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Introduction: Cataclysme sans précédent, le 6 août 1945 tombe la première bombe atomique employée à l’encontre de civils sur la ville japonaise d’Hiroshima. Anéantissement d’une partie de l’humanité, anéantissement de notre vision de l’humanité, Hiroshima consterne, Hiroshima exig e de de ve nir mémoire. C’est de ce besoin fondamental de dire l’indicible que naît ce que les critiques nommeront la Littérature de la Bombe Atomique. Ce courant que nous évoquerons à travers une sélection d’œuvres littéraires, graphiques et cinématographiques datant de 1947 (Fleurs d’été de Hara Tamiki) à 1973 (Gen d’Hiroshima de Nakazawa Keiji), nous l’appréhenderons au fil de trois générations thématiques d’auteurs. La première génération d’auteurs, témoins du drame, s’applique d’abord à décrire l’horreur d’Hiroshima ; La seconde, vingt ans plus tard, pose la question de la survie des irradiés ; De la troisième génération d’écrivains, nous retiendrons plus particulièrement la singularité de l’univers romanesque d’Abe Kôbô dont les personnages semblent porter en eux- mêmes une part d’Hiroshima. 1ère génération Nakazawa Keiji 中沢啓治: Nakazawa Keiji est né à Hiroshima le 14 mars 1939 et y décède le 19 décembre 2012 des suites d’un cancer des poumons. C’est un auteur de la première génération de la littérature de la bombe atomique (Genbaku bungaku 原爆⽂学), c’est un survivant de la bombe qui recherche par ses œuvres la paix, c’est un devoir de mémoire. Il publie de nombreuses histoires qui font attrait à la guerre, à la bombe comme « Sous la pluie noire » (黒い⾬にうたれて) publié en 1968 dans laquelle il nous montre les américains impliquer dans les bombardements comme des scientifiques sadiques ou encore son œuvre « おれ は⾒た » littéralement « je l’ai vu » publié en 1972 dans la revue Jump, il y évoque pour la première fois sa propre expérience de la bombe atomique. C’est le chef de la revue Jump, Tadasu Nagano qui propose à Nakazawa Keiji d’en réaliser une version plus ambitieuse : Le projet Hadashi no Gen (Gen d’Hiroshima) débute le 4 juin 1973 dans le weekly shônen Jump. Cette œuvre est la plus célèbre de Nakazawa Keiji, elle y raconte la dure vie de Gen, un jeune garçon vivant à Hiroshima avec sa famille et qui doit faire face à l’horreur provoqué par la bombe atomique. Cette œuvre, en partie autobiographique reprend des éléments de l’horreur vécu par l’auteur comme la mort de son père, sa sœur et son frère dans l’incendie brûlant les décombre de leur maison. Hadashi no Gen débute durant l’été 1945 et pose le décor de la famille de Nakaoka Gen. Dans la première partie de l’œuvre, l’auteur nous montre la vie durant la guerre d’une famille d’Hiroshima, les maltraitances dû aux opinions pacifistes du père et à la rancœur de leurs voisins. Apparait ensuite la

Hiroshima Exposé

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  • Introduction: !Cataclysme sans prcdent, le 6 aot 1945 tombe la premire bombe atomique employe lencontre de civils sur la ville japonaise dHiroshima. Anantissement dune partie de lhumanit, anantissement de notre vision de lhumanit, Hiroshima consterne, Hiroshima e x i g e d e d e v e n i r m m o i r e . Cest de ce besoin fondamental de dire lindicible que nat ce que les critiques nommeront la Littrature de la Bombe Atomique. Ce courant que nous voquerons travers une slection duvres littraires, graphiques et cinmatographiques datant de 1947 (Fleurs dt de Hara Tamiki) 1973 (Gen dHiroshima de Nakazawa Keiji), nous lapprhenderons au fil de trois gnrations thmatiques dauteurs. La premire gnration dauteurs, tmoins du drame, sapplique dabord dcrire lhorreur dHiroshima ; La seconde, vingt ans plus tard, pose la question de la survie des irradis ; De la troisime gnration dcrivains, nous retiendrons plus particulirement la singularit de lunivers romanesque dAbe Kb dont les personnages semblent porter en eux-mmes une part dHiroshima.

    !1re gnration

    !Nakazawa Keiji :

