap. J.C. dans un tombeau des princes de Wei, aux environs de Wei Houei fou, Ho Nan; elle est importante car elle est reste inconnue de Se-ma Tsien quelle contrle; toutefois elle a t utilise par les quatre principaux commentateurs du Che Ki; elle est crite sur des planchettes de bambou dessches et renferme un abrg de lhistoire chinoise depuis Houang Ti jusqu lan 299 av. J.C. Quoique cet ouvrage ait t lobjet diffrentes reprises de commentaires peu favorables de la part de savants chinois, il offre nanmoins une grande importance(78).Les Annales crites sur bambou, nous dit Chavannes, nous semblent tre un livre dune authenticit incontestable. Sans doute elles ont subi des remaniements de forme qui ont altr leur physionomie, surtout dans la section qui traite des vnements postrieurs lanne 771 av. J.C.; sans doute aussi elles ont pu tre dites de manires notablement diffrentes suivant quon a considr certaines des fiches trouves dans la tombe de Ki comme faisant ou non partie de cet ouvrage; mais, ces rserves faites, elles doivent dans ltat o elles sont aujourdhui, reproduire encore assez 50 exactement les Annales qui furent enfouies dans la tombe de Ki en lanne 299 av. J.C.; elles sont donc pour lhistoire un document dune relle importance.

Tchouen Tsieou.Le Tchouen Tsieou, Le Printemps et lAutomne est le seul des ouvrages canoniques crit par Confucius lui-mme vers 480 avant notre re; il comprend les Annales du royaume de Lou (douze princes), sa patrie, depuis 721 jusqu 481 av. J.C.Cet ouvrage, dit Gaubil, Chronologie, p. 49, est une critique du mauvais gouvernement et de la corruption des murs. Sa vue tait de montrer que cela venait davoir abandonn lancienne doctrine et le gouvernement tabli par les anciens sages. Cest pour cela quil rapporte grand nombre de princes tus par leurs sujets, et les malheurs de tant de guerres qui dsolaient lEmpire, et introduisaient toute sorte de dsordres que ce philosophe indique sans fard avec beaucoup de prcision.On doit ajouter ce livre assez maigre les trois Commentaires suivants classs parmi les ouvrages canoniques de second ordre: le Tso Tchouen, amplification par Tso Kieou ming, disciple du Sage, qui jette des lumires sur le texte; le Commentaire crit, au dbut de la dynastie des Han, par Koung Yang Kao; celui compos au milieu du premier sicle de notre re par Kou Liang Tche, peuttre disciples de Tseu Hia; ces deux derniers commentaires, sont une exposition de principes; les trois sont dsigns sous lappellation: collection de Nei Tchouen, Histoire intrieure, pour les distinguer du Kouo Yu; galement de Tso Kieou ming, quon nomme Wai Tchouen, Histoire extrieure.Meng Tseu crit (Livre III, ch. II, pp. 452-3):Le Tchouen Tsieou rapporte les actions des empereurs, (loue les bonnes, blme les mauvaises, et enseigne les devoirs dun souverain). Confucius disait ce sujet: Ceux qui me connaissent, nestce pas uniquement par le Tchouen Tsieou quils mont connu? Ceux qui me blment, nestce pas uniquement cause du Tchouen Tsieou?Le Kouo Yu, qui, est de lpoque du Tso Tchouen, lun des commentaires du Tchouen Tsieou, renferme des mmoires pour servir lhistoire entre Mou Wang et 51 lan 453 av. J.C. On lattribue comme le Tso Tchouan Tso Kieou ming.Le Kouo Yu parle aussi des temps de lempereur Chao Hao et de son successeur Tchouen Hiu. Ce livre parle de Houang Ti et de Yen Ti, deux empereurs quil dit frres de pre et de mre; mais il ne dit pas si Yen Ti es