208
INVERSER LA VÉRITABLE FUITE DES CERVEAUX Étude sur la petite enfance Rapport final Avril 1999 Coprésidents : l’honorable Margaret Norrie McCain et J. Fraser Mustard

Étude sur la petite enfance

Embed Size (px)

Citation preview

INVERSER LA VÉRITABLE FUITE DES CERVEAUX

Étude sur la petite enfance

Rapport final

Avril 1999

Coprésidents : l’honorable Margaret Norrie McCain et J. Fraser Mustard

La préparation de ce rapport a été financée par le Secrétariat à l’enfance de l’Ontario. Pour en obtenir des exemplaires supplémentaires : Par courrier : Publications Ontario 50 Grosvenor St. Toronto, ON M7A 1N8 Par téléphone : Toronto (416) 326-5300 De l’extérieur de Toronto 1-800-668-9938 sans frais ATS 1-800-268-7095 sans frais En personne : Publications Ontario Bookstore 880 Bay St. Toronto, ON M7A 1N3 Site Web : www.childsec.gov.on.ca Il existe une version anglaise du rapport.

Le présent document est la version finalede l’Étude sur la petite enfance.

ISBN 0-7778-8954-4

The Canadian Institute for Advanced Research L’Institut canadien de recherches avancées The Founders’ Network 401 Richmond Street W., Suite 281 Toronto, Ontario M5V 3A8 Telephone (416) 593-5999 Fax (416) 593-9093

Le 16 février 1999 L’honorable Michael D. Harris Premier ministre de l’Ontario Gouvernement de l’Ontario Salle 281, Édifice de l’Assemblée législative Queen’s Park Toronto ON M7A 1A1 Monsieur le Premier ministre,

Vous trouverez ci-joint le Rapport sur la petite enfance que nous vous remettons, ainsi qu’à la ministre déléguée au dossier de l’Enfance, l’honorable Margaret Marland. Cette étude et les recommandations qu’elle contient sont le fruit des travaux du comité consultatif et des coprésidents.

Nous avons examiné les preuves fournies par les neurosciences, la psychologie du développement, les sciences sociales, l’anthropologie, l’épidémiologie et les autres disciplines concernant la relation entre le développement cérébral et l’épanouissement du tout-petit, d’une part, et l’apprentissage, le comportement et la santé à toutes les étapes ultérieures de la vie, d’autre part. À la lumière des preuves avancées, nous sommes d’avis que la période de développement du jeune enfant est aussi importante, et même parfois plus importante, que les années passées par les enfants et les jeunes dans le système d’éducation élémentaire, secondaire et postsecondaire, pour ce qui est de la contribution à la qualité de la vie de la génération à venir.

Nous soulignons que les jeunes enfants de l’Ontario peuvent faire mieux et que l’amélioration des premières années des tout-petits exigera l’engagement de tous les citoyens de toute la société ontarienne, de son gouvernement et de ses médias.

Dans le présent rapport, nous établissons des étapes qui permettront de réaliser un objectif : l’amélioration du sort des jeunes enfants. Nous encourageons votre gouvernement à démarrer le processus afin que, d’ici le siècle prochain, l’Ontario soit doté d’une population dont le niveau d’éducation et les compétences sont les plus élevés du monde.

Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de préparer ce rapport.

Veuillez agréer, monsieur le Premier ministre, l’expression de nos sentiments les meilleurs. La coprésidente Le coprésident

du Rapport sur la petite enfance, du Rapport sur la petite enfance, Margaret McCain J. Fraser Mustard

ÉTUDE SUR LA PETITE ENFANCE : pour un plein épanouissement des enfants

TABLE DES MATIÈRES Page de titre Lettre d’accompagnement Remerciements

Préface .........................................................................................................1

Sommaire .........................................................................................................6

Chapitre 1 : Les neurosciences et le développement des jeunes enfants ..25

Chapitre 2 : L’évolution socio-économique, les familles et les enfants ......53

Chapitre 3 : La situation actuelle des enfants ontariens ..............................65

Chapitre 4 : La disparité entre les possibilités et les investissements .....101

Chapitre 5 : Programmes communautaires d’education à la petite enfance en Ontario : les points forts et les enseignements ..123

Chapitre 6 : Conception d’un programme d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental.................................141

Chapitre 7 : Recommandations.....................................................................167

Références

Annexe I : Membres du comité consultatif ................................................187

Annexe II : Collaborateurs ...........................................................................189

Annexe III : Cadre de référence ....................................................................200

Étude sur la petite enfance

Remerciements Le présent rapport est le fruit de l’engagement et du travail du comité consultatif et des coprésidents, Margaret Norrie McCain et J. Fraser Mustard. La stratégie proposée et les recommandations énoncées sont l’aboutissement de leur travail. Mme Margaret Norrie McCain est l’ancienne lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick (de 1994 à 1997). Elle participe actuellement à toutes sortes de travaux visant à éliminer la violence familiale et à promouvoir la justice sociale pour les femmes et les enfants de la société canadienne. M. J. Fraser Mustard a rempli les fonctions de doyen et de vice-président de la faculté des sciences de la santé, à l’Université McMaster, entre 1972 et 1982. Il a été président fondateur de l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA) de 1982 à 1996. Il est actuellement associé (Bell Canada) de l’Institut et prend part aux travaux du Réseau des fondateurs. Par leurs connaissances et leur expérience, les coprésidents ont été d’une aide inestimable pour l’orientation des travaux de recherche sur la petite enfance. Les coprésidents et les membres du comité consultatif sont les auteurs de la version définitive du rapport.

MEMBRES DU COMITÉ CONSULTATIF :

♦ Charles Coffey

♦ Mary Gordon

♦ Janet Comis

♦ Dan Offord

♦ Julie Desjardins

♦ Terry Sullivan

♦ Richard Ferron

♦ Clara Will

♦ Florence Minz Geneen

♦ Robin Williams (On trouvera à l’annexe I de plus amples renseignements sur les membres du comité consultatif.) Jane Bertrand (en congé du collège George Brown) a fourni le soutien logistique sans lequel nous n’aurions pu rédiger ce rapport.

Les coprésidents ont obtenu l’aide généreuse des membres de l’Institut canadien des recherches avancées qui sont affectés aux travaux sur la santé de la population, le développement humain et la croissance économique. Clyde Hertzman (directeur, travaux sur la santé de la population) et Dan Keating (directeur, travaux sur le développement humain) ont été d’une aide précieuse en raison de leurs connaissances du développement du jeune enfant et des aptitudes à l’apprentissage, du comportement et de la santé tout au long du cycle biologique de l’être humain. Doug Willms (travaux sur le développement humain) a lui aussi joué un rôle clé en fournissant l’analyse de l’Étude longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes qu’il a réalisée avec la collaboration d’Allen Zeesman et de ses collègues de Ressources humaines Canada. Michael Wolfson (Statistique Canada et travaux sur la santé de la population, ICRA) et sa collègue, Nancy Ross (Statistique Canada), ont réalisé l’analyse du poids à la naissance et, avec l’appui de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation, l’analyse des tests administrés à des élèves de troisième année. Nous avons aussi obtenu de précieux conseils de Max Cynader (travaux sur le développement humain, ICRA) en ce qui concerne les neurosciences, et de Steve Suomi et Lew Lipsitt (travaux sur le développement humain, ICRA) relativement aux facteurs influant sur le développement du jeune humain et des jeunes primates. Robbie Case (travaux sur le développement humain, ICRA) nous a donné des renseignements fort utiles sur les nouvelles connaissances des facteurs influant sur les fondements cognitifs des mathématiques durant la petite enfance. Pour les sections du rapport qui ont trait à la croissance économique et aux mutations socio-économiques, nous avons obtenu l’aide d’Elhanan Helpman (directeur, travaux sur la croissance économique) et de Craig Riddell (travaux sur la croissance économique). Harry Swain (Sussex Circle) a guidé notre exploration des choix de nature financière, dont les stimulants fiscaux. Nous avons également profité des conseils de Helmut Tilak (Stikeman Elliot), de Karen Watson (KPMG) et de Gordon Cleveland (Université de Toronto). Les économistes Arthur Donner (économiste-conseil) et Fred Lazar (Université York) ont réalisé une étude détaillée spécifiquement pour nous. Des rencontres avec des groupes et des particuliers de l’Ontario nous ont éclairés sur ce que font et peuvent faire les collectivités locales. Kathleen Guy et Dawna Wintermeyer ont organisé nos visites dans les collectivités locales, et Michael Cushing a interviewé des porte-parole de nombreux organismes. Nous désirons remercier les centaines de particuliers (répertoriés à l’annexe II) qui nous ont rencontrés, nous ont donné des conseils et nous ont fait profiter de leurs expériences personnelles et professionnelles. Pam Bryant et son personnel du Secrétariat à l’enfance (également mentionné à l’annexe II) ont mobilisé le soutien dont nous avions besoin au sein de la fonction publique de l’Ontario. Enfin, nous désirons exprimer notre gratitude à Cheryl Hamilton qui, par son travail inlassable, a synthétisé nos expériences et nos connaissances collectives dans un rapport écrit.

Étude sur la petite enfance

Étude sur la petite enfance 1

Préface

INTENTION Motivés par l’enrichissement des connaissances sur le développement du cerveau durant la petite enfance et ses répercussions sur les aptitudes à l’apprentissage, le comportement et la santé, plusieurs gouvernements et divers organismes ont pris des mesures pour créer un milieu propice à l’épanouissement du jeune enfant, dans son foyer et à l’extérieur. Reconnaissant l’importance de ce stade du développement de l’être humain, le gouvernement de l’Ontario nous a demandé, au printemps 1998, de réaliser une étude sur la petite enfance qui viserait les objectifs suivants :

L’étude fera ressortir des choix et des recommandations en ce qui concerne les meilleures façons de préparer les jeunes enfants de l’Ontario – y compris les enfants à risque et ceux qui ont des besoins particuliers – à réussir à l’école, dans leur profession et dans leur vie sociale. Le développement de l’enfant vu dans sa totalité et favorisé par un modèle d’intervention précoce et de soutien continuel est d’une importance capitale. En outre, l’étude clarifiera les rôles et les obligations des intervenants et proposera des choix de modèles de prestation coopérative de services en matière d’aide précoce à l’apprentissage de l’enfant, dont des initiatives municipales et provinciales axées sur les meilleures méthodes d’éducation à la petite enfance.

On nous avait demandé en outre d’examiner des modèles coopératifs et associatifs qui mettraient à contribution les gouvernements fédéral, provincial et municipaux, ainsi que les conseils scolaires, les collectivités locales et le secteur privé.

DÉROULEMENT DES TRAVAUX Nous avons commencé par faire une synthèse des nouvelles connaissances acquises grâce aux travaux réalisés au Canada, aux États-Unis et en Europe dans plusieurs disciplines (neurosciences, psychologie du développement, développement humain, sociologie, pédiatrie et facteurs ayant un effet déterminant sur la santé, l’apprentissage et la croissance économique). Cette synthèse fournit une base de connaissances concernant les premières années de développement et leurs effets sur l’aptitude à l’apprentissage, le comportement et la santé de l’être humain tout au long de son existence. La base de connaissances fait ressortir le besoin d’un « continuum » d’activités axées sur les parents et l’enfant afin de favoriser le développement du cerveau au cours de la petite enfance. Nous avons discuté de ce sujet avec divers particuliers et organismes (parents, éducateurs et éducatrices de la petite enfance, économistes, groupes représentant des enfants aux prises avec des difficultés de caractère affectif, social et comportemental et avec des enfants souffrant d’un handicap à l’apprentissage et au développement, enseignants et enseignantes et leurs porte-parole, infirmiers et infirmières de santé publique, médecins, agents et agentes de développement communautaire, personnes-ressource auprès des parents, porte-parole de fondations, organismes provinciaux œuvrant pour l’enfance ainsi que tous les paliers gouvernementaux). Les discussions que nous avons eues avec ces groupes nous ont fait comprendre ce que le développement de l’enfant sous-entendait pour les particuliers, les programmes et les collectivités. Les personnes et groupes consultés préconisent

un modèle d’intervention intégré, favorisant le développement du jeune enfant et le soutien aux parents.

POURQUOI L’ONTARIO DOIT AGIR DÈS MAINTENANT Nous savons que le développement cérébral durant la petite enfance, particulièrement les trois premières années, pose les fondements des aptitudes à l’apprentissage et des capacités d’adaptation de l’être humain pour le reste de sa vie. Nous savons aussi qu’en améliorant les perspectives d’avenir de la prochaine génération, c’est-à-dire sa réussite scolaire, sa santé, sa qualité de vie et son succès sur le marché du travail, nous favorisons un avenir meilleur pour toute la population. Les personnes qui entreront sur le marché du travail en 2 025 naîtront l’an prochain. Ces enfants seront le gage de la richesse de l’Ontario dans 25 ans. Ils seront les dirigeants et les innovateurs du siècle prochain. Le développement du cerveau, de la conception à l’âge de six ans, détermine les aptitudes à l’apprentissage, le comportement et la santé de l’être humain tout au long de son existence. Il doit donc être de première importance pour nous tous de veiller à ce que la population future puisse réaliser son plein potentiel. Ainsi pourra-t-on inverser la véritable « fuite des cerveaux » et assurer un plein épanouissement des enfants. Il est tout aussi important d’investir dans la petite enfance que dans l’enseignement en général, pour que l’Ontario jouisse d’une population hautement compétente et bien instruite : elle est la base d’une économie prospère et d’une démocratie vigoureuse. Nous avons la possibilité en Ontario de créer un meilleur avenir pour nos enfants et petits enfants – en prenant comme tremplin la structure qui existe déjà et en mettant à contribution tous les secteurs de la société pour établir un nouveau « système » de développement et d’éducation du jeune enfant. Ce système servira de fondement à l’apprentissage et au développement de l’enfant, de la maternelle aux études postsecondaires. En agissant aujourd’hui, nous construisons des fondations solides sur lesquelles pourront s’appuyer les enfants et la société de demain. Il faut agir non seulement pour maintenir un niveau de vie acceptable, mais aussi par devoir envers nos jeunes enfants. Il y a aussi les dangers que présente l’inaction. À l’instar de presque tous les pays occidentaux, notre société traverse une période critique. Elle subit de grands changements technologiques, économiques et sociaux qui créent de nouveaux besoins et imposent de nouvelles contraintes aux particuliers et aux institutions. D’après ce que nous enseigne l’histoire, une telle période de bouleversements est particulièrement ardue pour la génération qui a de jeunes enfants, surtout les mères, et pour les enfants eux-mêmes. Si nous voulons bonifier l’économie ontarienne de demain et la qualité de vie dans nos collectivités locales, il nous faut offrir les meilleures chances possible d’épanouissement aux enfants d’aujourd’hui et de demain. Nous pourrions faire l’autruche et espérer que les écoles et les services sociaux et de santé se tireront d’affaire tant bien que mal, même s’ils disent avoir de plus en plus de difficulté à répondre à la demande. Nous pourrions espérer que les enfants « perdront avec l’âge » des troubles du comportement et d’apprentissage remontant à la petite enfance, en dépit des preuves indiquant qu’un grand nombre d’entre eux auront énormément de difficulté à surmonter leur handicap et ne réaliseront pas tout leur potentiel. Nous pourrions aussi investir plus d’argent dans le maintien de

2 Étude sur la petite enfance

l’ordre, le système pénitentiaire et d’autres services de ce genre, bien que nous sachions que la note sera élevée et qu’il est peu probable que cela change grand chose. Nous pourrions, en revanche, faire un grand saut, comme nous l’avons fait jadis, lorsque nous avons eu la possibilité d’offrir de l’eau saine à la population et d’immuniser les enfants contre toutes sortes de maladies qui avaient fait des ravages parmi les jeunes enfants durant des siècles. Quand la science nous a donné des outils – les vaccins contre la polio, la variole, la diphtérie et d’autres maladies infantile s dangereuses –, nous les avons utilisés. Nous l’avons fait pour protéger les enfants et, partant, l’ensemble de la société. Notre savoir s’est enrichi. Saisissons cette belle occasion de l’utiliser au profit de tous les enfants. Nous croyons que les priorités et les choix sont évidents.

APERÇU DU RAPPORT Le rapport présente les principaux arguments menant à notre conclusion, à s avoir que c’est maintenant le moment ou jamais, pour tous les secteurs de la société, de faire un grand effort pour créer des conditions favorisant le plus possible l’épanouissement et l’éducation des jeunes enfants dans toutes les familles de l’Ontario.

■ Le sommaire présente les idées maîtresses du rapport.

■ Le chapitre un présente les principaux éléments de connaissance sur le développement du cerveau et celui du jeune enfant, et leurs effets sur l’apprentissage, le comportement et la santé de l’adolescent et de l’adulte.

■ Le chapitre deux présente le contexte socio-économique.

■ Le chapitre trois fait le point sur la situation actuelle des enfants en Ontario.

■ Le chapitre quatre met en relief le déséquilibre entre les possibilités qu’offre la petite enfance et l’insuffisance des ressources investies.

■ Le chapitre cinq souligne l’importance de poursuivre et de parfaire les moyens d’action qui donnent déjà des résultats dans les collectivités.

■ Le chapitre six présente notre conception de ce que pourrait être un programme d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental qui exploiterait davantage le potentiel de développement des premières années de la vie, et ce, pour les enfants de toutes les couches sociales.

■ Le chapitre sept présente 11 recommandations.

■ La bibliographie donne la liste des ouvrages consultés.

■ Les annexes renferment la liste des personnes qui font partie du comité consultatif et des personnes qui ont pris part à l’étude, ainsi que le cadre de référence de cette dernière.

Étude sur la petite enfance 3

Nous adressons nos recommandations au gouvernement de l’Ontario, qui a donné à notre comité sa

mission, mais aussi à l’ensemble de la société. Nous invitons le secteur privé, les médias, les collectivités locales et tous les paliers gouvernementaux à faire de l’Ontario le meilleur endroit où élever des enfants en Amérique du Nord.

On peut obtenir, outre cette étude, trois documents de travail sur les sujets suivants :

♦ ce qui est fait ailleurs pour assurer le plein épanouissement du jeune enfant;

♦ les politiques favorisant l’épanouissement du jeune enfant;

♦ la recherche des faits : synthèse des discussions et des recommandations de collectivités, d’organismes provinciaux et de groupes de réflexion réunissant des parents.

AUTRES VOIX De grandes organisations de divers pays ont reconnu récemment l’importance du développement du jeune enfant et de ses effets sur les stades ultérieurs de la vie. Le présent rapport aborde ce sujet dans le contexte de l’Ontario.

De très nombreuses initiatives locales, et un certain nombre d’initiatives nationales, ont déjà montré que les programmes d’éducation à la petite enfance sont un sage investissement […] Les programmes d’éducation à la petite enfance rehaussent la capacité d’apprentissage et le rendement des ressources investies dans l’enseignement primaire et la création du capital humain. Ils favorisent les comportements sociaux valorisés, réduisent les coûts de l’aide sociale, stimulent le développement communautaire et aident les mères à entrer sur le marché du travail.

Early Child Development: Investing in Our Children’s Future - Mary Eming Young. Travaux d’une conférence de la Banque mondiale sur l’éducation à la petite enfance, un investissement pour l’avenir, tenue à Atlanta (Géorgie), les 8 et 9 avril 1996

Plus la stimulation et les soins reçus par un enfant sont de qualité, plus l’avantage sera grand, pour l’économie nationale comme pour l’enfant. Le monde reconnaît enfin que les droits d’un enfant à l’éducation, à la croissance et au développement – physique, cognitif, social, affectif et moral – ne peuvent être satisfaits sans une approche globale destinée à répondre à ses besoins depuis la naissance.

La situation des enfants dans le monde, 1999, Carol Bellamy, directeur général, Fonds des Nations Unies pour l’enfance

Bien que des facteurs de risque remédiables pour la santé soient présents la vie durant, l’enfance est une étape critique et vulnérable où de mauvaises conditions socio-économiques peuvent avoir des conséquences durables. Les études qui ont suivi des personnes de milieux sociaux variés, de leur naissance à l’âge adulte, ont fait ressortir l’influence fondamentale de la petite enfance sur le développement et l’état de santé physique et mental de l’être humain.

Independent Inquiry into Inequalities in Health Report, Londres, The Stationery Office, novembre 1998

4 Étude sur la petite enfance

Il est parfaitement possible de concevoir un système qui permette d’élever plus d’enfants tout en gardant les femmes au travail, mais il faudrait y mettre le prix. Le principe de l’enseignement gratuit pour les enfants d’âge scolaire est déjà enraciné dans les pays nantis. Il ne serait pas du tout incongru de l’étendre à des enfants d’âge préscolaire.

The Economist, p. 16, 18 juillet 1998

Étude sur la petite enfance 5

6 Étude sur la petite enfance

Sommaire

LES NEUROSCIENCES ET LE DÉVELOPPEMENT DES JEUNES ENFANTS De récentes découvertes en neurosciences prouvent de façon tangible que les premières années de développement, de la conception à l’âge de six ans, mais surtout les trois premières années, posent les fondements des compétences et des facultés d’adaptation, lesquelles ont un puissant effet sur les facultés cognitives, le comportement et la santé de l’être humain tout au long de son existence. Ces nouvelles découvertes améliorent notre compréhension de plusieurs aspects du développement :

1. nous connaissons mieux l’interaction entre l’hérédité et le milieu dans le développement cérébral;

2. nous savons maintenant que le cerveau se développe à un rythme accéléré durant la grossesse et la petite enfance;

3. nous comprenons mieux comment la nutrition, les soins et la tendresse stimulent le câblage du cerveau au début de la vie;

4. nous comprenons mieux comment les soins et l’environnement que fournissent les parents durant la petite enfance ont un effet décisif et durable sur le développement de l’être humain, ses aptitudes à l’apprentissage, son comportement, sa maîtrise des émotions et ses prédispositions à la maladie plus tard dans la vie;

5. nous savons que de mauvaises expériences vécues durant la petite enfance, dont le manque de soins et l’absence de stimulations appropriées, risquent d’avoir des conséquences déterminantes et durables.

La stimulation du cerveau provient des stimuli qui empruntent les canaux sensoriels. À titre d’exemple, lorsqu’une mère allaite son bébé, celui-ci absorbe une bonne nourriture et, en même temps, reçoit la stimulation du toucher, de la vue, du son, du goût, de la chaleur et des odeurs par ses canaux sensoriels. Cette expérience, comme bien d’autres que vit le nourrisson, active le câblage des milliards de neurones du cerveau, qui contribue au développement des fonctions fondamentales du cerveau. Le développement cérébral précoce comprend un câblage ou une connexion des neurones ainsi qu’un élagage ou un modelage des liaisons nerveuses. Du fait que les différentes fonctions cérébrales se développent en synergie, lorsqu’un organe sensoriel réagit à un stimulus extérieur (par exemple une sensation visuelle), le stimulus exerce également une action sur le câblage et le modelage des neurones affectant les fonctions cérébrales qui gouvernent la maîtrise des émotions, l’excitation et la pensée abstraite.

Les mots « éducation » et « maternage » tels qu’ils sont utilisés dans ce rapport font référence à la « stimulation positive » que vit un enfant. En effet, la stimulation peut être négative ou positive. À titre d’exemple, les stimuli provenant d’un milieu familial violent peuvent avoir des conséquences fâcheuses pour le développement psychique du jeune enfant et favoriser plus tard chez lui des réactions non appropriées au stress. Il s’agirait dans ce cas de stimulation négative. Nous employons également les mots « engagement » et « participation » des adultes (surtout les parents) pour signifier une participation active et réceptive au développement du jeune enfant (lire un livre au tout-petit assis sur ses genoux, encourager et féliciter l’enfant, jouer et rire avec lui, etc.)

La maturation psychique comprend donc plusieurs périodes critiques, au cours desquelles le jeune enfant doit recevoir des stimuli favorisant la création des circuits neuronaux du système nerveux. À l’âge de six ans, un grand nombre de ces périodes critiques sont déjà franchies ou s’achèvent. Elles visent les aspects suivants : la vision binoculaire, la maîtrise des émotions, les façons habituelles de réagir à des stimuli, l’acquisition du langage et l’apprentissage de l’écriture, des symboles et de la notion de quantité relative. Il existe des preuves inquiétantes voulant que les enfants dépourvus de l’alimentation et de la stimulation nécessaires à leur développement durant les premiers mois et les premières années de leur vie ont souvent beaucoup de mal à surmonter des obstacles quand ils sont plus âgés. Une fois achevées les périodes critiques de développement cérébral, l’enfant peut compenser certaines lacunes, à moins qu’il ait été victime de négligence extrême. Il lui sera néanmoins difficile de réaliser tout son potentiel. Les enfants qui ne sont pas assez stimulés, ou qui le sont de manière nuisible, risquent fort de développer des troubles d’apprentissage, des difficultés affectives ou des troubles de comportement (y compris, chez le jeune homme, une prédisposition à la délinquance juvénile et à des actes criminels). Nous avons également de plus en plus de preuves que des troubles de la santé (hypertension artérielle, diabète de type II, certains troubles mentaux, etc.) ont pour cause déterminante l’expérience vécue entre la conception et l’âge de cinq ans. Il existe des preuves encourageantes qu’une bonne alimentation, une éducation adéquate et des soins appropriés pendant les premières années de la vie, conjugués à de bons programmes d’éducation à la petite enfance, améliorent, pour tous les enfants, les résultats en termes d’apprentissage, de comportement et de santé physique et mentale tout au long de la vie. Les occasions que l’on donne au jeune enfant d’apprendre par le jeu suscitent la création de multiples canaux sensoriels dans le cerveau. Des gestes aussi simples en apparence que lire des contes à un enfant de 18 mois, ou accompagner un enfant de trois ans qui assemble des blocs, ou encore aider un enfant de quatre ans à lancer une balle au parc, sont de puissants stimuli cérébraux. Ils jettent la fondation du développement cérébral et ont, par conséquent, un effet déterminant sur les facultés cognitives, le comportement et la santé. La satisfaction des besoins individuels de chaque enfant nécessite donc une grande variété de stimuli. Les nouvelles preuves que nous offre la science viennent confirmer les préceptes de bon « maternage » que suivent les parents depuis des siècles. Ils ont en effet toujours su que le bébé et le jeune enfant ont besoin d’une bonne alimentation, de stimulation, d’amour et de soins appropriés. Ce qui est fascinant à propos des nouvelles découvertes, c’est qu’elles nous font comprendre les façons

Étude sur la petite enfance 7

dont un bon maternage et un bon milieu éducatif posent les fondements du développement cérébral chez le jeune enfant, et tout ce que cela peut avoir comme conséquences pour les étapes ultérieures de la vie.

POUR CONCLURE :

■ Les connaissances nouvellement acquises ont modifié notre compréhension des modes de développement cérébral et consolident le savoir que nous ont fait acquérir l’épidémiologie, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie du développement et la pédiatrie. Nous savons maintenant que les expériences que vit le jeune enfant et les stimuli favorables qu’il reçoit au contact d’autrui (adultes et enfants) sont bien plus importants pour son développement cérébral qu’on ne l’avait pensé auparavant.

■ Il est clair que la période de la conception à l’âge de six ans est plus importante que toute autre période du cycle biologique en ce qui concerne le développement cérébral et son incidence sur les aptitudes à l’apprentissage, le comportement et la santé. Les effets des premières expériences de la vie, surtout durant les trois premières années, sur le câblage et le modelage des milliards de neurones sont enracinés à jamais.

■ Le cerveau du jeune enfant se développe par la stimulation des chaînes sensorielles (les sens de la vue, de l’ouïe, du toucher, de l’odorat et du goût) durant la petite enfance. La mère qui allaite son bébé ou le père qui lit un récit à un tout-petit assis sur ses genoux font vivre une expérience enrichissante favorisant le développement cérébral. Les soins et la tendresse prodigués durant les périodes déterminantes du développement cérébral ne font pas que stimuler le développement des parties du cerveau qui coordonnent les fonctions visuelles et d’autres sens, ils activent aussi les embranchements neuronaux à d’autres parties du cerveau qui sont le support des fonctions supérieures de l’esprit (excitation, régulation des réactions affectives et comportement). Un enfant qui ne reçoit pas de stimuli positifs ou qui subit un stress chronique durant la petite enfance pourrait avoir du mal à surmonter le handicap d’un mauvais départ dans la vie.

■ Le développement cérébral étant un processus continu, les soins prodigués au jeune enfant pour favoriser son épanouissement et son apprentissage doivent également former un tout continu. L’apprentissage du jeune enfant doit être axé sur des interactions adaptées et de qualité avec les principaux pourvoyeurs de soins, et intégrer la résolution ludique de problèmes avec d’autres enfants pour stimuler le développement cérébral.

■ Il ne fait aucun doute que de bons programmes d’éducation à la petite enfance, qui font participer les parents ou d’autres principaux pourvoyeurs de soins, peuvent modifier les rapports que ceux-ci entretiennent avec le jeune enfant au foyer et améliorer énormément le comportement, les facultés cognitives et la santé de l’être humain plus tard dans la vie. Plus on s’y prend tôt, meilleurs sont les résultats. Les programmes d’éducation à la petite enfance profitent aux enfants et aux familles de tous les groupes socio-économiques.

■ La petite enfance est aussi importante que toute autre période de la vie dans le développement d’une population instruite et compétente. Vu son importance, la société doit lui accorder au

8 Étude sur la petite enfance

moins autant d’attention qu’elle en accorde aux périodes des études primaires, secondaires et postsecondaires.

L’ÉVOLUTION SOCIO-ÉCONOMIQUE, LES FAMILLES ET LES ENFANTS Les pays développés subissent actuellement de vastes transformations socio-économiques amenées par de profonds changements technologiques. Cette révolution, que l’on qualifie souvent d’« âge de l’information », est due au fait que l’informatique peut remplacer certaines fonctions humaines (« des puces pour des neurones »). En Ontario et dans l’ensemble du Canada, la croissance économique n’assure plus, depuis 1975, un niveau de vie toujours croissant comme ce fut le cas de 1945 à 1975. Le revenu des particuliers âgés de moins de 45 ans a cessé d’augmenter ou même baissé depuis 1975. Depuis les années 70, les paiements de transfert (assurance-emploi, aide sociale, etc.) remplacent la rémunération d’un travail régulier comme source principale de revenu dans de nombreuses familles à faible revenu. Les jeunes adultes travaillent un plus grand nombre d’heures par semaine, attendent plus longtemps avant d’avoir des enfants et en ont moins que les générations précédentes. Le travail par quarts est de plus en plus courant. Les femmes représentent un fort pourcentage de la population active. Environ 65 % des mères qui ont de jeunes enfants travaillent hors du foyer. Les mutations économiques et le nombre d’heures consacrées au travail et à la famille exercent de fortes pressions sur de nombreuses familles. Une société qui apprécie la contribution économique des femmes et le rôle des parents dans l’éducation de la prochaine génération doit s’adapter à ces nouvelles réalités. Les banques de données existantes ont rendu difficile l’établissement d’une preuve irréfutable que les changements socio-économiques ont influencé les résultats des enfants ontariens en comparaison de ceux d’il y a 20 ans. Cela dit, de nombreuses personnes œuvrant dans le domaine de l’enseignement nous ont dit que le pourcentage des enfants d’âge scolaire qui ne sont pas prêts à apprendre ne cesse d’augmenter. On nous a dit également que les services pour enfants et familles aux prises avec des difficultés sont de plus en plus recherchés.

POUR CONCLURE :

■ Notre qualité de vie future dépend du succès que nous aurons à gérer le jeu complexe entre la nouvelle économie, l’évolution des milieux sociaux et les effets du changement sur les particuliers, notamment ceux qui sont les plus vulnérables durant leur formation, soit les enfants.

■ Nous savons que les profondes transformations économiques et sociales que subit actuellement la société exercent de fortes pressions sur les familles et ont des répercussions sur le développement des jeunes enfants.

■ Une des meilleures façons d’accroître les aptitudes à l’innovation de la prochaine génération de citoyens serait d’amener les secteurs public et privé à accorder une importance capitale au développement du jeune enfant.

Étude sur la petite enfance 9

■ Il incombe autant aux différents paliers de gouvernement, aux employeurs, aux collectivités et

aux familles de surmonter les difficultés du travail, des charges familiales et de l’épanouissement du jeune enfant.

■ Étant donné que la croissance économique repose sur une population compétente et capable de s’adapter aux changements socio-économiques, le développement du jeune enfant doit être de première importance pour la société et ses paliers de gouvernement.

LA SITUATION ACTUELLE DES ENFANTS ONTARIENS Avec la collaboration de Statistique Canada et du comité de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, nous avons examiné, d’après un échantillon de familles et d’enfants très représentatif de la société, les nouvelles connaissances au sujet de la petite enfance et des enfants ontariens. Nous avons pu établir les faits suivants :

♦ Le taux de bébés petit poids est un gradient des facteurs socio-économiques. Dans les échelons socio-économiques supérieurs en Ontario, le taux de bébés petit poids est inférieur à celui du reste de la population canadienne.

♦ D’après les résultats de tests de vocabulaire administrés à des enfants de quatre et cinq ans et de tests de mathématiques administrés à des enfants de six à 11 ans, il appert que les enfants de l’Ontario (tous groupes socio-économiques confondus) ne réussissent pas aussi bien que les enfants du reste du Canada. Les tests de vocabulaire donnent une idée du développement cérébral chez le jeune enfant et peuvent généralement prédire la réussite scolaire. Les épreuves de mathématiques permettent de prévoir la réussite scolaire dans cette discipline. Nous savons maintenant que, dans la petite enfance, l’être humain acquiert une bonne partie des fondements cognitifs des mathématiques.

♦ Il est bien connu que la proportion d’enfant s issus de familles à faible revenu qui ne réussissent pas très bien à l’école et qui éprouvent des difficultés à s’adapter au milieu social est supérieure à celle des enfants issus de familles mieux nanties. Toutefois, les enfants qui réussissent sont plus nombreux, en dépit de circonstances familiales défavorables, que ceux qui ont des difficultés. Le pourcentage d’enfants qui réussissent augmente à mesure que l’on monte dans l’échelle du revenu familial (ou dans celle des conditions socio-économiques). Il y a néanmoins, jusqu’au sommet de l’échelle du revenu familial, des enfants qui ne réussissent pas très bien. Le rapport entre le développement du jeune enfant et les conditions socio-économiques est habituellement un gradient.

♦ Les données de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes montrent que les deux tests (vocabulaire et mathématiques) forment un gradient lorsqu’ils sont mis en relation avec les conditions socio-économiques de la famille de l’enfant. La proportion d’enfants qui ne réussissent pas très bien est plus élevée chez les enfants dont la famille se situe au bas de l’échelle des conditions socio-économiques que chez les enfants dont la famille est située au sommet de l’échelle. Il y a toutefois, dans tous les groupes socio-économiques, des enfants qui

10 Étude sur la petite enfance

ne réussissent pas très bien, quoique leur pourcentage varie selon l’échelon socio-économique. Par exemple, imaginons une échelle comprenant cinq échelons regroupant chacun 20 % des familles. Si 30 % des enfants du tout premier échelon ne réussissent pas très bien, ce pourcentage passera à 25 % pour l’échelon suivant, et ainsi de suite, jusque dans le haut de l’échelle. On peut tirer trois conclusions :

1. il n’y a pas de seuil socio-économique au-delà duquel tous les enfants réussissent;

2. étant donné l’importance numérique de la classe moyenne, le nombre d’enfants qui ne réussissent pas aussi bien qu’ils le devraient est plus élevé à l’échelon socio-économique du centre qu’au bas de l’échelle;

3. pour aplanir le plus possible la courbe du gradient, il faut que les programmes d’éducation à la petite enfance s’étendent à toutes les couches sociales.