    Nakazawa Keiji est n Hiroshima le 14 mars 1939 et y dcde le 19 dcembre 2012 des suites dun cancer des poumons. Cest un auteur de la premire gnration de la littrature de la bombe atomique (Genbaku bungaku), cest un survivant de la bombe qui recherche par ses uvres la paix, cest un devoir de mmoire. Il publie de nombreuses histoires qui font attrait la guerre, la bombe comme Sous la pluie noire () publi en 1968 dans laquelle il nous montre les amricains impliquer dans les bombardements comme des scientifiques sadiques ou encore son uvre littralement je lai vu publi en 1972 dans la revue Jump, il y voque pour la premire fois sa propre exprience de la bombe atomique. Cest le chef de la revue Jump, Tadasu Nagano qui propose Nakazawa Keiji den raliser une version plus ambitieuse : Le projet Hadashi no Gen (Gen dHiroshima) dbute le 4 juin 1973 dans le weekly shnen Jump. Cette uvre est la plus clbre de Nakazawa Keiji, elle y raconte la dure vie de Gen, un jeune garon vivant Hiroshima avec sa famille et qui doit faire face lhorreur provoqu par la bombe atomique. Cette uvre, en partie autobiographique reprend des lments de lhorreur vcu par lauteur comme la mort de son pre, sa sur et son frre dans lincendie brlant les dcombre de leur maison. Hadashi no Gen dbute durant lt 1945 et pose le dcor de la famille de Nakaoka Gen. Dans la premire partie de luvre, lauteur nous montre la vie durant la guerre dune famille dHiroshima, les maltraitances d aux opinions pacifistes du pre et la rancur de leurs voisins. Apparait ensuite la

  • bombe, les incendies, les morts, la maladie atomique, loccupation daprs-guerre, les marchs noirs, les yakuzas ainsi que le dbut du Japon moderne. Nakazawa keiji nhsite pas dans ces dessins nous montrer les atrocits quil a vu de ses propres yeux partir du fameux 6 aot 1945 et notamment les cadavres entasss, bruls, les survivants mutils, la peau brule, qui a fondu, les morceaux de verre souffl par la bombe, les gens bruls dambulant dans la ville la recherche deau ou de personnes de leur entourage, en le lisant on entend presque la litanie des voix appelant laide ou qumandant de leau. Ce manga est poignant par son ralisme, lauteur nous ouvre une part de sa mmoire, bien que ses souvenirs soit violents. Cette uvre reprsente bien les auteurs de premire gnration qui raconte ce quils ont vu, ils tmoignent pour que cela ne se reproduise pas. Hadashi no Gen fut adapt de nombreuses fois en films, dessin anim, pice de thtre Je vais vous montrer un court extrait des minutes qui ont suivi la chute de la bombe dans ladaptation de Gen dHiroshima datant de 1983 adapt par Mori Masaki. [35 :20 36 :04 soit 44 secondes] Liaison Nakazawa Keiji -> Fleur dt : Nakazawa Keiji frappe par le ralisme de son tmoignage tant travers ses dessins que son histoire. Nous allons vous parlez maintenant dun auteur qui crit lui aussi son tmoignage de la bomba A, il sagit de Tamiki Hara. !!Transition

    Les japonais , marqus dans leurs chairs , sont plus que quiconque habilits mettre en garde les hommes , jouer le rle ternelle de Premire et unique victime de la bombe atomique pour ceux qui oublieraient trop vite quune guerre , cest avant tout des morts injustifis , et injustifiables .

    Le genbaku bungaku sera leur arme principale , une arme qui aujourdhui encore , malgr les annes qui sgrainent et les mmoires qui soublient petit petit , permet de maintenir une certaine raison et conscience dans lesprit de chacun

    La littrature , pour certains , se rsumerait raconter des histoires fictives ou non , drles , tragiques . Cest avant tout un instantan , un reflet dune socit , de ses valeurs , de ses dsirs , de ses peurs , . Il ny a pas Une mais Des littratures ,pour chaque poque , par mais poque il ne faut pas comprendre poque historique car lhistoire est dfinie le plus souvent par les dbuts ou bien les fins de rgnes , de guerre , par lmergence de nouvelles technologies , de nouveaux concepts . La littrature , quant elle se base sur le vcu de chacun , leur pass , futur , prsent , elle permet de laisser une trace crite , un tmoignage qui correspondrait une situation , une ambiance gnrale un temps T de lhistoire , dune poque .

    Les japonais , marqus dans leurs chairs , sont plus que quiconque habilits mettre en garde les hommes , jouer le rle ternelle de Premire et unique victime de la bombe

  • atomique pour ceux qui oublieraient trop vite quune guerre , cest avant tout des morts injustifis , et injustifiables .

    Le genbaku bungaku sera leur arme principale , une arme qui aujourdhui encore , malgr les annes qui sgrainent et les mmoires qui soublient petit petit , permet de maintenir une certaine raison et conscience dans lesprit de chacun

    !Tamiki hara , hiroshima fleurs dt , fiction biographique

    N Hiroshima en 1905 et diplm de littrature anglaise, Tamiki Hara milita, au cours des annes 30, dans divers mouvements politiques de gauche. Il publie un premier recueil de nouvelles, Flammes (1935), o les thmes de la mort et de la solitude occupent une place centrale. En 1944, alors que la guerre fait rage, il perd sa femme et part chercher refuge dans sa ville natale. Il y sera tmoin de lexplosion de la premire bombe atomique, dont Fleurs dt (1947) est le pathtique rcit.

