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Histoire de la France Contemporaine Huitième cours : De Chirac à aujourd’hui (1995-2014)

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Histoire de la France

ContemporaineHuitième cours :

De Chirac à aujourd’hui(1995-2014)

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1.3  – La fin de l’ère mitterrandienne

• Désireux de consolider sa position, Mitterrand ordonne la dissolution de la chambre et la tenue d’élection pour le mois de juin.

• L’enthousiasme populaire de 1981 ne joue pas, et si la droite perd la majorité (271 sièges), la gauche modérée (279 sièges) ne parvient pas à la conquérir.

• Le chef socialiste Michel Rocard doit alors composer avec l’appui des communistes (27 députés) ou des centristes (13 députés) pour se maintenir au pouvoir.

• L’avantage de cette situation pour Rocard est l’apaisement du contexte politique, qui tranche avec les manies réformistes du premier mandat et la volonté consensuelle remplace la recherche de la rupture.

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• Si le « devoir de grisaille » dont parle Rocard n’emballe pas les électeurs, son style de gouvernance sérieux, posé et réfléchi, tranche avec le volontarisme des gouvernements précédents, même s’il ne permet pas de calmer l’agitation  : aux mouvements sociaux, qui demeurent importants, s’ajoute la crise des banlieues.

• La méthode Rocard consiste à privilégier les traitements en profondeur, peu spectaculaires et demandant du temps, aux solutions à courte vue.

• En 1988, il fait voter l’établissement d’un revenu minimal d’insertion (RMI) qu’il fait financer par le rétablissement de l’impôt sur les grandes fortunes.

• Conscient de la nécessité d’assurer la pérennité de la Sécurité sociale, il braque les syndicats en instituant une Contribution sociale généralisée qui touche toute la population. Sa réforme du système de l’éducation vise aussi la pérennisation des acquis des années 1980.

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• Cette politique centriste entraîne des repositionnements politiques  : la gauche se déchire, la droite erre, confondue par les actions d’un gouvernement qui lui emprunte en partie son programme, cherchant à se démarquer en empruntant à l’extrême droite ses thèmes.

• Jusqu’en 1990, la popularité de Rocard demeure élevée, mais les difficultés économiques vont lui porter ombrage. Les tensions entre Matignon et l’Élysée connaissent une recrudescence et en mai 1991, Rocard est congédié.

• L’ère Mitterrand ayant été celle des premières, la succession de Rocard ne fait pas exception, Édith Cresson devenant la première femme à occuper le poste de chef de gouvernement de l’histoire française.

• Malheureusement pour elle, la conjoncture politique et économique du pays est alors très difficile, ce qui ne permet pas de susciter ce courant de sympathie sur lequel comptait le président.

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• Outre la situation économique qui se détériore, le PS qui traverse une série de crises, remettant en question l’intégrité de ses dirigeants et leurs compétences, le tout sur fond de perte de repères d’un parti de gauche gouvernant désormais au centre.

• Nommée dans une situation difficile, Cresson, avec sa méthode de direction, jugée brutale et unilatérale, s'aliène la classe politique et l’opinion qui, à peine 10 mois après sa nomination, inflige une défaite au PS lors des élections régionales, obligeant le président à la renvoyer en avril 1992.

• Pierre Bérégovoy lui succède, mais l’état de grâce dont il bénéficie ne dure pas longtemps. Alors que les Français se disent tout au long de 1992 très majoritairement favorables au traité de Maastricht, le référendum du 20 septembre voit le projet pratiquement rejeté (51 % au « oui »), celui-ci étant étroitement associé au PS.

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• Les élections de mars 1993 constituent une dégelée pour le PS, et pour la gauche en général, le PC végétant désormais à 9 % (24 députés).

• Le PS tombe sous les 20 %, et ne parvient à faire élire que 67 députés. En face, la droite est toute puissante, avec 19 % pour le RPR (242 députés) et 18 % pour l’UDF (207 députés). Malgré un résultat de plus de 12 %, le FN n’a aucun élu, pas plus que les verts (8 %).

• La fin de l’ère Mitterrand se jouera donc sur une nouvelle cohabitation et Balladur, un proche de Chirac, devient premier ministre.

• Cette seconde cohabitation sera différente de la première, l’enjeu d’une réélection ne se posant pas pour le président. Les deux têtes de l’exécutif éviteront de croiser le fer dans l’attente de la présidentielle de 1995. Plus encore, le gouvernement centriste de Balladur entretient d’excellentes relations avec le président.

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• C’est sans doute à cela que l’on doit la très grande popularité d’un gouvernement qui reprend les réformes libérales : réforme de la Banque de France et reprise des privatisations

• Mais pas plus que ses prédécesseurs de gauche Balladur parvient à venir à bout de la crise, qui entraîne, au début de 1994, une multiplication des « plans sociaux » chez Air France, la SNCF, la RATP.

• Mais la principale menace à Balladur lui vient de son mentor, Chirac, qui s’emploie à rogner les positions de son ancien protégé, de crainte d’être doublé par lui

• L’ambiance en France en 1995 est véritablement celle de la fin d’un règne à laquelle les scandales de corruption, à droite et à gauche contribuent grandement, alourdissant une suspicion et un désintérêt grandissant des Français par rapport à la politique.

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2 – Économie

2.1 – Genèse et nature d’une « crise »

 

• Même si le ralentissement est visible depuis le début de la décennie 1970, 1973 et 1974 voient une brusque détérioration de la situation.

• La population fait porter la responsabilité sur le gouvernement, mais il apparait rapidement que celui-ci n’y peut rien.

• L’un des effets du Plan Marshall a été la mise en place d’une grande interaction entre les économies du monde occidental, ce qui s’est avéré bénéfique au cours de la période 1945-1970, la croissance économique des uns stimulant celle des autres.

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• Mais quand l’économie des uns se grippe, celle des autres le fait aussi. Sur le plan politique, cela rend la situation difficile, car les décisions prises à Paris n’ont qu’une influence limitée sur la situation en France. Le gouvernement peut atténuer les symptômes, mais il n’est pas en mesure de soigner la maladie.

• Les gouvernements ont d’abord cru à une crise épisodique, mais aujourd’hui, nombreux sont les économistes qui parlent d’une dépression dans laquelle des périodes de faible croissance alterneraient avec d’autres de décroissance.

• Il s’agirait non d’une crise, mais d’une mutation des économies occidentales, reposant sur des causes à longue incidence, comme les changements démographiques induisant des modifications macroéconomiques (déficits budgétaires chroniques, concentration des capitaux) et microéconomiques (contraction du niveau de vie, baisse de l’épargne, etc.)

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• Le choc pétrolier de 1973 met en évidence une crise qui court déjà et que la France ne voit pas.

• Dès la seconde moitié des années 1960, les États-Unis montrent des signes de fatigue : le rythme de croissance du PIB ralentit, l’inflation accélère, le déficit budgétaire grossit.

• Le recours du gouvernement américain à la planche à billets revient à « exporter son déficit », car depuis 1944 et les accords de Bretton Woods, le billet vert adossé à l’or est devenu l’étalon du commercial mondial.

• La Banque de France convertit ses stocks de dollars en or et s’ensuit une série de crises monétaires forçant la dévaluation de certaines monnaies (livre sterling et mark, puis dollar américain).

• Les indicateurs économiques continuent de se détériorer, les États-Unis entrent en récession en 1971 et la croissance devient poussive en Europe.

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• Si la plupart des gouvernements choisissent de « réduire la voilure », la France se lance dans une politique d’investissement social et dans les infrastructures, afin de stimuler la croissance, creusant le déficit budgétaire.

• La situation macroéconomique de la France est difficile à la veille de la guerre du Kippour et la violente secousse mondiale que celle-ci provoque frappera la France durement.

• Afin de contraindre Israël à évacuer les territoires occupés, l’OPEP lance une offensive économique contre l’État hébreu et l’Occident qui le soutient : une hausse de 70 % du baril de brut est décrétée, de même qu’une réduction mensuelle de la production de 5 % par mois, jusqu’à ce qu’Israël évacue les territoires occupés.

• C’est le premier choc pétrolier, qui frappe de plein fouet une économie française déstabilisée.

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2.2 – Évolution de la crise française, 1974-1995

• D’octobre à décembre 1973, le prix du baril de brut passe de 3 $ à 19.35 $, provoquant un phénomène économique inédit, la stagflation : forte inflation et contraction de l’économie.

• La facture pétrolière de la France s’envole (plus de 3 % du PNB en 1974), obligeant le pays à réduire ses importations énergétiques, provoquant une baisse de la production industrielle.

• L’inflation dépasse les 10 % en 1974 et la consommation diminue. La dépendance aux hydrocarbures importés, (75 % de la consommation énergétique française), rend le pays fragile.