♦ Nous avons relevé un gradient pour le comportement dont la courbe est semblable à celle du gradient représentant les résultats des tests de vocabulaire administrés à des enfants de quatre et cinq ans. Les deux mesures (comportement et vocabulaire) sont une approximation du degré de développement cérébral durant la petite enfance. Elles permettent de mesurer ce qu’on appelle la « capacité d’apprentissage ». Ces mesures permettent de prévoir, pour des agrégats de population, le succès dans l’apprentissage scolaire, la réussite en mathématiques et les risques de délinquance juvénile. Le gradient de comportement des enfants ontariens semble être analogue à celui des enfants du reste du Canada.

♦ Le gradient de la lecture et de l’écriture des jeunes Ontariens est plus accentué que celui des jeunes du Québec et des province s des Prairies. Le Canada fait moins bonne figure qu’un pays comme la Suède. Le développement cérébral durant la petite enfance se répercute de façon importante sur les compétences langagières.

♦ Vu le grand nombre d’enfants ontariens, tous groupes socio-économiques confondus, qui réussissent moins bien qu’ils le devraient d’après leur groupe d’âge, il est clair que le revenu familial n’est pas le seul facteur. Les données de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes montrent que la qualité de l’interaction parents-enfants est un facteur clé durant la petite enfance. Ce fait souligne l’importance de la formation et du soutien des parents. L’Enquête nous a aussi fait découvrir que les enfants issus d’une famille à faible revenu, mais qui participent à des programmes d’éducation à la petite enfance offerts hors du foyer, réussissent mieux que les enfants d’un milieu semblable qui n’y participent pas – un fait que soulignent d’autres études de longue durée sur le développement du jeune enfant.

Si nous voulons avoir une idée assez précise du degré de succès des enfants ontariens, il nous faudra nécessairement améliorer nos façons d’évaluer le développement du jeune enfant. Il faudrait, par exemple, mesurer la capacité d’apprentissage (les aspects santé physique, bien-être, comportement adaptatif, maturité affective, compétences langagières, connaissances générales et aptitudes cognitives) dès que l’enfant commence l’école. Il faudrait également améliorer d’autres façons de mesurer l’état de santé des enfants ontariens, puisque la santé est un facteur déterminant pour l’épanouissement et les aptitudes à l’apprentissage. Dans de nombreux pays industrialisés, les

Étude sur la petite enfance 11

données sur la vaccination sont considérées comme une sorte de « biopsie sociale » montrant indirectement comment se porte la population enfantine. Le contrôle du taux d’immunisation des enfants de deux ans pourrait être effectué grâce à un meilleur accès aux données de facturation (par des codes de facturation établis pour chaque vaccin) et devenir une mesure importante du degré de développement des jeunes enfants.

POUR CONCLURE :

■ Les faits que nous avons présentés au sujet du développement du jeune enfant montrent que l’Ontario peut faire mieux. Nous s avons exactement ce qu’il faut faire pour améliorer la réussite des enfants de toutes les couches sociales.

■ Les preuves que nous avons pu obtenir montrent qu’il est possible d’accroître la réussite d’un grand nombre d’enfants, dans tous les groupes socio-économiques. Par conséquent, les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale profitent à tous les enfants, quelles que soient les conditions socio-économiques dans lesquelles ils évoluent.

■ Le rôle parental est un facteur déterminant du développement du jeune enfant dans tous les groupes socio-économiques. Par conséquent, la formation et le soutien des parents devraient commencer le plus tôt possible après la conception.

■ Les programmes d’éducation à la petite enfance de l’Ontario devraient être universels en ce sens qu’ils devraient être offerts et accessibles à toutes les familles qui désirent y participer, et tous les enfants devraient avoir des chances égales d’atteindre leur plein épanouissement. Les programmes qui ne ciblent que les enfants du groupe socio-économique le plus défavorisé excluent nécessairement un très grand nombre d’enfants et de familles à revenu moyen et à revenu élevé. Le mot « universel » ne signifie pas pour nous que les programmes sont poussés et subventionnés par le gouvernement. Il décrit des mesures prises par les collectivités locales pour créer des centres de la petite enfance et des services de soutien aux parents, qui tiennent compte d’aspects comme la culture, la langue, la religion, etc., aspects importants pour les familles durant les premières années du développement de l’enfant.

■ Ce sont les enfants qui font que la société se perpétue et ce sont eux qui déterminent la qualité de cette société. Les sociétés et les gouvernements ont donc une obligation envers les prochaines générations : celle de mettre au point des systèmes qui garantissent de bonnes conditions parentales, favorisent l’épanouissement du jeune enfant et tiennent compte des facteurs socio-économiques associés à une économie en pleine transformation et de la présence croissante des femmes sur le marché du travail.

■ L’Ontario devrait établir un système de contrôle provincial, qui nous informerait des progrès de l’enfant dès ses débuts à l’école, et même avant si cela est possible. Grâce à une mesure de la « capacité d’apprentissage » (développement cérébral au cours des cinq premières années), les collectivités locales et les gouvernements pourraient cerner les besoins et déterminer si les mesures prises pour améliorer et élargir les programmes d’éducation à la petite enfance donnent de bons résultats. Soulignons qu’il NE S’AGIT PAS d’une mesure de la réussite individuelle, ni d’une mesure servant à cataloguer les enfants selon leurs aptitudes. Enfin, un meilleur suivi de

12 Étude sur la petite enfance

l’immunisation des enfants de deux ans nous renseignerait davantage sur l’état de santé des enfants et devrait, ainsi que le poids à la naissance, faire partie intégrante d’une nouvelle stratégie d’éducation à la petite enfance.

LA DISPARITÉ ENTRE LES POSSIBILITÉS ET LES INVESTISSEMENTS Il y a en Ontario environ 900 000 enfants de six ans et moins. Environ 150 000 bébés naissent chaque année. L’Ontario accueille aussi des familles immigrantes qui ont des bébés et de jeunes enfants. Nous avons examiné les ressources que l’Ontario investit dans des programmes d’éducation à la petite enfance (de la conception à l’âge de six ans).

♦ Le jardin d’enfants est le seul programme offert partout en Ontario aux enfants de moins de six ans. Il représente une sorte de période de transition entre la petite enfance et le système d’enseignement obligatoire. En tenant compte des connaissances actuelles sur le développement cérébral, nous avons inclus la maternelle (enfants de quatre ans) et le jardin d’enfants dans la structure des programmes d’éducation à la petite enfance. Tous les conseils scolaires doivent offrir des classes de jardin d’enfants aux enfants de cinq ans, et 95 % des enfants de cet âge y sont inscrits. Les conseils peuvent offrir ou non des classes de maternelle. En septembre 1998, 68 des 72 conseils scolaires de district offraient des classes de maternelle ou un programme relativement semblable. Les écoles de l’Ontario accueillent dans leurs classes de maternelle et de jardin d’enfants quelque 330 000 enfants (190 000 enfants sont inscrits au jardin d’enfants et 140 000 à la maternelle).

♦ De nombreux programmes de jardin d’enfants et la plupart des programmes de maternelle sont offerts à la demi-journée ou un jour sur deux. Les parents qui travaillent hors du foyer doivent trouver d’autres services pour occuper leurs enfants le reste du temps.

♦ De nombreuses familles ontariennes ont recours à des services de garde d’enfants mais, contrairement aux jardins d’enfants, ce ne sont pas des programmes universels offerts à toutes les familles, quel que soit leur revenu. Les services de garderie forment un tout hétérogène, associant des modèles de prestation et de subvention publics et privés. Les parents doivent se débrouiller comme ils peuvent. Ils doivent voir quels sont leurs besoins, quelles sont leurs ressources monétaires et quels sont les services offerts dans leur quartier. Les services réglementés (garderie, maternelle indépendante et agréée ou garde en milieu familial reconnue) accueillent environ 105 000 enfants de moins de six ans. La plupart offrent un programme d’éducation à la petite enfance. Les gouvernements provincial et municipaux subventionnent environ 55 000 places pour des familles à faible revenu et des enfants aux prises avec des difficultés ou ayant des besoins particuliers. Les critères d’admissibilité varient selon les municipalités. Il en est ainsi du nombre de places : certaines municipalités ont une longue liste d’attente, d’autres sont assez bien pourvues. Le gouvernement provincial subventionne le salaire des éducatrices et éducateurs. Les services réglementés ne représentent qu’un faible pourcentage des services de garderie : seuls 10 % environ des enfants de zéro à six ans sont accueillis dans une garderie réglementée avant la première année scolaire.

♦ Il existe toutes sortes d’autres programmes de soutien aux familles et d’éducation à la petite enfance. En font partie certains des programmes communautaires les plus innovateurs que le

Étude sur la petite enfance 13

comité consultatif a examinés. Mentionnons les programmes d’aide aux familles, les programmes d’aide à l’enfance, les centres de formation des parents et d’alphabétisation pour les familles, le programme d’action communautaire pour les enfants (un programme fédéral), les projets « Better Beginnings, Better Futures » (Ontario), les programmes d’activités de loisirs et d’activités culturelles pour les jeunes enfants et leur famille, et un large éventail de services prénatals et postnatals. Un certain nombre d’entre eux ciblent les familles ou les quartiers dits « à risque ». Il est difficile de déterminer avec exactitude le nombre d’enfants qui profitent de ces programmes, mais leur nombre est sans doute relativement modeste par rapport à l’ensemble des enfants âgés de moins de six ans. La majorité des enfants et de leur famille, y compris les enfants des groupes socio-économiques à revenu moyen et à revenu élevé, pourraient tirer profit des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle de parent.

♦ Les programmes de dépistage et d’intervention précoces sont destinés aux enfants et aux familles qui ont des besoins particuliers, qui ont des difficultés ou qui sont considérés à risque. À titre d’exemple, tous les enfants en bas âge sont examinés grâce au programme « Bébés en santé / Enfants en santé ». Le programme repère les familles jugées extrêmement vulnérables et leur offre de nombreuses visites à domicile. Il aide les parents à mieux comprendre leur rôle, à parfaire leurs facultés d’adaptation et à se valoriser. Étant nouveau, le programme est encore en cours d’élaboration. Au stade actuel, la partie « dépistage » du programme atteint tout le monde, mais les familles qui reçoivent des visites à domicile doivent correspondre à des critères étroits. Toutefois, à mesure qu’il évoluera, le programme pourrait servir de tremplin aux parents et accroître leur participation à des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. Le programme d’épanouissement du tout-petit et le programme d’orthophonie pour enfants d’âge préscolaire sont d’autres exemples de services de dépistage et d’intervention précoces.

♦ Entre autres services offerts aux jeunes enfants et à leur famille, citons les services spécialisés (p. ex., des services de santé mentale, des services pour enfant s handicapés et des services de protection de l’enfant), les services de santé publique que les collectivités doivent, conformément à la loi, offrir à leur population, et les services médicaux financés par le régime d’assurance-maladie de l’Ontario.

La province affecte des fonds considérables (environ 17 milliards) aux programmes pour enfants de moins de 18 ans. Cependant, la plupart des fonds sont investis à partir de l’âge scolaire, soit après la période la plus déterminante du développement cérébral. L’Ontario dépense environ 2 800 $ par année par enfant de moins de six ans (ce montant comprend les fonds affectés à la maternelle et au jardin d’enfants), mais environ 7 250 $ par année par enfant de six à 18 ans. Moins d’un tiers des fonds destinés aux enfants d’âge préscolaire subventionnent des programmes que l’on peut qualifier d’universels, c’est-à-dire des programmes offerts sans condition d’admissibilité à toutes les familles de l’Ontario.

L’Ontario investit depuis longtemps déjà dans des programmes d’éducation à la petite enfance Les derniers services annoncés par le gouvernement actuel fortifient la structure de soutien au jeune enfant. En voici des exemples :

14 Étude sur la petite enfance

♦ L’Ontario est maintenant doté d’un ministre délégué au dossier de l’enfance, qui suit de près les

politiques des ministères et organismes gouvernementaux ayant des répercussions sur les enfants et qui donne des conseils au premier ministre et au Conseil des ministres.

♦ Le gouvernement a fait réaliser la présente étude sur la petite enfance.

♦ Le gouvernement a lancé le programme « Bébés en santé / Enfants en santé », qu’il dote d’un budget annuel de 50 millions de dollars. Le programme consiste en un examen de tous les nouveau-nés et des visites à domicile chez les familles à risque élevé.

♦ Le nouveau programme d’orthophonie pour enfants d’âge préscolaire (20 millions de dollars) vise à dépister et à aider les jeunes enfants qui ont des troubles de la parole et du langage.

♦ Le Bureau des services intégrés pour enfants (qui relève des ministères de la Santé, de l’Éducation et de la Formation, des Services sociaux et communautaires, des Affaires civiques, et de la Culture et des Loisirs) coordonne la prestation des services à l’enfance.

♦ Grâce au supplément de revenu de l’Ontario pour les familles travailleuses ayant des frais de garde d’enfants, les familles à revenu faible ou moyen reçoivent jusqu’à 1 020 $ par année par enfant de moins de sept ans. Plus de 210 000 familles (un total de 350 000 enfants) pourraient en profiter.

♦ Grâce à l’incitatif fiscal pour les garderies en milieu de travail, les entreprises ontariennes obtiennent un dégrèvement fiscal de 30 % pour des dépenses associées à la construction ou à la rénovation d’une garderie en milieu de travail, ou à une contribution financière à des garderies locales qui prennent soin d’enfants dont les parents travaillent.

Les gouvernements ont fait beaucoup, au fil des ans, pour mettre sur pied des programmes favorisant l’épanouissement du jeune enfant. Toutefois, les programmes ont en grande partie ciblé les familles et les quartiers à risque, ou encore consistent en des services de traitement pour les enfants et les familles qui présentent un handicap ou qui sont aux prises avec de graves difficultés, parfois en raison d’un développement insuffisant durant la petite enfance. Il existe toute une gamme de services d’inspiration communautaire, subventionnés par les gouvernements fédéral, provincial et municipaux, les conseils scolaires, le secteur privé, les particuliers et les parents, qui s’occupent d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. Il faut toutefois souligner ce qui suit :

1. il y a une mosaïque de programmes, mais pas de système cohérent pouvant répondre aux besoins variés des familles et des enfants;

2. certaines collectivités locales offrent certes d’excellents programmes, mais ceux-ci ne ciblent qu’une fraction des familles qui ont des enfants d’âge préscolaire.

Étude sur la petite enfance 15

POUR CONCLURE :

■ L’Ontario consacre beaucoup d’argent à l’enfance, mais il affecte environ deux fois et demie plus d’argent annuellement aux enfants après leur entrée à l’école qu’avant. Moins du tiers des fonds destinés aux enfants d’âge préscolaire subventionnent des programmes d’éducation à la petite enfance que l’on peut qualifier d’« universels » et qui ne sont pas axés principalement sur le traitement d’enfants aux prises avec des difficultés.

■ L’Ontario fait beaucoup, depuis très longtemps, aux paliers provincial et communautaire, pour favoriser l’épanouissement du jeune enfant. Cependant, la plupart des programmes ayant été mis sur pied pour régler des problèmes bien particuliers, on trouve en Ontario aujourd’hui un ensemble disparate de programmes axés principalement sur le traitement, au lieu d’un réseau intégré de services d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental offerts sans condition particulière à tous les jeunes enfants et à leur famille.

■ Étant donné que tous les enfants et leur famille, quelle que soit leur situation socio-économique, peuvent tirer profit des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, il importe que les programmes soient accessibles aux familles de tous les groupes socio-économiques.

■ Dans un certain nombre d’années, les programmes communautaires et les investissements accrus (publics et privés) porteront leurs fruits grâce à une population mieux équipée pour affronter avec confiance la nouvelle économie mondialisée. Le gouvernement provincial doit jouer un rôle prépondérant et faire en sorte que les programmes d’éducation à la petite enfance soient adaptés aux besoins des collectivités locales. À long terme, il est bien moins coûteux d’investir dans la jeune enfance que de remédier plus tard par des traitements et des services de soutien à des problèmes qui remontent à la petite enfance.

■ D’autres gouvernements de pays industrialisés (États-Unis et pays européens) et en voie de développement (UNICEF et Banque mondiale) prennent des mesures pour favoriser l’épanouissement de tous les jeunes enfants de leurs collectivités.

ÉTENDRE LES PROGRAMMES PROMETTEURS DANS LES COLLECTIVITÉS Des membres du comité consultatif ont visité en Ontario plusieurs endroits offrant des services d’aide à la petite enfance. Nous avons trouvé qu’un grand nombre de collectivités réussissaient très bien, grâce à la collaboration de leurs citoyens, à incorporer leurs propres ressources à celles des programmes provinciaux et fédéraux. Elles comptent sur l’ingéniosité et l’esprit d’initiative de leur population pour surmonter toutes sortes d’obstacles (champs de compétence, obtention de subventions et contraintes administratives). Nous avons aussi rencontré des groupes de parents, des enseignants et enseignantes du jardin d’enfants et de l’enseignement primaire, des éducateurs et éducatrices de la petite enfance, des travailleurs et travailleuses d’aide à la famille, des spécialistes des soins de santé, des particuliers connaissant très bien certains aspects du développement du jeune enfant et bien d’autres groupes et particuliers, y compris un large éventail d’organismes provinciaux s’intéressant à l’enfance. Les

16 Étude sur la petite enfance

groupes que nous avons rencontrés sont tous mentionnés à la fin du rapport. Voici quelques-unes des nombreuses choses que nous avons apprises au contact des personnes et des groupes rencontrés :

♦ L’Ontario devrait tirer profit des atouts et des capacités que possèdent déjà les collectivités.

♦ Les parents doivent jouer un rôle clé dans les programmes d’éducation à la petite enfance.

♦ Les services de garde d’enfants et d’éducation à la petite enfance sont un besoin important des familles.

♦ L’Ontario et ses collectivités locales peuvent et doivent mieux exploiter les ressources et les installations publiques, particulièrement les écoles, pour les programmes d’éducation à la petite enfance.

♦ Les centres locaux ont besoin, pour accroître leur efficacité, d’un ensemble cohérent et bien étoffé de programmes provinciaux d’éducation à la petite enfance et de formation parentale.

♦ Les arts et les loisirs sont également une façon de favoriser l’épanouissement du jeune enfant. Il ne faut pas les ignorer.

♦ Il existe une collaboration entre les pourvoyeurs de soins à la petite enfance et les organismes provinciaux et municipaux. Les services de police communautaire en sont un exemple.

♦ Des mesures incitatives seraient peut-être nécessaires pour obtenir l’appui du monde des affaires.

♦ Certains modèles d’inspiration locale peuvent être adoptés par d’autres collectivités. Mais les initiatives locales et la diversité des collectivités doivent être respectées.

♦ Il faut encourager l’esprit d’initiative local en accordant une plus grande autonomie et davantage de ressources aux collectivités.

♦ Le secteur privé peut et doit faire preuve d’initiative et appuyer financièrement le développement du jeune enfant et la formation des parents, en milieu de travail et ailleurs.

♦ Les services ciblant les enfants et les familles vulnérables ou aux prises avec des difficultés sont bien sûr nécessaires, mais ils donnent de meilleurs résultats lorsqu’ils font partie d’un réseau de services offerts à tout le monde sans exception.

♦ Les parents de tous les groupes socio-économiques auraient avantage à recevoir des conseils et de l’aide pour parfaire leurs compétences parentales.

♦ Les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental doivent s’étendre à tous les enfants, y compris ceux qui sont handicapés ou qui ont des besoins particuliers.

♦ Il ne faudrait pas accroître les ressources investies dans la petite enfance au détriment des services qui aident les enfants d’âge scolaire et les jeunes à surmonter un handicap.

Étude sur la petite enfance 17

♦ Il faut développer l’échange des connaissances acquises en matière de petite enfance et en

promouvoir la diffusion dans le public. Il y a en Ontario une bonne base communautaire sur laquelle on peut bâtir un réseau provincial de centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale pour les familles et les enfants, de la conception à l’âge scolaire. Le financement des programmes et services actuels provient de sources variées (gouvernements, fondations, dons de bienfaisance, cotisations, secteur privé). Un certain nombre de bons services d’éducation à la petite enfance fonctionnent selon le schéma d’une roue à rayons (c.-à-d. un centre offrant un savoir-faire et un soutien à un réseau de programmes à domicile ou d’autres emplacements « satellites »), pour assurer la qualité des services spécialisés et en garantir l’accès. Ils offrent un modèle global de soutien homogène et d’intervention précoce pour les enfants et les familles dans le besoin. Nous avons été très surpris de l’ampleur de la participation au sein des collectivités. De nombreuses mères recevant de l’aide sociale ont acquis les compétences et l’assurance nécessaires pour jouer un rôle important au sein de la collectivité. De nombreux grands-parents sont devenus l’« épine dorsale » des programmes d’aide précoce à l’apprentissage et de formation au rôle parental. De nombreux gens d’affaires à la retraite proposent leur savoir-faire pour faire démarrer des projets. Des fondations ont décidé de privilégier l’aide à la petite enfance. Des organismes communautaires consacrent une partie de leur énergie et de leurs ressources à créer de bons modèles de soutien aux parents et aux jeunes enfants. Les écoles sont bien souvent au centre de la roue. Certains craignent que les changements que subit le système d’enseignement puissent être néfastes au réseau d’aide à la petite enfance, soit parce que des écoles devront fermer leurs portes, soit parce qu’il n’y aurait plus de locaux à coût abordable où offrir les programmes d’éducation à la petite enfance (un grand nombre de garderies sont situées dans une école). La collectivité francophone a peur de perdre son programme de jardin d’enfants de journée complète qui l’aide à sauvegarder sa langue et son identité culturelle. De bons programmes de jardin d’enfants font nécessairement partie intégrante des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation des parents. Vu la nature de nos institutions et la pénurie des ressources, l’enjeu consiste à trouver le moyen de lier le jardin d’enfants à la petite enfance. On peut concevoir le jardin d’enfants comme faisant partie aussi bien du développement de la petite enfance que du système d’enseignement. Les programmes d’éducation à la petite enfance et le système d’enseignement devraient idéalement former un tout homogène, de la petite enfance à l’âge adulte. Le cerveau se développe sans discontinuité et les expériences vécues pendant les premières années posent les fondements des aptitudes à l’apprentissage en milieu scolaire. La société devra toutefois résoudre de nombreuses questions complexes avant de pouvoir jouir d’une meilleure interaction entre les programmes d’éducation à la petite enfance et le système d’enseignement.

18 Étude sur la petite enfance

POUR CONCLURE :

■ Dans la plupart des collectivités rurales et urbaines, il existe des programmes, mis en œuvre aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, que l’on pourrait utiliser comme modèles pour créer un réseau plus vigoureux et plus polyvalent de centres de la petite enfance et de formation parentale profitant à tous les enfants ontariens.

■ Les programmes gouvernementaux devraient être conçus, dans la mesure du possible, de manière à s’intégrer aux services d’inspiration communautaire au lieu de créer des obstacles au rapprochement et aux partenariats.

■ Les programmes d’éducation à la petite enfance qui semblent être dynamiques et vigoureux incorporent le plus d’éléments possible des secteurs public, privé et municipaux.

■ Les entreprises à vocation sociale sont une des locomotives du changement dans les collectivités. Le gouvernement pourrait songer à créer un fonds pour appuyer les projets pour de telles entreprises. Il est important d’élaborer de bonnes stratégies visant à soutenir les initiatives prises à l’échelon local.

■ Toutes sortes d’endroits pourraient servir de centres de la petite enfance et de formation parentale. Pensons notamment aux « satellites » que pourraient être des locaux d’entreprises privées, des écoles et des foyers. Quels que soient les endroits choisis, il faut qu’ils soient facilement accessibles aux parents.

■ Les centres de la petite enfance et de formation parentale doivent offrir des programmes de qualité favorisant l’épanouissement du jeune enfant et être sensibles aux réalités suivantes :

i. la diversité culturelle, ethnique, linguistique et communautaire;

ii. les enjeux complexes de la participation intergouvernementale;

iii. l’utilisation optimale des ressources actuelles;

iv. l’établissement par le gouvernement de normes et d’indicateurs de rendement qui tiennent compte des caractéristiques locales.

Ceci étant dit, nous croyons qu’il faut adopter une méthode évolutive, axée sur les collectivités, pour créer des centres de la petite enfance et de formation parentale qui s’appuient sur les programmes déjà offerts dans les collectivités. Nous devrions utiliser cette démarche pour mettre sur pied, à terme, des centres de la petite enfance accessibles aux enfants de toutes les couches sociales. Étant donné l’importance de la petite enfance et le soutien dont ont besoin tous les groupes socio-économiques, la structure (développement et mesures incitatives) devrait faire appel à la participation des gouvernements et à celle des secteurs public et privé au sein des collectivités.

Étude sur la petite enfance 19

CONCEPTION D’UN PROGRAMME D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE ET DE FORMATION PARENTALE

♦ Nous savons que les conditions socioéconomiques de la société contemporaine posent un grand défi aux institutions et qu’elles se répercutent sur les familles et le développement de leurs jeunes enfants.

♦ Nous comprenons maintenant comment le développement cérébral durant la petite enfance a un effet déterminant sur les aptitudes à l’apprentissage, le comportement et la santé tout au long de la vie.

♦ Une société qui désire une population hautement compétente, capable de s’adapter aux exigences de l’économie mondiale fondée sur la matière grise, doit faire en sorte que tous ses enfants obtiennent la meilleure stimulation et la meilleure alimentation possible durant la période décisive de la petite enfance, quelles que soient les circonstances familiales.

♦ Les familles changent, et c’est pourquoi les parents ont besoin d’une aide accrue hors des modes de soutien inter-générationnels classiques.

♦ Il est tout aussi important d’investir dans la petite enfance que dans la santé et l’enseignement primaire, secondaire et postsecondaire.

♦ L’investissement dans la petite enfance fera réaliser des gains économiques importants à la société d’aujourd’hui et de demain.

Nous envisageons un réseau de centres de la petite enfance et de formation parentale offrant un soutien aux enfants et à leur famille, de la conception à la première année scolaire. Un tel réseau fournirait aux familles et aux enfants un soutien optimal durant la période la plus déterminante du développement cérébral. Il s’appuierait sur les nombreux programmes ontariens des secteurs public et privé qui existent déjà, dont les garderies agréées, les maternelles indépendantes et agréées, les jardins d’enfants, les programmes d’aide aux familles et aux jeunes enfants, et les services d’intervention précoce. Dans cette partie, nous abordons :

1. les éléments que doivent comporter les centres de la petite enfance et de formation parentale; et,

2. la façon de concilier la conception idéale d’un réseau de centres de la petite enfance et la mise en œuvre des autres éléments de la structure d’aide aux familles (congés parentaux et congés de maternité accrus, meilleures prestations de congé parental et de maternité, lieux de travail tenant compte de la vie de famille, stimulants fiscaux, indicateur de rendement autonome et intégré et réseaux d’information communautaires).

20 Étude sur la petite enfance

Les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental

Les centres de la petite enfance et de formation parentale font partie d’un réseau intégré de services offerts de la conception à l’âge de six ans, c’est-à-dire durant la période décisive du développement cérébral.

Les centres de la petite enfance et de formation parentale organisent toutes sortes d’activités à l’intention des adultes et des enfants. Les besoins particuliers des collectivités, y compris les contextes culturels et linguistiques, déterminent le choix des activités offertes et la façon dont elles sont organisées.

Les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale s’appuient sur les principes suivants :

1. Ils sont offerts facultativement, à un prix abordable, à tous les jeunes enfants de l’Ontario et à leur famille avant l’entrée à l’école (les parents ont le choix d’amener ou non leurs enfants).

2. Ils sont destinés tant aux parents qu’aux enfants.

3. Ils offrent aux enfants un milieu où participer, avec d’autres enfants et des adultes, à un apprentissage par la résolution ludique de problèmes.

4. De bons rapports entre adultes (parents et éducateurs) et enfants favorisent l’apprentissage par le jeu.

5. De bons programmes enseignent aux parents et à d’autres pourvoyeurs de soins de divers milieux ethniques et culturels les rudiments des mathématiques, de la lecture et de l’écriture.

6. Les programmes de formation parentale offrent un soutien aux parents et aux autres pourvoyeurs de soins.

7. Les parents qui participent à des programmes d’éducation à la petite enfance sont mieux équipés pour favoriser l’apprentissage du jeune enfant et créer, au foyer, le milieu le plus propice possible à l’épanouissement de leur enfant.

8. Les centres doivent être pourvus des ressources matérielles et humaines nécessaires pour garantir la participation de tous les enfants, y compris ceux qui ont un handicap (incapacité physique, troubles du développement, troubles de l’apprentissage, troubles du comportement, etc.).

9. Les centres de la petite enfance et de formation parentale doivent aller au-devant des personnes qui ont besoin de leurs services, sinon les familles et les enfants qui ont le plus besoin d’être aidés pourraient être oubliés.

10. Peu importe où ils se trouvent, les centres de la petite enfance et de formation parentale devraient entretenir un lien avec l’école primaire du quartier et d’autres établissements publics (bibliothèque, centre de loisirs, centres culturels, etc.).

11. Les centres de la petite enfance et de formation parentale offrent un ensemble cohérent de services qui répondent aux besoins des enfants et des parents, au foyer, au travail et à l’école.

12. L’efficacité des centres de la petite enfance devrait être évaluée au moyen d’une mesure de la capacité d’apprentissage, lorsque les enfants commencent l’école.

Étude sur la petite enfance 21

Les centres de la petite enfance et de formation parentale doivent être sensibles aux besoins particuliers de leur collectivité. Il n’y a donc pas de modèle unique, valable pour tous. Les centres auront comme composantes centrales :

i. des activités d’éducation de la petite enfance et de formation parentale;

ii. des visites à domicile;

iii. des services offerts dans des foyers satellites;

iv. des services de dépistage et d’intervention précoces. Les centres doivent aller au-devant des familles qui pourraient avoir besoin d’une aide supplémentaire ou d’un peu plus d’encouragement pour profiter des services offerts. De la conception d’un modèle idéal à sa mise en œuvre

Il existe à l’heure actuelle une mosaïque de services et de programmes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. Selon le comité consultatif, il y aurait lieu d’élargir ces programmes et services et de les fusionner en un programme constitué de centres de la petite enfance d’inspiration communautaire dont bénéficieraient les jeunes enfants de l’Ontario et leur famille. Le gouvernement (par les ministères et les organismes publics, ou en dehors de ceux-ci) pourrait établir un cadre et une stratégie donnant aux collectivités les moyen s d’instituer des centres de la petite enfance adaptés aux besoins de leur population. Le cadre établirait une législation et des normes communes. Les modes de financement seraient clairement définis, pour que les centres de la petite enfance soient accessibles à tous les jeunes enfants et à leur famille, à un prix abordable. Le gouvernement provincial et les collectivités devront régler beaucoup de questions épineuses pour regrouper en un tout cohérent les nombreux programmes et services d’éducation à la petite enfance qui existent à l’heure actuelle. Autres éléments d’un réseau de centres de la petite enfance et de formation parentale

Les centres de la petite enfance et de formation parentale offrent des services commodes et polyvalents aux jeunes enfants et à leur famille. Pour être efficaces, ils doivent toutefois s’appuyer sur les autres éléments de la structure d’aide :

♦ Des congés parentaux et de maternité d’une durée accrue favoriseraient la santé et le bien-être des enfants de moins d’un an. De tels congés favoriseraient les rapports parents-enfants et l’allaitement maternel. Ils poseraient les fondations d’un bon « parentage ».

♦ Les lieux de travail tenant compte de la famille offrent aux parents une certaine flexibilité quand ils en ont besoin. En sont des exemples les modalités de travail flexibles, les congés rémunérés sans aucune condition, l’utilisation des avantages sociaux et les centres de la petite enfance et de formation parentale situés sur le lieu de travail. Des lieux de travail peuvent même servir de « noyau » à un réseau pour la petite enfance et la formation parentale.

22 Étude sur la petite enfance

♦ Des stimulants fiscaux pourraient encourager les secteurs privé et public à partager les coûts

associés aux centres de la petite enfance et de formation parentale. Ils pourraient aussi favoriser l’innovation au sein des collectivités et encourager le secteur privé à apporter une contribution financière.

♦ La conception et l’emploi d’indicateurs de rendement (p. ex., les taux d’immunisation à l’âge de deux ans et une mesure de la capacité d’apprentissage avant l’entrée à l’école) nous informeraient sur le développement cérébral du jeune enfant, tout comme le poids à la naissance informe sur le développement prénatal. Les indicateurs du degré de développement du jeune enfant doivent être reliés à d’autres données sur la santé et l’apprentissage. On pourrait ainsi avoir une certaine idée de l’état d’épanouissement des enfants à différentes étapes de leur développement.

♦ Les réseaux d’information communautaires seraient un moyen efficace pour la population de se renseigner sur les services d’éducation à la petite enfance qui lui sont offerts. Ils pourraient aussi favoriser la diffusion de renseignements entre les groupes de la province.

POUR CONCLURE :

■ Pour que la société appuie concrètement le développement du jeune enfant, il faut que toute la population comprenne et apprécie le rôle capital que joue la petite enfance dans le développement de l’être humain. Pour améliorer la situation de tous les jeunes enfants, la société doit vouloir créer et soutenir financièrement des centres de la petite enfance et de formation parentale. Il est essentiel pour cela et pour l’intégration des différents secteurs de la société que la participation, tant publique que privée, soit générale. Une certaine cohésion sociale est donc requise pour créer ce qu’on appelle souvent le « capital social » – facteur clé d’un essor économique durable et d’une société démocratique et tolérante.

■ Nous sommes en outre conscients que les centres de la petite enfance et de formation parentale doivent être sensibles aux particularités culturelles, ethniques, linguistiques et autres des collectivités et des familles, ainsi qu’aux besoins de tous les enfants, quelles que soient leurs aptitudes. Les centres devraient être situés à des endroits différents, allant des foyers aux écoles, en passant par les entreprises. On ne peut créer un réseau polyvalent de centres de la petite enfance offrant des services divers selon un modèle centralisé et bureaucratique. Par conséquent, nous préconisons des centres d’inspiration communautaire, faisant participer aussi bien le secteur privé que le secteur public. C’est en somme la façon dont nous avons mis au point le système d’enseignement postsecondaire (par contraste avec le système éducatif).

■ Les services doivent être facultatifs, offerts à un prix abordable et accessibles aux parents de tous les groupes socio-économiques de l’Ontario. Ils doivent favoriser l’égalité d’accès afin d’assurer l’épanouissement optimal des jeunes enfants. La création du nouveau programme d’éducation à la petite enfance nécessitera le regroupement en un tout cohérent des programmes et services actuels.

Étude sur la petite enfance 23

■ Le système que nous défendons comprend les éléments suivants :

i. des centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental établis dans les collectivités locales et faisant participer les secteurs public et privé;

ii. de meilleurs congés parentaux et de maternité, pour tous les parents;

iii. des lieux de travail tenant compte de la vie de famille;

iv. des stimulants fiscaux favorisant la création de nouveaux centres de la petite enfance dans les collectivités;

v. un indicateur intégré et autonome du développement de l’être humain;

vi. un réseau de centres d’information communautaires.

■ Ce que nous préconisons est en fait un programme d’éducation à la petite enfance de « premier palier » qui serait aussi important que les systèmes d’enseignement élémentaire et secondaire et de formation postsecondaire. Le système serait constitué de centres d’inspiration communautaire, jouissant d’une autonomie locale, mais rattachés à une structure provinciale.

