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CHRIS WARE LA BANDE DESSINÉE RÉINVENTÉE Jacques Samson Benoît Peeters LES IMPRESSIONS NOUVELLES

Extrait "Chris Ware"

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Extrait de Jacques Samson et Benoit Peeters, de la biographie "Chris Ware, la bande dessinée réinventée"

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Chris WareLa Bande dessinée réinventée

Jacques Samson Benoît Peeters

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EAN : 9782874490859

Chris Ware est sans doute le plus important auteur de bande dessinée de ces dernières années, et pas seu-lement aux États-Unis, son pays de naissance et de résidence.

Abondamment illustrée, cette première monogra-phie en langue française propose plusieurs traversées d’une œuvre déjà imposante bien qu’encore en plein devenir. On y trouvera une présentation chronolo-gique ainsi qu’un long entretien accordé à Benoît Peeters. Même si Chris Ware s’excuse sans cesse de ne pas répondre comme il faudrait, il tient sur son

travail et sur l’art de la bande dessinée un discours d’une extrême richesse. C’est pourquoi l’ouvrage comprend aussi quatre articles inédits en français de Ware, que vient compléter une étude de Jacques Samson traitant de l’ori-ginalité et de la modernité de l’auteur de Jimmy Corrigan.

JACQUES SAMSON vit à Montréal. Après une carrière dans l’enseignement (bande dessinée, cinéma, littérature), il entretient une passion plus active que jamais pour la bande dessinée, en publiant des articles dans diverses revues, notamment Neuvième Art.

Écrivain, scénariste et réalisateur, BENOÎT PEETERS est l’auteur de plusieurs ouvrages sur Hergé, ainsi que de Lire la bande dessinée (Flammarion) et de Écrire l’image (Les Impressions Nouvelles). Avec François Schuiten, il a conçu et développé la série Les Cités obscures.

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extrait

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LES IMPRESSIONS NOUVELLES

« RÉFLEXIONS FAITES »Pratique et théorie

« Réflexions faites » part de la conviction que la pratique et la théorie ont toujours besoin l’une de l’autre, aussi bien en littérature qu’en d’autres domaines.

La réflexion ne tue pas la création, elle la prépare, la renforce, la relance. Refusant les cloisonnements et les ghettos‚ cette collection est ouverte

à tous les domaines de la vie artistique et des sciences humaines.

Ce livre est publié avec l’aide du Centre National du Livre.

Ce livre a bénéficié du soutien de la Communauté française de Belgique (secteur bande dessinée de création).

Mise en page : Martine Gillet

© Chris Ware 2010 pour les dessins© Les Impressions Nouvelles – 2010.

www.lesimpressionsnouvelles.com

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CHRIS WARELA BANDE DESSINÉE RÉINVENTÉE

Jacques Samson Benoît Peeters

LES IMPRESSIONS NOUVELLES

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Chris Ware est sans doute le plus important auteur de bande dessinée de ces dernières années, et pas seulement aux États-Unis, son pays de naissance et de résidence. L’enviable renommée qu’il a acquise en une décennie à peine repose sur une œuvre d’une inven-tivité exceptionnelle, tout entière dédiée à l’imprimé. On pourrait s’étonner d’un tel intérêt pour une technologie dont le futur paraît à certains bien menacé. Mais Chris Ware, héritier d’une tradition parmi les plus brillantes, s’est dès ses débuts consacré à la pratique exigeante et formatrice du comic strip, encore et toujours tributaire de la presse. Ce n’est pas le moindre paradoxe d’un dessinateur qui, bien que moderne, voue une admiration immodérée à de lointains inventeurs de la bande dessinée comme Rodolphe Töpffer, Winsor McCay, George Herriman ou Frank King.

