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EXAMEN DE JURISPRUDENCE (1972 à 1986) DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ SAISIES CONSERVATOIRES ET VOIES D'EXÉCUTION PAR J. VAN ÜOMPERNOLLE PROFESSEUR ORDINAIRE .A. L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN TABLE DES MATIÈRES CHAPITRE PREMIER. -·RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES ET AUX VOIES D'EXÉCUTION SECTION Ire. - LE JUGE DES SAISIES § 1er, - Compétence d'attribution 1) Généralités 2) Etendue de la mission du juge des saisies 3) Nature de la juridiction exercée par le juge des sai- sies . 4) Juge des saisies et compétence présidentielle 5) Juge des saisies et astreinte § 2. - Compétence territoriale § 3. - Procédure 1) Principes 2) Délai de citation 3) Absence de communication au ministère public 4) Exécution par provision 5) Voies de recours . 1 et 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Il 12 SECTION Il. - LES BIENS SAISISSABLES § 1er. - Principe § 2. - Personnes morales de droit public 13 .14, 15 et 15 bis.

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EXAMEN DE JURISPRUDENCE

(1972 à 1986)

DROIT JUDICIAIRE PRIVÉ

SAISIES CONSERVATOIRES ET VOIES D'EXÉCUTION

PAR

J. VAN ÜOMPERNOLLE

PROFESSEUR ORDINAIRE .A. L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN

TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE PREMIER. -·RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES

ET AUX VOIES D'EXÉCUTION

SECTION Ire. - LE JUGE DES SAISIES

§ 1er, - Compétence d'attribution

1) Généralités 2) Etendue de la mission du juge des saisies 3) Nature de la juridiction exercée par le juge des sai­

sies . 4) Juge des saisies et compétence présidentielle 5) Juge des saisies et astreinte

§ 2. - Compétence territoriale

§ 3. - Procédure

1) Principes 2) Délai de citation 3) Absence de communication au ministère public 4) Exécution par provision 5) Voies de recours .

1 et 2 3

4 5 6

7

8 9

10 Il 12

SECTION Il. - LES BIENS SAISISSABLES

§ 1er. - Principe

§ 2. - Personnes morales de droit public

13

.14, 15 et 15 bis.

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394 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

Nos

§ 3. - lVleubles corporels 16

§ 4. - Revenus professionnels et revenus de remplacement et de complément 17

a) Article 1409 18 b) Article 1410 19 c) Article 1412 20

SECTION III - L'EriCUTION PROVISOIRE ET LE CANTONNE­

MENT.

§ 1er. - L'exécution provisoire 1) Exécution provisoire au premier degré 2) Exécution provisoire en degré d'appel

§ 2. - Le cantonnement

1) Conditions générales 2) Exclusion du cantonnement 3) Effets du cantonnement

CHAPITRE II. - CONDITIONS GÉNÉRALES DE MISE EN ŒUVRE DES SAISIES CONSERVATOIRES

SECTION Ire.- CONDITIONS DE FOND : CÉLÉRITÉ ET QUALITÉS

DE LA CRÉANCE

§ 1er. - La célérité

1) Justification et portée de l'exigence 2) Contenu et appréciation· de l'exigence

§ 2. - Qualités de la créance

1) La certitude 2) L'exigibilité 3) La liquidité

SECTION Il. - CONDITION DE FORME : LE TITRE PERMISSIF

21

22 23 24

25 26 27

28 29

30

31 32 33

§ 1er. - Autorisation du juge des saisies 34

§ 2. - L'autorisation implicite résultant d'une décision de justice 35

§ 3. - Saisies pratiquées sans autorisation ni jugement

1) Saisie-gagerie et protection des créances de loyers 36 2) Saisie-arrêt conservatoire pratiquée sur base d'un

titre privé 37

SECTION III.- RECOURS EN MATIÈRE DE SAISIES CONSERVA­

TOIRES

§1er. - Recours contre l'ordonnance accordant (ou refu­sant) l'autorisation de saisie

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 395

Nos

1) Recours du requérant 38 2) Recours du saisi . 39

§ 2. - Action en mainlevée de la saisie conservatoire 40

§ 3. - Dommages et intérêts sanctionnant la saisie abu-sive .

CHAPITRE III. - CONDITIONS GÉNÉRALES DE MISE EN ŒUVRE DES SAISIES-EXÉCUTIONS

SECTION Ire. - LE TITRE E;xÉCUTOIRE EN GÉNÉRAL

§ 1er. - Le titre judiciaire

§ 2. - L'acte notarié

41

42

43

44

SECTION IL - L'EFFECTIVITÉ DU TITRE EtiCUTOIRE

§ 1er. - Créance certaine, liquide et exigible

§ 2, - Persistance de l'efficacité exécutoire

45 à 47

48 à 51

SECTION Ill. ----"- ÛCTROI DE DÉLAIS DE GRÂCE

SECTION IV. - SAISIES ABUSIVES

CHAPITRE IV. - APERÇUS DE LA SAISIE MOBILIÈRE

SECTION Ire. - LE COMMANDEMENT PRÉALABLE .

SECTION II. - LA SAISIE

§ 1er. - Le procès-verbal de saisie

· § 2. - Indisponibilité résultant de la saisie

§ 3. - Saisie mobilière pratiquée chez un tiers

SECTION Ill. - INCIDENTS DE LA SAISIE MOBILIÈRE

52

53

55

56

57

58

§1er. - Opposition du saisi 59

§ 2. - Opposition des autres créanciers 60

§ 3. - Opposition du tiers revendiquant : l'action en dis-traction 61 à 67

SECTION lV. - LA DISTRIBUTION PAR CONTRIBUTION . 68

CHAPITRE V. - APERÇUS DE LA SAISIE-ARR~T

SECTION Jre. - CONDITIONS D'APPLICATION DE LA SAISIE­

ARRÊT

§ 1er. - Le créancier saisissant

Revue Critique, 1987, 3 - 25

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396 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

Nos

1) Principes 70 2) Saisie-arrêt conservatoire pratiquée sur base d'un

titre privé . 71

§ 2. Le débiteur saisi

1) Principes 2) Questions particulières

a) Saisie-arrêt et compte bancaire b) Ouverture de crédit c) Créances sur l'Etat du chef de travaux et four­

nitures

§ 3. - Le tiers saisi

1) Principes 2) Saisie-arrêt entre les mains d'un avocat 3) Saisie-arrêt sur soi-même

SECTION II. - PROCÉDURE DE LA SAISIE-ARRÊT

§ 1er, - L'acte de saisie-arrêt

1) Formes et irrégularités - Les oppositions << extra-

72

73 74

75

76 77 78

judiciaires)) 79 2) Indisponibilité résultant de l'acte de saisie-arrêt

a) A l'égard du tiers saisi 80 b) A l'égard du débiteur saisi . 81

§ 2. - Dénonciation de la saisie-arrêt 82

§ 3. - Déclaration du tiers saisi 83

§ 4. - Saisie-arrêt-exécution : opposition du débiteur 84

§ 5. - Saisie-arrêt-exécution : le dessaisissement du tiers et le concours , 85 et 86

CHAPITRE VI. - APERÇUS DE LA SAISIE IMMOBILIÈRE

SECTION Ire, - CONDITIONS RELATIVES AU BIEN SAISI

§ 1er. ---'- 1 mmeubles par destination .

§ 2. - Part indivise

§ 3. - Poursuite du créancier hypothécaire sur un im­meuble non hypothéqué

SECTION II. - PROCÉDURE DE LA SAISIE IMMOBILIÈRE

§ 1er. - ·Le commandement et la saisie

1) Formalités 2) Effets .

88

89

90

91 92

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§ 2. - Désignation du notaire . 93

§ 3. - La sommation de prendre connaissance du cahier des charges 94

§ 4. - L'adjudication . 95

§ 5. - Concours d'une saisie immobiliè1·e avec une vente sur faillite 96

§ 6. - Ordre et radiation des inscriptions 97

* * *

CHAPITRE PREMIER. - RÈGLES COMMUNES AUX SAISIES CONSERVATOIRES

ET AUX VOIES D'EXÉCUTION

SECTION Jre. - LE JUGE DES SAISIES

§}er. - Compétence d'attribution

1) Généralités.

1. - L'article 1395 du Code judiciaire confie au juge des saisies le jugement de << toutes demandes qui ont trait aux sai­sies conservatoires et aux voies d'exécution>>. Ainsi définie en termes lapidaires (R. LIÉNARD, <<Saisies conservatoires et voies d'exécution>>, Annales de droit de Louvain, 1968, p. 455) cette compétence est extrêmement étendue comme le font apparaître les divers commentaires qui lui ont été consacrés (pour un com­mentaire général de la compétence du juge des saisies, voy. notamment E. GuTT et A. M. STRANART, Examen de jurispru­dence, R.O.J.B., 1974, p. 644, n° 126; D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et voies d'exécution, Bruylant, 1979, p. 53 et sv.; G. de LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes aux saisies conservatoires et aux voies d'exécution>>, in Les voies conservatoires et d'exécution -Bilan et perspectives, Ed. Jeune Barreau, 1982, p. 18 et sv.; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 480, n°8 3 et sv.). Encore convient-il de ne point l'assimiler à celle que l'article 569, 5°, du Code judi­ciaire attribue au tribunal de première instance qui se voit con­fier, sur base de cette disposition, le jugement<< des contestations élevées sur l'exécution des jugements et arrêts>>. Contrairement à ce qu'affirme une décision du tribunal de première instance

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de Mons du 16 juillet 1973 (J.T., 1973, p. 660; compar. J. L. LE­DOUX,<< Les saisies>>, J.T., 1983, p. 480, n° 7) il n'y a pas identité de signification entre les deux compétences. Celle qui revient au tribunal de première instance est en effet plus large dans la mesure où elle englobe toutes les contestations relatives à l'exé­cution et non seulement le contentieux de l'exécution sur les biens prenant la forme des saisies conservatoires et des voies d'exécution (G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, n° 6).

Appliquant cette distinction, la doctrine et la jurisprudence considèrent ainsi très généralement que, dans le respect des principes assignés à sa compétence, le juge des saisies ne peut connaître que du contentieux des seules mesures organisées par la cinquième partie du Code judiciaire à l'exclusion des mesures d'exécution relatives aux personnes (J. L. LEDOUX, <<Les sai­sies>>, J.T., 1983, p. 480, n° 6; voy. ainsi à propos d'une difficulté d'exécution d'une. décision accordant un droit de visite, civ. Gand, 24 avril 1973, R. W., 1974-1975, col. 1594; civ. Gand, 17 septembre 1973, R. W., 1974-1975, col. 1593), des difficultés nées de l'exécution volontaire (A. FETTWEIS, A. KoHL et G. DE LEVAL, Eléments de la compétence civile, Presses Universitaires de Liège, 1983, p. 122, note 2; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 23; arr. Verviers, 22 novembre 1974, J.L., 1974-1975, p. 115; tr. trav. Bruxelles, 13 juin 1975, J.T.T., 1976, p. 56; compar. cependant J. LAENENS, << Overzicht van de rechtspraak - De bevoegdheid >>, T.P.R., 1979, p. 56), des exécutions directes ou en nature (voy. ainsi à propos d'un inci­dent relatif à l'expulsion de lieux occupés sans droit autorisée par le juge de paix, civ. Liège, 11 octobre 1978, J.L., 1978-1979, p. 167 et note G. de LEVAL; J. L. LEDOUX, ibid., n° 6 in finC5) et, d'une manière générale, de toute difficulté étrangère aux saisies conservatoires et aux voies d'exécution visées par l'ar­ticle 1395 du Code judiciaire (cass., 6 mai 1982, Pas., 1982, I, p. 1021 qui casse une décision du tribunal de première instance de Huy renvoyant au juge des saisies, à prétexte de difficulté d'exécution, un litige s'analysant, en réalité, comme une de­mande de suppression de pension alimentaire).

2. - Une observation importante doit cependant être for­mulée, qui vient corriger la rigueur des principes ainsi rappelés. Elle enchaîne sur l'application qui est à procurer aux articles 88,

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§ 2, et 568 du Code judiciaire. Le juge des saisies fait en effet partie du tribunal de première instance et bénéficie à ce titre d'une compétence ordinaire qui- hormis l'hypothèse des com­pétences exclusives ou l'existence de textes dérogatoires (ainsi l'art. 1456, al. 2 du Code judiciaire) - lui interdit de soulever d'office un déclinatoire de compétence (A. FETTWEIS, A. KoHL et G. DE LEVAL, Eléments de la compétence civile, Liège, 1983, p. 124; G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes aux saisies conservatoires et aux voies d'exé­cution>>, op. cit., Ed. du Jeune Barreau, 1982, p. 20; J. LAENENS, Chronique de droit judiciaire, R. W., 1982-1983, col. 1432, n° 22; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 480, n° 7; contra C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, t. II, La compétence, p. 228). Il s'en déduit qu'à défaut de déclinatoire ou d'incident de répartition soulevé in limine litis, l'attribution de la cause au juge des saisies est définitive. Dans pareil contexte celui-ci peut être amené à connaître de litiges étrangers à la cinquième partie du Code judiciaire (ainsi par ex. une difficulté d'exécution en rapport avec l'exercice d'un droit de garde, civ. Huy, 8 octobre 1979, J.L., 1980, p. 115; un problème de cession de créance, arr. Verviers, 6 novembre 1981, J.T., 1982, p. 378; une con­testation relative à la réunion des conditions requises pour pro­céder à une exécution directe, civ. Liège, 28 mai 1980, commenté par G. DE LEVAL, <<Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 632, n° 33; une demande d'interprétation d'une déci­sion judiciaire, civ. Liège, 30 mai 1979, commenté par G. DE LEVAL, in <<Saisies conservatoires et voies d'exécution>>, J.L., 1979, p. 348, n° 2; contra à propos d'un litige relatif à un droit de rétention, civ. Courtrai, 18 juin 1979, R. W., 1981-1982, col. 1687 et observations J. LAENENS; comp. à propos d'une contestation relative à l'existence d'un droit d'usage, civ. Ypres, 1er avril 1983, Tijd. v. not., 1983, p. 272 et obs.; adde à propos d'une restitution de mobilier, civ. Tournai, 16 mars 1984, J.T., 1985, p. 152 et obs.).

2) Etendue de la mission du juge des saisies.

3. - Dans les limites de ses attributions, le juge des saisies est compétent quel que soit l'acte servant de base aux pour­suites et quelle que soit la juridiction dont émane la décision à

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exécuter. Contrairement à ce qui a été soutenu (voy. ainsi D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, p. 57, note 17; civ. Courtrai, 11 octobre 1971, R. W., 1971-1972, col. 525) le juge des saisies peut contrôler la régularité d'une exécution forcée poursuivie sur base d'une décision pénale (voy. W. DESMET, <<De bevoegdheid van de beslagrechter >>,in Actuele problemen van gerechtelijke privaatrecht, Louvain, 1976, p. 120, n° 16). Dans un arrêt du 9 janvier 1981 (Pas., 1981, I, p. 500; R. W., 1981-1982, col. 2165 et note) la Cour de cassation a ainsi décidé que lorsque l'administration de l'enregistrement et des domaines a, pour recouvrer des choses confisquées, fait applica­tion des procédures réglées par la cinquième partie du Code judiciaire, les contestations relatives à ces procédures doivent être tranchées par le juge des saisies. La Cour d'appel de Liège décide de même, à juste titre, qu'une saisie conservatoire de droit commun peut parfaitement être mise en œuvre par l'ad­ministration fiscale à l'effet de s'opposer à la restitution de choses saisies (Liège, 13 janvier 1984, J.L., 1984, p. 111 et obs. G. DE LEVAL).

Le juge des saisies est pareillement compétent pour statuer sur les contestations relatives à la régularité de l'exécution d'une décision rendue en matière fiscale. Sauf dispositions légales expresses et dérogatoires, l'administration ne peut en effet con­traindre l'administré au paiement d'une somme d'argent qu'en respectant le droit commun des saisies (voy. notamment D. CHA­BOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, ibid., p. 47 et les références; G. DE LEVAL, <<Les saisies>>, Chro­niques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 193 et les référ.). Le juge des saisies est ainsi compétent pour connaître d'une difficulté d'exécution relative à une notification fiscale (art. 215 de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les reve­nus) ayant en l'occurrence les effets d'une saisie-arrêt-exécution (civ. Bruxelles, 21 novembre 1977, cité in G. DE LEVAL, Jurispr. du Code judiciaire, La Charte, Annexe 4 litt. B-I; à propos de l'article 215 de l'arrêté royal du 4 mars 1965, voy. aussi cass., 27 décembre 1984, J.T., 1985, p. 185 qui décide que le tiers auquel le receveur a fait la demande prévue par l'article 215, §1er, est tenu de se conformer à l'article 1452, alinéa 2, 2°, du Code judiciaire même si au moment de la demande du receveur il n'est pas débiteur de sommes envers le redevable). Jugé par

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application de ces principes que la contrainte délivrée par l'ad­ministration fiscale constituant au sens de l'article 1539 du Code judiciaire un titre exécutoire, le juge des saisies es.t com­pétent pour connaître de l'opposition à une saisie-arrêt-exécu­tion pratiquée sur base de cette contrainte (Bruxelles, 10 sep­tembre 1979, Pas., 1979, II, p. 137). Jugé dans le même sens que le juge des saisies peut accorder des termes et délais sur base de l'article 1334 du Code judiciaire lorsque l'exécution a lieu en vertu d'une contrainte fiscale (civ. Liège, 5 mai 1982, cité in G. DE LEVAL, Jurispr. du Gode judiciaire, La Charte, art. 1395-3, n° 6). En revanche l'existence de recours particu­liers relevant de la compétence du directeur des contributions et de la Cour d'appel ne permet pas au juge des saisies de con­naître - fût-ce par voie de prorogation - de réclamations relatives à la débition d'impôts directs (voy. ainsi civ. Liège, 25 juillet 1979, cité in G. DE LEVAL, <<Saisies conservatoires et voies d'exécution>>, J.L., 1979, p. 348 et 349; civ. Liège,' 5 mai 1982, cité in G. DE LEVAL, ibid., La Charte, no 1395/2, no 5, note 2, qui relève qu'il appartient, e~ ce cas, au juge des saisies de soulever le déclinatoire de juridiction; adde civ. Tongres, 17 mars 1984, Bull. des contributions, 1985, p. 284).

3) Nature de la juridiction exercée par la juge des saisies.

4. - Si étendue soit-elle la compétence du juge des saisies ne lui permet point, en règle, de statuer par droit et sentence sur l'existence de la créance en vertu de laquelle la mesure con­servatoire ou la voie d'exécution est exercée. L'on traduit généralement cette limitation des pouvoirs du juge des saisies en relevant que le fond de la demande ne lui appartient pas. Enten­dons par là que<< la déclaration des droits des parties, le prononcé de la condamnation proprement dite, l'octroi du titre exécutoire relèvent du juge compétent pour connaître du fond du litige selon le droit commun des règles de compétence matérielle et terri­toriale. Le juge des saisies intervient seulement pour assurer le contrôle des mesures conservatoires et d'exécution forcée>> (A. FETTWEIS, A. KoHL et G. DE LEVAL, Eléments de la com­pétence civile, Liège, 1983, p. 123, n° 230). C'est en ce sens que les ordonnances du juge des saisies << ne portent pas préjudice au principal>> (art. 1489, al. 2 du Code judiciaire). Il importe néanmoins de nuancer ces affirmations.

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402 REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE

a) Remarquons dès l'abord que des textes légaux confèrent, en certains cas, au juge des saisies des pouvoirs lui valant de connaître définitivement du fond du droit. Tel est spécialement le cas en matière d'action en distraction mobilière ou immobi­lière (art. 1514 et 1613 du O. jud.; voy. infra, nos 61 et sv.) ainsi qu'en matière de contestations de créances élevées lors d'une procédure de répartition (art. 1634 et 1648 C.J.). Tel est également le cas là où le juge des saisies reçoit compétence pour sanctionner le comportement du tiers saisi en le condamnant comme débiteur pur et simple des causes de la saisie (voy. infra, nos 80 et 83).

b) Même si elle emprunte au référé ses formes d'exercice, l'action du juge des saisies n'est point contenue, comme celle du président du tribunal, dans le ressort du provisoire. Lorsqu'il déclare· qu'une saisie est irrégulière et en ordonne la mainlevée, le juge des saisies tranche une question litigieuse et s'exprime avec autorité de chose jugée. Les vérifications auxquelles le juge des saisies procède ne sont point, par ailleurs, purement for­melles. Il lui appartient de vérifier l'existence ou la validité des titres produits devant lui. Il prend à cet effet connaissance des droits invoqués par les parties pour trancher une contestation, même sérieuse, dès lors qu'elle surgit à l'occasion d'une procé­dure de saisie (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 19, n° 14). Les développe­ments ultérieurs fourniront maints exemples de cette compé­tence. Citons dès à présent quelques illustrations : le juge des saisies devant qui est porté un litige relatif à l'exécution d'un acte authentique est compétent pour statuer sur le moyen invo­quant la nullité de cet acte, déduit d'un vice de consentement des débiteurs et pour ordonner une mesure d'expertise de nature à prouver cette nullité (civ. Bruxelles, 27 avril1972, Pas., 1972, III, p. 56); le juge des saisies auquel est soumise une demande de mainlevée de cantonnement est compétent pour constater qu'est intervenue entre parties une transaction mettant un point final au litige moyennant partage par ~oitié des fonds détenus par un tiers (civ. Bruxelles, 25 février 1982, cité in ·Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, art. 1395/2, n° 18; compar. dans un sens différent mais critiquable civ. Anvers, 2 décembre 1971, R. W., 1971-1972, col. 1214); pour apprécier la régularité d'une saisie-revendication le juge des. saisies est

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REVUE CRITIQUE DE JURISPRUDENCE BELGE 403

compétent pour se prononcer sur l'existence du titre invoqué, en l'espèce le non-respect des obligat'ons résultant d'un con­trat de leasing (Bruxelles, 5 juin 1974, Pas., 1975, II, p. 36). D'une manière générale, le juge des saisies connaît des questions incidentes qui surgissent en cours d'instance et dont la solution est nécessaire pour statuer sur la demande dont il est valable­ment saisi (arr. Charleroi, 20 janvier 1981, Rev. rég. droit, 1981, p. 177).

c) Conformément aux règles générales de la compétence, le juge des saisies connaît des demandes incidentes, reconvention­nelles et en intervention (A. FETTWEIS, A. KoHL et G. DE LEVAL, Eléments de la compétence civile, p. 124; D. CHABOT­LÉONARD, ibid., p. 61 et 62; contra C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, t. II, La compétence, p. 310). Le juge des saisies peut ainsi connaître d'une action en garantie formée par le tiers saisi cité aux fins d'être déclaré débiteur pur et simple (civ. Liège, 31 janvier 1979, commenté in <<Saisies conservatoires et voies d'exécution>>, J.L., 1979, n° 77). Le juge des saisies peut, de même, connaître d'une demande reconventionnelle tendant à faire constater l'inexistence d'une société agissant en l'occur­rence en distraction (Anvers, 3 novembre 1975, Rev. prat. des sociétés, 1976, p. 44; R. W., 1975-1976, col. 1378).

d) Que ce soit par voie principale ou par voie reconvention­nelle, le juge des saisies a le pouvoir d'accorder les dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire (A. FETTWEIS, La compétence, n° 405; D. CHABOT-LÉONARD, ibid., p. 62; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 481, n° li qui cite une abondante jurisprudence qu'il paraît superflu de repro­duire).

e) Le juge des saisies peut également accorder des termes et délais dans l'hypothèse prévue par l'article 1334 du Code judi­ciaire, lorsque l'exécution a lieu en vertu d'un acte authentique autre qu'un jugement (cass., 13 janvier 1972, Pas., 1972, I, p. 469; sur cette importante question, voy. infra, n° 52).

f) Rappelons enfin que par le biais de l'application des arti­cles 568 et 88, § 2, du Code judiciaire le juge des saisies peut­à défaut de déclinatoire ou d'incident de répartition soulevé in limine lîtis- être amené à connaître, au fond, de litiges sortant

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sensu stricto de sa compétence (voy. supra, n° 2; voy. également G. DE LEVAL et G. VAN CoMPERNOLLE, ibid., p. 20).

4) Juge des saisies et compétence présidentielle.

5. - Les compétences conférées au juge des saisies n'excluent point, à notre avis, l'action du président du tribunal de pre­mière instance. La portée générale de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire confère en effet à ce magistrat une << plénitude de juridiction au provisoire>> (sur cette expression, voy. A. FETT­WEIS, La compétence, n° 467; P. RouARD, Traité élémentaire de droit judiciaire, t. II, n° 894; E. GuTT et A. M. STRANART, Revue critique de jurisprudence belge, 1973, p. 86, n° 53; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, p. 24) l'autorisant à intervenir- sans déclinatoire possible - chaque fois que pouvant être traitée au provisoire et rentrant dans les attributions du pouvoir judiciaire, la mesure postulée se fonde sur l'urgence ou l'absolue nécessité. La circonstance que la matière relèverait des mesures conser­vatoires ou des voies d'exécution n'exclut point cette compé­tence absolument générale (en ce sens D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, ibid., p. 72; G. DE LEVAL, ibid., p. 24; contra O. CAMBIER, Précis de droit judiciaire civil, t. II, La compétence, p. 367 et 368, encore que l'auteur reconnaisse au président du tribunal de première instance le pouvoir d'intervenir en la matière s'il y a voie de fait).

En revanche les présidents des tribunaux du travail et de commerce sont sans compétence en matière de saisies (art. 584, al. 2, du C. jud.). Siégeant comme juge des référés, le président du tribunal de commerce se déclare ainsi à juste titre incompé­tent pour ordonner la mainlevée d'une saisie conservatoire (comm. Tongres, 25 septembre 1973, J.L., 1973-1974, p. 111).

Le recours au président du tribunal de première instance est, certes, rarement exercé (pour un cas d'application, voy. civ. Anvers, 20 février 1981, Pas., 1982, III, p. 43; R. W., 1982-1983, col. 520) puisque c'est dans les formes du référé que le juge des saisies se prononce. Encore ce dernier ne peut-il intervenir sur requête que dans les seuls cas prévus par la loi (art. 1395, al. 2 du Code judiciaire). L'absolue nécessité dans un cas non visé par un texte légal, pourrait ainsi justifier la partie à saisir, au pro­visoire, le président du tribunal par requête unilatérale (voy. infra, no 8).

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5) Juge des saisies et astreinte.

6. - L'on ne peut dans le cadre limité de cette chronique donner un commentaire général de l'astreinte qui, du reste, n'est pas un mode d'exécution forcée mais un moyen de pression destiné à assurer l'exécution volontaire d'une condamnation principale. Tout en renvoyant à la bibliographie générale sur cette question (voy. notamment I. MoREAU-MARGRÈVE, <<L'as­treinte>>, Annales de la Faculté de droit de Liège, 1982, n° 1; G. L. BALLON, v 0 Dwangsom, in A.P.R.; A. M. DHOORE, Examen de jurisprudence, <<Un an d'application de l'astreinte>>, J.T., 1981, p. 529 et sv.; F. GLANSDORFF, <<La législation sur l'astreinte en droit belge : la loi du 31 janvier 1980 por­tant approbation de la Convention Benelux du 26 novembre 1973 >>, J.T., 1980, p. 312 et 313; X. MALENGREAU, << L'intro­duction de l'astreinte en droit belge>>, R.G.A.R., 1981, n° 10.348; M. STORME, << Een revolutionaire hervorming : de dwangsom >>, T.P.R., 1980, p. 222 et sv.) l'on se borne à évoquer ici quelques questions ayant rapport avec la compétence du juge des saisies.

Dès l'~bord il n'est point douteux que le juge des saisies puisse, comme tout juge, à la demande d'une partie, pro­noncer l'astreinte en vue d'assurer l'exécution de sa décision, dès lors spécialen1ent que celle-ci porte condamnation à une obligation de faire ou de ne pas faire (A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, n° 952, p. 601; pour un exemple : Anvers, 18 mai 1983, R. W., 1983-1984, col. 2693 qui ordonne sous astreinte la mainlevée d'une saisie conservatoire). L'effica­cité de l'astreinte est subordonnée au caractère exécutoire de la condamnation. S'agissant du juge des saisies, cet effet est de droit (voy. infra, n° 11) en manière telle que l'astreinte est due et peut-être exigée nonobstant appel ou opposition (sur le lien entre la débition de l'astreinte et le caractère exécutoire de la décision, voy. Cour de justice Benelux, 2 avril 1984, R. W., 1985-1986, col. 929 et conclusions E. KRINGS, qui s'écarte sen­siblement de l'opinion défendue sur ce point par Mme I. MoREAU­MARGRÈVE in <<L'astreinte>>, Annales de la Faculté de droit de Liège, 1982, p. 57).

L'astreinte une fois encourue reste intégralement acquise à la partie qui a obtenu la condamnation et peut être récupérée­conformément à l'article 1385, 4°, du Code judiciaire- en vertu

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du titre même qui la prévoit (civ. Liège, 2 novembre 1983, J.L., 1983, p. 555). Il n'y a donc pas lieu d'obtenir du juge des saisies un nouveau titre liquidant l'astreinte ( civ. Gand, 24 janvier 1983, R. W., 1983-1984, col. 1423 et note M. STORME; adde G. DE LEVAL, obs. sous civ. Liège, 2 juillet 1980, J.L., 1980, p. 244). En revanche le juge des saisies est compétent pour régler les contestations qui surgissent à l'occasion d'une mesure d'exécution du titre prononçant l'astreinte; spécialement lui incombera-t-il de vérifier le non-respect effectif de la condam­nation principale en cas de contestation élevée, à ce sujet, par le débiteur sur qui une mesure d'exécution aurait été entre­prise (1. MoREAU-MARGRÈVE, op. cit., ibid., p. 83; civ. Liège, 2 novembre 1983, précité, J.L., 1983, p. 555; civ. Namur, 29 janvier 1984, Rev. rég. droit, 1984, p. 220 qui relève, à juste titre, que les contestations concernant le non-respect de la con­damnation principale et le calcul du montant de l'astreinte sont de la compétence du juge des saisies). Ainsi lorsque les parties sont en désaccord sur l'exécution de travaux ordonnés sous astreinte, le juge des saisies peut ordonner une visite des lieux afin de vérifier si l'astreinte est due (civ. Liège, 28 octobre 1985, J.L., 1986, p. 79).

§ 2. - Compétence territoriale

7. - L'article 633 du Code judiciaire rend<< exclusivement>> compétent pour connaître des demandes en matière de saisies conservatoires et de voies d'exécution <<le juge du lieu de la saisie, à moins que la loi n'en dispose autrement>>. Cette com­pétence territoriale est d'ordre public. Les parties ne peuvent y déroger et il appartient au juge d'en sanctionner d'office l'inob­servation (voy. ainsi arr. Liège, 28 octobre 1971, J.L., 1972-1973, p. 5; civ. Hasselt, 9 avril 1971, J.L., 1970-1971, p. 259 et note; J. L. LEDoux, <<Les saisies>>, J.T., 1983, ibid., n° 29; C. CAMBIER, Précis de droit judiciaire, t. II, La compétence, p. 86 et les référ.; D. CHABOT-LÉONARD, op, cit., p. 64 et sv.; A. FETTWEIS, A. KoHL et G. DE LEVAL, Eléments de la compé­tence, Liège, 1983, p. 182).

La détermination du lieu de la saisie ne suscite pas de diffi­cuités particulières pour les meubles corporels et les immeubles : il s'agit du lieu où se trouvent les biens saisis (arr. Charleroi,

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3 février 1981, J.T., 1981, p. 553; arr. Charleroi, 30 juin 1981, Rev. rég. droit, 1981, p. 355). La règle est générale et s'applique là même où la saisie serait poursuivie en matière fiscale (voy. en ce sens à propos d'une action en distraction, civ. Liège, 8 avril 1981, Bull. contr., 1985, p. 2478; contra civ. Bruxelles, 2 août 1984, Bull. contr., 1985, p. 626 qui, à tort, décide que l'action tendant à obtenir mainlevée d'une saisie-exécution mobilière est de la compétence exclusive du juge du lieu où est situé le bureau où la perception doit être faite et ce en vertu de l'article 632 du Code judiciaire). Si les biens à saisir sont situés dans plusieurs arrondissements, les diverses demandes peuvent être portées, en raison de la connexité, devant un seul et même juge (Rapport Van Reepinghen, Moniteur belge, 1964, p. 238; J. L. LEDOUX, ibid., n° 31; pour un exemple voy. civ. Charleroi, Il septembre 1974, Rev. not., 1974, p. 530).

La détermination du lieu de la saisie en cas de saisie-arrêt a donné lieu, en revanche, à une très vive controverse (sur cette controverse, voy. G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes aux saisies conservatoires et aux voies d'exécution>>, in Les voies conservatoires et d'exécution, Bilan et perspectives, Ed. du Jeune Barreau, Bruxelles, 1982, p. 23 et sv.; A. M. STRANART, <<La saisie-arrêt>>, même ouvrage, p. 121 et sv.). Faut-il en effet s'attacher au lieu où se trouvent les valeurs saisies (domicile du tiers saisi) ou au contraire au lieu où se trouve localisé le titulaire de la créance objet de la saisie (domi­cile du débiteur saisi)?

La question a profondément divisé la doctrine tout autant du reste que la jurisprudence (pour un recensement des décisions, voy. J. L. LEDOUX, op. cit., n° 32). Cette controverse a été tranchée par la Cour de cassation dans un important arrêt du 26 novembre 1982 (Pas., 1983, I, p. 397; Rev. de dr. comm. b:, 1983, p. 548 et note J. LAENENS; voy. également cass., 4 février 1983, Pas., 1983, I, p. 646) qui décide <<qu'il ressort des dispo­sitions légales relatives à la saisie-arrêt conservatoire, spéciale­ment des articles 1449, 1450, 1451 et 1457 du Code judicil:tire, que la saisie-arrêt est pratiquée par signification de l'exploit de saisie ou par notification de l'ordonnance autorisant la saisie au tiers saisi et qu'elle est dénoncée ultérieurement au saisi; que le lieu de la saisie est dès lors le lieu où l'exploit est signifié au tiers saisi ou celui où la notification est reçue>>. Même si, au

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plan des principes, cette solution est discutable (voy~ en faveur de la compétence déterminée par renvoi au domicile du débiteur saisi, G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, ibid., p.. 26), il y a lieu, de lege lata, de constater que cet arrêt de la Cour suprême a fait la paix judiciaire en mettant fin à une fâcheuse insécurité juridique (voy. ainsi, par ex., s'alignant sur la position de la Cour de cassation, arr. Liège, 6 octobre 1983, J.L., 1983, p. 505 et obs. G. DE LEVAL). Signalons cependant l'existence d'un projet de loi modifiant l'article 633 du Code judiciaire et con­férant, en matière de saisie-arrêt, compétence au juge du domi­cile du débiteur saisi (Doc. pari., Ch., 1984-1985, n° 1035/1). Sur la compétence en matière de saisie-arrêt dans l'ordre interna­tional et l'application de la règle du forum arresti, voy. G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, p. 30; adde au sujet de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, P. GoTHOT et D. lloLLEAUX, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Ed. Jupiter, 1985, p. 91 et 136 et sv.

§ 3. - Procédure

1) Principes.

