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1 HISTOIRE DE L’ART PREMIERE PARTIE LE MOYEN-ÂGE Jacques ROUVEYROL

Histoire de l'Art 01 Première Partie Le Moyen-Âge

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Histoire de l'Art 01 Première Partie Le Moyen-Âge

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    HISTOIRE DE LART

    PREMIERE PARTIE

    LE MOYEN-GE

    Jacques ROUVEYROL

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    CHAPITRE 1 : L'ARCHITECTURE ROMANE

    Jacques ROUVEYROL http://elccarignanhistoiredelart1ereannee.blogspot.com/2009/02/deuxieme-cours-cours-2-26-septembre.html D'une glise, il y a d'abord un plan. 1. Le plan : Le XII sicle est un sicle de plerinages. Les plus prestigieux mais aussi les plus risqus et les plus chers sont en premier lieu le plerinage Jrusalem, en second lieu Rome. Plus populaire et plus frquent le fameux plerinage Saint-Jacques-de-Compostelle. Un plerinage est un voyage organis vers des reliques. En Grce, on allait Delphes consulter l'Oracle rendu par la Pythie chaque fois qu'on avait une dcision prendre ou une affaire importante conclure. Pourquoi Delphes prcisment ? Parce qu' Delphes est l'Omphalos, le nombril du Monde (une pierre de taille importante affectant la forme d'un oeuf). Delphes est le centre de l'univers. Le monde chrtien se dote d'une multitude de "centres" : des lieux o sont les reliques des saints auxquelles on prte un pouvoir spirituel (assurer son salut) ou temporel (gurir une maladie). Le plan de l'glise doit donc remplir deux fonctions :

    1) assurer la prsentation des reliques, 2) assurer la circulation des plerins.

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    Deux sortes de plans verront le jour : le plan bndictin qui favorise la prsentation des reliques en les exposant dans des chapelles alignes le long du transept.

    Le plan chapelles rayonnantes qui favorise la circulation des plerins en groupant dans l'abside, autour du dambulatoire les chapelles o sont exposes les reliques. Ce plan l'emportera gnralement sur l'autre.

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    2. La structure.

    La structure, ce sont les lments de la construction et leur composition.

    2.a. Les lments : les arcs.

    On a coutume d'imaginer que l'arc roman est le plein cintre. C'est inexact. Certes, le plein cintre est caractristique, mais tout le roman ne s'y rsume pas. L'arc bris, mais aussi bien dautres sortes d'arcs ont t utiliss par les maons romans.

    2.b. Composition : les votes.

    La vote la plus rpandue est, naturellement, la vote en berceau plein cintre. Mais, encore une fois la vote brise est parfaitement romane.

    L o les votes se croisent, on obtient une vote d'artes qu'il faudra par la suite bien distinguer le la vote ogivale.

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    3. Le mur.

    3.a. Les lments : colonnes et piliers

    Les glises charpente utilisent en gnral des piliers.

    Les glises vote, des colonnes. Mais les choses ne sont pas simples. Le pilier peut se voir accoler des pilastres (donnant naissance au pilier quadrangulaire par exemple) ou des demi-colonnes (donnant naissance au pilier quadrilobe). La colonne des demi-colonnes. Quelquefois le nombre des lments devient trs important.

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    3.b. L'engagement dans le mur.

    Mais ces piliers, ces colonnes sont gnralement engags dans le mur, si bien qu'ils n'ont que trs secondairement une fonction portante. Tout se passe comme si l'on voulait exprimer par ce regroupement des pilastres et des demi-colonnes autour du pilier et de la colonne eux-mmes adosss au mur, la subordination du petit au grand et la solidarit organise qui en dcoule qui caractrise l'ordre social de la fodalit (seigneur, vassaux, paysans).

    Ci-dessous la terminologie relative la colonne surmonte d'un chapiteau et le dessin d'une demi-colonne engage dans un pilier lui-mme engag dans le mur

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    3.c. Le portail.

    Le portail est un lment essentiel de l'glise. Non qu'il soit le point de passage du dehors vers le dedans, car l'glise a autour d'elle tout un primtre qui participe de sa sacralit (il y a souvent le cimetire qui fait partie de son "espace"); mais il est le lieu de l'ouverture.

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    3.d. Le mur roman

    Le mur grec (ci-dessous gauche) est abstrait. Quelque soit une pierre sortie de la carrire et taille, on peut la mettre o l'on veut, lui substituer une autre pierre sans inconvnient. Le mur grec est homogne.

    Le mur roman (ci-dessous droite) est concret. Chaque pierre est unique et demande donc que chaque autre se conforme elle et rciproquement. Comme dans un organisme vivant, chaque organe s'adapte (plus ou moins bien) aux variations de fonctionnement des autres organes, la pierre romane rpond toutes autres.

    Le mme principe de solidarit est ici l'oeuvre, ceci prs qu'il n'y a pas de domination du plus grand sur le plus petit.

    4. Le refus de la perspective en peinture.

    Le mur constitue l'lment essentiel de l'art et de l'esprit romans. C'est lui qui prime. C'est lui qui va conditionner ce que seront et la peinture et la sculpture du XII sicle.

    En peinture, par exemple, il ne pourra tre question de "trouer" le mur par une illusion de profondeur. Il ne pourra tre question d'utiliser par consquent la perspective linaire que la Renaissance mettra en oeuvre. On n'acceptera pas qu'il y ait plus d'un plan et tout devra se figurer sur le mme plan (voir chapitre suivant).

    5. Les lieux de la dcoration

    Les lieux de la dcoration sculpte sont donc conditionns par l'architecture. Ce sont les points de jonction. Le chapiteau au point de jonction de la colonne et de la vote. La base la jonction de la colonne et du sol. Les voussures la jonction du dedans et du dehors (portail).

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    Les modillons enfin la jonction du mur et du toit. 6. Le chevet.

    Le chevet, enfin est la partie externe Est de l'lise qui comprend l'abside autour de laquelle , comme les demi-colonnes autour de la colonne, se groupent les absidioles, voquant l encore la subordination du petit au grand.

