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LIBÉRATION VENDREDI 21 MARS 2014 21 «Bordeaux est la seule grande ville qui n’a pas vu son taux de logements sociaux augmenter.» Vincent Feltesse président de la communauté urbaine de Bordeaux et candidat à la mairie de la ville, le 19 décembre sur France Bleu Gironde L e social n’a pas fini d’oppo- ser Alain Juppé et ses ad- versaires socialistes, qui rê- vent de lui ravir Bordeaux. Après avoir déjà épinglé le budget de la ville (Désintox du 7 mars), le can- didat socialiste Vincent Feltesse dénonce le trop faible nombre de logements sociaux construits dans la capitale aquitaine. Invité de France Bleu Gironde le 19 décembre, celui qui est aussi président de la communauté ur- baine (la CUB) martelait : «Bor- deaux est la seule grande ville qui n’a pas vu son taux de logements sociaux augmenter.» L’ attaque n’est pas lancée au hasard. Vincent Feltesse le sait, le logement social est loin d’être la priorité du maire sortant. Avec 16,03% de loge- ments sociaux, Bordeaux est en effet largement en deçà du seuil établi par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Depuis 2000, cel- le-ci impose à toutes les commu- nes de plus de 3 500 habitants un quota de 20% de logements so- ciaux (25% à l’horizon 2025). Sont inclus dans ce pourcentage les logements HLM, convention- nés et sous condition de ressour- ces, ainsi que les places en foyers de personnes âgées, handicapés, jeunes travailleurs ou encore mi- grants. Ainsi, sur environ 27 000 logements sociaux néces- saires, il en manquerait près de 5 000 à Bordeaux pour être enfin en règle, alors que l’on estime à près de 15 000 le nombre de per- sonnes sur liste d’attente pour l’obtention d’un tel habitat dans la ville. Mais si la mairie est bien loin du compte, l’attaque du candidat PS est doublement fausse. Non seu- lement le taux de logements so- ciaux a bien (légèrement) aug- menté à Bordeaux, passant de 15,1% en 2008 à un peu plus de 16% fin 2012, mais d’autres villes françaises de taille comparable sont elles aussi loin d’être exem- plaires. Et stagnent en la matière: fin 2012, Nice atteignait pénible- ment les 11,96%, contre 11,40% en 2008. Pas de quoi fanfaronner. Et si Montpellier respecte la loi SRU, la ville n’augmente son taux que de 1% en quatre ans, atteignant 21,74% à la fin de l’année 2012. De 2006 à 2010, Bordeaux ne comptait en moyenne que 15,2% de logements sociaux. Il a fallu attendre 2011 pour que la ville se réveille enfin et rattrape (un peu) son retard: elle atteint 15,95%, puis 16,03% en2012, et devrait afficher 16,33% pour l’an- née 2013 selon la mairie. La ville est donc hors-la-loi. Pourtant, la mairie se défend en affirmant re- doubler d’efforts: «Chaque année, plus de 2 millions d’euros d’aides et de subventions sont accordés aux bailleurs sociaux», argue Ouahid Dorbane, directeur de l’habitat et du logement de la ville. Alors, pourquoi le taux reste-t-il aussi bas ? «Les villes “douées” en logement social ont souvent un fort passé industriel, comme dans le nord ou l’est de la France, que Bor- deaux n’a pas. On part avec un dé- ficit historique de logements so- ciaux», avance Ouahid Dorbane. Mais si Bordeaux est prête à faire des efforts, pas question pour autant d’«abîmer» son centre- ville. En attendant, à l’heure des municipales, Alain Juppé s’en tire plutôt bien malgré son taux hors- la-loi. Car la loi SRU prévoit une pénalité de 200 euros par loge- ment manquant, ce qui aurait dû coûter la bagatelle d’un peu plus d’un million d’euros à Bordeaux cette année. Mais la commune a pu s’abstenir de payer grâce à ses investissements auprès des bailleurs sociaux, supérieurs au montant de l’amende. AMANDINE SANIAL, MARION LIZÉ et MORGANE THIMEL étudiantes à l’Institut de journa- lisme de Bordeaux-Aquitaine (IJBA) INTOX DÉSINTOX Dans la lutte contre la pollution, Anne Hidalgo exagère le modèle new-yorkais. «Moins d’un Parisien sur deux a une voiture, à New York, c’est 10 %», disait-elle lundi sur France Inter. Elle confond ménages et habi- tants. A Paris, 39 % des ménages – et non des individus – possèdent une voiture. Un pourcentage inférieur à celui de New York, où un ménage sur deux est équipé, et où l’on compte 23 voitures pour 100 habitants. «On vit huit mois de moins à Marseille qu’ailleurs à cause de la pollution!» L’affirmation émane de Stéphane Ravier, candidat FN à la mairie de Marseille… qui a lu un peu vite une enquête de l’Institut de veille sani- taire. En septembre 2012, l’organisme avait publié une étude sur l’impact de la pollution dans neuf villes françaises. Il en ressort que Marseille a le taux de concentration de particules fines le plus élevé des communes étudiées. Et que l’espérance de vie pourrait y progresser de presque huit mois si ce taux était conforme aux normes inter- nationales. Ce qui ne veut pas dire que les Marseillais vivent huit mois de moins qu’ailleurs comme a cru le comprendre le candidat FN. LE FN RÉDUIT L’ESPÉRANCE DE VIE VITE LU, MAL LU Désintox traque tous les jours petits et gros mensonges du débat public, en partenariat avec Libération et 2P2L. Une pastille d’impartialité à retrouver du lundi au jeudi, sur Arte, dans l’émission présentée par Elisabeth Quin 28 Minutes, à partir de 20 h 05, et sur Libération.fr. SUR LIBÉRATION.FR Retrouvez la page Désintox le mardi et le vendredi dans Libération. NANTES MONTPELLIER TOULOUSE MARSEILLE LYON BORDEAUX PARIS NICE TAUXDELOGEMENTSLOCATIFSSOCIAUXCONSTRUITSET !" #$ DOMINIQUE ROUSSET CHAQUE SAMEDI 11H-12H franceculture.fr RETROUVEZ CHAQUE SEMAINE LES DOSSIERS DU CAHIER ECOFUTUR DE LIBÉRATION en partenariat avec Habitat social: Bordeaux mauvais élève, pas cancre ANNE HIDALGO VOIT NEW YORK SANS VOITURE BOBARD SANS FRONTIÈRES DÉS INTOX MUNICIPALES 2014