8. - Les demandes sont introduites et instruites selon les formes du référé, sauf dans les cas où la loi prévoit qu'elles sont formées par requête (art. 1395, al. 2, du Code judiciaire). Comme on l'a relevé ci-dessus (voy. supra, n° 4) ce sont les formes pro­cédurales qui sont empruntées au référé mais non les conditions de la compétence ou les effets de la décision. Ainsi donc en règle, sauf texte spécial dérogatoire, c'est selon le mode du référé -c'est-à-dire par citation- que la demande doit être introduite (G .. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles com­munes aux saisies conservatoires et aux voies d'exécution>>, in Les voies conservatoires et d'exécution- Bilan et perspectives, Ed. dù Jeune Barreau, 1982, p. 27). L'article 1395 du Code judiciaire précise cependant que, dans les cas spécifiés par la loi, le recours à la requête peut être utilisé. Les termes clairs de cette disposi­tion tiennent ainsi en échec - en ce qui concerne le juge des saisies - le principe énoncé à l'article 584, alinéa 3, du Code judiciaire qui autorise (dans le cadre de la magistrature prési­dentielle) la substitution d'une requête à la· citation en cas

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<d'absolue nécessité>>. Le contraire a, il est vrai, été soutenu (G. DE LEVAL, Saisies conservatoires et voies d'exécution, La Charte, art. 1421/2; comp. A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, n° 448) mais cette opinion ne nous paraît guère compatible avec le libellé de l'article 1395, alinéa 2, du Code judiciaire. D'une manière générale, la jurisprudence con­sidère que les demandes introduites par requête en dehors des cas prévus par la loi sont irrecevables (voy. ainsi civ. Hasselt, 22 septembre 1970, J.L., 1970-1971, p. 151 ; civ. Charleroi, 23 janvier 1974, Rev. du notariat, 1975, p. 46; Bruxelles, 9 jan­vier 1974, Rev. du notariat, 1975, p. 47; en ce sens également, D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, p. 73). Ne perdons du reste pas de vue que l'abréviation du délai de citation permise par l'article 1036 du Code judiciaire peut, dans la plupart des cas, répondre aux situations d'urgence. L'absolue nécessité ne pouvant s'accommoder de ce mode d'accé­lération justifierait, pour le surplus, le recours au président du tribunal de première instance (voy. supra, n° 5).

2) Délai de citation.

9. - Le délai de citation est au moins de deux jours, sans préjudice des augmentations prévues par l'article 55 (art. 1035, al. 2) ou des effets d'une ordonnance abréviative (art. 1036). Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le défendeur ne peut être astreint à comparaître le dernier jour du délai mais seulement le lendemain (cass., 3 décembre 1979, Pas., 1980, I, p. 408; J.T., 1980, p. 222 et observations P. RouARD)~ Il en résulte que si le jour de l'échéance est un dimanche ou un jour férié, celle-ci est reportée au plus prochain jour ouvrable. A juste titre, une décision du juge des saisies d'Anvers du 4 juin 1985 considère ainsi qu'une citation signifiée le 29 avril pour une audience de référé du 2 mai est entachée de nullité absolue, le délai de citation étant en l'occurrence- compte tenu du jour férié que constitue le premier mai -reporté au prochain jour ouvrable (R.W., 1985-1986, col. 1172; dans le même sens civ. Anvers, 28 avril 1972, R. W., 1972-1973, col. 726; compar. cependant civ. Charleroi, 7 mai 1979, J.T.T., 1979, p. 184)~

Qu'en est-il du délai de citation en cas de tierce opposition contre une décision rendue sur requête .unilatérale par le juge

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des saisies (voy. ainsi l'article 1419 du Code judiciaire qui ren­voie aux articles 1031 à 1034)? Dans notre chronique consacrée aux voies de recours (cette revue, 1987, p. 200, n° 62) nous avons relevé que c'est dans le sens de l'application d'un délai de cita­tion de deux jours que se prononcent très généralement les juridictions du premier degré (voy. ainsi notamment civ. Cour­trai, 26 janvier 1981, J.T., 1982, p. 379; civ. Louvain, 7 sep­tembre 1982, R. W., 1983-1984, col. 451) ainsi que la plupart des auteurs (voy. ainsi notamment G. DE LEVAL, <<Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 627, n° 17; A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 314, n° 426; J. LAE­NENS, obs. sous Anvers, 3 janvier 1979, R. W., 1980-1981, col. 108; J. L. LEDOUX, Les saisies, Chronique de jurisprudence, Larcier, 1984, p. 42, no 95. Nous avions nous-même souscrit à cette opinion in G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 52). Pour les raisons que nous avons indiquées et qui procèdent essentiellement de la différence qu'il y a lieu de faire entre une citation introductive d'instance et une citation introductive d'un recours, nous inclinons à con­sidérer qu'en l'absence de texte dérogatoire le délai de citation est en l'occurrence le délai de droit commun de l'article 707, c'est-à-dire le délai de huitaine. C'est en ce sens qu'à juste titre, se sont prononcées les cours d'appel de Bruxelles et d'Anvers (Bruxelles, 7 février 1975, Pas., 1975, II, p. 106; Anvers, 3 jan­vier 1979, R. W., 1980-1981, col. 1087). Le mêtne raisonnement nous paraît devoir être suivi en ce qui concerne le délai de cita­tion applicable en cas d'opposition contre une ordonnance du juge des saisies rendue par défaut (voy. en ce sens civ. Liège, 19 octobre 1984, Rev. trim. dr. fam., 1985, p. 65 et note appro­bative de G. DE LEVAL; voy. également notre examen de juris­prudence,<< Les voies de recours>>, ibid., n° 9).

3) Absence de communication au ministère public.

10. - Introduites et instruites dans les formes du référé, les demandes soumises au juge des saisies ne sont pas communi­cables au ministère public. La règle était expressément formulée à l'article 765 du Code judiciaire. La rédaction nouvelle de ce texte en vertu de la loi du 4 mai 1984 n'a point modifié cette solution (A. FETTWEIS, Manuel, p. 335). C'est ainsi que la de-

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mande de validation d'une saisie immobilière ne doit pas être communiquée au ministère public, même si la saisie a été opérée par l'Office National de Sécurité Sociale (cass., 11 octobre 1972, Pas., 1973, I, p. 154; contra mais à tort, c. trav. Bruxelles, 19 avril 1972, R. W., 1972-1973, col. 1002). Relevons cependant l'opinion de G. de Leval selon laquelle la présence du ministère public pourrait s'imposer si, par application de l'article 88, § 2, du Code judiciaire, le juge des saisies connaissait, au fond, d'une affaire communicable étrangère à la matière des saisies et des voies d'exécution réglée par la cinquième partie du Code judi­ciaire (Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, art. 1395/6-2 commentant civ. ·Liège, 30 juin 1981, inédit, R.G. 48.112/81 qui fait application, en matière fiscale, de l'article 764, 10°, du Code judiciaire).

4) Exécution par provision.

11. - Bien que l'opinion contraire ait été parfois soutenue au départ d'une interprétation exagérément textuelle de l'ar­ticle 1395 du Code judiciaire, il n'est plus sérieusement contesté que les ordonnances du juge des saisies soient- par application de l'article 1029 du Code judiciaire- exécutoires de plein droit (voy. en ce sens G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., Edition du Jeune Barreau, 1982, p. 28 et les références; A. FETTWEIS, Manuel, n° 958; G. DE LEVAL,<< Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, n°8 26 et 27; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, n° 150; contra mais à tort, R. RASIR et P. HENRY, La procédure de première instance dans le Gode judiciaire, Bruxelles, 1978, p. 202). Le conservateur des hypothèques à qui il est demandé de procéder à la radiation de la transcription d'une saisie immobilière ne peut ainsi valablement s'y refuser en invoquant le caractère suspensif de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des sai­sies ordonnant la mainlevée de cette saisie (Liège, 28 décembre 1977, R.G.E.N., 1978, p. 280 et obs.; voy. approuvant cette décision, J. L. LEDoux, <<Les saisies>>, J.T., 1983, no 150; contra mais à tort, J. BAUGNIET, F. LAINÉ etE. DE BRUYN, <<La saisie immobilière>>, Répertoire notarial, t. XIII, n° 175/1; compar. E. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 340 et 341). D'autres décisions vont dans le même sens en consacrant le caractère exécutoire

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de plein droit des décisions du juge des saisies (voy. ainsi, civ. Courtrai, 25 juin 1973, R.G.E.N., 1977, p. 441; Bruxelles, 26 mars. 1979, R. W., 1979-1980, col. 781; Liège, 24 décembre 1981, J.L., 1982, p. 133). Cette règle ne peut être tenue en échec qu'en vertu d'un texte formel; ainsi par exemple en matière d'opposi­tion à saisie-arrêt-exécution (art. 1541 et 1543, al. 2; voy. infra, n° 84) ou de procédures de répartition (art. 1636, ·1643, 1650 et 1673 du Code judiciaire).

5) Voiès de recours.

12. - Rendues dans les formes du référé, les déçisions du juge des saisies sont, en cas de défaut, susceptibles d'opposition et si elles sont prononcées contradictoirement, d'appeL Ces d~ux voies de recours ont été longuement analysées dans notre précé­dente chronique consacrée aux voies de recours (cette revue, 1987, p. 121 et sv.). Nous nous permettons dès lors d'y faire renvoi tout en rappelant que si les délais d'appel et d'opposition sont en l'espèce les délais de droit commun, ceux-ci ne sont. prorogés ni en naison des vacances judiciaires ni en raison d'une significa­tion à faire à l'étranger (A. FETTWEIS, Manuel, n° 450, p. 337; G. DE LEVAL,<< Les saisies>>, in Chroniques de droit à l':usage du Palais, Liège, 1986, p. 156).

Rendue sur requête unilatérale, l'ordonnance du juge des sai­sies est susceptible d'être entreprise en degré d'appel. par la partie requérante ou par toute partie intervenante (art. 1031). Formé par requête unilatérale répondant aux conditiol).S .de l'article 1026, cet appel doit être introduit dans le mois à dater de la notification par le greffe de l'ordonnance attaquée. Le saisi qui n'est pas intervenu dans la procédure ne dispose point d'un recours d'appel (Bruxelles, 2 février 1971, Pas., 1971, II, p. 157; cont1·a mais à tort, Liège, 9 novembre 1972, J.L., 1972-1973, p. 105 et note critique G. DE LEVAL, p. 145).· La .seule voie ·de recours qui lui est ouverte est l'opposition. Il y va en réalité d'une tierce opposition (Bruxelles, 26 février 1974, Pas., 1974, II, p. 121) qui doit être formée par voie de citation devant le juge des saisies qui a rendu la décision attaquée,. dans le mois de la signification de l'ordonnance, conformément aux arti­cles 1033, 1034 et 1125 du Code judiciaire (civ. Bruxelles, 29 juillet 1970, Rev. not. b., 1972, p. 162; Anvers, 2 novembre,

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1972, Jur. port d'Anvers, 1972, p. 334; Mons, 20 avril1978, Pas., 1978, II, p. 79). Rappelons cependant qu'en vertu de l'ar­ticle 1419, alinéa 2, du Code judiciaire (loi du 6 janvier 1979) le saisi peut, en dehors de ce délai d'un mois, citer le saisissant en rétractation ou en modification de l'ordonnance<< en cas de chan­gement de circonstances>>. Comme l'écrit G. DE LEVAL, cette nouvelle disposition a pour effet de déroger au délai prévu par l'article 1034 (<<Saisies conservatoires et voies d'exécution>>, Jur. Liège, 1979, p. 353; voy. également notre précédente chronique sur les voies de recours, cette revue, 1987, p. 202, n° 62). Encore l'article 1419, alinéa 2, ne peut-il être appliqué que si le saisi justifie n'avoir disposé qu'après l'expiration du délai normal pour former la tierce opposition, des éléments nécessaires pour analyser et contester utilement les prétentions du saisissant (civ. Liège, 16 juin 1982 et Mons, 2 février 1984 cités in G. DE LE,.. VAL, Jurisprudence du Gode judiciaire, La Charte, art. 1419/9, nos 3 et 5; du même auteur,<< Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du Palais, ibid., p. 178, n° 24).

SECTION II. - I ... Es BIENs SAISISSABLES

§ 1er. - Principe

13. - Dans un important arrêt du 27 janvier 1983 (Pas., 1983, I, p. 622; R. W., 1983-1984, col. 1637) la Cour de cassation rappelle opportunément que les biens du débiteur étant le gage commun de ses créanciers (en vertu des articles 7 et 8 de la loi hypothécaire) <<il s'en déduit que la saisissabilité des biens du débiteur est la règle et que les exceptions doivent être entendues restrictivement; qu'à moins qu'il ne le soit par nature ou qu'il ne soit attaché exclusivement à la personne du saisi, un bien n'est insaisissable que s'il est déclaré tel par la loi>>. En l'espèce la Cour constate que ni l'article 1408 du Code judiciaire ni aucune autre disposition légale ne déclarent insaisissables les subven­tions de fonctionnement et d'équipement allouées à un établis.:. sement d'enseignement subventionné par application de la loi du 29 mai 1959. Elle précise que <<si l'article 37 de cette loi en vertu duquel les subventions de fonctionnement et d'équipe­ment doivent être affectées aux fins pour lesquelles elles ont été accordées, crée des obligations dans le chef des établissements

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d'enseignement, ce texte n'exclut pas le droit des créanciers de saisir ces biens dès lors qu'ils sont incorporés au patrimoine desdits établissements>>. L'on ne peut ainsi confondre l'affecta­tion des biens et leur saisissabilité; dès lors qu'ils s'incorporent au patrimoine d'une personne physique ou morale de droit privé, les biens - fussent-ils l'objet d'une affectation légale -sont saisissables pour le paiement de n'importe quelle dette de cette personne (dans le même sens cass. fr., 15 février 1983, Gaz. Pal., 26-28 juin 1983, p. 179).

§ 2. - Personnes morales de droit public

14. - Les biens des personnes morales de droit public ne peuvent faire l'objet de mesures d'exécution forcée et ne peuvent être saisis, même à titre conservatoire. C'est ce qui ressort d'un enseignement traditionnel fondé sur le respect du principe géné­ral. de la continuité du service public (voy. ainsi notamment H. DE PAGE, Traité, t. VI, 1953, n° 733, p. 761 et sv.; J. DEM­BOUR, Droit administratif, 3e éd., Liège, 1978, n° 52, p. 105; M. FLAMME, obs. sous cass., 21 avril 1966, Rev. Adm., 1966, p. 126 et sv.; C. HUBERLANT et F. DELPERÉE, <<Les personnes de droit public bénéficiaires de l'immunité d'exécution>>, in L'immunité de juridiction et d'exécution des Etats, Bruxelles, 1970, p. 211 et sv.; D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, p. 193; K. BAERT, << L'immunité d'exécution des personnes de droit public>>, R. W., 1976-1977, col. 2369; VAUTHIER, <<L'exécution forcée sur les biens des autorités et services publics>>, Rev. de dr. intern. et de dr. compar., 1958, p. 394 et sv.; BuTTGENBACH, Manuel de droit administratif, 3e éd., n° 81). Fermement acquise en jurisprudence, la règle a été affirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation qui lui donne une portée absolue couvrant tant les biens du domaine public que ceux du domaine privé et un champ d'application général s'étendant tant à l'Etat, aux provinces et aux com­munes qu'aux divers établissements et entreprises publics quelle que soit leur forme juridique (voy. notamment cass., 21 avril 1966, Pas., 1966, I, 1060 qui applique le principe de l'insaisissa­bilité à une association de communes; sur cet arrêt voy. M. FLAM­ME, <<Un principe général de droit administratif: l'interdiction des voies d'exécution forcée à l'égard des personnes publiques>>,

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Rev. adm., 1966, p. 127 et sv.). Cette position de principe a été réaffirmée durant la période sous revue par un arrêt du 26 juin 1980 rendu sur les conclusions conformes de M. l'avocat général VELU (Pas., 1980, I, p. 1341 et sv.). Dans cet arrêt la Cour de cassation déclare que méconnaît le principe général de la con­tinuité du service public en vertu duquel les biens d'une per­sonne publique ne peuvent faire l'objet de mesures d'exécution forcée, la décision qui autorise la victime d'un dommage résul­tant d'un acte illicite de l'autorité administrative, à défaut par celle-ci d'exécuter dans un de ses immeubles et avant une date déterminée les travaux qu'elle est condamnée à effectuer pour mettre fin à l'illégalité dommageable (en l'occurrence le surplomb de certains éléments d'une caserne sur une propriété contiguë), à y procéder aux frais de cette autorité, récupérables sur factures d'ouvriers.

Les principes ainsi dégagés inspirent, aussi bien, plusieurs décisions rendues par les juridictions de fond. Dans une décision du 29 novembre 1976, le juge des saisies de Gand rappelle que l'insaisissabilité des biens des personnes morales de droit public est applicable à une intercommunale ayant pour objet la con­struction et l'entretien d'une autoroute (Rec. gén. de l'enr. et du not., 1977, p. 420; R. tV., 1976-1977, col. 2417 et obs.). Dans une décision du 30 juin 1980 (J.T., 1980, p. 676) le juge des saisies de Bruxelles dénie par ailleurs à l'Etat le droit de pra~ tiquer des mesures d'exécution sur les biens d'un établissement public communal en relevant que l'intérêt général de l'Etat ne peut primer celui d'un établissement public puisqu'en fait il s'agit d'un même intérêt général. En bref la position tradition­nelle est claire : l'immunité d'exécution des personnes morales de droit public est absolue; il s'agit d'un principe général auquel seul un texte d'interprétation stricte pourrait déroger (pour un exemple de pareille dérogation, voy. l'arrêté royal n° 201 du 25 juillet 1983 - Moniteur belge du 2 août 1983 - qui permet au receveur des contributions chargé du recouvrement du pré­compte professionnel dû par une personne morale de droit public de procéder à une saisie-arrêt à sa charge nonobstant la règle de l'immunité d'exécution; adde l'arrêté royal n° 286 du 31 mars 1984 -Moniteur belge du 13 avril 1984- portant des mesures en vue d'améliorer la perception des cotisations de sécurité sociale et de solidarité dues par des personnes morales de droit public).

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15. Le <<dogme>> de l'immunité d'exécution des personnes de droit public doit-il demeurer intangible? L'on sait que la position traditionnelle de la jurisprudence et de la doctrine a été, ces dernières années, sérieusement remise en question par plusieurs auteurs. Dans une étude remarquée publiée au Journal des Tribunaux par M. Jean LEBRUN et Mme D. DÉoM, l'opinion a été avancée que le juge des saisies pourrait, de manière mesu­rée, autoriser l'exécution forcée de biens appartenant à des personnes mor~les de droit public dès lors qu'il apparaît que cette exécution ne compromet en rien la continuité du service (<<L'exécution des créances contre les pouvoirs publics>>, J.T., 1983, p. 261 et sv., spécialement n° 37). Depuis lors d'autres auteurs ont rejoint cette position (voy. ainsi spécialement M. DoNY, <<L'interdiction totale des voies d'exécution à l'égard des personnes publiques est-elle justifiée?>>, in Adm. pub., 1985, p. 82 et sv.; P. L'ÉCLUSE, <<De absolute uitvoeringsimmuniteit van publiek rechtelijke rechtspersonen : Tijd voor correcties? >>, obs. sub Gand, 14 octobre 1985, Jura Falconis, 1985-1986, p. 285 et sv.) dont il n'est point sans intérêt de relever qu'elle correspond dans une certaine mesure au système applicable au niveau des Communautés européennes (voy. l'article 1er du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés qui dispose que <<les biens et avoirs de la Communauté ne peuvent être l'objet d'aucune mesure de contrainte administrative ou judiciaire sans une autorisation de la Cour>>).

Jusqu'à présent les juridictions du fond se sont très générale­ment alignées sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Audacieuse apparaît dans pareil contexte une récente décision rendue par le juge des saisies de Bruxelles qui, rejoignant la thèse de MM. Lebrun et Déom, décide que le juge des saisies est compétent pour apprécier l'opportunité de l'autorisation ou du maintien d'une voie d'exécution dirigée contre la puissance publique (civ. Bruxelles, 5 juin 1986, Rev. rég. dr., 1986, 335, qui refuse d'autoriser la mainlevée d'une saisie-arrêt conserva­toire pratiquée entre les mains d'une société débitrice de la Ville de Bruxelles à concurrence d'une somme de 45 millions de francs destinée à couvrir le montant d'une condamnation prononcée à charge de la ville au profit du saisissant, victime d'un accident grave imputé à faute à l'autorité communale). Dans cette déci­sion longuement motivée le juge des saisies de Bruxelles estime

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<<qu'il est permis de remettre en cause la théorie de l'immunité d'exécution absolue qui conduit à laisser à l'autorité respon­sable du service public l'appréciation du moment et du montant de l'exécution ... et souhaitable de laisser au juge le pouvoir de mesurer si les nécessités du service s'opposent à l'exécution forcée>>. Dans l'exercice de cette mission il appartiendrait au juge de se laisser guider par l'application des critères suivants : <<d'abord vérifier concrètement si la mesure sollicitée est com­patible avec les impératifs de la continuité du service public ou, en d'autres termes, si le bien visé par la mesure est indispensable au fonctionnement du service concerné ... ; ensuite comparer les intérêts en présence en appréciant par exemple si, d'une part, le créancier justifie de l'urgence ou du caractère vital de son intérêt à obtenir l'exécution ou la conservation immédiate de sa créance et si, d'autre part, le pouvoir public débiteur justifie concrètement des nécessités qui, tenant à la sauvegarde de la continuité de son action, font selon lui obstacle à l'octroi ou au maintien de la mesure sollicitée>>.

Cette décision est assurément intéressante et mérite réflexion. Nous hésitons cependant à nous engager dans la voie ainsi esquissée. Il appartiendrait certes, au législateur, de remettre en question - s'il l'estimait souhaitable - le principe de l'im­munité d'exécution des personnes morales de droit public. De lege lata cependant il nous paraît extrêmement dangereux de lui ôter son caractère absolu et de confier au juge le pouvoir con­sidérable d'apprécier si telle ou telle voie d'exécution compromet ou non la continuité du service. Sans doute l'Etat ne peut-il se soustraire à ses obligations en se retranchant derrière l'immunité d'exécution. Mais ne court-on pas le risque, si l'on adopte la thèse retenue par le tribunal de première instance de Bruxelles, de voir se multiplier de la manière la plus variée et la plus disparate les voies d'exécution contre les biens des personnes morales de droit public et de voir, en fin de compte, la conti­nuité du service être appréciée au gré des jurisprudences de manière plus ou moins adéquate? L'on est bien conscient qu'en certains cas l'immunité d'exécution peut conduire et a pu con­duire à de véritables abus. Mais ceux-ci sont-ils pires que la désorganisation que ne manquerait pas, à coup sûr, de créer la généralisation des voies d'exécution contre toutes les· personnes morales de droit public? L'on se demande à la réflexion si, dans

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un premier temps, une refonte législative des procédures admi­nistratives en vue de renforcer les tutelles coercitives ne don­nerait pas, dans une large mesure, réponse au moins partielle à ce délicat problème (voy. sur la généralisation de la tutelle de substitution financière à l'égard des personnes publiques décen­tralisées, J. LEBRUN et D. DÉoM, ibid., n° 38). De même ne pourrait-on envisager que la Cour des comptes puisse, pério­diquement, contrôler l'inscription au budget des crédits néces­saires au paiement des condamnations 1 Ne pourrait-on recon­naître à cette autorité le pouvoir de bloquer la partie du crédit qui existerait au budget de manière à assurer effectivement le paiement d'une condamnation incombant à l'Etat? Ce sont là, nous paraît-il, des voies qui devraient, au préalable, être explo­rées et qui seraient peut-être de nature à donner plus adéquate­ment satisfaction au justiciable. Celui-ci est, du reste, le plus souvent davantage victime des lenteurs administratives que d'un véritable refus délibéré d'exécution (à titre de comparaison citons ainsi la loi française n° 80/539 du 16 juillet 1980 -Journal officiel du 17 juillet 1980 - qui, en ce qui concerne l'Etat, impose· aux comptables publics de procéder au paiement sans ordonnancement des sommes correspondantes aux condam­nations encourues, à défaut d'ordonnancement volontaire par l'administration dans les quatre mois du prononcé de la décision juridictionnelle; voy. à cet égard J. TEREINET, << V ers la fin de l'inexécution des décisions juridictionnelles par l'administra­tion? >>, A.J.D.A., 1981, p. 3).

15bis. - Des difficultés surgissent également en ce qui con­cerne l'immunité applicable aux biens appartenant aux Etats ou à des organismes publics étrangers. L'on ne peut cependant les évoquer dans le cadre limité de cette chronique (voy. ainsi sur cette question H. SYNNET, Quelques réflexions sur l'immunité d'exécution de l'Etat étranger, Clunet, 1985, p. 865 et sv.; L'im­munité de juridiction et d'exécution de l'Etat étranger, Ed. Institut de sociologie, U.L.B., 1971 ; adde civ. Bruxelles, 27 juillet 1971, Pas., 1971, III, 80).

§ 3. - Meubles corporels

16. - L'article 1408 du Code judiciaire énumère une liste de meubles corporels qui ne peuvent être saisis. Comme nous

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l'avons écrit, ce texte - dont le caractère étroit et démodé a été maintes fois dénoncé - ne répond plus aux exigences actuelles. Il devrait être adapté et complété spécialement en ce qui concerne les instruments de travail indispensables à la pro­fession du saisi (G. DE LEV AL et J. V AN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, Ed. du Jeune Barreau, 1982, p. 38, no 39; voy. notamment la proposition de loi visant à atténuer les effets néfastes de l'endettement excessif des consommateurs, Doc. pari., Sénat, 1981-~982, n° 124; proposition de loi modi­fiant l'article 1408 du Code judiciaire, Doc. pari., Sénat, 1981-1982, n° 63; adde projet de loi, Doc. pari., Ch., 625, 1982-1983, no 8 qui vise à supprimer la limitation de valeur à l'article 1408, 2o, du Code judiciaire; adde également le décret de la Région wallonne du 4 juillet 1985 - Mon. b. du 7 septembre 1985 -relatif à la fourniture d'un minimum d'électricité pour l'usage domestique).

La jurisprudence est, sur ces questions, peu abondante. Plu­sieurs décisions précisent ainsi qu'en ce qui concerne la valeur des instruments de travail il y a lieu de se placer au moment de la saisie et de tenir compte de la valeur de réalisation et non de la valeur d'acquisition (civ. Verviers, 10 janvier 1986, J.L., 1986, p. 157; voy. également civ. Arlon, 8 juin 1971, J.L., 1971-1972, p. 108). L'on s'accorde par ailleurs à reconnaître que les dispositions de l'article 1408 ne sont pas applicables en cas de faillite, le failli étant en principe dessaisi de ses biens sauf appli­cation de l'article 476 du Code de commerce (en ce sens civ. Coutrai, 20 décembre 1982, R.G. n° 23.312 cité in G. DE LEVAL, Jurisprudence du Gode judiciaire, La Charte, 1408/2, n° 3).

Qu'en est-il des meubles meublants qui garnissent l'immeuble servant au logement de la famille? A peine de frapper ces biens d'une insaisissabilité non prévue par la loi, l'on doit admettre que l'article 215, § 1er, alinéa 2, du Code civil n'est pas opposable aux créanciers du ménage (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPER­NOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., n° 39; sur la portée en cette matière de l'article 553 du Code de commerce, voy. G. DE LEVAL,<< La saisie mobilière>>, in Procesrecht vandaag, Kluwer, 1980, p. 321). En revanche le juge des saisies de Bruges a décidé que le conjoint ne peut saisir et exécuter les meubles garnissant l'habitation familiale pour réaliser la créance de rente alimentaire qu'il a contre l'autre conjoint (civ. Bruges, 13 no-

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vembre 1979, R. W., 1980-1981, col. 2048; Rev. trim. dr. fam., 1982, p. 207; J. L. LEDoux, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 484, n° 60).

Rappelons pour le surplus que le caractère saisissable des meubles corporels n'exclut point pour l'huissier l'obligation de ne point procéder à la saisie et à la vente d'objets dont la valeur est manifestement insuffisante pour couvrir les frais de la pro­cédure. Pareille poursuite serait frustratoire et entraînerait la responsabilité personnelle de l'officier ministériel instrumentant (art. 866 du Code judiciaire). Aussi bien, le juge des saisies pourrait-il interdire la vente publique de meubles saisis qui n'ont aucune valeur marchande (civ. Anvers, 11 octobre 1984, R. W., 1985-1986, col. 1502).

§ 4. - Revenus professionnels et revenus de remplacement et de complément

17. - Les articles 1409 à 1412 du Code judiciaire édictent des règles uniformes en matière de saisie et de cession des som­mes payées en contrepartie des prestations de travail et des revenus de remplacement ou de complément, qui tentent de réaliser un équilibre entre le maintien d'un minimum vital pour le débiteur et sa famille et la nécessité de ne pas ruiner les pos­sibilités de crédit. Ces dispositions ont donné lieu à une juris­prudence extrêmement abondante. Elles ont fait par· ailleurs l'objet d'études détaillées qu'il paraît inutile de paraphraser, (sur l'analyse des articles 1409 à 1412 du Code judiciaire, voy. notamment F. HuiSMAN et M. TROCLET, <<La l'émunération: Saisie et cession>>, J.T.T., 1983, p. 41 à 53; F. ToP,<< Loonbeslag, loondelegatie en loonoverdrag : problemen bij de evenredige verdeling >>, T.P.R., 1983, p. 363 et sv.; G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 39 et sv.; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 484, nos 61 et sv.; G. DE LEVAL, <<Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 160 et sv.; du même auteur, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 95 et sv.; D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, p. 181 et sv.; A. et M. CoLENS, Le contrat d'emploi, 6e édit., 1980, p. 275 et sv.). C'est dès lors à quelques décisions que l'on s'arrête, dont l'impor­tance et l'intérêt pratique paraissent devoir être soulignés.

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a) Article 1409.

18. - La jurisprudence a été longtemps hésitante sur la question de savoir si et dans quelle mesure les limites de saisis­sabilité s'appliquent à l'indemnité de préavis perçue globale­ment. Cette indemnité s'identifie-t-elle en effet à la nature juri­dique des rémunérations protégées par l'article 1409 (en ce sens par ex. civ. Arlon, 18 mai 1976, J.L., 1976-1977, p. 15; contra Bruxelles, 10 juin 1976, Pas., 1977, II, p. 96) 1 La controverse a été fortnellement tranchée par l'arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 1982 qui décide que le paiement d'une indemnité de congé en cas de licenciement sans motif grave et sans préavis constitue l'exécution du contrat de travail au sens de l'ar­ticle 140~, alinéa 1er, du Code judiciaire; il en résulte que si l'indemnité de congé est égale à la rémunération en cours cor­respondant à la durée du préavis, la quotité de cette indemnité pouvant faire l'objet d'une cession ou d'une saisie doit, pour l'application de ce texte, être déterminée en prenant en consi­dération, pour chaque mois civil, les sommes cessibles ou saisis­sables en vertu de cette disposition légale (Pas., 1982, I, p. 1000; J.T.T., 1983, p. 53; Rev. dr. soc., 1982, p. 601; R. W., 1983-1984, p. 183). Il en est de même des arriérés de rémunération qui doivent être répartis sur les mois auxquels ils se rapportent pour déterminer le montant de base auquel est appliqué le pourcen­tage défini par l'article 1409 du Code judiciaire (Liège, 19 octobre 1983, Pas., 1984, II, p. 22). En revanche l'indemnité d'éviction des représentants de commerce <<n'est pas comme telle une somme payée en exécution d'un contrat de louage de travail au sens de l'article 1409 du Code judiciaire mais une indemnité imposée à l'employeur en vertu des seules dispositions de la loi>> et est dès lors intégralement saisissable et cessible conformément au droit commun (civ. Liège, 14 février 1979, J.L., 1978-1979, p. 365, n° 71 et obs. G. DE LEVAL; Liège, 19 octobre 1983, Pas., 1984, II, p. 22; adde cass., 15 décembre 1980, J.T.T., 1981, p. 187 qui décide que l'indemnité d'éviction<< ne remplace pas la rémunération, elle est une indemnité qui n'indemnise ni la perte . d'un , emploi ni la perte de rémunération mais bien le préjudice subi en raison de la perte de clientèle apportée >>; contra M. JAMOULLE, Le contrat de travail, t. II, Liège, 1985, p. 109).

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L'insaisissabilité est-elle applicable lorsque la rémunération est versée sur un compte financier 1 Le problème est général et concerne l'ensemble des créances garanties par les articles 1409 et 1410 du Code judiciaire. La rigueur des principes oblige, semble-t-il, de considérer que lorsque l'une de ces créances est inscrite à un compte ouvert au nom du bénéficiaire, elle cesse, en règle, d'être protégée par les règles de l'insaisissabilité car juridiquement elle perd sa nature particulière pour se trans· former en une créance du titulaire de compte contre le détenteur de fonds (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes .... >>, ibid., p. 42, n° 43). Si c'est en ce sens que se prononce très généralement la doctrine (voy. ainsi A. M. STRA­NART, <<La saisie-arrêt>>, in Les voies conservatoires ... , éd. J. Bar­reau, Bruxelles, 1982, p. 133 et sv. et les nombreuses références citées), la jurisprudence paraît plus hésitante. A côté de déci­sions écartant nettement l'application de l'article 1409 du Code judiciaire (voy. ainsi civ. Bruxelles, 24 mai 1982, Ohron. dr. soc., 1983, p. 310 et note A. WILLEMS) d'autres décisions considèrent que la protection est maintenue lorsque le compte est exclusive­ment alimenté par des créances garanties par les articles 1409 et 1410 dès lors qu'il n'y a aucun risque de confusion avec d'autres éléments du compte (voy. ainsi civ. Bruxelles, ·13 jan­vier 1978, J.T.T., 1978, p. 206 à propos d'une pension d'inva­lidité; civ. Anvers, 8 mars 1984, R. W., 1984-1985, col. 615 et obs. critiques de I. BATAILLE et D. CoECKELBERGH, à propos d'une saisie pratiquée sur un compte alimenté par des allocations familiales; voy. aussi F. ToP, op. cit., T.P.R., 1983, p. 370, n° 15; comp. G. DE LEVAL, <<Saisies-arrêts des arriérés de pen­sion alimentaire versés au c.c.P. d'un avocat>>, J.L., 1981, p. 388). Notons que le principe selon lequel les créances protégées versées à un compte deviennent totalement saisissables est impli­citement confirmé par les dispositions de l'article 5, § 6, de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération remplacé par l'article 1er de la loi du 27 juin 1985. Ce texte dispose que <<lorsque la rémunération des travailleurs ou le compte bancaire ou de chèques postaux où est versée leur rému­nération fait l'objet d'une saisie ou d'une cession, le paiement de la partie non cessible ni saisissable de la rémunération s'effec­tue d'office de la main à la main, par assignation postale ou par tout autre mode de paiement déterminé par le Roi>> (voy. l'arrêté royal du 5 mars 1986, Mon., 21 mars 1986, p. 3771).

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b) Article 1410.