    Bien que la tragdie se passe une chelle locale , les consquences seront par la force des choses , mondiales .Tamiki hara , pour toucher le plus de conscience , fait le choix dune criture occidentale pour cette uvre majeure . Cest un livre que lon pourrait considr comme une biographie fictionnelle , compose de 3 rcits . Lauteur se sert de son vcu pour dcrire une ralit quil ne peut probablement assum par son propre regard seul . Etant une des victimes directes de la bombe on aurait pu sattendre une biographie classique , cependant travers cette uvre hara tamiki prfre donner sa place un hro . On pourrait en dduire quil tait plus facile de faire vivre son traumatisme des tres imaginaires plutt que de se replonger lui-mme dans cet act horrifique , qui probablement , en plus de lavoir physiquement, laura chang sur le long terme .

    3 rcits , semblable aux passage des saisons

    Ce matin-l il faisait sombre et on avait limpression quil allait se mettre pleuvoir dun moment lautre .

    Le but de lauteur dans cette partie est de plonger le lecteur dans le quotidien des civils , entre journe dennuies ( cela malgr la tension qui pse sur le moral des populations civiles avec le passage rguliers des avions de reconnaissances et autres bombardiers amricain ) , entrainement la caserne , travail lusine , conflits sentimentaux , conflits entre les diffrents membres de la familles mis sous pression . Lobjectif serait ici , dinstaurer une sorte de lenteur ,de faire oublier au lecteur le sujet originel de luvre quil tient entre les mains , routine banale dune epoque de guerres pour mieux destabiliser , traumatiser , choquer le lecteur avec les vnements qui vont suivre .

    !!

  • Fleurs dt : 2me rcit de louvrage

    quelques secondes plus tard , je ne sais plus exactement , il y eut un grand coup au-dessus de moi et un voile noir tomba devant mes yeux . Instinctivement je me suis mis hurler et , prenant ma tte entre mes mains , je me levais .

    !.jeus la vie sauve , parce que jtais aux cabinets ce matin du 6 aout

    !Cest le point dorgue de cette lecture , la transition est brutale et innatendu limage de

    ce qu pu vivre les habitants de Hiroshima . Le narrateur est aux toilettes lvnement qui mettra un terme la guerre se produit , par miracle il survit et parvient sextraire des dcombres et commence alors cette marche funeste .

    Il est accompagn de certains membres de sa famille et ne peuvent que constater lhorreur dans laquelle ils baignent , limpuissance dont ils sont victimes , le conflit permanent entre aider les autres ou saider soi mme . Ils ne sont pas encore conscients quils sont les premires victimes dune arme redoutable , la bombe atomique vient de faire son uvre . Lenfer sur terre , entre les brasiers de feu , les cendres , le ciel obscurcit , les mes errantes , le constat est sans appel :le narrateur se doute bien que plus rien ne sera plus jamais comme avant

    !Ruine : 3me et dernier rcit : en effet , il y avait continuellement Hiroshima ,

    quelquun qui recherchait , maintenant encore , une personne

    !Plusieurs mois plus tard , le narrateur vit laprs bombardement . Il dcide daller la

    recherche des membres de sa famille . La famine , la dsolation se sont imposes , le dsespoir rgne et il est difficilement concevable pour quiconque denvisager un futur paisible . lauteur ne peut que constater les multiples dcs ou bien les gurissons prcaires .

    La maladie fait rage , on ralise les effets secondaires suite lexplosion de la bombe , les survivant du premier acte meurent la suite de lexposition aux retombes radioactives , le sort sacharne .

    La particularit des 3 rcits , en plus dtre un tmoignage fictionnel , se trouve dans la faon que lauteur a pour signifier les personnages , on en arrive se demander si les personnages sont les mmes tout le long , la blessure est identitaire , physique , psychologique .

  • Dans le premier tout le monde a un nom une identit qui lui est propre , identit que tout le monde perd durant le deuxime rcit , pour finir avec le dernier o l le narrateur , traumatis , devient incapable dappeler les personnes de sa propre famille par leur prnom comme si le simple fait davoir vcu la bombe les avaient chang tout jamais que les personnes quils taient avant navaient pas survcues , quils ne sont plus que des vestiges dune poques rvolues

    !Transition ,

    Aprs ce cataclysme , tamiki hara crivait ces quelques mots

    miraculeusement indemne , ce doit tre la volont du ciel que je survive et rapporte ce qui sest pass . Sil en est ainsi , ma tche est toute prte. tentative visiblement dsespr de laver sa mmoire puisquil fera le choix de mettre fin ses jours en 1951 . Ce geste sera principalement motiv par sa peur de voir lexprience se renouveler en Core du nord.

    Pour garder la raison , on invoque la volont du ciel pour justifier en partie ce qui vient de se passer , ainsi raisonne galement Tge Sankichi ce que nous avons subi, il faut que ce soit aussi la volont de dieu qui connaitra lui aussi une fin prcoce , en dcdant en 1953 dune leucmie . Il laissa un ouvrage majeure de la posie et du genbakubungaku sintitulant pomes de la bombe atomique

    ! tge sankichi

    N au Japon en 1917, Tge Sankichi a commenc crire ds lge de dix-huit ans. Il tait g de vingt-huit ans quand la bombe atomique a explos Hiroshima. Il mourut en 1953 lge de trente-six ans dune leucmie, consquence de lirradiation. Un de ses pomes est grav, en japonais et en anglais, sur une stle qui lui est ddie (depuis 1963) dans le Parc de la Paix de Hiroshima. A ce jour, seule la revue Po&sie a publi quelques traductions en franais de ses pomes.