24 Étude sur la petite enfance

25 Étude sur la petite enfance

Chapitre 1 LES NEUROSCIENCES ET LE DÉVELOPPEMENT DES JEUNES ENFANTS Les auteurs de l’Étude sur la petite enfance se sont d’abord penchés sur les observations recueillies par les chercheurs de diverses disciplines, dont la sociologie, les neurosciences, la pédiatrie, l’épidémiologie et la psychologie du développement, pour ce qui est de :

♦ l’importance cruciale du développement, et particulièrement du développement cérébral, dans la petite enfance, et la manière dont il influe sur l’apprentissage, le comportement et la santé tout au long du cycle de vie; et

♦ l’influence majeure des expériences et des environnements, dont la participation active des parents, sur le développement du jeune enfant.

La fusion des connaissances neuroscientifiques et des connaissances sur le développement nous permet de mieux comprendre à quel point les premières années de la vie sont déterminantes pour l’avenir de l’enfant. Nous commençons à percevoir les liens entre la façon dont le cerveau se développe et les mécanismes neurologiques et biologiques qui influent sur l’apprentissage, le comportement et la santé tout au long de la vie. Ces nouvelles données ne font que confirmer les préceptes de bon « maternage » que les parents appliquent depuis des siècles. Les mères et les pères ont en effet toujours su que le bébé et le jeune enfant ont besoin d’amour et de soins. Mais ce que ces nouvelles connaissances sur le développement cérébral ont de profondément fascinant, c’est qu’elles nous font comprendre comment une bonne éducation et de bons soins, une bonne alimentation et une bonne santé au cours de la petite enfance posent les fondements du développement cérébral, et à quel point ces fondements sont importants pour les étapes ultérieures de la vie. L Les mots « éducation » et « maternage » tels qu’ils sont utilisés dans ce rapport font référence à la « stimulation positive » que vit un enfant. En effet, la stimulation peut être négative ou positive. À titre d’exemple, les stimuli provenant d’un milieu familial violent peuvent avoir des conséquences fâcheuses pour le développement psychique du jeune enfant et favoriser plus tard chez lui des réactions non appropriées au stress. Il s’agirait dans ce cas de stimulation négative. Nous employons également les mots « engagement » et « participation » des adultes (surtout les parents) pour signifier une participation active et réceptive au développement du jeune enfant (lire un livre au tout-petit assis sur ses genoux, encourager et féliciter l’enfant, jouer et rire avec lui, etc.)

Le présent chapitre développe six aspects reliés aux neurosciences et au développement des jeunes enfants à partir des conclusions de diverses études sur le développement humain et les animaux.

Les six points sont les suivants :

1. Le développement cérébral dans la petite enfance est interactif, rapide et fulgurant.

2. Durant les périodes critiques, des régions particulières du cerveau ont besoin d’une stimulation positive pour se développer correctement.

3. La qualité de la stimulation sensorielle durant la petite enfance influe sur l’aptitude du cerveau à réfléchir et à contrôler les fonctions physiologiques.

4. Les expériences négatives vécues durant la petite enfance ont des effets durables qui peuvent s’avérer difficiles à surmonter par la suite.

5. Une bonne alimentation, des soins et une éducation adéquats favorisent un développement cérébral et physique optimal pendant la petite enfance et influencent l’apprentissage et le comportement par la suite.

6. Il existe des programmes qui favorisent le développement des jeunes enfants.

LE DÉVELOPPEMENT CÉRÉBRAL DANS LA PETITE ENFANCE EST INTERACTIF, RAPIDE ET FULGURANT Les psychologues du développement étudient depuis longtemps comment les enfants se développent et apprennent, en observant et en évaluant leur comportement et leurs compétences à divers âges. Cependant, leurs constatations sur l’importance du développement du jeune enfant et ses effets possibles à long terme n’avaient pas attiré l’attention du public jusqu’à tout récemment. Au cours des 10 à 15 dernière s années, les neurosciences ont permis l’explosion des connaissances concernant le cerveau et les liens qui existent entre le développement cérébral du jeune enfant et les difficultés qu’il pourra rencontrer plus tard en ce qui concerne son apprentissage, son comportement et sa santé. Les nouvelles découvertes découlent de la recherche fondamentale en neurosciences, des nouvelles technologies qui permettent aux spécialistes des neurosciences d’obtenir des images du cerveau humain et d’étudier son activité à divers stades de développement, des recherches en neurobiologie et de l’intégration des nouvelles connaissances. Avant ces découvertes fascinantes sur le développement cérébral du jeune enfant, on pensait généralement que l’architecture du cerveau était largement déterminée dès la naissance par les caractéristiques génétiques dont l’individu héritait de ses parents. Les scientifiques ont maintenant établi qu’une immense partie du développement cérébral se produit entre la conception et l’âge d’un an. De plus, on comprend mieux maintenant comment les stimuli vécus par l’enfant avant l’âge de trois ans influent sur le « câblage » des cellules nerveuses (les neurones) et les voies neuronales du cerveau. L’interaction active entre la stimulation précoce du cerveau, par le biais des canaux sensoriels, et la structure génétique fondamentale du cerveau a un effet direct et décisif sur le développement cérébral de l’enfant, qui, à son tour, a des répercussions à long terme sur l’adulte que l’enfant deviendra. Le développement humain ne repose pas sur une opposition entre hérédité et éducation, mais plutôt sur l’interaction entre ces deux éléments.

26 Étude sur la petite enfance

Une grande partie du développement du cerveau se fait avant la naissance. Tout au début du stade embryonnaire (soit deux semaines après la conception) se forme le tube neural qui deviendra le cerveau et la colonne vertébrale. À partir de quelques cellules, le cerveau produit des milliards de neurones. Or, la majeure partie de toutes les cellules du cerveau d’un être humain est produite entre le quatrième et le septième mois de grossesse. Une fois que les neurones sont formés, ils doivent migrer jusqu’à leur emplacement désigné et former des connexions. Une migration massive de cellules a lieu lorsque le fœtus a environ quatre mois et demi.1 Un enfant né à terme est doté de milliards de neurones qui doivent former des milliards et des milliards (dix puissance 24) de connexions pour fonctionner correctement. En réponse aux stimuli du milieu reçus par les organes des sens (yeux, oreilles, nez, langue, peau, articulations musculaires, etc.), les neurones dans la partie correspondante du cerveau forment des connexions, appelées synapses, qui permettent au cerveau de reconnaître les signaux des organes des sens. Durant les trois premières années de vie, on constate une grande intensité dans la production de synapses et de voies neuronales, particulièrement pendant la grossesse et la première année; la production se poursuit, mais à un rythme décroissant, jusqu’à l’âge de 10 ans, et pour certaines fonctions, elle continue tout au long de la vie. Ce processus est souvent nommé le câblage du cerveau. Pendant que s’effectue ce câblage au début du développement, il se produit également un processus important d’élagage des neurones, des synapses et même des voies neuronales qui ne subissent pas de stimulation. Ceux qui ne sont pas utilisés ou qui ne sont pas efficaces sont éliminés. Ce processus crucial est une forme de sculpture : il fait apparaître en les formant les schémas (encastrés dans la masse des cellules) qui dureront toute la vie, tandis que l’excédent est éliminé.

REPENSER LE CERVEAU ANCIENNE THÉORIE NOUVELLE THÉORIE

Le développement du cerveau est fonction des gènes hérités.

Le développement du cerveau dépend d’une interaction complexe entre les gènes hérités et les expériences vécues.

Les expériences vécues avant l’âge de trois ans ont un effet limité sur le développement ultérieur.

Les expériences de la petite enfance ont une importance décisive sur l’architecture du cerveau, et sur la nature et l’envergure des aptitudes de l’adulte.

Une relation sûre avec le principal pourvoyeur de soins primaires crée un contexte propice au développement et à l’apprentissage.

Les interactions précoces ne créent pas seulement le contexte, elles influent directement sur le « câblage » du cerveau.

Le développement cérébral est linéaire : l’aptitude du cerveau à apprendre et à changer croît régulièrement au fur et à mesure que l’enfant vieillit et atteint l’âge adulte.

Le développement cérébral est non linéaire : il y a des périodes privilégiées pour l’acquisition de certaines connaissances et aptitudes.

Le cerveau d’un tout-petit est bien moins actif que le cerveau d’un étudiant de niveau universitaire.

Lorsqu’un enfant atteint l’âge de trois ans, son cerveau est deux fois plus actif que celui d’un adulte. Les niveaux d’activité baissent au cours de l’adolescence.

Shore (1997)

Étude sur la petite enfance 27

Un rapport intitulé Rethinking the Brain du Families and Work Institute aux États-Unis (et rédigé par Rima Shore) propose une description utile de ce processus de développement cérébral :

« Lorsqu’un stimulus [sensoriel] active une voie neuronale, les synapses qui le forment reçoivent et emmagasinent un signal chimique. Une activation répétée augmente la force de ce signal. Lorsque celui-ci atteint un certain seuil (qui varie selon les différentes régions du cerveau), il se passe quelque chose d’extraordinaire : la synapse ne peut plus être éliminée et elle conserve cette protection jusqu’à l’âge adulte. Les scientifiques ne comprennent pas totalement le mécanisme qui régit cette fonction, mais ils soupçonnent que l’activité électrique produite par l’activation des voies neuronales donne lieu à des modifications chimiques qui stabilisent la synapse ».2

Cette compréhension nouvelle de la manière dont les stimulations sensorielles – comme le toucher, la vue, les sons, la douleur, le goût, les odeurs, la température et le mouvement (système proprioceptif) – influent sur la structure et les fonctions du cerveau pendant la petite enfance, a modifié notre façon d’envisager le développement cérébral. Rima Shore et ses collègues ont mis en évidence ce changement de point de vue, comme le résume le tableau ci-dessus.3

DURANT CERTAINES PÉRIODES CRITIQUES, DES RÉGIONS PARTICULIÈRES DU CERVEAU ONT BESOIN D’UNE STIMULATION POSITIVE POUR SE DÉVELOPPER CORRECTEMENT Les preuves de l’importance de la stimulation sensorielle dans le développement cérébral découlent des travaux de David Hubel4, 5 e t Torsten Wiesel5, 6 couronnés par un prix Nobel. Ces chercheurs se demandaient ce qui arrivait à la vision des enfants nés avec une cataracte congénitale. Une fois la cataracte éliminée, ces enfants ne recouvraient pas une vue normale. Pourtant, les adultes ayant développé une cataracte retrouvaient une vue normale une fois le problème éliminé. Cette recherche a amené Hubel et Wiesel à conclure que le cortex de l’enfant qui était lié au nerf optique avait besoin de recevoir les signaux sensoriels de l’œil pour former les connexions nerveuses permettant de percevoir ce que voit l’œil. (Figure 1.1) Étant donné que l’élimination de la cataracte chez les jeunes enfants ne menait pas au développement d’une vue normale, il devait exister une période critique où les stimuli sensoriels des deux yeux entraînaient le câblage du cortex visuel. Ils ont donc avancé les concepts innovateurs suivants :

♦ les canaux sensoriels du corps ont une importance critique pour le développement cérébral pendant les premières années de la vie;

♦ il existe une période critique au cours de laquelle une voie sensorielle, comme la vision, stimule le câblage des neurones dans la partie correspondante du cortex; et

♦ s’il y a absence de stimulation visuelle durant cette période critique et que des déficiences se manifestent dans le développement du cortex responsable de la vision, il sera impossible d’y remédier à des stades ultérieurs du développement.

28 Étude sur la petite enfance

FIGURE 1.1 LA CONNEXION ENTRE L’ŒIL ET LE CERVEAU

Le niveau de plasticité cérébrale (période critique) dépend dedéveloppement et la région du cerveau ou système cérébral. marquent des étapes du développement de certaines parties opériodes de la petite enfance où le cerveau est idéalement sensensoriel et développer des structures neuronales plus avancémodelage. Le cerveau humain est formé de quatre éléments principaux système limbique et le cortex. Chaque élément remplit différplusieurs systèmes d’embranchements interactifs formés de rtravaillent ensemble pour remplir des fonctions particulièreset les réactions (excitation, émotions et pensée) dans diverse

♦ Le cortex est une région complexe responsable des systèabstraite.

♦ Le système limbique est responsable de tous les aspects al’attachement.

♦ Le cerveau moyen travaille avec le tronc cérébral pour ml’appétit et le sommeil.

♦ Le tronc cérébral régit les fonctions essentielles comme lla fréquence cardiaque et la pression artérielle.

La figure 1.1 représente la connexion entre l’œil et le cortex visuel. Lors de la période critique suivant la naissance, l’œil transmet des signaux au cortex en passant par le corps genouillé latéral et établit les connexions parmi les neurones du cortex visuel pour permettre la vision normale.

McEwen et Schmeck (1994)

deux facteurs : le stade de Les périodes critiques ou sensibles u fonctions du cerveau. Il s’agit de sibilisé pour recevoir un apport es, grâce aux procédés de câblage et de

: le tronc cérébral, le cerveau moyen, le entes fonctions. Le cerveau comprend éseaux neuronaux. Ces divers systèmes

, telles que régir les sens (vue, ouïe, etc.) s régions du cerveau :8

mes du langage et de la cognition

ffectifs, dont la régulation (affective) et

odifier l’état d’excitation et contrôler

a respiration, la température corporelle,

Étude sur la petite enfance 29

Le fait de reconnaître qu’une grande partie de la structure et des fonctions essentielles du cerveau sont mises en place dans la petite enfance a soulevé des questions sur la façon dont sont ancrés les émotions et les schémas d’excitation (la réaction à une stimulation ou au stress). De récentes études, inspirées en partie des travaux sur la vue, montrent que les interconnexions entre la région cérébrale recevant les impulsions des chaînes sensorielles et les autres régions cérébrales sont également en cours de formation durant la petite enfance et avant. Certains aspects de la fonction cérébrale peuvent être plus malléables à des étapes ultérieures de la vie. Mais il semble, d’après les plus récentes observations, que les interconnexions cérébrales perdent une bonne partie de leur plasticité fonctionnelle lors des étapes ultérieures du développement. Il appert qu’une fois les systèmes de régulation (la régulation affective et l’excitation dans le système limbique et le cerveau moyen) organisés dès un jeune âge, il peut s’avérer difficile de les modifier, alors que d’autres fonctions cérébrales fondamentales conservent une certaine souplesse. Le tronc cérébral est développé à la naissance, tandis que certaines parties du cortex se développent plus tard et que d’autres restent malléables tout au long de la vie. Cynader et Frost9 ont conclu que, en plus de la vue...

« ... il n’y a pas de doute qu’il se produit, dans d’autres régions du cerveau, une sélection similaire des voies et des structures neuronales qui sont sensibles à l’utilisation qu’on en fait. Plusieurs exemples en témoignent pour d’autres voies sensorielles, dont la recherche sur les troubles auditifs (ouïe), l’odorat et le toucher.9 Il existe des arguments solides démontrant l’existence de périodes critiques dans le développement des fonctions cognitives supérieures, par exemple le traitement du langage ».10

Cynader et Frost soulignent par exemple que le meilleur temps pour apprendre une nouvelle langue, c’est lorsqu’on est relativement jeune. Tous les jeunes enfants, dans la phase du babillage, peuvent émettre le son guttural « ch » (en alphabet phonétique) qui est utilisé dans plusieurs langues, dont le japonais, l’espagnol et l’allemand, mais pas en français. Or, les enfants qui grandissent dans un milieu francophone perdent la faculté de prononcer ce son. Les neurosciences et la psychologie expérimentale du développement ont joint leurs efforts pour définir ce qui semble constituer des périodes critiques dans la petite enfance. La figure 1.2 illustre ce qu’elles sont pour certains éléments de la fonction et du développement cérébraux.11 Or, une fois l’âge de six ans atteint, la plupart de ces périodes critiques sont révolues ou en déclin. Comme nous l’avons dit, les périodes critiques de connexion des voies sensorielles avec le cortex semblent se produire en synergie avec d’autres fonctions essentielles du cerveau, comme les comportements d’excitation et de maîtrise des émotions. Le câblage des voies sensorielles cérébrales semble être plus efficace s’il peut intégrer un apport sensoriel de qualité par plusieurs voies à la fois, et particulièrement pendant les périodes de développement critiques. La stimulation sensorielle positive qu’apportent les soins et l’éducation renforce les capacités cérébrales pour d’autres fonctions comme le développement cognitif, la stabilité affective, l’attachement et les réponses normales et équilibrées d’excitation. Une stimulation insuffisante, ou ce qu’on pourrait appeler une stimulation sensorielle négative, peut mener à un développement insuffisant des régions du cerveau qui interviennent dans ces fonctions.

30 Étude sur la petite enfance

FIGURE 1.2 PÉRIODES CRITIQUES POUR CERTAINS ASPECTS DU DÉVELOPPEMENT ET DU FONCTIONNEMENT DU CERVEAU

Une fois passées les périodes critiques de développement cérébral, certaines fonctions peuvent, grâce à des mesures spéciales, améliorer l’aptitude du cerveau à compenser un développement médiocre durant la période précoce, mais il demeurera difficile d’en réaliser le plein potentiel. En cas de négligence extrême durant ces périodes critiques – un enfant auquel on parle peu et qui est rarement touché ou consolé – il sera difficile par la suite de compenser les effets néfastes de ces manques. En ce qui concerne la vue, une fois la période critique passée, il est impossible, actuellement, de rétablir une vision normale.

LA QUALITÉ DE LA STIMULATION SENSORIELLE PRÉCOCE INFLUE SUR L’APTITUDE DU C E RVEAU À RÉFLÉCHIR ET À CONTRÔLER LES FONCTIONS PHYSIOLOGIQUES La capacité du cerveau à réagir aux stimuli qui sont stressants est fonction du développement cérébral dans la petite enfance. À son tour, l’aptitude à réagir aux stimuli influe sur l’aptitude du cerveau à penser et à réguler toutes les fonctions physiologiques. Ce développement dépend de la qualité des stimulations sensorielles que reçoit le cerveau à un jeune âge. Les scientifiques ont isolé les mécanismes biologiques liés à la réaction au stress pour mieux comprendre son impact sur la santé et le comportement de l’adulte.7 Les stimuli jugés stressants activent le mécanisme de vigilance (le choix entre se battre et s’enfuir qui a permis à nos lointains ancêtres de survivre), lequel stimule le système nerveux sympathique et le mécanisme propre à

Étude sur la petite enfance 31

l’hypothalamus, à l’hypophyse et aux glandes surrénales (l’axe HHGS), qui à son tour entraîne un épanchement du système endocrinien. Au départ, la réaction d’une personne au stress provoque une réaction chimique qui accroît la sensibilité à la stimulation sensorielle et qui améliore la mémoire. Mais tout stress prolongé ou chronique entraîne un effet contraire, car il réduit l’aptitude à traiter la nouvelle stimulation sensorielle, influe sur le comportement et a des répercussions néfastes sur la mémoire. Le stress chronique peut même compromettre le système immunitaire.12 La qualité de la stimulation sensorielle durant les jeunes années contribue à façonner les mécanismes endocriniens et immunitaires du cerveau. La relation entre le cerveau et le système endocrinien et immunitaire, formée durant les premières années, semble établir le parcours selon lequel les compétences et les facultés d’adaptation influent sur l’apprentissage, le comportement et les risques de maladie par la suite. Une personne absorbe et analyse l’information qui lui parvient du milieu environnant. La réaction à la stimulation externe est partiellement déterminée par le contrôle cérébral de la voie endocrinienne, pour que le cerveau réagisse par le biais du système nerveux sympathique et des voies endocriniennes de l’axe HHGS. Le cerveau commande la sécrétion des principales hormones de contrôle par le biais de l’axe HHGS. La production d’hormones influe sur tous les mécanismes corporels, y compris le système immunitaire, et elle agit sur les fonctions cérébrales qui se manifestent dans le comportement, la peur, la colère, l’amour et le rire. Il a été démontré dans des études expérimentales sur les animaux que la privation (p. ex. le manque de contacts physiques) au tout début de la vie a un effet à long terme sur la capacité d’adaptation et ceci, conjugué aux effets du développement de l’axe HHGS, empêche les animaux de réagir de manière équilibrée aux situations stressantes. Nous connaissons les effets des facteurs qui influencent le comportement humain aux premières étapes de la vie surtout grâce à des observations. Les recherches effectuées sur les animaux et les êtres humains démontrent que les adultes qui ont été privés de soins au cours de la petite enfance ont tendance à conserver des niveaux soutenus d’hormones du stress bien après que la situation ayant donné lieu à l’état de vigilance a disparu. Il a été établi par des études biologiques que les soins maternels prodigués aux jeunes animaux peuvent déterminer les programmes de l’axe HHGS qui permettront une bonne réaction au stress tout au long de l’existence. Il a également été établi que la carence en soins maternels produisait plus tard des réactions anormales au stress.

Dans le cadre d’une étude, des rats nouveau-nés ont été manipulés quotidiennement pendant 15 minutes au cours des 21 jours suivant leur naissance (soit l’équivalent des deux premières années de la vie d’un être humain).13 Comparativement aux rats qui n’avaient pas été manipulés, ces rats produisaient plus de cellules réceptives d’hormones du stress, ce qui leur permettait de contrôler par les circuits de rétroaction la quantité de cortisol (une hormone du stress) produite. Les rats étaient donc mieux en mesure de contrôler leur réaction aux situations stressantes. Les changements observés chez ces animaux étaient permanents et les rats qui avaient été manipulés apprenaient mieux et éprouvaient moins de déficiences cognitives liées à l’âge. D’autres études ont permis d’établir que les rats manipulés à un âge plus avancé ne présentaient pas ces changements.14 Enfin, dans une étude plus récente, on a observé que les bébés rats dont la mère avait fait la toilette et qu’elle avait léchés plus souvent durant les 10 premiers jours de leur vie,

32 Étude sur la petite enfance

présentaient des niveaux moindres de cortisol à l’âge adulte en réaction au stress aigu, en comparaison avec d’autres rats qui n’avaient pas été maternés de la même façon.15

La qualité de la stimulation sensorielle reçue durant la petite enfance établit des schémas de réaction au stress, qui s’incrustent dans nos systèmes physiologiques et neurologiques. Cynader et Frost résument comme suit cet aspect de l’état de stress.

Il est prouvé que le stress auquel nous sommes exposés dans les premières années de vie, pendant une période critique, peut modifier notre aptitude à modérer et à maîtriser notre réaction aux facteurs de stress par la suite. Les rats exposés à un faible stress après la naissance (découlant par exemple d’une manipulation fréquente) présentent des réactions moindres et plus contrôlables une fois devenus adultes que les animaux qui n’ont pas été manipulés lorsqu’ils étaient tout jeunes. Il existe donc une période critique propice au développement d’une maîtrise neuronale efficace de la réaction au stress.16

Megan Gunnar a étudié la relation entre la sécurité affective et la réaction au stress chez les adultes et les tout-petits.17 Elle a constaté que des situations stressantes, telles que l’administration d’un vaccin, la présence d’inconnus et la séparation d’avec les parents, entraînaient une hausse d’une hormone du stress, le cortisol, chez les enfants en bas âge. Dans un article récent, elle indique que les enfants du premier âge et du second âge qui ont reçu de l’attention et des soins réceptifs dans un environnement affectif sûr avec leurs parents, ont tendance à devenir des enfants d’âge préscolaire socialement aptes. Megan Gunner et son équipe ont établi que les enfants dont le comportement adaptatif était élevé montraient les niveaux de cortisol les plus faibles en classe. Le lien qu’ont permis d’établir les expériences menées sur les rats (mentionnées plus haut) entre la qualité des stimulations précoces et l’apprentissage est appuyé par les preuves avancées dans une autre étude menée il y a plus de 30 ans.18 Dans le cadre d’une expérience contrôlée en laboratoire, un groupe de jeunes rats a été exposé à un milieu enrichi (stimulations motrices, auditives et visuelles) de l’âge de 25 jours jusqu’à 105 jours. Un groupe témoin de rats a passé le même laps de temps dans un milieu de laboratoire typique, dépourvu de stimulation. À la fin de cette période, on a procédé à un examen du cerveau de ces rats. On a constaté un développement plus dense du cortex (un câblage neuronal plus développé), particulièrement des neurones situés dans la couche extérieure du cortex des rats qui avaient été exposés à un milieu enrichi.

LES MAUVAISES EXPÉRIENCES VÉCUES DURANT LA PETITE ENFANCE ONT DES EFFETS DURABLES QUI PEUVENT S’AVÉRER DIFFICILES À SURMONTER PAR LA SUITE Le câblage et le modelage du cerveau commencent avant la naissance. Le fœtus réagit aux stimuli externes, comme la lumière et les sons. Les drogues telles l’alcool, la cocaïne et le tabac influent sur la réaction du fœtus et son développement neurologique (et physique). Une étude a récemment permis d’établir que le fonctionnement neurologique des enfants nés à terme qui avaient été exposés à la cocaïne durant la période prénatale était compromis. Par rapport aux nouveau-nés du groupe témoin qui n’avaient pas été exposés, ces nouveau-nés avaient un périmètre crânien moindre et un

Étude sur la petite enfance 33

taux plus élevé d’anomalies neurologiques et de retard dans la croissance intra-utérine.19 Selon une autre étude, les enfants de deux ans qui avaient été exposés à la cocaïne et à l’alcool durant la phase prénatale présentaient un développement moteur plus lent que celui du groupe témoin.20 Des études semblent indiquer que l’exposition à ces substances durant la période prénatale nuit à la formation des synapses et peut avoir plus tard une influence négative sur l’attention, le traitement de l’information, l’apprentissage et la mémoire.21 Le développement cérébral du jeune enfant est compromis soit par un manque de stimulation, soit par une stimulation irrégulière et traumatisante. Ces deux types d’expériences nuisent aux voies neuronales qui contrôlent la réaction cérébrale aux sensations éprouvées. David Hubel, qui a mené des travaux novateurs sur la vue et le cerveau, est parvenu à la conclusion suivante :

« Une privation d’interaction sociale à un jeune âge, comme le contact avec la mère, pourra mener à des troubles mentaux ayant comme contrepartie de réelles anomalies structurales du cerveau ».22

Apparemment, la privation d’une stimulation optimale ou des expériences perturbatrices qui mènent à un sous-développement de certaines parties du système limbique et du cerveau moyen peuvent entraîner un comportement anormal ou des aptitudes cognitives anormales.23 Il peut se produire de mauvaises connexions entre les canaux sensoriels de l’apprentissage et les points réceptifs du cerveau de l’enfant, particulièrement chez les enfants élevés dans un milieu perturbé. En raison du développement dysfonctionnel du système limbique et du cerveau moyen, nombre de ces enfants sont constamment dans un état latent de peur ou d’excitation anormale qui mène à une réaction excessive aux signaux sensoriels. Les enseignants désignent souvent ces enfants comme ayant des difficultés d’apprentissage. Pour apprendre, un enfant doit être dans un état de stabilité et d’attention soutenue. Ces enfants seront souvent indisciplinés et utiliseront l’agressivité comme moyen de résoudre les problèmes.24

Assis dans son lit, un bébé pleure à grands cris. Sa mère se sent, elle aussi, seule et déprimée. Elle craint de trop gâter l’enfant en le prenant dans ses bras et en le consolant, et elle le laisse donc pleurer. Son mari arrive et gronde sa femme en l’accusant de ne pas s’occuper de l’enfant. Par ses canaux sensoriels visuels et auditifs, le cerveau de l’enfant enregistre une situation extrêmement stressante. Cette expérience se répète de jour en jour. Le système de vigilance et de régulation affective du cerveau de l’enfant devient câblé pour être dérangé et troublé par ces stimuli. Ceci pourra aboutir à une réaction anormale au stress qui persistera pendant toute la vie et influera, entre autres, sur la santé mentale de l’enfant.

L’exemple qui vient d’être cité évoque à quel point un milieu familial négatif dans la petite enfance peut nuire au développement. Un développement anormal des systèmes sensoriels et des voies neuronales liées à la régulation affective et à l’excitation peut entraîner des difficultés à répondre à certains types de stimulation sensorielle ou à des stress. Un stress permanent ou chronique diminue la capacité à assumer l’état d’excitation qui accompagne l’acquisition d’information nouvelle (nécessaire à l’apprentissage) et nuit à la capacité d’adaptation de l’enfant. La capacité à tolérer le stress ou une nouvelle stimulation sensorielle est donc renforcée par les soins réceptifs qui ont été prodigués durant la petite enfance.

34 Étude sur la petite enfance

Les enfants dont les caractéristiques cognitives et comportementales n’ont pas été suffisamment développées durant les premières années ont de la difficulté à réussir en milieu scolaire, ce qui peut mener à un niveau plus élevé de comportement antisocial, de délinquance et de criminalité à l’adolescence et à l’âge adulte. Il a été démontré que les garçons négligés par leurs parents avaient tendance à manifester un comportement antisocial au jardin d’enfants (enfants de cinq ans), et un comportement perturbateur par la suite en classe.25 Ils étaient également plus susceptibles d’abandonner leurs études tôt dans la scolarité. Dans une étude où l’on a suivi un certain nombre de garçons tout au long de leur adolescence, on a constaté qu’environ 28 % de ceux qui manifestaient un comportement antisocial au jardin d’enfants étaient devenus des délinquants à l’âge de 13 ans.26 Michael Rutter, dans une étude récente sur le comportement antisocial et l’activité criminelle chez les jeunes, a passé en revue les constatations de plusieurs études longitudinales.27 Il en a conclu que l’activité criminelle répétée chez les jeunes remonte souvent à un comportement perturbateur à l’âge préscolaire.

« On peut détecter dès l’âge de trois ans des signaux qui témoignent des traits plus graves et plus persistants du comportement antisocial, sous forme de comportements oppositionnels et hyperactifs ».28

Tremblay et son équipe se sont penchés sur les relations entre les premières expériences des enfants de sexe masculin, le comportement au sein du système scolaire, et la délinquance et la violence au cours des années qui suivent.29 Ils ont établi que la plupart des enfants manifestaient un certain comportement agressif à deux ans, mais qu’à l’âge de cinq ans, ce comportement avait été refoulé, probablement et principalement en raison d’une stimulation positive et du développement des fonctions cérébrales qui inhibent ce type de comportement. Les enfants qui exhibaient un comportement oppositionnel, d’agressivité physique et d’hyperactivité à leur entrée à l’école étaient plus enclins à devenir des délinquants (violents et non violents) à l’adolescence. Une initiative d’intervention en milieu scolaire (comprenant la formation des parents et un apprentissage de la sociabilité), qui visait à réduire le comportement criminel ou antisocial à l’adolescence chez les garçons jugés les plus perturbateurs au jardin d’enfants, avait eu des résultats limités dans la plupart des cas.30 Dans une étude longitudinale menée en Suède, on a constaté que les garçons de tous les groupes socio-économiques qui accusaient un retard dans l’acquisition du langage à six, 18 et 24 mois, et qui avaient des difficultés à comprendre et à s’exprimer verbalement à trois et cinq ans, risquaient davantage d’être analphabètes et de se livrer à des activités criminelles parvenus à l’âge de 17 ans.31

Les données semblent indiquer que le développement cérébral qui forme la base des aptitudes langagières est lié au développement et aux fonctions d’autres régions cérébrales qui influent sur le comportement social et l’activité criminelle. Le lien entre l’hyperactivité avec déficit de l’attention et le comportement antisocial n’est pas clairement établi. Rutter et son équipe ont conclu que l’hyperactivité et le manque d’attention sont étroitement liés au comportement antisocial.27

Étude sur la petite enfance 35

L’hyperactivité semble avoir une forte composante génétique et le comportement antisocial semble largement associé aux influences du milieu. Les constatations de Tremblay suggèrent une interaction entre l’hérédité et le milieu. Les résultats de l’étude suédoise mentionnée précédemment nous autorisent à penser que faire la lecture à un enfant stimule les voies neuronales sensorielles et influe sur le développement des interconnexions qui entrent en jeu dans l’excitation et les émotions. Il importe de réaliser que certaines activités, comme lire et faire des jeux avec un enfant dans les 36 mois qui suivent sa naissance, favorisent ses aptitudes verbales. Ceci appuierait donc les constatations de Tremblay, selon lesquelles le comportement agressif des tout-petits est refoulé sous l’effet d’expériences de vie positives à un jeune âge. D’autres études ont permis d’établir que les filles élevées dans un foyer où, soit les relations familiales étaient perturbées, soit il existait un désaccord chronique important entre les parents, présentaient un risque accru de troubles mentaux après trente ans. Power et Hertzman ont découvert que plus de 15 % des femmes provenant des milieux socioéconomiques les plus défavorisés qui faisaient partie d’une importante étude longitudinale (données sur les cohortes de naissances britanniques) au Royaume-Uni souffraient de troubles mentaux après trente ans.32 Maughan et McCarthy ont établi que les femmes issues de familles où les conflits étaient importants et fréquents durant leur petite enfance risquaient davantage d’avoir une dépression et d’autres troubles mentaux à l’âge adulte.33 Leur examen a permis de constater que les perturbations et les désaccords au sein de la famille étaient également associés à un comportement antisocial. Ces études sont compatibles avec les connaissances que nous avons acquises sur la qualité et le type de stimulation sensorielle et de développement cérébral observés durant les premières années, et le comportement et la santé par la suite. Un milieu de garde de mauvaise qualité peut également avoir des conséquences fâcheuses sur l’enfant. Un tel milieu ne fait pas appel à la participation des parents et ne fournit pas les éléments propices au développement positif du cerveau et de l’enfant durant la petite enfance. Il se caractérise par un manque de stimulation positive et de réceptivité des adultes, peu de possibilités de résolution de problèmes par le jeu, et peut-être même des menaces à la santé et à la sécurité physiques. Les résultats préliminaires d’une importante étude américaine sur la garde des jeunes enfants suggèrent que les enfants vulnérables qui fréquentent une garderie de mauvaise qualité subissent une aggravation de leurs problèmes.34 Gillian Doherty a passé en revue plusieurs études américaines sur les effets d’environnements de qualité médiocre sur les jeunes enfants. Celles-ci nous autorisent à penser que la fréquentation à temps plein d’un milieu de garde préscolaire déficient nuit à l’acquisition du langage et au développement social d’un enfant. En fait, il semble que, même si l’enfant bénéficie d’un milieu familial favorable doté de ressources adéquates, celui-ci pourra difficilement compenser les mauvaises expériences vécues dans son milieu de garde.35

Négligence extrême Dans le cadre de notre discussion sur les périodes critiques du développement cérébral, nous avons souligné qu’il est généralement possible de compenser un développement déficient durant la petite enfance par des mesures spéciales (bien que celles-ci ne permettent probablement pas de réaliser le

36 Étude sur la petite enfance

plein potentiel du cerveau), mais il n’est pas forcément possible de compenser une négligence extrême. Les orphelinats roumains offrent un exemple probant des répercussions que peuvent avoir des expériences extrêmement négatives vécues pendant la petite enfance. Les chercheurs ont décelé des niveaux anormalement élevés de cortisol chez les enfants qui vivaient dans les orphelinats roumains (où les enfants ne recevaient que des soins minimes), semblables à ceux d’enfants qui avaient vécu des événements traumatisants durant les premières années de leur vie.36 Ces observations confirment ce que nous savons du développement cérébral pendant la petite enfance et des voies psychoneuroendocriniennes.7,12 On rapporte régulièrement des retards de développement chez les enfants placés à un jeune âge dans un orphelinat n’offrant ni soins ni stimulation de qualité.37, 38 Plus le séjour à l’orphelinat est prolongé, plus le risque de déficience du développement cérébral durant la période critique est élevé, et plus il est difficile d’aider les enfants à surmonter leur handicap. Les études menées sur des enfants venus d’orphelinats roumains et adoptés par des familles canadiennes ont permis de constater de graves problèmes chez ceux qui avaient passé plusieurs années à l’orphelinat avant d’être adoptés : un QI de 85 et moins, des schémas d’attachement atypiques marqués par l’insécurité, de sérieux problèmes de comportement et le maintien de comportements stéréotypés.39 Dans une étude, on a comparé trois groupes d’enfants :

i) des enfants canadiens qui vivaient avec leurs parents et n’avaient jamais fréquenté d’orphelinat;

ii) des enfants roumains qui avaient été adoptés par des familles canadiennes avant l’âge de quatre mois; et

iii) des enfants roumains qui avaient été adoptés par des familles canadiennes et avaient passé entre huit et 53 mois à l’orphelinat.39

En voici les constatations :

♦ 22 % des enfants du premier groupe (soit les enfants canadiens qui n’avaient jamais vécu dans un orphelinat) éprouvaient un ou plusieurs problèmes;

♦ 20 % des enfants du deuxième groupe (soit les enfants roumains qui avaient été adoptés tout jeunes) éprouvaient un ou plusieurs problèmes; et

♦ 65 % des enfants du troisième groupe (soit les enfants roumains adoptés après une période plus longue passée dans un orphelinat) éprouvaient un ou plusieurs problèmes après l’adoption.