19. - Les provisions et pensions alimentaires<< adjugées par justice>> ainsi que les pensions<< allouées après divorce à l'époux non coupable>> sont saisissables dans les limites prévues à l'ar­ticle 1409. Comme pour l'indemnité de préavis, la quotité saisis­sable des arriérés de pension alimentaire ne se calcule pas sur l'ensemble de ceux-ci mais sur chaque mensualité (civ. Liège, 6 mai 1981, J.L., 1981, p. 381 et obs. G. DE LEVAL et R. RAsiR). Les termes de l'article 1410, § 1er, 2°, du Code judiciaire (<<pen­sions ... payées en vertu ... d'un contrat>>) permettent d'étendre cette protection aux pensions alimentaires résultant des con­ventions de divorce par consentement mutuel (G. DEMEZ, <<L'exécution des obligations alimentaires>>, Annales de la Faculté de Droit de Louvain, 1979, p. 276; M.-Th. MEULDERS­KLEIN, <<Les effets du divorce par consentement mutuel et le principe de la convention-loi>>, note sous cass., 4 novembre 1976, R.O.J.B., 1979, p. 476 et note 39; en ce sens également civ. Liège, 3 novembre 1983, R.G. n° 54.405/82, cité in G. DE LEVAL, Jurisprudence du Gode judiciaire, La Charte, art. 1410/1, n° 2). A juste titre la jurisprudence rappelle par ailleurs qu'une dette alimentaire ne peut être compensée avec des sommes dues par le créancier au débiteur dans la mesure où la pension ali­mentaire est insaisissable (art. 1293 du Code civil; civ. Liège, 19 décembre 1979, J.L., 1980, p. 117 et obs.; civ. Liège, 8 février 1984, J.L., 1984, p. 487).

Si l'article 1410, § 1er, protège les indemnités pour incapacité de travail payées en vertu de la législation relative à l'assurance maladie-invalidité ainsi que les indemnités payées en vertu de la législation sur la réparation des dommages résultant des acci­dents du travail ou des maladies professionnelles, il ne s'étend point, en revanche, aux indemnités de droit commun répara· triees d'un préjudice corporel. De telles indemnités sont ces­sibles et saisissables intégralement (en ce sens Liège, 1er avril 1976, Pas., 1977, II, p. 66 et avis du ministère public; Mons, 26 juin 1985, Rev. rég. dr., 1985, p. 353 et note M. ANTOINE). Cette situation peut paraître anormale et mériterait une inter­vention rapide du législateur (en ce sens G. DE LEVAL,<< L'inéga­lité entre les saisis>>, R.G.A.R., 1984, n° 10.822).

Sur l'article 1410, § 4, du Code judiciaire et la récupération

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de l'indu en matière de sécurité sociale, voy. l'étude approfondie de L. PETIT, Annales de la Faculté de Droit de Liège, 1984, p. 83 et s.; adde J. LECLERCQ, <<La répétition de l'indu dans le droit de la sécurité sociale>>, Rev. belge de sécu1·ité sociale, janvier 1976.

c) Article 1412.

20. - Si les pensions et provisions alimentaires sont saisis­sables dans les limites fixées à l'article 1410, § 1er, 1~ créancier alimentaire ainsi que l'époux bénéficiaire d'une délégation de sommes sont en revanche doublement protégés, d'une part, par l'exclusion, en ce qui les concerne, de toutes les limitations résultant des articles 1409 et 1410 et, d'autre part, parla ,priorité absolue que leur confère, à l'égard des tiers, le<< super privilège>> contenu à l'article 1412, alinéa 2, du Code judiciaire. Cette prio­rité est accordée sans qu'il soit fait de distinction entre les sai­sissants ou les cessionnaires. Qu'en est-il cependant si les rému­nérations ou revenus de remplacement visés aux articles 1409 ou 1410 ont fait l'objet d'une cession antérieure à la saisie ou à la délégation pratiquée par le créancier alimentaire ou le con­joint~ Dans un important arrêt du 3 mars 1982 (J.L., 1982, p. 258 confirmant civ. Huy, 30 juin 1981, J.L., 1982, p. 259) la Cour d'appel de Liège décide que.<< sous peine de contrevenir au but de la loi et d'enlever spécialement à l'article 1412, alinéa final, du Code judiciaire une large part de sa portée, la quotité cessible doit s'apprécier au moment où la créance cédée devient exigible ... ; en conséquence si la cession porte sur des rémuné­rations futures et qu'une délégation de salaire judiciairement accordée a été notifiée soit antérieurement soit concomittam­ment à leur échéance, la quotité cessible doit se calculer con­formément à l'article 1412, alinéa final, du Code judiciaire ... ; en revanche si la cession porte sur des rémunérations échues avant que la délégation ne prenne ses effets, elle fait· passer définitivement la créance correspondante du patrimoine du cédant dans celui du cessionnaire>>. La solution ainsi retenue nous paraît conforme tant au texte qu'à l'économie . de l'ar­ticle 1412. du Code judiciaire. La question dmneure néanmoins controversée (dans un sens contraire, voy. civ. Courtrai, 25 fé­vrier 1985, R. W., 1985-1986, col. 257 et la note F. ToP, <<·Loon-4elegatie na loonoverdracht : aan wie de voorrang ~ >>).

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Les sommes payées à titre de minimum de moyens d'existence sont normalement et en totalité insaisissables (art. 1410, § 2). La généralité des termes de l'article 1412 qui écarte au profit du créancier alimentaire<< les limitations prévues aux articles 1409 et 1410 >> entraîne néanmoins pour conséquence que le minimum vital perçu . par le débiteur d'une pension alimentaire peut être saisi par le créancier alimentaire (civ. Bruxelles, 16 janvier 1986, Rev. rég. dr., 1986, p. 66 et note M. BoDART et M. VAN RuYM­BEKE; dans le même sens, Questions et réponses, Ch., 1981-1982, p. 2213 et erratum p. 2432, Question n° 148; contra civ. Anvers, 28 novembre 1983, cité in G. DE LEVAL, Jurisprudence du Gode judiciaire, La Charte, art. 1412/5ter).

La double protection qu'accorde l'article 1412 du Code judi­ciaire au créancier alimentaire et au bénéficiaire d'une déléga­tion de sommes peut, comme nous l'avons écrit, conduire à vider pratiquement de toute substance le dividence des créan., ciers d'un conjoint endetté. Ceux-ci pourraient néanmoins - en cas de fraude spécialement - exercer une tierce opposition contre la décision accordant la pension alimentaire ou la délé­gation de sommes (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibi.d., p. 44; cass., 12 mars 1974, P(l,s., 1974, I, p. 713, solution implicite; F. ToP, op. cit., T.P.R., 1983, p. 390, n° 55). Sur l'ensemble du problèm~ de la protection du créancier alimentaire, voy. l'étude de G. DE LEVAL, <<L'exécution de la .sanction des décisions judiciaires en matière familiale>>, in <<L'évolution du droit judiciaire>>, Actes des XJes Journées Jean Dabin, Bruylant, 1984, p. 876 et sv. Sur la délé­gation de sommes, voyez, plus particulièrement, C. PANIER, <<Les délégations de sommes>>, in Les voies conœrvatoires et d'exécution -Bilan et perspectives, Ed. du Jeune Barreau, 1982, p. 143 et sv.

SECTION III. -L'EXÉCUTION PROVISOIRE ET LE CANTONNEMENT

21. - En règle, seul l'exercice effectif d'une voie de recours ordinaire - et non le seul écoulement du délai dans lequel le recours peut être introduit - produit un effet suspensif de l'exécution (art. 1397 du C. jud.). Une intéressante décision du tribunal civil de Liège du 2 juillet 1984 (J.L., 1984, p. 486)

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applique correctement ce principe en considérant que lorsqu'une décision ordonne une expulsion, l'effet suspensif de l'exécution n'est attaché qu'à l'exercice effectif du recours ordinaire (en l'espèce l'opposition) et non au seul écoulement du délai (dans le même sens voy. civ. Bruxelles, 2 mars 1972, Pas., 1972, III, p. 39; camp. civ. Namur, 13 novembre 1981, Rev. rég. dr., 1982, p. 49). En revanche en cas de condamnation pécuniaire - ce qui est nécessairement le cas en matière de saisies - le délai d'appel ou d'opposition devient par lui-même suspensif en ma­nière telle que le créancier doit, en principe, avant de pouvoir recourir aux voies d'exécution, attendre que la décision soit coulée en force de chose jugée. Imposée par l'article 1495, ali­néa 2, du Code judiciaire la même règle est applicable aux déci­sions ordonnant ou imposant à un tiers une prestation (art. 1388 du Code judiciaire; sur la justification de cette disposition, voy. G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, p~ 265).

En revanche si la décision est exécutoire par provision, elle est immédiatement opérationnelle peu importe que le délai de recours ne soit pas écoulé ou que le recours ait été exercé. L'exécution provisoire revêt ainsi une importance essentielle pour obtenir au plus tôt la traduction dans les faits de la décision de justice et pour neutraliser les recours dilatoires du débiteur (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Les règles com­munes ... >>, ibid., p. 65). Le caractère précaire du titre justifie cependant l'existence de certains correctifs, au premier rang desquels se trouve le cantonnement.

§ 1er. - L'exécution provisoire

22. - Dans une étude approfondie consacrée à<< L'exécution provisoire en matière patrimoniale>>, M. Paul MARTENS, actuel­lement conseiller d'Etat, relève opportunément qu'en unifiant le régime de l'exécution provisoire, le Code judiciaire a visé à mettre fin à l'hétérogénéité d'un système complexe rendu inco­hérent par la dispersion des textes traitant du sujet. Mais, ajoute-il en substance,<< en supprimant les dispositions anciennes sans les remplacer par des critères permettant au juge de dis­tribuer équitablement le bénéfice de l'exécution provisoire, le Code judiciaire a entraîné, sur ce point, une régression et une

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incohérence nouvelle due, non pas à la multiplicité des textes, mais à leur absence>> (Ann. de droit de Liège, 1983, p. 184). L'ob­servation est sévère et nous paraît quelque peu injustifiée. Même si les enseignements de la jurisprudence sont relativement mai­gres, ·il nous paraît que le système mis en place par le Code judiciaire fonctionne, en fin de compte, de manière globalement satisfaisante. Encore convient-il de distinguer l'exécution pro­visoire prononcée au premier degré et celle qui, à la demande de la partie, peut être ordonnée par le juge d'appel.

1) Exécution provisoire au premier degré.

23. ---:-- Dans certains cas l'exécution provisoire procède direc­tement de la loi. .Elle ne doit donc, en ce cas, ni être demandée ni être ordonnée expressément par le juge. Citons ainsi particu­lièrement les décisions rendues sur requête unilatérale (art. 1029, al. 2, duC. jud.), par le juge des référés (art. 1039, al. 2, duC. jud.) ou ~ncore par le juge des saisies (art. 1395, al. 2, du C. jud.; voy. supra, n° 11). Il en est de même des jugements prescrivant une mes~re d'instruction (art. 1496 duC. jud.; voy. ainsi par ex. à propos d'une expertise civ. Huy, 30 décembre 1981, J.L., 1982, p. 137). Lorsque l'exécution provisoire est de droit le juge ne pe-q.t - à moins que la loi ne l'y autorise - interdire, à la demande d'une partie, cette exécution qui constitue un effet légalement attaché à la décision elle-même (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Règles communes ... >>, ibid., p. 65, no 82). Ainsi le président du tribunal siégeant en référé ne pour­rait - compte tenu de la rédaction des termes de l'article 1039. du Code judiciaire - décider que son ordonnance ne serait pas exécutoire par provision (G. DE LEVAL,<< L'examen du fond des affaires par le juge des référés>>, J.T., 1982, p. 424; A. FETT­WEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 338, n° 451, note 6). La même solution paraît s'imposer - nonobstant la rédaction légèrement différente de l'article 1029 du Code judi­ciaire - en ce qui concerne les ordonnances rendues sur requête unilatérale (camp. G. DE LEVAL, La jurisprudence du Code judi­ciaire, La Charte, art. 1398-4).

A moins qu'un texte formel ne la prohibe (voy. ainsi l'art. 1399 du Code.judiciaire) l'exécution provisoire est, dans les autres cas, accordée . par le juge. Seul le juge du fond est compétent à cet

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égard, à l'exclusion du juge des saisies (C. jud., art. 1398; civ. Hasselt, 20 novembre 1974, J.L., 1974-1975, p. 141). Le juge accorde l'exécution provisoire du jugement pour tout ou partie de la condamnation; la loi n'ayant pas prévu d'exception pour les dépens, ceux-ci peuvent faire l'objet - comme les intérêts du reste - d'une mesure d'exécution provisoire (civ. Mons, 4 octobre 1979, J.T., 1980, p. 228; en sens contraire, voy. l'art. 58, al. 3, de la loi sur la protection de la jeunesse au sujet duquel on consultera cass., 20 mat 1981, J.L., 1981, p. 293).

Le juge dispose pour accorder l'exécution provisoire d'un sou­verain pouvoir d'appréciation. Comme le note P. Martens dans son étude précitée, la motivation des jugmnents est, sur ce poii1t, exceptionnelle et ne permet guère de tracer une ligne directrice de l'enseignement jurisprudentiel (P. MARTENS, ibid., Ann. de dr. Liège, 1983, p. 199). Dans une décision du 14 no­vembre 1980, le tribunal de commerce de Liège relève <<qu'en refusant l'exécution provisoire postulée, le tribunal mettrait en péril la trésorerie de la demanderesse ou risquerait tout au moins de l'y mettre et ce par la faute des défenderesses>> (comm. Liège, 14 novembre 1980, Jur. comm. b., 1981, p. 370).

·Le juge peut d'office subordonner l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie qu'il détermine et dont il fixe s'il y a lieules modalités (art. 1400, §}er, du Code judiciaire). Cette garantie n'est pas un accessoire nécessaire de l'exécution provi­soire mais seulement une condition préalable de celle-ci lorsqùe le juge l'ordonne. Il en résulte que les frais éventuellement entraînés par la constitution de la garantie ne peuvent être con­sidérés comme des frais d'exécution au sens de l'article 1024 du Code judiciaire (cass., 14 juin 1984, R. W., 1985-1986, col. 892). Lorsqu'elle est imposée, la garantie est une condition de validité de la saisie; celle-ci est irrégulière lorsqu'elle est accomplie alors que la sûreté imposée par le juge n'a pas été fournie (civ. Anvers, }er février 1974, Droit européen des transports, 1974, p. 277; adde à propos d'une caution fournie après le délai fixé par le juge, civ. Bruxelles, 23 avril 1982, Pas., 1982, III, p. 76).

L'exécution provisoire a lieu <<aux risques et périls>> de la partie qui la poursuit. Dans un important arrêt du 15 septembre 1983 la Cour de cassation analyse la situation du créancier comme étant celle d'un débiteur soumis à une obligation con­ditionnelle de remboursement, cette dernière obligation étant

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subordonnée à la condition suspensive que le jugement, en exé­cution provisoire duquel le paiement est effectué, soit réformé par la juridiction d'a pp el; c'est cette décision de réformation qui fait apparaître le caractère indu dudit paiement et rend exigible la répétition de son montant (cass., 15 septembre 1983, Pas., 1984, I, p. 42 et concl. avocat général LIEKENDAEL; J.T., 1985, p. 185). Bien que la question dmneure délicate, il résulte, semble-t-il, des principes ainsi affirmés par la Cour de cassation qu'en cas de réformation le créancier ayant poursuivi l'exécu­tion ne serait tenu de payer les intérêts sur le capital à rem­bourser qu'à dater de la décision d'appel, cette décision faisant seule apparaître le caractère indu du paiement (rapproch. à propos du remboursement des sommes payées durant l'instance de cassation, cass. fr., 22 octobre 1981, Gaz. Pal., 14-16 mars 1982 et note J. VIATTE qui estime cependant que les intérêts ne pourraient être dus qu'à dater d'une mise en demeure; dans un sens contraire, G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 66, n° 83; cass. fr., 28 octobre 1981, J.O.P., 1982, IV, 25). La solution pourrait cependant être différente ~lil apparaissait que le créancier était de mauvaise foi (art~ 1378 du O. civ.). Tel serait spécialement le cas d'abus com-:­mis par le créancier lors de l'exécution, la faute commise pouvant du reste, de surcroît, justifier l'allocation de dommages et inté­rêts (Bruxelles, 10 novembre 1971, Pas~, 1972, II, p. 13; J. L. LE­Doux, ibid., J.T., 1983, p. 477 et sv. spécialement no 41; sur l'ensemble. de la question P. 1\iARTENS, op. cit., Ann. de dr. de Liège, 1983, p. 191 et sv.).

2) Exécution provisoire en degré d'appel.

24. - En vue de neutraliser les conséquences préjudiciables d'un appel dilatoire, l'article 1401 du Code judiciaire autorise le juge d'appel à accorder l'exécution provisoire qui n'a pas été sollicitée ou accordée au première degré. Cette décision - qui peut être sollicitée dès l'audience d'introduction .:.__ est étrangère à l'appréciation tant du bien-fondé du recours que de sa receva­bilité, le juge d'appel pouvant accorder la mesure<< avant même de se prononcer sur le fond du litige >> (V AN REEPINGHEN, Rap­port sur la réforme judiciaire, Ed. Mon. b., t. rer, p. 467). C'est dès lors à tort qu'un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles

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du 19 :q1ars 1980 (J.T., 1981, p. 384) considère qu'avant de statuer sur l'exécution provisoire, le juge d'appel devrait vérifier tant la recevabilité que le fond même du recours dont il est saisi. Pareille interprétation vide l'article 1401 du Code judiciaire de toute utilité. C'est, en réalité, tous droits d'appréciation saufs sur lm:\ mérites du recours que le juge d'appel se prononce sur l'exécution provisoire (voy. ainsi Liège, 6 novembre 1981, J.L., 1982, p. 45; Gand, 15 janvier 1985, T.G.R., 1985, 118, n° 85/79; G. DE LEVAL, Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 199; A. FETTWEIS, Manuel, ibid., p. 605, note 3).

Dans son rapport, le Commissaire royal V AN REEPINGHEN précise que l'article 1401 se justifie dès lors que l'exécution pro­visoire s'avère nécessaire en raison même de l'appel et de la perte de temps qui en résulte (Rapport sur la réforme judi­ciaire, Pasin., 1967, p. 499). C'est cependant de manière assez rigoureuse que les juges d'appel apprécient les conditions d'octroi de l'exécution provisoire. Il importe que soit démontrée, en l'espèce, l'existence de circonstances concrètes justifiant l'ur­gence et la nécessité du recours à l'exécution. Tel est spéciale­ment le cas en matière alimentaire (voy. ainsi Bruxelles, 18 juin 1979, J.T., 1980, p. 45; Pas., 1979, II, p. 129; Liège, 24 décembre 1981, J.L., 1982, p. 133; compar. dans le cadre d'un litige met­tant en question les droits d'un crédirentier, Bruxelles, 10 no­vembre 1981, J.T., 1982, p. 378, qui considère qu'en l'occurrence <<il n'apparaît pas que la crédirentière se trouverait dans un état de besoin tel que l'attente d'une prochaine décision au fond l'empêche de pourvoir, dans l'entretemps, à sa subsistance quo­tidienne>>). Des considérations d'ordre général tirées <<de la len­teur des règlements judiciaires>> ou encore de <<l'incertitude de la conjoncture économique actuelle>> ne paraissent point suffi­santes (Liège, 19 mai 1982, Ann. de d1·. Liège, 1983, p. 200).

A la différence des dispositions du nouveau Code de procédure civile français (art. 524) qui autorisent le premier président de la Cour d'appel statuant en référé à arrêter l'exécution provi­soire accordée par le premier juge<< si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives>>, l'article 1402 du Code judiciaire défend au juge d'appel d'ordonner en quelque manière qu'il soit sursis à l'exécution du jugement rendu en première instance. Il importe peu à cet égard que la mesure soit inoppor-

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tune. Qu'en est-il en revanche si l'exécution provisoire ordonnée par le premier juge résulte d'une irrégularité manifeste 1 La doctrine considère, assez généralement, qu'en pareil cas le juge d'appel pourrait, dès avant tout examen du fond, réfor­mer l'autorisation d'exécution provisoire notamment dans le cas où celle-ci aurait été décrétée d'office par le juge au mépris du principe dispositif (A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 605 et 606; G. DE LEVAL, Chroniques de droit à l'usage du Palais, ibid., p. 199). Cette opinion n'est cependant point unanimement suivje (voy. ainsi dans un sens totalement contraire, Liège, 28 juin 1984, J.L., 1984, p. 546 et obs. G. DE LEVAL, qui considère qu'en aucun cas, quand bien même la décision querellée aurait statué ultra petita en ordonnant l'exé­cution provisoire d'office, le juge d'appel ne peut, avant tout examen au fond, anéantir cette décision). Quoi qu'il en soit de cette question, l'on ne perdra pas de vue que le débiteur qui fait appel de la décision le condamnant au paiement d'une somme d'argent peut, en règle, recourir au cantonnement et empêcher, par là, l'exécution forcée. C'est à ce mécanisme qu'il convient à présent de s'attacher.

§ 2. - Le cantonnement

1) Conditions générales.

25. - Qu'il y ait lieu à saisie conservatoire ou à exécution d'un jugement, il peut y avoir matière à cantonnement. Comme le rappelle un arrêt de la Cour d'appel de Mons du 28 juin 1983 (Pas., 1983, II, p. 132) ce procédé permet au débiteur de se protéger contre les abus que le créancier pourrait commettre, de pallier le danger de l'insolvabilité éventuelle du créancier saisis­sant, d'empêcher l'indisponibilité de ses biens et d'éviter la publicité d'une saisie avec l'atteinte au crédit que celle-ci im­plique (sur l'économie générale du système, voy. G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 66 et sv.; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 477 et sv., spécialement nos 42 et sv.; D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, ibid., p. 151 et sv.; DE BRUYN, <<La procédure du cantonnement>>, R.P.N., 1970, p. 122 et sv.; adde G. DE LEvAL, La saisie-arrêt, spéc. p. 203

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et sv.; du même auteur, Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 200 et sv.). Sous réserve des causes d'exclusions légales (voy. infra, n° 26), le cantonnement constitue un droit pour ly débiteur; si le juge des saisies peut en déterminer les modalités, il ne peut, en revanche, en apprécier l'opportunité (Rapport sur la réforme judiciaire, Mon. b., 1984, t. Jer, p. 468 et 469; civ. Bruxelles, 17 janvier 1977, J.T., 1977, p. 210; civ. Bruxelles, 24 novembre 1980, cité in G. DE LEVAL, Juris­prudence du Code judiciaire, Saisies conservatoires et voies d' exé­cution, La Charte, art. 1403-3).

Encore faut-il que le débiteur en faveur de qui le cantonne­ment est institué, réponde aux conditions légalement prescrites pour ·obtenir la libération des biens ou des avoirs saisis. La con­dition essentielle est que le montant consigné soit suffisant pour répondre de la créance en prinCipal, intérêts et frais. Le juge des saisies ne pourrait autoriser un cantonnement limité; celui-ci ne saurait davantage procéder de versements partiels (Liège, 2 mai 1985, J.L., 1985, p. 484; adde civ. Liège, 24 juin 1981, J.L., 1982 et obs. G. DE LEVAL; dans le même sens civ. Huy, 23 novembre 1981, cité in G. DE LEVAL et J. VAN CoMPER­NOLLE, ibid., p. 68, no 85, note 26).

S'agissant du cantonnement sur saisie-exécution, une condi­tion supplémentaire doit être réalisée : le débiteur ne peut recourir au cantonnement que s'il a effectivement exercé un recours ordinaire contre la décision exécutoire par provision. Le débiteur· ne saurait ainsi se prévaloir du seul recours exercé par le créanCier (voy. civ. Tournai, 23 novembre 1984, J.T., 1986, p. 50~ Ann. de dr. Liège, 1986, n° 2 et note PARIDAENS). Par àilleurs ·si une partje seulement de la c'ondamnation est remise en question à l'occasion de l'exercice d'une voie de recours ordi~ naire, le cantonnement doit être limité au montant contesté (civ. Courtrai, 25 mai 1981, R. W., 1981-1982, col. 2181; J. L. LE­Doux, ibid., n° 43). Lorsque la décision est coulée en force de chose jugée, le cantonnement devient impossible même si un pourvoi en cassation est introduit (civ. Hasselt, 12 février 1975, R. W., 1975-1976, col. 183; civ. Liège, 13 avril1983, Rev. not. b., 1983, p. 455; sur le principe, voy. également G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 67, n° 85; D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 154).

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2) Exclusion du cantonnement.

26. - L'article 1404 du Code judiciaire exclut le cantonne­ment lorsqu'il s'agit <<d'une créance de caractère alimentaire>>. Cette exclusion qui se justifie par le caractère d'urgence du secours alimentaire (Rapport Van Reepinghen, Pasin., 1967, p. 499) est de stricte interprétation. Il s'ensuit que seules les créances présentant effectivement un caractère alimentaire peu­vent faire obstacle au cantonnement. Si la Cour d'appel de Bruxelles a pu, à cet égard, correctement décider que pareil caractère devait être reconnu à la pension après divorce visée à l'article 301 du Code civil (Bruxelles, 12 décembre 1979, Pas., 1980, II, p. 32), c'est à tort en revanche que, dans un jugement du 15 juillet 1980, le juge des référés de Liège a considéré que cette expression englobait toutes les sommes destinées à pour­voir à un besoin immédiat du créancier (en l'espèce, une provi­sion. accordée par le juge des référés. aux victimes d'un accident de roulage, civ. Liège, 15 juillet 1980, cité in. G. DE LEVAL, <<Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, n° 28, p. 631, qui critique cette sohition).

L'article 1406 autorise par ailleurs le juge du fond à écarter le cantonnement <<si le retard apporté au règlement expose le créancier à un préjudice grave>>. Si le juge du fond exclut le can­tonnement, il ne saurait appartenir au juge des saisies de réfor­mer cette décision (civ. Bruxelles, 14 août 1985, Rev. 'rég. dr.~

1985, p. 372 à propos d'une sentence arbitrale déclarée exécu~ toire par provision et sans cantonnement). Plus délicate en revanche est la question de savoir si la défense faite par l'ar­ticle 1402 au juge d'appel d'interdire l'exécution provisoire ou d'y faire surseoir lui interdit également de restaurer, le cas échéant, l'exercice du droit au cantonnement· qui aurait été écarté par le premier juge. La cour du travail d'Anvers dans un arrêt du 28 mars 1983 se fonde précisément sur l'article 1402 du Code judiciaire pour en déduire que le juge d'appel ne peut autoriser le cantonnement (cour trav. Anvers, 28 mars 1983, J.T.T., 1983, p. 368). C'est dans un sens totalement différent que se prononce la Cour d'appel de Liège dans un arrêt du 28 juin 1985 (J.L., 1985, p. 486 et obs. G. DE LEvAL) en considérant que la défense faite par l'article 1402 du Code judiciaire se situe dans le cadre strict de l'exécution provisoire laquelle a lieu <<sans

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préjudice des règles du cantonnement >> (art. 1398, al. 2) en 1nanière telle qu'il appartient au juge d'appel de contrôler, avant l'examen du fond, la motivation par laquelle le premier juge a interdit le cantonnement et de restaurer, le cas échéant, l'exer­cice de ce droit. Ce dernier enseignement nous paraît personnel­lement plus conforme à l'économie des textes. (Sur la question de savoir si le créancier pourrait solliciter l'interdiction de can­tonner en degré d'appel avant que le fond soit abordé, voy. la réponse affirmative de G. DE LEVAL, <<Aspects actuels du droit des saisies>>, ibid., J.T., 1980, p. 631, note 50; comp. cependant dans un sens différent Liège, 28 novembre 1985, J.L., 1986, p. 313.)

3) Effets du cantonnement.

27. - L'on saitqu'à la différence du cantonnement sur saisie conservatoire, le cantonnement sur exécution provisoire réalise un ·transfert de propriété ·au profit du saisissant avec effet rétroactif au jour du paiement (art. 1404, al. 2, du Code judi­ciaire; E. K.RrNGS, Les saisies conservatoires et les voies d'exécu­tion, Etude du projet de Code judiciaire, Liège, 1966, p., 135 et 136; E. GUTT et A. M. STRANART, op. cit., p. 653; D. CHABOT­LÉONARD, ibid., p. 157; G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, p. 69). Le montant can­tonné doit être ainsi considéré comme valant paiement avec la conséquence notamment que le cours des intérêts est arrêté à dater du cantonnement (civ. Bruges, 23 février 1982, R. W., 1983-1984, col. 516). C'est donc à tort qu'il serait imposé au débiteur de cantonner, outre le montant de la créance et des accessoires, une <<provision pour intérêts futurs>> (en ce sens, mais à tort, civ. Anvers, 26 décembre 1983, Droit européen des transports, 1983, p. 793). En réalité c'est au créancier qu'il appartient - par le choix du lieu du dépôt - de veiller à ce que les sommes consignées puissent produire un taux d'intérêt satisfaisant.

Seul le cantonnement effectué selon les formes du ·code judi­ciaire peut réaliser l'effet de paiement visé à l'article 1404, alinéa 2. Tel n'est point le cas d'une consignation décidée de commun accord par les avocats des parties et effectuée à un compte affecté à cet effet (civ. Courtrai, 16 octobre 1984, R.·W.,

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1985-1986, col. 544; P. MARTENS, op. cit., Annales de droit de Liège, 1983, p. 203, n° 10; G. DE LEVAL,<< Les saisies>>, Ohroniqu,es de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 201; contra civ. Gand, 27 février 1985, Tijdschrift voor Gentse recht, 1985, p. 88, n° 61, qui perd de vue qu'aux termes de l'article 1403 du Code judi­ciaire le séquestre doit être agréé ou commis par le juge des saisies).

Notons enfin que l'effet de paiement ne s'attache qu'au seul cantonnement réalisé par le saisi en vertu de l'article 1404, alinéa 2, du Code judiciaire. Il est étranger à la consignation visée à l'article 1407 du Code judiciaire, laquelle opère unique­ment le déplacement de la qualité de tiers saisi (ou de tiers chez lequel une saisie mobilière a été pratiquée) d'une personne à une autre (Liège, 8 décembre 1983, J.L., 1984, p. 32; G. DE LEVAL et J. VAN ÜOMPERNOLLE, ibid., p. 55; contra mais à tort D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 164). Sur l'incidence de l'ar­ticle 446 du Code de commerce sur le sort de la somme can­tonnée sur exécution provisoire, voy. G. DE LEVAL, <<Saisies et droit commercial>>, in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruylant, 1983, p. 317 et les références notamment à cass., 25 mai 1978, Pas., 1978, I, p. 1090 et concl. J. VELU.

CHAPITRE II. - CONDITIONS GÉNÉRALES DE MISE EN ŒUVRE

DES SAISIES CONSERVATOIRES

SECTION pe. - CoNDITIONS DE FOND : CÉLÉRITÉ ET QUALITÉS DE LA CRÉANCE

§ 1er. - La célérité

1) Justification et portée de l'exigence.

28. - En subordonnant les saisies conservatoires à l'exigence de la célérité (art. 1413 du Code judiciaire), le législateur entend insister sur ce que la mesure conservatoire ne se justifie que si le créancier peut démontrer que ses intérêts sont menacés et qu'à défaut de prendre d'urgence les précautions voulues, il peut <<réellement craindre un préjudice>> (<<Rapport sur la réforme

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judiciaire.>>, Mon. b., 1964, p. 485). Ce préjudice existe dès qu'un risque sérieux menace le recouvrement de la créance, soit que le débiteur organise ou tente d'organiser son insolvabilité, soit que les circonstances objectives permettent d'établir une insol­vabilité èxistante ou menaçante (E. GUTT et A.-M. STRANART, Examen de jurisprudence, Rev. crit. de jurisp. b., 1974, p. 661, n° 132; A.-M. STRANART, <<Les conditions générales des saisies conservatoires>>, Rev. dr. comm., 1985, p. 742; G. DE LEVAL, La saisie-arr·êt, n° 88; G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, no 52; D. CHABOT-LÉONARD, op. cit~, p. 102).

Il appartient évidemment au créancier de démontrer l'exis­tence de la célérité lorsqu'il sollicite du juge des. saisies r auto­risation de saisir conservatoirement. La question a été, en revanche, controversée de savoir si le créa:r;wier qui agit sur base d'un jugement (art.1414 duC. jud.) doit également justifier d'une situation d'urgence ou si au contraire pareille situation ne résulte pas implicitement mais certainement du jugement lui-même. Plusieurs ,décisions ont partagé cette dernière opinion (voy. ainsi Anvers, 13 avril1983, R.W., 1983-1984, col. 2692; civ. Courtrai, 24 octobre 1983, R. W., 1983,.1984, col. 1564; en ce Syns égale­ment E. GuTT et A.-M. STRANART, Examen de jurisprudence, R.O.J.B., 1974, p. 659; voy. cependant l'opinion nouvelle défen­due par. A.-M. STRANART dans son étude sur ·<cLes conditions générales des saisies conservatoires>>, Rev. dr. comm., 1985, p. 748 et 749, qui fait suite à l'arrêt de cassation du 14 septembre 1984). La majorité de la doctrine et de la jurisprudence était cependant d'un avis différent en considérant que le saisi peut, sur base de l'article 1420 du Code judiciaire, demander la mainlevée d'une saisie conservatoire en démontrant que celle-ci a été pratiquée en l'absence de toute exigence de célérité sans avoir à justifier, pour autant, de circonstances nouvelles qui seraient survenues depuis le jugement rendu sur le fond ( civ. Bruxelles, 8 janvier 1981, J.T., 1981, p. 259 et obs. F. GLANSDORFF; J.-L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 488, n° 74; G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, n° 52, p. 48). C'est en ce sens que s'est formellement prononcée la Cour de cassation dans un important arrêt du 14 septembre 1984 (J.T., 1985, p. 142; R. W., 1985-1986, col. 894). Cassant l'arrêt précité du 13 avril 1983 de la Cour d'appel d'Anvers, la Cour de cassa-

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~]JV"Q"E CRITIQUE DE JURISPRUDENCE :SELGE 437

tion décide que l'article 1420 du Code judiciaire<< implique que la partie saisie peut citer le saisissant devant le juge des saisies aux fins d'entendre ordonner la levée de la saisie, au motif que le cas ne requiert pas célérité>>. Cet arrêt semble devoir faire la paix j~diciaire (voy. G. DE LEVAL, <<Les saisies>>, Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 171). Il affirme clai­rement le principe que l'autorisation de saisie conservatoire contenue - sauf disposition contraire - dans le jugement qui statue sur le fond, ne peut être effectivement mise en œuvre par le créancier qu'au vu d'éléments justifiant concrètement l'ur­gence.

2) Contenu et appréciation de l'exigence.

29. - La célérité ne s'identifie pas à la situation dans laquelle le débiteur organise sciemment son insolvabilité (compar. dans ce sensexagérément restrictif, Bruxelles, 26 octobre 1971, Pas., 1972, II, P·. 11). En réalité il y a urgence dès que le créancier peut sérieusement redouter la mise en péril du recouvrement de sa créance, soit que le débiteur organise effectivement son insol­vabilité, soit encore que des éléments objectifs révèlent une situation.actuelle ou menaçante d'insolvabilité appréciée notam­ment en fo~ction des. liquidités disponibles pour faire face au remboursement de la créance. C'est au juge des saisies à appré­cier, da~s chaque cas, en tenant èompte de toutes les circon­stances, si les éléments constitutifs dela célérité sont en l'espèce réunis (sur les critères généralement retenus, voy. G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 48, no 53).

Une jurisprudence abondante existe à ce sujet dont l'analyse minutieuse a été faite dans l'excellente étude que notre collègue A.-M .. STRANART a consacrée aux conditions générales des sai­sies conservatoires (Rev. dr. comm., 1985, p. 739 et sv. et plus particulièrement p. 741 à 748; voy. également l'examen de jurisprudence effectué par G. DE LEVAL, in<< Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 626 et sv.; adde J.-L. LEDoux, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 477 et sv. et plus particulièrement nos 74 et 75). Il ne saurait .entrer dans notre propos de para­phraser ici cette étude à laquelle nous permettons de renvoyer.

