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Analyse du documentaire "Hearts of Darkness: A Filmmaker's Apocalypse" de Fax Bahr, George Hickenlooper et Eleanor Coppola (1991).
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HISTOIRE DU FILM DOCUMENTAIRE CINE-‐B-‐420
Titulaire : Mme Muriel Andrin
ANALYSE DU FILM :
Hearts of darkness : a filmmaker’s apocalypse (de Fax Bahr, George Hickenlooper et Eleanor Coppola)
Thomas Guiot 393204 ARTS4C Année académique 2014-‐2015
Francis Ford Coppola sur le tournage d’Apocalypse Now, dans Hearts of darkness
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Sommaire
Introduction 3
Analyse du documentaire 4
1. Hearts of darkness, un documentaire ? 4
Définitions 4
Principes de réalité et de vérité 4
Objectivité et subjectivité 4
Principe de révélation 5
Fonction mémorielle 5
Rapport au temps 5
Conjuration de la mort 5
Conscience du dispositif 5
Universalité 6
Intervention du montage 6
Déconstruction du geste 6
Voix off 7
Lecture métaphorique 7
Eléments méta-‐cinématographiques 8
Mise en scène et interventionnisme 8
2. Hearts of darkness, quel(s) genre(s) documentaire(s) ? 9
Documentaire sur l’art 9
Documentaire ethnographique 10
3. Hearts of darkness, pourquoi ? 11
Conclusion 13
Bibliographie 14
Annexe : fiche technique du film 16
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Introduction Hearts of darkness est un documentaire d’une durée de nonante-‐six minutes réalisé par Fax Bahr et George Hickenlooper en 1991. Il chronique la préparation, le déroulement du tournage aux Philippines et la production du long-‐métrage Apocalypse Now, dès 1975 jusqu’à sa sortie en 1979. Il évoque tous les problèmes rencontrés par le réalisateur Francis Ford Coppola et son équipe durant la création de ce film, devenu culte. Ils avaient notamment prévu seize semaines de tournage. Ce dernier a finalement duré 238 jours. Hearts of darkness revient sur l’itinéraire incroyable de ce film et propose une réelle introspection sur la production cinématographique. D’une grande ambition, ce documentaire ne remplit pas simplement un devoir de mémoire mais est un réel projet méta-‐cinématographique. La principale source d’informations et d’images provient d’Eleanor Coppola, la femme de Francis Ford Coppola. Elle a en effet tenu un journal, enregistré des conversations et filmé de nombreuses images des coulisses du tournage d’Apocalypse Now, à la demande de son mari. En plus de ces images d’archives, les réalisateurs du documentaire ont interviewé de nombreux participants du film d’origine. Ils ont également réalisé un réel travail d’analyse cinématographique d’Apocalypse Now et placent des extraits du film dans leur documentaire. Hearts of darkness commence par une scène très connue qui s’est déroulée au Festival de Cannes, en mai 1979. Francis Ford Coppola vient présenter son film aux journalistes et aux spectateurs durant une conférence de presse. Il prononce une phrase mémorable : « Apocalypse now is not a movie about Vietnam. My movie is Vietnam. » Fax Bahr et George Hickenlooper décident d’ouvrir leur documentaire avec cette phrase car elle représente parfaitement le thème de leur film : l’enfer vécu par toute l’équipe d’Apocalypse now. Ils font ensuite un flashback pour évoquer durant la majeure partie du documentaire la préparation et le tournage du film de Coppola. La fin rappellera le début du documentaire en revenant à Cannes et en expliquant le succès colossal d’Apocalypse now à travers des intertitres. Il se termine sur l’interview de Francis Ford Coppola racontant ses espoirs pour le futur de la production cinématographique. Hearts of darkness a été très bien accueilli par la critique et a notamment reçu des prix pour son montage (American Cinema Editors), et en tant que meilleur documentaire de l’année (International Documentary Association et National Board of Review). Ce documentaire m’est très rapidement venu à l’esprit pour ce travail. Il est selon moi d’une grande qualité, et il est une mise en abyme passionnante d’un film admirable et du cinéma en général. L’analyse se fera tout d’abord selon les principes et outils énoncés au cours d’histoire du documentaire. Ensuite, il sera intéressant d’essayer de placer Hearts of darkness dans un mouvement documentaire particulier. Enfin, il faudra analyser les intentions des réalisateurs avant de terminer par la conclusion de l’analyse.
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Analyse de Hearts of darkness 1. Hearts of darkness, un documentaire ?