    Vue du dehors, l'glise se prsente alors comme une gigantesque sculpture, taille -mme l'espace, dessinant dans cet espace profane un bloc architectur d'espace sacr et tel que le regard, coulant des absidioles vers l'abside s'lve peut peu jusqu'au le Ciel en passant par la flche.

    7. Le problme de la sculpture.

    a. Dans le schme gyptien les dimensions "techniques" et "objectives" coexistent. La statue du pharaon respecte les proportions du corps humain. Mais porte une taille gigantesque, il s'ensuit des dformations visuelles qui ne sont pas corriges. Le sommet de la statue est vu plus petit parce que plus loign que sa base, vue plus grande parce que plus proche. De mme, le raccourci qui fait que le bras le plus loign vers l"arrire" est vu plus court que celui qui se dploie vers l'avant, est ignor. Les deux bras sont toujours de la mme grandeur.

    b. Dans le schme grec les dimensions "objectives" l'emportent sur les dimensions "techniques". La correction visuelle s'applique et fait que, quelque soit la hauteur de la statue, l'impression sera celle de la conservation des proportions objectives du corps humain qui sont d'ailleurs canonises.

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    c. Dans le schme mdival les dimensions objectives sont tout simplement abandonnes et les figures humaines ou animales soumises des "dformations" dont il faudra tenter d'expliquer (chapitre suivant) les raisons .

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    CHAPITRE 2 : LA SCULPTURE ROMANE

    1 La couleur : elle est partout dans les glises romanes : aux murs, aux sculptures. 2 LIconographie : cest celle dune foi terrifie : lApocalypse aux tympans. L'homme du XIIsicle croit. Il croit en un Dieu absolument tranger, transcendant et qui n'a rien de commun avec l'homme. Un Dieu terrible dont la volont est incomprhensible l'esprit humain. La figure byzantine du Dieu du tympan de Moissac est faite pour donner cette impression de puissance terrifiante. Il croit encore que la fin du monde est proche. Qu'elle peut le concerner directement. Que l'Apocalypse est pour demain sinon pour aujourd'hui. Le Dieu gothique se rapprochera de l'homme. Sa volont distinguant clairement le bien du mal deviendra comprhensible et l'Apocalypse se substituera au tympan des glises le Jugement Dernier. Le Dieu du gothique tardif, aux XIV et XV sicles deviendra plus "humain" encore : ce sera le Crucifi. Le Dieu touch par la mort : le Christ de piti. 3 Les caractristiques : le rejet du ralisme . La sculpture romane ne s'inspire pas "de la nature". La reprsentation de l'homme apparat "dforme". Il faut comprendre les raisons de cette dformation. Elles tiennent essentiellement (cf Focillon) la soumission de la sculpture au cadre architectural. A la domination de l'architecture sur la sculpture qui ne commencera se librer qu' partir de l'ge gothique pour achever sa libration la Renaissance. 3.a. Premire loi : La soumission au cadre architectural (Facteur archi-tectural). Le chapiteau, la voussure constituent des cadres formels dans lesquels la sculpture doit entrer et, pour y parvenir, se plier. Ainsi, l'homme trapze (ci-dessous) doit-il sa forme au claveau dans lequel il s'inscrit.

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    3.b. Deuxime loi : lespace-lieu (Facteur mtaphysique)

    La thorie aristotlicienne, en vigueur au Moyen-ge ne conoit pas lespace comme homogne la faon dEuclide mais comme form de lieux rigoureusement distincts et indpendants les uns des autres. Ce n'est pas indiffrent pour un corps de se trouver en bas, en haut, gauche ou droite. A preuve le fait que la flamme s'lve puisque le haut est son lieu naturel; le fait que la pierre tombe puisque son lieu naturel est le bas.

    Plusieurs consquences dcoulent de cette conception : a. Chaque figure occupe un lieu et loccupe totalement.

    S'ensuivent des dformations qui permettent seules la figure de combler le lieu qui est le sien.

    de Moissac senchanent sans aucune logique alors qu'on aurait pu s'attendre, du fait de leur succession, ce qu'ils racontent une histoire qui, partie de la Gense, par exemple, pouvait aboutir la Rsurrection.

    c. Chaque lieu est dpendant de chaque autre (par sa forme). En sorte chaque figure doit se plier la forme de la figure voisine (comme les pierres ingales du mur roman ajustent leurs formes les unes aux autres) et subir ainsi des dformations. Ci-dessous, Moissac, les figures du Ttramorphe ajustes la forme du lieu divin et celles des sraphins la forme des lieux du Ttramorphe.

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    3.c. Troisime loi : la perspective hirarchique (Facteur symbolique).

    Le Moyen-ge refuse la perspective linaire qui sera celle de la Renaissance. C'est qu'il refuse de creuser illusoirement (autant que rellement) le "mur" qui est le vecteur de l'architecture romane. Mais, il n'ignore pas la perspective. Il met en place une perspective hirarchique : au centre, en haut et au lieu le plus grand, la figure la plus importante (Dieu, par exemple). A droite, en haut ce qui par ordre d'importance vient juste aprs, par exemple l'vangliste le plus proche du divin : Saint Jean (l'aigle : celui qui regarde le soleil en face). A gauche, en haut : Saint Mathieu (l'ange) celui auquel l'ange lui-mme a dict son Evangile. A droite, mais en bas : Saint Marc (le lion) qui reprsente la Rsurrection du Christ. A gauche, en bas : Saint Luc (le boeuf, l'animal du sacrifice) qui figure la Crucifixion. En bas, le moins "noble" : les vieillards de l'Apocalypse.

    3.d. Quatrime loi (1) : la soumission la trame (Facteur plastique).

    Le chapiteau roman est hrit du corinthien : les figures qui y seront sculptes reproduiront la forme sous-jacente, la trame de ce type de chapiteau : rosette, double niveau de feuilles d'acanthe et crochets. S'en suivront la dformation des figures destines les plier cette trame.

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    3.e. Quatrime loi (2) : la soumission la trame ornementale (Facteur plastique) : symtrie ou mtamorphose.

    Des exigences gomtriques, dues la trame corinthienne : la symtrie, en particulier, engendrent en outre de nouvelles dformations, mais surtout des figures hybrides surgies de mtamorphoses.