Plus le séjour à l’orphelinat avait été prolongé (certains enfants y avaient passé plus de quatre ans), plus les problèmes éprouvés étaient graves et nombreux. Certains souffraient de problèmes de développement multiples. Les parents des enfants adoptés après une période prolongée à l’orphelinat réalisent qu’il est difficile de les aider à surmonter leurs handicaps et à acquérir les compétences et les facultés d’adaptation essentielles à une vie adulte épanouie. Les résultats obtenus par les enfants adoptés après seulement quelques mois passés à l’orphelinat sont semblables à ceux des enfants canadiens qui faisaient partie de l’étude.

Étude sur la petite enfance 37

La plupart des orphelinats roumains se souciaient peu de fournir des conditions propices à un développement cérébral sain chez les jeunes enfants. Il est donc raisonnable de supposer que la plupart des enfants adoptés après des années de négligence ont franchi certaines des périodes critiques de développement cérébral sans bénéficier d’une stimulation positive qui leur aurait permis de bâtir des structures et des fonctions cérébrales optimales. La concordance de ces observations et des connaissances que nous possédons maintenant sur le développement cérébral souligne encore davantage la nature cruciale des toutes premières années du développement de l’enfant et du développement cérébral. Le fait que plusieurs traits caractéristiques soient affectés n’est pas surprenant à la lumière des nouvelles connaissances que nous possédons sur le développement des voies neuronales sensorielles par rapport aux fonctions complexes du cerveau.

Surmonter les handicaps Nous sommes préoccupés par ce qui arrive aux enfants qui ont eu une petite enfance difficile. Certains éprouveront des difficultés d’apprentissage, d’autres auront des problèmes de comportement, d’autres encore souffriront de problèmes de santé et enfin, certains enfants, plus solides, s’en sortiront bien. Comment pouvons-nous aider les jeunes qui ont souffert d’une petite enfance défavorisée? Le présent rapport ne traite pas directement de cette question, mais nous tenons néanmoins à souligner qu’il est possible de surmonter les difficultés et qu’il existe dans nos collectivités un assez grand nombre de programmes innovateurs pour venir en aide à la jeunesse défavorisée. Beaucoup de ces programmes visent à réduire au minimum les répercussions négatives en aidant les enfants à maîtriser leurs réactions émotives et leurs réactions d’excitation anormale face au stress tout en cultivant l’estime d’eux-mêmes, a fin qu’ils puissent devenir des membres productifs de la société. Souvent, ces programmes sont efficaces, car ils modifient le milieu de ces enfants et évitent les stimuli qui suscitent une réaction d’excitation indésirable. Emmy Werner, qui a étudié pendant de nombreuses années des enfants nés en 1954 dans l’île de Kaui, a découvert un petit groupe d’enfants évoluant dans des circonstances familiales très difficiles qui semblaient solliciter, lorsqu’ils étaient très jeunes, le soutien de parents ou de grands-parents de substitution.40 Ils ont développé une bonne capacité d’adaptation, des compétences et un bien-être qui se sont manifestés à l’âge adulte. Mme Werner a également constaté que la présence d’initiatives de soutien pertinentes à des étapes ultérieures de la vie aide à surmonter les problèmes liés aux conditions défavorables des premières années, à moins que les privations ou les mauvais traitements subis n’aient été extrêmes. Il n’était pas possible de les aider tous, mais un enfant sur trois né dans un milieu défavorisé ou désavantagé est devenu un jeune adulte compétent.

38 Étude sur la petite enfance

PRINCIPALES DÉCOUVERTES SUR LE DÉVELOPPEMENT CÉRÉBRAL Le développement cérébral qui a lieu avant l’âge d’un an est plus rapide et plus important qu’on ne le pensait. Le développement cérébral est beaucoup plus sensible à l’influence du milieu qu’on ne le supposait. L’impact du milieu de la petite enfance sur le développement cérébral a un effet persistant. Le milieu n’influe pas seulement sur le nombre de cellules et d’interconnexions dans le cerveau, mais également sur le « câblage » de ces connexions. Nous disposons de nouvelles preuves scientifiques concernant les répercussions négatives du stress sur les fonctions cérébrales à un jeune âge.

Carnegie Corporation of New York, 199441

UNE BONNE ALIMENTATION, DES SOINS ET UNE ÉDUCATION A DÉQUATS FAVORISENT UN DÉVELOPPEMENT CÉRÉBRAL ET PHYSIQUE OPTIMAL PENDANT LES PREMIÈRES ANNÉES, DE MÊME QUE L’APPRENTISSAGE, LE COMPORTEMENT ADÉQUAT ET LA SANTÉ TOUT AU LONG DE LA VIE Le développement optimal du cerveau dépend d’une bonne alimentation et de la qualité de la stimulation (des soins) reçue par les canaux sensoriels du corps. Pour les enfants bien nourris, une bonne éducation, des soins attentionnés et de la tendresse offrent la stimulation sensorielle dont ils ont besoin pour leur développement cérébral et les aident à établir des liens affectifs sûrs avec leur mère, leur père ou le principal pourvoyeur de soins. Une bonne alimentation est essentielle au développement du cerveau et des autres systèmes organiques. Un attachement sûr fournit aux enfants la sécurité et la confiance dont ils ont besoin pour s’aventurer dans leur monde pour apprendre et créer des liens. Les parents ne font pas que nourrir et réconforter leur bébé, ils sont aussi pour l’enfant sa première relation. Se fondant sur leur étude des animaux et certaines études sur les êtres humains, Cynader et Frost expliquent ce qui suit :

« Les nouveau-nés d’un large éventail d’espèces vertébrées doivent établir un lien affectif ou une forme spéciale d’attachement à leurs parents pour obtenir les moyens de subsistance, la protection, le réconfort et l’encadrement des expériences d’apprentissage nécessaires à leur développement physique et à l’acquisition de leurs compétences d’adulte. Bien que l’on estime généralement que c’est par l’apprentissage que sont formés ces liens affectifs, grâce à l’association des caractéristiques de renforcement de l’alimentation et du réconfort avec les divers stimuli fournis par la mère ou le pourvoyeur de soins, il est aujourd’hui évident qu’il existe des mécanismes neuronaux dynamiques et spéciaux qui facilitent la formation rapide, ponctuelle et permanente de ces liens affectifs. »42

Les effets des soins prodigués sont enregistrés par les canaux sensoriels (le toucher, la vue, les sons, le goût, les odeurs, la température, la douleur, le mouvement et la sensibilité proprioceptive) grâce auxquels les signaux sensoriels entraînent le développement des principales structures neuronales

Étude sur la petite enfance 39

dans le cortex. Les signaux sensoriels sont reçus par les neurones réceptifs du cortex et se lient à d’autres parties importantes du cerveau qui interviennent dans des fonctions comme l’émotion et l’excitation. Les parents et autres pourvoyeurs de soins, comme les grands-parents, devraient donc fournir une stimulation positive aux jeunes enfants.

Un bébé est allaité par sa mère, câliné et bercé dans ses bras tandis qu’elle lui sourit et lui parle doucement. Son cerveau est tout occupé à recevoir les signaux transmis par les canaux sensoriels, à établir des connexions et à former des voies neuronales en réaction à ce qu’il voit et ressent. Les sensations que lui procurent la chaleur, le toucher, le goût, la vue, les sons et les odeurs provoquent le câblage et modelage de sa structure cérébrale, de la même manière qu’un artiste sculpte dans un bloc de marbre une forme gracieuse. Grâce à cette stimulation sensorielle, le bébé développe les structures et les fonctions des voies neuronales de son cerveau, lesquelles influeront sur son sentiment de sécurité et ses relations sociales durant toute sa vie. Un sentiment de sécurité donnera au bébé la confiance nécessaire, lorsqu’il apprendra à marcher à quatre pattes, puis à marcher, pour explorer un monde toujours plus vaste et créer des liens d’amitié avec d’autres enfants.

L’exemple ci-dessus montre combien la stimulation de l’allaitement influe sur le développement cérébral du bébé et sur son attachement à sa mère. Outre les avantages nutritionnels pour le bébé, l’allaitement au sein durant la période critique de développement cérébral semble avoir des répercussions positives et de longue durée sur l’organisation des voies neuronales du cerveau. La réception et l’intégration d’une stimulation multisensorielle influe sur les neurones du cerveau liés à l’excitation et aux émotions, réduisant ainsi le stress et favorisant le bien-être.

Un père lit une histoire à sa fillette de 18 mois, assise sur ses genoux. Ses bras l’entourent et il tient dans ses mains un livre illustré de grandes images colorées. Il lit le texte et décrit les animaux sur les images. Il attend que sa fille désigne du doigt le nez et les yeux de l’animal. Une fois de plus, les sensations que procurent la chaleur, le toucher, les odeurs, la vue, les sons et la position de l’enfant provoquent le câblage et modelage de son cerveau. La connexion de la stimulation sensorielle vers les diverses régions du cerveau pose les bases du langage, puis de la lecture et de l’écriture et des autres fonctions cérébrales.

L’exemple ci-dessus témoigne de la puissante stimulation que reçoit le cerveau d’un jeune enfant simplement en se faisant lire une histoire sur les genoux d’un adulte. La participation du parent et sa conversation attentive créent un contexte propice à la réception des stimuli multisensoriels qui accompagnent les mots et la signification de l’histoire et des images.

Deux jeunes enfants jouent avec un assortiment de petites balles de la même taille. L’un d’eux saisit deux balles dans une main et quatre dans l’autre. Son cerveau reçoit des informations multisensorielles sur les objets qu’il tient dans ses mains. Le poids des deux balles est moindre que celui des quatre balles – il peut voir et sentir la différence. Un adulte lui fait alors remarquer qu’il a deux balles dans une main et quatre dans l’autre. Les deux enfants font rouler les balles dans des tubes de taille différente. Ils essaient de faire tomber autant de balles que possible dans un seau en les insérant dans les tubes. Ces enfants sont occupés à apprendre et à résoudre des problèmes par le jeu. Ils acquièrent, par les canaux sensoriels concernés, les fondements du poids cognitif des nombres qui influe sur l’apprentissage des mathématiques en milieu scolaire.

40 Étude sur la petite enfance

L’importance de l’apprentissage par la résolution ludique de problèmes pour le développement cérébral du jeune enfant sera abordée un peu plus loin. Comme l’indique l’exemple ci-dessus, l’acte de jouer avec des objets qui apportent une stimulation sensorielle et qui permettent à l’enfant de comprendre une chose, comme le nombre de balles qui peuvent passer au travers du tube, favorise un développement cérébral optimal. Ces exemples permettent également d’illustrer l’argument avancé au début de ce chapitre, à savoir que les nouvelles connaissances acquises dans le domaine du développement cérébral viennent confirmer ce que les parents savent et appliquent depuis longtemps : tenir son enfant contre soi, le nourrir, le réconforter et l’aimer, jouer avec lui et lui lire des histoires, et lui proposer au fur et à mesure qu’il grandit des activités qui lui procurent une stimulation mentale et physique. Ce que les nouvelles données nous montrent, c’est à quel point les « apports » sensoriels contribuent au câblage du cerveau et à quel point le développement cérébral durant la petite enfance est important pour l’apprentissage, le comportement et la santé tout au long de la vie. Les neurosciences, les études sur les animaux, l’observation des êtres humains, de même que certains essais d’intervention auprès des populations humaines à risque élevé, nous permettent de mieux juger de ce que sont les conditions les plus propices à un développement cérébral optimal durant la petite enfance.

Une grossesse en bonne santé pour un nouveau-né en bonne santé Les mères qui vivent leur grossesse en bonne santé ont plus de chances d’accoucher à terme et sans complications d’un enfant de poids normal au développement cérébral normal. Les mères en bonne santé sont plus susceptibles d’avoir des grossesses normales et de donner naissance à des bébés en bonne santé. Le cerveau du fœtus connaît un développement considérable pendant la gestation. Ce développement est influencé par les stimuli qu’il reçoit de la mère. En évitant de fumer, de consommer de l’alcool et d’utiliser toute autre drogue pendant la grossesse, la femme enceinte diminue le risque d’accoucher prématurément ou de donner naissance à un bébé petit poids. Les programmes publics de lutte contre le tabagisme qui réussissent à diminuer l’usage du tabac chez les femmes enceintes réduisent l’incidence des nouveau-nés de petits poids.43 Les recherches sur l’alimentation et sur les initiatives de soutien social suggèrent que les programmes à volets multiples aident à diminuer le nombre de bébés petit poids et de naissances avant terme lorsqu’ils sont offerts de manière universelle à toutes les femmes enceintes.44 Les soins médicaux prénatals en eux-mêmes ne semblent avoir qu’un effet limité pour réduire davantage l’incidence des naissances de bébés petit poids et des naissances avant terme.45 Cependant, il existe des arguments probants selon lesquels l’alimentation de la mère influe considérablement sur la santé future de l’enfant.46 On associe la petite taille et la minceur d’un bébé à la naissance à l’insuffisance coronarienne, à l’hypertension et au diabète aux stades ultérieurs de la vie. Puisque les deux facteurs déterminants pour le poids d’un bébé à la naissance sont le poids de la mère avant la grossesse et son propre poids à la naissance, les stratégies visant à améliorer la santé des futures mamans sont importantes.

Étude sur la petite enfance 41

L’allaitement au sein L’acte de nourrir un bébé lui fournit des nutriments et stimule ses canaux sensoriels. Tout indique que l’allaitement au sein assure non seulement une alimentation optimale, mais également une stimulation optimale aux nouveau-nés et aux tout-petits.47 Le lait maternel contient le dosage idéal de substances nutritives nécessaires à la croissance du cerveau et du corps. L’acte d’allaitement fournit une possibilité renouvelée de contact direct avec la peau et de stimulation olfactive. L’American Academy of Pediatrics recommande que les mères allaitent leur bébé pendant au moins un an.48 Lorsque l’allaitement au sein n’est pas possible (dans le cas d’une adoption ou en raison de l’état de santé de la mère, par exemple), il est recommandé de suivre la même méthode que pour l’allaitement, c’est-à-dire de tenir le bébé dans ses bras et de le cajoler pendant qu’il prend son biberon. Des chercheurs se sont penchés sur la différence entre les enfants nourris au sein et ceux qui sont nourris au biberon et ont constaté qu’à 18 mois, les enfants nourris au sein soumis à des tests de développement mental avaient des résultats plus élevés que ceux qui avaient été nourris au biberon, et ce compte tenu des influences sociales et démographiques.49 Dans une autre étude, on a évalué l’effet des préparations lactées enrichies chez les bébés nés avant terme.50 À sept ans et demi ou huit ans, les garçons qui avaient reçu la préparation enrichie démontraient de meilleures aptitudes verbales que ceux qui n’avaient reçu que la préparation ordinaire. Par contre, le supplément enrichi ne produisait que peu de différence pour les enfants (garçons et filles) qui avaient reçu le lait maternel. La situation professionnelle de la mère et le soutien social qu’elle reçoit sont deux facteurs qui influencent la durée de l’allaitement au sein.51

Alimentation et stimulation Une étude menée en Jamaïque sur échantillon de population aléatoire et contrôlé témoigne de l’importance d’une bonne stimulation et d’une bonne alimentation après la naissance.52 U n groupe de bébés à risque élevé (à la croissance retardée) a été réparti au hasard dans quatre groupes. On avait prévu un supplément nutritif, qui consistait en un kilo de préparation lactée par semaine, et des mesures de stimulation, qui prenaient la forme de séances de jeu hebdomadaires à la maison avec la mère, sous la surveillance d’une auxiliaire en santé communautaire. Cette dernière encourageait la mère à jouer avec son enfant et, à la fin de la visite, laissait dans la maison des jouets de fabrication artisanale. L’un des quatre groupes recevait les mesures de stimulation, tandis qu’un autre recevait le supplément nutritif; un troisième avait droit aux deux, tandis que le quatrième groupe ne recevait rien. Leur développement a été comparé à celui d’un groupe témoin d’enfants à faible risque qui recevait des soins et une alimentation appropriés. L’étude a permis de constater que les enfants qui recevaient soit les stimulations, soit le supplément nutritif pendant une période de deux ans, se rapprochaient de 50 % du développement des enfants à faible risque au cours des deux années. Les enfants qui n’avaient rien reçu avaient un développement médiocre et étaient peut-être handicapés de façon permanente. Quant aux enfants qui avaient reçu l’alimentation et les stimulations appropriées, ils avaient atteint le même stade de développement que le groupe témoin. Une autre série d’études menées auprès de bébés prématurés témoigne de la forte synergie qui existe entre une stimulation sensorielle enrichie et une alimentation de qualité supérieure pour un

42 Étude sur la petite enfance

développement cérébral optimal. Le toucher est un stimulus clé pour le développement cérébral aux premières étapes de la vie et son importance pour le développement précoce a été mise en évidence par des observations sur les effets bénéfiques du contact physique conjugué à l’allaitement au sein chez les enfants prématurés.53 Il existe une technique, provenant de la ville de Bogota en Colombie, appelée les « soins de la maman kangourou » (car la maman kangourou garde son bébé dans sa poche ventrale). Le bébé prématuré est placé en position verticale contre la poitrine de sa mère pour un contact direct avec sa peau et l’allaitement au sein est la source principale d’alimentation. Il semble que les bébés qui reçoivent ce type de soins se développent mieux que ceux qui sont isolés dans un incubateur. Les meilleurs résultats sont apparemment liés non seulement à une stimulation accrue, mais également à la réceptivité maternelle.

La petite enfance et les risques pour la santé à l’âge adulte Parmi les récentes découvertes, mentionnons la relation que l’on peut maintenant établir entre les conditions de vie durant la petite enfance et la santé dans les années ultérieures. Les preuves avancées sont en partie historiques et seront abordées au prochain chapitre. Voici ce que conclut un récent rapport britannique intitulé Inequalities in Health :

« Bien qu’il existe tout au long de la vie des facteurs de risque remédiables pour la santé, l’enfance constitue une étape cruciale et vulnérable où les conditions socio-économiques médiocres ont des effets durables. En suivant pendant toute leur existence des échantillons successifs de nouveau-nés, on a établi l’influence cruciale de la petite enfance sur la santé et le développement physiques et mentaux par la suite. Le fait que les suites négatives de ces conditions socio-économiques (la maladie mentale, une petite taille, l’obésité, la délinquance et le chômage, etc.) couvrent un si vaste éventail transmet un message important. Il suggère que les politiques qui s’efforcent de réduire ces influences précoces négatives comportent des avantages multiples, non seulement pour l’existence de l’enfant, mais également pour la génération suivante. »54

Nous savons maintenant que les risques de nombreuses maladies chroniques sont en place, du moins en partie, dès les premières années d’existence. Ils se manifestent particulièrement sous la forme de troubles mentaux, comme la dépression à l’âge adulte.32 Il est clair que le développement qui a lieu durant la toute petite enfance (et même pendant la grossesse) influe sur le risque de tension artérielle élevée et de diabète non insulino-dépendant.55 Il pourrait même avoir un effet sur les affections vasculaires, comme l’insuffisance coronarienne.56,12 Comme le soutiennent McEwen et Schmeck, c’est le cerveau qui contrôle le corps.7 Il a une influence sur la santé par le biais de mécanismes biologiques découlant de la psychoneuroendocrinologie et de la psychoneuroimmunologie. Le nouvel intérêt qu’on porte aux déterminants sociaux de la santé nous permettra, une fois associé à notre nouvelle compréhension des mécanismes biologiques, de franchir une nouvelle frontière dans la recherche sur la santé. On pourrait par exemple observer comment les fonctions et le développement du cerveau peuvent influencer la santé tout au long de la vie. Chris Power et Clyde Hertzman ont examiné les données sur les risques de maladie durant les premières années et tout au long de l’existence.57

Étude sur la petite enfance 43

LES ACTIONS QUI AMÉLIORENT LE DÉVELOPPEMENT DU JEUNE ENFANT Il existe des études sur le développement de l’enfant et des enquêtes longitudinales bien conçues qui démontrent que les programmes d’éducation à la petite enfance qui font appel à la participation des parents profitent aux enfants, et bien souvent, à la famille tout entière. Le « développement du jeune enfant », comme nous l’entendons, peut se faire dans des cadres variés, tels que les garderies, les services de garde en milieu familial et les programmes préscolaires comme la maternelle (enfants de quatre ans) et le jardin d’enfants (enfants de cinq ans). Ce n’est pas le cadre qui définit le développement du jeune enfant, ce sont les activités. À notre avis, les activités doivent mettre l’accent sur l’interaction des parents avec l’enfant, et sur la résolution de problèmes par le jeu avec d’autres enfants pour stimuler un développement cérébral par le biais des canaux sensoriels. La plupart des études décrites ci-après se sont penchées sur des programmes d’éducation à la petite enfance qui font appel à l’engagement des parents et à la résolution ludique de problèmes avec un éducateur à la petite enfance. La participation parentale ne s’arrête pas à une visite occasionnelle pour constater les progrès de l’enfant dans le cadre du programme préscolaire. Au cours de la petite enfance, les parents sont les adultes qui passent le plus de temps avec l’enfant. Les programmes d’éducation à la petite enfance qui font participer les parents aident ces derniers à devenir de meilleurs éducateurs de la petite enfance. Les programmes comportent souvent un élément de formation et d’éducation du parent et exigent sa participation active à l’apprentissage de son enfant par le jeu; ils comprendront même des visites à domicile. Le soutien au parent peut faire baisser son niveau de stress et lui permettre de mieux s’acquitter de sa tâche. Les personnes élevées par des parents peu conscients des besoins de l’enfant seront plus susceptibles d’être de mauvais parents et de perpétuer le cycle. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elles deviennent toutes de mauvais parents, mais que celles qui ont reçu peu d’attention éprouvent des difficultés accrues à acquérir les compétences parentales puisqu’elles n’ont pas eu de modèle à suivre, tiré de leur propre enfance. Le soutien aux parents peut combler ces lacunes.

Le projet Carolina Abecedarian Le projet Carolina Abecedarian se proposait d’examiner les effets de l’éducation à la petite enfance et du soutien aux parents sur le développement d’enfants issus de familles qualifiées de défavorisées selon des critères socio-économiques.58 Le programme débutait quelques semaines après la naissance de l’enfant, lequel était placé au hasard soit dans le groupe test, soit dans un groupe témoin. À l’âge scolaire, tous les enfants étaient placés soit dans un programme d’intervention scolaire qui se poursuivait jusqu’à huit ans, soit dans un groupe témoin. Le programme d’éducation préscolaire était donné toute la journée, pendant toute une année, et comprenait un éducateur pour trois enfants de zéro à trois ans, et un éducateur pour six enfants de trois à six ans. Le programme demandait la participation active des parents, qui devaient entre autres mener des activités éducatives supplémentaires à la maison. Environ 15 visites à domicile étaient prévues par année.

44 Étude sur la petite enfance

À la fin du programme préscolaire, les résultats du groupe d’intervention étaient nettement supérieurs à ceux du groupe témoin en ce qui concerne la mesure du QI. Tous les enfants qui avaient suivi le programme préscolaire affichaient de meilleurs résultats en lecture et en mathématiques à l’âge de 15 ans. L’aide fournie aux enfants du groupe témoin (qui n’avaient pas suivi de programme préscolaire) à leur entrée à l’école n’a eu que peu d’effet. Les mères qui participaient au programme d’intervention ont acquis une meilleure formation et étaient moins susceptibles de se trouver au chômage qu’auparavant. Cette étude démontre la valeur d’une éducation à la petite enfance de qualité et de la participation parentale, tant pour les mères que pour les enfants. Ces résultats corroborent ce que nous savons maintenant de la relation entre le développement du cerveau et la qualité de la stimulation à un très jeune âge. Dans une étude menée par la suite, on a comparé les effets des programmes d’éducation à la petite enfance et des programmes de visites à domicile. En termes de développement cognitif, le groupe d’enfants qui n’avait reçu que des visites à domicile n’était pas différent du groupe témoin.59

Étude Ypsilanti/High Scope L’étude Ypsilanti/High Scope a démontré qu’un programme d’intervention de très grande qualité, assorti de la participation parentale, peut considérablement modifier les résultats, et ce même lorsque le programme commence à l’âge de trois ans.60 Le programme Ypsilanti/High Scope, qui visait des enfants à risque élevé du Michigan, âgés de trois à six ans, comprenait un enseignement de grande qualité, une formation poussée du personnel et la participation des parents. D’une durée de deux heures et demie par jour, cinq jours par semaine et s’étendant sur 30 semaines par an, ce programme évolué mené à la garderie était assorti de visites à domicile hebdomadaires d’une durée de 90 minutes, effectuées par un éducateur. Ce programme avait toute une série d’effets à long terme, dont la réduction du décrochage scolaire, la limitation de la consommation de drogues et, chez les adolescentes, du nombre de grossesses, l’amélioration des perspectives d’emploi et la réduction de la dépendance à l’aide sociale. À 27 ans, les participants au programme montraient comme adultes des compétences qui se distinguaient nettement de celles du groupe témoin. Les femmes souffraient considérablement moins de troubles mentaux que celles du groupe témoin. Le nombre d’arrestations chez les hommes était moindre que pour ceux du groupe témoin. L’engagement des participants dans la vie active et les économies réalisées, en terme d’aide sociale et de frais juridiques, ont été évaluées à un gain de sept dollars pour chaque dollar consacré au programme. À la lumière des données dont on dispose aujourd’hui, si le programme d’éducation à la petite enfance avait été amorcé plus tôt (c’est-à-dire avant l’âge de trois ans), les résultats auraient probablement été meilleurs. Une étude approfondie des programmes de prévention du crime a établi qu’une fois que les enfants ont commencé l’école, les interventions sont bien moins efficaces que celles des programmes amorcés durant la période préscolaire.61 Cette conclusion concorde avec celles de l’étude Ypsilanti, qui à leur tour concordent avec nos connaissances sur le développement cérébral précoce. Les

Étude sur la petite enfance 45

résultats de l’étude High Scope indiquent qu’une formation enrichie et une participation parentale accrue entre trois et six ans réduisent les comportements négatifs plus tard. Ypsilanti n’a pas produit d’effets à long terme sur le QI (l’amélioration initiale s’étant estompée progressivement dans le cadre scolaire). Mais le programme commençait à l’âge de trois ans et nous savons maintenant qu’une grande partie du développement cérébral a lieu durant les trois premières années de la vie. Le projet Carolina Abecedarian, qui débutait beaucoup plus tôt, a établi qu’une intervention précoce favorisait l’amélioration des résultats aux tests du QI. Or, ces résultats améliorés se maintenaient lorsque l’enfant était testé à 12 ans. Ce programme de développement de la petite enfance commençait dans certains cas dès l’âge de six semaines, et en moyenne à l’âge de quatre mois. Le programme visait particulièrement à améliorer le développement cognitif, perceptuel, moteur et social, ainsi que l’acquisition du langage. Il faisait appel, autant que possible, à la participation des parents.

Étude britannique sur la santé et l’éducation des enfants Une importante enquête longitudinale menée au Royaume-Uni sur la santé et l’éducation des enfants a étudié les effets des programmes préscolaires à la demi-journée, des garderies et des groupes de jeu sur la réussite scolaire et le développement cognitif des enfants.62 On a constaté que les enfants qui avaient participé à un programme préscolaire en groupe organisé lorsqu’ils avaient trois et quatre ans témoignaient d’un meilleur développement cognitif et d’une meilleure réussite scolaire que les enfants qui n’y avaient pas participé. Le progrès des enfants défavorisés était légèrement supérieur à celui des enfants favorisés. L’étude avance la conclusion suivante :

« Les différences globales en ce qui concerne la note moyenne des enfants en fonction de leur expérience préscolaire étaient importantes par rapport aux effets des autres facteurs sociaux et familiaux. »63

L’étude britannique encourage la participation parentale dans le milieu d’éducation à la petite enfance. Les enfants dont les parents (les mères en général) participaient au programme réussissaient généralement mieux que ceux dont les parents ne participaient pas et mieux que les enfants qui ne suivaient aucun programme. Ils étaient dotés d’un vocabulaire plus étendu à cinq et 10 ans, étaient meilleurs en lecture et en mathématiques à 10 ans et montraient de meilleures aptitudes pour la communication interpersonnelle. Ces constatations étaient vraies indépendamment du statut socio-économique de l’enfant et du cadre préscolaire : les enfants de tous les groupes socio-économiques avaient bénéficié de leur participation aux programmes préscolaires.

Étude longitudinale suédoise Une étude menée en Suède a observé un échantillon de 128 enfants nés en 1975, dès leur première année.64 Ils étaient issus de ménages urbains à revenu faible et moyen. Environ un tiers des enfants fréquentait une garderie à l’extérieur du domicile (soit une garderie de qualité supérieure ou un service de garde en milieu familial agréé) durant la première année de vie. À quatre ans, quelque 70 % des enfants fréquentaient un milieu de garde. La sociabilité et la capacité cognitive des enfants étaient évaluées à huit ans et à 13 ans. L’étude a constaté que la réussite scolaire était meilleure chez les enfants qui avaient été inscrits aux programmes d’éducation à la petite enfance avant l’âge d’un

46 Étude sur la petite enfance

an. Ils étaient plus indépendants, plus confiants et ressentaient moins d’anxiété que les enfants placés en garderie lorsqu’ils étaient plus âgés ou que ceux qui n’étaient pas du tout allés en garderie. Au moment de l’étude, les parents suédois avaient droit à un congé parental de six mois sans diminution de salaire. Leurs enfants commençaient vraisemblablement à fréquenter un milieu de garde entre six mois et un an. Les parents pouvaient également réduire leurs heures de travail, ce qui signifie que pour la plupart des jeunes enfants, la fréquentation à plein temps était probablement de moins de huit heures par jour. Cette constatation concorde avec les preuves selon lesquelles une bonne éducation et de bons soins durant la toute petite enfance améliorent considérablement le développement cérébral et ses répercussions ultérieures sur le comportement et l’apprentissage.

Programme Head Start Le programme Head Start est une mesure américaine d’intervention précoce à grande échelle qui s’efforce d’améliorer les possibilités offertes à la jeune enfance des familles défavorisées; il réunit plusieurs initiatives et s’avère difficile à évaluer. Il semble que les enfants de race blanche ont réalisé certains progrès en termes de résultats et d’acquisitions scolaires. Les enfants afro-américains ont démontré certains progrès à un jeune âge, mais ils se sont estompés par la suite à mesure que les enfants grandissaient, probablement en raison du système scolaire.65 Les preuves viennent renforcer la conclusion selon laquelle les bons programmes préscolaires qui font participer les parents produisent de meilleurs résultats.66 Mais les études américaines posent deux problèmes, soit la difficulté plus grande que dans les pays scandinaves à appliquer ces programmes de manière unifiée, et le fait qu’elles ne sont pas effectuées assez tôt dans la vie des enfants.

Programme Rightstart Robbie Case (de l’Université Stanford et de l’Université de Toronto) et son équipe67 ont conçu un programme d’enrichissement précoce en mathématiques, appelé Rightstart, pour les enfants d’âge préscolaire. Il vise à bâtir une compréhension du poids cognitif des nombres (ou du concept de nombre). Dans le cadre de Rightstart, on laisse les enfants manipuler des objets seuls, mais on encourage les adultes à leur poser des questions spécifiques qui renforcent les concepts mathématiques. On met l’accent sur des jeux de société faciles, où il s’agit d’avancer vers un objectif particulier le long d’une ligne numérique, à l’aide de dés et de curseurs. Pendant le jeu, les adultes posent des questions, pour savoir par exemple qui se rapproche le plus du but et combien de points seront nécessaires pour atteindre l’objectif. Ces jeux captivent les enfants et sont des exemples d’apprentissage par la résolution ludique de problèmes. Dans le cadre d’une étude, un groupe d’enfants de quatre ans provenant d’un quartier défavorisé dans le Massachusetts a été réparti au hasard dans deux groupes. À la fin de l’étude (d’une durée de deux ans), les enfants qui avaient participé au programme Rightstart avaient une meilleure compréhension des nombres que les enfants du même quartier qui n’y avaient pas pris part. Ce qui est encore plus intéressant, c’est que des tests effectués par la suite auprès de ces enfants ont établi que ceux qui avaient participé à Rightstart

Étude sur la petite enfance 47

réussissaient mieux en mathématiques à neuf ans qu’un groupe témoin d’enfants de la classe moyenne.67 Robbie Case et Michael Mueller ont récemment condensé les données sur le développement de la petite enfance et les compétences mathématiques :

Les études concernant la réussite précoce en mathématiques ont démontré, de manière suivie, de grands écarts entre les groupes socio-économiques.68 Bien que l’on puisse parfois attribuer ces résultats à l’efficacité différentielle du système scolaire chez les divers groupes socio-économiques, nos propres données suggèrent que là ne réside pas la principale raison, puisqu’il existe déjà de grandes différences en compétences numériques avant même que l’enfant commence à aller à l’école. Par exemple, dans une des études que nous avons menées, nous avons trouvé des différences de un à deux ans entre l’âge auquel les enfants de groupes socio-économiques très élevés et très bas sont arrivés à résoudre le problème de Dehaene [un problème simple qui révèle la compréhension des nombres] et tous les autres problèmes qui lui sont associés. Les groupes d’enfants au statut socio-économique élevé pouvaient résoudre ce problème à quatre ans ou à cinq ans, tandis que les groupes d’enfants au statut socio-économique faible n’y arrivaient souvent qu’à l’âge de six ans et plus.69 Bien que certains préfèrent peut-être une explication génétique, nous pensons pour notre part que ces différences découlent de l’expérience, puisque leur ampleur varie d’un pays à l’autre en fonction des politiques sociales, et ce, même lorsqu’on tient compte de la diversité des populations. »70

L’école maternelle en France Les études menées sur les écoles maternelles françaises ont établi qu’une participation aux programmes préscolaires à un très jeune âge a des répercussions sur la réussite scolaire par la suite, quel que soit le groupe socioéconomique. Plus les enfants passent de temps dans les programmes préscolaires (qui commencent dès l’âge de deux ans et demi), mieux ils réussiront à l’école en première année. L’école maternelle est un programme public qui fait partie du système scolaire. La plupart des enfants de deux ans et demi à trois ans sont inscrits au programme pour toute la journée (soit de 8 h 30 à 16 h 30). Les enseignants ont généralement un diplôme en éducation préscolaire obtenu après quatre ans d’études universitaires. Les programmes mettent de l’avant une gamme d’activités allant de l’expression créative aux activités langagières, en passant par des activités physiques.71 En 1980, le ministère français de l’Éducation a mis en place une vaste enquête sur 20 000 écoliers pour mesurer les effets de l’enseignement préscolaire sur les résultats en première année d’école primaire. Il a établi que chaque année de participation à un programme préscolaire réduisait la probabilité de redoublement de la première année et ce, qu’il s’agisse des enfants issus de familles à revenu élevé ou de familles à revenu faible.72 Les résultats de l’étude indiquent que les programmes d’aide à la petite enfance profitent aux enfants de toutes les couches socio-économiques.