En quoi ce film répond-‐il aux principes et à la définition du genre documentaire ? Bien qu’il utilise également des images de fiction tirées du long-‐métrage Apocalypse Now, Hearts of Darkness correspond à la définition du documentaire selon Jacques Aumont et Michel Marie. Il est en effet « un montage cinématographique d’images visuelles et sonores données comme réelles et non fictives. » 1 Il est également documentaire dans le sens où il s’appuie sur des documents : les images d’archives d’Eleanor Coppola, les images d’interviews des participants au film et les extraits d’Apocalypse Now. Tous ces éléments sont effectivement des documents puisqu’ils ont valeur de témoignage et d’information tout en ayant un rôle de mémoire. Hearts of Darkness respecte le premier principe du documentaire dit de réalité. En effet, le postulat de départ pris par les réalisateurs n’est pas « Nous allons vous montrer le réel » mais c’est bien « Nous allons vous montrer une certaine réalité ». En l’occurrence, ce sera le point de vue des participants du film Apocalypse Now sur leur expérience vécue. Ce documentaire adhère également au principe de vérité : nous pouvons effectivement admettre sans aucun doute que les personnes, les événements et les lieux évoqués dans Hearts of Darkness sont authentiques. La question de l’objectivité et de la subjectivité est très importante dans l’analyse de films documentaires. La subjectivité de Hearts of Darkness est intrinsèque à certains supports utilisés dans le film. Nous savons que c’est la vision de la réalité subjective de trois personnes : les réalisateurs Fax Bahr, George Hickenlooper et Eleanor Coppola. C’est cette dernière qui pose surtout la question, étant la femme de Francis Ford Coppola. Sa vision de la réalité durant le tournage et notamment les prises de vue qu’elle a réalisées sont très personnelles. On la voit d’ailleurs elle-‐même à plusieurs reprises durant le documentaire, tout comme les enfants du couple, Gio, Roman et Sofia. Il est donc naturel de se demander quels éléments du réel elle a accepté de partager avec le public et quel point de vue elle a pris en réalisant ces images. Cette impression de subjectivité est aussi fortement renforcée par l’utilisation de la voix d’Eleanor Coppola pour la voix off. C’est elle qui raconte au spectateur toute l’histoire et c’est son point de vue sur la réalité que l’on entend et ressent. Malgré cette subjectivité indéniable, il faut remarquer la volonté des réalisateurs d’être au plus près de la réalité et de l’objectivité, notamment en multipliant les sources utilisées. Effectivement, on retrouve dans le documentaire des extraits du film Apocalypse Now et les images filmées et les enregistrements sonores réalisés par Eleanor Coppola. Mais il y a également des extraits de programmes télévisés, des images 1 AUMONT, Jacques et MARIE, Michel (2001). Dictionnaire théorique et critique du cinéma. Paris : Armand Colin. 2 PHILLIPS, William H. (2002). FILM, An Introduction (Second Edition). Bedford : St. Martin's.
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immobiles comme des extraits de journaux papier ou des dessins, et les interviews des participants du film réalisées plus d’une décennie après le tournage. On revient à une certaine subjectivité avec ces interviews qui proposent le point de vue personnel des acteurs du film comme Martin Sheen ou Laurence Fishburne, du réalisateur Francis Ford Coppola ou encore du co-‐scénariste John Milnius. Pourtant, il est intéressant de noter également la présence de personnes extérieures au film et donnant leur avis, comme le réalisateur George Lucas qui devait réaliser le film à la base du projet. Ensuite, Hearts of Darkness respecte également le principe de révélation du documentaire. En effet, même si ce n’est qu’un fragment, les réalisateurs capturent et révèlent une partie de la réalité filmée. Les images nous dévoilent ainsi les coulisses et les dessous de la création artistique inhérente à la production cinématographique. La caméra révèle également les choix et les décisions qui ont été faits, et le processus par lequel toute l’équipe d’Apocalypse Now est passée afin d’avoir le résultat final que l’on connaît. Ce principe nous conduit à la fonction mémorielle du documentaire. Effectivement, le documentaire révèle mais a également et surtout une fonction de mémoire. Les réalisateurs, en faisant Hearts of Darkness, créent un objet pour pouvoir se souvenir de la production de ce film et qui possède donc un rapport au temps essentiel. Ce sont spécialement les images d’archives filmées par Eleanor Coppola qui remplissent ce devoir de mémoire : elles permettent en effet de garder une trace -‐fragmentaire-‐ du passé. Le rapport au temps est aussi très important vu l’espace