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§ 2. - Qualités de la créance

30. - La créance, cause de la saisie, doit être certaine et exigible, liquide ou susceptible d'estimation provisoire (art. 1415, al. 1er, du Code judiciaire). La réunion de ces trois conditions doit être appréciée par le juge des saisies lorsqu'il se prononce sur la demande d'autorisation formée par le créancier. En revanche lorsque la saisie conservatoire est pratiquée sur base d'un jugement (art. 1414), l'existence d'une créance certaine, exigible et liquide résulte normalement de la décision elle-mên1e et ne saurait être remise en cause devant le juge des saisies qui n'est pas une juridiction d'appel (civ. Liège, 14 décembre 1979, J.L., 1980, p. 179; G. DE LEVAL, <<Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 627, n° 13 et les référ.).

L'appréciation par le juge des saisies des caractères de la créance doit demeurer compatible avec la nature, le but et la fonction de la mesure envisagée. Celle-ci est conservatoire. C'est dès lors à juste titre que la doctrine insiste sur ce que les con­ditions doivent être interprétées de manière<< assouplie>> et<< tem­pérée>> (A. M. STRANART, <<Les conditions générales des saisies conservatoires>>, Rev. dr. comm., 1985, p. 750 et sv.; G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles com­munes ... >>,ibid., p. 48). Dans tous les cas cependant le débiteur saisi peut élever une contestation à leur sujet dans le cadre du débat contradictoire qui sera porté devant le juge des saisies, soit sur le recours formé contre l'ordonnance, soit encore sur l'action en mainlevée introduite par voie principale (voy. infra, nos 38 et sv.).

1) La certitude.

31. - Souvent débattu devant le juge des saisies, le carac­tère certain de la créance implique que celle-ci présente une apparence de fondement suffisant pour autoriser ou maintenü· une saisie conservatoire. Il n'est point requis que la certitude soit telle qu'elle justifierait une condamnation. Comme l'écrit notre collègue A. J\1. STRANART, la créance est certaine <<dès qu'elle se manifeste au terme d'un examen sommaire de manière apparente avec des éléments de certitude et que, justifiée som,­mairement et promptement, elle paraisse réelle>> (o:(J. cit., Rev.

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dr. comm., 1985, p. 751; dans le même sens G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, ibid., n° 55, p. 48; G. DE LEVAL,<< Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 627; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, Chronique, J.T., 1983, p. 488; D. CHABOT­LÉONARD, ibid., p. 93 et les référ.).

Révélant l'extrême diversité des espèces, une jurisprudence abondante existe à ce sujet dont l'analyse attentive figure dans diverses études auxquelles il a été déjà renvoyé (voy. spéciale­ment A. M. STRANART, op. cit., Rev. dr. comm., 1985, p. 750 et sv.; J. DE LEVAL, <<Saisies conservatoires et voies d'exécu­tion», J.L., 1979, p. 350, nos 16 et sv.; du même auteur,<< Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 627, nos 11 et sv.; du même auteur, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, Saisies conservatoires et voies d'exécution, art. 1415, qui comporte un classement de la jurisprudence la plus récente). L'analyse des décisions publiées révèle que la condition de certitude est entendue de manière extensive cependant que le pouvoir d'ap­préciation du juge des saisies s'avère considérable. Le plus sou­vent du reste celui-ci n'a d'autre choix que celui de mettre en balance deux apparences antagonistes : celle du fondement de la créance, celle du sérieux de la contestation (A. M. STRANART, ibid., p. 752 qui fait un excellent parallèle entre la mission assumée en l'espèce par le juge des saisies et celle qui revient au juge des référés invité à fonder sa décision sur l'examen des droits des parties). Aussi bien, à l'instar du juge des référés, le juge des saisies s'exprime-t-il tous droits saufs sans que sa déci­sion puisse porter préjudice au principal (art. 1489, al. 2, du Code judiciaire).

L'existence d'une contestation n'est point, de soi, de nature à supprimer le caractère certain de la créance. Dans chaque cas il appartient au juge des saisies de déterminer si la contestation élevée contre la créance revêt un sérieux suffisant (civ. Namur, 18 septembre 1981, Rev. rég. dr., 1982, p. 53; voy. également Gand, 9 juin 1983, Pas., 1983, II, p. 115). Une créance litigieuse qui paraît établie dans son principe ne cesse point pour autant d'être certaine. Fréquemment du reste la créance à garantir est précisément celle qui a justifié l'intentement d'une action en justice sur laquelle le juge du fond ne s'est pas encore prononcé (voy. ainsi à propos d'une créance de dommages-intérêts con­sécutifs à l'inexécution d'une vente, civ. Bruxelles, 16 juillet.

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1974, Rev. prat. des sociétés, 1974, p. 195; à propos d'une créance couvrant des arriérés de redevances dues en vertu d'un contrat de leasing, Bruxelles, 5 juin 1974, Droit européen des transports, 1974, p. 641). Le caractère de certitude apparente de la créance résultera en ce cas très souvent de mesures d'instruction ordon­nées par le juge du fond. Une saisie conservatoire peut ainsi être admise sur base des données d'un rapport d'expertise (voy. par ex., civ. Anvers, 8 juin 1978, R. W., 1979-1980, col. 256; civ. Huy, 11 avril 1983, J.L., 1983, p. 309). Encore convient-il qu'à l'action introduite le défendeur n'oppose point des arguments sérieux. A juste titre, le juge des saisies de Courtrai considère ainsi dans une décision du 26 janvier 1981 (J.T., 1982·, p. 379) que la créance du vendeur qui se fonde sur le non-paiement du solde du prix pour poursuivre au fond la résolution de la vente, n'est pas suffisamment certaine pour justifier le maintien d'une saisie-revendication des marchandises vendues lorsqu'il y a une contestation sérieuse justifiée par des documents, concernant l'exécution de la convention par la venderesse. Mais il ne suffit évidemment pas que le débiteur conteste la créance pour que celle-ci perde, automatiquement, son caractère certain sous peine de voir le sort de la saisie conservatoire laissé à la discrétion du débiteur qui, en l'absence de tout motif, invoquerait à chaque coup le défaut de certitude (civ. Liège, 26 avril 1978, cité in G. DE LEVAL, <<Saisies conservatoires et voies d'exécu­tion>>, J.L., 1979, p. 351; voy. dans le même sens rejetant un moyen de compensation ne se présentant pas, au stade conser­vatoire, comme suffisamment sérieux, Liège, 10 octobre 1984, J.L., 1985, p. 4).

L'existence d'une condition résolutoire ou suspensive ne fait point davantage échec au caractère certain de la créance. L'ar­ticle 1180 du Code civil autorise, aussi bien, le créancier sous condition suspensive à accomplir les actes conservatoires. Ceux-ci cmnprennent le recours aux saisies conservatoires que le juge des saisies pourra autoriser en tenant compte de la pro­babilité de la réalisation de la condition (civ. Liège, 24 juin 1981, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, art. 1415, n° 2/6; A. M. STRANART, op. cit., Rev. de dr. comm., 1985, p. 751; G. DE

LEVAL, La saisie-arrêt, p. 54; comp. et contra Rapport sur la réforme judiciaire, Monit. belge, 1964, p. 496 où l'on peut lire sans autre commentaire qu'il est <<interdit de recourir à la saisie-

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arrêt lorsque la créance du saisissant est affectée ... d'une con­dition suspensive>>; dans le même sens, D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 94 qui considère que les saisies conservatoires excèdent les actes conservatoires autorisés par l'article 1180 du Code civil). La solution ainsi retenue doit bien entendu demeurer compa­tible avec le principe selon lequel la créance doit être exigible; c'est souvent à ce niveau que l'existence d'une condition appa­raîtra comme créant l'obstacle à l'autorisation (voy. infra, n° 32).

La certitude de la créance peut résulter d'une décision éma­nant d'une juridiction étrangère, même si cette décision n'est pas encore devenue exécut.oire en Belgique (Liège, 6 mai 1976, J.L., 1976-1977, p. 41; G. DE LEVAL, Chroniques de droit à l'usage rtu Palais, Liège, 1986, t. Jer, p. 173). Elle peut égale­ment être démontrée par l'inculpation et le renvoi devant le tribunal correctionnel du débiteur' l'adage <de criminel tient le civil en état>> n'étant point d'application en matière conser­vatoire (civ. Namur, 18 septembre 1981, Rev. rég. dr., 1982, p. 53; civ. Liège, 18 avril1984, J.L., 1986, p. 68; civ. Bruxelles, 5 mai 1986, Jurisp. du Code judiciaire, Saisies et voies d'exécution, La Charte, art. 1415, n° 1/4ter).

2) L'exigibilité.

32. - La condition d'exigibilité de la créance << doit être réa­lisée car bien qu'il s'agisse d'une mesure conservatoire, un élé­ment du patrimoine du débiteur saisi est, dans l'état des choses, frappé d'indisponibilité>> (Rapport sur la réforme judiciaire, ibid., p. 496). Cette exigence formellmnent imposée par l'ar­ticle 1415 du Code judiciaire peut paraître, à certains égards, excessive compte tenu du caractère exclusivement conservatoire de la mesure. L'on ne perdra cependant pas de vue l'importante exception formulée par l'article 1415, alinéa 2, dans la mesure où le texte permet la saisie conservatoire <<pour sûreté d'une créance de revenus périodiques à échoir lorsque le règlement de ceux-ci est en péril>>. Cette disposition renforce la protection des créanciers d'aliments, d'intérêts, de loyers, etc.; à l'occasion elle permet de combiner la saisie-exécution pour obtenir le paimnent des termes échus et la saisie conservatoire pour garantir celui des termes à échoir (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 50, n° 57).

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Par ailleurs la créance peut devenir immédiatement exigible par application de l'article 1188 du Code civil lorsque le débiteur a fait faillite ou lorsque le juge des saisies constate qu'il est notoiren1.ent hors d'étàt de payer ses créanciers (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, ibid.; compar. A. M. STRANART, op. cit., Rev. dr. comm. b., 1985, p. 758 et 759 qui conteste cette inter~ prétation extensive de l'article 1188 du Code civil et considère de manière générale que l'existence d'un terme n'exclut point le recours à la saisie conservatoire dès lors que la créance est en péril).

Notons enfin que l'octroi d'un terme de grâce ne fait pas obstacle à ce que les saisies conservatoires soient autorisées dans le jugement ou même ultérieurement sur requête par le juge des saisies <<si les circonstances nouvelles justifient le péril en la de1neure >> (art. 1416 du O. jud.; sur cette disposition, voy. par ex., civ. Bruxelles, 21 septembre 1981, J.T., 1981, p. 692 et obs. G. DE :LEVAL).

L'on observera que les assouplissements apportés à la con~ dition d'exigibilité ne sont point admis dans le cadre de la saisie~gagerie. Celle-ci ne peut être pratiquée que pour sûreté de loyers ou fermages <<échus>> (art. 1461 du O. jud.). Le bailleur qui entendrait pratiquer une saisie pour sûreté de loyers à échoir (sur base de l'art. 1415, al. 2, précité) devrait dès lors recourir à la saisie mobilière de droit commun et solliciter à cet effet l'autorisation du juge des saisies.

3) La liquidité.

33. - Le défaut de liquidité ne fait pas obstacle à la saisie conservatoire si la créance est susceptible d'estimation provisoire (art. 1415 du O. jud.). Cette estimation provisoire est faite par le juge des saisies qui peut réduire celle que propose le saisissant (civ. Neufchâteau, 27 février 1981, J.L., 1981, p. 205 et obs. G. DE LEVAL). Dans la liquidation de la créance, le juge peut tenir compte de l'attitude du saisissant qui, par son comporte­ment, a laissé de façon inconsidérée s'accroître sa créance (Liège, 10 octobre 1984, J.L., 1985, p. 4).

La condition de liquidité - ou à tout le moins l'estimation provisoire de la créance - assure la protection du débiteur qui doit être en mesure de payèr ou, le cas échéant, de recourir au

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cantonnement (voy. supra). L'on notera cependant que cette exigence n'est point requise dans le cas d'une saisie-revendi­cation dès lors que le revendiquant ne réclame pas une somme mais poursuit la protection de son droit de propriété, de pos­session ou de détention sur une chose (en ce sens A. M. STRA­NART, op. cit., Rev. dr. comm. b., 1985, p. 760 et les référ.).

SECTION II. - CONDITION DE FORME : LE TITRE PERMISSIF

§ 1er. - Autorisation du juge des saisies

34. - En règle - et sauf les exceptions prévues par la loi (voy. ainsi ce qui sera dit ci-après à propos de la saisie-arrêt et de la saisie-gagerie) - le créancier qui n'agit pas en vertu d'un· jugement (art. 1414 du C. jud.) ou d'un acte authentique ne peut pratiquer une saisie conservatoire qu'avec l'autorisation du juge des saisies. L'intervention du juge constitue une garantie pour le débiteur (Rapport sur la réforme judiciaire, Mon. b., 1964, p. 486; E. GuTT et A. M. STRANART, Examen de juris­prudence, cette revue, 1974, n° 131, p. 658; D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 104; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, n° 98, p. 149). Elle n'exonère cependant pas le créancier de toute responsabilité s'il devait apparaître ultérieurement que la saisie a un caractère vexatoire (Rapport, ibid., p. 486; voy. ainsi par ex. civ. Bruxel­les, 15 juin 1973, J.T., 1973, p. 732, à propos d'une saisie pra­tiquée alors que la dette a v ait été intégralement acquittée).

La demande d'autorisation est introduite conformément aux règles de la procédure sur requête unilatérale (art. 1417 O. jud.). Cette requête doit. être signée par un avocat (art. 1026, 5°, du O. jud.; adde art. 862, §1er, 2°, dont il résulte que la nullité pro­cédant de l'omission de cette règle est d'ordre public) et com­porter l'objet et l'indication sommaire des motifs de la demande (sur cette motivation et son importance, voy. G. DE LEVAL, Chroniques de droit à l'usage du Palais, t. Jer, Les saisies, Liège, 1986, p. 175; E. KRINGS, conclusions précédant cass., 19 novembre 1981, Pas., 1982, I, p. 380). Dans une décision intéressante le juge des saisies de Neufchâteau a estimé que, sous la signature d'un avocat, la requête pouvait même être introduite par un mineur d'âge non représenté (civ. Neufchâteau,

Revue Critique, 1987, 3 - 28

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23 février 1981, J.L., 1981, p. 201 et obs. G. DE LEVAL; comp. l'article 1150, alinéa 4, du Code judiciaire qui prévoit qu'en cas d'extrême urgence le mineur non émancipé peut introduire per­sonnellement une requête en apposition de scellés).

Aux indications imposées par l'article 1026 du Code judiciaire, il faut ajouter les mentions qui doivent figurer dans .la requête en vertu des dispositions spéciales à chaque saisie (sur ces dis­positions et ces mentions, voy. notamment A. M. STRANART, <<Les conditions générales des saisies conservatoires)>, Rev. dr. comm. b., 1985, p. 766 et 767; K. BAERT, << Algemene beginselen van bewarend beslag )>, in Procesrecht vandaag, Kluwer, 1980, p. 289 et sv.).

Le requérant peut introduire par une seule requête des de­mandes en vue d'obtenir l'autorisation de pratiquer plusieurs saisies différentes. Lorsque le créancier introduit par des requêtes distinctes une demande de saisie immobilière conservatoire et une denl.ande de saisie-arrêt conservatoire, le juge des saisies joint les demandes pour cause de connexité (civ. I-Iuy,- .. 30 sep­tembre 1985, ·J.L., 1986, p. 73; voy. l'art. 856, al. 2, du Code judiciaire) .. Dans certains cas, le requérant aura intérêt à cumuler une demande de· saisie conservatoire de droit commun (ainsi, par ex., une saisiè conservatoire mobilière ou une saisie-arrêt) et une demande de saisie mobilière chez un tiers de manière à ne pas avoir à solliciter ultérieurement l'autorisation prévue par l'article 1503 du Code judiciaire (G. DE LEVAL,<< Saisies et droit commercial )>, in Les créanciers et la faillite, Bruxelles,. Bruylant, 1983, p. 305 et 306; du même auteur, Chroniques de droit à l'usage du Palais, ibid., p. 176 et 205; sur l'article 1503 du C. jud., voy. infra, no 58).

Rappelons que si le créancier a obtenu l'autorisation de saisir conservatoirement en vertu d'une décision étrangère rendue << sans que ·la partie contre laquelle. elle (est) dirigée ait été appelée à comparaître)), cette décision <<ne bénéficie pas du régime de reconnaissance et d'exécution prévu par le titre III de la Convention du 27 septembre 1968 relative à la compétence judiciaire et d'exécution des décisions en matière civile et com­merciale)) (Cour de justice des Communautés européennes, 21 mai 1980, n° 125/79; voy. sur cette question obs. HuET, Olunet, 1980, p. 939; A. VANDENCASTEELE, <<La reconnaissance et l'exé­cution des mesures provisoires et conservatoires dans 'la Con-

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vention de Bruxelles>>, J.T., 1980, p. 737; G. DE LEVAL,<< Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 629, n° 18). Cette exclusion n'entraîne cependant pas de graves inconvénients puis­que la Convention prévoit dans son article 24 que les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d'un Etat con­tractant peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet Etat, même si, en vertu de la Convention, une juridiction d'un autre Etat contractant est compétente pour connaître du fond (sur la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, voy. notamment P. GoTHOT et D. 'HoLLEAUX, La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, Ed. Jupiter, 1985, notamment p. 136 à 138).

§ 2. - L'autorisation implicite résultant d'une décision de justice

35. - Le créancier peut pratiquer une saisie conservatoire sur base d'un jugement, même non exécutoire nonobstant appel ou opposition, pour sûreté des condamnations prononcées, à moins qu'il n'en ait été autrement décidé (art. 1414 du Code judiciaire). L'on a justement relevé qu'il importe peu, pour l'application de cette disposition, qu'il s'agisse d'un jugement contradictoire ou par défaut, qu'il ait été ou non signifié, qu'il soit encore susceptible d'opposition ou d'appel ou que de tels recours aient été exercés, qu'il s'agisse d'une décision de référé ou que le jugement ne soit pas revêtu de la formule exécutoire (A. M. STRANART, op. cit., Rev. dr. comm. b., 1985 et les référ.). Le caractère certain et exigible de la créance résulte, en ce cas, de l'authenticité et de la force probante du jugement même si celui-ci n'est pas exécutoire et est frappé d'appel (civ. Malines, 1er décembre 1978, J.T., 1979, p. 182). Aussi bien, ne saurait-on perdre de vue que l'autorité de la chose jugée n'est pas, comme telle, suspendue par l'exercice d'une voie de recours ordinaire (art. 26 du Code judiciaire; civ. Liège, 14 décembre 1979, J.L., 1980, p. 179 et obs.).

Rien ne s'oppose cependant à ce que, sur base du jugement, le créancier sollicite l'autorisation de pratiquer une saisie con­servatoire afin notamment de faire apprécier par le juge des saisies s'il y a célérité (sur l'exigence de cette condition, même lorsque le créancier agit sur base d'un jugement, voy. supra,

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n° 28; pour un exemple, voy. civ. Liège, 23 décembre 1985, J.L., 1986, p. 321) ou pour faire produire à la mesure des effets plus étendus que ceux qui sont justifiés par le jugement (voy. par ex. Mons, 20 avril 1978, Pas., 1978, II, p. 79 qui décide que lorsque le créancier possède un titre exécutoire lui allouant une indemnité provisionnelle, il ne peut pratiquer une saisie conser­vatoire pour un montant supérieur qu'avec l'autorisation du juge compétent).

Il est également admis que tout titre qui permet de pratiquer une saisie-exécution peut, a fortiori, être utilisé pour saisir con­servatoirement; tel est notamment le cas de l'acte authentique pour autant que la créance constatée soit certaine, liquide et exigible (en ce sens A. M. STRANART, op. cit., Rev. dr. comm. b. 1985, p. 765; D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 109; K. BAERT, op. cit., p. 287, n° 22; G. DE LEVAL et J. VAN ÜOMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, p. 47).

La doctrine considère, par ailleurs, assez généralement qu'un jugement étranger même non revêtu de l'exequatur peut justi­fier la saisie conservatoire sans permission du juge (en ce sens D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 108 et 109; A. l(oHL, obs. sous Bruxelles, 24 juin 1977, J.T., 1977, p. 748; A. M. STRANART, op. cit., Rev. dr. comm. b., 1985, p. 764; K. BAERT, op. cit., p. 287, n° 20). La solution nous paraît certaine si la décision étrangère répond aux conditions de reconnaissance prévues par le traité conclu entre la Belgique et le pays dans lequel la décision a été rendue. L'article 26 de la Convention de Bruxelles permet ainsi de considérer que le jugement rendu dans un Etat membre puisse tenir lieu d'autorisation de saisir conservatoirement, con­formément à l'article 1414 O. jud. (E. GoTHOT, <<L'exécution des décisions judiciaires et actes étrangers selon le Traité de ·Bruxelles du 27 septembre 1968 >>, in Les voies conservatoires et d'exécution, Edition du Jeune Barreau, 1982, p. 276). Tout autre serait à notre avis la solution si la décision étrangère ne pouvait s'autoriser des conditions de reconnaissance prévues par les dispositions d'un Traité. Elle ne pourrait être assimilée à un jugement au sens de l'article 1414; mais elle pourrait éventuelle-· ment soit valoir titre privé pour pratiquer une saisie-arrêt con­servatoire (voy. infra), soit être invoquée à l'appui d'une requête en autorisation de saisir (G. DE LEVAL, Chroniques de droit à l'usage du Palais, t. rer, Liège, 1986, p. 175).

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§ 3. - Saisies pratiquées sans autorisation ni jugement

1) Saisie-gagerie et protection des créances de loyers.

36. - La saisie-gagerie peut être pratiquée sans autorisation du juge pour la garantie de créances de loyers ou fermages échus (art. 1461 du C. jud.). Cette saisie porte sur les effets garnissant les lieux loués. Elle ne peut cependant être diligentée qu'un jour après commandement signifié au débiteur.

L'exigence de pareil commandement (pouvant conduire le débiteur ainsi averti à déplacer le mobilier) tout autant que l'impossibilité de pratiquer une saisie-gagerie pour protéger des loyers ou fermages à échoir (comp.l'art. 1415, al. 2; supra, n° 32) peuvent dans certains cas réduire considérablement l'utilité de cette saisie spéciale. Rien n'empêcherait néanmoins le bailleur de solliciter l'autorisation du juge des saisies et de recourir -selon les règles générales - à la saisie mobilière de droit com­mun (D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 308; J. L. LEDOUX, Chronique de jurisprudence, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 477 et sv., spécialement n° 116; E. KRINGS, Les saisies conservatoires et les voies d'exécution, Etude du projet de Code judiciaire, Liège, 1966, p. 147). Sur les liens entre la saisie-gagerie, le privilège du bailleur et la saisie-revendication, voy. notre étude sur les sûretés réelles, in <<Les Sûretés>>, Feduci, 1984, p. 101 et sv.; adde J. CAEMAEX, Manuel des sûretés mobilières, Jeune Barreau de Liège, 1984, 1/8; J. L. LEDoux, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 477 et sv., n°8 115 et sv.

2) Saisie-arrêt conservatoire pratiquée sur base d'un titre privé.

37. - Dans son rapport le Commissaire royal, commentant l'article 1445 du Code judiciaire, justifie le maintien de l'oppor­tunité de permettre la saisie-arrêt en vertu d'un titre privé. Comme sous l'empire du Code de procédure civile, le créancier peut, écrit-il en substance, pratiquer saisie-arrêt << dès qu'il pos­sède un titre écrit constatant sa créance. Aucune distinction n'est faite concernant la nature ou la forme de l'acte et le titre peut consister en une lettre de change acceptée, un billet à ordre, une police d'assurance, une simple lettre missive, un testament, un acte d'ouverture de crédit, etc. Il s~ffit que l'acte soit régulier

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en la forrn_e et réponde aux conditions de certitude, de liquidité et d'exigibilité>> (Rapport sur la réforme judiciaire, Edition du :Moniteur belge, 1964, p. 497). C'est donc de manière extrême­ment large que la notion de <<titre privé>> est entendue. C'est également en ce sens qu'elle est interprétée en jurisprudence (pour urie analyse approfondie du concept, voy. A. M. STRA­NART, <<La saisie-arrêt - Questions récentes>>, in Les voies con­servatoires et d'exécution, Edition du Jeune Barreau, 1982, p. 94 et sv.; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 143 et sv.; pour un recensement de jurisprudence, voyez du même auteur, Jurisprudence du Gode judiciaire, Saisies conservatoires et voies d'exéc'J)tion, La Charte, art. 1445, n° 2). L'on reviendra plus loin sur cette question (infra, n° 71).

SECTION III. - RECOURS EN MATIÈRE DE SAISIES CONSERVATOIRES

§ 1er. - Recours contre l'ordonnance accordant (ou refusant) l'autorisation de saisie

1) Recintrs du requérant.

38. - L'on vient de relever que lorsque le créancier ne dis-:­pose pas d'un titre, il doit demander au juge des saisies l'auto­risation de saisir conservatoirement. Il s'agit d'une procédure sur requête unilatérale (supra, no 34). En cas de rejet de la demande, l'ordonnance est susceptible d'appel lequel doit être formé dans le mois à partir de la notification, par requête déposée au greffe de la juridiction d'appel (art. 1031 duC. jud.). La jurisprudence considère cependant que l'appel est irrecevable s'il est uniquement motivé par des circonstances nouvelles non soumises au premier juge (Liège, 25 novembre 1980, J.L., 1981, p. 77 et obs. G. DE LEVAL; adde G. DE LEVAL et J. VAN CoMPER­NOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, p. 47).

2) Recours du saisi.

39. - Le saisi peut contester le principe de la mesure qui le frappe et demander la mainlevée de la saisie conservatoire. Si celle:..cf a été auto:r:isée par le juge des ~aisies, il lui app~rtient

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de former contre l'ordonnance une tierce opposition en vue d'obtenir la rétractation de l'ordonnance qui vaudra mainlevée (art. 1419. du Code judiciaire; sur les modalités d'exercice de cette voie de recours, voy. supra, n° 12; sur le délai de citation à respecter, voy. supra, n° 9). L'on rappelle que le saisi qui n'est point intervenu à la· cause ne peut interjeter appel; que la tierce opposition visée à l'article 1419 du Code judiciaire doit par ailleurs être formée dans le mois de· la signification de la décision (art. 1034 du Code judiciaire). Rappelons cependant que le saisi peut, en cas de changement de circonstances, requérir la modification ou la rétractation de J'ordonnance en citant à cette fin toutes les .parties devant le juge des saisies (sur ce texte important, voy .. supra n° 12).

Si la tierce opposition émane généralement du débiteur saisi, tout tiers intéressé (par .exemple le. tiers saisi ou le tiers reven­diquant) peut égale:m:ent exercer ce recours dans le mois de la signification qui lui ~n a été faite (voy. ainsi à propos d'une tierce opposition formée · par un tiers revendiquant, Mons, 20 avril 1978, Pas., 1978, II, p. 79 et la note p. 80; K. BAERT, op. cit., n° 32; G. DE LEVAL, <<Aspects ~ctuels du droit des saisies>>,, J.T., 1980, p. 735, n° 46; pour u~ autre exemple -tierce opposition formée par Je vendeur dont les marchandises ont été saisies en cours de chargement par un créancier de l'acheteur - Anvers, 27 avril 1983, Jurisprudence du port d'Anvers, 1983-1984, p. 72).

§ 2. - Action en mainlevée de la saisie conservatoire

40. - Si la saisie est pratiquée en vertu d'un autre titre que l'autorisation du juge des saisies, le saisi qui conteste la régu­larité de la mesure n'a d'autre ressource que celle de recourir à la citation en mainlevée prévue à l'article 1420 du Code judi:­ciaire. Aucune disposition légale n'impose un délai pour l'inten., tement de cette action (civ. Bruxelles, 20 novembre 1975, J.T., 1976, p. 283; civ. Bruxelles, 8 janvier 1981, J.T., 1981, p. 259 et obs. F. GLANSDORFF). Il y a lieu cependant d'être attentif au fait que si la saisie conservatoire est pratiquée sur base d'une décision de justice (art. 1414), l'autorité qui s'attache à cette décision ne saurait - par le biais d'une action en mainlevée -

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être remise en cause devant le juge des saisies (civ. Liège, 14 décembre 1979, J.L., 1980, p. 179; camp. en ce qui concerne l'autorité d'une précédente décision statuant sur l'action en mainlevée, Liège, 27 juin 1985, cité in G. DE LEVAL, Jurispru­dence du Gode judiciaire, ibid., art. 1420/4; du même auteur, Chroniques de droit à l'usage du Palais, t. Jer, Liège, 1986, p. 179). En revanche rien n'empêche le créancier, défendeur dans l'action en mainlevée, de postuler par voie reconventionnelle l'autorisa­tion qui suppléerait aux indigences du titre, étant cependant ·entendu que pareille autorisation ne pourrait, en tout état de cause, développer ses effets que pour l'avenir moyennant la réitération des formalités légales (G. DE LEVAL et J. VAN CoM­PERNOLLE, <<Aperçu· des règles communes ... >>, p. 52, n° 60).

§ 3. - Dommages et intérêts sanctionnant la saisie abusive

41. - Si la saisie s'avère téméraire et vexatoire, le saisi peut demander au juge des saisies la condamnation du saisissant au paiement de dommages-intérêts. Mais pour triompher dans cette demande, le saisi ne devra point seulement se borne_r à établir l'absence ou la perte de justification de la saisie conservatoire. Le créancier peut s'être trompé de bonne foi sur le fondement de ses prétentions (Anvers, 25 juin 1980, cité in Jurisprudence du Gode judiciaire, La Charte, ibid., art. 1417/7-2). Il se peut par ailleurs que ce soit par suite d'un changement de circon­stances que la saisie, incontestablement justifiée à l'origine, vienne à perdre son fondement (ainsi en cas de retour à meilleure fortune du débiteur). En réalité pour que la responsabilité du saisissant soit engagée, il faut non seulement que la saisie s'avère injustifiée mais qu'il soit démontré qu'elle a été pratiquée de manière abusive ou indûment et sans précaution suffisante, peu importe qu'il y ait ounon intention de nuire (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>,

ibid., no 61; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, p. 55, n° 30; civ. Liège, 7 octobre 1981, in Jurisprudence du Gode judiciaire, ibid., art. 1419-1420/2; Gand, 22 novembre 1985, T.G.R., 1986, p. 9).

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CHAPITRE III. - CONDITIONS GÉNÉRALES DE MISE EN ŒUVRE

DES SAISIES-EXÉCUTIONS

SECTION pe. - LE TITRE EXÉCUTOIRE EN GÉNÉRAL

42. - Le créancier ne peut procéder à aucune exécution forcée sans être nanti d'un titre exécutoire (art. 1494 du Code judiciaire). Le titre exécutoire peut tenir en une décision de justice; il peut s'agir d'un acte notarié; ce peut être un acte administratif exécutoire et tout spécialement une contrainte fiscale. Laissant de côté cette dernière catégorie de titres exécu­toires dont l'analyse déborderait le cadre limité de la présente chronique (pour plus de détails, voy. - outre les ouvrages généraux de droit fiscal- D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conser­vatoires et saisies-exécutions, p. 45 et sv.; G. DE LEVAL, Chroniques de droit à l'usage du Palais, t. Ier, Les saisies, Liège, 1986, p. 193 et sv.; adde D. LINDEMANS, <<Concordance et discordance en matière de recouvrement d'impôts directs entre les dispositions des articles 300 et 301 du Code des impôts sur les revenus>>, Rev. gén. fisc., 1983, p. 16 et sv.) l'on se borne à relever quelques particularités du titre judiciaire et de l'acte notarié.

§ 1er. - Le titre judiciaire

43. - Le terme <<jugement>> utilisé à l'article 1386 du Code judiciaire doit être entendu dans un sens large. Il recouvre en ordre principal toutes les décisions rendues par les tribunaux judiciaires belges lorsqu'elles portent condamnation à l'exécu­tion d'une obligation susceptible d'exécution forcée (D. CHABOT­LÉONARD, ibid., p. 21; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, p. 255; J. L. LEDOUX,<< Les saisies>>, J.T., 1983, ibid., n° 96). Parmi les titres judiciaires, il faut citer - outre les jugements et ordon­nances prononçant une condamnation et dont l'expédition ou la minute est revêtue de la formule exécutoire (art. 1386 et 1041 du Code judiciaire) - les procès-verbaux de conciliation con­statant l'accord des parties, même si le procès-verbal ne contient pas expressément condamnation à défaut de respect des enga­gements pris (civ. Liège, 7 mars 1979, in G. DE LEVAL,<< Saisies conservatoires et voies d'exécution>>, J.L., 1979, p. 353, no 34),

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ainsi .que les jugements d'accord ou d'expédient visés à l'ar­ticle 1043 du Code judiciaire (civ. Bruxelles, 3 avril 1986, R.G. n° 14.334, in G. DE LEVAL, Jurispr. du Code J"udiciaire, La Charte, art. 1491/1, n° 18bis). Il en est de même des décisions d'exequatur des jugements étrangers (sur l'ensembl~ ~le la ques­tion, voy. R. V AND ER ELST et L. WESER, Droit international privé et droit .conventionnel international, t. II, Conflits de juri­diction, par M. WESER et P. JENARD,-Bruxelles, Bruylant, 1985; sur la Convention de . Bruxelles plus particulière1nent voy., P. GoTHOT .. et D. HoLLEAUX, La Convention de ·Bruxelles du 27 septembre 1968, Ed. Jupiter, 1985) et des sentences arbitrales (sur cette question voy. spécialement E. K.RINGS, <<L'exécution des sentences arbitrales>>, Rev. de dr. intern. et de dr. comp., 1976,. p~ 181 et sv.; M. RuYs et G. KEUTGEN,. L'arbitrage en droit belge. et. international, Bruylant, 1981; n.os 554 et sv. et 829 et sv.).

Dès lors qu'il'emporte condamnation au paiement de.sommes d'argent, le titre judiciaire doit être ---- comme on l'a vu -coulé .en force de chose jugée à moins qu'il ne soit exécutoire par provision (voy. supra, n° 21). En outre, .à peine de nullité des actes d'exécution,- toute décision qui prononce une COJldam­nation ne peut être exécutée qu'après avoir été signifiée à la partie (art. 1495, al. 1er et 3, duC. jud.). Contrairement à ce que décide le tribunal de première instance de Bruges dans une décision du 5 août 1977 (R. W., 1977-1978, col. 1207) le défaut de signification préalable du titre exécutoire au débiteur n'est point prescrit à peine de nullité absolue. Il y va à notre avis d'une nullité relative dont le prononèé est subordonné à la preuve du préjudice subi par la partie qui l'invoque (art. 861 C. jud.; en ce sens G. DE LEV AL et J. V AN COMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., 1982, p. 63, ,n() 80). Si l'exigence . de la signification prescrite par l'article 1495 ne s'applique pas aux actes notariés (comp. art. 1564, al. 2, du C. jud. en ce qui concerne le commandement préalable à la saisie immobilière) elle s'applique en revanche à toute décision judiciaire en ce compris le jugement belge d'exequatur. A juste titre le juge des saisies de Huy a ainsi décidé qu'une saisie-arrêt­exécution pratiquée en vertu d'une décision étrangère, même coulée en force de chose jugée, ne peut être maintenue à défaut de .signification préalable de la décision d'exequatur ·(civ. Huy, 3 décembre 1979, J.L., 1980, p. 116; Rev. not. b., 1980, p. 552).