• Autre problème, l’indexation des salaires à l’inflation, qui accroit les coûts de production dans le secteur privé, mais aussi le déficit budgétaire.

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• Tous cela entraine une contraction de la production et en 1975, 70 % des capacités de production du pays sont inutilisées, plaçant les entreprises difficultés.

• Les petites et moyennes entreprises sont contraintes à la faillite, les grandes doivent recourir à des licenciements, qui accroissent le taux de chômage, ce qui réduit la consommation.

• Le chômage avait commencé à croître au milieu des années 1960, mais il s’envole alors, pour doubler en quelques années et atteindre le demi-million de sans-emploi en 1975.

• Le gouvernement croit qu’il s’agit d’une crise structurelle et en effet, à partir de 1976, les choses s’améliorent grâce, croit-on, aux effets des mesures de stimulation prises par le gouvernement Chirac.

• La période 1976-1979 voit un retour de la croissance, mais, plus faible que lors des périodes d’expansion précédentes.

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• Mais le taux de chômage ne faiblit pas, ce qui s’explique par les investissements pour améliorer la productivité, par le biais d’une automatisation plus poussée, réduisant les besoins en main-d’œuvre, alors que la population active continue de croître.

• Nombreux sont ceux qui croient que la lourdeur de l’État est responsable de la situation et favorise son dégraissage. Les thèses de Hayek et de Friedmann s’imposent au Royaume-Uni et aux États-Unis. La France n’échappe pas à cette lecture, alors que Raymond Barre dirige le gouvernement.

• À cela s’ajoute la politique monétaire de Reagan (hausse des taux, drainant épargne et investissements vers les États-Unis) et le second choc pétrolier, par lequel prix du brut passe de 13 $ en 1978 à 40 $ en 1980, marquant la fin de l’énergie bon marché, facteur fondamental de l’expansion économique de l’après-guerre.

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• L’inflation repart et la croissance s’effondre en même temps que la production de certains secteurs industriels, comme la sidérurgie et le textile.

• Le chômage explose pour toucher 2 millions de personnes en 1981, soit 8,9 % de la population. Il ne cessera par la suite de croître, pour dépasser le seuil psychologique de 10 % dès 1985 et toucher 3 millions de personnes en 1993.

• La hausse des coûts de production entraîne la délocalisation des entreprises et la désindustrialisation. On pointe du doigt la rigidité française, poussant alors le gouvernement socialiste à pratiquer une forte déréglementation libérale…

• Grâce à cette politique ou au retour de la croissance aux États-Unis, des signes de reprise économique se manifestent en 1984, mais la croissance demeure faible, à environ 2 %, et l’économie se montre incapable d’absorber les chômeurs.

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• De sorte que cette faible croissance profite surtout à un secteur financier déréglementé et automatisé (ce qui conduira à l’effondrement boursier d’octobre 1987).

• Ce timide renouveau repose aussi sur le contre-choc pétrolier, qui voit les prix du brut chuter pour de multiples raisons, ce qui permet de faire tomber le baril à 10 $ en 1986.

• Puis survint le 3e choc pétrolier, provoqué par le conflit irakien. Aux facteurs rationnels s’ajoutent des facteurs irrationnels, rendant les investisseurs frileux, ce qui entraîne une chute des investissements et de la croissance. Dès 1993, la France retourne en récession.

• L’irrationalité de la nouvelle économie, basée sur un secteur financier mondialisé, se manifeste d’une façon éclatante au début des années 1990 : alors que les indices boursiers s’envolent, de même que la valeur des actions, la production industrielle s’effondre et le chômage atteint des records.

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• Cette situation, qui favorise la concentration des capitaux entre les mains d’une minorité et l’affaiblissement constant du pouvoir d’achat et du niveau de la majorité est à l’origine de cette « fracture sociale » que déplore le candidat Chirac en 1995, mais le gouvernement français n’y peut pas grand-chose

• Ne reste aux dirigeants des vieux États industriels que le choix (sur lequel ils ne peuvent guère influer) entre la peste et le choléra : ou bien la désindustrialisation, les délocalisations et le chômage, ou bien la paupérisation et la précarisation de la population active…

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3 – Politique étrangère

3.1 – Le mandat giscardien

• Comme VGE fit campagne sur le thème d’une rupture avec le gaullisme, on aurait pu s’attendre à des changements en ce qui concerne la politique étrangère. Or, si le ton change, la méthode et les orientations demeurent pour l’essentiel les mêmes.

• Dans le cadre constitutionnel, la politique étrangère est le domaine privilégié du président et VGE va continuer sur la voie tracé par De Gaulle, conservant ses prérogatives et ne concédant au Quai d’Orsay qu’un rôle d’exécutant de ses directives et de celle de ses proches conseillers, tous issus du corps diplomatique.

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• Quant aux orientations, et malgré l’américanophile de VGE, l’indépendance et la souveraineté nationale demeurent au cœur de sa politique étrangère.

• Le rêve d’une voie française mitoyenne entre Moscou et Washington, orientation clairement gaulliste, continue de motiver la politique étrangère de la France sous VGE.

• Mais comme en politique intérieure, VGE cherche à rompre avec une certaine approche de la politique, en « l’américanisant » dans ses formes et en répudiant le caractère guindé et austère de la diplomatie gaullienne.

• Les déclarations à l’emporte-pièce de la période pompidolienne font place à une volonté consensuelle et un désir de prendre en compte les aspirations des alliés, mais aussi des adversaires.

• Cette modification, qui n’est pas que de pure forme, devrait mieux permettre, selon VGE, à la France d’occuper cette voie mitoyenne dont rêvait de Gaulle.

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• Mais le président devra s’adapter à une conjoncture peu favorable à la neutralité dont il rêve : du premier choc pétrolier au « coup de Kaboul », le septennat de VGE fut tendu, le climat de détente des années soixante laissant la place à un retour de la Guerre froide.

• En ce qui concerne la défense du territoire, VGE maintient le cap et le retour de la France au sein du commandement unifié de l’OTAN n’aura pas lieu, la majorité de la population et des élites tenant à ce que la France soit seule maîtresse de ses questions.

• Il en est de même du contrôle de l’arme nucléaire, en qui VGE voit la garantie de cette indépendance et les propositions américaines visant à intégrer la « bombinette » française au sein des forces stratégiques de l’OTAN essuieront les mêmes refus polis, mais fermes, que ceux que l’on entendait la décennie précédente.

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• Cela n’empêche pas Washington de continuer à faire pression de diverses manières, d’autant que le choc pétrolier de 1974 rend la France particulièrement fragile.

• Par exemple, alors que le pays s’engage dans une politique de développement de l’énergie nucléaire, Washington instaure en 1975 en embargo sur l’exportation d’uranium en direction de l’Europe. Il sera de courte durée, mais constituera un douloureux rappel à Paris de son statut international…

• Il en sera de même, avec le plan « Calcul » ou le Concorde, que les démêlés juridiques avec la ville de New York empêcheront de devenir une alternative à la domination de Boeing.

• Initiateur en 1975 à Rambouillet de ce qui deviendra le G7, VGE cherche à attirer de son côté ses partenaires européens pour contrer les pesanteurs de l’alliance américaine, sans grandement y parvenir, la RFA continuant de privilégier sa relation avec Washington.

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• VGE cherche donc à contrebalancer l’influence de Washington avec celle de Moscou.

• Au-delà de ce pragmatisme, les efforts de VGE s’inscrivent dans la conviction que seule la mort des idéologies sera en mesure de mettre fin aux risques d’un conflit militaire et que la France est bien placée pour jouer les intermédiaires.

• Il est d’autant plus enclin à le faire qu’il ne croît pas à une menace soviétique sur l’Europe. D’où sa méfiance à l’endroit de tout projet militaire européen qui pourrait susciter les craintes de l’URSS et la rendre agressive.

• De sorte que VGE poursuit la politique des rencontres bilatérales avec Brejnev, les deux hommes ayant l’occasion d’échanger dans ce cadre à 5 reprises au cours du septennat, deux fois à Paris, deux fois à Moscou et une fois en Pologne, cette dernière étant critiquée, se déroulant après l’invasion de l’Afghanistan et en pleine crise des « Euromissiles ».

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• Dans ses relations avec le reste du monde, la France poursuit la politique gaulliste d’ouverture, Paris ne pouvant renoncer à son rôle séculaire de « missionnaire de la civilisation », surtout que son exclusion du Grand jeu de la guerre froide provoque le besoin d’un dérivatif à ses ambitions internationales.

• Grâce à la liquidation en douceur de l’empire, la France a conservé des relations qui lui permettent de se donner le rôle d’un intermédiaire entre le monde développé et celui en développement, tout en tentant de s’assurer le contrôle des ressources naturelles.

• Les chocs pétroliers le conforteront dans cette démarche visant à réduire les points de friction entre les nations riches et « déclinantes » du nord et les nations pauvres du sud, en proie à une explosion démographique.