laissé entre Apocalypse Now et la réalisation de ce documentaire qui y est consacré. Il y a plus d’une décennie entre les deux réalisations : le temps est ainsi laissé au film d’écrire son histoire et aux participants interviewés d’avoir un regard plus critique sur le film. Le montage permet aussi de réaliser des liens très intéressants entre divers espaces-‐temps. On retrouve ainsi une interview de Dennis Hopper réalisée durant le tournage d’Apocalypse Now montée en parallèle avec son interview réalisée pour le documentaire. Les réalisateurs confrontent de cette manière le point de vue du présent avec celui du passé et créent un rapport au temps tout à fait particulier. Ces témoignages permettent également la conjuration de la mort puisqu’ils survivront à leurs propriétaires, tout comme le documentaire à ses réalisateurs. Il est intéressant de noter la mort de Dennis Hopper, acteur, et de George Hickenlooper en 2010 : leur œuvre leur survit et témoigne aujourd’hui encore de leur talent. Concernant la conscience du dispositif, il faut d’abord évoquer les images directes d’Eleanor Coppola. Effectivement, toute l’équipe du film qui apparaît à l’image durant le documentaire était forcément consciente de la présence de la caméra d’Eleanor Coppola. Certains acteurs s’adressent d’ailleurs parfois directement à la caméra pour évoquer tel ou tel élément du film. Pourtant, les personnes visibles à l’écran n’agissent pas par rapport à la caméra : on a l’impression qu’elle est presque invisible pour elles. Même quand Francis Ford Coppola semble s’adresser à la caméra, il parle en fait à sa femme,
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derrière l’instrument. Il est également intéressant de noter que pour certaines conversations enregistrées, Eleanor Coppola n’avait pas prévenu son mari. Il n’avait donc pas conscience du dispositif à certains moments. Ensuite, il faut évoquer l’universalité du documentaire. En l’occurrence, Hearts of Darkness n’a pas l’ambition de définir ce que doit être la préparation et la production d’un film. Il ne concerne en effet pas le collectif mais plutôt l’individuel dans le sens où chaque production de film, même si les étapes principales sont semblables, est très différente et rencontre des problèmes très distincts. Cela s’avère particulièrement juste pour Apocalypse Now avec toutes les épreuves que l’équipe du film a du traversées : dépassements du budget, problèmes de santé de l’acteur principal, Martin Sheen, ou encore l’attitude difficile de Marlon Brando. C’est pourquoi, on ne peut pas décrire Hearts of Darkness comme un documentaire universel, qui correspondrait à une production cinématographique ordinaire. L’intervention du montage est ici essentielle dans l’analyse du documentaire. Effectivement, vu la multiplicité des différentes sources utilisées dans le film, le montage a un rôle très important. Les réalisateurs articulent ainsi les plans de manière à créer une narration cohérente. Dans Hearts of Darkness, le montage est très précis afin de permettre une meilleure compréhension du récit. Par exemple, les réalisateurs choisissent de mettre en juxtaposition le commentaire de Dean Tavoularis, architecte-‐décorateur, évoquant le salaire des Philippins travaillant sur le tournage, avec des images de ces mêmes personnes en plein travail. Le montage a également à divers moments une fonction métaphorique : le commentaire de Coppola évoquant les dépassements du budget en parallèle avec un plan de jeunes Philippins jouant avec un petit bateau. Cela suggère que Coppola et son film sont comme un garçon avec son jouet2. Le montage permet aussi de réaliser des liens entre les divers espaces-‐temps et de mettre en évidence certains éléments du documentaire. On retrouve par exemple des intertitres indiquant le nombre de jours de tournage pour mieux situer dans le temps ou encore pour donner une information supplémentaire au spectateur, comme le palmarès d’Apocalypse Now à la fin du documentaire. Le thème du film apporte une autre caractéristique très importante du documentaire, à savoir la déconstruction du geste. Effectivement, l’un des objectifs des réalisateurs est de montrer comment Apocalypse Now s’est construit, les étapes par lesquelles toute l’équipe de la production est passée et le processus de construction cinématographique. Vu le caractère unique de la réalisation de ce film et tous les problèmes qu’il a rencontrés, le but n’est ici pas didactique mais plutôt mémoriel. On suit en effet toutes les phases de la création du long-‐métrage mais de façon désordonnée. Par exemple, on évoque le tournage d’une scène puis on revient à l’étape de l’écriture scénaristique. On apprend ainsi qu’il y avait certaines scènes complètement improvisées par les acteurs
