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LA DERNIÈRE INNOCENCEPar CÊLIA BERTIN
Un bon et même un très Ê^Êbon roman M^Ê
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D E STALINEla plus passionnante et la plus neuve des biographies 1d'un des personnages les plus secrets de l'Histoire. mDu même auteur LA VIE DU MAHATMA GANDHI 1
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Le second volume d'une grande trilogie qui raconte J| comment est née une petite ville américaine. 1
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Extrait de la publication
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ERNST JUNGER
JOUR N A L II(1943-1945)
Traduit de l'allemand par Frédéric TOWARNICKI et Henri PLARD
Rappel: JOURNAL 1 (1941-1943)
LES GAZETTESD'ADRIENNE MONNIER.
(1925-1945)
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rç»Extrait de la publication
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Les Dukayroman
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WALTER BAXTER
Le chemindes hommes seuls
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Le cœur
du cycloneroman
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H. CLEWES
L'Homme
qui se souvientroman
denoël }
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LE CHIFFRE
DES CHOSES
Troisième Éditionrevue et augmentée
avecle Commentaire
de Luc DIETRICH- S
et les Cantilènes
C'est vraimentun nouveau continent et unenouvelle dimension du réel
que nous révèle Lanza del Vasto.
Luc DIÉTRICH
~j~7
N°
CHRONIQUE DE MINUIT
Samuel BECKETT
Samuel Beckett èst né en 1906, àDublin, de parents irlandais. Il a faitses études au Trinity College de cetteville, puis fut de 1928 à 1930 lecteur
d'anglais à l'Ecole Normale Supérieure.Après être retourné à Dublin, il s'établitdéfinitivement en France en 1938.
Ses premières œuvres furent écrites
en anglais deux poèmes, un essai surProust, un recueil de nouvelles et deux
premiers romans « MurphyetWatt».
Mais, depuis 1915, il écrit en françaisaprès avoir traduit lui-même« Murphy », il entreprit la trilogie• Molloy »,« Malone meurt» et « L'Innommableen même tempsqu'une pièce en deux actes En attendant Godot
Les œuvres écrites en anglais n'avaient, à l'origine reçu aucuneaudience. De même,Murphy », paru en France en 1947, nesuscita aucun article de presse en six ans, la vente atteignità peine cent exemplaires.
La publication de« Molloy(1951) allait révéler un grandécrivain français. La presse fut catégorique Dans la mesureoù il est encore permis de parler d'événement en littérature,voilà selon toute apparence, un livre événement. Il s'agit vrai-ment d'une des œuvres capitales de l'après-guerre », écrivaitJean Blanzat dans le Figaro Littéraire.
Quelques mois plus tard, la publication de« Malone meurt »,celle de« En attendant Godot(1952), le montage de cette piècepar Roger Blin, et, enfin, la publication de« L'Innommable»consacrait définitivement l'œuvre de Samuel Beckett.
Maurice Blanchot a centré son étude parue dans le numérod'octobre de la N.N.R.F. surL'Innommable », dont il ne crai-
gnaitpas d'écrire « .Peut-être s'agit-il de bien plus qu'un livrede l'approche pure du mouvement d'où viennent tous les livres•(p. 682).
L'œuvre complète de Samuel Beckett parue en français est
actuellement en cours de publication en allemand (SurhkampVerlag) et en anglais (Grove Press).
La pièce« En attendant Godot », qui continue de connaître àParis un succès ininterrompu, a été jouée dans les principalesvilles françaises, en Belgique, en Suisse, en Allemagne et enItalie. Traduite en allemand, elle est actuellement jouée dans unetrentaine de villes simultanément. Elle sera traduite et montée
au cours de la saison dans les pays suivants Grande-Bretagne,Pays-Bas, Suède, Norvège, Finlande, Danemark, Espagne, Paysd'Amérique Latine.
Toutes les œuvres de Samuel Beckett parues en français, les
quatre romans « Murphy »,« Molloy », « Malone meurt »,« L'In-
nommable" n, ainsi que la pièce « En attendant Godotsontpubliées par Les Editions de Minuit, 7, rue Bernard-Palissy (6e).
Extrait de la publication
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Du degré zéro de l'écriture au point de congélation de la critique
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LA MER AU PLUS PRÈS
J'ai grandi dans la mer et la pauvreté m'a été fastueuse,puis j'ai perdu la mer, tous les luxes alors m'ont parugris, la misère intolérable. Depuis, j'attends. J'attendsles navires du retour, la maison des eaux, le jour lim-pide. Je patiente, je suis poli de toutes mes forces. Onme voit passer dans de belles rues savantes, j'admire lespaysages, j'applaudis comme tout le monde, je donne lamain, ce n'est pas moi qui parle. On me loue, je rêveun peu, on m'offense, je m'étonne à peine. Puis j'oublieet souris à qui m'outrage, je salue trop courtoisementcelui que j'aime. Que faire si je n'ai de mémoire quepour une seule image ? On me somme enfin de direqui je suis. « Rien encore, rien encore. »
C'est aux enterrements que je me surpasse. J'excelle,vraiment. Je marche d'un pas lent dans des banlieuesfleuries de ferrailles, j'emprunte de larges allées, plan-tées d'arbres de ciment, et qui conduisent à des trous deterre froide. Là, sous le pansement à peine rougi duciel, je regarde de hardis compagnons inhumer mes amispar trois mètres de fond. La fleur qu'une main glai-seuse me tend alors, si je la jette, elle ne manque jamaisla fosse. J'ai la piété précise, l'émotion exacte, la nuque
LA NOUVELLE N. R. F.