    !uvre porte universelle, profondment humaniste, lauteur ici dlaisse le tanka pour

    lui aussi sadonner la posie occidentale . Cest une thrapie , un moyen dexorciser ses dmons et de donner une voix , redonner une vie , une histoire ces corps sans vie , ces victimes qui ne peuvent pas se cacher de leur pass . Ainsi , labsurde ctoie lincomprhension .

    !!

  • AFFICHER : AH !

    Pourquoi moi

    Pourquoi moi

    Ici au bord de la route

    Arrach de toi

    Dois-je

    M , m

    Our

    I

    r

    ! Ce matin un clair de 1000C imprime sur une paisse dalle de granit les hanches de quelquun

    Ah , sil est vrai ce matin-l

    .Nous aussi nous sommes des poteaux funraires

    !lire le pome 85 86

    Son discours est cru , il ne cherche pas llgance du vers , seulement retranscrire avec des mots justes ce que lon a du mal exprimer . Il intgre dans son recueil CHRONIQUES DE LENTREPOT , sorte de journal de bord tal sur 8 jours dcrivant le quotidien de certaines victimes en attente de soin ou de la mort

    le but ici tant de reconstruire un semblant de dignit et didentit , destines aussi bien aux mort quaux vivants malgr eux . Nombreuses sont les personnes qui auraient prfr mourir plutt que de vivre dans la honte davoir survcu . Le message globale du recueil est clair il faut aller de lavant , malgr ce propos , on peut noter une certaine lassitude , dexaspration et lauteur remet mme en cause lutilit et la porte de son discours , il est certain que lhomme , malgr sa volont de vouloir la paix sera probablement larchitecte de sa propre destruction , il na lui-mme pas besoin daller chercher trs loin pour prouver cela ; il comprend malheureusement trop bien que lusage de la bombe atomique , en plus dtre une exprience scientifique et aussi le moyen le plus direct trouv par les tats unis pour couper court aux ambitions de lURSS qui lorgne sur lAsie , en gros le but ntait pas de vaincre lennemi mais de gagner en premier pour garder le contrle

  • son pome matin rsume bien la situation , il y fait description dun rve , que lon pourrait dire gnrique , un rve dans sa forme la plus pure , la paix , le beau temps , les rivires Rves que miroitent louvrier dont la sueur stagnent dans les corchures que lui a laiss lclair , , la femme affal sur sa machine coudre et aux cicatrices encore douloureuses , lenfant au coup plein de morceaux de verre , seuls rves les sans espoirs . Et o dans la paix du peuple les fruits abondants de la science humides de rose comme de lourdes grappes de raisin seront tenus dans nos bras , de ce matin l ils rvent

    lauteur sautorise rver mais sans conviction, lui-mme ni croit probablement plus . Il a loccasion de vivre loccupation amricaine et ses femmes japonaises qui vendent leurs corps ltranger

    !AFFICHER 1945 , AUGUST 6

    En ce minuit en plein midi

    Lhomme coup sr livr dieu

    Aux flammes

    . Lhistoire a trahit dieu en embuscade:

    !!2me gnration !

    Transition entre 1re et 2me gnration

    Il semble qu travers luvre des auteurs que nous venons dvoquer, la littrature de la Bombe Atomique se prsente comme une littrature pour embaumer les morts, quelle crie la mort. Mais 20 ans plus tard, quen est il de lhomme Hiroshima, parvient-il se reconstruire sous le regard des victimes de la Bombe ? Cet auteur, e Kenzaburo naura de cesse de penser ltre humain Hiroshima . N en 1935 cet intellectuel fru de littratures trangres, notamment franaise se fait connatre au Japon ds lge de 22 ans pour son roman Gibier dlevage qui obtiendra le Prix Akutagawa et voit son uvre couronne par le Prix Nobel de Littrature en 1994.

    !Notes de Hiroshima

    Je ne puis mempcher de souhaiter ardemment que la gurison de toute notre socit ou plutt de lhumanit de la plante entire soit luvre des victimes de la Bombe Atomique Ainsi sexprimait e Kenzaburo lors dune confrence. Le point de dpart de cette rflexion est son essai intitul Notes de Hiroshima publi au Japon 20 ans aprs la catastrophe. En tant qucrivain minent de la littrature de la Bombe Atomique, ce nest

  • pas tant son voyage intrieur travers ses interrogations mais plutt sa perception aigue de la ralit dHiroshima et la valeur duniversalit quil lui confre qui le distingue. Le genre mme de lessai lui permet au fil des pages de transformer un simple reportage en une interrogation sur la condition humaine. Comment, anim par une qute pacifiste e dnonce-t-il les consquences dHiroshima ? A partir de cas particuliers quil rige en exemples, il interroge le 1er cataclysme nuclaire de lHistoire.