2 PHILLIPS, William H. (2002). FILM, An Introduction (Second Edition). Bedford : St. Martin's.
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notamment celle de la fusillade mortelle de Philippins sur leur bateau. Comme la réalisation du film a été très décousue, la déconstruction des gestes de Francis Ford Coppola est également représentée de cette façon, c’est-‐à-‐dire la plus proche possible de la réalité. Il faut d’ailleurs noter que l’on ne voit pas toutes les étapes de création du film : par exemple, il n’y a aucune image du travail de montage d’Apocalypse Now. Ce n’est donc pas une déconstruction du geste de réalisation cinématographique exhaustive mais fragmentaire. Le travail d’Eleanor Coppola a été très important concernant la voix off narrative du documentaire auquel elle prête son propre timbre. C’est d’ailleurs la seule intervention de Francis Ford Coppola dans la production de Hearts of Darkness : « Intervenir équivalait à un acte de censure. J’ai réfléchi et j’ai laissé faire. J’ai simplement suggéré qu’on utilise la voix de ma femme, puisqu’il s’agissait de son texte, et souvent, de ses images.3 » Parlant à l’indicatif présent, Eleanor Coppola utilise une formal voice, une voix explicite. Afin de donner du sens aux images, elle construit ainsi une structure narrative et propose un discours en occupant une position de connaissance. Le commentaire a donc ici un rôle dirigiste, explicatif et instructif. Pourtant, la voix off d’Eleanor Coppola laisse souvent place à la voix des interviewés, comme Francis Ford Coppola qui commente à de nombreuses reprises les images, sans forcément être lui-‐même montré à l’écran. C’est bien entendu le résultat obtenu grâce au travail de montage réalisé par les réalisateurs et les monteurs, Michael Greer et Jay Miracle. Il faut également évoquer la lecture métaphorique que propose Hearts of Darkness. Eleanor Coppola compare ainsi à plusieurs reprises la création d’Apocalypse Now à un voyage au sein du « moi intérieur de Francis Coppola ». On retrouve également tout au long du documentaire des liens établis entre Francis Ford Coppola et le héros de son film, le Capitaine Willard (interprété par Martin Sheen). Il y a en effet une liaison faite entre l’évolution psychologique du héros Willard à travers son voyage et la guerre du Vietnam et celle de Coppola durant le tournage de son film. Comme son protagoniste, le réalisateur fait face à des épreuves de caractère et de nature afin d’accomplir son objectif principal. On retrouve d’ailleurs dans cet élément la structure narrative classique d’un film de fiction. La comparaison réalisée entre Willard et Coppola est d’autant plus forte quand on analyse les deux individus au niveau psychologique. Ils subissent tous deux l’influence de différents facteurs communs tels que l’environnement. Ils sont menacés par la perte du soi et craignent la perte de contrôle. A travers les adversités qu’ils traversent, ils renaissent, en quelque sorte. Francis Ford Coppola utilise d’ailleurs ces mots dans le documentaire pour décrire le processus par lequel il est passé : « purgation », « épiphanie », « transmutation » ... Ils correspondent également à l’état par lequel est passé son personnage, le Capitaine Willard. Hearts of Darkness pourrait d’ailleurs être
3 FORESTIER, François (1992). Aux cœurs des ténèbres, L’apocalypse de Coppola. Première, 184, 76-‐92.
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critiqué pour cette comparaison et cette mise en valeur du « personnage » de Francis Coppola. Il est en effet construit tel un héros fictif, faisant face à des conflits externes et internes, avant de triompher et d’accomplir son but, à savoir, terminer Apocalypse Now. Les éléments méta-‐cinématographiques de Hearts of Darkness sont également très intéressants à analyser pour comprendre ce documentaire en profondeur. On traverse ainsi au début du documentaire, une partie de l’histoire du cinéma en évoquant Orson Welles qui voulait en 1939 adapter le roman à la base d’Apocalypse Now, « Heart of darkness » de Joseph Conrad. Le titre du documentaire s’inspire d’ailleurs de celui du livre originel. Le spectateur découvre alors les maquettes de plateaux créées pour l’occasion. Le projet a ensuite été abandonné par le studio pour cause d’argent. Il y a également à l’image des inserts d’extraits du scénario d’Apocalypse Now. La dernière image prise sur le tournage du film aux Philippines que l’on aperçoit à la fin du documentaire est une interview de Francis Coppola. Elle se termine par l’image d’un clap où il est écrit « Apocalypse Now Documentary » et par le geste de clap de fin d’Eleanor Coppola. Cela permet de montrer le processus cinématographique et de permettre la distanciation, que l'on se souvienne que tout ça est filmé mais également que Hearts