• C’est à ces objectifs qu’est consacrée la Conférence Nord-sud de décembre 1975 à Paris, qui n’aboutira cependant à rien de bien concret.

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• C’est pourquoi VGE va abandonner les grands-messes multilatérales pour se consacrer à l’amélioration des rapports de la France avec le Tiers-monde sur des bases bilatérales, élargissant le cercle des États concernés par ces discussions au-delà des anciennes colonies de l’empire.

• Cette politique aura son revers militaire, obligeant la France à s’impliquer sur le continent noir, comme à Djibouti en 1976, au Sahara occidental en 1977, au Tchad en 1978 ou au Zaïre, où elle soutiendra Mobutu, jugé nécessaire à la stabilité politique de la zone.

• Ici comme en Centrafrique, où elle soutient longtemps Bokassa, la France n’hésite pas à sacrifier l’idéal des droits de l’homme à ses intérêts économiques.

• Au Proche-Orient, VGE tente ici aussi de s’imposer comme un facteur de stabilisation, mais sa dépendance aux hydrocarbures rend la France plus sensible aux intérêts des États arabes.

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• Les relations de la France avec l’OLP et sa participation à la FINUL pour veiller au retrait des forces israéliennes du Liban constituent deux bons exemples de cette tendance interprétée à Tel-Aviv comme une marque d’hostilité.

• Mais il est un domaine dans lequel la politique étrangère de VGE va dans un autre sens que celle de De Gaulle : les relations intereuropéennes.

• Alors que ses prédécesseurs se montraient hostiles au principe de la supranationalité, VGE se montre favorable à l’accroissement de la légitimité (par la tenue d’élections au suffrage universel au parlement européen) et des pouvoirs des instances européennes, dont il est un partisan convaincu depuis le début.

• Il poursuivra cette ligne politique contre l’opposition des gaullistes et des communistes, et surtout l’indifférence de la population française.

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• Les premières élections en 1979 verront la victoire des tenants de la supranationalité. Les parlementaires européens se montreront reconnaissants envers la France pour son rôle en portant à la présidence du parlement de Strasbourg Simone Veil.

• En matière monétaire, VGE fut aussi très actif, s’alliant avec Schmidt pour soutenir une union monétaire entre les membres de la CEE, ce qui aboutit en 1978 à la création de l’ECU.

• L’élaboration d’une politique étrangère commune à l’union, qui se manifeste alors autour de la question palestinienne, doit aussi beaucoup au rôle actif de VGE.

• À la base de ces actions, il y a la consolidation de l’axe Paris-Berlin, qui doit beaucoup aux excellents rapports qu’entretiennent VGE et Schmidt, partageant tous deux le désir de voir l’Europe s’affranchir de sa trop grande dépendance à Washington.

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3.2 – Les mandats mitterrandiens

• Tournant à gauche sur le plan intérieur, Mitterrand prétend aussi changer de position internationale. Mais si les Affaires étrangères ne sont pas le seul domaine dans lequel il se trouve en opposition avec ses propos, ici les contradictions atteignent un niveau remarquable.

• Car les présidents passent, mais les intérêts supérieurs de la nation restent. Sans exclure l’opportunisme de Mitterrand, l’impulsion donnée par De Gaulle à une politique d’équilibre entre les blocs, appuyée sur certains instruments de puissance (siège permanent au Conseil de sécurité, triade nucléaire, entre autres) fut tellement puissante qu’il est difficile d’en déroger.

• C’est que cette politique fut déterminée par le réalisme, la défense des intérêts français, mais en tenant compte des limites de ses capacités et du contexte mondial.

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• Comme la situation de la France au début des années 1980 ne se distingue guère de ce qu’elle était deux décennies plus tôt, l’idéologie socialiste proclamée par Mitterrand devra se plier aux impératifs de la réalité.

• Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun changement par rapport aux deux décennies précédentes. Mais passé un bref moment après l’élection, ils vont plutôt dans le sens opposé à ce que l’on pouvait s’attendre d’un socialiste.

• Parmi les choses qui ne changent pas, on doit noter le désir de la France de maintenir l'autonomie de son parapluie nucléaire, en même temps qu'une distance respectueuse avec l’OTAN.

• Mais cette ambition d’autonomie a un coût assez élevé, car le maintien d’une force nucléaire autonome implique des efforts financiers importants pour la mise à niveau de l’arsenal.

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• En complète contradiction avec lui-même, Mitterrand s’engage dans une extension des essais nucléaires, au risque de tendre les relations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande et de s’aliéner sa base politique.

• L’attentant du Rainbow warrior en 1985 donne la mesure de ce à quoi est prêt le président pour maintenir la puissance nucléaire de son pays.

• Il en est de même des ventes d’armes à l’étranger. En 1981, Mitterrand avait accepté de visiter le salon du Bourget à la condition que les chasseurs français ne soient pas armés; deux ans plus tard, la France devient l’un des principaux fournisseurs d’armes du régime de Pretoria.

• Que s’est-il passé entre les deux? Rien de particulier, sinon la prise de conscience du fait que la France est le 3e marchand d’armes au monde et que les revenus de ces ventes sont nécessaires à l’État.

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• L’interventionnisme dans le continent sud-américain, manifeste dans les quelques mois suivant l’élection de Mitterrand va lui aussi s’estomper pour laisser place à une attitude plus respectueuse de l’allié américain.

• Si le Nicaragua sandiniste a ainsi pu compter sur l’appui diplomatique de Paris en 1982, dès l’année suivante, la France se retire de la scène diplomatique pour laisser Washington gérer la situation à sa manière. Il en sera de même en Grenade en 1983.

• Ailleurs, la situation est semblable, car après avoir condamné la politique giscardienne d’entente avec les tyrans, Mitterrand comprend le pragmatisme dont avaient fait preuve ses prédécesseurs et poursuit une politique basée sur les intérêts nationaux, plutôt que sur des impératifs idéologiques.

• Issu de la gauche et conduisant un pays qui compte jusqu’en 1984 des ministres communistes, Mitterrand semble vouloir donner des gages aux Américains.

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• D’où ce paradoxe : le président le plus socialiste de la 5e République est celui qui entretient les relations les plus distantes avec l’URSS.

• Au cours de ses deux premières années à titre de président, Mitterrand rencontre à six reprises son homologue américain, mais il attend 1984 pour discuter avec son vis-à-vis soviétique…

• Le réchauffement des relations franco-soviétiques à partir de 1984 tend à démontrer que l’attitude prudente de Mitterrand tenait à un désir de donner des garanties à Washington. Dès le départ des communistes, les relations avec Moscou s’améliorent.

• Mais cela dépend aussi de l’évolution de la situation internationale, alors qu’en 1984, Reagan lance le projet de Guerre des Étoiles et que quelques mois plus tard, Gorbatchev prend la tête du PCUS et entame sa politique de main tendue envers l’occident.

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• Au Proche-Orient, la politique de rééquilibrage est beaucoup plus périlleuse et difficile. Malgré les gages de « bonne volonté » qu’il donne à Israël, le passif des années précédentes continue de peser, de même que les engagements de la France auprès d’autres États du Proche-Orient.

• Le deuxième terme présidentiel de Mitterrand sera très difficile, car en disparaissant, l’URSS fait perdre à la France l’intérêt qu’elle a depuis De Gaulle tenté de présenter sur la scène internationale.

• Le jeu de bascule auquel le pays se livrait depuis les années 1960 se trouve interrompu, laissant la politique étrangère française désemparée et sans guide.

• Même avant l’implosion de l’URSS, le rapprochement américano-soviétique avait retiré à l’Élysée ses principales cartes, la France n’étant plus utile pour rapprocher les deux États qui se rapprochaient d’eux-mêmes.

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• C’est pourquoi, alors que le pays s’était toujours montré hostile aux aventures américaines, des forces françaises participeront à l’opération Desert Storm en 1991, suscitant une crise politique grave.

• La France se met en quête d’une nouvelle mission internationale, incapable de se résigner à n’être qu’une puissance parmi d’autres.

• Les participations françaises à diverses opérations militaires (guerres yougoslaves ou Rwanda) témoignent de cette volonté d’occuper un espace international, cette fois en se faisant le défenseur, dans le cadre du « devoir d’ingérence », des principes humanitaires.

• D’où l’incohérence : alors que la France critique la politique impérialiste américaine en se faisant le porte-parole de la résistance à l’hégémonie de Washington, elle emboîte de plus en plus le pas à son puissant allié, en l’accompagnant dans ses aventures militaires.

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• En ce qui concerne la construction européenne, les mandats Mitterrand sont aussi riches en contradictions. Membre du parti socialiste, très européaniste, Mitterrand est tiède devant le projet européen.

