Fiche - L’idéal type comme outil d’analyse chez Max Weber

8/14/2019 Fiche - Lidal type comme outil danalysechez Max Weber

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Lidal type comme outil danalyse chez MaxWeber

Introduction :Ce concept est forg par Max Weber. Il dsigne une reprsentationmodlise, stylise , dune ralit sociale donne (phnomnereligieux, stade du capitalisme, organisation bureaucratique).En effet, pour Max Weber (1864-1920), lordonnancement desphnomnes observs ncessite llaboration de types-idaux, qui doiventpermettre dtablir des schmes de causalit et de guider llaborationdes hypothses .

On obtient un tel idal-type en accentuant dlibrment les traits lesplus significatifs selon le point de vue adopt (le but de la recherche, lerapport aux valeurs).

NB : Le qualificatif idal na pas de contenu normatif, mais renvoieseulement la puret conceptuelle de la construction (qui relve dumonde des ides, pas de la ralit). Il ne sagit pas de reproduire lacomplexit du rel, ft-elle simplifie, mais de fournir une perspectivecohrente, une ralit singulire. Un idla-type ne prtend pas tre lareproduction parfaite de la ralit concrte : il ne retient que certainsaspects de celle-ci. Il nen est quune reprsentation, un tableau de

pense , qui doit permettre doprer des comparaisons avec la ralitobserve. Lidal-type nest pas la ralit, mais il permet de mieuxlapprhender, de la rendre plus visible.

En ce qui concerne la recherche, le concept idaltypique sepropose de former le jugement dimputation : il nest pas lui-mmeune hypothse, mais il cherche guider llaboration des hypothse.De lautre ct, il nest pas un expos du rel, mais se propose dedoter lexpos de moyen dexpression univoque. [] On obtient unidaltype en accentuant unilatralement un ou plusieurs points de

vue et en enchanant une multitude de phnomnes donns isolesment, diffus et discrets, que lon trouve tantt en grand nombre,tantt en petit nombre et par endroit pas du tout, quon ordonneselon les prcdents points de vue choisi unilatralement, pourformer un tableau de pense homogne. On ne trouvera nulle partempiriquement un pareil tableau dans sa puret conceptuelle : il estun utopie. Le travail historique aura pour tche de dterminer danschaque cas particulier combien la ralit se rapproche ou scarte dece tableau idal [] .(Max Weber, Lthique protestante et lesprit du capitalisme, 1905).


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I. La mthode de Max Weber

A. La complexit du relPour Max Weber, la dmarche du savant doit dabord tre empreintedune certaine humilit par rapport son objet dtude. La ralit est

infinie et complexe : elle comporte lus de choses que nous ne pourronsjamais en connatre et chaque vnement lui-mme peut tre aborde enfonction de multiples points de vue. La science ne peut donc prtendrepuiser la totalit du rel, mais seulement rendre compte de certains deses aspects. Do la ncessit doprer une slection des faits au dpartde toute recherche.Plus fondamentalement, la slection des faits dpend de lintrt culturelpersonnel du chercheur, de son propre rapport aux valeurs . Touterecherche scientifique a donc un caractre relatif : autant de chercheurs,autant de rapports aux valeurs diffrents et autant de faons diffrentes

de dcouper le rel. Pour cette raison, le travail scientifique est sans fin.De nouvelles hypothses peuvent faire apparatre de nouveaux points devue sur le rel qui seront eux-mmes remis en question, etc.

B. Lidal-type comme outil danalysePour Max Weber, il existe toujours un dcalage insurmontable, un hiatusirrductible entre le concept et la ralit quil est vain et inutile devouloir combler. Les concepts ne constituent donc pas un but en soi pourla recherche, mais visent simplement fournir au chercheur un instrumentdintelligibilit du rel afin dorganiser, de clarifier, de mettre de lordredans lenchevtrement inextricable des faits. Lidaltype rpond ce

besoin. Loin dtre une simple reproduction de la ralit, cest uneconstruction thorique, un tableau idal au sens logique du terme.Llaboration de lidaltype met en uvre 3 procds :

- Un processus dabstraction, de slection et de recomposition desfaits.Loin de regrouper tous les caractres communs aux phnomnestudis, on isole unilatralement quelques traits significatifs enfonction de lorientation que lon donne la recherche.