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Rappelons qu'à défaut de signification dans l'année, le juge­ment par défaut est réputé non avenu (art. 806 du· n jud.), c'est"'"à-dire qu'il ne peut plus être utilisé notamment pour servir de base à une saisie-exécution. Mais le moyen n'est pas d'ordre public en manière telle que le débiteur peut renoncer même implicitement à le soulever. Ainsi la. partie condamnée par défaut qui acquiesce renonce par là même à invoquer l'excep­tion résultant de l'absence de signification du jugement dans ·le délai d'un an. (civ. Anvers, 2 octobre 1980, R. W., 1981-1982, col. 1989.,1991 et obs. J. LAENENS). En cas de péremption le jugement ne peut plus produire d'effets; mais la procédure anté.:. rieure demeure valable et la cause peut être ramenée à l'audience par une simple demande de fixation (J.P. Bruxelles, 20 janvier 1983, J.J.P,, 1983, p. 257; tr. trav. Dinant, 3 octobre 1983, Rev.· rég. dr., 1953, p. 357 et note G. DE LEVAL; voy. également A. FETTWEi:s, Manuel de procédurè civile, Liège, 1985, n°8 400 et sv., qui consacre à la péremption du jugement par défaut des développements approfondis et cite une abondante jurisprudence qu'il paraît superflu de reprendre ici).

§ 2. - L'acte notarié

44. - L'acte notarié revêtu de la formule exécutoire consti­tue un titre exécutoire <<dans toute l'étendue du Royaume>> (art. 19 de la loi de ventôse; art. 1386 duC. jud.). Il suffit donc à la partie dont la créance certaine, liquide et exigible est con­sacrée par acte notarié, de remettre à l'huissier de justice la grosse de cet acte pour que celui-ci puisse procéder à toutes les saisies-:exécutions (D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-êxécutions, p. 41; RAUCQ et ÜAMBIER, Traité du notariat, Larcier, 1943, t. Ier, n° 930; HAUCHAMPS, Droit notarial, Bruy­lant,, 1936~ n° 509; WATELET, La rédaction des actes notariés, Larcier, 1975, p. 93 et sv.). Il en résulte que celui qui est pourvu d'un titre exécutoire ou_ qui peut s'en faire délivrer une grosse est non recevable à agir en justice pour obtenir un nouveau titre ayant le même objet (civ. Bruxelles, 8 février 1977, J.T., 1977, p. 313; Liège, 27 octobre 1982, J.L., 1983, p. 408; civ. Huy, 20 novembre 1985, J.L., 1986, p. 153; Rev. not. b., 1986, p. 244; voy. également Pandectes belges, v0 Titres exécutoires, n° 4),

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La jurisprudence considère que la convention préalable au divorce par consentement mutuel rédigée en la forme authen­tique constitue un titre exécutoire permettant de pratiquer notamment une saisie-arrêt-exécution en vue d'obtenir le paie­ment des pensions alimentaires dues en vertu de cet acte (civ. Huy, 22 juin 1981, J.L., 1982, p. 246; civ. Liège, 12 juillet 1978, J.L., 1978-1979, p. 366, n° 74; G. DE LEVAL,<< L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en matière familiale>>, in L'évo­lution du droit judiciaire ... , Bruylant, 1984, p. 876, n° 5). En revanche la convention préalable au divorce par consentement mutuel rédigée sous seing privé ne constitue pas, avec le juge­ment admettant le divorce, un titre exécutoire (Bruxelles, 16 avril 1981, Rev. trim. dr. fam., 1981, p. 277; civ. Liège,· 8 décembre 1982, J.L., 1983, p. 258 et obs. G. DE LEVAL; adde F. RIGAUX et M. T. MEULDERS-KLEIN, Les personnes, Mises à jour au 1er juillet 1978, p. 132 et 133, no 244; WATELET, La rédaction des actes notariés, éd. 1980, p. 204). Le créancier qui entend obtenir un titre exécutoire sur base de la clause d'une conven­tion sous seing privé préalable à divorce par consentement mutuel doit, dans ces conditions, s'adresser à la justice; cette action est de la compétence du juge de paix (civ. Bruxelles, 16 décembre 1980, Rev. trim. dr. fam., 1981, p. 288 et note Chr. PANIER). · En pratique ce sont le plus souvent les actes notariés conte­nant constitution d'hypothèque qui servent de base aux procé­dures d'exécution forcée. Encore faut-il que la créance soit elle­même constatée dans l'acte authentique. Ainsi ne constitue pas un titre exécutoire l'acte d'affectation hypothécaire garantissant le paiement d'une créance constatée dans un acte sous seing privé (Mons, 28 juin 1984, J.T., 1985, p. 147; Gand, 24 août 1984, Tijdschrijt voor notarissen, 1984, p. 354).

Si le créancier, nanti d'un titre exécutoire authentique, n'a pas à le signifier comme il en aurait l'obligation s'il s'agissait d'un jugement (voy. supra) l'on notera en revanche qu'en cas de saisie pratiquée sur base d'un acte notarié, le juge peut ordonner de surseoir à l'exécution non seulement en cas de demande de termes et délais (voy. infra, n° 52) ou d'inscription de faux (art. 1319 C. civ.) mais également dans le cas où la convention est sérieusement attaquée comme inexistante ou nulle (voy. ainsi civ. Liège, 9 février 1983 et 6 mars 1985, cités

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in G. DE LEVAL, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, art. 1494/1-19 litt. B) et, de manière plus générale, lorsqu'une contestation sérieuse met en cause la régularité du titre exécu­toire ou l'existence des conditions de fond justifiant la saisie (G. DE LEVAL, Chroniques de droit à l'usage du Palais, Les Saisies, Liège, 1986, p. 192 et les références).

La question de l'ampleur de la force exécutoire de l'acte notarié est controversée. La théorie traditionnelle et dominante considère que seuls les actes notariés contenant obligation de payer une somme d'argent sont susceptibles d'être revêtus de la formule exécutoire, l'exécution forcée se réalisant ainsi nor­malement par voie de saisie des biens du débiteur (sur cette position traditionnelle, voy. notamment D. CHABOT-LÉONARD, 'l:bid., p. 40 et sv. et les autorités citées; F. DuMON, avis précé­dant Gand, 2 décembre 1953, J.T., 1954, p. 189; sur la question voy. également L. HENDRIX, <<Caractère exécutoire des actes notariés>>, Notarius, 1985, n° 2, p. 72). Une thèse différente con­sidère que l'acte notarié pourrait servir de base à l'exécution forcée d'obligations de faire ou de ne pas faire (voy. en ce sens notamment C. REMON, <<La force exécutoire de l'acte notarié et son exécution directe>>, Rev. not. b., 1978, p. 302 et sv.; G. BAx, <<De uitvoerbare kracht van de notariële akte >>, Limb. Rechtsl., 1985, p. 5 et sv.). De manière générale, la jurisprudence estime que l'acte notarié n'est pas susceptible d'exécution directe lors­qu'il constate une obligation de faire (voy. ainsi Gand, 2 dé­cembre 1953, J.T., 1954, p. 189 précité; civ. Liège, 24 juin 1985 J.L., 1985, p. 561; Anvers, 20 octobre 1976, Rev. not. b., 1977 et obs. R.D.V.; concernant l'expulsion du saisi de l'immeuble vendu, voy. infra, n° 95).

L'acte authentique étranger n'est point exécutoire en Bel­gique. Il doit être préalablement revêtu de l'exequatur. L'exa­men de cette question dépasse le cadre de la présente chronique. L'on renvoie à cet égard aux études spécialisées (voy. ainsi notamment E. VAN HovE, << Het Europees executieverdrag en het notariaat >>, Tijdschrift voor notarissen, 1985, p. 262; B. lNDEKEU, <<Belgische notariële akten in het buitenland, en buitenlandse notariële akten in België >>, Notarius, 1985, p. 253 et sv.).

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SECTION II. - L'EFFECTIVITÉ DU TITRE EXÉCUTOIRE

- § 1er. - Créance certaine, liquide et exigible

45. - Quelque titre exécutoire qu'ait un créancier, celui-ci ne peut procéder par voie de saisie-exécution que pour créance certaine, liquide et exigible (art. 1494 du C. jud; et 1186 du C. civil combinés). C'est à la date du premier acte d'exécution qu'il convient de se placer pour apprécier ces exigences qui doi­vent être comprises dans un .sens strict et sans qu'il y ait lieu de les interpréter avec la souplesse qui convient en matière con­servatoire (C. VAN REEPING-HEN, <<Rapport sur la réforme judi­ciaire>>, op. cit., p. 517; D. CHABOT-LÉoNARD, ibid., p. 116; G. DE LEVAL, <<La saisie,..exécution mobilière>>, T.P.R., 1980, p. 310 et sv.; du même auteur, <<Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 629; du même auteur également, La saisie-arrêt, p. 258 et sv.; sur l'ensemble de la question, voy. aussi G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 61, nos 77 et sv. et p. 73, nos 92 et sv.).

46. - a) La créance doit_ être certaine et liquide. Tel n'est point le cas d'un jugement contenant condamnation de principe sous réserve d'une vérification postérieure (Liège, 22 avril1975, J.L., 1974-1975, p. 289). En revanche il n'est point toujours nécessaire que le titre mentionne expressément le montant dû·~ Il se peut en effet qu'il fournisse par lui-même tous les éléments nécessaires pour fixer le contenu de la créance, cause de la saisie. Tel est le cas d'une pension alimentaire dont le montant est automatiquement adapté aux fluctuations de l'index (J. L. LE­DOUX, Les saisies, Chronique de jurisprudence, Larcier, 1984, p. 42, n° 97; G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, ibid., p. 62; relevons cependant que le réajustement automatique de la dette ne dispenserait pas, à notre estime, le créancier de. faire part au débiteur du montant réajusté avant de mettre en œuvre une voie d'exécution pour en assurer le recouvrement). Parfois les divers actes de -la procédure permettent de fixer le contenu de la créance. Ainsi un arrêt de cassation entraîne l'obligation pour la partie défenderesse de restituer ce qui a été perçu en exécution de la décision annulée, même si l'arrêt ne prononce rien à cet

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égard (cass., 16 novembre 1973, Pas., 1974, I, p. 295; sur les conséquences d'un arrêt de cassation, voy. notre précédente chronique consacrée aux voies de recours, cette revue, 1987, p. 193, n° 57). De même le recouvrement de l'astreinte pèut s'effectuer directement en vertu de la décision qui énonce les bases de calcul de la somme due (civ. Liège, 2 juillet 1980, J.L., 1980, p. 244 et obs. G. DE LEVAL; voy. supra, n° 6).

Aucune saisie n'est plus possible lorsque la créance est éteinte par le paiement, la compensation ou tout autre mode d'extinc­tion des obligations. Il appartient, le cas échéant, à l'huis­sier de vérifier auprès de son mandant si aucun paiement n'a été effectué par le débiteur avant de procéder à une saisie-exé­cution, celle-ci étant irrégulière si elle est pratiquée après la date du paiement (civ. Huy, 26 mars 1984, R.G. n° 10.853, Jur. du Gode judiciaire, La Charte, art. 1494/1-14 litt. D; sur le paiement pa~ virement bancaire, voy. Liège, 22 déeembre 1982, J.L., 1983, p. 65; J.T., 1983, p. 347; cmnn1. Bruxelles, 25 mai 1981, J.T., 1.983, p. 346; comm. Liège, 13 mai 1981, J.L., 1982, p. 56).

47. - b) L'exigibilité de la dette est, pareillement, une con­dition indispensable à l'exercice d'une voie d'exécution. Une saisie-exécution ne peut ainsi être pratiquée si la créance est affectée d'un terme de grâce; mais si le jugement décide qu'à défaut de paiement ponctuel, le solde devient exigible, le créan­cier peut assurément récupérer celui-ci par voie d'exécution forcée. Le terme conventionnel fait de même obstacle à toute saisie-exécution (sur la déchéance du terme, voy. civ. Liège, 3 mars 1982, J.L., 1982, p. 262; voy. également les références in Jurisprudence du Gode judiciaire, La Charte, art. 1494/1-16, litt. G).

Lorsqu'il s'agit d'un titre à exécution successive et spéciale­ment d'un jugement condamnant au paiement d'une pension alimentaire, il n'y a pas lieu de renouveler la procédure d'exécu­tion à chaque nouvelle échéance. Cette règle ne déroge pas à la condition d'exigibilité puisque la procédure d'exécution ne déve­loppe ses effets qu'au fur et à mesure des termes échus (voy. en ce sens, en matière de saisie-arrêt, civ. Liège, 29 décembre 1979, J.L., 1980, p. 117; Bruxelles, 21 mars 1984, Rev. not. b., 1984, p. 360; civ. Liège, 12 septembre 1984~ J.L;, 1985, p. 16; J. L. LE-

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DOUX, op. cit., Larcier, 1984, p. 48, n° 111; G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 63, n° 79; contra civ. Bruxelles, 10 novembre 1983, Pas., 1984, III, p. 32).

§ 2. - Persistance de l'efficacité exécutoire

48. - Le problème de la persistance de l'efficacité exécutoire du titre peut se poser. C'est spécialement le cas chaque fois qu'il convient de vérifier l'adéquation de la décision ou de l'acte à la situation actuelle desparties et à l'évolution de leurs droits :r:espectifs. La matière a fait l'objet d'examens approfondis (voy. ainsi sur ces questions, G. DE LEVAL et J. VAN CoMPER­NOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 73 et sv.; G. DE LEVAL, <<Saisies conservatoires et. voies d'exécution>>, J.L., 1979, p. 355 et sv.; du même auteur, <<Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 188 et sv.; J. L. LEDOUX, Chronique, ibid., n°8 98 et sv.).

49. - a) Le maintien de l'efficacité exécutoire du titre peut, dès l'abord, se poser lorsqu'il y a modification de qualité dans le chef du bénéficiaire du titre par suite spécialement d'une subrogation ou d'une cession. Il est à cet égard de principe que le subrogé peut exercer toutes les voies d'exécution qu'autorise le titre exécutoire constatant la créance. L'acte de cession ou de subrogation ne doit pas nécessairement avoir un caractère authentique et le cessionnaire ou le subrogé ne doit pas se faire autoriser par justice à mettre à exécution contre le débiteur le titre du cédant ou du subrogeant (civ. Liège, Il mai 1979, J.L., 1978-1979, no 54, p. 358; civ. Liège, 14 septembre 1983, Jurispr. d'lt Code judiciaire, La Charte, art. 1494/1, n° 17bis).

50. - b) En matière alimentaire il est fréquent que le débi­teur conteste en tout ou en partie l'actualité exécutoire du titre utilisé par le créancier d'aliments. A cet égard <<si le créancier dispose d'un titre, d'une convention ou d'un jugement qui lui permet de réclamer une pension alimentaire, il ne peut être tenu d'apporter une preuve nouvelle ou supplémentaire pour exécuter son titre. C'est au contraire au débiteur qu'il appartient de prouver que le créancier a cessé d'être dans le besoin et de solliciter la réduction ou la suppression de la pension>> (J. L. REN-

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CHON, <<L'adage (les aliments ne s'arréragent pas' >>, Rev. trim. dr. fam., 1979, p. 82). Il en résulte que, sous réserve du droit du débiteur de réclamer ultérieurement le remboursement des arré­rages indûment payés (voy. note M. KRINGS sous civ. Bruxelles, 6 mai 1980, Rev. trim. dr. fam., 1980, p. 323), la cessation de l'état de besoin n'est point de soi une circonstance que le débi­teur peut invoquer pour contester l'efficacité ou l'actualité exé­cutoire du titre (encore que le remplacement en matière d'ali­ments d'une décision exécutoire par une autre peut parfois soulever des questions délicates, voy. ainsi Bruxelles, 9 juin 1982, Rev. trim. dr. jam., 1983, p. 297). En revanche doctrine et jurisprudence s'accordent très généralement pour considérer que la pension alimentaire octroyée au conjoint pendant l'in­stance en divorce cesse d'être due dès la transcription même si une demande reconventionnelle en divorce est encore pendante devant le juge du fond (civ. Liège, 18 octobre 1978, J.L., 1978-1979, p. 145; Mons, 29 mars 1976, Pas., 1977, II, p. 59; J.T., 1977, p. 310 et note MAssoN; E. VrEUJEAN, <<Divorce et sépa­ration de corps pour cause déterminée en droit civil>>, in Le contentieux conjugal, Ed. du Jeune Barreau de Liège, 1984, p. 89 et les références citées). Par contre l'ordonnance de référé qui, au cours du divorce, a fixé la part contributive aux frais d'édu­cation et d'entretien des enfants conserve son efficacité (civ. Liège, 13 mai 1981, in Jurispr. du Gode judiciaire, La Charte, art. 1494, II, n° 17 litt. a; G. DE LEVAL, <<L'exécution et la sanction des décisions judiciaires en matière familiale>>, in Evo­lution du droit judiciaù·e, Bruylant, 1984, p. 879). La caducité de l'ordonnance concernant la pension alimentaire entre époux, n'empêche cependant pas l'ordonnance de référé de conserver sa force exécutoire pour le recouvrement des termes échus avant la transcription du divorce (cass., 4 novembre 1983, Pas., 1984, I, p. 242; Gand, 14 juin 1984, R. W., 1984-1985, col. 2397 et note M. BAx; civ. Liège, 5 février 1986, J.L., 1986, 322).

51. - c) Rappelons enfin que l'adage <<le criminel tient le civil en état>> ne s'applique qu'aux actions civiles et non à la poursuite d'une voie d'exécution (Liège, 12 novembre 1982, J.L., 1983, p. 90; sur cette question, voy. G. DE LEVAL et J. VAN COMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 75).

Revue Critique, 1987, 3 - 29

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SECTION III. - ÜCTROI DE DÉLAIS DE GRÂQE '

52. - Dans l'état actuel des textes, si le juge du fond n'a pas accordé des termes et délais, sa décision est inexorablement exécutoire et le . juge des saisies est sans pouvoir pour accueillir une demande ayant cet objet. Cette demande qui r~tarde inuti­lement l'exécution du jugement obtenu est très souvent jugé<(; téméraire et vexatoire, entraînant condamnation du demandeur à des dommages et intérêts (voy. ainsi civ. Liège, 15 novembre 197~, J;L., 1972-1973, p. 236; civ. Liège, 10 mai 1978, J.L., 1978-1979, p. 34 et obs. G. DE LEVA;L; civ. Huy, 8·octobre 1979, J.L., 1980, p. 115; adde Liège, 15 novembre 1984, J.L., 1985, p. 410).

· En revanche le juge des saisies peut - sur pied de l'ar­ticle 1334 du Code judiciaire - accorder des ·termes et délais lorsque l'exécution a lieu en vertu d'un acte authentique autre qu'un jugement (cass., 13 janvier 1972, Pas.; 1972~ I, p. 469}. Ces termes et délais . peuvent consister dans l'autorisation de reprendre, à partir d'une date ultérieure à la décision, les paie­ments auxquels les emprunteurs se sont engagés au terme de l'acte authentique de prêt (Liège, 28 juin 1984, J.L., 1984_, p. 541). ·Mais l'on rappelle qu'à peine de déchéance l'action en obtention de délais doit être introduite dans les quinze jours du commandement ou, s'il n'y a pas lieu à commandement, dans les quinze. jours du premier acte de saisie signifiée au débiteur (c'est-à-dire en cas de saisie-arrêt, dans les quinze jours de la dénonciation de l'exploit de saisie). Prescrit à peine de déchéance, le délai de quinzaine est d'ordre public (art. 862, §1er, 1°, du Code judiciaire) en manière telle que sa méconnaissance doit être soulevée d'office par le juge (art. 862, § 2, du Code judiciaire). Dans un arrêt du 13 juin.1985 (J.T.~ 1985, p. 592), la Cour de cassation décide ainsi qu'une demande de délais ne peut plus être formée<< lorsque le débiteur a, cohformément à l'article 1582 du Code judiciaire, été sommé par le notaire ayant dressé le cahier des charges de lui présenter des contestations relatives au-dit cahier; cette demande ne constitue pas en effet une diffi­culté qui, dans l'état de la procédure, peut encore être soumise à la décision du juge des saisies >> (cet arrêt casse un jugement du tribunal civil de Mons du 12 avril 1984 qui avait considéré, à tort, qu'une surséance des opérations de vente pouvait être:

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ordonnée en considération du préjudice que la vente pouvait entraîner dans le chef du débiteur; voy. sur cette décision, Rev. rég. dr., 1984, p. 197; J.T., 1985, p. 148; sur l'article 1582, voy. également infra, n° 94).

La matière du sursis à exécution fournit la matière d'une jurisprudence abondante, cmnme en attestent les nombreuses décisions publiées (voy. ainsi par ex. les décisions commentées par G. DE LEVAL in J.L., 1979, p. 354; également in<< Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 629, n° 22; également in Jurispr. du Code judiciaire, La Charte, art. 1395, III, nos 1 à Il).

SECTION IV. - SAISIES ABUSIVES

53. - Le droit de saisir tous les biens du débiteur entraîne, pour le créancier, celui de pouvoir saisir un bien dont la valeur dépasse même sensiblement celle de la créance (arg. art. 1527 du Code judiciaire). En revanche il y a abus de droit dès que la disproportion entre la créance et la valeur du bien saisi est flagrante et que le créancier aurait pu, sans dommage, saisir d'autres biens (civ. Namur, 18 février 1983, Rev. rég. dr., 1983, p. 329; en ce sens également D. CHABOT-LÉONARD, ibid., p. 81 et réf. citée à la note 11). Est également abusif le comportement du créanci~r qui entame une procédure d'exécution en mécon­naissance des termes d'un plan d'apurement convenu avec le débiteur (Liège, 9 mars 1983, J.L., 1983, p. 255) ou encore pour obtenir le paiement d'une somme minime (voy. ainsi par ex. civ. Liège, 2 décembre 1981, in Jurispr. du Code judiciaire, .La Charte, art. 1494, I, n° 13). En cas d'abus la sanction se trouvera dans l'annulation des actes arbitraires et superflus sans pré­judice de tous autres dommages-intérêts.

CHAPITRE IV. - APERÇUS DE LA SAISIE MOBILIÈRE

54. - L'on examine dans un même chapitre ce qui a trait tant à la saisie mobilière conservatoire- qu'à la saisie-exécution mobilière. C'est qu'en effet, hormis les modalités visées aux articles 1424 à 1428 (absence de commandement préalable, con­tenu et signification du procès-verbal de saisie, durée et renou-

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veHement de la n1esure), la saisie 1nobilière conservatoire a lieu selon les règles applicables en matière de saisie-exécution mobi­lière (art. 1424 du Code judiciaire). C'est par ailleurs à la procé­dure de saisie mobilière que l'on s'attache et aux incidents qui peuvent en jalonner le cours. Les conditions générales de mise en œuvre des saisies conservatoires et des voies d'exécution ont été dégagées ci-dessus (supra, chapitres II et III).

SECTION Jre. - LE COMMANDEMENT PRÉALABLE

55. - Cet acte de procédure qui n'est pas requis en matière de saisie conservatoire (sauf pour la saisie-gagerie, art. 1461 C.J.) est le préalable obligé à toute saisie-exécution mobilière (comme du reste à toute saisie-exécution immobilière, voy. infra, n° 91). L'obligation de respecter cette formalité peut n'être point sans inconvénients, le débiteur pouvant profiter du délai entre le cmnmandement et la saisie (<<au moins un jour>>, art. 1499 du Code judiciaire) pour soustraire tout ou partie de son mobilier aux poursuites de son créancier. C'est la raison pour laquelle, même s'il est nanti d'un titre exécutoire, le créancier peut avoir intérêt à pratiquer d'abord une saisie conservatoire (A. FETT­WEIS, Manuel de procédure civile, p. 634, note 2; sur le délai entre le commandement et la saisie, voy. G. DE LEVAL, <<La saisie-exécution mobilière>>, in Procesrecht vandaag, Kluwer, 1980, p. 314).

L'article 1499 du Code judiciaire qui dispose que la saisie est <<précédée d'un commandement au débiteur ... contenant la signification du titre, s'il n'a été signifié>> laisse incertain la question de savoir si le commandement constitue un simple acte préparatoire à la saisie ou, au contraire, le premier acte de l'exécution. En faveur de la première thèse, l'on peut faire valoir que l'article 1499 du Code judiciaire reproduit l'article 583 ancien du Code de procédure civile sous l'empire duquel il était admis que le commandement ne constituait pas un acte d' exé­cution en manière telle qu'il pouvait être signifié en même temps qu'un jugement non exécutoire par provision et ne pouvait fonder l'introduction par le saisi d'une demande d'interruption des poursuites (A. BRAAS, Procédures d'ouverture des successions et des voies d'exécution, Bruxelles, Liège, 1953, p. 231; R.P.D.B., v 0 Saisie-exécution, nos 206 et 207). En faveur de la seconde

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thèse, il peut être fait état des travaux préparatoires du Code judiciaire dont il ressort que, désormais, la signification faite en même temps que le commandement implique - dans le respect de l'article 1495, alinéa 2 - que la décision judiciaire servant de base aux poursuites soit exécutoire (Rapport sur la réforme judiciaire, Pasin., 1967, p. 895, col. 1; en ce sens voy. égale­ment G. DE LEVAL, <<La saisie mobilière>>, ibicl., p. 310; contra D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 245).

C'est dans le sens de cette dernière interprétation que la Cour de cassation paraît s'être prononcée. Dans un arrêt du 24 mars 1977, elle décide en effet que l'opposition à commandement formée par un créancier chirographaire constitue une opposition à un acte d'exécution de nature à porter atteinte à l'égalité qui doit régner entre les créanciers d'une société en liquidation (Pas., 1977, I, p. 792, cassant un arrêt de la Cour d'appel de Mons du 20 mai 197 5 qui confirmait la décision par laquelle le juge des saisies de Charleroi avait rejeté l'opposition au commandement formé en l'espèce par la société en liquidation). Il est vrai que, dans cette affaire, la question de savoir si le commandement constitue un acte d'exécution ne se posait que de manière indi­recte, la Cour étant essentiellement amenée à se prononcer sur la portée de l'article 184 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales. Aussi bien, l'arrêt n'a-t-il pas fait la paix judi­ciaire et la· question· relative à la nature du commandement demeure, au niveau des juridictions de fond, controversée (voy. ainsi dans le sens que le commandement préalable est un acte d'exécution, Liège, 2 avril 1981, Bull. des contrib., 1985, p. 302; civ. Liège, 8 avril 1981, Bull. des contrib., 1985, p. 303; civ. Liège, 5 mars 1980 et 24 décembre 1980, cité in Ju'J·. du Gode judiciaire, La Charte, art. 1499/1; en sens contra:iJ.'e, civ. Tournai, 29 mars 1978, Bull. des contrib., 1981, p. 243; Mons, 20 juin 1979, J.T., 1980, p. 261; voy. également, civ. Charleroi, 18 mai 1971, Rev. prat. des sociétés, 1971, p. 250; comp. civ. Nivelles, 16 janvier 1979, Bull. des contrib., 1985, p. 301).

Si elle peut effectivement se recommander des travaux pré­paratoires du Code judiciaire, l'opinion selon laquelle le corn­mandement constitue le premier acte de l'exécution présente ___: il faut le reconnaître - l'inconvénient pratique d'obliger le créancier titulaire d'une décision judiciaire non exécutoire à recourir à une double signification (savoir la signification du

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jugement - de manière à transforn1er celui -ci en un titre coulé en force de chose jugée - et la signification du commandement lui-même qui, cmnme on l'a relevé ci-dessus, doit comme pre~ mier acte d'exécution pouvoir s'autoriser d'un titre exécutoire). En d'autres termes, ce n'est que lorsque le créancier est nanti d'un jugement assorti de l'exécution provisoire qu'il peut, par une même vacation, signifier la décision de justice et le com­mandeinent préalable. Il n'est point douteux en tout cas -quel que soit l'état de la controverse - qu'en cas de transfor­mation d'une saisie conservatoire en saisie-exécution, le com­mandement constitue bien un acte d'exécution puisqu'il produit tous les effets attachés à l'acte de lilaisie lui-même (art. 1497 et 1520, al. 2, du Code judiciaire). En pareille hypothèse, le com­mandement ne peut être signifié qu'en vertu d'un titre exécu­toire (pour la transformation d'une saisie conservatoire en saisie­exécution, voy. les développements approfondis in G. DE LEVAL et J. V AN CoMPERNOLLE, << Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 78 et sv.).

SECTION II. - LA SAISIE

§ 1er. - Le procès-verbal de saisie

56. - Si l'article 1389, 4°, du Code judiciaire qui impose<< la description sommaire des biens saisis>> est prescrit à peine de nullité, il n'en est point de même des dispositions de l'article 1506 qui visent << la description précise et détaillée >> des biens qui sont mis sous main de justice. Pareille désignation est cependant nécessaire tant pour permettre l'identification exacte des biens qui devront éventuellement être vendus que pour éviter toute soustraction frauduleuse. En outre pareille désignation doit per­mettre, le cas échéant, l'exercice d'une action en revendication exercée par le véritable propriétaire d'un ou de plusieurs biens saisis. L'absence de précision dans le procès-verbal ne saurait certes entraîner la nullité de l'exploit (art. 860 du Code judi­ciaire); mais le juge des saisies pourrait décider que cette carence imputable à 1 'huissier a pour conséquence de faire obstacle à la vente (G. DE LEVAL, <<La saisie mobilière>>, ibid., p. 320 et les références). Jugé par ailleurs que le revendiquant n'a pas à pâtir de la difficulté d'identifier les objets litigieux à défaut de

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précision -suffisante dans l'exploit de saisie (Liège,· 16 décembre 1985, J.L.; 1986, p. 151; adde civ. Tournai, 9 novembre 1984, J.T., 1985, p. 146 et obs., voy. infra, n° 61).

Lorsque l'huissier est chargé de diligenter une saisie-exécution, il est qualifié pour saisir tous les meubles saisissables qui se trouvent en la possession ou au domicile du saisi. Il n'a ni qualité ni compétence pour apprécier des objections qui seraient faites par le saisi ou par un tiers quant à la propriété d'un bien compris dans la saisie ou pour effectuer à ce sujet des recherches dont les frais ne pourraient d'ailleurs être taxés (E. GuTT et A. M. STRANART, Examen de jurisprudence, R.O.J.B., 1984, p. 675 et les références). Il appartient au tiers qui se prétendrait propriétaire de tout ou partie des biens saisis, d'agir en reven­dication selon les formes prévues par la loi (voy. infra, no 61) et l'huissier n'a pas à se substituer au juge des saisies à ce sujet (voy. ainsi civ. Liège, 8 mars 1978, J.L., 1978-1979, p. 10). Encore l'huissier doit-il agir avec discernement et engage sa responsabilité si, de manière inconsidérée, il poursuit ou main­tient la saisie alors que <<la preuve évidente du bien-fondé des objections articulées >> est produite lors des opérations (ci v. Arlon, 9 octobre 1973, ·J.L., 1973-1974, p. 299; .voy. également Gand; 5 février 1976, R. W., 1975-1976, col. 2497).

A peine de nullité l'exploit de saisie contient l'élection. de domicile du saisissant dans l'arrondissement où siège le juge qui doit le cas échéant connaître de la saisie, à. moins que le saisis­sant n'y de1neure (art. 1389, 1°, du Code judiciaire). La mécon­naissance de· cette disposition n'entraîne cependant qu'une nul­lité relative qui ne peut être prononcée que si le saisi établit le préjudice qui en est résulté (civ. Liège, 17 mars 1979, J.L., 1978-1979, no 86, p. 371).

Au sujet des difficultés d'accès rencontrées par l'huissier instrumentant, voy. G. DE LEVAL, <<La saisie-exécution mobi­lière>>, ibid., p. 318 et 319.

§ 2. - Indisponibilité résultant de la saisie

57. - Le saisi demeure, en règle, en possession des biens saisis. Mais tout détournement frauduleux est pénalmnent sanc­tionné (art. 507 du Code pénal). Dans un arrêt du 1er mars 1983 (Pas., 1983, I, p. 727) la Cour de cassation rappelle que l'infrac-

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tion de détournement. d'objets saisis suppose que la destruction ou le détournement ait lieu dans l'intérêt du saisi (sur cet arrêt, voy. également note A. V AN DE Pus, in R. W., 1983-1984, col. 852).

L'huissier de justice peut vérifier, chaque fois qu'il le juge utile ou qu'H en est requis par le saisissant, l'existence des objets saisis et leur état (art. 1510 du Code judiciaire). En cas de risque sérieux de disparition, le juge des saisies peut, cependant, ordonner des mesures spéciales de protection pouvant aller jusqu'à la désignation d'un séquestre. Ainsi lorsque la demande de saisie conservatoire se rapporte à un véhicule, le juge des saisies peut - en ayant égard aux circonstances justifiant la mesure- ordonner l'enlèvement et la mise à la chaîne decelui-ci (civ. Hasselt, 16 novembre 1973, J.L., 1973-1974, p. 110; civ. Neufchâteau, 18 février 1982, cité in Jurisprud. du Ood(?- judi­ciaire, La Charte, art. 1423/2; civ. Bruxelles, 13 août 1,985, ibid., art. 1423J2bis; J. L. LEDOUX; Chronique de jurisprudence, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 489, n° 80; adde en· ce .qui con­cerne l'indisponibilité des biens saisis, D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 249).

Lorsque la saisie conservatoire porte sur des marchandises périssables ou sur des fruits et récoltes, l'article 1421 autorise leur vente ·sur permission du juge des saisies. Conformément à l'article 1395, alinéa 2, du Code judiciaire, cette procédure .doit être diligentée dans les formes du référé. Dans un arrêt du 8 avril 1983 (Pas., 1983, I, p. 841), la Cour de cassation décide que ne méconnaît pas la notion de<< marchandises périssables.>> au sens de cette disposition, le juge qui considère que, au moment où il statue, des céréales peuvent encore être conservées pendant un temps prolongé (sur cet arrêt ainsi que sur la question relative à la vente de marchandises saisies chez un commerçant, voy. également G. DE LEVAL, <<Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 207 et 208).

§ 3. ...,- Saisie mobilière pratiquée chez un tiers

58. - La portée de l'article 1503 du Code judiciaire n'est point toujours clairement perçue. Dès l'abord ce texte est inap­plicable lorsque le tiers est en vertu d'un lien obligationnel (par exemple un dépôt), tenu de transférer ou de restituer a11. saisi

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les meubles corporels qu'il détient; en pareil cas c'est en effet le recours à la saisie-arrêt qui s'impose (G. DE LEVAL,<< La saisie mobilière>>, ibid., p. 322). Par ailleurs le but de l'article 1503 est de protéger le tiers contre toute intrusion abusive du pour­suivant; ce texte est dès lors étranger à l'hypothèse où la saisie bien que pratiquée hors du domicile du saisi a lieu dans un immeuble dont il a néanmoins la libre jouissance (civ. Liège, 20 juin 1979, J.L., 1978-1979, p. 359, n° 56 qui écarte l'appli­cation de l'article 1503 dans une espèce où la saisie avait été pratiquée non au domicile du saisi au sens de l'article 36 du Code judiciaire mais à sa résidence).

Si la distinction paraît simple, elle peut en pratique susciter des questions délicates. Les hésitations sur la nature juridique du contrat de coffre-fort en fournissent un bel exemple. L'on sait cependant que, tranchant la controverse, le Code judiciaire a clairement pris position en décidant que les objets placés dans un coffre .en banque ne peuvent être saisis qu'au moyen d'une saisie mobilière (art. 1505 du C. jud.; Rapport du Com·missaire royal, Pasin., 1967, p. 518; sur l'ensemble de la question, voy. G. -DE LEVAL, <<Saisies et droit commercial>>, in Les créanciers et le· droit de la faillite, p. 304 et 305 et les références citées; compar: en France J. VINCENT, Voies d'exécution et procédures de distribution, 14e éd., Dalloz, 1981, n° 104bis).