    Il y a l en outre les consquences d'une conception particulire de la Nature. Dieu a cr le monde, a donn forme aux tres qui le peuplent, mais l'infinit de sa puissance n'est pas rsumable aux tres familiers. La Nature est elle-mme l'expression de la puissance divine et ne cesse de crer de nouvelles formes. Ce n'est certes pas le darwinisme ou le lamarquisme du XIX sicle, car il n'y a pas au XII d'ide d'volution ou d'adaptation. La Nature ne cre pas pour mieux faire, elle cre parce qu'elle est une puissance active. Ds lors, aux bordures des pages manuscrites et aux murs des glises ce sont des enchanements "monstrueux" de cratures qui se dvorent entre elles ou qui se changent les unes dans les autres en d'incessantes mtamorphoses.

    4. Les ornements.

    L, point de dformation. Spcialement au tailloir des chapiteaux ou aux voussures des tympans, des figures gomtriques dont il n'est pas indiffrent de noter que les entrelacs (formes gomtriques des enchanements monstrueux dont on vient de parler) constituent sans doute le dessin le plus frquent.

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    5. La tradition .

    A l'oppos de ce qui semble caractriser l'art contemporain, ce n'est pas vers l'invention, mais plutt vers la tradition que se tourne le sculpteur roman. Il s'agit bien pour lui de transmettre. C'est qu'au Moyen-ge, tout est dj donn. La totalit du savoir est dj rvle. Il ne s'agit, pour les Pres de l'Eglise que de l'expliciter et, pour les artistes, de le transmettre. Dans les monastre, on recopie les manuscrits. Au murs des glises, on recopie aussi les manuscrits.

    Mais le sculpteur ne se borne pas reproduire. Il s'imprgne du modle et l'adapte de mmoire la pierre. Le tympan de Moissac pourrait bien venir du manuscrit : l'Apocalypse de Saint-Sever. Le drame liturgique sert galement d'inspiration.

    6. La peinture.

    Elle prsente des caractres analogues ceux de la sculpture. 6.a. La peinture murale

    a. Muralit La reprsentation doit refuser toute illusion de profondeur. C'est le mur qui doit tre mis en valeur. Tout sera donc sur le mme plan : le "premier".

    b. Soumission au cadre. La peinture devra soumettre ses figures aux mmes exigences que les figures sculptes, avec toutes les dformations qui en dcoulent.

    c. Soumission la trame (gomtrique). Exactement comme pour la sculpture.

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    6.b. Les manuscrits.

    a. Muralit Le ton pierre est frquent dans le choix du papier sur lequel on crit et enlumine. Toute perspective qui donnerait l'illusion de la profondeur est videmment bannie (encore que ce soit, mais surtout au XV sicle, dans ces enluminures, que les premires tentatives de perspective linaire, trouvent apparatre).

    b. Soumission au cadre. L encore (voyez les "majuscules") les figures ont se plier "l'architecture" de la lettre, de la page ou de la marge.

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    CHAPITRE 3 : LARCHITECTURE GOTHIQUE

    Le roman, ctait le mur. Le gothique sera la ngation du mur. Son remplacement par des cloisons de verre : les vitraux. 1 . LOGIVE L'invention de l'ogive, c'est faire en sorte qu'au point de plus forte pression de la vote se trouve le moyen de renvoyer les forces vers "l'extrieur". La croise d'ogive dfinit un point o se rencontrent deux arcs. La vote pse sur ce points, mais au lieu de peser vers le bas en une force directe, perpendiculaire au sol, elle pse vers les cts, les arcs se croisant en ce point recevant cette "pese" et la dispersant vers quatre directions.

    2 . LA VOUTE GOTHIQUE La cathdrale gothique est un trait darchitecture. La regarder, cest comprendre le jeu des forces en prsence dans la vote et sur les piliers.

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    Elle emprunte deux formes : la vote domicale qui fait comme une succession de dmes, la croise d'ogive se faisant plus haut que le sommet des arcs formerets ou doubleau.

    ................Vote domicale

    La vote segmentale obtenue par rehaussement des arcs formerets et doubleau pour les aligner sur la hauteur de la croise d'ogive afin d'obtenir une vote rgulire.

    ..................

    ..Vote segmentale

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    3. LELEVATION DU MUR Plusieurs solutions ont t tour tour ou ensemble mises en oeuvre pour permettre l'lvation de l'glise. D'abord l'arc formeret. a. Larc formeret Noy dans le mur, parallle la grande arcade qui borde la nef chaque trave et ouvre sur le collatral, il renforce la structure selon le principe plus haut expos : rejeter les forces de part et d'autre et, de ce fait les diviser par deux, au lieu de les recevoir perpendiculairement.

    b. Lamincissement des supports

    Le renforcement du mur s'appuie galement sur un autre mode de construction. A la construction appareille qui prend la pierre au sortir de la carrire telle qu'elle y tait intgre (strates parallles horizontales accumules par le temps et qui la rendent "lastique"), on substitue la construction en dlit qui renverse la pierre de faon ce que les strates figurent verticalement. En rsulte une rigidit (oppose l'lasticit susdite) du support qui permet son amincissement et, du coup, un moindre poids.

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    c. Le premier gothique (XIIs) : Saint-Denis, Noyon, Laon, ND de Paris. c.1.- Marienval : une glise romane avec les premires ogives. c.2.- Laon : typique du Premier gothique : les 4 tages : grandes arcades, tribune, triforium, fentre haute.

    Le premier gothique donne souvent, l'extrieur, l'apparence du parfait roman (Noyon, par exemple). Il se caractrise essentiellement par le dveloppement de l'ogive, naturellement, de l'arc formeret et de la tribune. Celle-ci consiste lever sur le collatral un tage qui vient en appui du mur de la nef qui peut ainsi gagner en hauteur.

    4. LARC BOUTANT ET LE GOTHIQUE CLASSIQUE (1ere moiti du XIIIS)

    L'apparition de l' arc boutant va permettre de se passer des tribunes. La vote "pse" sur les murs chacun de ces cts. La tribune renforait les cts. L'arc boutant va prendre les forces et les conduire l'extrieur du mur dans la cule et, de l, vers le sol.