- Une slection des seuls lments susceptibles de se combiner en unensemble logique cohrent.Seuls les lments non contradictoires sont retenus. Ce qui estrecherch, ce sont des concepts clairs et univoques.

- Une accentuation de certains traits.Il sagit de grossir les diffrences, pour donner voir la singularit, laspcificit, loriginalit du phnomne tudi. Cette amplification dutrait est un procd bien connu en littrature : le personnage deLAvare de Molire peut tre considr, dune certaine manire,comme un bon exemple didaltype. Lidaltype ne correspond doncpas au type moyen, mais reprsente plutt un cas limite, que lon nerencontre jamais dans sa puret, mais laune duquel on peutcomparer les comportement rels qui sen approcheront toujours

plus ou moins. En faisant apparatre lcart entre le cours rel desvnements et celui construit partir didaltype on pourra


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dterminer ainsi les motifs rels de laction.

C. Une sociologie comprhensive et explicative de laction socialeOn ne peut comprendre les comportement de personnes singulires.Lobjet de la sociologique est donc laction social, cest--dire une activit

oriente significativement par rapport autrui quil faut distinguer dusimple comportement automatique ou ractionnel.Entre le simple comportement automatique et laction sociale pleinementconsciente, il existe en fait toute une srie de degrs qui ne peuvent treapprhends qu partir dune typologie des dterminants de laction.Weber distingue ainsi 4 modalits de laction sociale :

- Le comportement traditionnel. Il repose sur lattachement auxcoutumes, lhabitude. La plupart des activits de la vie quotidiennesont de cette nature.

- Le comportement affectuel. Il correspond laction qui sexerce souslemprise de lmotion, de la passion ou des sentiments.

- Le comportement rationnel en valeur. Il soriente en fonction de lacroyance en des valeurs considres comme ultimes qui sont posescomme des absolus par les agents. Celui qui agit selon ses valeursne tient pas compte des consquences prvisibles de ses actes.Cest lhomme dhonneur qui prfre mourir en duel plutt quedtre dshonor, le capitaine dun navire qui choisit de sombreravec son bateau

- Le comportement rationnel en finalit. Il oriente laction enconfrontant systmatiquement les moyens aux fins, en comparantles fins entre elles, et en prenant en compte les consquences

subsidiaires de laction.

Les dterminants de laction sont des types purs qui ne se rencontrentquexceptionnellement dans la ralit, la plupart des comportementseffectifs combinant plusieurs de ces dterminants. La constructionidaltypique des dterminants de laction a donc, avant tout, une fonctionheuristique : faciliter la comprhension des motifs rels de laction parcomparaison avec ses dterminants possibles.Il ne sagit pas tant de retrouver le sens subjectif vis par lagent que dereconstruire les raisons de son action partir de ce que lon connat de lui(ses valeurs) et du contexte dans lequel se droule laction.

Pour Weber, la construction didaltypes et la mise en vidence de lois dergularit causales sont des instruments de connaissance utiles pourcomprendre la cause dvnements historiques concrets. Mais on ne peutjamais dduire la ralit partir dun systme de propositions abstraites.La causalit dvnements historiques singuliers ne se rduit pas lasimple application de lois gnrales. Il appartient lhistorien dedterminer, parmi linfinit des causes qui ont pu contribuer laralisation dun vnement, celles qui ont une signification historique.La causalit chez Weber est donc la fois plurielle et probabiliste, enopposition au monisme causal de Durkheim ou Marx.


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II. Lthique protestante et lesprit du capitalisme(1905)

A. Le constat statistiqueLthique protestante et lesprit du capitalisme souvre sur un tripleconstat statistique :

- Les protestants sont sur-reprsents parmi les chefs dentreprise etles dtenteurs de capitaux ainsi que parmi les travailleurs les plusqualifis des entreprises capitalistes.

- Les catholiques sont sous-reprsents parmi les tudiants destablissements secondaires et, surtout, sorientent niveau dediplme gal, vers les humanits plutt que vers des tudesprparant aux professions de lindustrie et du commerce.

- Lindustrie moderne, qui recrute une grande partie de sa mainduvre qualifie parmi les artisans, attire davantage les

protestants que les compagnons de confession catholique, quiprfrent demeurer dans lartisanat.

B. laboration dune problmatiqueLa sur-reprsentation des milieux protestants traduit donc une dispositionspciale pour le rationalisme conomique dont il faut chercherlexplication dans les croyances religieuses. Do la question centrale quisous-tend toute la dmonstration de louvrage : quels sont les traitsparticuliers de la religion protestante qui ont pu influence une conduite devie caractristique du capitalisme moderne ?