Enquête indépendante sur les inégalités en matière de santé Présidée par Sir Donald Acheson, la Independent Inquiry into Inequalities in Health73 é valuait le mérite des programmes préscolaires aux États-Unis : elle étudiait des essais comparatifs, pris au

48 Étude sur la petite enfance

hasard de services de garde non parentale et à l’extérieur, pour les enfants de moins de cinq ans.74 Ces études comprenaient les projets Ypsilanti/High Scope et Carolina Abecedarian (mentionnés précédemment). Elles ont porté sur plus de 2 000 enfants au total et visaient pour la plupart des familles au statut socio-économique faible. Presque toutes comprenaient des visites à domicile et de la formation aux parents, tandis que la composante éducative en tant que telle variait. Comme les autres études que nous avons évoquées jusqu’ici, celle du comité Acheson est arrivée à la conclusion que la réussite scolaire des enfants était continuellement meilleure chez les groupes qui avaient reçu une éducation à un jeune âge dans un milieu de garde. Elle a également souligné que certains programmes avaient un impact positif sur la réussite financière, l’éducation et l’emploi des mères dont les enfants fréquentaient le milieu de garde.

Visites à domicile Les visites à domicile n’offrent pas les mêmes possibilités de développement de l’enfant que les centres d’éducation à la petite enfance. Les chercheurs se sont penchés sur le rôle de ces visites pour aider les bébés et leur mère par la formation parentale, les soutiens sociaux à la mère et l’orientation vers les services sociaux et autres. Ces programmes commencent parfois pendant la grossesse et se poursuivent généralement pendant les deux premières années de vie. L’une de ces études, menée à Elmira (État de New York), a établi que les visites à domicile d’une infirmière diplômée pour aider les familles à risque élevé réduisaient la fréquence de mauvais traitements de l’enfant par les parents.75 Elles permettaient de diminuer également le nombre de visites aux services d’urgence des hôpitaux. Elles comportaient donc des avantages, particulièrement pour les mères à très grand risque, en leur offrant des possibilités d’emploi accrues et en réduisant le nombre de grossesses ultérieures. Par contre, elles n’entraînaient aucune augmentation du QI des enfants à l’âge de quatre ans. Une analyse de suivi menée récemment, 15 ans plus tard, a permis de constater que les enfants nés de mères célibataires à faible revenu et qui avaient bénéficié de visites à domicile d’infirmières en avaient peut-être tiré certains avantages, car ils avaient moins de comportements antisociaux et criminels.76 Cependant, l’effet sur les autres problèmes de comportement était nul. Malheureusement, l’enquête n’a pas produit d’autres mesures des résultats des enfants, en termes de développement et de réussite. Les visites à domicile ne semblent donc pas avoir grand effet sur le développement des tout-petits, à moins d’être conjuguées aux programmes d’éducation à la petite enfance.

Études sur les primates Stephen Suomi et son équipe ont mené des recherches poussées sur les macaques rhésus.77 Ils ont étudié les effets des conditions d’élevage sur le comportement et le développement de ces singes. Les résultats indiquent que le tempérament de ces singes dépend largement du cercle familial du jeune singe et que les tendances génétiques peuvent être largement modifiées par les premières expériences. Les premières relations avec la mère ou les autres pourvoyeurs de soins semblent jouer un rôle particulièrement important en matière de structure physiologique et de comportement tout au long de la vie. Dans le cadre d’une série d’études, un groupe de singes élevés sélectivement pour exhiber un comportement soit hautement réactionnel, soit normalement réactionnel, a été pris en charge par des

Étude sur la petite enfance 49

singes femelles adultes qui n’étaient pas leurs mères biologiques. Les femelles adultes avaient déjà eu des petits et avaient fait preuve soit de soins extrêmement attentionnés envers leur bébé, soit de soins normaux envers celui-ci (groupe témoin). Les mères se sont occupées de leur « progéniture adoptive » pendant six mois avant qu’elle aille se joindre au reste du groupe. Les bébés aux tendances réactionnelles normales n’ont pas présenté de différence prononcée avec la situation antérieure, que leur mère adoptive ait été très attentionnée ou non. Comme on s’y attendait, les bébés aux tendances réactionnelles élevées qui avaient reçu des soins normaux manifestaient une hésitation à explorer et des réactions exagérées aux situations stressantes mineures. Par contre, les bébés aux tendances réactionnelles élevées qui avaient reçu des soins exceptionnellement attentionnés exploraient davantage leur environnement, réagissaient mieux aux situations de stress et ont mieux accepté le sevrage que les autres groupes (soit le groupe de jeunes singes au comportement très réactionnel et le groupe au comportement réactionnel normal). Suomi a également établi que les singes femelles qui n’avaient pas reçu de soins attentionnés et dont le comportement était hautement réactionnel, avaient tendance à donner peu de soins à leur progéniture, déclenchant ainsi un cycle intergénérationnel. En plaçant les mères qui avaient été négligées et leur bébé en compagnie d’une mère attentionnée, on observait un développement normal du bébé et une amélioration de la mère. Dans le cadre de ces expériences, il existe un soutien constant pour la progéniture et pour la mère négligée, une sorte de combinaison individualisée de soins parentaux et de développement du jeune.

QUI A BESOIN DE SOUTIEN PARENTAL ET D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE? L’une des conclusions de l’Étude sur la petite enfance est que pour améliorer les résultats des enfants en matière d’apprentissage, de comportement et de santé pour la durée de leur vie, l’Ontario doit soutenir les familles (enfants et parents) de tous les groupes socioéconomiques de la société. Les preuves avancées par les neurosciences et les études sur le développement de l’enfant sont claires : les premières années d’existence sont cruciales pour la mise en place de bonnes fondations pour l’avenir de l’enfant. Nous avons beaucoup à apprendre des études qui nous renseignent sur le milieu et les expériences qui favorisent le bon développement du tout-petit et sur les programmes qui améliorent les résultats des enfants. Mais qui a besoin de ce soutien? Les enfants et les familles de l’Ontario ne se portent-ils pas déjà plutôt bien? La réponse à ces questions est apportée en détail dans les deux chapitres suivants. Le chapitre 2 aborde le contexte socioéconomique des familles ontariennes et canadiennes d’aujourd’hui. Le chapitre 3 passe en revue les découvertes sur les résultats des enfants et examine les connaissances que nous avons acquises sur l’importance du rôle parental et du statut socio-économique. De manière générale, nous présentons des arguments soutenant qu’un nombre considérable de familles ontariennes tireraient profit d’un programme d’éducation à la petite enfance et d’un soutien au rôle parental, et que ces familles se retrouvent à tous les niveaux de l’échelle socio-économique.

POUR CONCLURE :

50 Étude sur la petite enfance

■ De nouvelles connaissances ont modifié notre compréhension du développement cérébral et s’intègrent aux connaissances déjà acquises sur les premières années par la psychologie du

développement. Nous savons maintenant que des expériences et une stimulation intervenant tôt dans la vie, ainsi que des interactions positives avec les adultes et d’autres enfants sont bien plus importantes pour le développement cérébral qu’on ne le pensait auparavant.

■ Il est clair que la période de la conception à l’âge de six ans est plus importante que toute autre période du cycle biologique pour le développement cérébral et l’apprentissage, le comportement et la santé futurs. Les effets des premières expériences de la vie, surtout durant les trois premières années, sur le câblage et le modelage des milliards de neurones, sont enracinés à jamais.

■ Le cerveau du jeune enfant se développe grâce à la stimulation des canaux sensoriels (la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût) découlant des premières expériences. La mère qui allaite son bébé ou le père qui lit une histoire à son tout-petit assis sur ses genoux, font vivre à leur enfant une expérience enrichissante favorisant son développement cérébral. Les soins et l’éducation prodigués durant les périodes critiques de développement cérébral ne font pas que stimuler le développement des parties du cerveau qui coordonnent les fonctions de la vue et d’autres sens, ils activent aussi les embranchements neuronaux à d’autres parties du cerveau qui interviennent dans l’excitation, la maîtrise des émotions et le comportement. Un enfant privé de stimulation positive ou assujetti à un stress chronique durant les premières années de sa vie peut éprouver des difficultés à surmonter le handicap d’un mauvais départ dans la vie.

■ Le développement cérébral étant un processus continu, les initiatives visant le développement et l’éducation de la petite enfance doivent également former un tout continu. L’apprentissage du jeune enfant doit être axé sur des interactions de qualité avec les principaux pourvoyeurs de soins et intégrer la résolution de problèmes par le jeu en compagnie d’autres enfants afin de stimuler le développement cérébral.

■ Il ne fait aucun doute que de bons programmes d’éducation à la petite enfance, qui font participer les parents ou les principaux pourvoyeurs de soins, pourront modifier les rapports que ceux-ci entretiennent avec le jeune enfant au foyer et améliorer énormément le comportement, l’apprentissage et la santé de l’être humain plus tard dans la vie. Plus on s’y prend tôt, meilleurs sont les résultats. Ces programmes profitent aux enfants et aux familles de tous les groupes socio-économiques.

■ La petite enfance est aussi importante que toute autre période de la vie si l’on veut rehausser le niveau d’instruction et les compétences de la population. Vu son importance, la société doit lui accorder au moins autant d’attention qu’elle en accorde aux périodes des études primaires, secondaires et postsecondaires.

Étude sur la petite enfance 51

53 Étude sur la petite enfance

Chapitre 2 L’ÉVOLUTION SOCIO-ÉCONOMIQUE, LES FAMILLES ET LES ENFANTS Les familles modernes vivent aujourd’hui dans une société plus complexe et moins stable que durant les trois décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Nous sommes tous concernés par ce profond bouleversement socio-économique. Dans le présent chapitre, nous passons en revue les éléments suivants :

1. Comment la façon dont les économies créent et distribuent la richesse affecte les jeunes enfants et comment le développement durant la petite enfance se répercute sur la santé et les compétences des populations tout au long du cycle de vie. Les jeunes familles sont les plus touchées par les bouleversements socio-économiques.

2. Certaines des répercussions provoquées par les profonds changements technologiques et la mondialisation de l’économie. Le défi est maintenant de faciliter la construction de la nouvelle économie, d’aider les gens à s’y adapter et de soutenir des milieux sociaux cohésifs et de grande qualité.

3. Pourquoi les premières années du développement de l’enfant doivent faire l’objet d’investissements prioritaires par les sociétés et les gouvernements désireux de faire face à ces changements. Si les choix de société sont clairs, les choix politiques le sont moins.

4. Comment les politiques et les institutions doivent s’adapter à certaines réalités comme la présence des femmes sur le marché du travail, l’évolution des structures familiales et les pressions subies par les jeunes familles.

INTERACTION DU CHANGEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA SANTÉ, DU BIEN-ÊTRE ET DE L’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE La nette amélioration de la santé et du bien-être des citoyens du monde occidental depuis la Révolution industrielle constitue l’un des changements les plus remarquables de l’histoire de l’humanité. À long terme, la Révolution industrielle a permis d’améliorer la santé et le bien-être des populations grâce à une prospérité accrue et à une meilleure alimentation. Tous ne s’accordent pas sur l’ampleur de cette influence par rapport aux effets de la médecine et de la santé publique, mais d’après Thomas McKeown, 75 % du déclin de la mortalité au Royaume-Uni après 1840 serait attribuable à une meilleure alimentation, partiellement en raison de la prospérité accrue de la population.78 Dans une analyse historique plus détaillée du déclin de la mortalité dans les pays occidentaux suite à la Révolution industrielle, Robert Fogel, éminent spécialiste en histoire de l’économie de l’Université de Chicago, en est arrivé à des conclusions similaires.79 D’après lui, l’amélioration de l’espérance de vie coïncide avec une augmentation de la taille moyenne de la population. Fogel conclut donc qu’une meilleure alimentation (mesurée en fonction de la taille) des enfants

représentait un facteur important, et que c’est dès la petite enfance que sont établis les risques de maladies chroniques chez l’adulte. Cette conclusion tirée de faits historiques a été corroborée par les résultats d’études épidémiologiques et biologiques sur la population contemporaine. Voici les conclusions d’un rapport récemment publié au Royaume-Uni sur les facteurs qui contribuent aux inégalités en matière de santé :

« Même si les facteurs de risque remédiables touchant la santé se manifestent pendant toute la vie, l’enfance représente une étape critique et vulnérable où des circonstances socio-économiques défavorables peuvent avoir des conséquences durables. Le suivi d’échantillons successifs de nouveau-nés pendant toute leur vie a montré l’influence cruciale des premières années sur la santé et le développement subséquents sur les plans mental et physique ».80

La façon dont les économies créent et distribuent la richesse influe sur les structures sociales dans lesquelles évoluent les parents et les tout-petits, ce qui se répercute sur la santé et les aptitudes des gens pendant toute leur vie. Sen81 and Dasgupta82, économistes à l’Université de Cambridge, ont montré que la santé d’une population agit sur la vigueur de son économie et que l’équité en matière de santé pour une population donnée est un indicateur du bon fonctionnement de l’économie. Dans son analyse historique, Robert Fogel calcule que l’amélioration de la qualité de la population britannique, dont témoigne le déclin des taux de mortalité après la Révolution industrielle, compte pour environ 50 % de la croissance économique après 1790.79 Les politiques économiques et sociales qui ne tiennent pas compte de l’équilibre délicat entre la croissance économique d’une part, et le milieu social et le développement humain d’autre part risquent d’enfermer la société dans une situation d’inégalité croissante et de chute du niveau de vie. On admet de plus en plus souvent que l’Amérique du Sud ne pourra pas prospérer tant que la criminalité et la violence feront rage dans les rues de ses villes, et qu’il sera impossible de remédier à ce problème sans se pencher sur la question de l’éducation à la petite enfance. Par conséquent, l’éducation à la petite enfance est devenue un sujet d’intérêt aussi bien pour la Banque interaméricaine de développement que pour la Banque mondiale en ce qui concerne la croissance économique des pays en voie de développement. Lorsqu’il a reçu le Prix Nobel en 1993, Fogel a critiqué l’inaptitude généralisée des théoriciens de l’économie à mieux saisir la relation qui existe entre l’économie et la qualité de la population dans une optique historique :

« Au début de mon allocution, j’ai insisté sur le besoin pour les économistes de parler des processus dynamiques à long terme par le biais d’une étude historique. Pour savoir ce qui s’est vraiment passé autrefois, il faut investir énormément de temps et de travail. Heureusement pour les théoriciens, ce sont les historiens de l’économie qui se chargent du plus gros de ce travail. Il ne reste plus aux théoriciens qu’à essayer de comprendre ce que les historiens ont découvert. Une connaissance superficielle du travail des historiens de l’économie est au moins aussi dangereuse qu’une connaissance superficielle des théories ».83

54 Étude sur la petite enfance

Il est essentiel pour les économistes qui influencent les politiques publiques de relever le défi lancé par Fogel. Les gouvernements ne peuvent envisager l’étude de politiques concernant les premières années de la vie sans tenir compte des ramifications sociales et économiques de ces politiques pour la société toute entière. Nous savons qu’en période de bouleversement économique, tous les secteurs de la société en subissent les conséquences. Les groupes les plus vulnérables, généralement composés de mères et d’enfants, risquent d’être touchés plus négativement que d’autres secteurs de la société. Nous examinons maintenant certains faits concernant la période actuelle de changement technologique et économique, ainsi que les raisons pour lesquelles les mères et les enfants devraient recevoir un traitement prioritaire.

S’ADAPTER AU CHANGEMENT TECHNOLOGIQUE ET À LA MONDIALISATION DE L’ÉCONOMIE Les bouleversements économiques qui influent sur la capacité de création de richesses des sociétés sont commandés par ce que les économistes s’intéressant à la technologie et à la croissance économique appellent les « technologies d’usage général » (General Purpose Technologies ) et désignent par le sigle GPT.84A Le moteur à vapeur et l’électricité sont deux exemples de technologies d’usage général. Chaque GPT a remplacé une ancienne technologie et transformé le mode de fonctionnement et de production de plusieurs secteurs. Ces nouvelles technologies ont de multiples répercussions sur les sociétés. Les économistes ont beau s’accorder sur l’influence qu’ont les bouleversements technologiques sur la santé économique, il n’en reste pas moins que, dans une perspective historique, ces bouleversements ont des effets profonds sur les gens et les institutions tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Les changements apportés par les GPT sont plus complexes que les changements liés aux fréquents cycles économiques. Nous vivons aujourd’hui une révolution technologique où la capacité des systèmes informatiques remplace la puissance du cerveau humain par une intelligence artificielle de base. C’est un nouvel exemple de GPT qui permettra de confier à des machines des tâches accomplies normalement par des humains dans la majorité des secteurs d’emploi. Nous en voyons les effets dès aujourd’hui dans les secteurs de l’industrie, des finances, de l’éducation, de l’administration publique et des transports. Les voitures sont assemblées par des robots, les transactions bancaires s’effectuent par Internet ou au guichet automatique et les avions de ligne sont pilotés grâce à l’intelligence artificielle. L’application des GPT dans les domaines de l’électronique et des biotechnologies entraîne une modification des bases de notre économie, avec des répercussions sur le tissu social et les milieux de travail. Pour évaluer la capacité d’adaptation d’une société, on dispose entre autres d’un paramètre appelé la productivité globale des facteurs (PGF). La PGF est une mesure de l’efficacité d’une économie. C’est un indicateur de l’innovation dans une économie. L’avènement d’une nouvelle GPT entraîne parfois un ralentissement de la croissance de la PGF. L’absence de croissance de la PGF nuit à l’accroissement des richesses d’une société et à l’augmentation des revenus de ses citoyens. Pourtant, utilisée à bon escient, la nouvelle GPT devrait entraîner une augmentation de la PGF et une hausse équivalente de la qualité de vie (incluant une hausse des salaires).

Étude sur la petite enfance 55

Depuis le milieu des années 70, la croissance de la PGF est nulle dans de nombreux pays développés (y compris le Canada) et elle continuera à stagner au Canada pendant plusieurs années encore, d’après l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).84B, 85 Avec l’intégration de nouvelles GPT dans l’économie, ce ralentissement est normal, mais il se pourrait que le Canada prenne plus de retard que les autres pays du point de vue de la croissance de la PGF. Notre incapacité à obtenir une meilleure PGF grâce à la mise en œuvre des nouvelles technologies et à la restructuration de l’économie, comparativement aux autres pays, peut s’expliquer par une faible croissance de la position économique relative des jeunes et des éléments les moins formés et les moins éduqués de la population. Nous pouvons supposer que la croissance de la PGF au Canada reprendra avec une prospérité accrue lorsque nous saurons profiter des nouvelles GPT. Cela risque de prendre plusieurs décennies. Au cours du siècle, les sociétés évoluées ont mis en place des « filets de sécurité sociale » pour amoindrir l’impact des cycles économiques sur les familles et les particuliers. Or, il est plus difficile de préserver ces filets face aux bouleversements technologiques et économiques associés à l’introduction des GPT. La libéralisation des sociétés (par le biais de la déréglementation et de la privatisation) pour leur permettre de s’adapter à ces changements, ainsi que les compressions des ressources et des programmes du gouvernement, surtout en ce qui concerne les paiements de transfert, peuvent créer des situations difficiles pour les particuliers. Les programmes de sécurité sociale qui étaient conçus en fonction des cycles économiques reposaient sur l’hypothèse que le chômage était un phénomène temporaire et à court terme et que les travailleurs retourneraient dans le même secteur économique, voire chez le même employeur, une fois le nouveau cycle de croissance entamé. La révolution économique actuelle entraîne l’élimination d’emplois, d’entreprises et mêmes de secteurs entiers de l’activité économique. Par conséquent, les personnes qui perdent leur emploi doivent acquérir de nouvelles compétences et s’engager dans une nouvelle carrière pour pouvoir s’intégrer aux nouvelles entreprises. Il est peu probable que ces personnes retournent à leur ancien emploi ou même à leur ancien secteur d’activité. Au lieu des prestations de chômage ou d’aide sociale, ces personnes, quel que soit leur âge, doivent recevoir une formation et d’autres types de soutien à l’intégration sur le marché du travail dans le cadre de la nouvelle économie. Tout comme aux époques précédentes de transformation technologique, les sociétés font face à plusieurs défis :

♦ Harmoniser les politiques qui facilitent la construction de la nouvelle économie.

♦ Aider les gens qui ont du mal à s’adapter.

♦ Maintenir des milieux sociaux cohésifs et de grande qualité. Dahrendorf, ancien doyen de la London School of Economics, a récemment décrit le défi que doivent relever les pays industrialisés.

56 Étude sur la petite enfance

« La principale tâche des pays industrialisés dans la prochaine décennie sera de maximiser autant que possible la création de richesses, la cohésion sociale et la liberté politique, tout en étant conscient du fait que la promotion d’un seul de ces objectifs ne peut se faire qu’aux dépens des autres ».86

Le rôle du gouvernement dans ce changement apparaît clair à Dahrendorf.

« À tout le moins, les gouvernements doivent donner une orientation à l’économie et à la société en général. Le gouvernement devrait également donner le ton quant à la qualité globale de la population ».86

Si les choix de société sont clairs, les choix politiques le sont moins Nous savons maintenant comment les sociétés canadienne et ontarienne s’adaptent aux changements technologiques. Les salaires réels stagnent depuis 1975. Le chômage structurel est en hausse. Les particularités institutionnelles, économiques et sociales des collectivités et des gouvernements sont en pleine évolution. Ces changements influent sur les conditions de vie et les intérêts de tous les groupes sociaux. Toutes les pressions exercées par les efforts d’adaptation ont d’importantes répercussions sur les jeunes et les familles. Voici certains faits établis qui décrivent les changements économiques subis par le segment de la population qui élève des enfants :

■ Le salaire annuel réel des hommes de moins de 45 ans est en baisse depuis 1975, et au cours de la même période, on constate une nette augmentation du nombre de familles où les deux parents ont un emploi.87

■ La population de moins de 30 ans connaît un taux de chômage élevé chronique (mais qui est peut-être actuellement en déclin).87

■ Les paiements de transfert du gouvernement qui aidaient à soutenir le revenu individuel depuis 1975 ont été interrompus.

■ Les familles avec de très jeunes enfants sont celles qui ont le moins de ressources financières : 37 % des familles ontariennes ayant des enfants de moins de six ans ont un revenu total avant impôts de moins de 40 000 $, alors que ce pourcentage tombe à 27 % dans les familles où les enfants ont entre six et 16 ans.88

En 1972, environ 70 % du revenu des familles ayant des enfants de zéro à 14 ans et se situant au bas de l’échelle socio-économique (par rapport au revenu médian) provenait du travail, et 30 % des paiements de transfert. En 1992, plus de 60 % du revenu de cette portion de la population provenait des paiements de transfert, et 40 % du travail.88 L’effet tampon des paiements de transfert aurait empêché l’accroissement de l’inégalité des revenus (du moins jusqu’en 1996) qu’ont connue les États-Unis. Dans une étude détaillée sur l’incidence des familles à faible revenu avec enfants depuis les années 1980 jusqu’à 1991, Picot et Myles arrivent à la conclusion que malgré la baisse du revenu moyen des

Étude sur la petite enfance 57

personnes de moins de 35 ans, on ne constate aucune hausse correspondante du nombre d’enfants qui se retrouvent dans des familles à faible revenu, si l’on tient compte des fluctuations des cycles économiques. Ils ont ainsi conclu que ce sont les paiements de transfert qui ont compensé le déclin du revenu du travail pendant la même période. Mais, il y a eu réduction des paiements de transfert gouvernementaux depuis 1991, dernière année de la première étude de Picot et Myles. Une étude récente montre qu’au cours de la période allant de 1993 à 1996, on n’a observé aucune croissance dans la proportion de familles canadiennes qui vivent en dessous du seuil de faible revenu (SFR) de Statistique Canada90, c’est-à-dire le revenu en deçà duquel les familles dépensent beaucoup plus en produits de première nécessité (60 %) que la famille canadienne moyenne (40 %). Entre 1993 et 1996, l’écart par rapport au SFR pour les enfants (une évaluation de la position moyenne des enfants à faible revenu sous le SFR) s’est élargi de 31,2 % à 34,9 %. Cela signifie que le revenu familial moyen des familles vivant en dessous du SFR était de 31,2 % inférieur à ce seuil en 1993, et de 34,9 % en 1996. Toutefois, l’examen des données pour le Canada et l’Ontario montre que depuis 1975, il y a eu une augmentation constante du nombre de familles dont le revenu est inférieur au SFR, bien qu’il n’y ait pas eu de hausse nette entre 1993 et 1996. Le SFR – RAI (revenu après impôt) a connu un taux d’accroissement similaire après 1980. Cette mesure fait cependant ressortir une augmentation entre 1993 et 1996.

TABLEAU 2.1 POURCENTAGE DE LA POPULATION SOUS LE SFR OU SOUS LE SFR-RAI, 1975-1996

CANADA % 1975 1980 1986 1988 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 SFR % 11,84 15,5 17,5 16,2 17,8 18,8 19,0 21,2 19,3 21,0 21,1 SFR-RAI % 11,9 13,6 12,6 13,3 14,5 14,2 13,8 14,8 16,5 19,2

ONTARIO % 1975/76 1980/81 1988/89 1990/91 1992/93 1993/94 1995/96 SFR % 11,53 13,7 11,9 16,1 18,3 19,3 19,8 SFR-RAI % 10,5 9,5 12,1 13,1 13,8 16,0

Statistique Canada (1995 et sous presse) Le tableau 2.1 fait la comparaison entre le SFR et le SFR-RAI pour les familles ayant de jeunes enfants entre 1975 et 1996.89, 90 Quand on fait de telles comparaisons, il faut tenir compte de l’impact des cycles économiques. En Ontario, si l’on compare les périodes 1980-1981 et 1995-1996, le nombre d’enfants vivant en dessous du SFR est passé de 13,7 % à 19,8 %, et de 10,5 % à 16 % pour le SFR-RAI. Au cours de la période allant de 1975 à 1996, les variations observées sont compatibles avec les effets d’une nouvelle GPT sur une économie et les personnes qui la composent.

58 Étude sur la petite enfance

TABLEAU 2.2 INDICATEURS DU BIEN-ÊTRE SOCIAL EN ONTARIO 1975-199591

* Le taux de mortalité infantile équivaut au nombre de décès d’enfants de moins de un an par

1000 naissances. ** Pourcentage des enfants blessés des suites d’une agression, d’abus sexuels, de mauvais

traitements ou de négligence. L’amenuisement du filet de sécurité sociale peut faire augmenter le nombre de familles dont le revenu est inférieur au SFR. Dans le cas de familles bi-parentales, l’augmentation du pourcentage sous le SFR est surtout imputable aux réductions des prestations d’assurance-emploi. Dans le cas des familles monoparentales, ce sont surtout les réductions des prestations de l’aide sociale qui sont en cause. Puisque les jeunes enfants comptent parmi les groupes les plus vulnérables aux bouleversements socio-économiques que nous traversons, il serait bon d’étudier les tendances en ce qui concerne la santé, l’épanouissement et le bien-être des enfants. Malheureusement, les données dont nous disposons pour la période subséquente à 1975 portent uniquement sur la mortalité infantile et les mauvais traitements. Le tableau 2.2 présente les données relatives à l’Ontario pour la période de 1975 à 1995. Le taux de mortalité infantile a connu une baisse constante jusqu’en 1990. Il est resté relativement stable depuis. En revanche, l’incidence des mauvais traitements signalés a augmenté et le nombre de cas signalés continue d’augmenter depuis 1995. Les données à ce sujet sont compatibles avec l’augmentation des cas qui a été signalée par les sociétés d’aide à l’enfance et par le gouvernement provincial.92 Tous les membres de la société sont touchés par les bouleversements socio-économiques, par les contraintes d’une économie qui tourne au ralenti et par la résistance à laquelle font face les gouvernements qui veulent augmenter les impôts et accroître, ou seulement maintenir, les dépenses publiques dans un contexte de marasme économique d’après le paramètre de la productivité globale

Étude sur la petite enfance 59

des facteurs (PGF). Il semble que l’Ontario ait mieux réussi à maintenir la qualité de son milieu social au cours de cette période de changement que les États-Unis et d’autres provinces.93 Une économie caractérisée par une PGF stagnante rend difficile pour les gouvernements de préserver les filets de sécurité sociale et les programmes publics de soins de santé et d’éducation. Depuis le milieu des années 70, les programmes gouvernementaux se sont accrus au point de dépasser la capacité fiscale du gouvernement, sur les plans économique et politique. Aux prises avec des bouleversements technologiques et économiques, les gouvernements canadiens, quelle que soit leur allégeance politique, ont dû sabrer les dépenses publiques. À titre d’exemple, mentionnons la réduction des paiements de transfert aux particuliers et les compressions opérées dans les dépenses pour les soins de santé et pour l’éducation. Compte tenu de ces réalités, comment un gouvernement peut-il faire pour accorder la priorité au développement de la petite enfance?

CROISSANCE ÉCONOMIQUE ET PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT Voici ce qu’écrit le magazine The Economist sur l’importance de notre nouvelle compréhension des facteurs déterminants de la croissance économique en rapport avec les innovations technologiques :

« Il reste à espérer que le principal effet [de cette nouvelle compréhension] sera de repenser les priorités économiques. Ces priorités sont influencées, plus que les politiciens ne veulent l’admettre, par des débats qu’ils comprennent à peine - pensons à Keynes et à la gestion de la demande après 1945, ou à Milton Friedman et au monétarisme des années 70. La nouvelle théorie de la croissance confirme que les gouvernements ont tort de se concentrer aussi exclusivement sur le cycle économique. Si cela les amène, d’une manière indirecte, à réfléchir à l’éducation, à l’investissement, à la recherche et au développement, à la réforme des échanges commerciaux, aux droits de propriété intellectuelle et ainsi de suite, ce sera un réel progrès ».94

À une époque aussi complexe que la nôtre, quelles devraient être les priorités du gouvernement? Celle qui devrait dominer est la qualité future de la population, particulièrement quant à ses compétences et à ses capacités d’adaptation. Nous sommes d’accord avec l’idée générale exprimée dans l’article de The Economist. Faisant suite à ce qui a été dit au Chapitre 1, il ressort clairement que les premières années doivent faire l’objet d’une priorité élevée pour l’investissement si nous voulons former une population compétente et instruite pour l’avenir, et que le gouvernement de l’Ontario doit mettre sur pied une politique à long terme pour faire de l’approche parentale et de l’éducation à la petite enfance une priorité pour l’investissement public et privé.

On convient généralement qu’il faut absolument améliorer les capacités de la population future à relever les défis du changement technologique et de la mondialisation. Pourtant, personne ne peut prévoir quelles seront, dans 25 ans, les demandes spécifiques de l’avenir pour la main-d’œuvre de l’Ontario. Cela signifie que nous devons préparer une population adaptable et compétente qui sera capable de suivre l’évolution future.

60 Étude sur la petite enfance

La période de la petite enfance doit compter au moins autant que l’éducation primaire et secondaire et que l’éducation postsecondaire parmi les priorités du secteur privé et du secteur public en matière d’investissement. Les personnes qui entreront sur le marché du travail en 2025 naîtront l’an prochain. Elles formeront une cohorte réduite par rapport au nombre croissant de personnes âgées. Cette génération étant un facteur déterminant de la richesse de l’Ontario dans 25 ans, elle doit constituer une main-d’œuvre compétente. Les nouvelles connaissances acquises sur le développement du cerveau nous permettent de dire qu’au cours de la période qui s’étend de la conception à l’âge de six ans, et plus particulièrement pendant les trois premières années de la vie, on jette les bases de la qualité de la main-d’œuvre future. Tout le monde doit accorder la plus haute priorité aux mesures visant à aider les futurs citoyens à se développer au mieux de leurs capacités. Cela est essentiel pour inverser la véritable « fuite des cerveaux », pour un plein épanouissement des enfants.

PRÉSENCE DES FEMMES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL, ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE FAMILIALE ET STRESS VÉCU PAR LES FAMILLES Le monde occidental a connu une augmentation massive du nombre de femmes sur le marché du travail. La structure familiale la plus courante n’est plus celle de la « famille nucléaire », où le père travaille à l’extérieur et la mère tient la maison et s’occupe des enfants. À l’heure actuelle, les deux parents font partie de la population active et prennent des dispositions pour faire garder leurs enfants à la maison ou ailleurs. Cette révolution se conjugue à une hausse de l’âge auquel les gens décident d’avoir des enfants et à une baisse du nombre d’enfants. Au Canada, la participation des femmes au marché du travail est passée de 25 % en 1951 à plus de 60 % aujourd’hui.95 Le taux de participation des femmes de 25 à 44 ans dépasse 75 %.87 Plus de 67 % des femmes qui ont des enfants de zéro à 11 ans détiennent un emploi.51 En Ontario, la majorité des jeunes enfants (60 %) vivent dans une famille bi-parentale où les deux parents ont un revenu d’emploi.51 L’affluence des femmes sur le marché du travail, y compris les mères de jeunes enfants, a aidé à maintenir le niveau de revenu des familles malgré la restructuration de l’économie. Le taux de participation au marché du travail des femmes ayant des enfants de zéro à six ans est passé à 65,5 % en 1995; 20,7 % travaillent à temps partiel (moins de 30 heures) et 44,8 % à temps plein.87 En Ontario, le taux de participation à temps plein et à temps partiel des mères d’enfants de zéro à 11 ans qui vivent dans une famille bi-parentale est de 73 %, comparativement à seulement 47 % pour les mères qui sont chefs de famille monoparentale.51 L’augmentation rapide de la participation des femmes au marché du travail oblige les gouvernements à modifier leurs politiques sociales et économiques. Les attitudes et les structures institutionnelles ne sont pas vraiment adaptées aux véritables répercussions de cette évolution. Nos investissements et nos politiques correspondent à l’ancien modèle de l’homme pourvoyeur et de la femme ménagère et éducatrice. Nos institutions et nos politiques doivent évoluer en fonction des nouvelles réalités.