Ainsi, à une époque où nombre d’auteurs de comics rêvaient d’opter pour la forme plus personnelle et gratifiante du graphic novel, Ware faisait patiemment l’apprentissage de son médium dans les livraisons hebdomadaires de journaux de province, en donnant vie à des personnages plus loufoques les uns que les autres. Complexes et souvent muettes, ces pages empreintes de dérision et de nostalgie tournaient apparemment le dos aux tendances contemporaines. Mais, parallèlement, ce créateur opiniâtre entamait l’une des plus insolites aventures éditoriales de la bande dessinée, l’Acme Novelty Library. Sous cette appellation énigmatique, il amalgamait les « meilleurs » de ses strips à des morceaux de prose de son cru, moquant la publicité ou certains médias imprimés. Le tout était remonté et recomposé avec un soin maniaque dans des formats chaque fois plus inattendus, l’unité de l’ensemble ne reposant que sur la présence du label. Il ne fallut pourtant que peu d’années pour que le nom de cet artiste si désireux d’anonymat se mette à circuler dans les milieux de la bande dessinée alternative, un peu partout à travers le monde.

INTRODUCTION

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Petit à petit, un personnage plus consistant, et sans doute aussi plus proche de son auteur, est sorti de cette galerie de portraits. Diverses moutures de ses strips assemblées en un épais volume ont permis l’émergence d’une œuvre magistrale, Jimmy Corrigan, The Smartest Kid on Earth, publiée en 2000 par le prestigieux éditeur new-yorkais Pantheon, puis traduite dans de nombreux pays. Chris Ware a connu une célébrité aussi immédiate que méritée, avec cet extraordinaire album de 380 pages dont la facture, le contenu et la thématique ont projeté un parfum de radicale nouveauté dans le pay-sage de la bande dessinée. L’insistante mélancolie du timide Jimmy Corrigan, distillée dans de minuscules cases, prenait forme d’une manière si pénétrante que le langage de la bande dessinée paraissait s’en trouver d’un coup réinventé. D’autres personnages – tels Rusty Brown ou la jeune femme infirme des Building Stories – sont venus par la suite compléter l’univers de Ware, tandis qu’il mettait de côté la veine ouvertement parodique de ses débuts.

Cette première monographie en langue française voudrait pro-poser plusieurs traversées d’une œuvre déjà imposante bien qu’encore en plein devenir. On y trouvera une bio-bibliographie aussi complète que possible, accompagnée de propos de l’auteur, puis la version inté-grale d’un long entretien accordé en juillet 2003 pour le documen-taire intitulé Chris Ware, un art de la mémoire (INA-Arte, 2004). Le discours de Ware constitue un mélange rare de modestie, d’intelli-gence, d’humour et de sincérité. Même si l’auteur s’excuse sans cesse de ne pas répondre comme il faudrait, il tient sur son propre travail et sur l’art de la bande dessinée un propos d’une extrême richesse.

Comme son ami Art Spiegelman, Chris Ware est un grand connaisseur de l’histoire de la bande dessinée, notamment améri-caine. L’amour du médium unit chez eux la mémoire et l’invention. Pour ces créateurs, la « défense et illustration » de la bande dessinée n’est ni un combat d’arrière-garde ni l’affaire des seuls critiques ou « spécialistes » ; c’est une bataille de première ligne en faveur d’un art trop souvent méconnu ou méprisé. Inédits en français, les quatre textes de Ware rassemblés dans ce volume en sont peut-être le plus convaincant témoignage.

La modernité de Ware ne se situe jamais là où on l’attendrait le plus. Sans trop faire de vagues, ses albums ouvrent à la bande dessi-née l’expression romanesque d’un temps infinitésimal, plus intérieur

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qu’intime. Dans ses histoires, les sensations de la vie palpitent au gré d’une conscience sans grandeur ni petitesse, avec la complicité irrem-plaçable d’images dessinées quasiment comme des pictogrammes. C’est la formidable adéquation de cette nouvelle forme de récit avec le médium bande dessinée qu’explore, à la fin du livre, l’étude « Une célébration de la bande dessinée ».