C. La dmonstrationPour lessentiel, la dmonstration de Weber sarticule autour des 3 tempssuivants :

- construire le modle idaltypique de lesprit du capitalisme moderne- isoler certains traits typiques de la thologie morale des sectes

puritaines- mettre en vidence les affinits lectives entre les deux types de

mentalit et dattitudes

Lidaltype capitaliste

Lactivit de lentrepreneur traditionnel est marque par la routine, desrapports amicaux avec ses fournisseurs et ses clients, un travail modr.Au contraire, lentrepreneur capitaliste moderne innove, saisit toutes lesopportunits du march, met en concurrence ses fournisseurs, rduit sesprix pour conqurir de nouvelles parts de march, rationaliselorganisation du travail Ce qui caractrise donc lesprit du capitalismemoderne, cest bien la recherche rationnelle et systmatique du profitpar lexercice dune profession .Le capitaliste moderne ne rechercher pas le gain phmre mais inscrit saconduite dans le cadre dune accumulation rationnelle du capital dans lelong terme. Aussi, faut-il opposer son attitude celle du parvenu qui ne

pense qu jouir de lexistence et tabler ses richesses. Au contraire, lecapitaliste moderne redoute lostentation et la dpense inutile tout


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autant que la jouissance consciente de sa puissance .Max Weber compose ainsi le portrait idaltypique du capitaliste modernecaractris par les traits suivants :

- recherche systmatique du profit dans le cadre dune profession- attitude sobre par rapport aux plaisirs de la vie

- dveloppement de lpargne en vue de laccumulation du capitalLesprit du capitalisme moderne est ainsi dfini par contraste avec deuxautres types de mentalit : celle de lentrepreneur traditionnel et celle delhomme daffaire, aventurier et sans scrupule, dont on peut trouver lestraces bien avant le XVIe sicle.

Lidaltype protestant calvinisteLe noyau central du dogme calviniste repose sur la doctrine de laprdestination. Ds sa naissance, chaque homme voit son sort scell parDieu : le salut ternel pour quelques lus et la damnation perptuelle pourles autres. Ce dcret de Dieu est la fois irrvocable on ne peut letransformer par son comportement (salut par la grce, jamais par lesuvres), et insondable il ny a aucun signe extrieur qui permette desavoir si on est lu ou damn. Le calviniste est donc hant en permanencepar cette double question : Suis-je lu ? Comment men assurer ? .Un tel dogme aurait d logiquement dboucher sur une conduite fataliste :si tout est jou davance, et si lon ne peut influer sur la volont de Dieu,autant laisser faire le destin. Mais, en fait, Max Weber montre que cettethologie entrane des effets psychologiques contraires ceux que lonpouvait attendre.En effet, les pasteurs protestants, confronts aux tourments des fidles,

ont t mens amender la doctrine : un travail sans relche est ainsirecommand au fidle, la fois comme drivatif langoisse et commemoyen dassurer sa russite qui peu tre interprt comme le signe deson lection. dfaut de conqurir sa grce, au moins peut-on obtenir lacertitude du salut.De fait, les pasteurs protestants prnaient une morale pratique reposantsur deux catgories de prescriptions :

- une utilisation systmatique du temps pour le travail : Gaspillerson temps est donc le premier, en principe le plus grave, de tous lespchs Passer son temps en socit, le perdre en vainsbavardages dans le luxe, voir en dormant plus quil nest ncessaire

la sant, est passible dune condamnation morale absolue .- une attitude asctique de renoncement tous les plaisirs de la vie :

ce qui est condamn, ce nest pas la richesse, mais le repos dansla possession, loisivet et les tentations de la chair .

Les affinits lectives ou congruenceLes implications de ces prescriptions furent minemment favorables audveloppement dun habitus capitaliste. La puissante incitation au travaila favoris laugmentation de sa productivit. Le freinage de laconsommation a induit une pargne propice laccumulation du capital.

Plus gnralement, avec le dveloppement de lthique puritaine, unmode de vie bourgeois plus rationnel sest affirm. Lthique puritaine a


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veill sur le berceau de lhomconimicus moderne conclut Weber.


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Max Weber, Lthique protestante et lesprit du capitalisme,1905.