• Mais les réalités imposeront leur agenda, car il n’est guère possible pour la France d’avancer ses « solutions socialistes » à la crise sans tenir compte des réalités européennes. Contraint de trancher entre sa politique sociale ou la conformité avec les critères économiques de l’Europe, Mitterrand choisira la seconde option.

• La France a joué un rôle important dans l’élargissement aux États de la péninsule ibérique de la CEE, l’arrivée au pouvoir de socialistes à Madrid et à Lisbonne ayant favorisé l’apaisement des tensions.

• Acceptées en 1985, l’Espagne et le Portugal vont favoriser un rééquilibrage de la CEE au profit des États du sud qui, espère Paris, va réduire la prépondérance allemande et accroitre son rôle.

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• Ce ne sera pas le cas et l’Allemagne va continuer, à déterminer dans une large part l'évolution des institutions de l’Union. Néanmoins, en 1988, un Conseil franco-allemand de la Défense et un autre Conseil économique et financier confortent l’axe Paris-Berlin.

• Sur le plan institutionnel, Mitterrand joue un rôle important en 1984, alors que la France préside le Conseil de l’Europe, dans les négociations qui aboutissent à la révision du traité de Rome et à la signature, en 1986, du document qui donnera naissance en janvier 1993 à l’Union européenne.

• En 1991, l’Assemblée nationale approuve la ratification du traité de 1985 sur la mobilité des personnes, qui donne naissance à l’espace Schengen.

• L’année suivante, les 12 signent le traité de convergence économique conclu à Maastricht. Le texte fut soumis par référendum aux Français, qui l’approuvèrent à une mince majorité de 51 %.

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Huitième cours :

1 – Évolution politique

2 – Politique étrangère

3 – Mutations sociales de l’après « Trente glorieuses »

4 — Politique étrangère

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1 – Évolution politique

1.1  – Le premier mandat de Chirac (1995-2002)

• Les présidentielles de 1995 se terminent par trois surprises. Alors que Balladur avait le vent en poupe, Chirac réussit, en se présentant comme la « gauche » du parti de droite, à lui ravir la position de favori.

• Deuxième surprise : on croyait le PS mort et enterré, mais Jospin parvient à raviver la gauche et à se présenter comme une alternative à l’alternance et prend la tête au premier tour avec 23 % des voix.

• Et troisième surprise  : avec 15 % des voix au premier tour, le FN se consolide et se manifeste comme une donnée désormais incontournable de la vie politique.

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• Mais la logique de l’alternance prévaudra. Avec le ralliement des partisans de Balladur (18,6 % au premier tour), Chirac (21 % au premier tour) parvient au poste de président de la République, avec 53 % des voix contre 47 % pour Jospin.

• Mais pour y parvenir, Chirac a promis tout et son contraire, manifestant un art consommé de la démagogie. La question est donc de savoir quelle politique il pourra suivre une fois au pouvoir.

• La nomination du technocrate Alain Juppé au poste de premier ministre semble indiquer son désir d’une voie moyenne entre la gauche et la droite de son parti.

• Après un premier cabinet qui se cherche, le gouvernement Juppé en constitue un autre à l’automne 1995, avec lequel il tourne le dos aux promesses électorales de Chirac, pour reprendre la politique de Balladur.

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• Afin de lutter contre le déficit, les impôts sont augmentés, les salaires de la fonction publique gelés, les dépenses sociales coupées et les caisses de retraite amputées…

• Ce « plan Juppé » provoque grèves et manifestations dès l’hiver 1996 et la popularité du gouvernement s’effondre, l'obligeant à battre en retraite sur certains points, sans le faire changer d’orientation.

• Voyant approcher l’échéance électorale de 1998, Chirac dissout la chambre et convoque des élections anticipées dans l’espoir d’éviter une dégelée en 1998. Le résultat est une dégelée en 1997…

• Au premier tour, la droite s’effondre (36 %), battue à gauche (45 %) et sur sa droite par le FN (15 %). La promesse de Chirac de nommer un autre premier ministre ne permet pas de renverser la vapeur et au 2e tour, la gauche obtient 319 sièges, dont 245 pour le PS, contre 257 pour la droite.

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• Reconnaissant sa défaite, Chirac nomme Jospin premier ministre. Une nouvelle cohabitation commence. Mais les rôles sont inversés et surtout, alors que les cohabitations précédentes constituaient des interludes en attendant les présidentielles, celle-ci devra durer cinq années.

• À la tête d’un cabinet de « gauche plurielle », dans lequel on retrouve des représentants des 5 partis de la gauche qui le soutiennent, Jospin bénéficiera d’une conjoncture économique favorable jusqu’en 2000, qui lui permettra des politiques sociales lui assurant une grande popularité.

• La loi des 35 heures et diverses mesures de stimulation de création d’emplois permettent d’abaisser le chômage. Les rentrées fiscales s’en trouvent accrues, permettant au gouvernement de recommencer à dépenser pour l’amélioration du filet de protection sociale.

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• L’amélioration de la situation économique est telle que le gouvernement peut satisfaire aux critères de convergence de Maastricht sans imposer de rigueur budgétaire et éventuellement baisser les impôts, réalisant la politique fiscale de la droite, tout en appliquant la politique sociale de la gauche…

• Chirac reste entre 1997 et 2000 derrière son premier ministre. Pendant que les partis de droite se livrent à des luttes, il se donne la stature d’un « Père de la nation »

• Le retournement de la conjoncture en 2001 permet à Chirac de rompre avec la politique de bonne entente qu’il suivait jusqu’alors dans ses relations avec Jospin.

• Le chômage repart à la hausse et le ralentissement de la croissance, qui provoque des crises sociales, permet au président de se distancer de Jospin, lui faisant porter la responsabilité du renversement de la situation, bénéficiant ainsi d’un regain de popularité.

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• La présidentielle de 2002 marque une rupture historique quant aux pratiques politiques de la Ve République : en abandonnant le septennat au profit du quinquennat, c’est la nature même des rapports entre les deux têtes de l’exécutif qui s’en trouvent modifiée.

• Se déroulant à quelques mois d’intervalle, les élections législatives et les présidentielles ont de fortes chances de donner des résultats similaires, accroissant l’autorité présidentielle et réduisant les chances d’une cohabitation. La limite des deux mandats consécutifs est supprimée.

• Le premier tour de la présidentielle de 2002 constitue un séisme politique, alors que Jospin, victime de la division du vote de gauche (8 candidats…) est éliminé, n’obtenant que 16,1 %, derrière Jean-Marie Le Pen, qui obtient 16,9 %. Pour sa part, Chirac obtient le plus faible pourcentage de l’histoire pour un président sortant, avec moins de 20 %.

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• L’adversaire qu’il affronte au second tour fera (non sans ironie) de Chirac le président le mieux élu de toute l’histoire de France, alors que tous les partis appellent à faire barrage au FN, qui améliore légèrement son résultat du premier tour.

• Chirac obtient 81 % des voix et est réélu pour un second mandat, de cinq ans, cette fois.

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1.2 — Le second mandat de Chirac (2002-2007)

• Les présidentielles déterminent l’issu des législatives qui suivent, d’autant que Jospin abandonne la vie politique, laissant le parti socialiste orphelin.

• Chirac crée un parti réunissant autour de lui différentes factions de la droite, en remplacement de son RPR, l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), qui attire certains membres de l’UDF.

• Sans surprise, les élections de juin 2002 voient un raz-de-marée de l’UMP qui, avec 34 %, fait élire 369 députés et détient une confortable majorité en chambre.

• Quant aux socialistes à leurs alliés, leur 25 % de voix leur permet de faire élire 148 députés.

• L’extrême droite, désormais divisée entre le FN et le Mouvement national républicain (MNR) de Mégret, n’obtient aucun député.

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• De sorte que Chirac, le président le plus mal-aimé de la 5e République, dispose d’un pouvoir politique absolu au lendemain des échéances électorales de 2002.

• Disposant d’une chambre docile, il peut ainsi nommer premier ministre un technicien totalement inconnu (Raffarin) et diriger le pays sans contre-pouvoir.

• Raffarin va s’employer à exécuter les directives du président, tout en se donnant l’air d’une certaine indépendance, afin que les critiques de sa politique ne puissent pas retomber sur le président, qui n’a pas alors abandonné l’idée de se présenter en 2007.

• La psychose sécuritaire s’étant emparée de la France, les premières mesures du gouvernement visent à satisfaire la demande de sécurité.

• Sarkozy, ministre de l’Intérieur, se fait remarquer par son activisme : augmentation du budget des forces de police, réformes du Code pénal, création de « juges de proximité », etc.

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• Autre chantier : relancer l’économie en favorisant la consommation et donc, en allégeant les impôts. Cela ne durera pas, car cette politique remet en question l’équilibre budgétaire et rend difficile l’atteinte du maintien de l’objectif d’un déficit de 3 % du PIB.