Grâce à la complicité de Chris Ware, que nous tenons à remercier chaleureusement, le présent ouvrage est illustré de nom-breux dessins et planches rares ou inédits. Le travail de la lettre est d’une telle importance dans son œuvre qu’il nous a semblé préférable de reproduire tous ces documents en version originale.

Jacques Samson et Benoît Peeters

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B I O G R A P H I E

1967Naissance de Chris Ware, le 28 décembre, à Omaha, dans l’état du Nebraska.

Sa mère est employée du plus important quo-tidien de la région, l’Omaha World-Herald, comme journaliste et rédactrice en chef. Elle suit une voie ouverte par son père, journaliste sportif dans les années 1920. Ce même grand-père a également tâté de la bande dessinée, façon Mutt and Jeff (strip de Bud Fisher, créé en 1907), sans jamais atteindre de débouchés professionnels. Le jeune Ware a pu avoir accès à nombre des dessins de ce grand-père qui, jusqu’à sa mort en 1981, a servi de « représentation paternelle » pour son petit-fils, dont le père s’en est allé alors qu’il était bébé. Il n’a eu que de brefs échanges téléphoniques avec ce père absent, beaucoup plus tard en 1998, et une seule rencontre, en 1999, avant son décès, alors que le fils mettait la dernière main à son Jimmy Corrigan.

« J’ai commencé Jimmy Corrigan comme une expérience personnelle, une sorte de répétition générale pour ce à quoi quelqu’un comme moi aurait à faire face en rencontrant un parent pour la première fois. Ma femme était déjà passée par une expérience similaire et elle a trouvé utile, même si pas vraiment cathartique, de rencontrer son propre père, et elle m’a recommandé de rencontrer le mien ; aussi bien le faire, m’a-t-elle dit, “avant qu’il ne soit trop tard”. »

L’enfance de Chris Ware s’est déroulée sous le manteau affectif d’une grand-mère qui a pris soin de lui, lorsque sa mère était au travail. Vers l’âge de treize ans, il a commencé à développer un intérêt pour la musique ragtime qui ne s’est jamais démenti, au point d’auto-éditer plus tard un magazine voué à sa revalorisation, The Rag-Time Ephemeralist (trois numéros parus en 1998, 1999 et 2001). À ses heures, il est aussi un musicien amateur qui joue surtout du piano et du banjo.

Ware a commencé son apprentissage du dessin dès son jeune âge, en suivant des leçons au Joslyn Art Museum d’Omaha. Mais il l’a fait de façon plus rigoureuse pendant ses études supérieures, en

Chapitre 1REPÈRES CHRONOLOGIQUESpar Jacques Samson

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prenant régulièrement des cours de dessin d’après modèle vivant. Depuis le milieu des années 1980, il a maintenu une pratique à peu près constante des carnets de croquis.

« [Après la découverte des carnets de croquis de Robert Crumb…] Je me suis aussitôt concentré davan-tage sur le dessin d’après nature (que je pratiquais déjà d’une manière studieuse dans mes classes de dessin – d’ailleurs les meilleurs cours que j’ai jamais eus à l’école, hormis mes cours de littérature) et en conséquence, j’ai brusquement vu mon carnet de croquis comme un refuge et non plus comme ce qui me rappelait à quel point je pouvais être irrécupérable et dépourvu d’intelligence. »

1983

Chris Ware déménage au Texas, habitant successi-vement San Antonio, puis Austin à partir de 1985, où il entreprend des études en peinture, sculpture et gravure. Il obtient un diplôme de la Skowhegan School of Painting and Sculpture, en 1989.