of Darkness est un film sur un film. On retrouve bien évidemment une réflexion méta-‐cinématographique en sous-‐texte sur la production cinématographique caractéristique du cinéma hollywoodien. Encore une fois, le caractère unique de la création de ce film ne permet pas de généraliser à plus grande échelle. Pourtant, il y a des éléments significatifs qui ne sont pas si rares au cinéma et des réelles interrogations qu’il n’est pas incongru de poser. Ainsi, on évoque notamment dans Hearts of Darkness, les dépassements énormes de jours de tournage prévus et donc de budget financier, le manque d’inspiration scénaristique du réalisateur ou encore les problèmes comportementaux de certains acteurs vedettes. Le spectateur peut également remarquer apercevoir à plusieurs reprises dans le documentaire Eleanor Coppola être elle-‐même présente dans ses images d’archives. Il est dès lors légitime de se poser la question de la mise en scène et de l’interventionnisme. Cette interrogation ne concerne que les prises de vue d’Eleanor Coppola, étant donné que les autres images présentes dans le documentaire sont des extraits d’Apocalypse Now ou des interviews faites par les réalisateurs. Il n’y a donc aucune mise en scène dans ce type d’images. Quelle place Eleanor Coppola s’est-‐elle permise de prendre dans son travail et a-‐t-‐elle, inconsciemment ou non, provoqué la réalité ? La première fois que l’on voit Eleanor Coppola à l’écran, le spectateur la découvre en train de taper à la machine. Un gros plan sur ses mains ne nous permet d’abord pas de savoir qui tape mais sa voix nous indique déjà sa présence. Cela repose davantage sur une image à fonction illustrative que d’une réelle mise en scène. Pourtant, on est en droit de se demander où elle se trouve et à quel moment de la préparation du film. C’est
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d’ailleurs le même cas concernant le moment où l’on voit Eleanor Coppola et ses trois enfants. On peut se demander la véritable utilité de montrer cette scène, vu le peu de participation des enfants dans le documentaire. Une hypothèse serait que c’est dans le but d’ « humaniser » le personnage de Francis Ford Coppola en montrant sa sphère privée et son intimité. On retrouve également un certain élément de mise en scène lorsque le maire de la tribu demande à Eleanor de le prendre en photo avec Francis Coppola. La caméra se trouve alors dans leur dos et on aperçoit Eleanor sembler remercier le prêtre et prendre la photo. Cela ressemble fortement à une mise en scène de la réalité. Il y a également ce moment unique et très particulier (à 1H06) où l’image nous montre un clap de cinéma (« A/N Docu ») tenu par la main d’Eleanor Coppola. Un mouvement de caméra découvre alors son bras et son visage qui regarde la caméra. Elle se met clairement en scène dans son propre travail. Son but n’est pas très explicite ici. On remarque donc qu’il y a plusieurs scènes du film qui peuvent soulever la question de la mise en scène. Pourtant, ce n’est jamais dans l’objectif de tromper le spectateur ou de déformer la réalité. Cela a plutôt une fonction d’illustration. On ne retrouve d’ailleurs pas d’interventionnisme de la part d’Eleanor Coppola. Sa présence et celle de sa caméra ne semblent ainsi jamais provoquer la réalité ou intervenir dans un sens ou dans l’autre. 2. Hearts of darkness, quel(s) genre(s) documentaire(s) ?
Il est tout d’abord intéressant de rappeler le contexte et l’origine du projet Hearts of Darkness. Ce documentaire a été réalisé avec un faible budget pour la chaîne câblée américaine Showtime. C’est en effet un film indépendant créé pour la télévision, et ce n’est seulement plus tard qu’il a été diffusé dans les salles de cinéma4. Le principal mouvement documentaire auquel Hearts of Darkness peut se rattacher est le documentaire sur l’art. En effet, si à ses débuts, dans les années 1940, le film sur l’art concernait principalement les documentaires à propos de la peinture et de la photographie, il s’étend désormais à d’autres formes d’art, comme le cinéma. En l’occurrence, le documentaire tend surtout à déconstruire une œuvre en particulier, à expliquer le contexte historique et temporel de sa création. Ainsi, on retrouve de nombreuses caractéristiques propres au documentaire sur l’art dans Hearts of Darkness. Il y a en effet une voix off dirigiste, comme nous l’avons vu précédemment, mais également une primauté du texte sur l’image. Le commentaire sonore s’inspire effectivement beaucoup des notes d’Eleanor Coppola, réalisées durant le tournage. On ressent ainsi la force de l’écrit par rapport à la fonction plus illustrative des images. On retrouve également une dramatisation de la musique, composée par 4 PHILLIPS, William H. (2002). FILM, An Introduction (Second Edition). Bedford : St. Martin's.