    Dbarrass des tribunes, le mur va pouvoir s'vider davantage et se trouver remplac par des cloisons de verre : les vitraux.

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    - Chartres, Reims, Amiens, Bourges, Le Mans. 5 . LARCHE DE VERRE ET LE GOTHIQUE RAYONNANT (2 moiti du XIIIS) Le mur ayant disparu, les "nervures" seules subsistent et, entre elles, les vitraux. La Sainte-Chapelle, dans l'le de la Cit, Paris, est un btiment de verre (comme on en construit encore aujourd'hui).

    Nous sommes l aux antipodes de l'architecture romane centre sur le mur de pierre. La rosace (un soleil qui rayonne, de l le nom donn au style de cette poque) est sans doute une des plus belles et convaincantes manifestations de cette architecture si lgante (au sens o l'on dit d'une dmontration mathmatique qu'elle est lgante).

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    6. LE VITRAIL a. Caractres gnraux : sa symbolique :

    La cathdrale est sans doute une arche o se rfugient ceux qui veulent tre sauvs. Mais elle est aussi la prfiguration de la Cit de Dieu. Comme telle, elle doit se prsenter comme un crin o abondent les pierres prcieuses. Les couleurs des vitraux donnent la lumire incidente, le reflet de telles pierres.

    En outre, parce qu'il figurent souvent des saints, les vitraux sont comme la Cour des Seigneurs qui sigent avec Dieu, de part et d'autre du tabernacle o lui-mme rside.

    b. Son volution :

    L'volution du vitrail nous apprend en outre quelque chose de capital sur sa signification. De petite taille aux couleurs peu vives l'poque romane, il permet un peu de lumire d'entrer dans l'glise. Encore, par ses couleurs, transforme-t-il cette lumire.

    A mesure que le mur rgresse et fait place au verre, celui-ci intensifie ses couleurs (souvent "sombres" : bleu et rouge), en sorte qu'il n'entre pas plus de lumire qu'auparavant. On n'difie donc pas les cloisons de verre pour clairer davantage.

    C'est que l'objet du vitrail n'est pas tant l'clairage que la transmutation de la lumire terrestre en lumire cleste. Dans la Maison de Dieu, la lumire du soleil n'a pas sa place. Il y faut une lumire divine. Le vitrail est la pierre philosophale qui russit cette transmutation. 7. LE GOTHIQUE FLAMBOYANT (fin XIV - XVS) Si dans le gothique classique on pouvait d'un coup d'oeil, suivant les nervures des colonnes et des arcs comprendre l'architecture de la cathdrale, dans le gothique flamboyant l'oeil se perd dans les ddales des nerfs dont la plupart n'ont d'autre fonction que dcorative voire spectaculaire.

    Flamboyant est dit ce gothique parce que les colonnes et les arcs, utilisant la contre-courbe, miment la grce (qu'on dira maniriste au XVI sicle) de la flamme qui s'lve. Style exotique et d'une grande lgret dans lequel certains ont voulu voir une "dcadence" du style gothique.

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    CHAPITRE 4 : LA SCULPTURE GOTHIQUE (1. Caractristiques)

    I. CARACTERISTIQUES La disparition progressive du mur libre peu peu la sculpture de l'emprise de l'architecture et l'amne progressivement vers la nature. L'ge gotique sera en sculpture celui d'un quilibre entre les exigences du cadre architectural et celle du modle naturel que la Renaissance va ensuite retrouver compltement. 1 . Encadrement. La sculpture n'est pas libre. Elle est encadre par le haut et le bas : dais et socle. Soumise encore l'architecture. 2. Adossement. La statue saffranchit un peu du mur. Elle tient en outre au mur par le dos. Mais n'y tenant que par le dos, elle s'en affranchit latralement et sur le devant. 3. Facialit. Ni frontale ni axialise, la statue est faciale. .a. Frontalit : archaque : Sculpture gyptienne, Kouros grec, Vierge romane, tout premier gothique (Statues colonnes de Chartres)

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    La prsentation frontale du pharaon gyptien, du Kouros grec, de la Vierge romane donne ces figures un aspect hiratique. Figes dans une posture symtrique pour l'ternit, elles donnent sur Terre l'ide de divinits venues d'un autre monde. . b. Facialit : Gothique classique Faciale, la statue gothique accde un dbut de mouvement qui lui donne une "vie" . Alors que la statue frontale ne pouvait tre regarde que de face, sous un seul angle, donc, la statue faciale peut l'tre de tous les points de vue, sauf de dos.

    .... c. Axialit : sculpture grecque, romaine, renaissante et aprs.

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    Un axe vertical la parcourt autour duquel on peut la faire tourner. Entirement libre de l'architecture, la statue est devenue autonome.

    4. Expressivit. Ainsi relativement libre du carcan architectural, la sculpture cesse d'tre bas ou haut relief pour devenir statue. Elle accde une relative autonomie qui lui permet de parvenir l'expression. Cette expression ne passe pas encore par le visage mais par le maintien.

    5. Equilibre entre architecture et nature Encore soumise pour une part l'architecture, elle doit accepter des "dformations". Les statues colonnes de Chartre s'allongent en hauteur comme l'exige la colonne laquelle elles sont adosses. Mais, d'une certaine manire libres du mur devant lequel elle tendent s'avancer, elles ressemblent davantage aux tres humains qu'elles figurent. L'quilibre entre architecture et nature dfinit la sculpture gothique.

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    6. Le type humain. La possibilit de ressembler un tre naturel permet la statue non d'incarner encore un tre individuel (grand ou petit, chauve ou chevelu, etc) mais, au moins, le type humain, l'essence mme de l'homme, ce qu'il y a d'universel, de commun tous les individus : leur humanit.