« Parmi mes auteurs favoris, il y a Updike, Joyce, Tolstoï, Tchekhov, Flaubert, Melville, Maupassant et Nabokov. Parmi mes réalisateurs favoris, il y a Ozu, Tarkovski, De Sica (je pense que Les enfants nous regar-dent est l’un des meilleurs films que j’ai jamais vus), Edgar Reitz, Kieslowski, Fellini, Bresson, Alexander Payne, Charlie Kaufman et Stanley Kubrick. Parmi mes compositeurs favoris, il y a Brahms, Bach, Beethoven, Schumann, Enescu, Henrik Gorecki et Arvo Pärt. »

C’est à cette époque que Ware met la main par hasard sur un numéro de Raw, le magazine de ban-des dessinées d’avant-garde édité par Art Spiegelman (auteur du chef-d’œuvre Maus) et Françoise Mouly. Cette découverte a sur lui un impact majeur ; elle lui fait connaître une production radicalement dif-férente des comics de superhéros qu’il a surtout fré-quentés jusqu’alors.

« J’ai grandi en lisant des comics de superhéros (plus précisément, en copiant les images séparément et en y surimposant mon visage et ma coupe de cheveux) et je prenais assez sérieusement leurs histoires et les situa-tions qu’ils décrivaient, ce qui m’a bien entendu causé

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des difficultés d’adaptation lorsque, plus tard, j’ai pris le chemin de l’âge adulte. À présent, je vois les comics de superhéros comme une espèce de curiosité nostalgi-que, et je suis surpris et déçu qu’ils aient gravi les plus hauts échelons de la culture populaire, alors que j’étais puni lorsque gamin je les lisais. »

1986

Peu après le début de cette période de vie texane, Ware commence à faire paraître des dessins puis un strip, à fréquence variable (daily ou weekly), dans The Daily Texan (publication de l’Université d’Austin), sous le titre « Floyd Farland ». En ses propres termes, cette bande dessinée se proposait « d’explorer les pro-priétés formelles du médium » (Gary Groth, The Comics Journal). Il n’est âgé que de dix-neuf ans lorsqu’il fait paraître ce premier strip, qui sera bientôt suivi de plu-sieurs autres. Ces premières bandes dessinées étaient publiées en noir et blanc.

« J’ai toujours su que je voulais raconter des histoires, (…) parce que pour moi, au minimum, les histoires ont été le lieu où j’ai toujours pu ressentir la forme la plus intense de la vie et de l’émotion, à part la musique peut-être. »

1987Art Spiegelman prend contact avec Ware pour l’encou-rager à lui soumettre des planches. Ce qu’il fait mais au compte-gouttes. Finalement, Raw n’a fait paraître que deux bandes dessinées de Ware, dont « I Guess », une histoire « dissociée » qui véhicule dans la narration un contenu largement autobiographique, tandis que les dessins présentent un contenu décalé, parodiant les superhéros.

1988

Ware entreprend une phase plus radicale d’expéri-mentation en dessinant des comics minimalistes, improvisés, sans texte, gravitant autour des person-nages de Quimby the Mouse et Sparky (la tête de chat). Son intention est de créer « l’impression d’une musique encore jamais entendue dans une bande dessi-née » (Gary Groth, The Comics Journal). Les Quimbies font progressivement suite à son « Potato Guy ».

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Durant cette période, Ware laisse voir dans ses carnets d’esquisses un prodigieux acharnement à dessiner, orné de commentaires la plupart du temps plus auto-dépréciatifs qu’autre chose.

Dans le courant des années 1989-1993, il réa-lise des « sculptures », parfois articulées, à partir de certains de ses personnages (Quimby, Sparky, le per-sonnage patate, etc.). Au cours des années 2000, il conçoit également divers objets dérivés de ses person-nages (figurines, badges, boîte à lunch Rusty Brown, t-shirts, sac fourre-tout Quimby, etc.), parfois pour un usage privé.

1991Ware part s’installer à Chicago où il s’inscrit comme étudiant à la School of the Art Institute, jusqu’en 1993. Au début de son séjour dans ce nouveau milieu, il se sent perdu et dépaysé, étant le plus sou-

vent seul, sans argent et sans amis. En quittant le Texas, il laissait aussi une petite amie.