Étude sur la petite enfance 61

L’accroissement de la participation des femmes dans la main-d’œuvre coïncide avec une transformation radicale des structures familiales.95 Au Canada, l’augmentation rapide du nombre de familles monoparentales, qui est passé d’environ 6 % au début des années 70 à environ 16 % de nos jours, a ajouté à la complexité des services de soutien aux parents d’enfants en bas âge. La hausse du nombre de familles monoparentales en Ontario se compare à celles du Canada et des États-Unis. De nos jours, plus de 20 % des bébés naissent de mères non mariées. Contrairement à ce que l’on croit souvent, seulement 20 % de ces enfants ont une mère adolescente. De nos jours, la majorité des familles monoparentales ont pour chef une femme séparée ou divorcée. Le plus souvent, ces femmes se remarient et forment une fa mille biparentale reconstituée. En 1994, en Ontario, de tous les enfants de zéro à 11 ans :51

♦ 15 % vivaient dans une famille monoparentale;

♦ 23 % avaient vécu le divorce ou la séparation des parents; et

♦ 9 % vivaient dans une famille reconstituée. L’évolution des familles et la participation croissante des femmes au marché du travail ont entraîné la création de nouvelles stratégies pour la garde d’enfants en bas âge. Si les deux parents travaillent, les systèmes de soins doivent prendre en charge les enfants en bas âge. Au cours des 25 dernières années, le besoin de services de garde non parentale s’est accru. En 1995, 40 % des 2,3 millions d’enfants canadiens de zéro à cinq ans fréquentait un service quelconque de garde non parentale. Ces enfants passaient environ 27 heures par semaine dans ces services.87 Par conséquent, même avec une présence plus forte des femmes dans la main-d’œuvre, les parents restent les premiers pourvoyeurs de soins aux enfants. Le rôle parental a un impact majeur sur les premiers stades du développement d’un enfant. Quels sont les effets des bouleversements économiques sur le rôle parental? Une analyse menée dans le cadre de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ) au sujet de l’influence du style d’éducation parentale sur le développement de l’enfant a montré que les parents qui privilégiaient une approche rationnelle et attentive, et qui raisonnaient leur enfant, obtenaient les meilleurs résultats sur le plan du développement cognitif et comportemental.96 Les mauvaises méthodes parentales, permissives et irrationnelles, produisaient les résultats les moins favorables. Ce qu’il est intéressant de noter c’est que ces mauvaises méthodes parentales se retrouvent dans toutes les couches socio-économiques et, bien qu’on ait remarqué un niveau légèrement plus élevé de bonnes attitudes parentales dans les groupes socio-économiques à revenu moyen ou élevé, elles étaient également très présentes dans les couches à revenu plus faible. Cette question sera abordée au chapitre 3.

62 Étude sur la petite enfance

Compte tenu des changements sociaux et économiques, le temps que les parents ont à consacrer à leur enfant et le soutien qu’ils reçoivent hors de la maison constituent des facteurs important de l’éducation à la petite enfance. L’analyse des données de l’ELNEJ97 indique que les mères qui

occupent un emploi à temps plein affichent systématiquement des niveaux d’interaction plus faibles que les mères qui travaillent à temps partiel ou que celles qui restent à la maison. Parmi les mères ayant un revenu familial faible, l’intensité de l’interaction des mères qui occupaient un emploi à temps plein était beaucoup plus faible que celle des mères travaillant à temps partiel ou restant à la maison. Cette situation constitue un véritable problème pour les familles à faible revenu qui ont très peu de soutien hors de la famille. D’après les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, la famille canadienne est de plus en plus surmenée.98 En 1995, une enquête effectuée sur le thème du travail a établi que 25 % des femmes avec des enfants désiraient travailler plus d’heures, alors que moins de 10 % voulaient réduire leurs heures de travail.99 Il semble que l’interaction parentale avec les enfants est davantage fonction du temps disponible que du revenu familial ou du niveau de scolarité des parents. Dans la prochaine section, nous montrerons que le développement de nombreux enfants de toutes les classes sociales laisse à désirer. Cet état de choses est sans doute partiellement lié à l’engagement des parents et à l’existence et à la qualité des services de garde d’enfants hors du domicile. Puisque les femmes représentent maintenant une bonne part de la main-d’œuvre, les employeurs privés et publics doivent absolument élaborer des politiques d’éducation à la petite enfance qui tiennent compte de l’évolution des conditions socio-économiques. Vu les changements économiques, l’augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail et l’évolution des structures familiales, il n’est pas étonnant que l’on s’inquiète du stress familial et de ses répercussions sur les enfants. Bien des parents qui occupent un emploi éprouvent un « déficit de temps pour la famille », ayant du mal à trouver l’équilibre entre le travail et les responsabilités familiales. Dans une étude du stress chez les hommes et les femmes de 25 à 44 ans qui occupent un emploi à temps plein, le tiers des femmes mariées avec des enfants et 22 % des chefs de famille monoparentale ont affirmé être soumis à un stress élevé.100

Il est cinq heures trente du matin et maman est déjà debout. Elle prépare le casse-croûte de son enfant d’âge scolaire, elle trie les vêtements qu’elle était trop fatiguée pour sortir de la sécheuse la veille et elle répète un exposé qu’elle devra présenter à huit heures trente au bureau. Son plus jeune enfant sera bientôt debout, plus disposé à jouer qu’à s’habiller et à prendre son petit déjeuner. Il faudra ensuite le déposer à la garderie située sur le chemin du bureau, enfin, pas exactement sur le chemin, mais plus près que l’ancienne garderie et de meilleure qualité, mais aussi plus chère. Papa se charge de donner son petit déjeuner à l’aînée et de l’emmener à l’école. Du moment que personne n’est malade, tout va bien jusqu’à la fin de la journée, quand la routine recommence. Chaque fois qu’on est en retard pour prendre son enfant à la garderie, il faut payer des frais exorbitants. L’aînée est encore trop jeune pour rester seule à la maison après l’école, mais cela arrive parfois. Certains jours, l’horaire semble impossible à gérer.

Malgré les pressions économiques ressenties par les familles, jusqu’à récemment, le Canada a mieux réussi que les États-Unis à maintenir le niveau des revenus. La disparité entre les revenus ne s’est pas élargie autant chez nous que chez nos voisins du Sud, et la polarisation des revenus n’est pas aussi grave, comme l’illustre l’évolution de la répartition des revenus de la classe moyenne.93

Étude sur la petite enfance 63

L’Institut Vanier de la famille a émis les remarques suivantes sur la famille canadienne qui traverse une époque mouvante et complexe :

« Pour assurer la prospérité du Canada et de ses habitants au XXIe siècle, nous devons trouver des manières d’harmoniser les exigences de la vie professionnelle avec celles de la vie familiale. L’atteinte d’un équilibre entre l’emploi et la famille constitue une stratégie clé pour accroître la productivité, la créativité, la compétitivité internationale, la sécurité de la famille et la vitalité de la vie communautaire. Cette question concerne tellement d’aspects de notre vie quotidienne que cet équilibre constitue un gage pour l’amélioration du développement sain de nos enfants et du bien-être dans la vie de chacun, homme ou femme. »

« Le défi représenté par le rapport travail-famille constitue le principal enjeu que le Canada et les autres pays industrialisés doivent aborder à l’aube du nouveau millénaire. Les questions qui se posent à la suite de la restructuration révolutionnaire des économies modernes et des changements tout aussi radicaux de la structure familiale nous forcent à nous interroger en tant que particuliers, membres d’une famille ou d’une collectivité, employeurs et citoyens ».101

Dans son dossier sur les femmes faisant partie de la main-d’œuvre, le magazine The Economist a récemment émis la conclusion suivante :

« Il faut commencer par reconnaître qu’on ne peut plus renverser la vapeur. Les économies modernes seraient incapables de subsister sans les travailleuses, et peu de femmes de nos jours voudraient vivre sans travailler. Les gouvernements, les employeurs et les particuliers doivent repenser leur rôle ».102

Nous sommes d’accord avec cette idée.

POUR CONCLURE :

■ Notre qualité de vie future dépend de notre habileté à gérer l’interaction complexe entre la nouvelle économie, l’évolution des milieux sociaux et les effets du changement sur les particuliers, notamment ceux qui sont les plus vulnérables, soit les jeunes enfants en plein développement.

■ Nous savons que les profondes transformations économiques et sociales que subit actuellement la société exercent un important stress sur les familles et le développement des jeunes enfants.

■ L’une des meilleures façons d’accroître les aptitudes à l’innovation de la prochaine génération de citoyens serait d’amener les secteurs public et privé à accorder une importance capitale au développement de la petite enfance.

■ Il incombe autant aux gouvernements, aux employeurs, aux collectivités et aux particuliers de surmonter les difficultés du travail, des charges familiales et du développement des jeunes enfants.

■ Étant donné que la croissance économique repose sur une population compétente et capable de s’adapter aux changements socio-économiques, le développement de la petite enfance doit être de première importance pour la société et ses gouvernements.

64 Étude sur la petite enfance

65 Étude sur la petite enfance

Chapitre 3 LA SITUATION ACTUELLE DES ENFANTS ONTARIENS La population ontarienne compte environ 900 000 enfants de six ans et moins. Tous les ans, 150 000 bébés naissent et environ le même nombre d’enfants (en plus des nouveaux venus en Ontario) atteignent l’âge de six ans et entrent en première année. Nous savons qu’à cet âge, un bon nombre de périodes critiques pour le développement du cerveau sont terminées ou sur le point de l’être. Dans ce chapitre, nous examinons la situation des enfants ontariens au vu des nouvelles connaissances sur le développement du cerveau durant la petite enfance et ses effets sur l’apprentissage, le comportement et la santé tout au long de la vie, et à la lumière des pressions exercées sur les familles dans la période de bouleversements socio-économiques que nous traversons.

Grandes lignes du chapitre 1. Énoncé des principales constatations.

2. Examen des indicateurs du développement des jeunes enfants ontariens.

3. Comparaison du niveau d’alphabétisation en Ontario et dans d’autres régions.

4. Description de la notion de « vulnérabilité ».

5. Arguments en faveur d’une amélioration des données ontariennes sur les résultats.

6. Aperçu des résultats des enfants ontariens. Au dire de gens travaillant dans différents secteurs des services, comme l’éducation et la santé mentale, on trouve de plus en plus d’enfants ayant des problèmes, notamment sur les plans de l’apprentissage et du comportement. Toutefois, l’éparpillement des données mises à notre disposition nous a empêchés d’obtenir des documents mettant clairement en évidence la situation des enfants ontariens au cours des 25 dernières années. Nous avons par conséquent puisé dans deux principales sources de données récentes qui nous ont permis de recueillir des renseignements sur la situation actuelle des enfants ontariens :

♦ L’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ), qui a permis de recueillir des données sur plus de 20 000 enfants d’un bout à l’autre du Canada.

♦ Statistique Canada, en collaboration avec l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) de l’Ontario, organisme chargé d’administrer les résultats des tests scolaires et d’exploiter les données du recensement de la population.

Nous avons interprété ces données à la lumière de ce que nous savons sur le développement du cerveau (voir le chapitre 1).

PRINCIPALES CONSTATATIONS Nous avons tiré les conclusions suivantes de nos travaux :

♦ Environ un quart des jeunes Ontariens de zéro à 11 ans sont aux prises avec une difficulté d’apprentissage ou du comportement. Certains de ces enfants risquent d’éprouver des problèmes par la suite, car les problèmes d’apprentissage et de comportement provenant d’un mauvais développement du cerveau dans la petite enfance seraient liés à des difficultés relatives à la réussite scolaire, à l’adaptation sociale et à la santé.

♦ De façon générale, les enfants ontariens ne réussissaient pas aussi bien que les enfants canadiens le test de vocabulaire administré aux enfants d’âge préscolaire (de quatre et cinq ans) et le test de mathématiques administré aux enfants d’âge scolaire (de six à 11 ans). L’écart entre les scores de mathématiques obtenus par les élèves de l’Ontario et du Québec en sixième année correspondait à une année d’étude. L’incidence des problèmes de comportement chez les enfants d’âge préscolaire était légèrement inférieure en Ontario à celle du reste du pays. Le taux de bébés petit poids était inférieur en Ontario.

♦ La plus grande proportion d’enfants aux prises avec un grave problème d’apprentissage ou de comportement se retrouve dans le groupe socio-économique du bas de l’échelle. À mesure que l’on gravit l’échelle socio-économique, on constate une baisse du pourcentage d’enfants qui éprouvent des difficultés, mais on trouve tout de même un nombre important d’enfants en difficulté à chaque échelon, même au sommet. Il n’existe aucun seuil socio-économique au-dessus duquel tous les enfants affichent des résultats positifs. On peut représenter cette réalité sous forme de gradient. En raison de la taille de la classe moyenne, le plus grand nombre (et non le plus grand pourcentage) d’enfants aux prises avec un grave problème d’apprentissage se trouve dans les familles à revenu moyen.

♦ Si l’on observe certaines collectivités ontariennes choisies, celles qui se situent au bas de l’échelle socio-économique tendent à avoir une proportion plus élevée de nouveau-nés de petit poids et d’enfants qui obtiennent des résultats inférieurs aux normes provinciales dans les tests de mathématiques, de lecture et d’écriture de la troisième année. On constate toutefois que certaines collectivités aux caractéristiques socio-économiques comparables à d’autres obtiennent de bien meilleurs résultats. Certaines collectivités ayant un pourcentage relativement élevé de familles à faible revenu obtiennent même des scores généraux équivalents ou supérieurs à ceux de collectivités mieux nanties. Quels sont les facteurs qui déterminent les écarts entre ces collectivités? Pourquoi, parmi les collectivités de niveau socio-économique comparable, certaines se portent-elles mieux que d’autres?

♦ Selon la position des familles sur l’échelle socio-économique, les enfants sont plus ou moins à risque de ne pas se développer de façon optimale. Toutefois, le niveau de revenus n’est pas seul facteur en cause. Bien des enfants de familles à faible revenu s’en tirent fort bien, et certains enfants de familles bien nanties éprouvent des problèmes. Quels sont les autres facteurs qui entrent en jeu? L’un de ces facteurs importants est le rôle parental, et de nouvelles preuves corroborent cette hypothèse.

66 Étude sur la petite enfance

♦ Il serait insensé de mettre en œuvre des initiatives communautaires ou des politiques publiques

visant à améliorer la performance des très jeunes enfants sans prévoir un outil qui permettrait d’en évaluer les résultats. Ces politiques risquent d’être mal orientées si nous n’avons pas de mesure fiable des efforts déployés par la société pour favoriser l’éducation à la petite enfance.

Statut socio-économique et santé

Nous avons inclus le statut socio-économique dans notre analyse en raison de ce qu’on appelle la structuration sociale associée à la santé.103 Ainsi, plus on monte dans l’échelle socio-économique, plus on trouve de gens en bonne santé. Cette tendance existe même dans des pays relativement riches comme le Canada, où la majorité de la population échappe aux carences graves. Le Centre manitobain des politiques et d’évaluation en matière de santé (MCHPE) figure parmi les pionniers dans ce domaine au Canada. En étudiant sa base de données démographiques exhaustive, le MCHPE a constaté que l’espérance de vie des hommes du Manitoba dans la couche socio-économique la plus basse était tronquée de 11 ans par rapport à celle des hommes du groupe de la couche supérieure (voir le tableau 3.1).104 De plus, le rapport entre l’espérance de vie et le quintile du revenu est un gradient.

Nous sommes de plus en plus convaincus que les premières années de développement exercent une influence importante sur la structuration sociale de l’apprentissage, du comportement et des risques de maladie plus tard dans la vie de l’enfant.105

Des chercheurs du monde entier s’intéressent à cette question. Au Royaume-Uni, The Independent Inquiry into Inequalities in Health Report73 traite de l’influence des facteurs socio-économiques sur la santé, plus particulièrement durant la petite enfance, en raison de son importance dans l’incidence des risques pour la santé plus tard dans la vie.

En présentant nos données sur la situation des enfants ontariens, nous montrons les résultats tels qu’ils apparaissent lorsque les conditions socio-économiques de la famille sont prises en compte. Dans tous les cas, la courbe prend la forme d’un gradient. Cela signifie que si l’on transpose les résultats sur un graphique, on obtient une échelle mobile : ceux qui font partie de la plus haute couche socio-économique présentent l’incidence la plus faible (qu’il s’agisse de faible poids à la naissance, de difficultés d’acquisition du vocabulaire ou d’apprentissage des mathématiques, ou de problèmes de comportement); ceux qui se trouvent tout au bas de l’échelle présentent l’incidence la plus élevée, et les couches socio-économiques médianes tombent entre ces deux extrêmes. Des enfants et des familles de toutes les couches socio-économiques sont donc touchés.

Les mesures que nous analysons dans ce chapitre sont des variables prédictives de la probabilité selon laquelle les enfants connaîtront plus tard des problèmes d’apprentissage, de comportement et de santé. Ces constatations sont corroborées par les connaissances récemment acquises sur les répercussions du développement du cerveau durant la petite enfance. Le fait que ces mesures représentent un gradient par rapport au statut socio-économique de la famille est compatible avec ce que l’on sait désormais de la structuration sociale.

ÉVALUATION DU DÉVELOPPEMENT DES JEUNES ENFANTS ONTARIENS Nous avons utilisé trois ensembles de données pour brosser le portrait de la situation actuelle des jeunes enfants de l’Ontario. Les données concernant le poids à la naissance, les résultats de l’ELNEJ et les scores aux tests de troisième année du réseau scolaire public de l’Ontario.

Étude sur la petite enfance 67

TABLEAU 3.1 CARACTÉRISTIQUES LIÉES À LA SANTÉ, WINNIPEG (1986) Quintile de revenu

le plus faible le plus élevé Q1 Q2 Q3 Q4 Q5Taux de mortalité pour 1000 habitants

hommes femmes

13,79,4

10,28,0

8,77,3

7,8 6,7

6,26,6

Espérance de vie (années)

hommes femmes

65,374,4

70,577,8

72,879,5

74,3 80,0

76,682,1

Roos et Mustard (1997)

Poids à la naissance Le premier ensemble de données que nous étudions vise le taux de naissances de bébés petit poids. Le poids à la naissance est une mesure de résultat importante parce qu’il est indicatif du développement de l’enfant durant une période critique, soit de la conception à la naissance. Une partie des bébés petit poids à la naissance présentent un risque plus élevé de problèmes de développement et de santé durant le reste de leur vie.106, 45 Des mesures bien connues peuvent réduire l’incidence des naissances de bébés petit poids (les femmes qui cessent de fumer, de boire de l’alcool ou de consommer des drogues pendant la grossesse, qui s’alimentent bien et qui jouissent d’un bon soutien social ont plus de chances d’accoucher à terme d’un enfant de poids normal). Interprétation des figures 3.1 à 3.4107

L’axe horizontal représente le pourcentage de gens de la région qui vivent sous le seuil de faible revenu (SFR) de Statistique Canada. Les communautés regroupées à droite comptent une moindre proportion de résidents à bas revenus dans leur région que celles de gauche. Les régions qui se trouvent à droite jouissent d’un statut socio-économique plus élevé que celles de gauche.

L’axe vertical représente le pourcentage de bébés petit poids. La partie inférieure de l’axe correspond à un taux très faible, et la partie supérieure, à un taux élevé.

Les points représentent les régions municipales de la province. La taille des points est proportionnelle au nombre de naissances, qui est lui-même en rapport avec la taille de la population. C’est pourquoi dans la figure 3.1, par exemple, la ville de Toronto est représentée par le plus gros point. Les données représentent une moyenne des naissances de 1991 à 1993.

La ligne représente le rapport statistique simple qui existe entre le taux de naissances de bébés petit poids (moyenne de trois années) dans une collectivité et le pourcentage de familles qui vivent sous le SFR de Statistique Canada. La ligne montre une pente ou un gradient qui signifie qu’en général en Ontario, les taux de naissances de bébés petit poids dans une région donnée augmentent à mesure que s’élève le pourcentage de familles sous le SFR.

68 Étude sur la petite enfance

FIGURE 3.1 CORRÉLATION ENTRE LE FAIBLE POIDS À LA NAISSANCE ET LE FAIBLE REVENU

(RÉGIONS MÉTROPOLITAINES DE RECENSEMENT EN ONTARIO, 1991)

La figure 3.1 montre les données concernant le poids à la naissance pour les régions métropolitaines de recensement (grandes agglomérations urbaines) de l’Ontario. Des villes telles que London et St. Catharines comptent environ le même pourcentage de familles vivant sous le SFR (environ 11 %), mais le taux de naissances de bébés petit poids est d’environ un point plus élevé à London (6 %) qu’à St. Catharines. À la figure 3.2, le contraste entre les subdivisions urbaines de recensement (les municipalités ou leur équivalent) est encore plus frappant. Les villes de Nanticoke et Barrie, par exemple, ne sont pas tellement différentes sur le plan socio-économique (Barrie a une proportion légèrement plus élevée de résidents à faible revenu), mais il existe un fossé entre leurs taux de naissances de bébés petit poids malgré l’universalité des soins de santé.

Étude sur la petite enfance 69

FIGURE 3.2 CORRÉLATION ENTRE LE FAIBLE POIDS À LA NAISSANCE ET LE FAIBLE REVENU

(SUBDIVISIONS URBAINES DE RECENSEMENT, 1991)

Nanticoke frise les 7 % alors que Barrie se situe à moins de 4 %. Question importante : quels facteurs pourraient être à l’origine de ces écarts d’une ville à l’autre? Et plus spécifiquement, qu’est-ce qui permet à certaines communautés de compenser les effets négatifs d’un faible statut socio-économique sur le développement des jeunes enfants? La figure 3.2 montre également l’écart impressionnant entre les taux de naissance de bébés petit poids dans les différentes subdivisions de recensement en Ontario. Kanata, une collectivité prospère des environs d’Ottawa, affiche un taux moyen de naissances de bébés petit poids d’environ 5 %, tandis que Vanier, communauté moins prospère située à quelques kilomètres de là, affiche un taux d’environ 9 %. Qu’est-ce qui explique cet écart?

70 Étude sur la petite enfance

FIGURE 3.3 CORRÉLATION ENTRE LE FAIBLE POIDS À LA NAISSANCE ET LE FAIBLE REVENU

(SUBDIVISIONS DE RECENSEMENT DE LA RMR D’OTTAWA, 1991)

La figure 3.3 montre la région métropolitaine de recensement d’Ottawa, et la figure 3.4 qui suit, celle de Toronto. Le gradient est clair dans la région de recensement d’Ottawa. La ville d’Ottawa, qui compte une proportion beaucoup plus élevée de résidents à faible revenu par rapport aux autres secteurs de la région, affiche également un taux plus élevé de naissance de bébés petit poids. Casselman, qui est assez prospère, affiche un taux similaire à celui de Vanier, une communauté beaucoup moins riche. (Vanier n’apparaît pas dans la figure 3.3, mais elle devrait figurer en haut à gauche si l’axe horizontal était prolongé de manière à inclure les collectivités à revenu plus faible.)

Étude sur la petite enfance 71

FIGURE 3.4 CORRÉLATION ENTRE LE FAIBLE POIDS À LA NAISSANCE ET LE FAIBLE REVENU

(SUBDIVISIONS DE RECENSEMENT DE TORONTO, 1991)

La ville de Toronto (figure 3.4) ne présente pas un gradient aussi marqué. Le cœur de la ville, qui compte l’un des pourcentages les plus élevés de résidents à faible revenu, n’affiche pas un taux sensiblement plus élevé de bébés petit poids, comparativement à des communautés plus prospères comme Mississauga, Brampton et Orangeville. Pourquoi des villes comme Bradford, Milton, Aurora et Richmond Hill affichent-elles des résultats plus favorables que Brampton, Orangeville, King et Whitchurch-Stouffville? L’ELNEJ fournit d’autres données sur le faible poids à la naissance. Il s’agit d’une enquête à long terme, menée sous l’égide de Développement des ressources humaines Canada et de Statistique Canada, qui avait pour but de mesurer et de suivre l’évolution de la santé, de l’épanouissement et du bien-être des enfants de la naissance à l’âge adulte. L’ELNEJ regroupe des données individuelles qui permettent l’évaluation du statut socio-économique des ménages et du poids à la naissance des enfants. (Voir à la page 85 une description plus détaillée de l’ELNEJ.)

72 Étude sur la petite enfance

FIGURE 3.5 GRADIENTS SOCIO-ÉCONOMIQUES DU FAIBLE POIDS À LA

NAISSANCE, ENFANTS DE ZÉRO À TROIS ANS Enquête Longitudinale Nationale sur les Enfants et les Jeunes, 1994

La figure 3.5 montre une comparaison du taux ontarien de naissances de bébés petit poids par rapport au reste du Canada en 1994, tirée des données de l’ELNEJ.108

Comment lire la figure 3.5

L’axe horizontal représente les conditions socio-économiques différemment des quatre premiers graphiques. C’est une mesure composite du statut socio-économique qui comprend le revenu et la profession de la mère et du père, ainsi que leur niveau de scolarité. Du côté gauche de l’axe horizontal (de –1 à –2)∗, on trouve les personnes ayant le statut le plus faible (environ 15 % de la population). Ce groupe comporte la proportion la plus élevée de personnes vivant sous le SFR, les niveaux de scolarité les plus faibles, la plus forte proportion de bénéficiaires de l’aide sociale et le taux de chômage le plus élevé par rapport aux autres couches socio-économiques. Entre –1 et +1, on trouve environ les deux tiers de la population, dont le statut socio-économique est moyennement bas à moyennement élevé. Le groupe au statut le plus élevé, de +1 à +2, représente à peu près 15 % de la population.

Étude sur la petite enfance 73

∗ Les figures représentent les déviations standard par rapport à la mesure composite du statut socio-économique.

L’axe vertical représente le pourcentage de nouveau-nés de faible poids (comme l’axe vertical des figures 3.1 à 3.4).

La ligne courbe représente le rapport statistique entre l’indice de statut socio-économique et le taux de faible poids à la naissance.∗ Dans ce graphique, la relation prend la forme d’une courbe, mais demeure un gradient. Du côté gauche, les enfants nés de parents du groupe dont le statut socio-économique est le plus faible (-2) présentent l’incidence la plus élevée de nouveau-nés de petit poids (plus de 7 %), tandis que ceux du groupe au statut socio-économique le plus élevé (+2) présentent le pourcentage le plus faible à ce chapitre (un peu plus de 2 %).

L’Ontario affiche de meilleurs résultats que le reste du Canada, surtout dans les groupes socio-économiques moyen à élevé. Le nombre le plus important de bébés de faible poids à la naissance se trouve, en fait, dans le groupe moyen. Alors que le taux de naissance de bébés petit poids le plus élevé se manifeste dans le groupe au statut socio-économique le plus faible (-2), on trouve bien plus de ces bébés dans les groupes au statut socio-économique se situant entre –1 et +1 (plus de 60 % du total des naissances). En général, ces constatations sont compatibles avec ce que l’on sait depuis quelque temps : que les mères des groupes socio-économiques situés au bas de l’échelle sont plus susceptibles d’accoucher de bébés petit poids. Toutefois, il reste des questions à explorer, dont celles-ci : pourquoi parmi certaines régions comparables en ce qui concerne le pourcentage de familles sous le SFR, certaines ont de meilleurs résultats que d’autres? Que peut-on faire pour améliorer les résultats de la grossesse chez les femmes de faible statut socio-économique? Toutes les femmes enceintes ont accès à des soins médicaux prénatals, et il est donc peu probable que le manque de soins représente un facteur important dans le poids à la naissance des enfants des couches socio-économiques inférieures. Les données provenant du Manitoba sur le poids à la naissance (voir le chapitre 1) nous autorisent à penser que certains facteurs non médicaux (alimentation, milieu de travail, accès aux ressources) seraient plus importants pour les femmes enceintes que les soins médicaux prénatals.45 Ce qui se passe pendant la grossesse a des conséquences importantes sur tous les aspects du développement, y compris celui du cerveau. Il est clair qu’une façon d’améliorer les résultats des jeunes enfants est de réduire le taux de faible poids à la naissance dans les régions où celui-ci est élevé. On peut conclure de cette analyse qu’il y a des régions dans cette province où il nous est possible d’améliorer grandement les résultats de la grossesse, de manière à influencer les bases qui sous-tendent le développement du jeune enfant.

74 Étude sur la petite enfance

∗ La ligne est calculée au moyen d’une analyse de régression et sert à déterminer la probabilité de faible poids à la naissance en fonction de l’échelle de statut socio-économique.

Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes109

Ce vaste projet (22 831 enfants canadiens, dont 6 020 en Ontario, lors du premier cycle de l’enquête en 1994-1995) a permis l’élaboration d’une base de données exhaustive sur les caractéristiques et les expériences des enfants d’un bout à l’autre du pays. Les enfants choisis constituent un échantillon représentatif allant de la naissance à l’âge de 11 ans, de toutes les couches de la société. La collecte de données se fait tous les deux ans. De nouveaux enfants (de zéro à deux ans) seront rajoutés à l’échantillon, et la gamme d’âges s’étendra vers le haut à chaque cycle. Les données du cycle 1 sont transversales, c’est-à-dire qu’elles sont recueillies auprès de divers échantillons représentatifs de la population à un moment donné. Les cycles futurs fourniront des données à la fois transversales et longitudinales (à mesure que l’ELNEJ suit les enfants). Pendant chaque cycle, l’enquête permet de recueillir des renseignements complets sur la famille de l’enfant, ses parents et son quartier, et d’évaluer sa situation, entre autres ses résultats scolaires, sa santé et son bien-être, ainsi que sa sociabilité.

L’ELNEJ recueille des données par le biais de plusieurs instruments :

1. Questionnaire pour les ménages : rempli par un membre du ménage apte à le faire, il contient des données démographiques de base.

2. Questionnaire général : données socio-économiques (scolarité des adultes, participation au marché du travail, revenu).

3. Questionnaire pour les parents : renseignements généraux sur le milieu social entourant les parents et l’enfant (soutien social, fonctionnement de la famille et caractéristiques du quartier).

4. Questionnaire pour les enfants : pour un maximum de quatre enfants entre zéro et 11 ans dans le ménage. Les questions varient selon l’âge de l’enfant, mais elles sont surtout axées sur la santé, l’information périnatale, le tempérament, l’éducation, les activités, le comportement, le développement moteur et social, les rapports sociaux, les pratiques parentales, les dispositions prises pour la garde des enfants, les antécédents de la famille et la garde juridique.

5. Test de vocabulaire : l’échelle révisée de vocabulaire en images Peabody (PPVT) pour les enfants anglophones ou l’échelle de vocabulaire en images pour les enfants francophones, test administré par l’enquêteur. Ce test mesure le nombre de mots compris. L’enfant regarde des images affichées sur un tréteau et montre l’image qui correspond au mot lu à voix haute par l’enquêteur. Le test sert généralement à la collecte et à l’évaluation de données de vaste envergure. La version française du test ainsi que les normes canadiennes ont été élaborées conjointement avec le concepteur de celui-ci.

6. Questionnaire pour les enfants de 10 et 11 ans : rempli uniquement par les enfants de cet âge qui faisaient partie de l’échantillon de l’ELNEJ. Les données recueillies concernent les rapports avec autrui, le comportement, l’expérience scolaire, les opinions sur les parents, le tabac, l’alcool et les drogues.

7. Questionnaire pour les enseignants et les directeurs : le questionnaire des enseignants visait des renseignements sur les résultats scolaires de l’enfant et son comportement à l’école, ainsi que sur les caractéristiques de la classe et les pratiques d’enseignement. Le questionnaire pour le directeur s’attachait aux politiques de l’école et à l’atmosphère d’apprentissage.

8. Test de calcul : les enfants de la deuxième année et plus ont rempli un court test de calcul comprenant 10 à 15 questions et administré par l’enseignant à l’école. Le test est une version abrégée des Canadian Achievement Tests normalisés (seconde édition). Il permet de mesurer la compréhension de l’addition, de la soustraction, de la multiplication/division, selon le niveau de l’enfant.

La « personne qui connaît le plus » l’enfant, généralement la mère, fournissait l’information pour le questionnaire général, celui des enfants et celui des parents. Ces questionnaires ont été administrés par le biais d’une entrevue assistée par ordinateur.

Étude sur la petite enfance 75

RÉSULTATS CONCERNANT LA PETITE ENFANCE TIRÉS DE L’ELNEJ Les données et l’analyse de l’ELNEJ nous ont permis de comparer les résultats des enfants de l’Ontario avec ceux des enfants d’autres régions du Canada pour ce qui concerne l’apprentissage et le comportement.108

Acquisition du vocabulaire et comportement à quatre et cinq ans L’ELNEJ prévoit deux mesures du développement durant les cinq premières années : l’acquisition du vocabulaire et le comportement. L’enquête dégage le rendement cognitif et les comportements des enfants d’âge préscolaire en Ontario et dans le reste du Canada, et dans tous les secteurs socio-économiques de l’Ontario. Les données concernant les particuliers et les familles sont mises en corrélation avec le statut socio-économique. Tout comme dans la figure 3.5 sur le faible poids à la naissance, il s’agit de résultats individuels plutôt que de données composites par région (ce qui était le cas des données sur le poids à la naissance des figures 3.1 à 3.4). Les figures 3.6, 3.7 et 3.8 sont semblables à la figure 3.5.

La ligne horizontale représente le statut socio-économique des familles. Tout à fait à gauche, on trouve les enfants dont la famille est dans le groupe au statut socio-économique le plus bas (environ 15 %) et à droite, les enfants dont la famille a le statut socio-économique le plus élevé (environ 15 %). Les enfants dont la famille se situe entre –1 (statut socio-économique moyen bas) et +1 (statut socio-économique moyen élevé) représentent à peu près les deux tiers de la population.

La ligne verticale représente le pourcentage d’enfants accusant des résultats négatifs. Au bas de l’axe vertical, un petit nombre d’enfants connaissent des difficultés par rapport à la partie supérieure de l’axe, où une proportion plus importante d’enfants éprouvent des problèmes.

La ligne représente le rapport statistique qui existe entre le statut socio-économique de la famille et le nombre d’enfants en difficulté.

La figure 3.6 montre les résultats des enfants de l’Ontario au test de vocabulaire en images Peabody administré par l’ELNEJ. Ce test n’a pas été mené auprès d’enfants très jeunes. Une mesure de faiblesse du langage réceptif (sur l’axe vertical) est d’un écart type (soit 15 points) sous le score moyen de 100. Cela représente entre une année et une année et demie de retard par rapport au développement linguistique normal. L’acquisition du vocabulaire à quatre ans et cinq ans dépend du développement du cerveau au cours des années précédentes, et ces mesures sont des variables prédictives des compétences linguistiques et du niveau d’alphabétisation ultérieurs des groupes d’enfants et des problèmes de comportement potentiels. (Cette mesure sert à des fins statistiques; elle n’est pas assez perfectionnée pour prévoir les résultats individuels et ne doit jamais faire partie de dossiers individuels.)

76 Étude sur la petite enfance

FIGURE 3.6 GRADIENTS SOCIO-ÉCONOMIQUES DES CAS TÉMOIGNANT D’UNE

INSUFFISANCE DE MOTS COMPRIS, ENFANTS DE QUATRE ET CINQ ANS Enquête Longitudinale Nationale sur les Enfants et les Jeunes, 1994

Comme nous l’avons montré au chapitre 1, cette évaluation du développement des capacités langagières des petits garçons permet de prévoir plusieurs types de comportements antisociaux à l’adolescence. Les enfants ontariens de quatre et cinq ans ne réussissent pas aussi bien les tests de vocabulaire que les autres enfants canadiens, et ce, quel que soit leur statut socio-économique. À tous les échelons, on trouve un nombre important d’enfants dont les résultats sont inférieurs à la moyenne. Alors que 32 % des enfants des familles les plus pauvres ont de faibles résultats, 10 % des enfants de familles à revenu élevé ne font guère mieux. Étant donné l’importance numérique de la classe moyenne, le nombre d’enfants qui ne réussissent pas aussi bien qu’il le devraient est plus élevé au centre de l’échelle socio-économique qu’au bas de celle-ci. Ces données montrent que ce qui affecte les résultats des enfants touche tous les niveaux socio-économiques. Une note positive, environ 70 % des enfants du groupe socio-économique le plus bas obtiennent tout de même de bons résultats. Quels sont les facteurs qui influent sur la réussite des jeunes enfants dans toutes les couches sociales?