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    7. La correspondance entre Ancien et Nouveau Testament. ....a. Dsordre iconographique du Portail roman. On a vu le clotre de Moissac aligner dans un dsordre iconographique vident ses chapiteaux. Le porche de la mme glise voque des scnes du Nouveau Testament dans un dsordre presque aussi important : Annonciation / Visitation (cela va encore). Adoration des Mages, Prsentation au Temple, Fuite en Egypte, mort de Lazare, mort de l'Avare, Luxure. ....b. Chronologie du Portail gothique (Le portail des Prcurseurs). Le portail gothique droule l'Histoire Sainte. Des Patriarches et prophtes aux Saints des Evangiles, on avance progressivement vers la Nativit (reprsente par la Vierge Marie). Le gothique introduit l'ordre ou bien chronologique ou bien symbolique (les correspondances entre Ancien et Nouveau Testament. Voir plus loin).

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    CHAPITRE 5 : LA SCULPTURE GOTHIQUE (2. Iconographie)

    II. LICONOGRAPHIE : LA FORME . 1. Les nouveaux thmes : De lApocalypse des tympans romans on passe, sur les tympans gothiques, au Christ en gloire, au Jugement Dernier et la Gloire de la Vierge. Dieu cesse d'tre cet tre terrible et sans rapport avec l'humain. Il devient le Pre. Celui qui partage le bien du mal, rcompense ou punit. C'est que son Fils a une Mre, comme les hommes. Dieu s'est "humanis". Il n'en reste pas moins un Juge svre. mais que les Saints ou sa Mre peuvent influencer par leurs prires. 2. La grammaire gothique. a. Des signes, pas des symboles. Les images (sculptures, peintures) produisent ensemble une criture faite de signes non de symboles comme on le rpte trop souvent. Un signe c'est une diffrence. Un signe ne prend son sens que se distinguer des signes auxquels il s'accole. Le rapport du signifiant (par exemple le nimbe crucifre qui aurole le visage du christ) au signifi (le Christ) est arbitraire (on aurait pu lui adjoindre un nimbe non crucifre, comme on fait des autres saints). Alors que dans le symbole le rapport du signifiant (la croix, par exemple) au signifi (les chrtiens) est "justifi" (en ce sens que les chrtiens ne sauraient tre reprsents par n'importe quoi : une balance ou un glaive, qui valent, eux, pour la justice). Ainsi, que Jsus hrite du nimbe crucifre n'a d'autre sens que celui-ci : il n'est pas confondre avec ceux qui hritent du nimbe simple. Mais l'inverse et t possible. La mandorle ou gloire encerclant un corps dsignera celui-ci comme tant celui de Dieu ou de la Vierge. Les pieds nus, Dieu, Jsus, les anges, les aptres. Pour les distinguer de la Vierge, des autres saints et du commun des mortels (non pourvu de nimbe et ainsi distingus de la Vierge et des autres saints qui ont en commun avec eux d'avoir les pieds chausss).

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    b. Les types. Des types se mettent progressivement en place qu'on retrouvera jusque dans les oeuvres des XVII, XVII et mme XIX sicles. Ainsi, il y a un type Saint-Pierre, reconnaissable : des caractristiques de la physionomie, indpendantes des cls qui sont un autre signe de reconnaissance (c'est--dire de distinction). Un type Saint Paul, indpendant de l'pe qui le distingue son tour. Un type Saint Jean-Baptiste (moins indpendant, cette fois, de la peau de mouton qui le vt).

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    D'autres figures sont des donnes constantes de l'criture gothique. Ainsi l'Eglise (Vierge couronne, portant la main le Graal qui recueillit le sang du Christ) oppose la Synagogue (femme coronne d'un bonnet pointu, les yeux bands (il y a l du symbole). La premire porte le message du Christ directement et donc clairement dlivr par Dieu lui-mme en la personne de son fils. La seconde porteuse du message dform, voil des prophtes et qui n'a pas su reconnatre la divinit de Jsus.

    c. La hirarchie des lieux : haut/bas, droite/gauche. Selon que la figure est place en un lieu ou un autre, sa valeur n'est pas la mme. Dans le Ttramorphe, par exemple, Saint Mathieu est en haut droite (du Christ) et Saint Jean gauche tandis que Saint Marc et Saint Luc sont en bas respectivement gauche et droite (du Christ).

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    d. L'Ordonnance du dtail : les socles des statues. Ils disent quelque chose de la statue qu'ils supportent. Le basilic et l'aspic (la mort et le pch) sont sous les pieds du Christ qui en triomphe. Les saints ont sous eux les rois qui les ont perscuts et dont, la fin, ils triomphent eux-aussi. Les emplacements dans lglise ont leur signification. Au nord (nuit et frois) les pisodes de l'Ancien Testament. Au sud (jour, chaleur) ceux du Nouveau. Les nombres, leur tour, sigifient. Que les aptres soient douze n'est pas indiffrent. "4" est le chiffre de la matire (les quatre lments) et "3", celui de l'esprit (la Sainte Trinit). Ainsi ("4x3=12") les aptres sont ceux qui importent l'esprit dans la matire, Dieu dans le Monde. 5. Les symboles. Les cinqVierges sages correspondent aux cinq contemplations tandis que les cinq Vierges folles dsignent les cinq sens et la concupiscence). Le lion dsigne la Rsurrection. Les attributs : lagneau/ Jean-Baptiste, Mose/serpent dairain ou tables de la loi, Abraham/un jeune enfant (Isaac),Isae/la tige de Jess. 6. La peinture. La peinture gothique cest au vitrail quon la trouve. Lenluminure ne fait quimiter la lumire et la consistance du vitrail.

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    III. LICONOGRAPHIE : LE CONTENU .

    La cathdrale n'est pas seulement une arche ou la prfiguration de la Jrusalem Cleste (la Cit de Dieu), elle est aussi un livre. Non pas, une fois encore, une Bible des illttrs, car il faut justement savoir lire (on vient de le voir) pour en comprendre l'iconographie, mais au contraire une encyclopdie qui rcapitule et expose la totalit du savoir (de l'poque). (Voir Emile Mle).La source, c'est le Speculum majus (Le Grand Miroir du Monde) de Vincent de Beauvais qui se dcompose en "quatre miroirs".