1992Début de la parution en feuilleton de Jimmy Corrigan, dans le New City, un hebdomadaire gratuit de Chicago. À propos de cette bande dessinée, Ware précise : « Je voulais en faire quelque chose d’aussi dense que possible, et en même temps d’aussi compliqué que possible. Je voulais que ce soit aussi lourd que possible, aussi flou que possible » (Groth, The Comics Journal). Les premiers tâtonnements dessinés du personnage de Jimmy Corrigan apparaissent dans ses carnets de croquis vers la fin de 1991, succédant à la frénétique époque des Quimbies.

« Quant au fait d’être optimiste ou pessimiste, je me méfie des dénouements heureux en art, à moins de considérer la mort (qui est le dénouement ultime entre

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tous) comme heureuse (…). Je pense que cela fait partie du travail de l’artiste de prendre en considération ces choses-là et bien davantage, et d’en faire quelque chose qui ne soit pas irrespectueux pour le lecteur, ou pire, qui ne propage pas de fausses illusions (en particulier, dans mon propre cas, en tant qu’auteur-artiste américain, puisque j’ai un mode de vie extrêmement privilégié). »

La collaboration à New City se prolonge jusqu’au-delà des années 2000. Avant 1995, Ware n’a disposé pour ses strips que d’une impression partiellement colorée, tout dépendant des couleurs présentes dans les publicités incluses dans le journal. Par la suite, ils ont bénéficié d’une véritable impression en couleur.

1993Parution du premier numéro de l’Acme Novelty Library, chez Fantagraphics Books de Seattle. Au sommaire, on trouve le remontage de strips parus antérieurement dans la presse, dont ceux de Jimmy Corrigan.

Les premiers croquis de Marnie font leur appa-rition dans les carnets de Ware, fin 1993-début 1994. Il a rencontré la femme qu’il va épouser par la suite. Marnie enseigne la biologie.

1994Ware remporte ses premières récompenses aux Eisner Award et Harvey Comic Book Awards décernés par la profession aux États-Unis. Entre 1994 et 2006, il est primé dix-huit fois, dans diverses catégories.

C’est de cette époque que date la création d’autres personnages de strips profondément déjantés, tels Big Tex, Rocket Sam, Brick Brady, God (Super-Man), Tales of Tomorrow, etc. La plupart de ces his-toires sont improvisées directement en dessins. On trouve plusieurs de ces « brouillons » dans les pages de ses carnets de croquis.

1995

S’étant attardé un soir après l’heure de fermeture de la bibliothèque de l’école d’art de Chicago, il s’est trouvé enfermé à l’intérieur et a dû sauter d’un balcon pour en sortir, en se brisant les deux jambes. Épisode mal-heureux dont on retrouve une trace dans sa création majeure, Jimmy Corrigan. C’est en tirant profit de cette immobilité forcée qu’il lut énormément à propos de l’Exposition Internationale de Chicago, en 1893, et développa l’épisode correspondant dans son strip.

1998Un Ware inventif et toujours habile bricoleur conçoit pour Fantagraphics un présentoir de ses comics qui se parcourt comme une bande dessinée.

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1999L’Acme Novelty Library obtient le prix du meilleur comic book de la National Cartoonists Society.

De nouvelles créations, plus ou moins éphé-mères, s’ajoutent à sa galerie de personnages : G.I. Jim, Rusty Brown, Chalky White, The Letterer, Dick Public, Doctor Science, Frank Phosphate…

2000Parution de Jimmy Corrigan, The Smartest Kid on Earth chez le prestigieux éditeur new-yorkais, Pantheon. Il obtient l’American Book Award pour cet album. Jimmy est qualifié par Ware de « version pathétique de moi-même ».