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Todd Boekelheide, qui renforce l’effet du texte. Un autre procédé esthétique qui correspond aux documentaires sur l’art est le collage matériel de ‘factures’ : la grande variété de sources et de supports différents utilisés dans Hearts of Darkness permet ainsi un montage unique. Le thème du film rejoint également fortement le documentaire sur l’art : la création artistique, le réalisateur en plein acte créatif et ses conflits internes et externes. L’intérêt de Hearts of Darkness repose grandement sur le fait que le spectateur puisse découvrir ce qui a conduit au résultat artistique connu, Apocalypse Now, et les sacrifices qui ont été faits pour y parvenir. C’est un véritable portrait d’un artiste, en l’occurrence Francis Ford Coppola, au travail, à un moment précis de sa carrière. Ici, cela s’est passé directement après l’immense succès de ses films Le Parrain et Le Parrain II. On assiste à une vraie analyse, non pas de l’œuvre en elle-‐même, mais de sa conception. Les réalisateurs parviennent d’ailleurs à ne pas confondre leur démarche artistique documentaire avec celle de Coppola. Ils ne prennent pas de point de vue et essayent de s’en tenir au reportage et à l’interview basiques. Ensuite, il faut noter que Hearts of Darkness possède également quelques caractéristiques de la première lignée de films documentaires, à savoir le documentaire ethnographique. En effet, le lieu de tournage d’Apocalypse Now se trouve être un endroit exotique, les Philippines. Durant plusieurs moments du documentaire, Eleanor Coppola laisse de côté son sujet principal, c’est-‐à-‐dire le tournage du film, pour s’intéresser à l’environnement qui l’entoure. Ainsi, dès la quatorzième minute, quand elle commente l’arrivée de l’équipe aux Philippines, elle nous fait part du caractère étranger et inconnu de ce qu’elle filme. Elle dit « C’est la première fois que l’on voit des buffles des Indes, des rizières et des huttes en palmier Nipa.5 » De plus, bien qu’elle ne filme pas la vie ou le parcours entier des Philippins, on assiste à des scènes typiques de leur quotidien. Il y a notamment une scène particulièrement intéressante où Eleanor Coppola assiste à un banquet de la tribu Ifuago dont certains membres ont été engagés pour jouer dans la dernière partie d’Apocalypse Now. On voit à ce moment les doyens de la tribu chanter dans la maison du prêtre. Eleanor Coppola a du demander la permission au maire pour pouvoir filmer la scène, et elle a du rester jusqu’à la fin de la cérémonie. Cela ressemble fortement à une démarche anthropologique professionnelle. Elle continue d’ailleurs en documentant le sacrifice rituel de poules et de cochons auquel se sont livrés les Philippins. La scène du sacrifice du caribou est d’ailleurs d’une très grande violence : les réalisateurs ont monté cette scène avec des sautes de raccord et des ellipses temporelles rapides, sans doute dans le but de ne pas s’attarder sur cette violence extrême. On retrouve également cet établissement de l’individu face à la nature, propre aux documentaires ethnologiques. Il y a notamment, après une demi-‐heure de documentaire, une séquence évoquant les pluies torrentielles et le typhon qui se sont abattus sur les
5 BAHR, Fax et HICKENLOOPER, George. Hearts of Darkness. A Filmmaker’s Apocalypse. (DVD). Paramount, 2007, 96 minutes, couleurs.
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Philippines en mai et juillet 1976. De nombreux plateaux du tournage ont été détruits. La nature-‐même semblait vouloir empêcher Francis Ford Coppola de réaliser son film. Hearts of Darkness semble donc appartenir à deux genres documentaires bien spécifiques : principalement au film documentaire d’art, mais également, en partie, au documentaire ethnologique. 3. Hearts of darkness, pourquoi ?