SECTION III. .:..._ INCIDENTS DE LA. SAISIE MOBILIÈRE

§ 1er. - Opposition du saisi

59~ - Le débiteur sur qui une saisie conservatoire est pra­tiquée peut, soit former tierce opposition contre l'ordonnance d'autorisation,· soit introduire une action principale en main­levée devant le juge des saisies. L'on renvoie à ce sujet aux développements qui précèdent (voy. supra, n° 40) tout en rap­pelant que les ordonnances du juge des saisies touchant la régularité de la saisie conservatoire ne portent point préjudice au principal (art. 1489, al. 2, du Code judiciaire).

Lorsqu'une saisie-exécution mobilière est pratiquée, le saisi peut tenter de s'opposer à la vente en citant, à cette fin, le créancier saisissant devant le juge des saisies. Appliquant le principe inscrit à l'article 1498, alinéa 1er, du Code judiciaire,

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l'àrticle 1513 précise cependant que pareille réclamation n'en­traîne, en droit, aucun effet suspensif. En pratique cependant, afin: de ne pas engager sa responsabilité, l'huissier tient souvent compte des réclamations spécialement si elles lui paraissent sérieuses en manière telle qu'en fait le saisi parvient de cette manière à bénéficier d'une surséance aux opérations (G. DE LEVAL,<< Là saisie-exécution mobilière>>, ib.id., p. 328). S'il s'avère que la procédure est dilatoire, le débiteur s'expose reconvention­nellement à des dommages et intérêts (A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, n° 1022). Tel sera spécialement le cas si, en dehors des conditions légales, le débiteur int:roduit une demande de délais de grâce (civ. Liège, 10 mai 1978, J.L., 1978-1979, p. 34; voy. également supra, n° 52).

§ 2. - Opposition des autres créancie1•s

60. - Munis ou non d'un titre exécutoire, les autres créan­ciers du saisi ne peuvent s'opposer à la vente; mais ils peuvent former opposition<< sur le prix de la vente.>>, c'est-à.-dire déclarer qu'ils interviennent à la procédure pour participer à la répar­tition du prix (art. 1515 et 1627 du Code judiciaire). Cette inter­vention donne à la saisie un caractère collectif , de telle sorte qu'une mainlevée ne pourrait être accordée sans le consentement de l'opposant et qu'il doit en être tenu compte par l'huissier instrumentant tant pour la vente des biens saisis ,(art .. 1527 C.J.) que pour la distribution des fonds (J. LINSMEAU,<< Le concours, les saisies multiples et leurs solutions>>, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. du Jeune Barreau, 1982, p. 294 et sv.; A. FETTWEIS, ibid.; n° 1021; G. DE LEVAL,<< La saisie mobilière>>, ibid., p. 335 et sv.; du même auteur,<< Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du Palais, cit., p. 224, qui applique le principe même dans le cas d'un paiement volontaire).

L'opposition du créancier n'exige aucune forme particulière. Une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l'huissier instrumentant identifié par la consultation du fichier des saisies, constitue un procédé économique efficace et suffisant (A. FETTWEIS, ibid.). Il en résulte que le créancier qui forme opposition par citation donnée au saisissant et au saisi devant le juge des saisies doit supporter seul les dépens d'une telle action (civ. Bruxelles, 21 décembre 1981, cité in Jurisprud. du

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Gode judiciaire, La Charte, art. 1627 /5). A fortiori le créancier qui pratiquerait une nouvelle saisie alors qu'il aurait pu, sans frais, se greffer par opposition sur la saisie précédente, accomplit des actes frustratoires dont il doit supporter le coût (sur la responsabilité des auxiliaires de justice diligentant des procé­dures inutiles en omettant de prendre connaissance des avis de saisie, G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes-... >>, p. 33, n° 32). Ce créancier ne pourrait davan­tage se prévaloir du privilège des frais de justice pour avoir exposé de la sorte des frais totalement dispendieux ( J. LINS­MEAU, <<Saisies multiples ... >>, ibid., p. 297 et les références). Ce n'est donc que si la première saisie est irrégulière, insuffisante, non diligentée ou, de manière générale, si les droits du créancier sont en péril et non conservés par la première mesure, qu'une saisie subséquente peut se justifier (G. DE LEVAL, <<Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, p. 651; J. LINSMEAU, ibid.).- La jurisprudence la plus récente applique correctement ces principes (voy. ainsi par ex., civ. Liège, 7 mars 1984, J.L., 1984, p. 200;- civ. Huy, 25 juin 1984, J.L., 1984, p. 485).

Il y a lieu de rappeler que le créancier gagiste est légalement dispensé de faire opposition sur le prix conformément à l'ar­ticle 1515 du Code judiciaire, en vertu des articles 4 et 9, alinéa 2, de la loi du 25 octobre 1919. En cas de saisie de biens compr.is dans un gage sur fonds de commerce, il appartient au créancier saisissant - averti par l'inscription de l'acte de gage à la con­servation ·des hypothèques - de tenir compte des droits du créancier gagiste dans la répartition du prix de vente (Liège, 15 novembre 1984, J.T., 1985, p. 145).

§ 3. - Opposition du tiers revendiquant : l'action en distraction

61. - Sauf si un examen sommaire lui permet de se rendre compte que les· biens saisis appartiennent manifestement à des tiers de bonne foi - auquel cas la saisie pratiquée s'avérerait fautive - l'huissier n'a point à se faire juge des contestations élevées par un prétendu propriétaire (sur ces principes, voy. civ. Arlon, 9 octobre 1973, J.L., 1973-1974, p. 229; civ. Liège, 8 mars 1978, J.L., 1978-1979, p. 10 et observations; Liège, 13 janvier 1984, J.L., 1984, p. 111; civ. Liège, 10 janvier 1979,

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in <<Saisies conservatoires et voies d'exécution>>, J.L;, · 1979, p. 360, n° 59; voy. également supra, n° 56). En réalité le tiers qui prétend avoir un droit sur tout ou partie des objets saisis, n'a d'autre ressource que d'agir en distraction en citant à cette fin devant le juge des saisies le saisissant et le débiteur saisi (art. 1514 du C. jud.). Très fréquent en pratique, cet incident donne lieu à une abondante jurisprudence. Celle.:.ci a été ana­lysée déjà dans des études extrêmement fouillées auxquelles on se permet de renvoyer (sur l'action en distraction en général, voy. notamment E. GuTT et A. M. STRANART, Examen de juris­prudence, R.O.J.B., 1974, p. 675 et sv., no 140; G. DE LEVAL, <<Réflexions sur la den1ande en distraction>>, J.L., 1978-1979, p. 13 et sv.; du même auteur, <<Saisies conservatoires et voies d'exécution>>, J.L., 1978-1979, p. 360 et sv.; <<Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 209 et sv. dans lequel l'auteur fait le point complet de la question'; J. L. LE­Doux, <<Les saisies>>, Chronique de jurisprudence, J.T·., 1983, p. 492, nos 101 et sv.; J. HANSENNE, Examen de jurisprudence, 1976-1981, <<Les biens>>, R.O.J.B., 1984, p. 68 et sv.; sur l'action en distraction dans l'hypothèse d'époux séparés de biens ainsi que de personnes vivant en concubinage, C. REMON, <<Le con­cubinage>>, Chronique de jurisprudence, Rev. not. b., 1982', p. 521; G. DE LEVAL, <<Le ménage de fait et les questions de compé­tence, de procédure et de saisies>>, in Le ménage de fait, Colloque organisé les 21 et 22 novembre 1985 par le Centre de Recherches juridiques de la Faculté de Droit de Louvain, p. 5 et sv~; adde D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, p. 254 et sv.).

62. - a) La citation doit contenir, à peine de nullité, l'énon­ciation des preuves de propriété. Il s'agit là cependant d'une nullité relative impliquant - conformément aux articles 861 et 864, alinéa 2, du Code judiciaire - que l'exception soit 'sou­levée in limine litis et qu'il soit établi que l'irrégularité commise ait causé grief (Liège, 10 novembre 1982, J.L., 1983, p. 89; civ. I-Iuy, 11 avril 1983, Pas., 1983, III, p. 66). Pareil grief existe spécialement lorsque la carence du revendiquant empêche le saisissant d'apprécier le fondement de la revendication et l'oblige à soutenir un procès en défense sans pouvoir, le cas échéant, sur le vu de l'exploit, prendre attitude et arrêter les frais par

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l'admission d'une revendication apparemment fondée (civ. Bruxelles, 17 mars 1986, cité in Jurisprud. du Code judiciaire, La Charte, art. 1514/4, n° 2quater). La jurisprudence - tout comme la doctrine du reste - interprète cependant de manière large les termes <<énonciation des preuves de propriété>>. La motivation sera jugée suffisante si le demandeur invoque de 1nanière précise les faits ou les titres qui rendent vraisemblable la propriété dont il devra ensuite démontrer l'existence devant le juge des saisies (G. DE LEVAL,<< La saisie-exécution mobilière>>, ,ibid., p. 330). Des formules vagues ne permettant point au créancier saisissant d'apprécier utilement les mérites de l'oppo­sition ne sont pas admissibles (voy. par ex. Liège, 22 juin 1977, B~tll. des contr·ib., 1982, p. 236).

63. - b) Les documents produits ne doivent pas nécessai­rement être revêtus d'une date certaine<< mais dans tous les cas, qu'il y ait date certaine ou non, le juge des saisies jouit du plus large pouvoir d'appréciation sans être lié par les mentions du titre produit>> (A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 635, n° 1020; dans le même sens J. HANSENNE, Examen de jurisprudence, <<Les biens>>, R.O.J.B., 1984, p. 68, n° 12; G. DE LEVAL,<< Réflexions sur la demande en distraction>>, J.L., 1978-1979, p. 13, n° 4; N. JEANMART, <<Le concubinage>>, Répert. not., t. XXV, Livre VI, n° 98; compar. cependant J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 493, n° 103). Cet enseignement doctrinal n'est point unanimement ad~is en jurisprudence même s'il tend progressivement à s'imposer (voy. ainsi par ex. Bruxelles, 18 décembre 1973, Pas., 1974, II, p. 63; Bruxelles, 8 janvier 1974, Pas., 1974, II, p. 86; Bruxelles, 30 juin 1982, J.T., 1984, p. 412; Liège, 13 janvier 1984, J.L., p. ll1 et obs.; Liège, 16 décembre 1985, J.L., 1986, p. 151; contra, Anvers, 23 avril 1979, Bull. contrib., 1981, p. 1193; civ. Anvers, 13 septembre 1982, Bull. contrib., 1985, p. 544; Liège, 22 avril 1981, J.L., 1981, p. 343).

64. - c) En ce qui concerne les époux séparés de biens et les concubins, la jurisprudence de la Cour de cassation est en ce sens que lorsqu'une confusion a été opérée par les époux (ou les concubins) entre leurs mobiliers respectifs, il ne peut être imposé au créancier de l'un d'eux de faire entre ces biens une

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distinction ou une séparation que la confusion opérée .ne permet plus; il s'ensuit que le créancier peut saisir les biens mobiliers possédés par les époux (ou les concubins) sauf à l'époux (ou au concubin) non débiteur à établir sa propriété exclusive sur tout ou partie des biens par l'exercice de l'action en distraction (cass., 16 septembre 1954, Pas., 1955, I, p. 3 et concl. HAYOIT DE TERMICOURT; cass., IO'juin 1976, Pas., 1976, I, p. 1101). Autre est cependant la question de .la réalisation des biens Sf,tisis. Sauf accueil d'une action en distraction tout se passe en effet comme si la confusion opérée par les époux ou les concubins réalisait une indivision. L'on en déduit généralement , que si - confor­mément .à la jurisprudence de la Cour de cassation précitée - le créancier peut régulièrement saisir les biens· indivis, la réalisa­tion forcée de ceux-ci sera comme en matière de saisie-exécution immobilière (voy. infra, n° 89) subordonnée au partage que doit provoquer la partie la plus diligente (civ. Liège, 17 juin 1985, J.L., 1985, p. 560; civ. Huy, Il février 1985, J.L., 1985, p. 488; civ. Gand, 18 juin 1984, Tijds. voor Gentse 'i'echts., 1985, p. 18; C. REMON, <<Le concubinage>>, Chronique de jurisprudence, Rev. not. b., 1982, p. 521; J. HANSENNE, ibid,, p. 68-69, n° 12; G. DE LEVAL, <<Le ménage de fait ... >>, op. cit., p. 7 et les référ.).

65. - d) Même s'il établit son titre de propriété, le reven.:. diquant échouera dans son action s'il est impuissant à rendre ce droit opposable au créancier saisissant. Tel sera spécialement le cas si le ou les biens litigieux sont compris dans le privilège d'un bailleur saisissant et que le revendiquant ne puisse ren­verser la présomption de bonne foi dont celui-ci bénéficie en démontrant que le bailleur savait au mon1ent où les meubles ont été introduits dans les lieux loués que ceux-ci n'apparte­naient pas au preneur (voy. ainsi par ex. Liège, 19 janvier 1978, J.L., 1977-1978, p. 265; Anvers, 28 mars 1984, R.G.E.N., 1985, p. 397; J. L. LEDOUX, << Les sûretés réelles >>, Chronique de juris­prudence, J.T., 1981, p. 322, n° 51 et les références; A. M .. STRA­NART, <<Aspects actuels du contrat de gage>>, in Bijzondere ove'i'­eenkomsten, Kluwer, 1981, p. 413 et 414 et les réfé. citées; voy. également notre étude .sur les sûretés réelles, in. <<Les sûretés>>, FEDUCI, Paris, 1984, p. 103). Tel sera également le cas si le revendiquant se prévaut d'une clause de réserve de propriété. inopposable au créancier saisissant (voy. ainsi par ex.

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civ. Liège,. Il janvier 1978, Bull. des contrib., 1980, p. 2075; Bruxelles, 7 juin 1979, Pas., 1979, II, p. 128; en doctrine sur l'ensemble de la question, voy. F. T' KINT et·P.·Co:PPENS,·<< La clause résolutoire et la clause de réserve de propriété dans le contrat de vente>>, Rev:. rég. dr., 1979, p. 887 et sv.; I. MOREAU­MARGRÈVE, << Evolution du droit et de la pratique en matière de sûretés >>, . in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruylant, 1983, p. 173 et sv.; cet enseignement n'est cependant pas appli­cable s'il s'agit d'objets donnés en leasing qui sont identifiables, voy. ainsi par ex. Liège, 3 juin 1981, Rev. dr. comm. b., 1983, p. 358 et obs. M. KRINGS).

66. ~ e) Les décisions du juge des saisies se prononçant sur l'action en distraction sont exécutoires par provision. La circon­stance que le juge des saisies statue en cette matière au fond ne modifie point, en l'absence de texte dérogatoire, l'application des principe_s généraux que nous avons dégagés plus haut (voy. supra, no Il; G. DE LEVAL,<< Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du.Palais, Liège, 1986, p. 218; A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, p. 636, note 3; en ce sens également civ. Anvers~ 30 décembre 1982, R. W., 1983-1984, col. 307; contra à tort, civ. Turnhout, 25 mars 1982, R. W., 1983-1984, col. 304 et observations J. LAENENS).

67. - f) Le litige né de l'action en distraction est indivisible, ce qui, en cas de défaut d'une partie, entraîne l'application. de l'article 753 du Code judiciaire (Liège, 10 novembre 1982, J.L, 1983, p. 89; Liège, 23 janvier 1985, J.L., 1985, p. 212). Il en est de même, en appel, de l'article 1053 du Code judiciaire (Liège., 13 janvier 1984, J.L., 1984, p. 111).

SECTION IV. - LA DISTRIBUTION PAR CONTRIBUTION

68. - Les saisies - tant mobilières qu'immobilières - sont au départ des poursuites individuelles diligentées par un créan­cier; mais elles deviennent collectives lorsqu'un ou plusieurs autres créanciers s'associent à la saisie antérieurement pratiquée et entendent concourir au paiement réclamé par le premier saisissant (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles commu:r;tes ... >>, p. 12; voy. supra, n° 60). Dès ce moment

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s'applique le principe d'égalité entre les·créanciers qui- comme l'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 2 mai 1985-est une règle fondamentale régissant toute procédure d'exécution forcée (J.T., 1986, p. 289; Rev. dr. comm., 1985, p. 531 et concl. avocat général JANSSENS DE BISTHOVEN).

L'institution dans le Code judiciaire de la procédure de dis­tribution par contribution a pour objet d'assurer la mise en œuvre de ces principes en confiant à l'huissier le soin d'assurer entre les créanciers saisissants et opposants la répartition des deniers, sous le contrôle - en cas de contestation ~ du juge des saisies (art. 1627 et sv. du Code judiciaire). Cette procédure permet<< un règlement rapide et peu coûteux>>(<< Rapport sur la réforme judiciaire>>, Moniteur belge, 1964, p. 538). L'huissier de justice instrumentant qui s'en écarterait, spécialement en pro­cédant à des distributions de fonds sans tenir compte de certains créanciers opposants, engage sa responsabilité (B. DE:PUYDT, De aansprakelijkheid van advokaten en gerechtsdeurwaarders, Klu­wer, Anvers, 1983, p. 210 et les référ.; J. VAN CoMPERNOLLE, <<Les sûretés réelles en droit belge>>, in Les sûretés, FEDUCI, p. 92, note 126).

La procédure de distribution par contribution n'est point examinée dans le cadre limité de cette chronique; L'on renvoie à cet égard aux commentaires approfondis qui en ont été donnés spécialement dans le Répertoire notarial (Livre IV, titre IV, Distribution par contribution, par F. LAINÉ et E. DEBRUYN, 1975; 2e édition refondue par G. DE LEVAL, 1986; adde J. LINS­MEAU, <<Le concours, les saisies multiples et leurs solutions>>, in Les voies conservatoires et d'exécution, Bilan et perspectives, Edi­tion du Jeune Barreau, 1982, p. 287 et sv.).

CHAPITRE V. - APERÇUS DE LA SAISIE-ARRÊT

69. - Procurant aux créanciers << un moyen commode et ra­pide de sauver du naufrage quelques importantes épaves >>(CucHE et VINCENT, Les voies d'exécution, Dalloz, 13e édition, n° 94) la saisie-arrêt prend place parmi les saisies auxquelles il est le plus souvent recouru. Son importance et sa redoutable efficacité sont bien connues des praticiens. Aussi· bien, la simplification des·

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règles et des formes de procédure réalisée par le Code judiciaire a-t-elle directement contribué au développement de cette insti., tution tout autant qu'à la multiplication des applications qui en sont faites.

Destinée à mettre sous la main de justice les meubles incor­porels et tout particulièrement les créances dont le débiteur est titulaire envers un tiers, la saisie-arrêt soulève tant au niveau de son objet que de ses effets de nombreuses et souvent délicates questions de principe. De substantielles études lui ont déjà été consacrées parmi lesquelles on citera tout spécialement l'ouvrage remarquable de G. DE LEVAL (La saisie-arrêt, Liège, 1976) ainsi que les analyses approfondies de notre collègue A. M. STRANART (voy. notamment <<Saisies-arrêts en banques>> in Au service des intermédiaires financiers, Chambre de commerce de Bruxelles, 2 décembre 1980; << La saisie-arrêt >> in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. du Jeune Barreau, 1982, p. 85 et sv.). Durant la période sous revue la matière a donné lieu, par ailleurs, à une très abondante jurisprudence dont le recensement et le commen­taire ont fait l'objet de nombreuses chroniques et examens (voy. ainsi notamment E. GuTT et A. M. STRANART, Examen de jurisprudence <<Droit judiciaire privé>>, R.O.J.B., 1974, p.· 143 et sv.; J. L. LEDoux, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 477 et sv. et spécialement n°8 81 et sv. et 108 et sv.; G. DE LEVAL, <<Saisies et droit commercial>> in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruylant, 1983, p. 269 et sv.; du même auteur, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, art. 1445 et sv. et art. 1539 et sv.).

C'est assez dire que, dans pareil contexte, il ne saurait entrer dans notre intention d'entreprendre ici une analyse détaillée de la matière. Notre propos sera doublement limité : d'une part, on ne mettra l'accent que sur certaines questions ayant rapport avec les conditions de mise en œuvre de la saisie-arrêt et la procédure qui lui est applicable; d'autre part, on n'aura égard qu'à la saisie-arrêt de droit commun, laissant de côté tant les saisies-arrêts fiscales (voy. ainsi spécialement les articles 215 et 216 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus) que ce mode original de << saisie-arrêt simplifiée >> que constitue la délégation de sommes (voy. spécialement art. 221 du Code civil). L'on aborde par ailleurs conjointement les pro­blèmes que soulèvent la saisie-arrêt conservatoire et la saisie­arrêt-exécution. Bon nombre de ces problèmes se posent en effet

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en. termes identiques, cependant qu'un parallélisme ·des formes autorise le regroupement de maintes questions de procédure.

SECTION Jre, -CoNDITIONS D'APPLICATION

DE LA SAISIE-ARRÊT

§ 1er. - Le créancier saisissant

1) Principes.

70. - Le droit de saisir-arrêter appartient à tout créancier pe].'sonnel du saisi. Les créanciers hypothécaires n'ont point ainsi le droit. de saisir-arrêter des loyers ou les fermages revenant au ti~rs détenteur de l'immeuble hypothéqué. Ils ne peuvent acqué­rir ce droit que s'ils. pratiquent sur l'immeuble, en vertu de leur droit de suite, une saisie immobilière : dès ce moment en effet les loyers et ferrnages sont immobilisés pour être distribués avec le prix de l'immeuble (art. 1576, al. 1er, du. Code judiciaire) ;.aussi peuvent-ils, par une simple opposition, empêcher désormais les locataires et fermiers de se libérer entre les mainE? .. du saisi (art. 1576, al. 2, du Code judiciaire). Cette opposition- qp.i ne d.oit point nécessairement prendre la forme d'un. exploit d'huis;_ sier - réalise un.e saisie-arrêt dont le formalisme est légalement simplifié (voy. infra, n° 92).

Si un créancier néglige d'utiliser la saisie-arrêt; ses. propres créanciers peuvent déclencher à sa place cette procédure en usant de l'action oblique (art. 1445, al. 2, et art. 1539, aL 3, du Code. judiciaire).

S'il est·vrai que tout créancier peut saisir, encore faut-il, s'il s'agit d'une saisie,.arrêt conservatoire, que le cas requière célérité et que la créance réponde aux exigences de l'article 1415 du Code judiciaire et, s'il s'agit d'une saisie-arrêt-exécution, que le créancier soit nanti d'un titre exécutoire et puisse s'autoriser d'une créance incontestable dans son principe et son montant (art. 1494 du Code judiciaire). Il suffit, à ce sujet, de se référer ici à ce qui a été exposé dans les chapitres consacrés à l'étude des conditions générales de mise en œuvre des saisies conserva­toires et des saisies.;.exécutions. Il y a lieu cependant de noter que, dérogeant aux. principes énoncés aux articles 1413 et 1414 du Code judiciaire, l'article 1445 de ce Code permet aux créan-

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ciers munis d'un titre authentique ou même simplement privé de pratiquer la saisie-arrêt conservatoire sans avoir à solliciter l'autorisation préalable du juge des saisies. Ce dernier aspect que l'on a déjà succinctement évoqué (supra, n° 37) justifie un développement complén1entaire.

2) Saisie-arrêt conse'i'vatoire pratiquée sur base d'un titre privé.

71. - Le créancier est dispensé d'avoir à solliciter l'autori-:­sation du juge des saisies si le titre privé sur lequel il se fonde fait régulièrement la preuve d'une créance répondant aux con'" ditions d~ certitude, d'exigibilité et de liquidité. Tel n'est point le cas d'un document unilatéral émanant du créancier, par exemple une note d'honoraires, laquelle ne constitue point un titre valable de créance (civ. Namur, 18 septembre 1981, Rev. rég. dr., 1982, p. 53). De même l'extrait de compte qui n'est qu'un document établi unilatéralement par le créancier ne peut constituer à lui seul le titre privé permettant de pratiquer une saisie-arrêt conservatoire (civ. Bruxelles, 21 septembre 1981, J.T., 1981, p. 692 et obs. G. DE LEVAL; dans le même sens A. :M:. STRANART, <<La saisie-arrêt>> in Les voies conse1·vatoires et d'exécution, Ed. du Jeune Barreau, 1982, p. 96 et 97). La solution serait cependant différente si l'extrait de compte est corroboré par une correspondance dont il résulte que la partie saisie ne conteste nullement la débition des sommes réclamées, (civ. Bruxelles, 11 janvier 1982, cité in G. DE LEVAL, Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, art. 1445, n° 2/7) ou encore s'il actualise le montant d'une créance certaine, liquide et exigible née d'une opération bancaire prévue contractuellement (Bruxel­les, 27 juin 1985, J.T., 1985, p. 685; .Ann. Dr. Liège, 1986, p. 54 et note F. DuBOIS; comp. en ce qui concerne le silence circon­stancié, J. L. LEDOUX, ibid., J.T., 1983, n° 84). Il n'est par ailleurs pas contestable qu'entre commerçants la facture accep­tée constitue un titre privé permettant de pratiquer une saisie conservatoire (civ. Verviers, 27 février 1981, J.L., 1981, p. 202 et obs. G. DE LEVAL; A.l\L STRANART, ibid,. p. 96; J. L. LEDOUX, ibid., n° 84; contra civ. Bruxelles, 26 avril 1982, cité in G. DE LEV AL, << Saisies et. droit commercial >>, in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruxelles, 1983, p. 277, note 1).

Même non revêtu de l'exequatur un jugement étranger por-

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tant condamnation du débiteur peut former titre au sens de l'article 1445 du Code judiciaire. C'est ce que rappelle à juste titre la Cour d'appel de Bruxelles dans un arrêt du 24 juin 1977 (J.T., 1977, p. 747 et note d'obs. A. KoHL; A. M. STRANART, ibid., p. 95; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, p. 145, n° 94; contra mais à tort Liège, 6 mai 1976, J.L., 1976-1977, p. 41; comp. J. L. LEDOUX, ibid., n° 84). En revanche la seule autorisation de saisir délivrée par une juridiction étrangère dans le cadre d'une procédure introduite sur requête unilatérale, ne peut être considérée comme un titre dispensant de solliciter, en Belgique, l'autorisation du juge des saisies (Bruxelles, 24 juin 1977, précité, Pas., 1978, II, p. 27; R.G.E.N., 1979, p. 295; Rev. not. b., 1978, p. 106).

§ 2. - Le débiteur saisi

1) P'i'incipes.

72. - La saisie-arrêt suppose, en règle, que le saisi qui est le débiteur du saisissant soit en même temps créancier du tiers .. En d'autres termes un rapport de débition doit exister entre le tiers saisi et le débiteur saisi ayant précisément pour objet les sommes ou les effets que, conformément aux termes des arti­cles 1445 et 1539 du Code judiciaire, le tiers <<doit à son débi­teur >>. C'est l'existence de ce lien de droit qui· est déterminante pour apprécier. s'il y a lieu de pratiquer une saisie-arrêt; si ce lien n'existe pas le recours à la saisie mobilière effectuée chez un tiers s'impose conformément à l'article 1503 du Code judi­ciaire (voy. supra n° 58; sur ces principes, voy. G. DE LEVAL, La saisie-ar1·êt, p. 117; D. CHABOT-LÉONARD, Saisie conserva­toire et saisie-exécution, p. 262). La nature du lien juridique exis­tant entre le tiers et le débiteur peut certes conduire, dans certains cas, à des hésitations. S'agissant des avoirs déposés dans un coffre en banque, l'on sait cependant que le Code judiciaire a clairement opté pour le recours à la saisie mobilière à l'exclu­sion de la saisie-arrêt (art. 1505 du Code judiciaire; voy. suprà, ibid., et les référ. citées).

A la différence de la créance, cause de la saisie-arrêt, il n'est pas nécessaire . que la créance du saisi sur le tiers saisi (créance­objet) soit certaine, liquide et exigible. Une créance à terme,

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conditionnelle ou litigieuse peut former l'assiette d'une saisie­arrêt valable (art. 1446 et 1539, al. 2, du Code judiciaire). Encore faut-il que la créance existe au jour de la saisie, celle-ci s'avérant sans objet si le lien de droit unissant le débiteur au tiers n'existe pas ou a cessé d'exister. On admet cependant que la saisie-arrêt puisse porter sur une créance éventuelle à condition toutefois qu'elle existe au moins <<en germe>> ou qu'elle ait <<vocation à l'existence résultant d'un contrat ou d'un fait antérieur à la saisie>> (G. DE LEVAL, op. cit., n° 56, p. 86; A. M. STRANART, La saisie-arrêt, éd. du Jeune Barreau, 1982, p. 109 et p. 132 où l'auteur applique cette théorie aux crédits qui, en cas de saisie­arrêt d'un compte bancaire, sont susceptibles d'accroître le solde saisi). -Tel n'est point le cas lorsqu'un créancier sollicite l'auto­risation de pratiquer une saisie-arrêt conservatoire en mains des débiteurs de son débiteur<< dont le nom viendrait à sa con­naissance>> (civ. Huy, 17 octobre 1983, cité in G. DE LEVAL, Jurisprudence du Gode judiciaire, art. 1447 /2).

La créance qu'a le débiteur saisi à l'égard du tiers et qui con­stitue l'objet de la saisie-arrêt porte tantôt sur des sommes d'argent tantôt sur un ou plusieurs meubles corporels. Il faut que cet objet soit saisissable. Rappelons à cet égard que les personnes 1norales de droit public ne peuvent, dans la concep­tion traditionnelle, faire l'objet de quelque saisie conservatoire ou voie d'exécution que ce soit; ces personnes ne peuvent dès lors avoir la qualité de débiteur saisi (voy. supra, n°8 14 et 15). Les règles d'insaisissabilité et d'incessibilité totale ou partielle de certaines créances font, de même, obstacle à toute saisie­arrêt pratiquée en dehors des limites fixées aux articles 1409 à 1412 du Code judiciaire (voy. supra, n°8 18 et sv.).

2) Questions particulières.

a) Saisie-arrêt et compte bancaire.

73. - Les comptes en banque ont pris un tel développement qu'ils forment pour le créancier un élément de gage d'une exceptionnelle importance. C'est par la voie de la saisie-arrêt qu'ils sont saisis, et cela ne va point sans susciter maintes ques­tions souvent délicates. Il ne faut pas s'étonner dès lors si, ces dernières années, de substantielles analyses ont été consacrées à ce problème qui entremêle étroitement les règles de droit judi-

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Claire, de droit commercial et de droit bancaire· (voy. ainsi spécialmnent A. M. STRANART, Saisies-arrêts en banques, Chambre de commerce de Bruxelles, 1980, spécialement p. 42 et sv.; dü même auteur, <<La saisie-arrêt>>, in Les voies conservatoires et d'exécution, éd. du Jeune Barreau de Bruxelles, 1982, spéciale· ment p. 125 et sv.; G. DE LEVAL,<< Saisies et droit commercial>>, in Les créanciers et le droit de la faillite, Bruylant, 1983, spéciale­ment p. 286 et sv.; J. M. N ELISSEN -GRADE, << Derdenbeslag op bankrekeningen >>,in Mélanges Dumon, Kluwer, p. 677 et sv.; J. HEENEN, <<Les comptes de dépôt à vue et les comptes cou­rants>>, in Hommage à Robert Henrion, · Bruylant, 1985, p. 407 et sv.). L'on ne peut dans le cadre restreint de cette chronique que renvoyer à ces études qui contiennent, aussi bien, le recen­sement et le commentaire de la jurisprudence la plus récente.

· De manière générale l'enseignement dominant est en ce sens que la créance naissant de la relation de compte est le solde créditeur du compte qui peut être dégagé à tout moment par la balance des articles de crédit et de débit. Il en résulte qu'en principe - sous réserve des << opérations en cours >> susceptibles de diminuer l'assiette de la saisie et des créances acquises << dans leur principe >> susceptibles d'accroître le solde saisi - seul le solde créditeur existant au jour de la saisie <<est rendu indis-:­ponible par la saisie puisque seul il constitue la créance du client existant au jour de la saisie>> (A. M. STRANART, <<La saisie-arrêt>>, op. cit., p. 127 et les nombreuses références; comp. cependant l'opinion différente de G. DE LEVAL,<< Saisies et droit commercial>>, cit., p. 291 et 292 qui considère que la saisie-arrêt appréhende le compte en tant que tel et partant les sommes remises au banquier postérieurement à l'acte de saisie lors­qu'elles se rattachent à des créances en vertu desquelles le compte était alimenté au jour de la saisie).

S'agissant du compte courant et bien que la question demeure discutée, il faut, semble-t-il, admettre avec notre collègue A. M. ST:RANART que l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 1973 (Pas., 1973, I, p. 873) écartant le principe de l'indivisi­bilité du compte courant en matière de sûretés constituées en période suspecte pour garantir le solde débiteur éventuel, a ouvert une brèche dans ce principe, qui autorise la saisie-arrêt du solde. créditeur provisoire du compte courant (A. M. STRA­NART, <<Les saisies-arrêts en banques>>, ibid., p. 47 et sv.; du

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même auteur, << Aspects du contrat de gage dans la jurispru"" denee récente >>, in Bijzondere overeenkomsten, Anvers, 1980, p. 406 et sv.; J. M. NELISSEN-GRADE, op. cit., n° 119; contra P. V AN ÜMMESLAGHE, << Le droit de la comptabilité, Réflexions sur les effets; juridiques du compte >>, Journal pratique de droit fiscal, 197,7, p. 325).

Sur la question de savoir si des créances protégées conservent; une fois versées en compte, leur caractère d'insaisissabilité, voy. supra, no 18.

b) Ouvert1tre de créçlit~.

7 4. - Bien que sa validité ait été admise par le Commis­saire royal VAN REEPINGHEN dans son rapport (Pasin.,· 1967, p. 5ll)la saisie-arrêt formée en raison d'une ouverture de crédit donne' Iie:O. à, une vive controverse (voy. iwta~ment' en faveur d.e la saisissabilité, _ G. DE LEVAL,<< Saisies et droit commercial>>, ibid., p. 300' et sv.; en faveur de l'insaisissabilité, A. M. STRA­NART, <<Saisies-arrêts en banques>>, ibid., p. 51 et 52 et l~s référ.)~ Signalons à cet égard que dans une décision du 10 avril 1986 -frappée d'appel - le juge des saisies de Bruxelles a pris position en faveur de la saisissabilité de l'ouverture de crédit en consi­dérant que lorsqu'après une saisie-arrêt la convention de décou­vert fonctionne effectivement, le banquier devient débiteur de sommes d'argent liquides et exigibles à l'égard de son client et doit dès lors .respecter la saisie; il suffit dans ce cas que des mouyements aient continué de s'opérer par le biais de l'ouver­ture de crédit peu importe que le ·solde du compte fût resté perpétuellement débiteur (cette décision est reproduite in Juris­prudence de Liège, Mons et Bruxelles, 1987, p. 194 et sv.; comp. dans lé mênie sens cass. fr., 29 mars 1984, Rev. trim. dr. comm., 1985, p. 221 et 222 et obs. R. PERROT).

c) Créances sur l'Etat du chef de travaux et fournitures.