    1. Le miroir de la Nature.

    La Nature n'est rien d'autre que l'incarnation de la Pense de Dieu. Il l'a conue, il l'a cre selon ses plans, elle exprime donc exactement sa Pense. Reste qu'il faut savoir la lire. Tout le travail de la "science" sera de dchiffrer ce "texte". Ainsi, prenons une noix (rien n'est plus commun), la noix de Saint-Victor. Il y a d'abord l'enveloppe. Elle a deux sens : c'est ou l'humanit du Christ ou le Monde. Il ya ensuite la coque qui aura donc encore deux sens, en rapport avec ceux de l'enveloppe : c'est le bois de la croix ou le pch. Il y a enfin le fruit qui est la divinit cache du christ ou la Pense de Dieu. Ainsi, Tout est dans chaque chose et Dieu partout.

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    Il y a encore les animaux. Tous, certes, ne sont pas symboliques. Les plus importants dsignent les quatre Evanglistes. Ils constituent le Ttramorphe. C'est l'Aigle (Saint Jean mais aussi l'Ascension de Jsus et, parmi les vertus, la contemplation), l'Ange ou l'Homme (Saint Mathieu mais aussi l'Incarnation de Jsus et, comme vertu, la sagesse), le Lion (Saint Marc mais aussi la Rsurrection de Jsus et, comme vertu le courage) et le Boeuf (Saint Luc mais aussi la Crucifixion de Jsus et, comme vertu la temprance ). Le serpent (ou dragon) est le diable. L'lphant symbolise la Chute. L'aspic est le pch et le basilic la mort, on l'a vu. Encore une fois tous les animaux ne sont pas symboliques. Les boeufs de Laon sont un hommage au travail fourni par ces animaux lors de la construction de la cathdrale. Ailleurs ils expriment la puissance cratrice de Dieu (voir par exemple au portail nord de Chartres la Cration des Animaux).

    2.Le miroir de la Science.

    La cathdrale est donc miroir de la Nature. Elle est aussi miroir de la science. Sur ses murs tout ce que la science compte de connaissances s'expose.

    a. La science pratique : le travail. Ce sont les calendriers dcrivant le s occupations de chaque mois mis en relation avec la chronologie zodiacale.

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    b. La science spculative : La science mdivale n'est pas, comme la ntre, un instrument de domination de la nature (par la science, "nous rendre matres et possesseurs de la nature", programmait Descartes ds le XVII sicle); elle en est l'interprte. Et elle s'enseigne dans un ordre prcis. D'o cette organisation des tudes : le trivium (grammaire, dialectique, rhtorique) et le quadrivium (gomtrie, artithmtique, astronomie, musique), enfin la philosophie (ou thologie). Ce sont ces disciplines qui se trouveront personnifies (souvent par rfrence un savant authentique (Aristote, Pythagore, Boce, etc.).

    c. Lexclusion de la paresse : Si la science se manifeste dans le travail, il faut compter au nombre des figures qui la reprsentent, la figure antinomique de la paresse qui se donne sous la forme de la Roue de la Fortune. Confier au hasard le soin de pourvoir notre subsistance, voila la paresse, mre de tous les vices.

    3. Le miroir de la Morale. La troisime grande dimension du savoir, c'est la morale, la science du comportement.

    a. Le modle roman : Il y a de la morale un modle roman : La Psychomachie de Prudence : le combat des vertus et des vices qui orne de nombreux chapiteaux. C'est un combat intrieur dont vont s'inspirer les sculpteurs romans. Les gothiques vont chercher ailleurs et pas aux mmes modles selon qu'ils sont enlumineurs ou sculpteurs.

    b. Les modles gothiques pour lenluminure : LArbre des Vertus et des Vices (ci-dessous) de Hugues de Saint-Victor et lEchelle des Vertus dHonorius dAutun.

    c. Les sculpteurs ne retiennent aucun de ces modles et opposent par couples les vertus et les vices.

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    On retiendra avec les thologiens de l'poque, trois catgiories de vertus :

    -->. Les vertus thologales : Foi (idoltrie), Esprance (vice : dsespoir), Charit (vice : avarice). Ce sont es vertus sans lesquelles il n'y a aucun espoir de Salut.

    -->. Les vertus cardinales : Chastet (vice : intemprance), Prudence (ou Sagesse; vice : folie), Force(ou courage; vice : lchet), Justice (ou obissance; vice : rebellion).

    -->. Les autres vertus comme, par exemple, l'humilit (vice : orgueil), la patience (vice : colre), la douceur (vice : duret), la concorde (ou la paix; vice : discorde), etc.4. Le miroir de lHistoire.

    4. Le Miroir de l'Histoire

    Enfin, la cathdrale sera le miroir de l'Histoire. Non de l'histoire profane qui n'est gure pourvue de sens, mais de la seule Histoire qui vaille : l'Histoire Sainte telle qu'elle est rapporte par l'Ancien et le Nouveau Testament. Cette Histoire, il s'agira de la comprendre, c'est--dire puisque l'Ancien Testament est l'annonce du Nouveau, de trouver les correspondances entre les deux. La vie des saints, d'un ct et celle du peuple juif, de l'autre, raisonnent d'un bout l'autre de l'Histoire. Il faut saisir et expliciter ces raisonnances.

    Ainsi le Sacrifice d'Isaac prfigure-t-il celui du Christ. L'eau tire du rocher par Mose la sang qui s'chappe de la plaie faite au flanc du Christ par Longin. Jonas sortant de la gueule de la baleine, la rsurrection du Christ. Et ainsi de suite. Les vitraux des cathdrale sont de subtiles commentaires de la Bible.

    Soit ce fragment de vitrail de Lyon. Il tablit des correspondances entre Ancien Testament, Nouveau Testament et symboles. Cela donne, de bas en haut :

    1. Isa, le prophte qui annona la naissance de Jsus par une Vierge ; l'Annonciation, l'ange qui annonce la naissance de Jsus la Vierge; la licorne, est un animal pur qui ne se laisse approcher que par une vierge.

    2. Le buisson ardent brle sans se consumer ; la Vierge accouche sans avoir "consomm" ; la toison de Gdeon se couvre de rose sans raison naturelle.

    3. Abraham est prt sacrifier Isaac pour obir Dieu ; Jsus s'est sacrifi sur la croix pour le salut des hommes ; le serpent d'airain est lev dans le dsert par Mose pour sauver les juifs des serpents brlants envoys en chtiment

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    4. Jonas recrach par la baleine revient au monde ; Jsus, le troisime jour ressuscite ; les lionceaux qui paraissent morts les trois premiers jours semblent reprendre vie le troisime sous le souffle de leur pre.