Il est maintenant intéressant d’analyser les intentions d’origine des réalisateurs en confectionnant Hearts of Darkness. Il faut tout d’abord évoquer l’objectif de Fax Bahr et George Hickenlooper. Plusieurs tentatives avaient été faites après la sortie d’Apocalypse Now afin de réaliser le documentaire mais elles avaient toutes échoué. Ce n’est qu’après dix ans que les conditions ont été réunies pour faire avancer le projet. Fax Bahr, et les producteurs George Zaloom et Doug Claybourne sont parvenus à financer et à lancer la production de Hearts of Darkness6. La chaîne télévisée Showtime voulait nommer le documentaire Apocalypse Now Revisited, et il devait durer une heure. Ce n’est seulement qu’en découvrant la quantité et la qualité des archives disponibles que George Hickenlooper demanda à étendre le projet et le budget. George Hickenlooper a été appelé par les producteurs car ils avaient vu son documentaire Picture This à propos de Peter Bogdanovich et la production de son film Last Picture Show. Il y racontait l’histoire de ce réalisateur face à toutes sortes de problèmes, personnels ou professionnels. Cette thématique rejoint ainsi celle de Hearts of Darkness dans le sens où ce sont tous deux des portraits de réalisateurs se battant pour créer leur film. Cela fait donc partie de l’intention artistique de George Hickenlooper, co-‐réalisateur. Pour sa part, Fax Bahr décrit lui-‐même son film comme suit : « Hearts of Darkness is the story of the relentless pursuit of an artistic vision, an obsession that profoundly changed the lives of everyone connected to it.7 » Leur intention, à George Hickenlooper et lui-‐même, en produisant ce documentaire, était ainsi de rendre hommage à un film dont ils étaient admiratifs et à cette « poursuite implacable d’une vision artistique ». Concernant les images d’archives filmées sur le tournage, Eleanor Coppola admet elle-‐même qu’elle « filmait tout ce qui l’intéressait en face d’elle »8. Cela a conduit à plus de soixante heures d’images et quarante heures d’enregistrement audio. C’est en effet son mari qui lui a demandé de prendre une caméra et de suivre les coulisses du tournage 6 The New York Chapter of the National Academy of Television Arts and Sciences (2013). Meet Fax Bahr. Hearts of darkness. En ligne http://www.nyemmys.org/en/cev/629, consulté le 17 décembre 2014. 7 Ibidem 8 HUNT, Dennis (1992). Hearts of Darkness': The Director as Megalomaniac. Los Angeles Times, 7 août 1992. En ligne http://articles.latimes.com/1992-‐08-‐07/entertainment/ca-‐4738_1_heart-‐attack
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d’Apocalypse Now. Le but d’origine était de donner le reportage au service de publicité d’United Artists. Les enregistrements se sont finalement retrouvés dans les archives de Zoetrope, inutilisés. Eleanor Coppola n’avait donc pas réellement d’intentions ou de démarche artistique personnelle. Pourtant, ses archives ont permis l’existence de ce documentaire. Ensuite, l’impact recherché sur le spectateur dans Hearts of Darkness est, comme l’indique son titre, de le plonger au sein des ténèbres qu’ont affrontées Francis Ford Coppola et toute l’équipe d’Apocalypse Now durant le tournage. Le documentaire n’a pas de réel public cible : il peut effectivement autant intéresser un spectateur n’ayant jamais vu Apocalypse Now qu’un fan invétéré du film culte. L’impact recherché est d’informer et de confronter le spectateur aux difficultés exceptionnelles rencontrées par Coppola. En utilisant une structure narrative « classique », le but des réalisateurs est également de créer de l’empathie pour leur protagoniste. Coppola est ainsi représenté comme un héros face à des épreuves qui ne l’empêchent finalement pas d’accomplir son objectif. Le spectateur peut avoir l’impression par moments que Coppola et son film sont ainsi mis sur un piédestal. Pourtant, il y a aussi des moments peu reluisants pour Coppola : notamment quand il gère la situation autour de l’infarctus de Martin Sheen. Il ne veut plus que la presse s’en mêle de peur de devoir arrêter le tournage (faute de temps) et il s’exprime dans des termes délicats : « If Marty dies I want to hear everything is O.K. until I say Marty is dead!9 ». Il n’apparaît donc pas toujours sous ses meilleurs traits même si le spectateur finira par garder une image positive de Francis Ford Coppola. La mission des créateurs de Hearts of Darkness de réaliser le portrait d’un réalisateur face aux problèmes rencontrés lors du tournage de son film est donc totalement réussie pour le spectateur. Il ressort effectivement du visionnage avec de nombreuses informations très intéressantes sur Francis Ford Coppola et la production de son long-‐métrage. Cela dépend de son niveau de connaissances, mais le documentaire peut aussi lui permettre d’en savoir plus sur les coulisses du cinéma en général. Découvrir les étapes qui conduisent au produit fini qu’il découvre en salles est un vrai plus pour le public. Les réalisateurs du documentaire parviennent également à ce que le spectateur entre dans la tête de Coppola et ressente tous les dilemmes qui l’ont parcouru pendant plus de 238 jours. Le public comprend et suit ainsi avec ferveur l’évolution psychologique du réalisateur.
9 BAHR, Fax et HICKENLOOPER, George. Hearts of Darkness. A Filmmaker’s Apocalypse. (DVD). Paramount, 2007, 96 minutes, couleurs.