75. -.,..;. L'on sait que la loi du 3 janvier 1958 relative aux cessions et mises en gage de créances sur l'Etat du chef de tra­vaux et fournitures rend insaisissables et incessibles - sous r_éserve ·des exceptions consenties, d'une part, .aux travailleurs, fournisseurs et sous-traitants et, d'autre part, aux bailleurs .de fonds .;---: les sommes dues par l'Etat a:ux entrepreneurs de l'Etat

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et aux fournisseurs du ministère de la Défense nationale. Dans un arrêt du 22 janvier 1981 (J.T., 1981, p. 517) la Cour de cassation a décidé que ces dispositions légales sont d'interpré­tation stricte et ne peuvent s'étendre aux créances dues pour les travaux commandés par le Fonds des routes. La solution a été contestée par certains auteurs (voy. ainsi obs. R. RASIR,

J.T., 1982, p. 72-73 et 451) mais la jurisprudence paraît s'aligner sur celle de la Cour de cassation (voy. ainsi Liège, 23 mai 1986, J.T., 1987, p. 44).

§ 3. - Le tiers saisi

1) Principes.

76. - Le tiers est une personne qui détient, en vertu d'un pouvoir propre et indépendant, les fonds ou les meubles qu'elle doit au débiteur (sur cette définition, voy. A. JOLY, Procédure civile et voies d'exécution, t. II, Paris, Sirey, 1969, p. 64; G. DE

LEVAL, La saisie-arrêt, p. 115). Telle est notamment la situation du mandataire, du dépositaire, du banquier, de ragent de change, du transporteur, du notaire, etc.

Encore faut-il, si le tiers saisi est débiteur d'une somme d'argent, que celle-ci ne soit point soumise à une affectation strictement déterminée, ce qui rendrait impossible la saisie-arrêt par un créancier non concerné par cette affectation (tel serait, par ex. le cas des sommes cantonnées avec l'affectation spéciale visée à l'article 1404, alinéa 2, du Code judiciaire; sur l'affecta­tion des comptes bancaires, voy. également Mons, 12 juillet 1985, Rev. not., 1986, p. 45; adde J. DEMBLON, <<Incidence des ouvertures de crédit sur les dépôts-clients et leur individualisa­tion>>, Rev. not., 1984, p. 166 et sv.).

2) Saisie-arrêt entre les mains d'un avocat.

77. - A l'encontre d'une doctrine fermement établie, deux décisions rendues par les juges des saisies de Liège et de Verviers respectivement les 6 mai et 16 octobre 1981 ont considéré qu'une saisie-arrêt pratiquée entre les mains d'un avocat n'était enta­chée d'aucune cause de mainlevée et que l'avocat tiers saisi ne peut invoquer le secret professionnel pour refuser de faÜ'e la

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déclaration prescrite par les articles 1452 et 1539 du Code judi­ciaire (civ. Liège, 6 mai 1981, J.L., 1981-1982, p. 381; ci~.

Verviers, 16 octobre 1981, J.L., 1981-1982, p. 386). Approuvées par G. DE LEVAL (voy. note sub civ. Liège, 6 mai 1981, précitée, J.L., 1981, p. 381) ces deux décisions ont été très généralement condamnées par la doctrine (voy. ainsi notamment R. RASIR, note critique sub civ. Liège, 6 mai 1981, J.L., 1981, p. 381; P. LAMBERT, <<La saisie-arrêt entre les mains d'un avocat>>, J.T., 1982, p. 583; du même auteur, Règles et usages de la pro­fession d'avocat du barreau de Bruxelles, p. 298; A. M. STRANART, <<La saisie-arrêt>>, in Les voies conservatoires et d'exécution, Jeune Barreau, 1982, p. 136; du même auteur, <<La saisie-arrêt entre les mains d'un avocat>>, J.T., 1985, p. 693 et sv.).

Les données de la controverse sont bien connues. Rappelons seulement que si nul ne met plus en doute aujourd'hui qu'une saisie-arrêt pratiquée entre les mains d'un avocat n'est point frappée d'une cause de nullité, la question fondamentale demeure de savoir si l'avocat peut se retrancher derrière le secret pro­fessionnel pour refuser de faire la déclaration imposée au tiers saisi. A condition qu'elle puisse s'autoriser d'un contrôle des autorités de l'ordre, pareille attitude nous paraît, effectivement, légitime et conforme au caractère d'ordre public du secret pro­fessionnel. Encore le refus justifié de déclaration ne doit-il point nécessairement conduire à la mainlevée de la saisie. Celle-ci ne continue-t-elle pas en effet de produire son effet d'indisponi­bilité 1 La question se pose de savoir si, sous le contrôle de l'Ordre des Avocats, cette indisponibilité ne pourrait point déboucher, en fin de compte, sur l'effectivité d'un paiement au profit du créancier saisissant à concurrence des causes de la saisie-arrêt. Bien que postérieure à la période sous revue, l'on doit à cet égard citer l'importante décision rendue le 22 janvier 1987 par le juge des saisies de Bruxelles (Jur. Liège, Mons et Bruxelles, 1987, p. 226) qui - validant une saisie-arrêt pratiquée entre les mains d'un avocat - confie << aux organes cmnpétents de l'Ordre français des avocats du Barreau de Bruxelles la mis­sion d'apprécier les modalités selon lesquelles la saisie-arrêt conservatoire litigieuse pourra, le cas échéant, donner lieu ulté­rieurement à exécution au bénéfice du premier défendeur sur les fonds éventuellement détenus par le second défendeur pour compte de la demanderesse>>. Il ne fait aucun doute que cette

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décision - sur laquelle nous aurons à revenir -'- ne manquera pas de faire l'objet de commentaires.

3) Saisie-.arrêt su?' soi-même.

78. . - -Celui. qui est à la fois créancier et débiteur d'une même personne à raison de créances ne répon~ant point . aux conditions !égaies de la compensation, peut P!atiquer une saisie­arrêt entre ses propres mains. C'est la saisie-arrêt su~ soi-même dont la validité admise par le. Commissaire royal dans son Rap­port (Rapport_ sur la réforme judiciaire, Moniieur.belge,,.1964,c p .. 496) n'est discutée ni par la doctrine (voy. G-: DE LEVAL, La saisie-arrêt, p. 127 et les références, cité.~s à la note 60; D. CHA~OT-LÉONARD, op. cit., p. 266 et sv.; en droit français, voy. J. ·V ;IN CENT.,, V oies d'exécution et procédure de di.st;ibution, Dalloz, 13~ éd., n~ 105; R. PERROT, ({Jurisprudence, française en matière de droit judiciaire privé>>, .. Rev~ trim. dr. civ., 1982, p. 215) !li par la jurisprudence (voy. notamp1ent Bruxelles, 10 novembre 1971, Rev. not. b., .1972, p. 161; Pas., 1972, II, p. 13; Bruxelles, 14 juin 1972, Pas,, 1973, II, p. 3; trib~ trav~ Charleroi, 3 février 1977, Rev. dr. soc., 1977, p. 434;, Anvers, 26 mars 1985, R.W., 1985-1986, col. 812 et note T. VAN SINAY, << Over bewarend derdenbeslag in eigen handen >>).

L'autorisation de pratiquer la saisie ~onservatoire entre ses propres mains ne peut toutefois être accordée si la créance cause de la saisie ne présente point tous les caraotères requis ·par l'article .1415 .. du Code judiciaire, c'est-à-dire si elle n'est pas certaine, exigible (sauf les atténuations prévues aux articles 1415, alinéa 2, et 1416) et liquide ou susc~ptible d'une estimation pro­visoire (Bruxelles, 14 juin 1972, précité). En d'autres termes la saisie-arrêt sur soi-même est possible dans tous les cas où les conditions de ·la, saisie-arrêt sont réunies,. sans égard aux con­ditions plus .rigoureuses de la compensation (G. DE. L~VAL, <<La saisie-arrêt>>, ibid., p. 131, n° 84 et les référ.).

Conformément au droit commun le débiteur saisi peut neu­traliser la saisie-arrêt sur soi-même en recourant au cantonne:­ment des . causes de la saisie;. il pourrait également recourir à l'article 1407 du Code judiciaire aux fins de faire cantonner l'objet de la saisie spécialement si celle-ci paraissait· abusive (la ·saisie"'-arFêt· sur.soi-.même pourrait. en effet dégénérer en un pro-

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cédé dilatoire entravant une exécution régulièrement poursuivie sur base d'un titre exécutoire; sur cette question voy. G. DE LEVAL,<< Saisies conservatoires et voies d'exécution>>, J.L., 1978-1979, no 49 commentant civ. Liège, 16 mai 1979, 29 novembre 1978 et 26 juillet 1979; adde G. DE LEVAL et J. VAN COMPER­NOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, Jeune Barreau de Bruxelles, 1982, p. 67).

SECTION II. - PROCÉDURE DE LA SAISIE-ARRÊT

§ l er. - L'acte de saisie-arrêt

1). Formes et irrégularités - Les oppositions <<extrajudiciaires>>.

79. - Sous réserve de la notification par le greffe (prévue à l'article 1449 du Code judiciaire) lorsqu'elle a lieu avec autori­sation du juge (sur les inconvénients de ce procédé illustré par Bruxelles, 2 avrill974, J.T., l974,·p. 481, voy. A. M. STRANART, La saisie~arrêt, Ed. du Jeune Barreau, 1982, p. 91; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt,. n° llO, p. 167) la saisie-arrêt se pratique par exploit d'huissier (art. 1445 et 1539 du Code judiciaire). Dans l'appréciation de la régularité de cet acte, il y a lieu de tenir compte des. articles 860 et suivants du Code judiciaire. C'est ainsi que l'absence d'indication dans l'exploit de saisie de la somme réclamée et du titre en vertu duquel la saisie est faite; peut, s'il y a grief, entraîner la nullité de l'acte (art. 1389, 3o, du C.J.; civ. Liège, 28 février 1979, J.T., 1979, p. 676). En revanche, n'étant p9int formellement prescrite à peine de nullité, l'absence de reproduction dans l'exploit des articles 1451 à 1456 (art. 1445 du C.J:.) ne peut être sanctionnée par voie de nullité (contra civ. Namur; 29 juin 1973, J.L., 1973"'"1974, p. 78 justement cri­tiqué par A. M. STRANART, in Saisies-arrêts en banques, Chambre de Commerce de Bruxelles, 1980, p. 24).

En règle le tiers saisi n'a pas à s'ériger en juge de la régularité de l'acte de Sfûsie-arrêt en manière telle que toute nullité éven­tuelle doit être invoquée dans le cadre d'une demande en main­levée portée devant le juge des saisies (G. DE LEVAL, La saisie­arrêt, p. 165, n° 107; A. M. STRANART, La saisie-arrêt, Jeune Barreau,' .. 1982? p. 91 et sv.; du même auteur, Saisies-arrêts en banques, cité, p. 17 et sv.).

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Il convient néanmoins de réserver l'hypothèse de l'irrégularité flagrante ou d'une voie de fait évidente. Tel est particulièrement le cas des oppositions dites <<extrajudiciaires>> prenant très sou­vent la forme d'une lettre missive. Doctrine et jurisprudence se prononcent actuellement très fermement contre toute recon­naissance d'une validité ou d'un effet juridique quelconque à ce procédé constitutif de ce que d'aucuns n'ont pas hésité à appeler une << pratique détestable >> (note LAFOND sub cass. fr., 19 dé­cembre 1977, Jurisclasseur périodique, 1978, II, n° 19.008; en doctrine belge, voy. notamment sur cette question : A. M. STRA­NART, La saisie-arrêt, Jeune Barreau, 1982, p. 86 et sv.; G. DE LEVAL,<< Saisie-arrêt et opposition>>, J.T., 1979, p. 683; J. L. LE­DOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 477 et sv., spécialement n° 81; en jurisprudence voy. notamment Liège, 23 février 1978, J.T., 1979, p. 676; civ. Liège, 28 février 1979, J.T., 1979, p. 676; civ. Charleroi, 2 mai 1980, R.G.A.R., 1982, n° 10.432; Mons, 2 novembre 1976, R.G.A.R., 1981, n° 10.358). Le créancier qui recourt à une opposition extrajudiciaire aux fins d'exercer irré­gulièrement un n1oyen de pression engage indiscutablement sa responsabilité; il en irait de même du tiers qui, donnant suite à pareille opposition, pourrait s'entendre reprocher - compte tenu spécialement de sa profession - d'avoir agi avec une légèreté coupable. Tout au plus admet-on que, dans des circon­stances exceptionnelles, le tiers puisse tenir compte d'une oppo­sition extrajudiciaire quand il s'avère que << la créance de l'op­posant serait en péril s'il fallait procéder dans les formes légales et qu'en conséquence le tiers a de justes craintes d'être associé à une fraude s'il paie au mépris de l'opposition>> (A. M. STRA­NART, La saisie-arrêt, Jeune Barreau, 1982, p. 89; note ScoRIELS sous comm. Bruxelles, 28 septembre 1966, R.G.A.R., 1966, n° 7748; G. DE LEVAL, op. cit., J.T., 1979, p. 671).

2) Indisponibilité résultant de l'acte de saisie-arrêt.

80. - a) A l'égard du tiers saisi, la saisie-arrêt rend indis~ ponible entre ses mains - sauf cantonnement - la totalité des sommes dont il est débiteur envers le saisi (à moins bien entendu que le saisissant n'ait limité lui-même les effets de la saisie à une ou plusieurs créances déterminées). Fermement acquis en doctrine, ce principe n'est point discuté (Rapport Van Ree-

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pinghen, Pasin., 1967, p. 512; A. M. STRANART, La saisie-arrêt, Ed. du Jeune Barreau de Bruxelles, 1982, p. 105 et sv. et les référ.; G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, ibid., p. 58, n° 70 et les références; en jurisprudence, voy. notamment civ. Bruxelles, 30 octobre 1980 et civ. Liège, 7 octobre 1981, cités in G. DE LEVAL, Jurispru­dence du Code judiciaire, art. 1451/1 et 2). L'indisponibilité s'étend non seulement à l'égard des sommes actuellement déte­nues mais également <<à tous les avoirs dont le tiers saisi vien­drait à être nanti et dont il serait tenu envers le débiteur saisi en vertu de la créance échue, à terme, conditionnelle ou liti­gieuse>> (Rapport sur la réforme judiciaire, ibid., p. 511 et 512), pareils accroissements pouvant conduire le tiers à faire, dans ce cas, une déclaration complémentaire à moins que la prévision de cette augmentation ne figure dans la déclaration initiale (art. 1455 et 1539, al. 4, du Code judiciaire; sur cette question, voy. spécialement A. M. STRANART, <<La saisie-arrêt>>, ibid., p. 109 à Ill). L'effet de blocage résultant de l'indisponibilité exclut par ailleurs toute compensation de la dette du tiers avec une créance dont il serait lui-même titulaire à l'égard du débi­teur saisi. L'on admet cependant qu'une telle compensation pourrait jouer en raison du lien de connexité unissant les deux créances (il y a de même dérogation à la règle de la non-compen­sation après faillite en cas de communauté d'origine des obliga­tions réciproques issues d'un même rapport synallagmatique; sur l'ensemble de la question, voy. note F. T' KINT sous cass., 28 février 1985, J.T., 1986, p. 580 et sv.). Rien n'empêcherait au demeurant le tiers qui ne peut plus compenser de pratiquer une saisie-arrêt sur lui-même (voy. supra, n° 78).

Le tiers qui méconnaît l'effet d'indisponibilité de la saisie­arrêt prend le risque d'être déclaré débiteur pur et simple des causes de la saisie (art. 1451 du Code judiciaire). Cette sanction n'est cependant point automatique. Un large pouvoir d'appré­ciation revient à cet égard au juge des saisies, lequel pourrait, de surcroît, si le comportement du tiers paraît fautif, condamner ce dernier à des dom1nages et intérêts compensatoires d'un préjudice non couvert par la déclaration de débiteur pur et simple. La jurisprudence fournit plusieurs exemples d'applica­tion de ces principes (voyez ainsi civ. Huy, 12 février 1979, J.L., 1979, p. 316 et note DE LEVAL; Liège, 28 mars 1980 in

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G. I>E LEVAL,<< Aspects actuels du droit des saisies)), J.T., 1980, p. 647; civ. Namur, 18 octobre 1985, Rev. rég. dr., 1986, p. 193).

81. - b) A l'égard du débiteur ~aisi, la saisie-arrêt place la créance sous la main de justice en manière telle que <<le saisi devient incapable de tout acte qui ferait sortir cette créance de son patrimoine ou qui en diminuerait la valeur)) (J. VINCENT, op. cit., p. 195, n° 130). Ainsi ne pouvant diminuer la valeur de sa créance, le saisi ne peut recevoir de paiement, ni total ni par­tiel; il ne peut consentir de remise; il ne peut accorder de terme. Il ne peut davantage céder la créance ou du moins consentir une cession opposable, en tant que telle, au créancier saisissant. L'on admet cependant que l'exploit de signification de la cession a les effets d'une saisie-arrêt permettant au cessionnaire d'entrer en concours avec le saisissant (sur cet enseignement traditionnel voy. LEURQUIN, Code de la saisie-arrêt, nos 272 et 314; R.P.D.B., vo Transport (Cession de créances), n° 64; G. DE ;_LEVAL, La saisie-arrêt, Liège, 1976, p. 122, n° 78; D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 272; sur le concours d'une saisie-arrêt et d'une cession de créance, voy. également, de n1anière générale, F. ToP,<< Loon­beslag, loondelegatie en loonoverdracht )), Tiidschrijt vo9r pri­vaatrecht, 1983, spécialement p. 396 à 401).

§ 2. - Dénonciation de la saisie-arrêt

82. - Dans la huitaine de la réception de l'acte de saisie par le tiers ou de sa signification à ce dernier, la saisie-arrêt doit être dénoncée au débiteur saisi (art. 1457 et 1539, al. 5, du Code judiciaire). Ce délai n'est point formellement sanctionné de nullité. A juste titre la jurisprudence estime dès lors qu'en cas de méconnaissance de cette prescription, le juge des saisies dis­pose d'un large pouvoir d'appréciation pour décider s'il y a lieu ou non d'ordonner la mainlevée, celle-ci pouvant ne pas s'im­poser si le débiteur a, par ailleurs, été effectivement mis au ·courant de la saisie-arrêt (voy. ainsi civ. Liège, 8 avril 1981, 24 juin 1981 et 23 décembre 1981, cité in G. DE LEVAL, Juris­prudence dttt Code judiciaire, La Charte, art. 1457/3, n° 1; civ. Liège, 12 septembre 1984, J.L., 1985, p. 15; civ. Verviers, 28 juin 1985, J.L., 1985, p. 495; contra mais à tort civ. ,Anvers,

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3 novembre 1983, in Jurisprudence du Code judiciaire, ibid., art. 1457/3, n° 3). S'il s'agit d'une saisie-arrêt-exécution, l'ab­sence de dénonciation dans le délai a, pour le surplus, pour effet de ne pas faire courir le délai d'opposition ouvert au débiteur saisi (civ. Bruxelles, 22 avril 1975, Pas., 1975, III, p. 38; civ. Liège, 8 décembre 1982, J.L., 1983, p. 258). Cet enseignement jurisprudentiel est généralement approuvé par la doctrine (voy. ainsi A. M. STRANART, <<La saisie-arrêt>>, ibid., p. 99; G. DE LEVAL, <<Les saisies>> in Chroniques de droit à l'usage du Palais, ibid., p. 275) ..

Notons par ·ailleurs que· la dénonciation effectuée par lettre recommandée dans l'hypothèse visée à l'article 1457 du Code judiciaire (saisie conservatoire) ne peut bien évidemment avoir pour effet de faire courir les délais de recours· contre l' ordon­nance d'autorisation (art. 57 du Code judiciaire;· contra mais à tort, civ. Bruxelles, 29 janvier 1979, J.T., 1979, p. 679 et obs. critiques).

En cas de transformation d'une saisie-arrêt coriservatoire en saisie-arrêt..:exécution, il suffit au créancier de présenter l'infor­mation donnée conformément à l'article 1539, alinéa 5, du Code judiciaire ·sous la forme d'un exploit de (( commandement-infor­mation>> de manière à satisfaire aux exigences de l'article 1497 du Code judiciaire (G. DE LEVAL et J. VAN CoMPERNOLLE, <<Aperçu des règles communes ... >>, p. 80; obs. A. M~· STRANART, sub civ. Anvers, 29 novembre 1979, J.T., 1981, p. 504).

§ 3. - Déclaration d~t tiers saisi

83~ - Dans les quinze jours de la saisie-arrêt, le tiers est tenu de faire sa déclaration (art. 1452 à 1456 du C.J. et 1539, al. 4, du C.J.). Le non-respect du délai tout autant que l'inexac­titude de la déclaration sont sévèrement sanctionnés : le tiers peut être déclaré débiteur en toùt ou en partie des causes de la saisie (art. 1456 et 1542 du Code judiciaire). Mais ici également la sanction n'est point automatique : <<le pouvoir d'appréciation dmneure entre les mains du juge, ce qui lui pennet de tmnpérer exceptiohnellement la sanction selon les circonstances qu'il apprécie >> (Rapport Van Reepinghen, Ed. du :Moniteur belge, 1964, p. 501).

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En réalité, comn1e sous l'empire de l'article 577 du Code de procédure civile dont le Code judiciaire s'inspire directement, << la loi n'énonce pas de manière restrictive les motifs que le juge peut invoquer>> (cass., 21 février 1969, Pas., 1969, I, p. 579; E. GuTT et A. M. STRANART, Chronique de jurisprudence, cette Remte, 1974, p. 684). Il est à cet égard non douteux que la sanction s'applique particulièrement<< à la carence volontaire, à la réticence ou à l'insincérité du tiers saisi>> (Rapport sur la réforme judiciaire, ibid., p. 520) et se justifie<< lorsque par faute, mauvaise foi ou négligence coupable le tiers saisi tente de sous­traire les biens du débiteur saisi au gage de ses créanciers>> (cass., 16 février 1984, J.T., 1985, p. 142). Mais d'autres motifs que ceux déduits d'une duplicité ou d'une carence volontaire peuvent être retenus pour identifier la faute cependant qu'à l'inverse le juge peut tenir compte des circonstances pour ne point attacher nécessairement à tout manquement le prononcé de la pénalité (voy. ainsi par ex. Liège, 10 janvier 1980, J.L., 1980, p. 65 qui tout en reconnaissant que le tiers n'a pas agi par mali0e lui applique néanmoins la sanction pour avoir mé­connu son obligation de déclaration de manière<< persistante et délibérée>>; rappr. Bruxelles, 24 juin 1980, J.T., 1980, p. 692 qui puise dans la profession d'assureur du tiers saisi un élément de renforcement de la faute commise; voy. en revanche civ. Bruxelles, 20 novembre 1975, J.T., 1976, p. 283 qui considère que le simple retard ne peut être pris en considération s'il n'a pas causé préjudice; rappr. civ. Gand, 1er septembre 1978, J.T., 1979, p. 182; en doctrine sur ces questions, voy. spéciale­ment A. M. STRANART, La saisie-arrêt, Jeune Barreau, 1982, p. 101 et sv.; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, p. 232 et sv.; du même auteur, Jurisprudence du Gode judiciaire, La Charte, art. 1456 et 1542).

§ 4. - Saisie-arrêt-exécution : opposition du débiteu1·

84. - Dans une décision du 22 février 1974 (Rev. not. b., 1974, p. 311), le juge des saisies de Charleroi rejette une opposition formée après le délai de quinze jours imposé par l'article 1541 du Code judiciaire aux motifs qu'en vertu de "l'article 860, ali­néa 2, les délais prévus pour former un rec~urs sont prescrits à

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peine de déchéance. Cette décision ne peut être approuvée. L'opposition prévue .à l'article 1541 du Code judiciaire n'est évidemment pas un recours; il s'agit d'une action principale tendant à obtenir la mainlevée de la saisie-arrêt, action à laquelle le législateur attache - par dérogation à l'article 1498 du Code judiciaire - un effet suspensif de l'obligation de paiement par le tiers saisi (art. 1543, al. 2, du Code judiciaire).

A juste titre la jurisprudence dominante adopte un enseigne­ment différent et considère que -le délai prévu par l'article 1541 n'étant formellement sanctionné ni de déchéance ni de nullité -l'opposition tardive ne peut être déclarée irrecevable (Bruxelles, 10 septembre 1979, Pas., 1979, II, p. 137; Mons, 9 janvier 1979, J.T., 1980, p. 228; Liège, 28 juin 1984, J.L., 1984, p. 545). La doctrine est dans le même sens (voy. ainsi G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, p. 284, n° 183; A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Liège, 1985, p. 638). Mais <<si le saisi a laissé expirer le délai de quinzaine sans exercer de recours, le tiers saisi, au plus tôt le surlendemain de ce délai, est tenu de vider ses mains en celles de l'huissier à concurrence du montant de la saisie >>

(art. 1543 du Code judiciaire; Rapport sur la réfonne judiciaire, Pasin., 1967, p. 520; D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 296).

L'opposition du débiteur peut être fondée sur des motifs con­testant la régularité formelle de la procédure ou la réunion dans le chef du créancier saisissant des conditions prévues par les articles 1494 et ·1495 du Code judiciaire (voy. supra). En revanche le juge des saisies ne pourrait, par le biais de cette opposition, trancher une contestation relative à l'existence de la dette du tiers saisi à l'égard du débiteur; pareille contestation doit en effet être renvoyée au juge cmnpétent (art. 1456, al. 2, et 1542, al. 2, du Code judiciaire).

En cas d'opposition du débiteur saisi, l'obligation de paiement du tiers prend cours, s'il y a lieu, à partir du jour où la décision qui a statué sur l'opposition lui a été signifiée. Il ressort cepen­dant de l'article 1543, alinéa 2, du Code judiciaire que - par dérogation aux principes -les décisions du juge des saisies sta­tuant sur cette opposition ne sont point exécutoires de plein droit (voy. supra, n° 11). Dans ce cas l'exécution provisoire pourrait être sollicitée même en degré d'appel (voy. supra, n° 24; Liège, 24 décembre 1981, J.L., 1982, p. 133; A. FETT­WEIS, Manuel de procédure civile, ibid., p. 638, note 6).

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§ 5. - Saisie-arrêt-exécution : le dessaisissement du tiers et le concours

85. - Le tiers saisi, tenu de vider ses mains en exécution de l'article 1543 du Code judiciaire, est fondé à exiger du saisissant la production d'une attestation de non-opposition ou appel sauf si la décision est exécutoire par provision (art. 1388 du Code judiciaire; civ. Anvers, 29 novembre 1979, J.T., 1981, p. 504 et obs. A. M. STRANART; du même auteur, La saisie-arrêt, ibid., p. 118 et 119; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, ibid., p. 294 et 295). De surcroît si la dénonciation de la saisie n'a pas été faite à personne ou au domicile réel ou élu du débiteur saisi, le tiers saisi est en droit de refuser de payer si le créancier saisissant ne démontre point. qu'il a reçu le visa du juge des saisies, lequel peut, le cas échéant, commettre un huissier de justice pour pro­céder à une nouvelle dénonciation (art. 1544 du Code judiciaire). La regrettable imprécision des textes est à l'origine d'une con­troverse sur la question de savoir si le visa ainsi requis peut être obtenu au terme d'une procédure informelle ou requiert au con­traire l'introduction d'une action par citation. Si la jurisprudence est généralement dans le sens d'une application rigoureuse de l'article 1395 du Code judiciaire et impose le visa par citation (voy. ainsi civ. Liège, 8 décembre 1982, J.L., 1983, p. 258; civ. Liège, 26 octobre 1983 et civ. Verviers, 12 mars 1985, cité in Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, art. 1544, n°8 7 et 8), la doctrine la plus récente estime que le visa peut résulter d'une procédure informelle et consister <<en une simple signature du juge donnée après un entretien avec l'huissier de justice et un examen sommaire des pièces de la procédure>> (A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, ibid., p. 638; A. M. STRANART, La saisie-arrêt, éd. du Jeune Barreau, 1982, p. 119; G. DE LEVAL, <<Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 276; notons cependant que cet auteur avait soutenu une thèse différente dans son ouvrage sur la saisie-arrêt, ibid., p. 298).

86. - La saisie-arrêt ne procure au saisissant ni transport de la créance saisie-arrêtée ni privilège sur celle-ci. Tous les créanciers du débiteur demeurent donc recevables à exercer leurs droits sur les sommes arrêtées, nonobstant une saisie anté-

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rieure (A. M. STRANART, La saisie-arrêt, op. cit., p. 120; G. DE LEVAL, La saisie-arrêt, ibid., p. 302; D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 287}. Aussi bien, le tiers saisi doit-il se libérer entre les mains de l'huissier instrumentant et non entre les mains du saisissant (Liège, 3ljanvier 1986, J.L., 1986, p. 269; adde Liège, 8 décembre 1983, J.L., 1984, p. 33). Il n'est ainsi point douteux qu'en cas de concours l'huissier doive ouvrir la procédure de distribution par contribution de manière à répartir, conformé­ment à la loi, le produit de la saisie-arrêt (art. 1627 et sv. du Code judiciaire; Liège, 8 décembre 1983, précité; civ. Gand, 26 février 1982, R.G.E.N., 1983, n° 22.831; civ. Bruxelles, 14 mars 1983, cité in G. DE LEVAL, Jurisprudence du Code judi­ciaire, art. 1627 /9). Demeure en revanche controversée la ques..., tion de savoir si l'intervention des autres créanciers doit néces.,. sairement être formalisée par voie de saisie-arrêt concurrente ou peut prendre la forme simplifiée d'une << opposition >> analogue à celle réglée par l'article 1515 du Code judiciaire. Cette contro­verse trouve son origine dans la rédaction peu heureuse de l'ar­ticle 1543 du Code judiciaire qui prévoit que le dessaisissement du tiers·· ne se réalise qu' << à concurrence du montant de là saisie>> (sur cette controverse, voy. G. DE LEVAL, <<Saisies et droit commercial>>, in Les créanciers et le droit de la. faillite; Bruxelles, Bruylant, 1983, p. 283 et 339; F. ToP, op. cit., T.P.R.; 1983, p. 408). Bien que les arguments avancés en faveur d'une lecture extensive de l'article 1543 du Code judiciaire ne man­quent point de pertinence, il est sans doute, .dans l'état actuel des textes, prudent de conseiller le recours à la saisie-arrêt con­currente de manière à éviter toute surprise éventuelle. Mais. il est évident qu'une intervention législative serait, sur ce point, bienvenue.

Rappelons po"Q.r le surplus que, conf<;>rmément à la jurispru­dence de la Cour de cassation, les paiements obtenus de tiers par le fait d'une saisie-arrêt-exécution sont des paiements du débiteur au sens de l'article 446 du Code_ de commerce. Il reviendra ainsi à l'appréciation du juge de décider si, eu égard aux circonstances de la cause, il y a lieu de ·déclarer ces paie­ments inopposables à la masse (cass., 25 mai 1978, Pas., 1978, I,. p. 1090 et eoncL J. VELU; voy. également cass., 3 septembre 1982, Pas;; 1983, I, p. 6).

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CHAPITRE VI.·~ APERÇUS DE LA SAISIE IMMOBILIÈRE

87. ~ La saisie immobilière tant conservatoire qu'exécutoire a donné lieu, depuis l'entrée en vigueur du Code judiciaire, à une très abondante littérature (voy. ainsi notamment D. CRABOT­LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutionst Bruylant, 1979, p. 342 et sv.; W. VAN STEEN, La saisie-exécution immobi­lière et l'ordre, Anhyp, 1969; V AN HoVE, << La saisie-exécution immobilière dans le Code judiciaire>>, Ann. not. enr., 1969, p. 249 et sv.; P. WATELET, <<Le Code judiciaire et les saisies- immo­bilières>>, Rev. prat. not., 1969, p. 241 et sv.; J. L .. SEGHERS, <<La saisie-exécution immobilière dans le Code judiciaire>>, Ann. Fac. Droit de Liège, 1969, p. 583 et sv.; C. ENGELS, Het uitvoe­rend beslag op onroerend goed en de daarbijhorende rangregeling, Kluwer, Antwerpen, 1981; du même auteur,<< La saisie-exécution immobilière>>, in Voies conservatoires et d'exécution, Jeune Bar­reau de Bruxelles, 1982, p. 229 et sv.; J. L. LEDoux, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 746 et sv.; G. DE LEVAL, <<La saisie immobilière>>, Répert. not., t. XIII, 2e éd., Larcier, 1985; du même auteur, Jurisp. du Code judiciaire, La Charte; art. 1560 et av. ; du· même auteur, << Les saisies >> in Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 236 et sv.). La jurisprudence n'est pas moins abondante; qui n'est que trop malheureusement révélatrice de l'intensité de la crise économique survenue durant la période sous revue. L'on se bornera dès lors à cerner certaines questions particulièrement marquantes. Par ailleurs ~-· sauf à mettre çà et là en relief quelques règles relatives à la saisie con­serV'atoire - c'est à la seule saisie-exécution que l'on s'attache.

SECTION Jre. - CoNDITIONS RELATIVES AU BIEN SAISI

§ 1er. ~ 1 mmeubles par destination

88. _:_ Tous les immeubles par nature peuvent faire l'objet d'une saisie immobilière, tels les fonds de terre, constructions élevées sur ces fonds; arbres qui y sont plantés, fruits. de ces arbres et récoltes. Rappelons cependap.t que le Code judiciaire exclut que les fruits et récoltes tant qu'ils sont fixés au sol par

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racines puissent être saisis immobilièrement indépendamment du fonds auquel ils sont attachés. Seule la saisie-brandon permet, comme on le sait, d'en faire la saisie séparée; il s'agit là d'une saisiemobilière quirepose sur la fiction que les fruits et récoltes ont déjà acquis la qualité de meubles par anticipation (D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 320; J. VINCENT, Voies d'exé­cution et procédure de distribution, Dalloz, 13e éd., n° 202).

L'article 1560 du Code judiciaire inclut dans la saisie immo­bilière <<les biens immobiliers et leurs accessoires réputés im­meubles>>. Il en résulte que la saisie des immeubles par destina­tion est impliquée de plein droit dans la saisie du fonds principal. Mais le Code judiciaire n'a point repris formellement les disposi­tions de l'article 592 du Code de procédure civile qui excluait, en règle, une saisie séparée d'un immeuble par destination. Aucune explication n'est donnée de ce silence dans les travaux préparatoires. Se ralliant à la doctrine majoritaire, la jurispru­dence estime, de manière générale, que les immeubles par desti­nation économique ne peuvent faire l'objet que d'une saisie immobilière en même temps que le fonds au service duquel ils sont affectés (C. RENARD et J. HANSENNE, <<Les biens>>, Réper­toire notarial, t .. II, n° 64; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983, p. 742, n° 137; D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 320 et 321; civ. H:uy, 10 mars 1980, J.T., 1981, p. 648, n° 71 et obs. crit. G. DE LEVAL; civ. Bruges; 5 février 1985, Tijds. Brugserechts;, 1985, p. 98; civ. Bruges, 28 mai 1985, Tijdschrift voor notarissen, 1986, p. 150; civ. Bruges, 23 janvier 1986, Tijdschrift voor nota­rissen, 1986, p. 154). Cette règle n'empêche évidemment pas l'adjudication par lots séparés lors d'une même séance de vente (civ. Bruges, 5 février 1985, précité; Liège, 4 octobre 1984, J.L., 1985, p. 1).