    5. Le kladrius est un oiseau capable de dire si un malade vivra ou mourra ; Ascension du Christ qui vivra donc aprs la mort ; l'aigle est l'oiseau qui s'lve le plus haut et qui, pour apprendre voler ses petits, les charge sur ses ailes.

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    Chaque texte, d'ailleurs, est porteur de trois sens : le sens littral ou historique (on rapporte un fait : Abraham a exist); un sens moral ou tropologique (c'est la signification immdiate de ce fait : la Foi. Abraham, en dpit des hsitations de Dieu qui lui donne puis lui retire un fils, obit, ne doute pas une seconde que c'est Dieu qui lui ordonne. Il ne sait pas que Dieu prouve sa foi, bien sr, sinon ce ne serait pas une preuve; mais il croit). Un sens mystique ou allgorique (la Crucifixion du Christ prfigure par le sacrifice d'Isaac).

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    Mais, la vie du Christ (Le Nouveau Testament est aussi interprter). Et les lgendes qui s'y attachent sans y avoir figur. Ainsi celle des deux sages femmes Zlmi et Salom par exemple. L'une s'tonne de ce que Marie est encore vierge aprs l'accouchement et l'autre doute. Lorsqu'elle vrifie de la main, celle-ci se dessche. Ce n'est qu'en demandant pardon l'Enfant Jsus et par un acte de foi qu'elle retrouve l'usage de sa main. Une des sources principales d'inspiration, outre le Nouveau Testament sera La Lgende dore de Jacques de Voragine .

    5. L' Evolution des reprsentations. On voit le contenu de la sculpture gothique et ses sources. Il faut aussi considrer, pour finir, sa forme. Non pas les caractres gnraux tudis plus haut, mais ses caractres particuliers. Spcialement l'volution de certaines figures comme, par exemple, celle de la Vierge

    a. Roman : La Vierge en majest. Frontale, hiratique, assise sur son trne avec l'Enfant sur ses genoux, elle est le trne de Dieu. Rien qui soit fminin ou maternel.

    b. Premier gothique : Dbut dhumanisation de la Vierge. Au XIII sicle, la Vierge "s'humanise". L'enfant glisse sur un genou et tourne son visage vers sa mre ou joue avec elle.

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    d. Gothique classique : La Vierge mre. La voici debout, portant l'Enfant sur son bras et lui souriant. La Vierge est devenue mre.

    e. Dernier gothique : La femme. Au XV sicle, c'est la Vierge de douleur, la mre qui vient de perdre son enfant. La femme qui souffre. Ainsi, mesure que Dieu "s'humanise", comme on l'a vu plus haut, la Vierge connat une semblable humanisation.

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    f. La Vie de la Vierge : La vie de la Vierge devient un thme essentiel de l'criture dans les portails et sur les faades des cathdrales. Les scnes les plus reprsentes sont naturellement l'Annonciation, la Visitation, la mort et l'Assomption.

    Un thme apparemment trs frquent au tympan est celui dit du Couronnement de la Vierge. Cette faon d'envisager les choses tant par ailleurs contestable. En effet le fait de dposer une couronne sur la tte d'une vierge quivaut de la part d'un homme une demande en mariage. Il est vident que ce n'est pas sa mre que le Christ demande en mariage. Par ailleurs, on se souvient qu'une femme portant couronne caractrisait l'Eglise par opposition la Synagogue. Ainsi, le Couronnement de la Vierge, ne serait en fait que le Mariage mystique de Dieu avec l'Eglise.

    Cette reprsentation volue au cours du temps. Dans la formule la plus ancienne, la couronne est dj sur la tte de "la Vierge". Puis, il reviendra un ange de dposer la couronne. Dans la formule finale, vers 1250 (la plus explicitement matrimoniale) c'est le Christ qui dpose la couronne sur la tte de l'Eglise.

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    La cathdrale nest pas quune arche dans laquelle lhumanit peut se rfugier, pas que la prfiguration de la Jrusalem cleste, elle est un livre. Une encyclopdie ou se reflte tout le savoir du Moyen-ge. Lorsque, dans Notre-Dame de Paris, Victor Hugo intitule le chapitre o il voque l'invention de l'imprimerie et la fin de l'architecture mdivale : Ceci tuera cela, il esprime parfaitement la ralit de la sculpture gothique.

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    CHAPITRE 6 : LE GOTHIQUE INTERNATIONAL

    I . ARCHITECTURE Deux styles se partagent la deuxime moiti du XIV et le XV sicles : Le style perpendiculaire (en Angleterre). La vote en ventail.

    Le style flamboyant (dans le reste de leurope).

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    Ici et l, deux styles qu'on a pu dire "baroques" ou "maniristes", de faon anachronique puisque le baroque est du XVII et le manirisme du XVI. Derrire ces deux tiquettes, l'ide d'une dcadence. Comme si le gothique classique reprsentait une apoge, la "puret" du gothique. Vu de notre poque, marque par le fonctionnalisme de Le Corbusier et de ses successeurs, il est certain que le gothique classique qui vacue tout le superflu pour ne laisser apparatre que le ncessaire de la construction, reprsente un moment cl de l' architecture proprement dite, alors que le "perpendiculaire" et le "flamboyant" sont des moments de la dcoration. Rien n'autorise cependant porter des jugements de valeur ds lors qu'on ne conoit pas l'histoire, la faon du XIXeme : (Hegel, Marx) comme une progression (avec ses arrts et retours en arrire) vers un un idal ou une quelconque perfection.

    On remarquera encore que, si la sculpture tend se liberer du joug de l'architecture dans lequel elle se trouvait prise en particulier l'poque romane, elle n'en reste pas moins en harmonie avec celle-ci. Au raffinement des courbes, la prciosit des colonnettes vont rpondre le raffinement et la prciosit de la sculpture et de la peinture des XIV et XV sicles.