    Au dpart e se rend Hiroshima en tant qucrivain porte parole de la jeune gnration pour un reportage sur la 9me Confrence Mondiale contre les armes nuclaires en aot 1963 menace par des dissensions au sein du camp anti-nuclaire. Au-del de lagitation politique, cette semaine marquera pour lcrivain le dbut dune longue srie dinterviews de personnes irradies qui seront dabord publies dans le priodique local Sekai (Le Monde). e est en premier lieu confront la souffrance des victimes atomises, en japonais Hibakusha qui signifie littralement personne ayant subi le bombardement , souffrance physique vidente dans les locaux de lHpital de la Bombe A mais aussi souffrance morale de ceux dont le suicide et la folie sont lultime recours. Shda Shinoe, lune des premires rompre le silence des hibakusha, a su admirablement exprimer cette souffrance en particulier dans 2 tankas publis dans la revue Hiroshima no Kawa.

    L a b o m b e a v e u g l a n t e A m a f i l l e d e 2 0 a n s A t l a v u e Mais le jour o je mourrai Je lui donnerai mes yeux.

    Jai dit qu ma mort Je lui donnerai mes yeux On ma rpondu Les yeux dune atomise Que voulez-vous quon en fasse.

    Au-del de la souffrance, il y a aussi lhrosme de ceux qui malgr tout ne se suicident pas , qui tentent au prix defforts surhumains de vivre pour parler de la tragdie alors mme quils naspirent quau silence. e sattarde longuement sur le combat hroque des mdecins dHiroshima, et notamment du Dr Shiget directeur de lHpital de la Bombe A qui ne sest jamais accord la libert de capituler dans un combat contre la leucmie perdu davance.

    Au fil de son essai e se laisse gagner par le caractre poignant et authentique de chacun des Hibakusha qui il donne la parole et au-del de lexemplarit de leur tmoignage, lcrivain dnonce. Que penser de labandon total par les autorits des japonais dOkinawa irradis lors du bombardement ? Alors que rsonnent les slogans pacifistes, o en est-on des soins apporter aux personnes disperses travers le pays ? Qua-t-on retenu de la bombe atomique, sa puissance ou le dsastre humain quelle a caus ? Vingt annes aprs la catastrophe, plus que jamais il importe de se souvenir afin que plus jamais ne soit impose lhomme une exprience aussi cruelle.

    Dans leur combat quotidien contre le syndrome des atomiss les mdecins doivent affronter la ralit dHiroshima : se garder de trop esprer quand les consquences de lirradiation sur la jeune gnration sont encore incertaines, mais esprer quand mme alors que les plantes miraculeusement surgies du sol d Hiroshima aprs lexplosion ont

  • connu une mutation complte de leurs cellules ? Est-il totalement inenvisageable que le monde de demain nest plus figure humaine ? Cest nanmoins ce que laisse pressentir e

    Je nai videmment pas le courage de prtendre que tous les drames humains dont jai t tmoin Hiroshima () peuvent tre convertis en valeurs positives ; mais du moins mont-ils permis de distinguer o se place, chez les japonais, la dignit humaine.

    Jai rencontr des gens qui, sans jamais se dclarer vaincus, ont continu de vivre l o germe le pire dsespoir, lincurable folie() Jai cout la voix de gens qui sont rests sains desprit, et qui continuent envers et contre tout de nourrir les mmes aspirations. A Hiroshima, je crois avoir trouv des cls pour rflchir de faon concrte ce quest lauthenticit de lhomme. Et cest galement l que jai pu voir limposture la plus intolrable commise par ltre humain. Mais tout ce que jen ai vaguement discern nest quune part infime, affleurant en surface, dune chose absolument monstrueuse et terrifiante, encore tapie dans les tnbres.

    Au-del de la motivation personnelle de son essai, e parvient replacer les propos de ces survivants de la Bombe Atomique dans une perspective universelle. Sans doute Notes de Hiroshima a-t-il contribu sensibiliser lopinion internationale aux dangers de larme nuclaire. Pour autant cet idal de paix est-il encore une raison dtre dans notre socit ?

    Masuji Ibuse : !Masuji Ibuse est un romancier Japonais n dans le village de kamo, vers Fukuyama dans la prfcture dHiroshima le 15 fvrier 1898 et meurt en 1993 des suites dune pneumonie. Il tudia la littrature franaise luniversit Waseda et poursuivait aussi des tudes de peinture. Il publie partir des annes 20 romans et nouvelles comme la salamandre en 1929 ou Chronique dun naufrag en 1954-55. Cest un auteur de seconde gnration qui traite des effets de la bombe sur la socit dans son uvre pluie noire publi sous forme de feuilleton dans la revue Shincho en janvier 1945, pour lequel il reoit un prix, le prix Noma. Masuji Ibuse ntait pas Hiroshima le 6 aot 1945. Il sinspire de journaux de survivants de la bombe atomique pour crer le roman pluie noire . Ce roman traite de lexprience de Shigematsu, sa femme et sa nice entre le 6 et le 15 aot Hiroshima, le tout entrecoup dexpriences dautres personnages comme par exemple un mdecin grce aux lectures des journaux des protagonistes mais le romans pose son dcors cinq ans aprs la bombe et pose donc les problmes de la maladie atomique, la vie et le traitement des irradis au lendemain de la guerre, du mariage des Hibakusha (comme on le voit avec le cas de Yasuko, la nice de Shigematsu, expose la pluie noire tomb quelques heures aprs la bombe et qui tait fortement irradiante). Extrait page Pluie Noire est adapte en 1989 en film par Shohei Imamura. !