Cette opinion ne fait cependant point l'unanimité en doctrine. Certains auteurs considèrent en effet qùe si la saisie de l'im­meuble emporte de plein droit la saisie des immeubles par desti­nation, rien en revanche n'empêcherait que ceux-ci soient appré­hendés séparément au moyen d'une saisie mobilière (voy. notam­ment en ce sens G. DE. LEVAL, <<La saisie des immeubles par destination économique>>, in Annales de la Faculté de droit de Liège, .1982; J. LINSMEAU,<< Le concours, les saisies multiples et leurs solutions>>, in Les voies conservatoires et d'exécution, édition du Jeune Barreau, 1982, p. 301). Cette thèse nous paraît, per-

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sonnellemen:t, critiqu.able. Comme on l'a relevé plus haut, aucun élément des travaux préparatoires ne permet en effet de considé­rer que le silence du Code judiciaire devrait être interprété comme une remise en cause de la règle énoncée antérieurement à l'article 592 du Code de procédure civile.

§ 2. - Part indivise

89. - Il ressort des travaux préparatoires du Code judiciaire que <<la part indivise peut sans doute faire l'objet d'une saisie­exécution ... mais il ne :peut être procédé à l'expropriation)) (Rapport HERMANS, Pasin., 1967, p. 998). La loi n'entend ainsi interdire, comme tels, ni le commandement ni la saisie; aj~rtiori n'interdit-eUe pas la saisie conservatoire de la part indivise. C'est l'expropriation constitutive de l'exécution qui est pro­hibée, cette phase ultime devant être précédée du partage ou de la licitation afin de définir la part qui revient au saisi. Le créancier désireux de réaliser son gage a un droit propre à provoquer le partage mais - conformément à l'article 1561 du Code judiciaire - il est tenu de respecter le pacte d'indivision conclu antérieurement à la demande ou à l'acte constitutif d'hypothèque et dûment transcrit, pourvu que la durée de la convention d'indivision ne dépasse pas cinq ans. En cas de licitation, si l'immeuble est attribué au débiteur, le créancier pourra saisir l'immeuble en entier, en vertu de l'effet déclaratif du partage; à l'inverse si l'immeuble est adjugé à un autre coïndivisaire ou à un tiers, le droit du créancier hypothécaire est reporté sur la part du prix attribué au débiteur (D. CHABOT­LÉONARD, op. cit., p. 346; J. L. LEDOUX, op. cit., J.T., 1983, p. 743, n° 142; G~ DE LEVAL,<< La saisie immobilière>>, Répertoire notarial, nos 103 et sv.; adde D. LECHIEN et R. PIRSON, <<L'ar­ticle 815 du Code civil et l'indivision volontaire à titre prin­cipal>>, in La copropriété, Ed. U.L.B. et Bruylant, 1985, p. 228 et sv.; N. VERHEYDEN-JEANMART, <<Le statut patrimonial du ménage de fait>>, in Le ménage defait, U.C.L., 1985, p. 25, n° 38).

Clairement affirmés en doctrine, ces principes sont correcte­ment appliqués par la jurisprudence (voy. ainsi notamment Anvers,~ 17 mai 1977, R. W., 1977-1978, col. 1571; civ. Bruges, 2 avril 1979, Tijdschrift voo1· notarissen, 1980, p. 204; Liège,

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3 décembre 1981, J.L., 1982, p. 177 et obs. J. HANSENNE; civ. Liège, 12 septembre 1984, J.L., 1985, p. 16).

§ 3. - Poursuite du créancier hypothécaire sur un immeuble non hypothéqué

90. - Conformément à l'article 1563 du Code judiciaire, le créancier hypothécaire - de 1nême que le créancier nanti d'un privilège immobilier (D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 348, note 23 et les référ. citées) - a l'obligation de saisir au préalable l'immeuble qui lui est affecté. Ce n'est qu'en cas d'insuffisance de la valeur de ce bien qu'il peut poursuivre l'expropriation forcée des autres immeubles. La preuve de cette insuffisance ne doit pas résulter de la vente; elle peut ête démontrée devant le juge des saisies par évaluation, selon les critères retenus par l'article 1563, et sur présentation d'un extrait de la matrice cadastrale et .d'un état hypothécaire (D. CHABOT-LÉONARD, op. cit., p. 347; G. DE LEVAL, <<Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du Palais, Liège, 1986, p. 243 et les référ.).

La question de savoir s'il est permis aux parties de déroger, par une clause conventionnelle, aux dispositions de l'article 1563 a été vivement controversée. Pour les uns, l'interdiction faite au créancier hypothécaire de saisir - sauf insuffisance démon­trée - d'autres biens que ceux qui sont hypothéqués est d'ordre simplement privé et n'exclut nullement l'existence d'une déro­gation conventionnelle (en ce sens notamment D. CHABOT­LÉONARD, op. cit., p. 348; VAN HovE, op. cit., Ann. not. et enr., 1969, p. 249; adde les références citées in G. DE LEVAL, <<La saisie immobilière>>, Répert. not., n° 112; en jurisprudenceJ voy. notamment civ. Tournai, 12 mars 1984, J.T., 1985, p. 148; Anvers, 30 avril 1985, Tijdschrift voor notarissen, 1985, p. 166). Pour d'autres excipant des termes de l'article 1626 du Code judiciaire, toute clause contraire à l'article 1563 <<est nulle comme contraire à l'ordre public et doit être réputée non écrite>> (C. EN­GELS, <<La saisie-exécution immobilière et l'ordre >>, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. du Jeune Barreau, 1982, p. 231 et 232; du même auteur, Het uitvoerend beslag ... , cité, n°8 25 et 26; J. K.OKELENBERG, note sub civ. Courtrai, 29 septembre 1970, R. W., 1974-1975, col. 1390; en jurisprudence voy. notam­ment civ. Louvain, 17 février 1984, R. W., 1984-1985, col.1855

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et note J. WERCK:X:; R.G.E.N., 1985, n° 23.189 et obs. A.C.; nous étions nous-même ralliés à cette opinion dans notre étude sur les sûretés réelles, in <<Les Sûretés >>, FEDUCI, 1984, p. 122).

Dans un important arrêt du 3 mai 1985, la Cou!de cassation a mis fin à la controverse en considérant que l'article 1563 a en vue les intérêts privés des parties et n'est dès lors ni impératif ni d'ordre public; il est ainsi permis aux parties de déroger à cette disposition (cass., 3 mai 1985, R.G.E.N., 1985, n° 23.222, p. 329 et obs. A. C.; R. W., 1985-1986, col. 175 et concl. M. KRINGS). Les conclusions du ministère public sous cet arrêt réservent cependant très nettement le problème de l'opposa­bilité aux autres créanciers d'une clause contenant dérogation à l'article 1563 du Code judiciaire. Cet article n'a-t-il point également pour objectif de protéger les autres créanciers et spécialement les créanciers chirographaires 1 Comme l'écrit G. de Leval, il n'est donc pas exclu qu'un contentieux se développe à l'initiative d'un créancier chirographaire contestant l'opposa­bilité d'une telle clause à son égard en raison du caractère abusif de son application aussi longtemps que l'immeuble hypo­théqué n'est pas réalisé (G. DE LEVAL,<< Les saisies>>, Chroniques de d1·oit à l'usage du Palais, p. 242; comp. Anvers, 30 avril 1985 précité, qui relève que la dérogation conventionnelle à l'ar­ticle 1563 est valable si elle ne fait pas naître en faveur d'un créancier un traitement préférentiel qui porte atteinte à l'égalité des créanciers; adde obs. A.C. sub cass., 3 mai 1985 précité, R.G.E.N., 1985, p. 331).

SECTION IL - PROCÉDURE DE LA SAISIE IMMOBILIÈRE

§ 1er. - Le commandement et la saisie

1) Formalités.

91. - Premier acte de l'expropriation, le commandement fait courir un double délai : un délai d'attente de quinze jours interdisant toute saisie précipitée et un délai d'accélération de six mois obligeant le créancier à pratiquer, dans ce laps de temps, la saisie proprement dite. Le délai de quinze jours est sanctionné de nullité (art. 1566 et 1622 du Code judiciaire); sa méconnaissance pourrait être soulevée, même d'office, par le

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juge des saisies lors de la demande de désignation du notaire (art. 862, §1er, 1°, et § 2, du Code judiciaire). Le délai de six mois visé à l'article 1567 du Code judiciaire n'est pas prescrit à peine de nullité ; mais le créancier qui laisse passer ce délai sans pratiquer la saisie, perd le bénéfice du commandement lequel, s'il a été transcrit, n'est plus mentionné dans les certi­ficats hypothécaires (art. 1567, al. 1er, in fine, du Code judiciaire). Indépendamment de ces deux délais, le commandement fait également courir - si la poursuite est accomplie sur base d'un acte authentique autre qu'un jugement - le délai de quinze jours endéans lequel le débiteur peut solliciter les termes et délais (art. 1334 du Code judiciaire). Le délai de quinze jours prévu à l'article 1334 du Code judiciaire est prescrit à peine de déchéance. L'on a relevé que dans un arrêt du 13 juin 1985 (J.T., 1985, p. 592) la Cour de cassation a décidé qu'une demande de délais ne pouvait plus être formée lorsque le débiteur a, con­formément à l'article 1582 du Code judiciaire, été sommé par le notaire ayant dressé le cahier des charges de lui présenter des contestations relatives à ce cahier (voy. 8Upra, n° 52).

L'article 1564, alinéa Jer, du Code judiciaire qui prévoit que le commandement est <<signifié par exploit à personne ou a-u domicile réel ou élu dans le titre de la créance >> exclut-il ~ à peine de nullité (art. 1622) - les autres modes de signification organisés aux articles 37. et suivants du Code. judiciaire 1 Dans un arrêt du 7 décembre 1982 (Jurisprudence du Code judiciaire, La Charte, art. 1564, n° 5) la Cour d'appel de Mons répond par l'affirmative tout en refusant d'annuler, en l'espèce, un com~ mandement signifié à mairie, au motif que l'irrégularité com­mise n'a entraîné aucun grief dans le chef des débiteurs. Pareille interprétation est textuellement correcte. Elle n'est cependant point en concordance avec le contenu des travaux préparatoires et l'économie générale des dispositions relatives aux significa­tions (sur cette question, voy. G. DE LEVAL, <<La saisie immo­bilière>>, Répertoire notarial, no 234/1).

Sauf dans le cas où une saisie conservatoire immobilière est transformée en saisie-exécution (art. 1497, al. 2) - auquel cas la transcription du commandement est obligatoire et doit inter­venir dans les quinze jours de son accomplisement (civ. Huy, 6 février 1984, Jurispr. du Code judiciaire, La Charte, art. 1497, no 2) - la transcription dü commandement est facultative.

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L;article 1565 du Code judiciaire ouvre au débiteur l'action en réduction si la valeur des immeubles désignée dans la transcrip­tion est plus que suffisante pour acquitter la dette. Cette de­mande ne peut cependant plus être introduite après la transcrip­tion de l'exploit de saisie ni a fortiori après que le débiteur a été sommé par le notaire de prendre communication du cahier des charges (cass., 6 mai 1983, R. W., 1983-1984, col. 2166).

L'exploit de saisie mobilière doit être transcrit dans les quinze jours à la conservation des hypothèques. Ce délai est prescrit à peine de nullité (art. 1569 et 1622 du Code judiciaire). Cette nullité doit être soulevée, même d'office, par le juge des saisies (civ. Dinant, 18 septembre 1970, Rev. prat. not. b., 1970, p. 424; civ. Huy, 27 octobre 1981 et 4 novembre 1982, cités in G. DE LEV AL, J urisprud. du Code judiciaire, La Charte, art.· 1569, n° 1; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, J.T., 1983,. cité, no 164; G. DE· LEVAL, op. cit., Répert. notarial, n° 294). Rappelons cependant que s'il y a une précédente saisie déjà transcrite, le conservateur doit refuser de transcrire toute nouvelle saisie sur le même bien et constater son refus en marge de la seconde (art. 1571 du Code judiciaire). Ce principe est applicable 1nême si la seconde saisie est faite par le ·premier· saisissant (ci v.·. Has­selt, 21 décembre 1972, J.L., 1972-1973, p. 157) ou ·par un èréancier subrogé dans les droits du créancier saisissant (Liège, 20 novembre 1972, Pas., 1973, II, p. 51}. La règle <<saisie sur saisie ne vaut>> ne présente aucun inconvénient si le premier poursuivant est diligent; en cas de négligence, il appartiendrait, le cas échéant, au second poursuivant de demander la subroga­tion dans les poursuites (art. 1610 du Code judiciaire).

2) Effets.

92. - Conformément à l'article 1572 du Code judiciaire le saisi reste en possession du bien jusqu'à la vente, comme séquestre judiciaire, à moins que, sur la demande d'un ou de plusieurs créanciers, il n'en soit autrement ordonné par le juge. Ce texte permet au juge des saisies, s'il y a obstruction dl.i. saisi, de prendre des mesures adéquates pour permettre aux amateurs de visiter le bien (civ. Charleroi, 23 janvier 1974, Rev. not. b., 1974, p. 530; civ. Gand, 18 août 1983, R. W., 1983-1984, col. 1128; Gand, 8 septembre 1983, R.W., 1983-1984, col. 1222

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et note C. ENGELS). Si des circonstances graves le justifient, le juge des saisies peut même, en désignant un séquestre, ordonner l'expulsion du saisi (civ. Namur, 6 février 1981, J.L., 1981, p. 396 et obs. G. DE LEVAL).

Les loyers et les fermages sont immobilisés à partir de l'exploit de saisie pour être distribués, avec le prix de l'immeuble, par ordre d'hypothèque (art. 1576 du Code judiciaire). Sauf si une opposition au paiement des loyers a été pratiquée conformément à l'article 1576, alinéa 2, le saisi peut encore percevoir les loyers et les fermages dont il répondra comme séquestre judiciaire (civ. Bruxelles, 21 février 1983, J.T., 1983, p. 689). L'acte d'opposition visé à l'article 1576 réalise une saisie-arrêt en forme sin1plifiée et ne doit dès lors pas prendre la forme d'un exploit d'huissier (en ce sens, à juste titre, G. DE LEVAL, La saisie 'immobilière, n° 293; contra mais à tort, civ. Bruxelles, 21 mars ·1983, cité in Jurisprudence du Code judiciait·e, La Charte, art. 1576, no 1 ).

La transcription du commandement et de la saisie entraîne l'inopposabilité à l'égard des créanciers inscrits, saisissants ou ayant fait transcrire un commandement ainsi qu'à l'égard de l'adjudicataire tant des baux qui n'ont pas date certaine avant la transcription que des baux consentis après la transcription même s'ils ont date certaine (art. 1575 du Code judiciaire). Se fondant sur l'article 55 de la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme,, la jurisprudence, largement approuvée par la doctrine, considère cependant que le bail à ferme conclu avant la trans­cription même s'il n'a pas date certaine est opposable tant aux créanciers saisissants, opposants et inscrits qu'à l'adjudicataire (cass., 23 décembre 1977, Pas., 1978, I, p. 482; J.T., 1978, p. 559; cass., 12 octobre 1979, R.O.J.B., 1982, p. 160 et sv. et note Y. MERCHIERS;. J.T., 1980, p. 444; V. RENIER,<< Le bail à ferme et le droit de préemption, Chronique de jurisprudence>>, J.T., 1981, n° 136, p. 594; ÜLOSON, Répertoire notarial, v 0 Bail à ferme, t. VIII, livre II, n° 24, p. 192 et 224; I. MoREAU­MARGRÈVE, Revue pratique du notariat, 1970, p. 82 et sv.). Par application de l'article 12 de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux, la même solution paraît devoir être appliquée si le bail n'a pas date certaine antérieure à l'aliénation dès lors que le preneur occupe le bien loué depuis six mois au moins (J. L. LEDOUX, op. cit., J.T., 1983, p. 747, n° 168; contra C. EN-

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GELS, <<La saisie-exécution immobilière et l'ordre>>, in Les voies conservatoires et d'exécution, Ed. du Jeune Barreau, 1982, p. 235).

Sont de même inopposables aux personnes visées à l'ar­ticle 1575 du Code judiciaire, les actes d'aliénation et de consti­tution d'hypothèque postérieurs à la transcription de la saisie­exécution immobilière ou du commandement (art. 1577 du Code judiciaire). La règle est générale et s'applique tant à l'hypo­thèque conventionnelle qu'à l'hypothèque légale et spécialement à l'hypothèque légale garantissant au profit du Trésor le paie­ment des impôts directs. Ce n'est en effet qu'en matière de saisie conservatoire immobilière que le Trésor peut, dans les conditions strictes de l'article 1444 du Code judiciaire, maintenir l'opposabilité de son hypothèque légale à l'encontre du créancier saisissant (sur l'ensemble de la question voy. E. SoHREUDER, <<L'hypothèque légale du Trésor face à la saisie immobilière et à la faillite du débiteur>>, Rev. not. belge, 1977, p. 322 et sv.; sur l'inopposabilité de l'hypothèque légale ou conventionnelle inscrite postérieurement à la transcription du commandement ou de l'exploit, voy. cass., 9 juin 1961, R.O.J.B., 1962, p. 192. et sv. et note R. DE RYKE).

§ 2. - Désignation du notaire

93. - L'article 1580 du Code judiciaire impose au créancier saisissant de solliciter, dans le mois de la transcription de la saisie, la désignation du notaire chargé de procéder à l'adjudi­cation des biens et aux opérations d'ordre, en présentant à cet effet requête au juge des saisies.

Le délai d'un mois visé à l'article 1580 n'est pas· prescrit à peine de nullité (Liège, 17 octobre 1972, J.T., 1972, p. 692; Gand, 30 juin 1983, Rev. not. b., 1984, p. 108; G. DE LEVAL, obs. sous civ. Arlon, 5 avril 1979, J.L., 1980, p. 70, n° 1; J. L. LEDOUX, op. cit., J.T., 1983, p. 748, n° 172 et les référ.). Le non-respect de ce délai autoriserait néanmoins tout autre créancier à demander la subrogation dans les conditions prévues aux articles 1610 et 1611 du Code judiciaire (Gand, 30 juin 1983 précité; adde Tijds. voor notarissen, 1983, p. 270 et note DE VROE).

L'ordonnance du juge des saisies rendue sur base de l'ar­ticle 1580 du Code judiciaire n'est point susceptible d'appel de

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la part du saisi; seule la voie de la tierce opposition lui est ouverte (Code judiciaire, art. 1033; Bruxelles, 5 janvier 1971, Rev. not. b., 1973, p. 400; civ. Bruxelles, 23 mai 1978, Rev. enr., 1978, n° 22.372; voy. supra, n° 12). Cette tierce opposition.doit être formée, conformément au droit commun régissant la pro­cédure sur requête unilatérale, dans le mois de la signification de l'ordonnance faite à la requête du poursuivant (art. 1034 du Code judiciaire). C'est dès lors à tort que certaines décisions ont considéré que ce recours était soumis au délai de huit jours prévus à l'article 1622, alinéa 2, du Code judiciaire, confondant ainsi l'exercice des recours et l'action en nullité (civ. Charleroi, 26 mars 1974, Rev. not., 1974, p. 272; civ. Charleroi, 28 sep­tembre 1982, cité par J. L. LEDoux, op. cit., J.T., 1983, p. 749, n° 174). En réalité la sommation de prendre connaissance du cahier des charges même si elle contient l'énonciation du titre, ne peut faire courir le délai d'un mois visé à l'article 1034 du Code judiciaire; seule la signification en forme régulière de l'or­donnance désignant le notaire faite au saisi est susceptible de faire courir ce délai (G. DE LEV .AL, <<Aspects actuels du droit des saisies>>., J.T., 1980, p. 649; J. L. LEDoux, ibid., qui con~ seille opportunément de profiter de la sommation de prendre connaissance du cahier des charges pour, en même temps et au plus tard, signifier au débiteur saisi l'ordonnance commettant le notaire).

Le. juge territorialement compétent est le juge des saisies du lieu de la situation de l'immeuble. Lorsque les immeubles saisis sont situés dans des arrondissements différents << le créancier peut ne· présenter qu'une seule requête pour le tout à l'un des juges territorialement compétents>> (Rapport sur la réforme judi~ ciaire, Moniteur belge, 1964, p. 491 et 492; civ. Charleroi, 11 sep­tembre 1974,.Rev. not. b., 1974, p. 530 qui relève que, dans tous les cas,<< il s'impose de dire qu'un seul des notaires commis sera chargé de procéder à l'ordre >>).

Le notaire désigné par le juge des saisies est un mandataire de justice. Aucune disposition légale en matière de saisie immo­bilière ne lui permet de réclamer une provision au créancier poursuivant. Ce principe ne saurait être tenu en échec par le règlement d'une chambre des notaires (civ. Dinant, 29 mai 1984, J.L., 1984, p. 483; J.T., 1985, p. 11 et obs. D. STERCKX; en ce _sens également G. DE LEV .AL, <<La saisie immobilière>>,

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Répertoire notarial, cité, n° 334/2 qui observe que si, par :le fait du poursuivant, la procédure de saisie immobilière n'était pas conduite à son terme, celui-ci deviendrait le débiteur des frais et honoraires du notaire).

§ 3. - La sommation de prendre connaissance du cahier des charges

94. - La sommation de prendre cmnmunication du cahier des charges et d'assister à l'adjudication doit être faite à peine de nullité (art. 1582 et 1622 du Code judiciaire) un mois au moins avant la vente. Ce délai doit être calculé conformément aux règles énoncées par les articles 52 à 54 du Code judiciaire; il faut dès lors qu'à compter du lendemain de la sommation au moins un mois entier, calculé de quantième à veille de · quan­tième, s'écoule avant le jour de la vente (cass., 20 juin 1974, Pas., 1974, I, p. 1082; Rev. not. b., 1975, p. 42; voy. également civ. Bruges, 1er juin 1982, Tijds. voor notarissen, 1982, p. 333).

La sommation ouvre aux parties intéressées un délai de huit jours pour élever leurs contestations à l'encontre du cahier des charges. Les contestations présentées en dehors de· ce délai ne sont point admissibles (civ. Charleroi, 23 avril 1974, Rev. not. b., 1974, p. 2.70; civ. Bruges, 17.décembre 1976, R.W~, 1976-1977, col. 1523). Le caractère extrêmement bref de ce délai :oblige le notaire en sa qualité de fonctionnaire public. à tenir, durant cette période, son étude ouverte de manière que . toute per­sonne concernée puisse prendre connaissance du cahier des charges à n'importe quel moment durant les heures d'ouverture des bureaux (cass., 29 novembre 1984, Rev. not., 1985, p .. 148 et note R. DE V ALKENEER).

Les contestations peuvent porter sur tous les points du cahier des charges et concerner tant la forme que le fond (G-. DE LEVAL, La saisie immobilière, cité p. 339). Est à cet égard controversée la question de savoir si le créancier régulièrement sommé qui n'a point contesté une clause du cahier des charges aux termes de laquelle les frais et honoraires des curateurs de la faillite sont privilégiés, est irrecevable à soulever une contestation à ce sujet ultérieurement et spécialement lors des opérations d'ordre (dans le sens de l'irrecevabilité, voy. comm. Charleroi, 28 juin 1978, Jur. comm. b., 1979, II, 472; civ. Dinant, 27 février 1981,. Rev.

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'rég. dr., 1981, 234; comm. Charleroi, 23 février 1983, Rev. rég. dr., 1983, p. 350 et obs. F. T' KINT; contra Mons, 1er février 1983, cité in· Jurisp. du Gode judiciaire, La Charte, art. 1582, no 2; G. DE LEVAL,<< Saisies et droit commercial>>, in Les créan­ciers et le droit de la faillite, Bruylant, 1983, p. 332).

L'on rappelle qu'en tout cas le saisi ne saurait, dans le cadre de l'article 1582 du Code judiciaire, former la demande de délais prévus à l'article 1244 du Code civil (voy. s~tpra, nos 52 et 91).

§ 4. - L'adjudication

95. - L'adjudication doit avoir lieu dans le délai de six mois fixé à peine de nullité par l'article 1587 du Code judiciaire. Il s'agit d'un d.élai d'ordre public (art. 862, § 1er, 1 o, du Code judi­ciaire) qui ne peut être prorogé après son échéance. Il en résulte que l'adjudication qui serait réalisée après l'expiration du délai de six mois est entachée d'une cause de nullité, sans qu'il y ait lieu de prouver l'existence d'un grief; cette nullité pourrait être demandée par le saisi dans les quinze jours de la signification de l'extrait du procès-verbal de l'adjudication (art. 1622, al. 3, du Code judiciaire; J. L. LEDOUX, op. cit., J.T., 1983, n° 187 et les réfé~.). Doctrine et jurisprudence s'accordent désormais néanmoins pour considérer qu'après l'expiration du délai de six mois, le saisissant - ainsi que tout créancier qui aurait obtenu la subrogation (art. 1610 du Code judiciaire) - peut s'adresser au juge des saisies à l'effet d'obtenir une nouvelle ordonnance désignant un notaire pour procéder à l'adjudication dans un nouveau délai de six mois, à condition tout au moins que reste ouvert le délai pendant lequel les effets . de la transcription de l'exploit de saisie sont maintenus (J. L. LEDOUX, ibid., no 187 et les nombreuses références citées, qu'il paraît superflu de reproduire ici; G. DE LEVAL, La saisie immobilière, cit., no 384/2; D. CHABOT-LÉONARD, Saisies conservatoires et saisies-exécutions, p. 381 et les référ.; adde C. REMON, <<Adjudication sur saisie immobilière : articles 1587 et 1622, alinéà 1er, du Code judi­ciaire>>, Rev. rég. dr., 1977, p. 172; pour un.arrêtrécent, voy. Liège, 25 janvier 1984, Pas., 1984, II, p. 105 qui comporte sur la question une motivation très complète). Rappelons cependant que lQr~que l'adjudication a lieu en plusieurs séances, seule la

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première doit être tenue dans les six mois (G. DE LEVAL, La saisie immobilière, cit., n° 385 et les référ.).

L'adjudication se déroule selon l'usage des lieux, en principe en une seule séance, sauf le droit du notaire de fixer une seconde séance dans les conditions prévues à l'article 1588. du Code judiciaire. Quelle est la situation de celui auquel le bien a été provisoirement adjugé~ La doctrine et la jurisprudence ùonsi­dèrent généralement qu'il est lié par son enchère mais ne devient propriétaire qu'après l'adjudication définitive (Anvers, 4 avril 1984, R. W., 1985-1986, col. 1082 et note E. DIRIX; Charleroi, 9 juin 1976, Journ. dr. fiscal, 1978, p. 116; J. L. LEDOUX,<< Les saisies>>, J.T., 1983, p. 752, n° 192). Sur la question de la validité d'une <<troisième séance>> voy. civ. Namur, 19 mars 1982, Rev. not. b., 1982, p. 253; J.L., 1983, p. 96 et obs. G. DE LEVAL; J. L. LEDoux, ibid.~ n° 192 (qui exprime des réserves en ce qui concerne les frais supplémentaires si la troisième séance ne débouche pas sur un prix supérieur).

Le notaire a la possibilité de refuser les enchères des per­sonnes qui lui sont inconnues ou 'dont l'identité ou la solvabilité ne lui paraissent pas justifiées (art. 1589, al. 1er, et 1592, al. 5, du Code judiciaire). L'appréciation du notaire est, sur ce point, discrétionnaire (voy. ainsi Mons, 19 janvier 1984, cité in G. DE LEVAL, Jurisprudence du Gode judiciaire, art. 1589, n° 2). Il a été clairement précisé dans le Rapport sur la réforme judiciaire que tout manquement à ce niveau ne pourrait engager que la responsabilité du notaire, à l'exclusion de la nullité de l'adju­dication (Rapport sur la réforme judiciaire, Mon. b., 1964, p. 533; Anvers, 19 décembre 1983, Tiids. voor notarissen, 1984, p. 378 et obs.). Jugé en revanche que ni l'article 1591 du Code judiciaire ni l'article 1596 du Code civil ne sont de nature à empêcher le curateur de la faillite à surenchérir lorsque le prix auquel a été adjugé l'immeuble du failli lui paraît trop bas (Mons, 17 novembre 1976, Pas., 1977, II, p. 142; R.G.E.N., 1977, p. 240 et obs.).

Dans tous les cas, la vente a lieu sous condition suspensive d'absence de surenchère. La faculté de surenchère est organisée aux articles 1592 à 1594 du Code judiciaire. L'application de ces textes ne soulève dans l'ensemble guère de difficultés. Relevons cependant les hésitations de la jurisprudence et de là doctrine, lorsque la surenchère intervient en cas de pluralité de lots, sur

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la question de savoir si le cahier des charges peut prévoir que la surenchère portant sur un des biens adjugés entraîne la remise en vente de tous les autres biens (dans le sens de la validité de cette clause, voy. Gand, 30 juin 1975, R.G.E.N., 1976, p. 392; en ce sens également G. DE LEVAL, La saisie immobilière, cit., no 424/1; contra J. L. LEDOUX, op. cit., J.T., 1983, p. 749, no 178; J. WEROKX, note in Tijds. voor notarissen, 1985, p. 58 et sv.; adde sur la question de la validité d'une surenchère glo­bale après adjudication judiciaire par lots les observations de H. Du FAux, Re.v. not. b., 1984, p. 231 et sv.).

La demande en nullité de l'adjudication doit, à peine de déchéance, être introduite dans les quinze jours de la significa­tion de l'extrait du procès-verbal d'adjudication (art. 1622, al. 3, du Code judiciaire). A l'expiration de ce délai ou lorsque la décision rendue sur l'action en nullité n'est plus susceptible d'appel, l'adjudicataire peut, sur base de son titre et sous réserve d'un contrôle toujours possible du juge des saisies, faire expulser le saisi qui occuperait encore l'immeuble vendu (civ. Arlon, 4 septembre 1984, J.L., 1984, p. 553; G. DE LEVAL, <<Aspects actuels du droit des saisies>>, J.T., 1980, n° 78, p. 650; du même auteur, La saisie immobilière, cit., n° 461; J. L. LEDOUX, op. cit., no 196). En ce qui concerne les tiers (locataires dont le bail est expiré ou inopposable) il n'existe pas de titre exécutoire à leur égard et une décision préalable d'expulsion doit être obtenue du juge de paix conformément à l'article 591, 1°, du Code judiciaire (G. DE LEVAL,<< Les saisies>>, in Chroniques de droit à l'usage du Palais, t. Ier, Liège, 1986, p. 252).

§ 5. ~ Concours d'une saisie immobilière avec une vente sur faillite

96. - Sauf application éventuelle de l'article 453, alinéas 2

et 3, du Code de commerce, le jugement déclaratif de faillite suspend en pdncipe les poursuites entamées par les créanciers chirographaires. Cette règle n'est point applicable, comme on le sait, aux créanciers hypothécaires parmi lesquels il convient cependant de distinguer les créanciers qui ne viennent pas en premier ·rang et le créancier hypothécaire premier inscrit.

S'agissant des créanciers hypothécaires autres que le créancier pr~mier inscrit, les règles de l'article 1621 du Code judiciaire

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sont applicables. C'est en ce sens que le curateur pourra solliciter le sursis s'il a obtenu - sur base de l'article 564, alinéa 2, du Code de commerce - l'autorisation du .tribunal de commerce de vendre l'immeuble avant la transcription de la saisie réalisée par le créancier hypothécaire (civ. Charleroi, 23 mars. 1982, J.L., 1982, p. 309 et obs. G. DE LEVAL; du même auteur,<< Sai­sies et droit commercial >>, in Les créanciers et le droit de.la faillite; Bruylant, 1983, p. 325 et 326; C. ENGELS, Het uitvoerend beslag op onroerend goed, Kluwer, 1981, p. 328; W. VAN STEEN, La saisie immobilière, cit., p. 86; contra mais à tort .J. L. LEDOUX, «Curateur et créancier saisissant : la guerre des procédures n'aura plus lieu~ >>, Rev. not., 1984, p. 578).

En .ce qui concerne le créancier hypothécaire premier inscrit, l'article 584, alinéa 5, du Code de commerce prévoit que celui-ci peut <<en tout état de .cause faire vendre le bien hypothéqué conformément aux dispositions des articles 1560 à 1626 du Code judiciaire >>. Partant de cette disposition, une fraction importante de la doctrine et de la jurisprudence avait considéré que le créancier hypothécaire premier inscrit .et le curateur ont des droits concurrents, la priorité devant revenir au plus diligent. Dàns cette compétition, le critère retenu n'était guère conver­gent : pour les uns la concurrence devait se régler en fonction de la date de la décision du juge des saisies ou du juge commis­saire désignant le notaire pour la vente; pour d'autres les articles 565, alinéa 5, .du Code de commerce et 1621 du Code judiciaire devaient, dans une certaine mesure, être combinés en manière telle que c'est la date de la transcription de .la saisie qui importait; pour certains même c'est la date de la vente qui aurait été constitutive du critère de priorité (sur l'ensemble de la question, voy. J. L. LEDoux, << Curateur et créancier saisis­sant ... >>, cit., Rev. not. b., 1984, p. 581 et sv.; du même auteur, <<Les saisies>>, J.T., 1983, n° 205 et les référ.; G. DE LEVAL, Saisies et droit commercial, cit., p. 328 et sv.; du même auteur, La saisie immobilière, cit., n° 533). Dans un important arrêt du 21 septembre 1984, la Cour de cassation a pris position dans cette controverse en décidant que l'article 564 de la loi sur les faillites donne au créancier hypothécaire premier inscrit le droit de faire vendre en tout état de cause le bien· hypothéqué con: formément aux dispositions des articles 1560 à 1626 du Cdde judieiairè, à ··l'exclusioi1 de ·l'article. 1621, en manière telle que

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l'intervention du créancier hypothécaire premier inscrit exclut le << droit exclusif>> ainsi que tout droit concurrent du curateur de procéder à la vente du même bien (cass., 21 septembre 1984, J.T., 1985, p. 185; Rev. not., 1985, p. 253; Rev. dr. comm. b., 1985, p. 367 et ob s. C. V AN BuGGENHOUT et R. P ARIJS, in Rev. dr. comm. b., 1985, p. 355 et sv.). Priorité absolue est ainsi donnée au créancier hypothécaire sans égard au point de savoir si la poursuite qu'il entame est postérieure ou antérieure à la décision du tribunal de commerce autorisant le curateur à vendre l'immeuble du failli.

§ 6. - Ordre et radiation des inscriptions

97. - Débordant largement les seules ventes sur saisie-exé­cution immobiHère, la procédure d'ordre ne sera pas examinée dans le cadre de cette chronique. L'on renvoie à cet égard aux commentaires appropriés qui en ont été donnés dans les ouvrages et les commentaires spécialisés (voy. notamment J. BAUGNIET, F. LAINÉ, E. DE BRUYN et G. MAHIEU,<< De l'ordre>>, Répertoire notarial, t. XIII, livre IV, titre V; seconde édition refondue par G. DE LEVAL, 1985; M. DoNNAY, <<Procédure de l'ordre après saisie-exécution immobilière ou toute vente d'immeubles emportant de plein dro]t délégation du prix aux créanciers inscrits>>, R.G.E.N., 1969, p. 249 et sv.; du même auteur,<< Pro­cédure de l'ordre après adjudication d'un immeuble sur saisie­exécut1on ou sur faillite>>, R.G.E.N., 1979, p. 201; C. ENGELS, Het uitvoerend beslag ... , cit., p. 361 à 416; J. L. LEDOUX, <<Les saisies>>, c1t., J.T., 1983, nos 210 et sv.).

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ETABLISSEMENTS EMILE BRUYLANT, société anonyme, Bruxelles Un dir. gén. : ANGÈLE V AN SPRENGEL, Vroenenbosstraat 7 a, 1512 Beersel

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