• Diverses mesures sont adoptées pour relancer l’emploi, entre autres en vidant de sa substance la loi des 35 heures, en réduisant les charges et en facilitant les licenciements.

• Quant à la lutte contre le déficit, elle tourne autour d’une reprise des privatisations (Air France, EDF, etc.) et des coupes dans la fonction publique.

• À partir de 2004, le gouvernement s’emploie à lutter contre le déficit de la Sécurité sociale. La contribution de la population est augmentée et une politique de frais payable par les patients est désormais appliquée. Très impopulaires, ces réformes sont aussi peu efficaces, la cible d’économie n’étant atteinte qu’à 40 %.

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• La politique du gouvernement est décrié par la population, d’autant que la dette continuent de croître sur fond de chômage persistant.

• Les alliés du président le poussent à se débarrasser de Raffarin, mais il attend les élections régionales et européennes. Celles-ci étant catastrophiques, Chirac se déleste de son premier ministre en 2005, lui faisant porter le chapeau des échecs du gouvernement.

• Chirac nomme alors premier ministre un homme populaire qui lui est associé : l’ancien ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin.

• Constituant un gouvernement destiné à encadrer un rival dangereux (Sarkozy), de Villepin connaîtra quelques bons mois, grâce surtout à sa personnalité.

• Mais les problèmes demeurent et la vague de violence qui secoue les banlieues de Paris au printemps 2005 et la poursuite des privatisations font pâlir l’étoile du premier-ministre.

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• Chirac s’emploie à divers jeux politiciens visant à assurer la pérennité du pouvoir de son clan, condition nécessaire pour éviter une éventuelle chasse aux sorcières contre lui une fois son immunité présidentielle levée, pour son rôle dans une série de scandales.

• L’élément le plus remarquable de ce second mandat est que, après avoir lutté pour se hisser au sommet de l’État et concentré entre ses mains un pouvoir quasi-absolu, Jacques Chirac s’emploie activement… à ne rien faire : pas de réformes majeures, pas de grands chantiers nationaux. Il cherche à durer, simplement.

• En 2006, une grande majorité de la population française aimerait bien prendre un verre en sa compagnie, mais en même temps ne veut absolument pas de lui pour un autre mandat. Sympathique, mais politiquement fini, tel est le président Chirac à la fin de son second terme.

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1.3 – L’Hyperprésident (2007-2012)

• La France a en 2007 envie de nouveauté. Après 12 ans de présidence à droite, l’alternance devait prévaloir, mais les querelles de la gauche et la personnalité du chef de l’UMP, Sarkozy, brouillent les cartes.

• Déclassant par son appui populaire les caciques du PS, devenu depuis Mitterrand, un parti très centriste, très institutionnalisé et très de sa base, Ségolène Royale parvient à obtenir l’investiture du PS.

• Bien intentionnée, mais brouillonne, Royale veut une démocratisation et elle présente un programme mal défini, affirmant que ce sera à la population de définir les orientations du gouvernement.

• Si l’aspect démocratique de la proposition réjouit une partie de la population, elle laisse l’impression que la candidate du PS ne sait pas trop où aller.

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• Et la France en a assez de l’attentisme. L’énergique ministre de l’Intérieur a acquis la réputation d’un homme ambitieux, mais déterminé, qui projette l’image inverse de celle de Ségolène Royale : lui sait où il va.

• C’est pourquoi la logique de l’alternance ne sera pas respectée. Avec 31 % contre 25 % pour sa rivale au premier tour, Sarkozy semble en bonne voie de réaliser son rêve présidentiel et à l’issu du second tour, il est élu président avec 53 %, contre 47 % pour Royale.

• Sarkozy confie le gouvernement à François Fillon, qui demeurera à ce poste tout au long du mandat présidentiel. Comme il ne reste qu’un mois avant les élections, Sarkozy envoie un message à la population par la formation de son premier gouvernement

• Sarkozy veut s’élever au-dessus de la mêlée. Homme d’appareil, il désire dépasser les clivages et en appelle à un rassemblement de la nation afin d’accomplir les réformes qu’il juge indispensables.

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• Si la quasi-totalité de ses ministres sont membres de l’UMP, il fait un geste vers la gauche en nommant Bernard Kouchner aux Affaires étrangères et nomme à différentes fonctions des hommes comme Jacques Attali et Hubert Védrine, clairement orientés à gauche.

• En plus d’accorder une place importante aux femmes, il nomme à des postes ministériels des représentantes des minorités : Rachida Dati à la Justice (dans le deuxième gouvernement Fillon, Amara au Travail.)

• L’électorat lui donne lors des élections de juin 2007 un fort appui (45 %) et une importante députation (321 députés). Le PS suit avec 28 % pour 204 députés.

• Quant à l’extrême droite, elle poursuit sa contraction, à moins de 5 %, ce qui est d’autant plus compréhensible que Sarkozy ne s’est jamais gêné pour utiliser les thèmes de prédilection de l’extrême droite, sécurité et immigration.

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• Sarkozy est bien en selle. Bénéficiant des mutations que le quinquennat a apportées qui font du président le seul maître à bord, transformant le rôle du premier ministre et le marginalisant à des fonctions administratives, il va occuper tout l’espace que lui donnent les institutions et la presse le surnommera bientôt l’hyperprésident.

• Le deuxième gouvernement Fillon, qui va diriger le pays jusqu’en 2010, reprend les grandes orientations du premier gouvernement. Sarkozy veut profiter de sa victoire pour mettre en application son plan de réforme, avant que l’usure du pouvoir le rende incapable d’agir.

• Le domaine économique est le premier champ d’action de ce président très libéral. Sa grande loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat est lancée dès juillet 2007.

• Se privant de 13 milliards d’euros, le gouvernement entend redonner à la population les moyens de dépenser, afin de stimuler la croissance.

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• C’est ce que l’on a nommé le « paquet fiscal » : exonération fiscale pour les heures supplémentaires, baisse de l’impôt sur les grandes fortunes et sur l’impôt de succession, révision à la baisse des barèmes de l’impôt sur le revenu, etc.

• On constate déjà cependant un problème : ces mesures profitent aux grandes fortunes et aux hauts revenus.

• Il faut financer ces mesures, en sabrant les dépenses publiques, en réduisant la taille de la fonction publique (surtout l’Éducation, Justice et armée), en s’attaquant aux régimes spéciaux de retraite des « privilégiés » (employés de la SNCF et de la RATP, par exemple) et en accroissant la part assumée pas les patients.

• Cherchant à stimuler l’emploi pour accroitre les rentrées fiscales, il s’attaque aux 35 heures et limite le droit de grève dans la fonction publique, afin de la priver de son arme de prédilection pour lutter contre ces mesures qualifiées de « sauvages » par l’opposition.

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• L’hyperprésident se préoccupe aussi de la « fracture sociale » par un plan « Espoir Banlieues » adopté en 2008, qui vise à désenclaver ces îlots de pauvreté et de délinquance que sont les banlieues des grandes villes.

• Maniant le bâton et la carotte, le gouvernement oblige les chômeurs à accepter des postes à faible revenu, en compensant ceux-ci par un Revenu de Solidarité Active (RSA) et en les menaçant de sanctions s’ils refusent plus de deux offres d’emplois « raisonnables ».

• La réformite touche tous les domaines :– justice (peines planchers pour les récidivistes, diminution de l’âge de

responsabilité pénale, suivi des délinquants sexuels);

– éducation supérieure (autonomie financière et administrative des universités) et primaire (retour aux enseignements fondamentaux, augmentation des heures consacrées au français et aux mathématiques);

– l’environnement (plan d’action communautaire) ;

– l’immigration (mesures d’immigrations choisies, expulsions de sans-papiers). Entre autres.

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• Il s’intéresse aussi à la constitution, désirant redonner des prérogatives au parlement en matière de contrôle des actions du gouvernement.

• Mais pas celles du président : la réforme de 2008, diminuant le pouvoir du premier ministre, accentue celui du président et achève d’un faire un monarque temporaire.

• Dans l’ensemble, et dans un premier temps, la population réagit assez bien. La légitimité du président est inattaquable, ce qui lui donne les coudées franches pour faire fi des protestations et aller de l’avant.

• D’autant que l’opposition est sonné et que le PS continue de s’écharper et de se disputer entre différentes tendances et différents meneurs.

• L’opposition n’a pas le temps de reprendre son souffle, la cascade de réformes empêchant les opposants de définir un plan cohérent de résistance.

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• De même, à droite et à gauche, Sarkozy s’est employé à moissonner les idées de ses adversaires, parvenant ainsi à les marginaliser

• Mais peu à peu, la cote de popularité du président chute : fin 2007, il a l’appui de 70 % des Français; un an plus tard, de moins de 35 %, et les choses vont continuer de se détériorer. Au début de 2010, moins de 25 % des Français soutiennent le président.