  • !Film. !!PLUIE NOIRE

    Imamura Shhei ( Imamura Shohei )

    Il est n le 15 janvier 1926 Tokyo et avait dix-huit ans lorsque lempereur a annonc la capitulation du Japon qu'il a vcue comme une libration.

    Bien qu'ayant grandi dans une famille bourgeoise, il a dans sa jeunesse frquent les prostitues et les mauvais garons. C'est une projection de "L'Ange ivre" d'Akira Kurosawa qui le dcide faire du cinma.

    Il est considr comme idaliste, rebelle et attir par des sujets drangeants. A lheure de la naissance de la Nouvelle Vague Japonaise, ses films ont pour thme la vie du petit peuple japonais des basses couches sociales (La ballade de Narayama), ainsi que la dnonciation de l'oppression amricaine (Filles et Gangsters).

    Il n'a de cesse de critiquer la socit japonaise, son immobilisme et son pass lourd de culpabilit. Il est fru de satire et de provocation. Il pose un regard froid et clinique sur le petit peuple car c'est en entomologiste qu'il observe ses personnages. Il ne les juge pas et ne leur octroie pas de sens moral, il dpeint juste ces tres qui le fascinent pas leur nergie, leur instinct de survie. Les sous-titres de certains de ses films soulignent sa dmarche : "La Femme Insecte" / "Chronique entomologiques du Japon ; "Le Pornographe"/ "introduction l'anthropologie".

    [La ballade de Narayama : (1983)

    La Femme insecte : (1963) L'emblmatique Femme insecte, qui dpeint la vie d'une fille de la campagne envoye la ville pour tre servante et qui devient prostitue, responsable d'un syndicat des filles de joie, avant de retourner la misre, s'attache suivre, comme au microscope, une obstination existentielle. Soumise, blesse dans son corps et rprime dans ses dsirs, prisonnire des prjugs, l'hrone-type des films d'Imamura cherche conqurir identit et autonomie, se dlivrer de ses inhibitions et des carcans. Elle se sert de son corps, subit toutes sortes de viols (physiques ou politiques), reste une inlassable petite fourmi qui tourne en rond. Marxiste et freudien, Imamura affirme vouloir, par elle, traiter de pair "la partie infrieure du corps humain et la partie infrieure de la structure sociale".

    Le Pornographe : (1966) Imamura sintressera une quipe de porno.

    Filles et Gangters : Le premier plan de Cochons et cuirasss (sorti en France sous le titre Filles et gangsters) est un panoramique qui part d'un cuirass stationnant dans la baie de Yokosuka et qui, aprs avoir montr la cit, s'achve sur la basse ville, o les soldats

  • amricains jouent les cads et o, aprs la fermeture des maisons closes, les gangsters sont contraints d'lever des porcs pour nourrir l'occupant.]

    Kuroi Ame : 1989

    Adaptation du roman du mme nom de Masuji Ibuse dont nous venons de parler.

    Ce film correspond une ncessit pour Imamura de porter l'cran un roman du vieil et important crivain japonais Masuji Ibuse, dans lequel il est crit que la vie n'est pas faite pour attendre la mort . Il rpond aussi la ncessit pour lui de montrer des individus confronts la mort, la peur d'une mort qui progressivement les gagne.

    Il fallait ce style pur, d'une inquitante langueur, il fallait l'extraordinaire pudeur des interprtes dans le dchirement, la peur et la souffrance, comme celle de Yasuko perdant ses cheveux et reconnaissant le travail de la mort lente, pour, sur le thme cher Imamura du destin rcurrent, dpasser le phnomne historique et revenir aux racines du destin humain.

    La pellicule est en noir et blanc alors qu'Imamura tait dj pass aux couleurs, vives, flamboyantes, notamment avec le film "La ballade de Narayama". Ce retour au noir et blanc peut s'expliquer de plusieurs faons : En couleur les plans d'Hiroshima des passages narrs dans les journaux intimes auraient t plus encore horribles et auraient probablement retenu toute l'attention du spectateur, or le sujet principal de l'histoire est la vie des Hibakusha, les survivants et non pas l'horreur de la destruction d'Hiroshima. Certains voient aussi un hommage Alain Resnais et Marguerite Dumas pour "Hiroshima mon amour". Dans ce film on trouve l'impossibilit de faire un film sur la bombe atomique et c'est aussi ce qu'Imamura nous dirait sa faon "Tu n'as rien vu Hiroshima", parce que l'on ne peut pas vraiment reprsenter l'apocalypse.

    http://nezumi.dumousseau.free.fr/japon/imamura.htm

    !3me gnration !