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Conclusion Comme nous l’avons découvert tout au long de ce travail d’analyse, Hearts of Darkness est un documentaire majeur dans l’histoire cinématographique. Plus qu’un simple making-‐of, il propose une réelle démarche artistique. Il remplit avec succès les caractéristiques et les principes essentiels du film documentaire. Il rend effectivement compte d’évènements réels et authentiques. Il tend à l’objectivité même si nous avons pu remarquer de nombreux éléments de subjectivité dus notamment à la présence d’Eleanor Coppola derrière la caméra. Le rapport au temps est également très intéressant dans Hearts of Darkness : grâce au montage très travaillé, le spectateur découvre des liens passionnants entre divers espaces-‐temps, des interviews croisées entre la même personne à des âges et des points de vue différents. Le documentaire est également pertinent au niveau de la déconstruction des gestes du réalisateur de cinéma, même si nous avons vu qu’elle n’était pas forcément très ordonnée. La voix off a aussi été un élément intéressant à analyser : Eleanor Coppola utilise une formal voice narrative, produisant un point de vue subjectif. Enfin, nous avons vu que ce documentaire proposait une lecture méta-‐cinématographique : c’est en effet un film sur un film. Ensuite, il a été prouvé que Hearts of Darkness appartient principalement au film documentaire sur l’art. Il convient en effet à toutes les caractéristiques de ce mouvement dont notamment la voix off dirigiste, la primauté du texte sur l’image ou encore la musique dramatique. Surtout, le thème du film rejoint le documentaire sur l’art : la déconstruction d’une œuvre et de sa création. Pourtant, nous avons remarqué qu’il correspond également à certains éléments du documentaire ethnologique. Effectivement, comme Eleanor Coppola filmait tout ce qu’elle souhaitait, on découvre certains rituels et gestes culturels de la tribu Ifuago qui travaillait en partie sur le tournage. De plus, l’environnement général du documentaire se trouve être une région « exotique », les Philippines. Enfin, le travail s’est concentré sur le contexte et la mise en place de Hearts of Darkness. Les intentions des différents réalisateurs et producteurs étaient principalement de réaliser un portrait d’un réalisateur en plein questionnement et face aux problèmes qu’il rencontre lors de la conception de son film. Le but était également de faire connaître à plus grande échelle l’extraordinaire histoire de la production d’Apocalypse Now et de faire bon usage des archives réalisées par Eleanor Coppola. Le spectateur se retrouve alors plongé au sein des conflits internes et personnels de Francis Ford Coppola. Il découvre ainsi une fresque cinématographique d’une rare ampleur. En conclusion, Hearts of Darkness est un documentaire sur l’art, avec une inclinaison ethnographique, se concentrant sur une œuvre majeure du septième art : Apocalypse Now. Comme celui-‐ci, il invite le public à plonger au sein des ténèbres psychologiques d’un artiste et de sa création, tous deux d’une grande et belle complexité.
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Bibliographie 1. Ouvrages AUMONT, Jacques et MARIE, Michel (2001). Dictionnaire théorique et critique du cinéma. Paris : Armand Colin. PHILLIPS, William H. (2002). FILM, An Introduction (Second Edition). Bedford : St. Martin's.
2. Presse écrite FORESTIER, François (1992). Aux cœurs des ténèbres, L’apocalypse de Coppola. Première, 184, 76-‐92. WORTHY, Kim (1992). Hearts of darkness : making art, making history, making money, making Vietnam. Cinéaste, 19, 24-‐27. ZIMMER, Jacques (1992). Aux cœurs des ténèbres -‐ L'Apocalypse d'un metteur en scène. La Revue du Cinéma, 484, 30-‐31.
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Fiche technique du film Titre original : Hearts Of Darkness : A Filmmaker’s Apocalypse Titre français : Aux coeurs des ténèbres -‐ l'apocalypse d'un metteur en scène Réalisation : Fax Bahr, George Hickenlooper, Eleanor Coppola (images d’archives) Production : George Zaloom, Les Mayfield, Fred Roos (délégué), Doug Claybourne (délégué) Scénario : Fax Bahr, George Hickenlooper Montage : Michael Greer, Jay Miracle Photographie : Larry Carney, Shana Hagan, Igor Meglic, Steven Wacks Musique : Todd Boekelheide
Son : Brian Risner, Robert Gravenor Sociétés de production : American Zoetrope, Cineplex-‐Odeon Films Durée du film : 96 minutes Date de sortie américaine : 27 novembre 1991 Date de sortie française : 3 juin 1992 Format : Couleurs, son stéréo, 35mm -‐ 1.37 : 1 Pays d’origine : Etats-‐Unis Langue originale : Anglais Lieux de tournage : Etats-‐Unis et Philippines Distributeur belge : CNR Film Releasing