• Les raisons de ce désamour sont multiples et tiennent à la fois à la situation internationale et à la conduite du président.

• Dès 2008, la France est happée par la crise des subprimes et même si Sarkozy s’agite autant qu’il le peut pour inciter les organisations internationales à prendre des mesures, il subit les contrecoups politiques d’une crise dont il n’est pas responsable.

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• Mais il est responsable pour autre chose : sa médiatisation, son « bling-bling », qui le pousse à apparaître constamment dans les médias et à faire étalage de sa vie privée, les réformes en elles-mêmes qui, heurtent une grande partie de la population, car elles touchent tous les secteurs.

• En outre, il s’est privé du « fusible politique » qu’était le premier ministre, lequel pouvait être sacrifié sur l’autel de l’opinion publique pour préserver le soutien du président. Se présentant comme grand responsable de la politique gouvernementale, Sarkozy a accepté d’en endosser les échecs.

• Plus on avance dans le mandat de Sarkozy, plus les électeurs s’en détournent, d’autant que le PS finira un jour sa foire d’empoigne, qui se soldera par la victoire du plus pâle des meneurs socialistes, lequel s’emploie par ailleurs à se présenter comme l’antithèse de Sarkozy et promettant d’être un président « normal ».

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1.4  – « Moi président » (2012…)

• Lors des présidentielles de 2012, après 17 années de règne de la droite et alors que le président sortant voit sa cote de popularité se maintenir à un très faible niveau, la logique de l’alternance devait prévaloir.

• C’est ce qui survient, alors que le candidat socialiste, François Hollande, obtient au premier tour 28,5 % des voix contre 27 % pour le président sortant

• La faiblesse du résultat du candidat socialiste s’explique par la bonne performance de la gauche radicale (Mélenchon), mais aussi par les psychodrames au sein du PS, la candidature de Hollande n’ayant pas fait l’unanimité, loin de là.

• Le ralliement des « alliés naturels » des deux candidats conduit au second tour à une victoire du socialiste, qui recueille 51,5 % des voix, contre 48,5 % pour Sarkozy.

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• Jean-Marc Ayrault, un proche de Hollande, se voit confier la tâche de diriger un gouvernement de transition, en attendant le résultat des législatives.

• Ce premier cabinet Ayrault n’aura pas beaucoup de temps pour imprimer sa marque, mais le peu qu’il peut faire, il le fait : conformément à la promesse de Hollande, le gouvernement respecte la parité, la moitié des portefeuilles étant attribués à des femmes.

• Pour donner l’exemple, le gouvernement Ayrault vote une diminution salariale de 30 % pour le président, le premier ministre et les ministres. En outre, Ayrault s’engage à congédier les ministres qui n’auraient pas été élus lors des législatives à venir.

• Le parti du président, avec 50 % des voix au second tour (40 % au premier), s’assure d’une solide majorité lors des législatives de l’été 2012, faisant élire 331 députés, l’UMP, obtenant 36 % et 44 % aux deux tours et faisant élire 229 députés.

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• Tous les ministres ayant été élus, le second gouvernement Ayrault reprend la composition du premier cabinet, avec un ministre vert et deux radicaux, les autres étant membres du PS.

• La popularité de Hollande se contracte dès 2012, devant la poursuite des difficultés économiques et au début de 2014, son appui atteint un record dans l’histoire de la Ve République, avec moins de 15 % d’opinions favorables.

• Cela se traduit par une défaite du PS aux élections régionales, entrainant la démission d’Ayrault en mars 2014 et l’une des étoiles montantes du PS, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, se voit confier le poste de premier ministre par Hollande.

• D’abord populaire, Valls va à son tour pâtir du faible soutien au président Hollande, même s’il demeure aujourd’hui plus populaire que le chef de l’État.

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• Par un jeu de vases communicants, qui témoigne du fait que les institutions républicaines de la France ont fini, après de longues décennies, par accoucher du même bipartisme que celui que l’on trouve dans les systèmes politiques du monde anglo-saxon, Nicolas Sarkozy est aujourd’hui en bonne position pour reprendre le poste suprême.

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3 – Politique étrangère de 1995 à aujourd’hui

3.1 – Politique étrangère sous Chirac (1995-2007)

• Avant de quitter la scène politique, Mitterrand avait eu peu de temps à consacrer à la redéfinition de la politique étrangère française dans le nouveau contexte mondial, caractérisé par la disparition de l’URSS et son corollaire, l’hégémonie de l’hyperpuissance américaine.

• Il reviendra donc à Chirac d’interpréter le gaullisme à l’aune de la nouvelle donne, le chef du RPR se voyant comme un continuateur de la politique du général. Il peut d’autant plus le faire qu’il dispose en 1995 d’une bonne majorité parlementaire et d’une solide expérience.

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• Chirac relance les essais nucléaires. Seuls six des huit essais auront lieu, ce qui sera suffisant pour poursuivre la mise à niveau de l’arsenal nucléaire, mais surtout pour signifier au monde et à l’opinion son intention de maintenir le cap de l’indépendance.

• Les accusations de militarisme qu’on lui adresse à l’occasion perdent toute base lorsqu’il met fin en 1996 au service militaire et annonce la transformation de l’armée française en armée de métier.

• Chirac a ainsi définit les grandes orientations de sa politique étrangère : – rejet de l’unilatéralisme, promotion d’un monde multipolaire et défense

de la légalité internationale,

– mise sur pied d’une défense européenne,

– main tendue aux pays du sud.

• On constate ainsi que le président a en ligne de mire une lutte feutrée contre la trop grande puissance de l’allié américain, position très gaulliste.

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• Si la cohabitation avec les socialistes entraîne certains hiatus, le fait qu’en dehors des proclamations de principe, le champ d’action de la politique étrangère se trouve restreint par le « nouvel ordre mondial » à la construction européenne permet aux deux hommes de s’entendre. Car Chirac sur cette question s’est éloigné au fil des années de l’orthodoxe gaulliste.

• La base de la construction européenne demeure le couple Paris-Berlin, et les relations qu’entretiennent Kohl et Chirac permettent la poursuite de la mise en place des institutions communes,.

• Et ce, malgré des mésententes ponctuelles sur l’Euro ou sur la nature des institutions de l’Union, Chirac s’opposant à la proposition allemande visant à construire les États-Unis d’Europe sur la base d’un système fédératif envahissant pour les pouvoirs nationaux.

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• Malgré tout, c’est sous la présidence Chirac qu’est négocié le traité de Nice et que le 1er janvier 2002, la France intègre à sa naissance la monnaie unique.

• Le désir de Chirac de doter l’Europe de ses propres forces d’interposition, indépendantes de l’OTAN, laisse la France isolée, la majorité des États européens y étant hostile et le projet suscitant la colère de Washington.

• Chirac démontre sa bonne foi en réintégrant certaines des instances de l’OTAN, mais le refus de Washington de tenir compte des propositions françaises se traduit par la poursuite du boycottage par la France du commandement unifié.

• Ailleurs dans le monde, la défense des institutions et du droit international trouve une illustration peu de temps après son élection, la France jouant un rôle fondamental dans la création de la Force de réaction rapide envoyée en Yougoslavie.

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• Sur la question serbe, l’alignement avec Washington est total, la France favorisant la conclusion de la « paix » de Dayton, concrétisé par les « accords » de Rambouillet. La France participera aux opérations de l’OTAN en Serbie en 1999.

• Cette position « antirusse » n’empêche pas Chirac de poursuivre une politique d’équilibre en maintenant de bonnes relations avec la Russie. Ses relations avec Eltsine sont excellentes (elles le seront aussi avec Poutine, à qui il remettra le cordon de Grand-croix de la Légion d’honneur en 2006).

• C’est d’ailleurs la France qui fait campagne pour la transformation du G7 en G8 et pour la création du Conseil OTAN-Russie.

• Au Proche-Orient, la deuxième intifada donne à Chirac l’occasion de se distinguer de la politique de Washington et de celle de ses prédécesseurs en critiquant la répression menée par Sharon.

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• Il en est de même de la question irakienne, l’Élysée se prononçant contre les bombardements américains sur ce pays et militant pour la levée des sanctions.

• La cohabitation avec Jospin à Matignon ne soulève de problèmes que dans le cadre de la politique africaine, le premier ministre défendant des principes que le président doit évacuer au nom de la raison d’État.

• Par exemple, la guerre civile au Zaïre, qui se solde par la chute de Mobutu et la victoire de Kabila, voit Matignon imposer une non-intervention à l’Élysée, qui aurait été favorable à la poursuite du soutien à Mobutu.

• Après sa victoire de 2002 et la fin de la cohabitation, Chirac a les coudées franches pour mener partout la politique qu’il désire et c’est pourquoi il nomme ministre des Affaires étrangères un proche collaborateur, Dominique de Villepin, qui occupera le poste jusqu’en 2004 (il sera remplacé par Barnier, puis Douste-Blazy).