    Abe kb !La bombe atomique ne se compose que dun clatement, ce nest pas la mort instantane la seule cause dangoisse et de peur, ce nest pas la chair dchire celle qui surnage dans le temps. Lirradiation nest que nuclaire. Cest autre que le feu et lirradiation ce qui impregne la socit japonaise. La peur de la mort et la connaissance de la plus profonde cruaut humaine sont des traces de la seconde guerre mondiale. Une terreur qui ne se rassasiera dans la synchronie du moment vcu, mais qui inondera la mmoire du monde entier. Comme consquence, la littrature de la bombe atomique ne se limite pas lannonce ou

  • narration des vnements, la narration du prsent atomique, mais, au contraire, cette littrature subsistera pendant au moins trois gnrations. !En ce qui concerne la troisime, celle de la rflexion, la bombe atomique no sera raconte de manire literal, mais littraire, rflexive et, en quelque sorte, psychologique. La bombe nest plus sujet narrative, mais fantme de la narration. Les problmes adjacentes la bombe, son traumatise, la dsintgration cultural et la destruction massive sera lombre de cette gnration. !Abe Kb, n en Tokyo en 1924 et mort en 1993, considr comme le Kafka japonais, sera la figure labyrinthique de laprs guerre. Il incarne donc les angoisses suivies de la bombe. Comme problme central on trouve le sujet et sa labyrinthique identit. Comment est-il possible lidentit dun sujet, comment ne pas la perdre, la maintenir, comment se prsenter devant les autres, comment montrer ou ne pas montrer son visage? Mais aussi la rclusion de lhomme en soi mme, dans une socit absurde, dont ses murs se dressent vers linfini jusqu troubler sa vision. !Abe Kb a gagner nombreux prix, dont le Agatawa en 1951 pour son premier roman les murs , le prix de la littrature de laprs guerre avec son conte le cocon rouge et avec son reconnu roman la femme des sables , le prix Yomiuri en 1962. !Sa littrature est proie de la rclusion dune vie sans vasion, dune identit perdue. ! L'homme est dans son trou, manie la pelle, regarde en haut, veut s'chapper, crie son angoisse et sa rvolte devant tant d'absurdit qui l'entoure et le tient prisonnier, dans ce trou de sable de village, dans ce trou de sable de vie. La femme des sables.

    La bombe a amen les situations les plus absurdes que lhomme pourrait en faire face. Des situations inimaginables, terreurs que seul les cauchemars pourraient supporter. De cette manire, sa littrature, absurde et fantastique nest que le reflet des vnements humains avant mtaphoriques, mais raliss au moment de la bombe et de la guerre. Des situations aujourdhui littraires et hypothtiques, vcues auparavant par les habitants d Hiroshima.

    Quun homme puisse perdre son identit, devenir un tranger pour soi mme, quil puisse perdre sa maison, sa famille et son visage. On dirait des scnarios fictives, romanesques, mais aussi des situations relles, vcues par les victimes de la guerre.

    Ainsi, le traumatisme des absurdits de la guerres envisags dans Hiroshima font toujours prsence dans les rcits de la littrature de la troisime gnration de la bombe atomique. On ne trouve plus la dure description de la manire dont ses personnes ont perdu leur visage brule, mais des situations littraires parallles sont mises en question, en

  • voyageant parmi la psychologie humaine de celui que sans visage doit continuer avec son existence, construire au fur et mesure son identit, nanmoins prouver des sentiments dabandon, dtre perdu dans ce trou de sable de vie .

    Les murs. Monsieur Karma a perdu son nom. Il est vide, mais son vide est un vide qui absorbe. Ainsi, il absorbe un grand dsert. Il nest plus vide, mais dsert. Il est jug cause de son vole, mais la loi nampare pas ceux qui nont pas de nom. Ceux qui nont pas de nom, nexistent pas. fur et mesure il perdra son identit. Remplac par sa

  • carte-de prsentation, impossible de savoir qui est lui et qui sont ses connaissances. Et voici, pour finir, quil ny a plus de trace de moi. Ne subsiste plus quun norme cocon creux. Ah! Enfin! pouvoir se reposer!

    La femme des sables

    La femme des sables de Abe Kb, adaptation en film de Teshigahara Hiroshi. 1944

    Mon personnage est un maniaque du monde des insectes; moi je le suis du monde des hommes.Teshigahara, en exergue du dpliant annonant La femme du sable.

    Teshigahara Hiroshi ( ) est n le 28 Janvier 1927 Tokyo et tait un ralisateur de la Nouvelle Vague japonaise rendu clbre par son film avant-gardiste "La femme des sables" (Suna no Onna, The Woman in the Dunes) qui reoit le prix spcial du jury au festival de Cannes de 1964 ainsi qu'une nomination aux Awards Acadmiques du meilleur film en langue trangre.