Au cours des années 2000, Ware continue de faire paraître ses bandes dessinées dans diverses publications (Chicago Reader, New City, The New Yorker, Kramer’s Ergot, Nest, Speak Magazine, etc.) ; il place également des illustrations dans plusieurs magazines.

2001À Londres, Ware obtient le prix Guardian du Meilleur Premier Ouvrage pour Jimmy Corrigan.

2002À la Biennale du Whitney Museum of American Art de New York de cette année-là, Ware est au nombre des artistes contemporains invités. C’est la première fois qu’un artiste de bande dessinée reçoit pareille reconnaissance.

À la demande de Dave Eggers (fondateur du magazine indépendant McSweeney’s), il réalise le graphisme d’une peinture murale ornant la façade

de son centre de création littéraire, sis au 826 rue Valencia, à San Francisco. Ce fantastique diagramme – illustrant les liens entre les besoins primaires de l’être humain (nourriture, abri, sexualité) et le déve-loppement de la pensée, de la parole et de l’écriture – a été reproduit sur la couverture arrière de l’album Quimby The Mouse.

2003 Le succès inespéré de Jimmy Corrigan permet au couple Ware de s’acheter une résidence à Oak Park, dans la banlieue de Chicago, où il vit depuis. Les ventes cumulées de cet album aux États-Unis et dans le monde ont atteint, cette année-là, les 80 000 exemplaires.

Ware collabore avec Ira Glass à la création d’il-lustrations et de séquences animées pour la représen-tation publique de This American Life ; sous le titre

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« Lost Buildings », il propose une visite guidée de sites architecturaux de la ville de Chicago, dans les pas de l’historien Tim Samuelson, ardent défenseur du patrimoine culturel et historique de sa ville (paru-tion l’année suivante en coffret livre-DVD).

La même année, Jimmy Corrigan, The Smartest Kid on Earth obtient le prix du meilleur album au 30e Festival International de la Bande dessinée d’Angoulême.

Dans le cadre de la série « Comix », pour Arte et l’INA, Benoît Peeters tourne en juillet un film docu-mentaire, Chris Ware, un art de la mémoire, qui est diffusé pour la première fois à la télévision en janvier 2005.

2004

Ware est éditeur invité pour la 13e livraison du McSweeney’s Quarterly Concern, qui rassemble pour

l’occasion ses coups de cœur en bande dessinée (Robert Crumb, Art Spiegelman, Daniel Clowes, Adrian Tomine, Julie Doucet…).

2005

Le New York Times Magazine entreprend la publica-tion d’une page hebdomadaire de bandes dessinées intitulée « The Funny Pages » ; cette série débute par les « Building Stories » de Chris Ware (29 planches parues de septembre 2005 à avril 2006). Elles sont suivies par des strips de Daniel Clowes, Jason, Seth, etc.

La même année, Chris et Marnie Ware ont une enfant, qu’ils prénomment Clara. Cette naissance transforme sa vie, et surtout son rythme de travail, d’une façon qui lui apparaît bénéfique.

« En ce qui concerne mon travail quotidien, j’avais l’habitude de m’asseoir et de gaspiller mon temps, tandis que maintenant je travaille selon un horaire plus serré

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parce que je passe la plus grande partie de la journée à m’occuper de ma fille. J’ai aussi abandonné mes échéan-ces hebdomadaires pour me permettre de travailler selon un rythme plus naturel, et je pense pouvoir affirmer que, pour ces deux raisons, je suis vraiment heureux pour la première fois de ma vie d’adulte. Je suis content de m’être soumis à la misère de vingt ans d’échéances pénibles mais, aujourd’hui, si je ne peux le faire par plaisir, alors je ne devrais pas être en train de le faire. »

2006

Ware réalise des unes et un strip à suivre pour le New Yorker. La même année et en même temps que Joe Sacco, il est boursier de l’Association United States Artists. Le Musée d’Art Contemporain de Chicago lui consacre également une exposition personnelle.