    II. SCULPTURE, PEINTURE : LA FORME 1 . Raffinement et prciosit

    Les objets sont de petite taille. Transportables. Faits d'ivoire et de matires prcieuses (or, argent, nacre, corne noire), cisels dans le plus petit dtail et emprunts de cette grce qui sera caractristique, en effet, du manirisme au XVI sicle. Statuettes, petits diptyques ou triptyques, etc. au service de la dvotion individuelle.

    2. Recherche de la profondeur dans le refus du ralisme : lenluminure.

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    La peinture est d'abord dans les enluminures de manuscrits. C'est l que s'effectue la "recherche", qu'on rencontre les innovations.

    Le dtachement l'gard de l'architecture autorise ce que le XIIeme sicle interdisait : le creusement du mur (disparu dans l'architectre gothique) : la perspective. Plusieurs formules sont exprimentes. a. La perspective atmosphrique

    Un "au loin" apparat travers un claicissement du ciel prs de la ligne d'horizon. Certes, rien n'est l "raliste". Les rayons du soleils sont clairement matrialiss comme "rayons". Le paysage reste distinct quelque loign qu'il puisse tre au lieu de se fondre doucement dans le ciel. Mais il y a deux plans : l'un proche, l'autre lointain.

    b. Le Diaphragme

    Autre moyen de figurer la profondeur : lajout d'un diaphragme devant la scne. Dans l'exemple ci-dessous, deux colonnettes et une poutre transversale encadrent le lieu o se droule la scne. Elles nous placent devant et cre de la sorte un arrire.

    Le procd du diaphragme perfectionne deux autres procds dont le premier est plus artificiel, le second plus symbolique. Le premier consiste "ter" le mur qui occulte la scne se passant l'intrieur d'un btiment on nomme cette faon de faire : intrieur explicite). Le second carreler le sol de faon ce qu'il soit clair que, bien que la scne paraisse se situer au-dehors, elle se droule en ralit au-dedans (on

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    nomme cette faon de faire : intrieur implicite).

    3. Quand le naturalisme apparat, cest sous une forme "maniriste" non raliste. Ex. Les frres de Limbourg Les Trs riches Heures du Duc de Berry.

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    Certes, on voit apparatre dans ce Calendrier le premier paysage enneig, les premires ombres portes, toutes choses qui laissaient indiffrents les enlumineurs des poques prcdentes soucieux certes de rendre compte de l'activit humaine laborieuse (travaux des mois), mais dans une optique moralisatrice (les vertus lies au travail) et religieuse (les fruits de la nature sont des dons de Dieu). Si le Calendrier des Frres de Limbourg montre encore le travail des champs et de la vigne, la recherche des glands et du bois pour se chauffer, il le fait sur fond de "matire prcieuse" : chaque tableau porte en fond un chteau du Duc et une grande partie des scnes sont des scnes de Cour, parfaitement profanes et destines mettrre en valeur la noblesse travers la richesse et particulirement l'lgance de ses parures.

    4. Le retable.

    Mais la peinture ne se limite pas l'enluminure. Le XV sicle voit se dvelopper le retable et, dans le nord (Belgique, Pays-Bas) la peinture au dtriment de la sculpture. L'un des plus clbres est des frres van Eyck et se trouve la cathdrale Saint-Bavon Gand : c'est le

    Retable de l'Agneau Mystique. (ci-dessous, ferm puis ouvert)

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    II. SCULPTURE, PEINTURE : LE CONTENU 1. La mlancolie

    Le XII sicle tait lge de la foi. La croyance en un Dieu totalement tranger et terrifiant . Le XIII est lge de la pit. La croyance en un Dieu svre (Juge et Pre) mais comprhensif. Les XIV et XV sicles sont les sicles de la dvotion. La croyance en un Dieu humain, trop humain, mort pour les hommes, un Dieu de piti. Plusieurs thmes en dcoulent : a. La mort.

    La mort, toujours prsente, devient un thme obsdant. Il faut se souvenir qu'entre 1347 et 1350 c'est la moiti de la population europenne (soit 25 millions de personnes) qui est dcime par la peste noire. En France, elle fait encore des ravages entre 1353 et 1355. C'est une menace qui pse sur les esprits. -La mort fait l'objet de nombreuses enluminures. -Le dit des trois morts et des trois vifs qui narre la rencontre de trois jeunes gens avec leurs propres cadavres, avertissement que la mort est toujours prsente, est dans toutes les mmoires. - La danse macabre fait son apparition - Dans l'art funraire, au gisant succde le transi. Le dfunt n'est plus reprsent sans les stigmates de la mort. Des tombes deux niveaux apparaissent la fin du XIV sicle. Dans la partie haute, la part spirituelle, immortelle du dfunt. Dans la partie basse, sa part corporelle, mortelle.

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    - Ou les pleurants (Ci-dessous, le Tombeau de Philippe Pot, provenant de l'Abbaye de Citeaux). -

    - b. La crucifixion.

    - A lpoque byzantine puis romane, cest un Christ triomphant (de la mort) qui est sur la croix - A lpoque gothique classique, la Crucifixion a une valeur dogmatique, pdagogique - Au XIV sicle, lide de triomphe a disparu mais le traitement reste prcieux et maniriste. - Au XV sicle, cest un Christ souffrant, accabl qui est reprsent.

    c. Les figures du Christ souffrant.

    On confond souvent deux figures : celle du Christ de Piti et celle de l'Honne de douleur. Cette dernire est une invention du XV sicle.

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    - Le Christ de piti est mort, -demi sorti de sa tombe, soutenu ou non par des anges, il montre ses plaies.

    - LHomme de douleur est vivant, encore. C' est le Christ au calvaire attendant dtre crucifi.

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    On est loin, ici, du Dieu terrible de l'Apocalypse du tympan de Moissac. Du Juge suprme des tympans gothiques classiques. C'est l'ecce homo, celui qui dans son humanit a souffert tout ce qu'il tait possible de souffrir. Et qui est mort comme meurt chaque homme. Un Dieu proche, humain, trop humain.

    De lge roman la fin du XVs on semble donc assister au dclin dun Dieu, sa d-divinisation qui conduit la fin de la culture mdivale qui va pourtant se prolonger, dune certaine manire dans le Nord.