convenablement inclinée. On admire que mes parolessoient justes. Mais je n'ai pas de mérite j'attends.
J'attends longtemps. Parfois, je trébuche, je perdsla main, la réussite me fuit. Qu'importe, je suis seulalors. Je me réveille ainsi, dans la nuit, et, à demiendormi, je crois entendre un bruit de vagues, la respi-ration des eaux. Réveillé tout à fait, je reconnais le ventdans les feuillages et la rumeur malheureuse de la villedéserte. Ensuite, je n'ai pas trop de tout mon art pourcacher ma détresse ou l'habiller à la mode.
D'autres fois, au contraire, je suis aidé. A New York,certains jours, perdu au fond de ces citernes de pierre etd'acier où errent des millions d'hommes, je courais del'une à l'autre, sans en voir la fin, épuisé, jusqu'à ceque je ne fusse plus soutenu que par la masse humainequi cherchait son issue. J'étouffais alors, ma paniqueallait crier. Mais, à chaque fois, un appel lointain deremorqueur venait me rappeler que cette ville, citernesèche, était une île, et qu'à la pointe de la Battery l'eaude mon baptême m'attendait, noire et pourrie, couvertede lièges creux.
Ainsi, moi qui ne possède rien, qui ai donné ma for-tune, qui campe auprès de toutes mes maisons, je suispourtant comblé quand je le veux, j'appareille à touteheure, le désespoir m'ignore. Point de patrie pour ledésespéré et moi, je sais que la mer me précède et mesuit, j'ai une folie toute prête. Ceux qui s'aiment et quisont séparés peuvent vivre dans la douleur, mais cen'est pas le désespoir ils savent que l'amour existe.Voilà pourquoi je souffre, les yeux secs, de l'exil. J'at-tends encore. Un jour vient, enfin.
Les pieds nus des marins battent doucement le pont.Nous partons au jour qui se lève. Dès que nous sommessortis du port, un vent court et dru brosse vigoureuse-
Extrait de la publication
LA MER AU PLUS PRÈS
ment la mer qui se révulse en petites vagues sansécume. Un peu plus tard, le vent fraîchit et sème l'eaude camélias, aussitôt disparus. Ainsi, toute la matinée,nos voiles claquent au-dessus d'un joyeux vivier. Leseaux sont lourdes, écailleuses, couvertes de baves fraî-
ches. De temps en temps, les vagues jappent contrel'étrave, une écume amère et onctueuse, salive des
dieux, coule le long du bois jusque dans l'eau où elles'éparpille en dessins mourants et renaissants, pelage dequelque vache bleue et blanche, bête fourbue, quidérive encore longtemps derrière notre sillage.
Depuis le départ, des mouettes suivent notre navire,sans effort apparent, sans presque battre de l'aile. Leurbelle navigation rectiligne s'appuie à peine sur la brise.Tout d'un coup, un plouf brutal au niveau des cuisinesjette une alarme gourmande parmi les oiseaux, saccageleur beau vol et enflamme un brasier d'ailes blanches.
Les mouettes tournoient follement en tous sens, puis,sans rien perdre de leur vitesse, quittent l'une aprèsl'autre la mêlée pour piquer vers la mer. Quelquessecondes après, les voilà de nouveau réunies sur l'eau,basse-cour disputeuse que nous laissons derrière nous,nichée au creux de la houle qui effeuille lentement lamanne des détritus.
A midi, sous un soleil assourdissant, la mer se sou-
lève à peine, exténuée. Quand elle retombe sur elle-même, elle fait siffler le silence. Une heure de cuisson
et l'eau pâle, grande plaque de tôle portée au blanc,grésille. Elle grésille, elle fume, brûle enfin. Dans unmoment, elle va basculer pour offrir au soleil sa facehumide, maintenant dans les vagues et les ténèbres.
Extrait de la publication
LA NOUVELLE N. R. F.