Étude sur la petite enfance 77

FIGURE 3.7 GRADIENTS SOCIO-ÉCONOMIQUES DES CAS PRÉSENTANT DES PROBLÈMES DE COMPORTEMENT, ENFANTS DE QUATRE ET CINQ ANS

Enquête Longitudinale Nationale sur les Enfants et les Jeunes, 1994

La figure 3.7 montre les troubles du comportement chez les enfants de deux à cinq ans. L’Ontario affiche des résultats légèrement meilleurs que ceux du reste du Canada à cet égard. Toutefois, comme pour tous les autres indicateurs du développement durant la petite enfance que nous avons examinés, la mesure du comportement des enfants d’âge préscolaire prend la forme d’un gradient, c’est-à-dire que des enfants de tous les groupes socio-économiques entrent dans le système scolaire avec des problèmes de comportement. Il n’existe aucun seuil socio-économique au-dessus duquel les enfants sont partiellement ou totalement épargnés. Toutefois, la fréquence des problèmes baisse à mesure que l’on grimpe l’échelle socio-économique. Prises ensemble, les mesures du vocabulaire et du comportement sont prédictives de la réussite future de l’enfant dans le système scolaire, de la délinquance juvénile et d’autres types de comportement, et de la santé et du bien-être à l’âge adulte. Si l’Ontario veut améliorer la réussite scolaire sur tous les plans, réduire le comportement antisocial et combattre la délinquance juvénile tout en créant une meilleure équité dans le niveau de santé de la population de l’Ontario, il faut examiner les résultats obtenus dès la petite enfance dans tous les groupes socio-économiques.

78 Étude sur la petite enfance

FIGURE 3.8 GRADIENTS SOCIO-ÉCONOMIQUES DES CAS DE FAIBLESSE EN MATHÉMATIQUES,

ENFANTS DE SIX À 11 ANS Enquête Longitudinale Nationale sur les Enfants et les Jeunes, 1994

Aptitudes mathématiques Une grande partie de l’aptitude à comprendre le calcul et les mathématiques s’établit dès l’âge préscolaire (voir le chapitre 1). Nous ne disposons malheureusement d’aucune évaluation de l’aptitude mathématique des enfants pendant les premières années de développement, mais grâce à la base de données de l’ELNEJ, nous pouvons évaluer les aptitudes mathématiques des enfants de six à 11 ans de l’Ontario et du reste du Canada (voir la figure 3.8) L’axe horizontal utilise la même mesure du statut socio-économique que les figures 3.6 et 3.7. L’axe vertical indique le pourcentage d’enfants de six à 11 ans qui obtiennent de faibles scores au test de mathématiques. Un faible score représente entre une année et une année et demie de retard scolaire pour les enfants de six à 10 ans, et deux années de retard pour les enfants de 11 ans. Encore une fois, la ligne représentant le rapport statistique entre les résultats en mathématiques et le statut socio-économique prend la forme d’un gradient.

Étude sur la petite enfance 79

FIGURE 3.9 CORRÉLATION ENTRE LES RÉSULTATS SCOLAIRES DE TROISIÈME ANNÉE EN

MATHÉMATIQUES ET LE FAIBLE REVENU (SUBDIVISIONS URBAINES DE RECENSEMENT DE L’ONTARIO, 1996-1997)

À tous les niveaux de l’échelle socio-économique, les enfants ontariens n’obtiennent pas des résultats aussi élevés que ceux du reste du Canada pour cette mesure.110 En deuxième année, l’Ontario était la seule province à montrer plus d’un mois de scolarité de retard par rapport à la moyenne nationale pour le test de mathématiques, alors que cinq provinces (le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba, la Colombie-Britannique et le Québec) affichaient des scores se situant entre un et quatre mois de scolarité au-dessus de la moyenne nationale. La tendance des scores de l’Ontario entre la deuxième et la sixième année suggère que les élèves accusent un retard de plus en plus prononcé. En fait, en sixième année, les scores de mathématiques indiquent un retard d’une année scolaire par rapport à ceux du Québec. L’existence de ce fossé est corroborée par les résultats des études internationales et canadiennes menées au cours des 15 dernières années sur les aptitudes en mathématiques. Les résultats en mathématique des élèves de l’Ontario sont systématiquement inférieurs à ceux des autres provinces et des autres pays.111, 112, 113

80 Étude sur la petite enfance

Bien qu’il soit possible de dire que ce résultat exprime un échec du système scolaire, on peut dire, d’après les travaux de Case (traités au chapitre 1) et de Fuchs et Reklis (figure 3.15) que, le

fondement de l’apprentissage des mathématiques étant fixé dès les premières années du développement de l’enfant, ce résultat reflète en partie la qualité du développement durant la petite enfance et non seulement celle du système scolaire. Pour que le programme d’études donne tous les résultats escomptés, la compréhension précoce du poids cognitif des nombres doit être largement acquise avant l’entrée en première année.

RÉSULTATS DES TESTS DE TROISIÈME ANNÉE En 1997-1998, des tests ont été administrés à tous les élèves de troisième année de l’Ontario. Avec la coopération de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE) de l’Ontario, les auteurs de l’Étude sur la petite enfance ont demandé à Statistique Canada de prendre les résultats des tests de troisième année en mathématiques, en lecture et en écriture et d’analyser les scores dans chacune des 52 régions municipales de l’Ontario par rapport aux conditions socio-économiques dans les collectivités, mesurées par le pourcentage de familles vivant en dessous du SFR.114

Comment lire les figures 3.9, 3.10 et 3.11

Les données tirées des résultats des tests de troisième année sont présentées dans les figures 3.9, 3.10 et 3.11. Tout comme pour les données relatives au poids à la naissance (figures 3.1 à 3.4), il s’agit des données cumulatives des subdivisions urbaines de recensement (non des résultats individuels).

L’axe horizontal représente le pourcentage de familles vivant sous le SFR.

L’axe vertical représente le pourcentage d’élèves de troisième année dont les résultants sont inférieurs à la norme provinciale de troisième année. Au bas de l’axe (0 %), tous les enfants répondent aux normes de l’année d’études. En haut, 50 % obtiennent des scores inférieurs aux normes provinciales.

Les points représentent les subdivisions urbaines de recensement comme dans les figures 3.1 à 3.4. Leur position sur le graphique est déterminée par le pourcentage de familles vivant sous le SFR (sur l’axe horizontal) et par le pourcentage d’enfants dont les scores sont inférieurs à la norme. La grosseur du point est plus ou moins proportionnelle au nombre d’élèves. (En fait, elle représente le nombre d’écoles).

La ligne représente le rapport statistique (non pondéré) entre les familles sous le SFR dans une région et les scores aux tests de troisième année. Ces résultats se comparent à la corrélation entre le poids à la naissance et le pourcentage de familles vivant sous le SFR des figures 3.1 à 3.4.

Tout comme pour les évaluations individuelles des données de l’ELNEJ, il existe un gradient pour les tests en mathématiques par subdivision urbaine de recensement par rapport au statut socio-économique évalué par le biais du SFR. Comme pour le poids à la naissance, les villes de Vanier et de Kanata se démarquent des autres. Il est intéressant de remarquer que le nombre de victimes par rapport au nombre de crimes était de 7/1000 à Kanata mais de 45/1000 à Vanier en 1998.115 Cela donne à penser que la qualité du milieu social de l’enfant joue un rôle dans le développement de celui-ci.

Étude sur la petite enfance 81

FIGURE 3.10 CORRÉLATION ENTRE LES RÉSULTATS SCOLAIRES DE TROISIÈME ANNÉE EN LECTURE ET LE FAIBLE REVENU

(SUBDIVISIONS URBAINES DE RECENSEMENT DE L’ONTARIO, 1996-1997)

En général, les enfants des quartiers riches affichent de meilleurs résultats que ceux des quartiers pauvres (collectivités ayant un pourcentage plus élevés de gens vivant sous le SFR). Mais dans certains exemples, il n’existe guère de différence dans les résultats des tests entre des collectivités ayant des profils socio-économiques très divergents. Par exemple, dans la figure 3.9, on ne constate guère d’écart entre les résultats des tests de mathématiques de Toronto et de Brampton, même si Toronto compte environ deux fois plus de familles à faible revenu. Lorsque les conditions socio-économiques sont similaires, certaines collectivités affichent de meilleurs résultats quant à la réussite scolaire. Par exemple, comme on le voit à la figure 3.10, les scores de lecture de Brantford n’étaient pas aussi élevés que ceux de Mississauga, même si le pourcentage de familles à faible revenu était plus ou moins le même. Dans la figure 3.11, pour prendre un autre exemple, on note qu’environ 8 % des enfants de Hamilton ont eu en écriture des résultats inférieurs à la norme provinciale, alors qu’on y retrouve un pourcentage plus élevé de familles à faible revenu. Les enfants de Thorold ou d’autres régions comptant moins de familles à

82 Étude sur la petite enfance

FIGURE 3.11 CORRÉLATION ENTRE LES RÉSULTATS SCOLAIRES DE TROISIÈME ANNÉE EN

ÉCRITURE ET LE FAIBLE REVENU (SUBDIVISIONS URBAINES DE RECENSEMENT DE L’ONTARIO, 1996-1997)

faible revenu ne s’en tirent pas aussi bien que ceux de Hamilton. Ces différences sont-elles seulement liées aux écoles ou ont-elles quelque chose à voir avec les caractéristiques des collectivités et leurs effets sur les premières années de la vie? Les données que nous venons d’examiner nous portent à croire que ce que nous voyons dans le système scolaire est au moins partiellement un reflet des premières années, y compris les résultats des grossesses qui se manifestent par le poids des bébés à la naissance (voir, à titre d’exemple, Kanata et Vanier).

COMPARAISONS NATIONALES ET INTERNATIONALES – NIVEAU D’ALPHABÉTISATION ET APTITUDES MATHÉMATIQUES DES JEUNES Nous avons comparé les résultats en lecture, en écriture et en mathématiques des jeunes de l’Ontario avec ceux d’autres régions du monde. Les conditions de la petite enfance sont au cœur du développement des compétences langagières et mathématiques. Par le travail de Statistique Canada et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nous disposons de mesures des connaissances des jeunes qui reflètent les effets du développement lors de la petite enfance et l’impact du système scolaire. Ces données nous permettent de comparer les résultats de l’Ontario à ceux des autres provinces et de comparer le Canada aux autres pays.

Étude sur la petite enfance 83

FIGURE 3.12 GRADIENTS DE LECTURE ET D’ÉCRITURE ET DE STATUT SOCIO-ÉCONOMIQUE

CHEZ LES JEUNES, PAR PROVINCE, 1994

Nous avons déjà montré que les enfants de l’Ontario, quel que soit leur statut socio-économique (figure 3.7), affichent des résultats inférieurs à la norme nationale aux tests de vocabulaire à quatre et cinq ans. Comparons à présent le niveau d’alphabétisation des jeunes Ontariens par rapport à celui des enfants des autres provinces. Comment lire la figure 3.12

L’axe horizontal représente la même mesure composite du statut socio-économique familial que dans les figures 3.5, 3.6, 3.7 et 3.8. Les jeunes au statut socio-économique le plus bas sont à gauche (-2), tandis que ceux dont le statut socio-économique est le plus élevé sont à droite (+2). Encore une fois, la plupart des sujets (environ les deux tiers) se trouvent entre les points –1 et +1 de l’échelle du statut socio-économique.

L’axe vertical représente les scores des jeunes (de 16 à 25 ans) à l’Enquête internationale sur l’alphabétisation des adultes (EIAA) menée en 1994. Les scores sont une mesure simple des aptitudes en lecture et en écriture, fondée sur le score moyen aux trois tests, normalisés par rapport à toute la population canadienne. Un score de zéro représente le score moyen pour l’ensemble des jeunes Canadiens.

Les lignes représentent le rapport entre les scores des jeunes et le statut socio-économique de la famille, dans chaque province.

84 Étude sur la petite enfance

FIGURE 3.13 CAPACITÉ DE LECTURE DE TEXTES SCHÉMATIQUES DE JEUNES DE 16 À 25 ANS

ENQUÊTE INTERNATIONALE SUR L’ALPHABÉTISATION DES ADULTES-1994

Étude sur la petite enfance 85

La figure 3.12 montre les gradients de lecture et d’écriture pour les jeunes des provinces canadiennes. L’Ontario a obtenu des résultats inférieurs à ceux du Manitoba, de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Québec. Les provinces sont regroupées en deux groupes différents. Le Québec et les provinces des Prairies ont des gradients relativement faibles avec une performance élevée, alors que la Colombie-Britannique, l’Ontario et les provinces de l’Atlantique affichent des gradients relativement accentués. Ces différences évidentes entre les provinces soulèvent la question de savoir si elles sont dues aux années préscolaires ou au système scolaire. Selon Doug Willms (du Atlantic Centre for Policy Research in Education de l’Université du Nouveau-Brunswick), les périodes préscolaire et scolaire influent toutes deux sur le degré d’alphabétisation.116 En raison de ce que l’on sait maintenant sur le développement du cerveau et sur la période critique pour le développement du langage dans la petite enfance, il est clairement important d’améliorer le développement du cerveau dans les premières années pour améliorer les aptitudes linguistiques générales de la population. Les données illustrées aux figures 3.6 et 3.12 montrent que, peu importe leur statut socio-économique, les familles et les enfants de l’Ontario peuvent améliorer leurs résultats. L’analyse de l’OCDE (figure 3.13) met en relation le niveau de scolarité parentale et le niveau d’alphabétisation des jeunes du Canada et d’autres pays.117 Comment lire la figure 3.13

L’axe horizontal représente le nombre d’années de scolarité des parents pour les jeunes de 16 à 25 ans. Le niveau de scolarité est une mesure de substitution du statut socio-économique.

L’axe vertical représente les scores des jeunes en compétences linguistiques révélés par l’EIAA. La capacité de lecture de textes schématiques représente la mesure du niveau d’alphabétisation utilisée dans l’enquête, normalisé à l’ensemble de la population canadienne. Les lignes représentent le rapport entre les scores des jeunes et le niveau de scolarité des parents pour chacune des régions visées.

La figure 3.13 témoigne de différences marquées d’un pays à l’autre. Les pays ayant des scores élevés sur le plan du niveau d’alphabétisation tendent à afficher de faibles gradients, quel que soit le niveau de scolarité des parents. Les Suédois ont-ils de meilleurs résultats parce que leur société est plus homogène ou parce que les programmes préscolaires sont de qualité élevée et visent la majorité de la population? (Les enfants n’entrent à l’école qu’à sept ans.) Les États-Unis montrent-ils un gradient accentué en raison des problèmes socio-économiques de leur société, de la faiblesse des programmes d’éducation à la petite enfance et des problèmes de leur système d’éducation? Il semble qu’avec un peu de bonne volonté, les régions peuvent améliorer le taux d’alphabétisation des enfants des groupes socio-économiques divers. Nous comprenons maintenant que les conditions cognitives desquelles dépend l’apprentissage ultérieur des mathématiques sont fortement déterminées par le développement du cerveau dans les premières années de la vie.

86 Étude sur la petite enfance

FIGURE 3.14 RÉSULTATS DE LA TROISIÈME ENQUÊTE INTERNATIONALE SUR LES

MATHÉMATIQUES ET LES SCIENCES POUR LES ENFANTS DE HUITIÈME ANNÉE

Case, Griffin et Kelly (1999)

Lors de la troisième étude internationale sur les mathématiques, Case, Griffin et Kelly ont examiné les résultats en mathématiques d’enfants de plusieurs pays en les comparant au niveau de scolarisation du père (figure 3.14). On observe, encore une fois, des différences frappantes d’un pays à l’autre.118 Le Canada fait meilleure figure que la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Case et ses collègues suggèrent que le gradient accentué américain s’explique par le faible développement préscolaire des enfants de ce pays, qui est démontré dans l’ouvrage de Brooks-Gunn et de ses collègues.66 Comme il a été indiqué au chapitre 1, les interventions préscolaires peuvent améliorer les résultats en mathématiques des enfants une fois dans le système scolaire. Case, Griffin et Kelly concluent que ces faibles scores ne sont pas une fatalité. Nous savons quoi faire pour les améliorer. Nous ne disposons malheureusement d’aucune source de données canadiennes pour examiner l’impact des résultats de la petite enfance et les résultats scolaires subséquents, mais à l’avenir, ces données nous seront fournies par l’ELNEJ. En attendant, nous pouvons utiliser les données américaines. D’après une évaluation du développement cognitif et comportemental des enfants d’âge préscolaire aux États Unis et des résultats scolaires en mathématiques, les enfants qui ont remporté de bons scores dans les tests de capacité d’apprentissage dès le niveau préscolaire ont également eu de bons résultats aux tests de mathématiques de la huitième année (13 ans).119

Étude sur la petite enfance 87

FIGURE 3.15 RÉSULTATS SCOLAIRES EN MATHÉMATIQUES EN HUITIÈME ANNÉE ET CAPACITÉ

D’APPRENTISSAGE À LA MATERNELLE, 41 ÉTATS AUX É.-U.

Comment lire la figure 3.15

L’axe horizontal représente le pourcentage d’enfants considérés comme prêts à l’apprentissage à la maternelle (5 ans), d’après les enseignants de ce niveau en 1990. Les enseignants ont également estimé le pourcentage d’enfants qui étaient prêts à apprendre à leur entrée à la maternelle en fonction de leur bien-être physique, de leurs aptitudes sociales, de leur maturité affective, de leurs compétences langagières et de leurs connaissances générales. Les réponses ont été cumulées État par État.

L’axe vertical représente les résultats du test de mathématiques de huitième année du National Assessment of Educational Progress, État par État, en 1992.

Les carrés représentent les 41 États qui ont participé à l’étude. Leur disposition sur le graphique montre les résultats de 1990 pour la capacité d’apprentissage ainsi que les résultats du test de mathématiques de huitième année en 1992.

Les États où les enfants manifestent une faible capacité d’apprentissage à l’entrée à la maternelle (enfants de cinq ans) ont remporté de moins bons résultats que les autres aux tests de mathématiques de la huitième année (figure 3.15). Par contre, dans les États où un grand nombre d’enfants se montraient prêts à apprendre à la maternelle, les résultats des tests de la huitième année étaient meilleurs.

88 Étude sur la petite enfance

Le diagramme de dispersion montre un rapport robuste∗ entre le pourcentage général d’enfants qui sont prêts pour l’apprentissage à la maternelle et les résultats du test de mathématiques de la huitième année dans le même État. Le niveau de maturité scolaire (évalué par la mesure de la capacité d’apprentissage) semble avoir un plus grand effet sur le résultat aux tests de mathématiques en huitième année que les mesures des caractéristiques scolaires comme le taux d’encadrement. Fuchs et Reklis ont conclu que si les sociétés veulent améliorer la performance en mathématiques, elles doivent investir de façon prioritaire dans l’éducation préscolaire.

CORRÉLATION ENTRE LES ENFANTS DONT LES RÉSULTATS SONT INFÉRIEURS AUX ATTENTES ET LE REVENU Les résultats de l’ELNEJ permettent d’effectuer une analyse transversale de la proportion d’enfants dont les résultats sont inférieurs aux attentes par rapport au revenu de leur famille et à la province où ils habitent. Le terme « vulnérabilité » sert à décrire un groupe d’enfants ayant des problèmes d’apprentissage ou de comportement qui, dans de nombreux cas, ne disparaissent pas tout seuls. Comme il s’agit d’un échantillon transversal, il est difficile d’en tirer des conclusions à long terme. Nous considérons cette évaluation comme étant indicatrice de la proportion d’enfants dont les résultats pourraient être améliorés par de bons programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. Doug Willms, qui fait partie de l’équipe de l’ELNEJ, a mis au point un « indice de vulnérabilité » fondé sur des mesures de l’apprentissage et du comportement à différents âges.120 L’évaluation de l’apprentissage chez les enfants de quatre à cinq ans se traduit par un faible nombre de mots compris sur l’échelle de vocabulaire en images Peabody, test qui a été administré par l’ELNEJ à un échantillon représentatif d’enfants de toutes les régions du Canada. Pour les enfants d’âge scolaire, on s’est servi du test d’aptitudes en mathématiques. Un faible score en mathématiques correspondrait à une année et demie de retard sur la moyenne pour les enfants de six à 10 ans et à deux années pour les enfants de 11 ans. Pour la mesure du comportement, l’ELNEJ a interrogé des parents pour savoir si leur enfant se comportait souvent d’une certaine façon (ne restait pas assis, faisait des crises d’anxiété, donnait des coups et des coups de pied, mordait, etc.). Les enfants de 10 et 11 ans ont également répondu à des questions sur leur comportement. La composante « comportement » de l’indice de vulnérabilité comprend l’hyperactivité, l’anxiété, les problèmes affectifs, l’inattention, les troubles de conduite, l’agression physique et l’agression indirecte (l’acte d’inciter une personne à se montrer agressif envers une autre, par exemple). D’après cette mesure, 19,2 % des enfants présentaient des difficultés sur le plan du comportement. Cet indice est comparable aux résultats de l’Étude sur la santé des enfants de l’Ontario de 1983.121

Étude sur la petite enfance 89

∗ Coefficient de corrélation 8.1

FIGURE 3.16 PRÉVALENCE D’ENFANTS ÉPROUVANT DES DIFFICULTÉS

EN FONCTION DU REVENU FAMILIAL Enquête Longitudinale Nationale sur les Enfants et les Jeunes, 1994

Comment lire la figure 3.16

L’axe horizontal représente les familles divisées en quatre groupes ou quartiles selon le revenu. Du côté gauche du graphique, on trouve le groupe au revenu le plus faible, et du côté droit, le groupe au revenu le plus élevé. L’axe vertical représente le pourcentage d’enfants de zéro à 11 ans qui sont identifiés comme étant en difficulté (l’indice de vulnérabilité décrit plus haut). Cela correspond au pourcentage d’enfants ayant des résultats inférieurs à la norme ou des problèmes de comportement au moment de l’enquête. Les barres pour chacun des quartiles de revenu représentent le pourcentage d’enfants vulnérables dans ce groupe de revenu.

En utilisant l’indice de vulnérabilité, Willms a analysé les données de l’ELNEJ et trouvé que plus du quart des enfants de l’Ontario et du Canada ne réussissaient pas aussi bien qu’ils le devraient.122

(Figure 3.16) Ce résultat est troublant, mais n’oublions pas que cela signifie aussi que plus de 70 % des enfants obtiennent des résultats au moins conformes à la moyenne et ne présentent aucun problème de comportement grave. Autre observation étonnante : même si la proportion la plus élevée d’enfants en difficulté se trouve dans les familles à faible revenu, on en trouve aussi dans les familles mieux nanties. Tous ces résultats portent à croire que ce n’est pas seulement le revenu ou la pauvreté qui influe sur le développement des jeunes Ontariens. Quels sont les facteurs qui agissent sur tous les groupes socio-économiques? Les stratégies proposées en vue d’améliorer l’éducation à la petite enfance devraient s’étendre à tous les groupes

90 Étude sur la petite enfance

socio-économiques. Or, cette assertion n’est pas compatible avec la notion de programmes ciblés qui ne profitent pas à la majorité des enfants. Les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental peuvent et doivent bénéficier à tous les enfants, quel que soit leur statut socio-économique. (Figure 3.16) Étant donné la proportion plus élevée d’enfants en difficulté dans le groupe socio-économique le plus faible de la société, on est en droit de s’inquiéter des effets du faible revenu et de la pauvreté sur le développement des jeunes enfants. Nous savons que les parents aux ressources limitées, surtout les parents seuls, ont du mal à offrir le meilleur contexte possible pour le développement de leur jeune enfant. Nous savons aussi que les enfants de milieux pauvres qui ont accès à d’excellents centres d’éducation à la petite enfance, où les parents sont soutenus et leur participation encouragée, obtiennent de meilleurs résultats que les enfants de milieux similaires qui ne jouissent pas de cette possibilité. Les données tirées de l’ELNEJ permettent d’examiner certaines des caractéristiques du soutien apporté à la petite enfance au Canada et en Ontario. Kohen et Hertzman ont établi que plus de 60 % des enfants de moins de quatre ans ne participaient à aucune activité d’éducation à la petite enfance à l’extérieur du foyer.123 (Cette estimation a été calculée à partir de données relatives aux garderies, réglementées ou non.) Les jeunes enfants de familles gagnant moins de 35 000 $ par année qui participent à un programme d’éducation à la petite enfance hors du foyer obtiennent de meilleurs résultats au test de Peabody pour les enfants de quatre à cinq ans. Pour les familles au revenu de 15 000 $, la différence est d’environ quatre points quant aux résultats du test. Ces observations sont compatibles avec les données traitées au chapitre 1, qui montrent qu’un bon soutien hors du foyer peut aider au développement des jeunes enfants, surtout dans les familles à faible revenu.

Compétences parentales Nous avons soulevé la question des facteurs autres que le statut socio-économique qui interviennent dans le développement des jeunes enfants. Les constations que nous avons faites dans différentes collectivités de l’Ontario portent à croire que le faible revenu n’explique pas tout. Si tel était le cas, toutes les collectivités au bas de l’échelle économique auraient des résultats inférieurs à ceux des collectivités plus prospères. Dans certains cas, nous avons trouvé que les collectivités où un pourcentage relativement élevé de familles vit sous le SFR affichaient de meilleurs résultats que des collectivités plus riches. L’analyse des résultats de chaque enfant par rapport au statut socio-économique montre que même s’il existe un gradient, chaque secteur compte une certaine proportion d’enfants qui ne réussissent pas aussi bien qu’ils le devraient. Dans la récente analyse du deuxième cycle de l’ELNEJ, on a constaté que malgré la présence d’un gradient du comportement par rapport au statut socio-économique, le facteur le plus déterminant n’était pas celui du revenu familial mais plutôt celui du style d’éducation parentale.124 L’impact des compétences parentales sur le développement du jeune enfant n’est pas un concept nouveau, mais il existe de plus en plus de preuves de son importance. Une classification reconnue des styles d’éducation parentale permet de diviser les compétences en trois catégories.125

Étude sur la petite enfance 91

FIGURE 3.17 PRÉVALENCE D’ENFANTS ÉPROUVANT DES DIFFICULTÉS

EN FONCTION DU STYLE PARENTAL Enquête Longitudinale Nationale sur les Enfants et les Jeunes, 1994

1. Style démocratique : chaleureux et sécurisant, établit des limites fermes au comportement de

l’enfant; explique les règles à l’enfant et le laisse participer aux décisions familiales.

2. Style autoritaire : essaie de tout contrôler, manque de chaleur et de sensibilité; fixe des règles immuables.

3. Style permissif : surprotecteur, établit peu de normes; montre une tolérance excessive envers la mauvaise conduite.

Cette classification était reflétée dans l’ELNEJ (figure 3.17). Un quatrième style a été ajouté, soit « permissif-irrationnel ». En général, les parents varient leur style d’éducation d’un jour sur l’autre. Or, Chao et Willms font remarquer que la constance dans le style d’éducation appliqué est considérée comme tout aussi importante, voire plus importante, que l’approche choisie.96 Leur étude des styles dans le cadre de l’ELNEJ a débouché sur des conclusions importantes, dont celles-ci : 1. Seulement le tiers environ des parents ayant participé à l’étude nationale adoptent le style

démocratique. La distribution se faisait approximativement selon les lignes suivantes :

♦ un tiers des parents ont une approche démocratique;

92 Étude sur la petite enfance

FIGURE 3.18 PRÉVALENCE D’ENFANTS ÉPROUVANT DES DIFFICULTÉS

EN FONCTION DE LA STRUCTURE FAMILIALE Enquête Longitudinale Nationale sur les Enfants et les Jeunes, 1994

♦ un quart des parents ont une approche autoritaire;

♦ un quart des parents ont une approche permissive;

♦ un peu moins de 15 % n’ont montré aucune aptitude pour les styles parentaux positifs (catégorie « permissif-irrationnel »).

2. L’analyse représentée à la figure 3.17 montre que les enfants élevés dans un cadre démocratique

affichaient moins de problèmes que les enfants élevés par des parents ayant une approche permissive-irrationnelle.

La figure 3.18 montre le pourcentage d’enfants ontariens vulnérables en raison de la structure familiale. Comme il fallait peut-être s’y attendre, les familles monoparentales comptent une proportion plus élevée d’enfants vulnérables. Toutefois, les familles monoparentales efficaces ont des résultats aussi positifs que les familles biparentales. On trouve plus d’enfants en difficulté dans les familles biparentales que dans les familles monoparentales, les premières étant plus nombreuses. La largeur des barres est proportionnelle au nombre d’enfants dans des familles biparentales et monoparentales.

Étude sur la petite enfance 93

D’après Chao et Willms :

« Ces constatations réfutent nettement la théorie de la « culture de la pauvreté » et la croyance généralisée selon laquelle les enfants de familles pauvres auraient des difficultés à cause de la façon dont ils sont élevés. Ces résultats, fondés sur un vaste échantillon représentatif des familles canadiennes, montrent que des pratiques parentales positives ont des effets importants sur la réussite de l’enfant, et qu’on trouve des pratiques parentales négatives et positives dans les familles riches comme dans les familles pauvres. Par conséquent, tous les enfants tire raient profit d’une bonne approche parentale. Les résultats montrent également que des programmes universels de formation au rôle parental sont préférables aux programmes ciblés. Étant donné que les pratiques positives ne sont que faiblement associées au statut socio-économique, il n’est pas possible d’identifier les parents ayant de moins bonnes aptitudes sur la base du statut socio-économique. En outre, puisque seulement un tiers des parents environ peuvent être considérés comme pratiquant le style démocratique, il semble que la plupart des parents pourraient profiter de programmes de formation au rôle parental. »126

TABLEAU 3.2 PRÉVALENCE D’UN OU DE PLUSIEURS TROUBLES EN FONCTION DU REVENU

Niveau de revenu familial Risque d’un ou de plusieurs troubles (par 100)

Pourcentage total d’enfants dans la catégorie de revenu

Pourcentage total de cas dans la catégorie de revenu

<10 000 $ 36,3 7,3 14,5 10 000 $ - 25 000 $ 17,4 27,7 26,5 25 000 $ - 50 000 $ 16,8 52,5 48,7 >50 000 $ 49,9 12,5 10,3 Tous niveaux de revenu 18,2 100 100

Offord et al. (1998) L’Étude sur la santé des enfants de l’Ontario (1983) a permis de dégager un lien important et solide entre les problèmes comportementaux et scolaires et le faible statut socio-économique de la famille chez les enfants de six à 16 ans. Les enfants pauvres avaient davantage tendance à éprouver des problèmes que les enfants riches. Toutefois, il n’y a aucun seuil à cet égard : les enfants des groupes à revenu moyen et élevé ont également manifesté des difficultés comportementales et scolaires, même si la proportion de tels enfants diminue à mesure que l’on gravit l’échelle socio-économique. Répétons que la majorité des enfants ayant des problèmes n’étaient pas des enfants pauvres127 (voir le tableau 3.2). En fait, une analyse récente des données indique que l’effet d’un revenu faible n’est responsable que de 10 % des problèmes comportementaux et sociaux.128 Autrement dit, même si la pauvreté de l’enfance était éliminée, il n’y aurait qu’une réduction de 10 % du nombre d’enfants en difficulté. Au chapitre 1, nous avons démontré que les enfants ayant eu de bons rapports avec leurs parents et bénéficié de programmes d’éducation à la petite enfance de qualité avaient tendance à obtenir de bons résultats même si leur statut socio-économique était faible. L’ELNEJ et les autres études ont montré que les enfants de familles au bas de l’échelle socio-économique qui ont accès à des programmes d’éducation à la petite enfance hors du domicile ont de meilleurs résultats que les enfants qui ne suivent pas ces programmes. Cette constatation est compatible avec d’autres études du

94 Étude sur la petite enfance

développement du jeune enfant effectuées sur de nombreuses années. Les recherches en neurosciences tendent à démontrer que la qualité de la stimulation reçue par un enfant pendant la période critique des premières années a une influence profonde sur le câblage et le modelage cérébral, créant ainsi un terrain favorable quant à l’apprentissage, au comportement et à la santé par la suite. Dan Keating (programme de développement humain de l’Institut canadien de recherches avancées ou ICRA) et Clyde Hertzman (programme de santé des populations, ICRA) ont examiné les données concernant les gradients socio-économiques dont ils ont tiré les conclusions suivantes :

« S’il est vrai que la répartition de ressources de développement et non la simple distribution de la richesse est un facteur d’importance cruciale, cela peut nous donner une possibilité de réduire les effets négatifs de gradients prononcés que nous avons constatés. Il semble peu probable, d’après les données recueillies, que la distribution du revenu et la répartition des ressources consacrées au développement soient indépendantes l’une de l’autre. Mais les sociétés qui ont trouvé des moyens de contrer cette interdépendance pour atteindre des niveaux de développement plus sains offrent des possibilités intéressantes d’apprentissage et d’adaptation (…). Nous avons ressenti le besoin d’établir une nouvelle approche appelée « inclusion biologique », selon laquelle les différences systématiques de conditions psychosociales et matérielles sont incluses dès la conception dans la biologie humaine, ce qui explique les caractéristiques des gradients du développement. Dans ce sens, l’inclusion biologique est le principal lien qui existe entre le développement humain et la santé. Les gradients de santé et de bien-être sont donc fonction du développement humain et de son interaction avec les conditions sociales. »129

Par conséquent, il semble logique que les programmes d’éducation à la petite enfance offrent des activités visant à stimuler le développement du cerveau pour tous les très jeunes enfants et, en même temps, à offrir un soutien (dont les services de garde) et une formation au rôle parental pour que les parents puissent aider leurs enfants à apprendre, pour qu’ils participent à leurs activités et fixent des limites à leur comportement. Le soutien pour les familles à faible revenu doit être conçu pour assurer leur participation aux programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental.

INDICATEURS DES RÉSULTATS Dans la préparation de ce rapport, nous nous sommes heurtés à une carence d’information concernant les premières années de l’enfance en Ontario. Il est intéressant de noter qu’il n’existe aucune base de données sur ces années cruciales du développement humain, qui nous permettrait de savoir ce que font les familles et la société pour le développement des jeunes enfants. Comme société, nous dépensons des sommes considérables pour mesurer le rendement des entreprises et de l’économie et pratiquement rien sur les indicateurs les plus cruciaux concernant nos enfants et la qualité de la population à venir. Étant donné l’importance de la petite enfance comme déterminant de l’état de la population future et de la réussite économique de notre société, il est temps que le gouvernement comble les lacunes dans l’information disponible. Pour mettre au point les politiques appropriées pour les familles, les collectivités et le gouvernement, nous devons disposer d’indicateurs qui nous permettent de savoir où nous en sommes en ce qui

Étude sur la petite enfance 95

concerne le développement de la petite enfance. Il est tout aussi important d’avoir une mesure du développement durant la petite enfance qu’une mesure de la réussite scolaire pour pouvoir améliorer l’enseignement en Ontario.