Habitat social à Bordeaux - Libération

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Le journal Libération a publié le 21 mars un article sur l'habitat social à Bordeaux, montrant le déficit dont souffre encore la ville sur cette question. Avec 16,03% de logements sociaux, Bordeaux est théoriquement "hors la loi". Reste que des efforts d'investissement semblent consentis pour rattraper ce retard. Sur la Rive Droite, le problème ne se pose pas : Lormont observe près de 53% de logements sociaux (source : datajournalismelab.fr) tandis que le GPV affiche 51% de logements sociaux (source: PQA)

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Page 1: Habitat social à Bordeaux - Libération

LIBÉRATION VENDREDI 21MARS 2014 • 21

«Bordeaux estla seule grande villequi n’a pas vuson tauxdelogements sociauxaugmenter.»VincentFeltesseprésident de la communautéurbaine de Bordeaux etcandidat à la mairie dela ville, le 19 décembresur France Bleu Gironde

L e social n’a pas fini d’oppo-ser Alain Juppé et ses ad-versaires socialistes, qui rê-

vent de lui ravir Bordeaux. Aprèsavoir déjà épinglé le budget de laville (Désintox du 7 mars), le can-didat socialiste Vincent Feltessedénonce le trop faible nombre de

logements sociauxconstruits dans lacapitale aquitaine.

Invité de France Bleu Gironde le19 décembre, celui qui est aussiprésident de la communauté ur-baine (la CUB) martelait :«Bor-deaux est la seule grande ville quin’a pas vu son taux de logementssociaux augmenter.»