Nous passons les portes d'Hercule, la pointe où mou-rut Antée. Au-delà, l'Océan est partout, nous doublonsd'un seul bord Horn et Bonne-Espérance, les méridiensépousent les latitudes, le Pacifique boit l'Atlantique.Aussitôt, le cap sur Vancouver, nous fonçons lentementvers les mers du Sud. A quelques encâblures, Pâques, laDésolation et les Hébrides défilent en convoi devant
nous. Un matin, brusquement, les mouettes disparais-sent. Nous sommes loin de toute terre, et seuls, avec nosvoiles et nos machines.
Seuls aussi avec l'horizon. Les vagues viennent del'Est invisible, une à une, patiemment elles arriventjusqu'à nous et, patiemment, repartent vers l'Ouestinconnu, une à une. Long cheminement, jamais com-mencé, jamais achevé. La rivière et le fleuve passent,la mer passe et demeure. C'est ainsi qu'il faudraitaimer. Mais toi qui passeras, tu veux que l'être aimés'oblige à demeurer. Fugitif et fidèle, j'épouse la mer.
Pleines eaux. Le soleil descend, est absorbé par labrume bien avant l'horizon. Un court instant, la mer est
rose d'un côté, bleue de l'autre. Puis les eaux se fon-
cent. La goélette glisse, minuscule, à la surface d'un cer-cle parfait, au métal épais et terni. Et à l'heure du plusgrand apaisement, dans le soir qui approche, des centai-nes de marsouins surgissent des eaux, caracolent unmoment autour de nous, puis fuient vers l'horizon sanshommes. Eux partis, c'est le silence et l'angoisse deseaux primitives.
Un peu plus tard encore, rencontre d'un iceberg surle Tropique. Invisible sans doute après son long voyagedans ces eaux chaudes, mais efficace il longe le navire
Extrait de la publication
LA MER AU PLUS PRÈS
à tribord où les cordages se couvrent brièvement d'unerosée de givre, tandis qu'à bâbord meurt une journéesèche.
La nuit ne tombe pas sur la mer. Du fond des eaux,qu'un soleil déjà noyé noircit peu à peu de ses cendresépaisses, elle monte au contraire vers le ciel encore pâle.Un court instant, Vénus reste solitaire au-dessus des
flots noirs. Le temps de fermer les yeux, de les ouvrir,les étoiles pullulent dans la nuit liquide.
La lune s'est levée. Elle illumine d'abord faiblement
la surface des eaux, elle monte encore, elle écrit sur
l'eau souple. Au zénith enfin, elle éclaire tout un cou-loir de mer, riche fleuve de lait qui, avec le mouvementdu navire, descend vers nous, inépuisablement, dansl'océan obscur. Voici la nuit fidèle, la nuit fraîche quej'appelais dans les bruyantes lumières, l'alcool rouge, lefracas du désir.
Nous naviguons sur des espaces si vastes qu'il noussemble que nous n'en viendrons jamais à bout. Soleilet lune montent et descendent alternativement, au mê-
me fil de lumière et de nuit. Journées en mer, toutessemblables comme le bonheur. Cette vie rebelle à l'ou-
bli, rebelle au souvenir, dont parle Stevenson.
L'aube. Nous coupons le Cancer à la perpendicu-laire, les eaux gémissent et se convulsent. Le jour selève sur une mer houleuse, pleine de paillettes d'acier.Le ciel est blanc de brume et de chaleur, d'un éclat
mort, mais insoutenable, comme si le soleil s'était liqué-
Extrait de la publication
LA NOUVELLE N. R. F.
fié dans l'épaisseur des nuages, sur toute l'étendue dela calotte céleste. Ciel malade sur une mer décomposée.A mesure que l'heure avance, la chaleur croît dans l'airlivide. Tout le long du jour, l'étrave débusque desnuées de poissons volants, petits oiseaux de fer hors deleurs buissons de vagues.
Dans l'après-midi, nous croisons un paquebot quiremonte vers les villes. Le salut que nos sirènes échan-gent avec trois grands cris d'animaux préhistoriques, lessignaux des passagers perdus sur la mer et alertés parla présence d'autres hommes, la distance qui granditpeu à peu entre les deux navires, la séparation enfin surles eaux malveillantes, tout cela, et le cœur se serre. Ces
déments obstinés, accrochés à des plantes, jetés sur lacrinière des océans immenses à la poursuite d'îles endérive, qui, chérissant la solitude et la mer, s'empê-chera jamais de les aimer ?
Au juste milieu de l'Atlantique, nous plions sous lesvents sauvages qui soufflent interminablement d'un pôleà l'autre. Chaque cri que nous poussons se perd, s'en-vole dans des espaces sans limites. Mais ce cri, portéjour après jour par les vents, abordera enfin à l'un desbouts aplatis de la terre et retentira longuement contreles parois glacées, jusqu'à ce qu'un homme, quelquepart, perdu dans sa coquille de neige, l'entende et,content, veuille sourire.
Je dormais à demi, sous le soleil de deux heures,quand un bruit terrible me réveilla. Je vis le soleil aufond de la mer, les vagues régnaient dans le ciel hou-