    Dans la femme des sables, qui est le premier roman de Abe Kb son contemporain qu'il adapte au grand cran (car d'autres suivront : "Le Visage d'un autre", "Le Plan dchiquet" qui ont pour cadre une ville labyrinthique), un instituteur en cong se perd dans une tendue de sable, omniprsente, l'univers tapager de la ville et de la civilisation est oppos au calme intrioris du personnage. Il photographie et rpertorie des insectes. En cherchant un lieu o passer la nuit, il est amen chez une habitante dont la cabane se trouve au fond d'un gouffre de sable. A son rveil, l'chelle par laquelle il est descendu la veille a disparu. Le sable envahit chaque plan et s'insinue nerveusement dans la cabane abritant le couple, rythmant inlassablement le quotidien des habitants tablis dans le dsert.

    Ils sont obligs de lutter quotidiennement contre l'avance progressive du sable et doivent chaque nuit creuser pour viter d'tre ensevelis. En change des sceaux de sable qu'ils remplissent, les villageois vivant l'extrieur du gouffre leur fournissent de l'eau et des vivres. Pour survivre ils n'ont pas d'autre choix que de creuser.

    Il est dit que d'autres habitants sont au font de ce gouffre, mais dans le film ont n'aperoit que ces deux protagonistes sans identits, expurgs de toutes caractrisations et qui ils deviennent interchangeables.

    Les personnages se voient forcs de remettre en cause leur faon de penser, ce qui les amne se fondre dans le paysage sans cesse recouvert de sable, jusqu' n'agir que pour et par lui.

    L'homme duqu perd sa logique purement scientifique et s'abandonne son sort, avec une rsignation signifiant son acceptation des conditions de l'environnement.L'tendue ensoleille, magnifie par des plans d'horizon, devient un refuge onirique qui

  • absorbe tout ce que se prsente lui, l'homme s'y perd et ses certitudes se disloquent sous ses pieds comme autant d'vasions rates.

    Le sable, lment contre lequel ils ne peuvent lutter, rsulte en une perte d'identit qui s'apparente encore une fois celle du bombardement d'Hiroshima, mais le film est riche en thmes et peut avoir de multiples interprtations.

    On peut aussi noter quOkada Eiji, lacteur principal, a aussi jou aux ct dEmmanuelle Riva dans le film Hiroshima mon amour dAlain Resnais.

    http://www.shomingeki.de/Teshigahara.htmlhttp://www.iletaitunefoislecinema.com/critique/1229/la-femme-des-sables![Nouvelle Vague Japonaise : Le terme nveru vgu ou bgu est la transcription en alphabet latin de l'expression franaise Nouvelle Vague aprs adaptation au syllabaire japonais. l'instar du mouvement franais, la nouvelle vague japonaise s'tend de la fin des annes 1950 au milieu des annes 1960. Mais la diffrence de sa contrepartie franaise, la nouvelle vague japonaise ne fdre pas des auteurs autour d'une thorie du cinma ou d'une revue ; ces ralisateurs ont en commun une lecture analytique, parfois critique, des conventions sociales, une certaine prise de distance l'gard des mythologies cinmatographiques tablies (par exemple en ignorant ou en nuanant la superbe des hros telle que magnifie dans le chambara eiga ou le yakuza eiga) et s'efforcent gnralement de faire ressortir des problmatiques plus exognes, sociales (a contrario des films intimistes de Kenji Mizoguchi, des drames familiaux d'Ozu ou des tensions internes du giri-ninjo).]

    Conclusion

    Comme nous avons pu le constater au fil de cet expos, le traumatisme de la bombe nuclaire et de ses radiations n'ont jamais cess de hanter le peuple japonais et ses intellectuels. Aprs la catastrophe du 11 mars 2011, le dbat propos du nuclaire s'est retrouv raviv, car qu'il soit militaire ou domestique, bien que source d'nergie considre indispensable par beaucoup, le nuclaire reste un danger pour l'humanit. Dans "L'Archipel des Sismes", des crits de romanciers, potes, essayistes et artistes japonais qui livrent leurs tmoignages, raction vif, mditations et visions sur la triple catastrophe (sisme, tsunami et accident nuclaire) du 11 mars 2011 ont t rassembls sous la direction de Corinne Quentin et Ccile Sakai. Nous y trouvons le discours "Adieu au nuclaire !" prononc par e Kenzabur le 19 septembre 2011 lors de la manifestation des cinquante mille, dans le parc Meiji Tokyo, dont la lecture dun extrait clturera cet expos. Lecture : pages 205 207 (le texte en question ci-dessous) ! Adieu au nuclaire! !

  • "Je vais appuyer mon propos sur deux citations. La premire est une phrase de celui que je considre comme un de mes matres, Watanabe Kazuo, minent spcialiste des lettres franaises : Certains affirment que sans "folie" il est impossible de mener bien des entreprises

    d'envergure. Mais c'est faux. Les entreprises menes avec "folie" s'accompagnent ncessairement d' immenses dommages et de victimes. Une action peut tre vraiment dite d'envergure lorsqu'elle est mene loyalement et sans outrance, par des hommes ayant des qualits humaines et qui, de plus, sont particulirement conscients du fait qu'ils sont eux-mmes susceptibles de "folie". !

    On peut esprer que laccident la centrale de Fukushima permettra au japonais de renouer avec les sentiments des victimes dHiroshima et de Nagasaki et de reconnatre le danger du nuclaire.