L’ attaque n’est pas lancée auhasard. Vincent Feltesse lesait, le logement social est

loin d’être la priorité du mairesortant. Avec 16,03% de loge-ments sociaux, Bordeaux est eneffet largement en deçà du seuilétabli par la loi relative à lasolidarité et au renouvellementurbains (SRU). Depuis 2000, cel-le-ci impose à toutes les commu-nes de plus de 3 500 habitants unquota de 20% de logements so-ciaux (25% à l’horizon 2025).Sont inclus dans ce pourcentageles logements HLM, convention-nés et sous condition de ressour-ces, ainsi que les places en foyersde personnes âgées, handicapés,

jeunes travailleurs ou encore mi-grants. Ainsi, sur environ27 000 logements sociaux néces-saires, il en manquerait près de5 000 à Bordeaux pour être enfinen règle, alors que l’on estime àprès de 15 000 le nombre de per-sonnes sur liste d’attente pourl’obtention d’un tel habitat dansla ville.Mais si la mairie est bien loin ducompte, l’attaque du candidat PSest doublement fausse. Non seu-lement le taux de logements so-ciaux a bien (légèrement) aug-menté à Bordeaux, passant de15,1% en 2008 à un peu plus de16% fin 2012, mais d’autres villesfrançaises de taille comparablesont elles aussi loin d’être exem-plaires. Et stagnent en la matière:fin 2012, Nice atteignait pénible-ment les 11,96%, contre 11,40%en 2008. Pas de quoi fanfaronner.Et si Montpellier respecte la loi

SRU, la villen’augmenteson taux que

de 1% en quatre ans, atteignant21,74% à la fin de l’année 2012.De 2006 à 2010, Bordeaux necomptait en moyenne que 15,2%de logements sociaux. Il a falluattendre 2011 pour que la ville seréveille enfin et rattrape (un peu)son retard : elle atteint 15,95%,puis 16,03% en 2012, et devraitafficher 16,33% pour l’an-

née 2013 selon la mairie. La villeest donc hors-la-loi. Pourtant, lamairie se défend en affirmant re-doubler d’efforts:«Chaqueannée,plus de 2millions d’euros d’aides etde subventions sont accordés auxbailleurs sociaux», argue OuahidDorbane, directeur de l’habitat etdu logement de la ville.Alors, pourquoi le taux reste-t-ilaussi bas?«Les villes “douées” enlogement social ont souvent un fortpassé industriel, comme dans lenord ou l’est de la France, que Bor-deauxn’a pas.Onpart avec un dé-ficit historique de logements so-ciaux», avance Ouahid Dorbane.Mais si Bordeaux est prête à fairedes efforts, pas question pourautant d’«abîmer» son centre-ville. En attendant, à l’heure desmunicipales, Alain Juppé s’en tireplutôt bien malgré son taux hors-la-loi. Car la loi SRU prévoit unepénalité de 200 euros par loge-ment manquant, ce qui aurait dûcoûter la bagatelle d’un peu plusd’un million d’euros à Bordeauxcette année. Mais la communea pu s’abstenir de payer grâce àses investissements auprès desbailleurs sociaux, supérieurs aumontant de l’amende.

AMANDINE SANIAL, MARIONLIZÉ et MORGANE THIMEL

étudiantes à l’Institut de journa-lisme de Bordeaux-Aquitaine (IJBA)

INTOX

DÉSINTOX

Dans la lutte contre la pollution,Anne Hidalgo exagère le modèlenew-yorkais. «Moins d’un Parisien surdeux a une voiture, à New York, c’est10%», disait-elle lundi sur FranceInter. Elle confond ménages et habi-tants. A Paris, 39% des ménages –etnon des individus– possèdent unevoiture. Un pourcentage inférieur àcelui de New York, où un ménage surdeux est équipé, et où l’on compte23 voitures pour 100 habitants.

«On vit huit mois de moins à Marseillequ’ailleurs à cause de la pollution!»L’affirmation émane de StéphaneRavier, candidat FN à la mairie deMarseille… qui a lu un peu vite uneenquête de l’Institut de veille sani-taire. En septembre 2012, l’organismeavait publié une étude sur l’impact dela pollution dans neuf villes françaises.Il en ressort que Marseille a le taux deconcentration de particules fines leplus élevé des communes étudiées.Et que l’espérance de vie pourrait yprogresser de presque huit mois si cetaux était conforme aux normes inter-nationales. Ce qui ne veut pas direque les Marseillais vivent huit mois demoins qu’ailleurs comme a cru lecomprendre le candidat FN.

LE FN RÉDUITL’ESPÉRANCE DE VIE

VITE LU,MAL LU

Désintox traque tous les jourspetits et gros mensongesdu débat public, en partenariatavec Libération et 2P2L. Unepastille d’impartialité à retrouverdu lundi au jeudi, sur Arte, dansl’émission présentée par ElisabethQuin 28 Minutes, à partirde 20h05, et sur Libération.fr.

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