[] Sur terre, l'homme doit, pour assurer son

salut, faire la besogne de Celui qui l'a envoy,aussi longtemps que dure le jour [Jean IX, 4].Ce n'est ni l'oisivet ni la jouissance, maisl'activit seule qui sert accrotre la gloire deDieu, selon les manifestations sans quivoquede sa volont.Gaspiller son temps est donc le premier, enprincipe le plus grave, de tous les pchs. Notrevie ne dure qu'un moment, infiniment bref etprcieux, qui devra confirmer [festmachen]notre propre lection. Passer son temps ensocit, le perdre en vains bavardages , dansle luxe, voire en dormant plus qu'il n'estncessaire la sant six huit heures au plus, est passible d'une condamnation moraleabsolue. On ne soutient pas encore, commeFranklin, que le temps c'est de l'argent, mais au

spirituel pareille sentence est pour ainsi dire tenue pour vraie. Le temps estprcieux, infiniment, car chaque heure perdue est soustraite au travail quiconcourt la gloire divine. Aussi la contemplation inactive, en elle-mme dnuede valeur, est-elle directement rprhensible lorsqu'elle survient aux dpens dela besogne quotidienne. []Le travail est le remde spcifique employer titre prventif contre toutes ces

tentations que le puritanisme a runies sous le terme d'unclean life et dont lerle n'est pas mince. []Le travail cependant est autre chose encore; il constitue surtout le but mme dela vie, tel que Dieu l'a fix. Le verset de saint Paul : Si quelqu'un ne veut pastravailler, qu'il ne mange pas non plus vaut pour chacun, et sans restriction. Larpugnance au travail est le symptme d'une absence de la grce. [] Travaillez donc tre riches pour Dieu, non pour la chair et le pch . Si on lapoursuit dans le dessein de vivre plus tard joyeux et sans souci, la richesse n'estque tentation de la paresse et scabreuse jouissance de la vie. Au contraire, dansla mesure o elle couronne l'accomplissement du devoir professionnel, elledevient non seulement moralement permise, mais encore effectivementordonne. C'est ce que paraissait exprimer sans dtour la parabole du serviteurchass pour n'avoir point fait fructifier le talent que son matre lui avait confi.Dsirer tre pauvre cette argumentation tait frquente quivaut dsirertre malade, ce qui est condamnable en tant que sanctification par les uvres,et dommageable la gloire de Dieu. En particulier, la mendicit, de la part d'unindividu en tat de travailler, outre qu'elle est paresse condamnable, estgalement, selon la parole de l'aptre, violation du devoir d'amour envers leprochain. []Pour rsumer ce que nous avons dit jusqu' prsent, l'asctisme protestant,agissant l'intrieur du monde, s'opposa avec une grande efficacit la

jouissance spontane des richesses et freina la consommation, notamment celledes objets de luxe. En revanche, il eut pour effet psychologique de dbarrasser

des inhibitions de l'thique traditionaliste le dsir d'acqurir. Il a rompu leschanes [qui entravaient] pareille tendance acqurir, non seulement en la


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lgalisant, mais aussi, comme nous l'avons expos, en la considrant commedirectement voulue par Dieu. []Plus important encore, l'valuation religieuse du travail sans relche, continu,systmatique, dans une profession sculire, comme moyen asctique le pluslev et la fois preuve la plus sre, la plus vidente de rgnration et de foiauthentique, a pu constituer le plus puissant levier qui se puisse imaginer del'expansion de cette conception de la vie que nous avons appele, ici, l'esprit ducapitalisme.Si pareil frein de la consommation s'unit pareille poursuite dbride du gain, lersultat pratique va de soi : le capital se forme par l'pargne force asctique. Ilest clair que les obstacles qui s'opposaient la consommation des biens acquisfavorisaient leur emploi productif en tant que capital investir.

La thse dfendue par Max Weber repose sur un triple constat statistique, quiconduit le sociologue laborer une problmatique : les protestants seraientdots dune disposition spciale pour le rationalisme conomique dont

lexplication doit tre recherche dans les croyances religieuses.Sa dmonstration slabore en 3 temps :1. Construction dun modle idaltypique de lesprit du capitalisme moderne.2. Mise en vidence de certains traits typiques de la thologie morale des

sectes puritaines.3. Souligner les affinits lectives qui existent entre les deux types de

mentalit ou dattitude.

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