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• L’occasion offerte par la deuxième guerre du Golfe sera mise à profit pour réaffirmer le rôle qu’entend jouer la France, puissance militaire négligeable, mais qui jouit d’un grand prestige diplomatique, comme en font foi les applaudissements qui accueille le discours de De Villepin le 14 février 2003 au Conseil de sécurité de l’ONU, plaçant la France à la tête du front du refus de l’agression militaire de l’Irak par les États-Unis.

• La question irakienne focalise la hargne de Washington contre son allié, car malgré de nombreux intérêts communs, Paris continue de revendiquer une place particulière et une approche spécifique des relations internationales.

• Le champ d’action privilégié de Chirac dans ce deuxième mandat tourne autour de la construction européenne, car si l’Allemagne constitue la première puissance économique du continent, c’est la France qui en est encore la principale puissance diplomatique.

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• Par son rôle au sein de l’Europe, jusqu’au référendum de 2005, la France parvient, à accroître sa visibilité internationale.

• L’adoption de l’euro et les élargissements de 2004 et 2007 témoignent de la force d’attraction de ce projet qui fut à l’origine français. Cependant, il est certain que cette expansion continuelle de l’Union finit par entraîner des conflits entre des États très différents.

• Le projet de constitution européenne donne la mesure de ces difficultés, aboutissant à un compromis entre une vision confédérale et transnationale. On parvient à créer une sorte de gouvernement de l’Union, dont les prérogatives sont cependant limitées.

• C’est trop pour les Français, à qui l’on soumet le projet en 2005 et qui votent à plus de 53 % contre le projet. Ils seront suivis par les Néerlandais, ouvrant la plus grave crise politique que la construction européenne ait connue.

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3.2 – Depuis 2007

• L’approche de Sarkozy de la politique étrangère est en rupture avec le gaullisme. D’abord, elle s’illustre par une tendance pro-européenne affirmée.

• Après le rejet du traité constitutionnel, les 26 (28) révisent le texte, qui demeure le même dans les grandes lignes. Il est présenté à Lisbonne en octobre 2007, signé en décembre, avant d’être ratifié par la France en janvier 2008. On ne risquera pas alors de référendum.

• Sarkozy a joué un rôle fondamental dans ce processus, de même qu’il multipliera les interventions à partir de l’été 2008, alors qu’il occupera la présidence du Conseil de l’union pour six mois, afin de favoriser une intervention des puissances mondiales pour enrayer la crise économique.

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• Mais la vraie rupture par rapport au gaullisme se trouve ailleurs, dans la volonté de Sarkozy d’abandonner le principe « alternatif » au profit d’un rapprochement avec les États-Unis et l’OTAN.

• Sans s’engager militairement en Irak, Paris renforce sa participation en Afghanistan et fait savoir à Washington sa disponibilité pour lutter contre le « terrorisme international ».

• Cet « atlantisme » est illustré par le rétablissement de rapports « normaux » avec l’OTAN, consacré par la réintégration du commandement unifié en 2009.

• Ce rapprochement ne va cependant pas jusqu’à faire de la France un allié aussi fidèle des États-Unis que l’est le Royaume-Uni. Car Sarkozy donne l’impression de vouloir à tout prix attirer l’attention, même si pour cela il lui faut défendre des positions qui ne sont pas nécessairement partagées par ses alliés.

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• C’est le cas des efforts qu’il a déployés pour normaliser les relations avec la Lybie et la Syrie, ou pour s’interposer entre la Russie et la Géorgie, grand allié de Washington, lors de la guerre de l’été 2008.

• Malgré ces différences, la politique étrangère française n’a jamais été aussi près de celle de Washington que depuis 2007. L’interprétation du « printemps arabe » en France ne diffère guère de celle proposée par les États-Unis, et il en est de même de la politique menée en Syrie.

• L’arrivée à la présidence de François Hollande n’a pas remis en question cette orientation atlantiste de la politique étrangère. La France a fait sienne la théorie américaine du « R2P » (Right to protect), d’autant que le « devoir d’ingérence » de Bernard Kouchner dans les années 1990 s’inscrivait dans la même logique.

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• C’est pourquoi la France a participé à la majeure partie des opérations militaires menées par les États-Unis depuis Obama, en Libye, en Syrie ou contre l’État islamique.

• Et sur la question ukrainienne, la France s’aligne sans défaillir sur la position de ses alliés européens et américains, sans chercher, comme l’aurait fait de Gaulle, à proposer une voie mitoyenne.

• Même si elle conserve des velléités d’autonomie (comme l’intervention au Mali en 2013 l’a illustrée), la France semble avoir fait sienne la théorie de « l’hégémonisme bienveillant » de Washington, version moderne du « fardeau de l’homme blanc » de Kipling, abandonnant l’approche réaliste au profit d’une conception idéaliste de la politique étrangère.

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4 – Mutations sociales de l’après « Trente glorieuses »

4.1 – Démographie et immigration

• En janvier 2014, la population de la France s'établissait à 64 millions, dont environ 3 millions d’étrangers. Depuis la guerre, la population du pays a cru de 50 %, ce qui constitue une véritable révolution démographique. La croissance se poursuit, car le pays comptait près de 60 millions d’habitants au tournant du siècle.

• Cette hausse continue s’explique par un accroissement de la natalité, même si celle-ci n’est pas continue. L’indice de fécondité, après être tombé à 1,7 enfant par femme dans les années 90, est aujourd’hui remonté à près de 2 enfants par femme.

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• C’est insuffisant pour assurer le renouvellement naturel de la population, mais cela constitue une anomalie en Europe, alors que la moyenne des pays membres de l’UE n’atteint pas 1,6 et que plusieurs pays ne dépassent pas un indice de 1,3.

• La croissance démographique s’explique aussi par l’augmentation de l’espérance de vie : 83 ans pour les femmes, 78 pour ans les hommes. Ces chiffres étaient de 77 et 69 en 1975 et de 82 et 74 en 1995.

• Les plus de 65 ans constituent 17 % de la population totale, contre 11 % en 1946. Grâce à une natalité vigoureuse, la situation n’est pas catastrophique et moins difficile qu’ailleurs, ce pourcentage étant stable depuis une quinzaine d’années.

• Recul de la population active et de la population de moins de 20 ans (passée de 30 % à 25 % en 40 ans) soulèvent le problème du financement des retraites.

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• Afin d’assurer la pérennité du système, le recul de l’âge de la retraite et l’augmentation des cotisations semblent inévitables.

• Pouvant compter sur une natalité assez forte, le gouvernement s’est employé depuis le milieu des années 1970 à restreindre l’immigration, et le nombre d’étrangers aujourd’hui en France est de 25 % inférieur à ce qu’il était au début des années 1980.

• Même si les possibilités d’immigration ont été restreintes pour beaucoup au regroupement familial, cette baisse s’explique aussi par la naturalisation.

• On estime que, malgré les diverses tentatives de limitations des flux migratoires, près de 50 000 personnes s’installent chaque année en France.

• La natalité en France s’explique aussi par l’apport migratoire, les politiques de regroupement familial ayant provoqué des mutations dans la population migrante.

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• Celle-ci compte beaucoup plus de femmes, d’enfants et de jeunes que jadis. Mais il s’agit d’un effet temporaire, la population d’origine étrangère s’adaptant aux normes démographiques de la société d’accueil en deux ou trois générations.

• L’autre grand changement dans l’immigration récente concerne l’origine des populations immigrées : si les Européens constituaient plus de 60 % des immigrants en 1975, ils ne sont plus que 35 % aujourd’hui, les populations d’Afrique noire et d’Afrique du Nord ayant considérablement augmenté. La population musulmane s’élève aujourd’hui à plus de 5 millions de personnes.

• Les principaux groupes de migrants sont les Marocains et les Algériens, dont le mode de vie et les pratiques culturelles différent de ceux des indigènes, entraînant des conflits de plus en plus graves au fur et à mesure de l’augmentation de leur nombre. D’autant que ces populations ont tendance à se concentrer.

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• Les changements économiques, qui ont réduit la demande dans les secteurs réclamant peu de qualification font en sorte que ces populations, moins bien formées que les locaux, souvent victimes de discriminations par les employeurs, présentent des taux de chômage beaucoup plus élevés.

• Le cycle pauvreté-ghettoïsation-criminalité s’engage alors, ce qui explique la montée des appuis au FN et l’habitude de la droite traditionnelle de chasser désormais sur les terres de l’extrême droite.

• Même si les griefs de non-adaptation à l’endroit des immigrants ne sont pas nouveaux et que l’on reprochait les mêmes choses aux Italiens il y a 150 ans, force est de constater que les conditions ont changés et que la religion, jadis facteur d’intégration des Italiens, par exemple, et aujourd’hui un facteur d’exclusion.