2007Ware est rédacteur en chef d’une anthologie de bande dessinée parue sous le titre Best American Comics 2007 (Houghton Mifflin).

En avril de la même année, pour le Phoenix Art Museum, il est conservateur de l’exposition « UnInked : Paintings, Sculpture and Graphic Works by Five Cartoonists », réunissant des œuvres non narratives de cinq artistes de comics. L’édition et la conception du catalogue de cette exposition lui sont aussi confiées.

Au cours de cette période, il supervise et pré-face la réédition d’œuvres patrimoniales de la bande dessinée américaine (Gasoline Alley de Frank King et Krazy Kat de George Herriman).

Dans le cadre de la série This American Life (sur la chaîne Chicago Public Radio), Ware crée une séquence animée, tout en occupant le rôle de consul-tant pour la couleur (animation : John Kuramoto).

2008Le festival de bande dessinée de Haarlem (Pays-Bas) décerne le « Grand prix du meilleur artiste interna-tional » à Chris Ware pour sa série Acme Novelty Library.

Nouvelle séquence animée de Ware et Kuramoto pour la série This American Life (animation : John Kuramoto).

2009Fin janvier, Ware prononce une allocution publique au 36e Festival International de la bande dessinée d’Angoulême. En février, dans le cadre du Festival of New French Writing de New York, il participe à un entretien public avec Marjane Satrapi, présidé par Françoise Mouly.

De février à avril, il est à l’honneur dans l’ex-position « Quintet » organisée par le Musée d’Art contemporain de Lyon ; autour de lui, on retrouve les auteurs de bande dessinée suivants : Stéphane Blanquet, Francis Masse, Gilbert Shelton et Joost Swarte. Un catalogue est édité pour l’occasion sous le même titre.

En juin, il scénarise et dessine pour This American Life, une animation de Quimby the Mouse (anima-tion : John Kuramoto ; musique : Andrew Bird).

Enfin, l’édition de juillet du Architect’s Journal (de Londres) classe le « Chicago » de Chris Ware au second rang parmi les 10 cités de la bande dessinée les plus remarquables. Urbicande (de Schuiten et Peeters) obtient le 7e rang, et l’univers Inca de Tintin, le 9e rang.

(Les citations proviennent de « Réponses écrites », Chris Ware, 2009.)

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Chris Ware est sans doute le plus important auteur de bande dessinée de ces dernières années, et pas seu-lement aux États-Unis, son pays de naissance et de résidence.

Abondamment illustrée, cette première monogra-phie en langue française propose plusieurs traversées d’une œuvre déjà imposante bien qu’encore en plein devenir. On y trouvera une présentation chronolo-gique ainsi qu’un long entretien accordé à Benoît Peeters. Même si Chris Ware s’excuse sans cesse de ne pas répondre comme il faudrait, il tient sur son

travail et sur l’art de la bande dessinée un discours d’une extrême richesse. C’est pourquoi l’ouvrage comprend aussi quatre articles inédits en français de Ware, que vient compléter une étude de Jacques Samson traitant de l’ori-ginalité et de la modernité de l’auteur de Jimmy Corrigan.

JACQUES SAMSON vit à Montréal. Après une carrière dans l’enseignement (bande dessinée, cinéma, littérature), il entretient une passion plus active que jamais pour la bande dessinée, en publiant des articles dans diverses revues, notamment Neuvième Art.

Écrivain, scénariste et réalisateur, BENOÎT PEETERS est l’auteur de plusieurs ouvrages sur Hergé, ainsi que de Lire la bande dessinée (Flammarion) et de Écrire l’image (Les Impressions Nouvelles). Avec François Schuiten, il a conçu et développé la série Les Cités obscures.

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DIFFUSION/DISTRIBUTION : HARMONIA MUNDIEAN : 9782874490859ISBN : 978-2-87449-085-9160 PAGES - 22 €

OUVRAGE PARU EN OCTOBRE 2010