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• La persistance d’un chômage élevé et les déficits budgétaires de la Sécurité sociale n’aident pas la population immigrante, elle qui se voit reprocher de voler les emplois des locaux ou de vivre au crochet de l’État, favorisant l’exclusion.

• L’attitude de la société et du gouvernement quant à la l’immigration et aux problèmes qu’elle soulève a fluctué au cours des dernières décennies.

• Au début des années 1980, le modèle multiculturel était défendu, mais aujourd’hui, la tendance assimilatrice domine, État et société considérant qu’il existe une culture républicaine qui peut s’enrichir au contact des étrangers, mais que ceux-ci doivent se fondre, et non se juxtaposer, à la société d’accueil.

• Le modèle d’intégration fonctionne bien : mariages mixtes, baisse de la natalité et hausse de l’instruction chez les « étrangers » de 2e et 3e générations tendent à démontrer une certaine efficacité des politiques.

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4.2 – Changements structuraux

• Les migrations intérieures ont été nombreuses au cours des quarante dernières années, la population rurale continuant de baisser au profit des grandes agglomérations. Il est cependant difficile de caractériser de façon univoque ces mouvements sur une si longue période, car ils ont grandement fluctué.

• Jusque dans les années 1960, Paris concentrait l’essentiel de l’immigration intérieure, mais sa part dans l’ensemble a constamment diminué au profit d’autres grandes agglomérations, mais aussi de villes de taille moyenne, que l’on retrouve partout sur le territoire.

• Néanmoins, la capitale et sa région continuent de voir leur population croître de façon importante, passant de 8 millions dans les années 1960 à plus de 12 millions aujourd’hui.

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• Différents facteurs expliquent ces migrations : restructuration de l’économie rurale, fin des industries « traditionnelles » et essor de la « nouvelle économie », concentration des institutions d’enseignement dans les grandes villes, désir de « vivre en ville » de la jeunesse, qui fait écho à celui de « vivre en paix » des plus âgés.

• La question du logement a aussi son rôle. Malgré les consentis dans les années 1970, le déficit de logements continue de poser divers problèmes et explique le ralentissement de la concentration urbaine.

• Dans les grandes villes, les prix de l’habitation sont prohibitifs, poussant les jeunes familles et celles à faible revenu à s’éloigner des centres.

• Certaines régions voient leur population croître, alors que d’autres se retrouvent déficitaires, même si ici aussi, les fluctuations sont importantes au cours de cette longue période.

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• Au cours des deux dernières décennies, les zones sud et ouest du pays (comme les Pyrénées, l’Aquitaine, le Languedoc, ou encore la Bretagne) ont vu leur population croître, alors que le Nord-Pas-de-Calais, la Champagne et la Lorraine ont perdu des habitants.

• L’urbanisation a été rapide jusque dans les années 1970, mais elle s’est ralentie depuis. À cette date, 72 % de la population du pays vivait « en ville », alors qu’aujourd’hui elle est de 78 %.

• On considère généralement que la France est le plus rural des États d’Europe occidentale, un grand nombre de Français continuant de vivre dans de petites agglomérations péri-rurales.

• Ces changements dans l’habitat ont leur corollaire dans les conditions de vie et les modes de vie des différentes classes économiques et les progrès techniques en matière de productivité agricole ont accéléré le processus d’affaissement de la classe rurale.

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• Si en 1968, on comptait 3 millions de paysans, ils sont aujourd’hui moins d’un million et ne représentent plus que 4 % de la population active. 30 % de ces « paysans » vivent aujourd’hui en ville.

• En tenant compte de la réduction du nombre de femmes et des personnes âgées dans l’ensemble et de l’accroissement de la formation des exploitants, on en déduit une mutation fondamentale de l’activité agricole  : la fin de l’agriculture familiale.

• Les caractéristiques qui ont toujours distingué le mode de vie rural n’ont plus guère de réalité. Les fermiers sont des entrepreneurs et leur statut social, presque de tout temps fut considéré comme inférieur à celui de la classe ouvrière, est désormais souvent supérieur.

• Cela ne veut cependant pas dire que leur niveau de vie est systématiquement plus élevé, car le paysan-entrepreneur demeure aux prises avec des problèmes économiques qui lui sont propres.

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• Les changements technologiques des dernières décennies ont fait en sorte d’effacer les distinctions dans les conditions de vie des paysans, la vie en campagne ne se distinguant plus guère de la vie en ville.

• La classe ouvrière est passée dans les années 1970 de 40 % de la population active à un peu plus de 20 % aujourd’hui. Seulement dans les années 1980, l’industrie française a perdu près d’un million d’emplois.

• Les secteurs les plus touchés furent le textile, la construction et l’automobile, ces deux derniers secteurs ayant été le moteur de la croissance des Trente Glorieuses. Délocalisation, mondialisation et automatisation expliquent ces changements.

• C’est ce qui fait dire à certains spécialistes que la classe ouvrière est en train de mourir. L’effondrement des effectifs des syndicats, qui regroupaient dans les années 1950 50 % de la population active et ne comptent plus aujourd’hui que 8 % de la population active est éloquent.

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• On a assisté à une « tertiarisation » de la classe ouvrière, le secteur tertiaire employant aujourd’hui plus de 70 % de la population active.

• La classe emblématique du XXe siècle n’est plus aujourd’hui que l’ombre d’elle-même. Ce processus s’est aussi accompagné d’un embourgeoisement des classes médianes, même si ce ne sont pas tous les actifs du tertiaire qui bénéficient de bonnes conditions de vie.

• Si les petits entrepreneurs ont vu leur nombre diminuer au cours de ces décennies, en revanche, d’autres secteurs ont vu croître la demande.

• Le nombre de personnes œuvrant dans une profession libérale ou intellectuelle a doublé entre 1975 et 2005, passant de 1,6 million à un peu plus de 3 millions de personnes. Le nombre des cadres d’entreprise a aussi crû de 42 % au cours de ces années.

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• Plus en bas de l’échelle, les professions intermédiaires (enseignants, techniciens, fonctionnaires) ont vu aussi le nombre de leurs membres croître de 3,5 à 4,5 millions entre 1975 et 2005.

• Quant aux employés, ils constituent aujourd’hui plus de 6 millions de personnes, ces changements s’expliquant par une hausse continuelle de l’instruction, répondant et stimulant à la fois les changements techniques en cours.

• Au sommet de la pyramide sociale, on trouve le même groupe que celui qui dominait dans les années 1970,

• Cela témoigne de la capacité du système à assurer la reproduction des élites et de son incapacité à intégrer de nouveaux venus, malgré l’accroissement de l’instruction, le nombre d’inscrits à l’enseignement supérieur ayant doublé au cours des 30 dernières années.

• Faire des études ne garantit plus rien, sinon peut-être, de ne pas tomber plus bas dans l’échelle sociale.

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• Car si l’ascenseur social peut théoriquement aller dans les deux directions, il descend plus facilement qu’il ne monte. Les working poor sont en France aussi nombreux que dans les autres États désindustrialisés, occupant des postes peu rémunérés et précaires.

• Tout le secteur du commerce au détail, nerf de l’économie moderne, regorge de ces travailleurs à faible revenu, peu qualifiés, souvent issus de l’immigration et au sein desquels on trouve un fort pourcentage de femmes.

• Encore que cette situation est préférable à celle des exclus du marché du travail, dont le nombre n’a cessé de croître au cours des dernières décennies, ne descendant que rarement sous la barre des 10 %.

• Il touche particulièrement les jeunes (entre 20 et 25 % au cours des cinq dernières années) et peut durer très longtemps, plus de 40 % des inscrits à l’ANPE étant en 2012 à la recherche d’un emploi depuis plus d’un an.

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• L’origine professionnelle de ces chômeurs est très variée : aux ouvriers et employés du tertiaire se sont ajoutés des cadres, mis à pied pour cause de restructuration, souvent âgés de plus de 50 ans et incapables de trouver un nouvel emploi.

• Lorsqu’ils arrivent à la fin de leurs prestations de chômage, ils rejoignent les « nouveaux pauvres » : assistés sociaux, membres des classes inférieures étranglés de dettes, jeunes sans formation, mères monoparentales émigrées, etc.

• Toute une « industrie de la pauvreté » a grandi sur ce terreau, les restos du cœur (fondés par Coluche) et les gîtes temporaires pour les SDF venant pallier les déficiences de gouvernements qui cherchent à ne pas dépasser les 3 % de déficit autorisé par le pacte monétaire européen.

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• La crise structurelle des dernières décennies en favorisant la concentration de la richesse entre des mains peu nombreuses et en laminant la classe moyenne, a remis en question la concorde sociale.

• Le modèle républicain qui, sans avoir été de tout temps très redistributif, mais qui au moins insistait sur l’égalité des chances de tous à la naissance, se trouve ainsi mis à mal.