Capacité d’apprentissage Dans nos structures institutionnelles actuelles, la première évaluation possible du développement des jeunes enfants s’effectue à leur arrivée en première année. Compte tenu de ce que nous savons sur le développement du cerveau, nous devrions, si la chose est faisable, procéder à une évaluation dès l’âge de trois ans. L’indicateur de la « capacité d’apprentissage » permet d’évaluer le développement de l’enfant à son arrivée dans le système scolaire dans cinq grands domaines :

1. Santé physique et bien-être.

2. Sociabilité.

3. Maturité affective.

4. Richesse linguistique.

5. Connaissances générales et aptitudes cognitives. Cette mesure fournit une estimation utile du développement du cerveau pendant la période critique des premières années. Elle est significative en ce qui concerne l’apprentissage, le comportement et la santé futurs. À l’échelle de la population, cet indicateur montre quelles sont les régions ou les collectivités où le développement des jeunes enfants n’est pas aussi bon qu’il devrait l’être. La mesure de « capacité d’apprentissage » permet également à une collectivité donnée de vérifier si les dispositions prises à l’égard du développement de l’éducation à la petite enfance ont donné les résultats escomptés. Cet indicateur s’apparente à de nombreux égards à l’indicateur universel du poids à la naissance. Étant donné que le développement des jeunes enfants a des répercussions notables sur les risques de maladie plus tard, cette évaluation est aussi bien une mesure de la santé qu’une mesure de l’apprentissage. On pourrait également l’appeler « indice de développement humain ». Le Centre d’études des enfants à risque de l’Université McMaster et la Hamilton Health Science Corporation, en collaboration avec des collègues dans tout le pays, mènent une étude pour évaluer la capacité d’apprentissage des enfants à North York et dans certaines écoles de Toronto. L’élaboration et l’utilisation de paramètres d’évaluation des résultats soulèvent la question des étiquettes collées aux enfants. Les mesures de la capacité d’apprentissage ne doivent pas être utilisées pour étiqueter l’enfant par rapport à ses pairs lorsqu’il arrive dans le système scolaire. Ces mesures ne sont pas conçues pour le suivi d’enfants en particulier, mais pour que la province et les collectivités puissent savoir si elles soutiennent correctement les parents et le développement des jeunes enfants, d’un point de vue démographique. Les mesures ne doivent pas servir à étiqueter l’enfant ni être utilisées pour prédire les résultats d’un enfant en particulier dans le système scolaire.

96 Étude sur la petite enfance

Autres mesures de la santé et base de données intégrée sur la santé et le développement humain Étant donné que la bonne santé de l’enfant fait partie intégrante de son aptitude à s’épanouir et à apprendre, il faut également améliorer les mesures de l’état de santé des enfants ontariens. Dans de nombreux pays industrialisés, le taux d’immunisation est considéré comme une sorte de « biopsie sociale », dans le sens qu’elle sert de mesure efficace de l’état de santé physique de l’enfant. Le contrôle des taux d’immunisation des enfants de deux ans pourrait se faire grâce à un meilleur accès aux données de facturation (par le biais des codes de facturation établis pour chaque vaccin) et devenir une mesure importante du degré de développement des jeunes enfants. L’Ontario recueille déjà des données sur le poids à la naissance par le biais des statistiques vitales. On pourrait saisir un plus grand nombre de données à ce moment-là (le niveau de scolarité de la mère, par exemple). En outre, il serait possible de faire la distinction entre les nouveau-nés prématurés et ceux qui sont de petite taille par rapport à leur âge gestationnel. Un outil d’examen de base a été mis au point pour le programme Bébés en santé / Enfants en santé (décrit au chapitre 4), sous forme d’un formulaire que la mère remplit avant de quitter l’hôpital. Les données peuvent être compilées et intégrées à une base de données provinciale. L’Ontario doit structurer et intégrer une base de données efficace à partir de ses dossiers de santé et de développement humain. L’élaboration et l’application d’une évaluation du développement lors de la petite enfance doivent s’insérer dans une structure institutionnelle qui met l’information à la disposition des collectivités et des gouvernements tout en s’assurant qu’elle serve à la recherche à long terme sur les facteurs touchant le développement des jeunes enfants et des étapes ultérieures de leur vie. Étant donné que l’information ne doit jamais servir à identifier des particuliers, elle doit être entreposée dans un cadre institutionnel hermétique en partenariat avec le gouvernement, mais non contrôlé par ce dernier. En Ontario, on trouve des exemples de structures administratives de ce genre : The Institute for Clinical Evaluative Sciences (ICES) et l’Institut de recherche sur le travail et la santé. Il existe aussi un exemple de structure ayant une base de données intégrée et hermétique : le Manitoba Centre for Health Policy and Evaluation (MCHPE). Le Manitoba a établi un système d’information couvrant l’ensemble de la population à partir des données administratives recueillies automatiquement par le régime d’assurance-maladie.130 Aux termes d’un accord avec Statistique Canada, cette information peut être mise en corrélation avec les données du recensement (information socio-économique) au niveau du quartier, ainsi qu’avec les statistiques vitales. Ce système permet une analyse transversale multiple pour déterminer l’évolution de la santé et la consommation de soins au cours d’une période donnée à l’échelle provinciale et régionale. La Saskatchewan est en train de mettre au point un outil similaire, et la Colombie-Britannique en possède déjà un. Le système d’information sur la santé couvrant l’ensemble de la population (POPULIS : Population Based Health Information System) du MCHPE constitue un lien entre quatre ensembles importants de renseignements au niveau de la population :

Étude sur la petite enfance 97

1. État de santé de la population : au moyen d’indicateurs tels que le taux de mortalité

prématurée, l’espérance de vie, le taux de naissance de bébés petit poids, la prévalence de maladies (cancer, hypertension artérielle, diabète, troubles mentaux, suites d’une maladie, comme l’amputation due au diabète…), et d’auto-évaluations de l’état de santé et de l’invalidité fonctionnelle tirées des enquêtes sur la santé de la population.

2. Indicateurs de risque socio-économique : niveau écologique des particuliers en fonction du code postal; proportion des personnes de 25 à 44 ans qui ont fait des études secondaires ou postsecondaires; incidence des naissances chez les mères adolescentes; résidence dans des quartiers où le revenu est faible en moyenne; autochtone visé par un traité; état civil des mères adolescentes; évolution des familles monoparentales.

3. Consommation de soins de santé par habitant et dépenses afférentes : fréquentation des hôpitaux, des cliniques; visites chez le médecin, services de spécialistes, taux d’immunisation, consommation de médicaments, soins à domicile, admissions aux soins intensifs, etc.

4. Approvisionnement en ressources de soins de santé : nombres de lits d’hôpitaux, ratio médecin / habitants, nombre de lits aux soins intensifs, imagerie par résonance magnétique, etc.

Le gouvernement du Manitoba et le MCHPE proposent maintenant d’introduire l’évaluation de la capacité d’apprentissage dans cette base de données intégrée. Ils pensent également établir un lien entre leurs dossiers et la performance scolaire. Ce sera la première base de données couvrant toute la population qui permettra l’intégration des mesures de développement humain et de santé sur toute une vie, compte tenu de facteurs socio-économiques. L’existence d’une telle base de données est cruciale pour qu’une société puisse évaluer à quel point ses programmes améliorent la santé et le bien-être de sa population dans toutes les couches de la société. Ce thème général a été mis en valeur par le besoin de disposer d’évaluations plus précises des aspects opérationnels et des résultats dans le système de soins canadien. L’introduction de la capacité d’apprentissage comme paramètre d’évaluation du développement des jeunes enfants et son lien avec les dossiers de santé et les évaluations de la réussite scolaire permettront de se faire une meilleure idée de la façon d’améliorer l’éducation à la petite enfance. Si, par exemple, nous voulons améliorer les résultats des enfants ontariens en mathématiques, l’investissement dans les jeunes enfants aura un effet égal (ou supérieur) à l’investissement dans le système scolaire. Nous devons être en mesure d’évaluer ce facteur pour faire des investissements éclairés dans le secteur public et privé.

APERÇU DES RÉSULTATS DES ENFANTS ONTARIENS En résumant, nous pouvons énoncer les affirmations suivantes sur les résultats des enfants ontariens en ce qui concerne différents indicateurs :

1. Les enfants ontariens de quatre à cinq ans obtiennent de moins bons résultats aux tests de vocabulaire, surtout dans les groupes à revenu moyen et supérieur, que ceux du reste du Canada. Les jeunes Ontariens (de six à 11 ans) affichent également de moins bons résultats aux tests d’aptitudes mathématiques que les autres enfants canadiens.

98 Étude sur la petite enfance

2. Les enfants ontariens ont un poids à la naissance légèrement supérieur à ceux du reste du

Canada, surtout dans les groupes à revenu moyen et élevé.

3. De même, les parents ontariens signalent moins de problèmes de comportement chez les enfants de deux à cinq ans que dans le reste du Canada.

4. Parmi les collectivités ontariennes, il y a une grande variation dans le rapport entre le niveau socio-économique et la proportion de bébés petit poids ou d’enfants ayant de mauvais résultats en mathématiques, en lecture ou en écriture. Cela signifie que certaines collectivités ont de meilleurs résultats à ces tests qu’on pourrait s’y attendre d’après leur statut socio-économique, et que d’autres obtiennent de moins bons résultats qu’on pourrait s’y attendre. Pour ces collectivités, on peut en déduire l’existence d’un facteur qui soit protège les enfants, soit les prédispose à fonctionner moins bien qu’on pourrait l’imaginer d’après leur statut socio-économique. C’est un domaine où un examen et un suivi plus détaillés seraient justifiés.

5. Ces différents indicateurs suggèrent que toute évaluation des enfants au Canada produira des variations. L’Ontario présente, selon la mesure considérée, des résultats inférieurs ou supérieurs à ceux des autres provinces. En faisant porter nos efforts sur la petite enfance et l’âge préscolaire, nous espérons contribuer à améliorer ces indicateurs dans l’avenir. En effet, certaines évaluations de la performance des enfants d’âge scolaire sont très sensibles au degré de la capacité d’apprentissage au niveau préscolaire (comme le remarque l’économiste Vic Fuchs) et à un enrichissement lors des premières années de la vie.

Il est également important que l’Ontario se donne les moyens institutionnels de suivre et de contrôler les résultats des enfants, surtout de l’âge préscolaire aux années d’école, et ce, en ce qui concerne plusieurs résultats éducatifs et non éducatifs de la fin de l’enfance et de l’adolescence, puis de l’âge adulte. Nous aurons besoin de ces moyens pour mesurer la capacité d’apprentissage des enfants d’âge préscolaire d’une collectivité à l’autre, pour mesurer les effets de ces résultats de la petite enfance sur la réussite scolaire et pour suivre le rapport qui existe entre les expériences de la petite enfance et l’état de santé plus tard dans l’enfance et à l’âge adulte.

POUR CONCLURE

■ Les faits que nous avons présentés au sujet du développement du jeune enfant montrent que l’Ontario peut faire mieux. Nous savons exactement ce qu’il faut faire pour améliorer la réussite des enfants de toutes les couches sociales.

■ Les preuves que nous avons pu obtenir montrent qu’il est possible d’accroître les résultats d’un grand nombre d’enfants, dans tous les groupes socio-économiques. Par conséquent, les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental profitent à tous les enfants, quelles que soient les conditions socio-économiques où ils évoluent.

■ Le rôle parental est un facteur déterminant du développement du jeune enfant dans tous les groupes socio-économiques. Par conséquent, l’éducation et le soutien des parents devraient commencer le plus tôt possible après la conception.

Étude sur la petite enfance 99

■ Les programmes d’éducation à la petite enfance de l’Ontario devraient être universels en ce sens

qu’ils devraient être offerts à toutes les familles qui désirent en profiter, et tous les enfants devraient avoir des chances égales d’atteindre leur plein épanouissement. Les programmes qui ne ciblent que les enfants à risque du groupe socio-économique le plus défavorisé excluent nécessairement un très grand nombre d’enfants et de familles qui ont besoin de soutien dans toutes les couches sociales. Les mots « programmes universels » ne sont pas synonymes pour nous de programmes poussés et subventionnés par le gouvernement. Ils désignent les mesures que prennent les collectivités pour créer des centres d’éducation à la petite enfance et des services de soutien aux parents, qui tiennent compte d’aspects comme la culture, la langue, la religion, etc., aspects vraiment importants pour les familles durant les premières années du développement de l’enfant.

■ Ce sont les enfants qui font que la société se perpétue et ce sont eux qui déterminent la qualité de cette société. Les sociétés et les gouvernements ont donc une obligation envers les prochaines générations – celle de mettre au point des systèmes qui garantissent de bonnes compétences parentales, favorisent l’épanouissement du jeune enfant et tiennent compte des facteurs socio-économiques associés à une économie en pleine évolution et de la part grandissante des femmes dans la population active.

■ L’Ontario devrait établir un système de contrôle provincial, qui nous informerait des progrès de l’enfant dès ses débuts à l’école, et même avant si cela est possible. Grâce à une mesure de la capacité d’apprentissage (développement cérébral au cours des cinq premières années), les collectivités et gouvernements pourraient cerner les lacunes et déterminer si les mesures prises pour améliorer et élargir les programmes d’éducation à la petite enfance donnent de bons résultats. Soulignons qu’il NE S’AGIT PAS d’une mesure servant à cataloguer les enfants selon leurs aptitudes. Enfin, un meilleur suivi de l’immunisation des enfants de deux ans nous renseignerait davantage sur l’état de santé des enfants, et devrait, ainsi que le poids à la naissance, faire partie intégrante d’une nouvelle stratégie d’éducation à la petite enfance.

100 Étude sur la petite enfance

101 Étude sur la petite enfance

Chapitre 4 LA DISPARITÉ ENTRE LES POSSIBILITÉS ET LES INVESTISSEMENTS Quels sont les programmes offerts à la petite enfance en Ontario? Qui s’occupe de la prestation de ces programmes? Quelle est l’ampleur de l’investissement du gouvernement provincial dans le développement du jeune enfant? Quel soutien accordons-nous aux parents d’enfants en bas âge? Dans ce chapitre, nous traiterons des types de programmes offerts, de l’investissement de la province et des cadres de responsabilité. Nous décrirons également quelques projets implantés dans d’autres provinces ou pays. Nous commençons par une brève description d’un projet qui soutient l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental. Un lieu d’épanouissement

Sylvia est enceinte lorsqu’elle émigre de Chine pour venir au Canada avec sa fille de deux ans. Son mari les rejoindra plus tard. Une personne qui habite le même immeuble qu’elle lui parle du centre de formation au rôle parental et d’alphabétisation familiale situé dans l’école du quartier et administré par le conseil scolaire du district de Toronto. (Ces centres permettent aux parents et aux enfants de participer à des activités d’apprentissage par le jeu et offrent du soutien, des cours et de la formation aux parents.)

Sylvia se rend au centre et y trouve un lieu accueillant et chaleureux où les tout-petits et leurs parents, ainsi que les autres prestataires de soins, tels que les grands-parents, peuvent participer à des activités ludiques propices à l’épanouissement des jeunes esprits. On y trouve de la musique, des histoires, des jeux et même une collation pour les petits. Au centre, la fille de Sylvia fait la connaissance d’autres enfants qui parlent le cantonais, et sa mère peut emprunter des jouets ainsi que des livres écrits dans leur langue maternelle. Elles commencent ensuite à apprendre l’anglais. Sylvia apprend à fabriquer des jouets à partir d’objets usuels et comprend l’importance de lire à son enfant. Toutes deux se font des amis.

À la naissance du deuxième enfant de Sylvia, une des travailleuses du centre l’accompagne à l’hôpital avec une des autres mères, qui lui sert de monitrice durant l’accouchement. Lorsque Sylvia retourne au centre avec son bébé quelques jours plus tard, on donne une fête en son honneur. « Le centre est un lieu où je peux être moi-même », explique Sylvia. Elle estime que le centre l’a aidée à s’occuper de ses enfants et à entrer en contact avec d’autres ressources communautaires. À l’arrivée du mari de Sylvia, le centre était devenu le deuxième chez-soi de sa famille.

L Il existe 34 centres de ce genre dans les écoles du centre-ville de Toronto. Ils présentent plusieurs des caractéristiques propres aux centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. Ils offrent, par exemple, l’apprentissage par la résolution ludique de problèmes avec d’autres enfants, des ressources d’alphabétisation pour la famille, des bibliothèques de prêt multilingues et des ludothèques, des lecteurs de contes issus de la communauté, de la formation de bénévoles pour le jardin d’enfants (enfants de cinq ans), des centres de ressources et d’orientation communautaires, des leçons d’informatique, sans oublier des collations saines et un centre d’échange de vêtements.

Chacun de ces centres tient compte des caractéristiques de la collectivité qu’il dessert et respecte les diverses traditions ethniques, linguistiques et culturelles des familles et des quartiers de Toronto. Ils entretiennent un lien étroit avec l’école « hôte », et offrent à certains parents une formation pour qu’ils

deviennent bénévoles dans le cadre des activités d’éducation auprès des jeunes enfants, y compris le jardin d’enfants.

Les participants des centres de formation au rôle parental manifestent également leur gratitude. Ainsi, à titre de remerciement, un groupe de grands-mères prépare du maïs soufflé tous les après-midi pour les élèves de l’école. Les parents dont les enfants fréquentent les centres de formation au rôle parental et d’alphabétisation familiale deviennent souvent des bénévoles actifs au sein du centre et de l’école. Les centres de formation au rôle parental et d’alphabétisation familiale du conseil scolaire du district de Toronto constituent un bon exemple d’initiative communautaire tirant profit des structures institutionnelles existantes (les écoles) pour favoriser l’épanouissement du jeune enfant en tenant compte des particularités ethniques et linguistiques des familles. Cette initiative est le fruit du travail d’un leader qui ne disposait d’aucune autorité dans la hiérarchie de l’éducation, un exemple de leadership sans le titre (une forme d’entrepreneuriat social).

QUELS SONT LES PROGRAMMES CONSACRÉS À LA PETITE ENFANCE? Les périodes cruciales de développement du jeune enfant étant très brèves, comme chaque parent le sait, il est urgent d’atteindre les familles ayant des enfants en bas âge avant que ne disparaisse cette occasion extraordinaire de soutenir un développement optimal dès le départ. Tous les ans 150 000 bébés naissent en Ontario, tandis que le même le nombre environ (plus les enfants immigrants) atteint l’âge de six ans et entre en première année. Voici une liste très succincte d’activités pouvant faire partie des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental à l’intention des enfants de zéro à six ans et de leur famille. Nous n’entendons pas donner une description complète de chaque programme. Nous conférons au mot programme un sens très générique : une activité ou un service prodigué à des enfants de ce groupe d’âge. Plusieurs des programmes indiqués ci-dessous ne sont pas réservés aux tout-petits (comme l’aide sociale à l’enfance ou les services de santé publique). Par ailleurs, certains programmes mentionnés, comme les centres de santé mentale pour enfants, ne tombent vraiment sous aucune rubrique parce que différents services sont fournis en vertu de diverses lois et dispositions de financement. La liste regroupe ce qui suit : 1. Le jardin d’enfants, le seul programme offert partout en Ontario à tous les enfants de moins de

six ans.

2. Les services de garde d’enfants, utilisés par de nombreuses familles dans les communautés ontariennes mais ne faisant pas partie d’un système universel accessible à tous, comme le jardin d’enfants.

3. Les programmes de soutien à la famille et de développement du jeune enfant, dont plusieurs visent les familles vivant dans des quartiers à risque.

4. Les programmes d’identification et d’intervention précoce pour les enfants (et leurs familles) ayant des besoins spéciaux ou éprouvant des difficultés et considérés comme étant à risque.

5. D’autres services, comme les services spécialisés, dont les services de santé mentale et d’aide sociale à l’enfant, les services de santé publique, les services médicaux.

102 Étude sur la petite enfance

Étude sur la petite enfance 103

La figure 4.1, Sources de stimulation propices au développement cérébral du tout-petit et à l’épanouissement de l’enfant, identifie les ressources d’éducation à la petite enfance et de soutien au rôle parental qui existent déjà. Le tableau illustre l’équilibre entre les activités axées sur les parents et celles qui sont axées sur les enfants. Le développement cérébral est plus intense au cours des premières années de la vie. De la conception à l’âge d’environ un an et demi, la stimulation la plus cruciale provient des parents, et surtout des mères pendant la période qui va de la conception à l’âge de six à huit mois. Par conséquent, la figure montre que le développement cérébral pendant cette période est dominé par la relation avec les parents. Il s’agit donc de la stimulation axée sur les parents. À l’âge d’un an et demi, les tout-petits ont commencé à se développer grâce à l’interaction sociale et les activités ludiques avec les autres enfants. Cette période de développement précoce du cerveau reste dominée par la qualité de la stimulation prodiguée par les parents (les enfants passent le plus clair de leur temps avec les parents), mais maintenant, la stimulation interactive du jeu avec d’autres enfants et avec les éducateurs est un important facteur de développement cérébral et influe considérablement sur les compétences fondamentales, comme l’acquisition du langage et la familiarisation avec les nombres, le comportement, la maîtrise affective et la sociabilité. Dans le tableau, nous avons décrit cette période du développement du jeune enfant comme étant axée sur l’enfant. Les programmes énumérés plus haut peuvent influer sur l’épanouissement du tout-petit. Ils constituent des composantes qui sont largement séparées et fragmentées les unes par rapport aux autres. La figure 4.1 montre aussi les autres services susceptibles de soutenir le développement des jeunes enfants, énumère les incitatifs favorisant la petite enfance (congé parental, congé de maternité, supplément pour garde d’enfants et crédits d’impôt) et indique le peu de mesures des résultats qui existent. Le jardin d’enfants, la santé publique, les soins de santé et l’examen des nouveau-nés figurent en caractères gras dans le tableau parce qu’ils représentent les seules initiatives qui englobent la majorité des enfants de l’Ontario. Voici les divers programmes existant en matière de développement de la petite enfance et de formation au rôle parental : 1. Le seul programme offert à tous les enfants de cinq ans, quel que soit leur lieu de résidence, est

le jardin d’enfants. Les 72 conseils scolaires sont tenus de l’offrir. La participation est volontaire, mais la grande majorité des parents y envoient leurs enfants, soit 95 % des enfants de cinq ans. Les conseils scolaires ont le choix d’offrir ou non la maternelle pour les enfants de quatre ans. En septembre 1998, 66 des 72 conseils scolaires offraient de tels programmes, tandis que deux autres offraient certains programmes de maternelle et d’autres services d’éducation précoce. Seuls quatre conseils scolaires n’offraient ni la maternelle, ni aucun autre programme d’éducation précoce.

104 Étude sur la petite enfance

Avec le jardin d’enfants et la maternelle, le système scolaire dessert environ 330 000 enfants (190 000 en maternelle et 140 000 au jardin d’enfants). La plupart des programmes de maternelle et presque tous ceux de jardin d’enfants sont offerts à la demi-journée ou un jour sur deux. Les parents qui travaillent à l’extérieur de la maison sont donc quand même tenus de placer leurs enfants ailleurs pour le reste du temps.

Ces programmes commencent tard (à 3, 8 ans et plus) par rapport à la période de développement du jeune enfant et ne couvrent pas ce qui semble être la période la plus cruciale, soit de la conception à l’âge de quatre ans.

2. Les services de garde constituent le seul autre programme, avec le jardin d’enfants, offert dès le plus jeune âge qui dessert un nombre important d’enfants de zéro à six ans et qui commence parfois dès les premiers mois de la vie. Les services de garde d’enfants, y compris les maternelles indépendantes et agréées, forment une vaste catégorie où le financement et la prestation de services peuvent être de source à la fois publique et privée. Contrairement aux jardins d’enfants, il ne s’agit pas d’un programme subventionné par l’État ouvert à toutes les familles ayant des enfants d’un certain âge. Les parents ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour organiser la garde de leurs enfants, puisque tout dépend des services offerts dans leur quartier, des besoins de leur famille et du montant qu’ils peuvent y consacrer.

Quelque 105 000 des 900 000 enfants de moins de six ans en Ontario bénéficient de services de garde réglementés, que ce soit dans un centre, une maternelle indépendante et agréée ou un service de garde en milieu familial réglementé. Environ 55 000 de ces places sont subventionnées par les gouvernements provincial et municipal pour les familles à faible revenu et les enfants ayant des besoins particuliers. L’admissibilité à ces programmes varie d’une ville à l’autre. La disponibilité des places subventionnées dépend de la collectivité desservie; dans certains cas, les listes d’attente s’allongent et dans d’autres, le nombre de places suffit raisonnablement à la demande. Il existe également une subvention provinciale pour les salaires des personnes travaillant dans certains services de garde réglementés. Les services de garde coopératifs et les programmes de maternelle indépendante sont des programmes réglementés généralement organisés par un groupe de parents dans un quartier, une collectivité ou un lieu de travail. Les parents prennent les décisions ensemble et eux-mêmes ou des membres de leur famille offrent leur temps de façon bénévole. En général, la participation bénévole du parent consiste à passer quelques heures par semaine avec les enfants, dont le sien, aux côtés des éducateurs. La participation des parents permet de réduire les dépenses salariales, d’augmenter le nombre d’adultes pouvant répondre aux besoins des enfants et d’influencer le rapport parent-enfant. Les garderies réglementées ne représentent qu’une fraction des choix que peuvent faire les parents pour la garde de leurs enfants. Certains programmes, mais pas tous, favorisent un très bon développement des jeunes enfants. Environ 10 % seulement des enfants de moins de six ans en Ontario fréquentent un service réglementé mais, entre quatre et six ans, plus de 85 % d’entre eux fréquentent la maternelle et le jardin d’enfants. Où sont les autres enfants, surtout ceux de moins de quatre ans? Quelques-uns participent à d’autres programmes d’éducation à la petite

Étude sur la petite enfance 105

enfance et de formation au rôle parental (décrits dans la section suivante). D’autres restent à la maison avec l’un des parents, lequel reçoit éventuellement des prestations de congé de maternité ou de congé parental. Dans d’autres cas, les parents organisent la garde à la maison avec une tierce personne, comme un grand-parent ou une gardienne, ou au domicile d’autrui, souvent une mère qui garde d’autres enfants en même temps que les siens. Ces autres solutions peuvent être bonnes, mauvaises ou médiocres : nous n’en savons rien.

3. D’autres aspects de l’éducation à la petite enfance et de la formation au rôle parental sont couverts par une grande diversité de programmes. Certains des programmes communautaires les plus innovateurs que les membres de l’Étude sur la petite enfance ont visités appartiennent à cette catégorie. Plusieurs d’entre eux (mais pas tous) visent les quartiers pauvres. En outre, il s’agit souvent de projets d’aide aux familles offrant des services communautaires multiples aux jeunes enfants, à leurs parents et aux autres prestataires de soins. Il est difficile d’estimer combien d’enfants et de familles sont concernés par ces programmes. Ce rapport donne quelques exemples de cas qui montrent les répercussions possibles de ces programmes.

Exemples de ces types de programmes :

♦ Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur est un programme provincial global et intégré, implanté dans huit collectivités choisies parce qu’elles semblent présenter un risque élevé quant à la qualité du rôle parental et à l’épanouissement du jeune enfant, surtout en raison d’un désavantage économique et de la présence de familles à risque. Les prestations axées sur les enfants et les parents comprennent le soutien aux parents et la formation au rôle parental, l’alimentation, les ateliers de jeu, les visites à domicile et l’accès aux ressources. Les initiatives centrées sur la collectivité touchent la sécurité, les activités de mise en valeur et la défense des intérêts du quartier. Le premier projet de démonstration d’une durée de cinq ans vient de prendre fin et les données complètes des résultats concernant les enfants, les familles et la collectivité seront publiées à l’automne 1999. Les enfants qui y ont participé seront suivis dans le cadre d’une étude longitudinale de 25 ans.

♦ Les centres de formation au rôle parental et d’alphabétisation familiale sont situés dans 34 écoles du centre-ville de Toronto et financés par le conseil scolaire du district de Toronto. Ils servent à informer les parents sur le développement des tout-petits et à leur montrer comment favoriser l’épanouissement de l’enfant à la maison. Ils utilisent un modèle de « formation des formateurs » pour enseigner aux parents comment aider leurs enfants dans l’acquisition de compétences linguistiques et numériques. Les mères peuvent s’y réunir avec leurs enfants et d’autres parents, acquérir des compétences, se renseigner sur les ressources offertes et partager leurs compétences avec d’autres. Ces centres offrent des programmes d’éducation reposant sur la résolution de problèmes par le jeu. Cette initiative s’apparente en plusieurs points aux centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental.

♦ Le Programme d’action communautaire pour les enfants (PACE) est une initiative fédérale qui finance plus de 70 projets s’adressant aux familles à risque élevé dans les collectivités défavorisées de l’Ontario. Les priorités portent sur l’alimentation de l’enfant et la prévention des mauvais traitements. Parmi les services offerts figurent les programmes de ressources pour la

106 Étude sur la petite enfance

famille, la formation au rôle parental et l’alphabétisation familiale, les activités liées à l’alimentation et les visites à domicile.

♦ Le programme Bon départ à l’intention des autochtones est un projet financé par le gouvernement fédéral pour aider les enfants autochtones d’âge préscolaire. Il existe huit programmes de ce genre en Ontario.

♦ Les programmes de ressources pour la garde d’enfants sont des programmes de ressources pour la famille créés en premier lieu pour soutenir les prestataires de soins, autres que les parents, mais ils offrent également un soutien aux parents et aux autres membres de la famille. Certains offrent un soutien et des ressources à d’autres programmes d’éducation pour les jeunes enfants. Il existe environ 185 de ces programmes en Ontario et ils sont financés par les budgets de garde d’enfants provinciaux et municipaux.

♦ Les bureaux de santé publique offrent de l’information prénatale et postnatale ainsi que des programmes de soutien.

♦ Le Programme canadien de nutrition prénatale finance des projets communautaires pour améliorer l’état de santé des nouveau-nés grâce à une bonne alimentation durant la grossesse.

♦ Meilleur départ, Action communautaire pour la santé des bébés est un projet pilote provincial qui est axé sur la santé des mères et des nouveau-nés à Barrie et Algoma.

♦ D’autres programmes de soutien familial et d’éducation à la petite enfance sont exploités et financés par toute une gamme d’organisations et de services, dont le YMCA, les Clubs de garçons et filles, les Magiciens des mots et d’autres. Leur financement provient de sources diverses.

♦ Il existe plus de 40 centres de santé communautaires en Ontario. Ces centres desservent souvent les quartiers à faible revenu. Les centres de santé et les organisations comme la Ligue La Leche offrent des soins et un soutien axés sur la grossesse et le développement du nouveau-né. Certains hôpitaux offrent également des services d’approche dans la collectivité pour aider les mères et leur nouveau-né.

♦ Les parents et les enfants de zéro à six ans sont appelés à participer ensemble à des activités dans un autre domaine : la culture et les loisirs. À titre d’exemple, plusieurs bibliothèques publiques ont mis sur pied des programmes comme la lecture d’histoires et d’autres activités relevant de l’approche de la langue pour les parents et les jeunes enfants. Des programmes de loisirs comme les cours de natation pour maman et bébé sont souvent mis sur pied par les services municipaux de loisirs ou des organisations du type YMCA. Les programmes municipaux d’arts et de loisirs sont exploités et financés à l’échelle locale; le choix offert et les coûts dépendent donc de la municipalité (plusieurs perçoivent des droits).

Étude sur la petite enfance 107

Les programmes d’alphabétisation familiale enseignent aux parents l’importance de lire des textes à leur enfant. Ils soutiennent et favorisent la compréhension et l’utilisation conjointes de documents imprimés par les parents et les jeunes enfants et apprennent aux parents à devenir les compagnons de lecture de leur enfant dès son plus jeune âge.

Les parents apprennent qu’en parlant, en chantant et en lisant des textes à leur bébé, ils améliorent sa compréhension et son utilisation du langage, ce qui établira les bases de l’apprentissage de l’alphabétisation. L’heure du conte et les autres périodes de lecture favorisent chez l’enfant la compréhension de la narration, des rythmes et des sonorités de la langue. Les initiatives d’alphabétisation familiale sont offertes par plusieurs programmes ontariens de formation parentale et d’éducation auprès des enfants en bas âge. On peut citer l’exemple du programme Mother Goose, qui s’insère dans le cadre de plusieurs projets de ressources et de soutien pour la famille. On y enseigne aux jeunes enfants, à leurs parents et aux autres prestataires de soins, des comptines, des chansons et des techniques pour raconter des histoires. Les parents apprennent les comptines, les chansons et les jeux de gestes (gestes des doigts et du corps pour illustrer les comptines et les chansons) tout en tenant leur enfant et en le faisant sautiller sur leurs genoux. L’organisme Les Magiciens des mots offre des programmes de lecture pour les enfants dans des en droits aussi variés que les centres commerciaux, les écoles, les bibliothèques et les parcs. Les spectacles montés par des artistes montrent aux enfants que les livres sont amusants. Read It Again! est un programme d’alphabétisation familiale diffusé à la télévision qui met en vedette des artistes canadiens bien connus et des livres pour enfants de qualité.

Les Magiciens des mots sont un exemple parmi d’autres qui montre comment on peut mobiliser des ressources dans diverses couches de la société pour créer une vraie culture de l’alphabétisation... c’est-à-dire bien plus que la lecture. C’est un investissement dont le rendement est excellent pour toutes les parties de la société. Voilà pourquoi la promotion de l’alphabétisation relève de notre responsabilité à tous.131

4. L’identification et l’intervention précoces incluent des programmes offerts à l’échelle de la province aux familles et aux jeunes enfants en difficulté, qui ont des besoins spéciaux ou qui sont considérés comme étant à risque. Ces programmes spécialisés ne visent pas tous les enfants; pour certains, il y a une liste d’attente.

Voici quelques exemples de tels programmes :

♦ Tous les bébés sont maintenant examinés par le biais d’un programme provincial appelé Bébés en santé / Enfants en santé. Le point de contact est bref : la plupart des mères ne passent que 24 heures à l’hôpital. Le programme tâche d’identifier des familles considérées comme étant exposées à un risque grave et offre des services intensifs de visites à domicile jusqu’à ce que le bébé atteigne l’âge de deux ans afin d’aider à prévenir les problèmes et de favoriser un bon développement. Ce nouveau programme est encore en cours d’implantation. L’investissement du gouvernement provincial se fait progressivement. À l’heure actuelle, le volet concernant l’examen des nouveau-nés s’applique à tous, mais les services de soutien eux-mêmes sont très ciblés. Seulement 6 % des familles feront l’objet d’une visite à domicile. Toutefois, à mesure que le programme évolue, il pourra fournir une base pour favoriser une plus grande participation des familles aux centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental.

♦ Des programmes de prévention et d’intervention précoce sont offerts par certains centres de santé mentale pour enfants, dans le cadre de la programmation interne et par des équipes

108 Étude sur la petite enfance

d’intervention externes qui travaillent dans les centres de ressources pour la famille et ailleurs. Ces programmes sont surtout axés sur les enfants qui ont déjà des problèmes de santé mentale. Ces initiatives tâchent de relier des services spécialisés de santé mentale à d’autres programmes s’adressant aux enfants en bas âge.

Growing Together est un programme de prévention et d’intervention précoce implanté dans le centre-ville de Toronto. Il est parrainé conjointement par le Hincks-Dellcrest Centre for Children’s Mental Health et par le service de santé publique de Toronto. Il offre un ensemble de services intégrés visant particulièrement les familles à risque très élevé.

♦ Un nouveau programme d’orthophonie pour enfants d’âge préscolaire a été mis sur pied afin de détecter et de régler les problèmes reliés au langage avant l’âge de quatre ans.

♦ Le programme de développement du nouveau-né et de la famille offre un soutien aux familles et aux enfants ayant des besoins spéciaux en matière de développement, de l’âge de zéro à trois ans. Il existe d’autres services provinciaux, comme les services de répit pour les familles, les aides et les accessoires auxiliaires et les autres services et soutiens pour les enfants ayant des handicaps physiques ou des difficultés de développement et leur famille.

5. Les services spécialisés auprès des enfants et des familles, les services de santé publique et le système de santé soutiennent les jeunes enfants et leur famille.

♦ Les centres de santé mentale pour enfants, les services de développement, les écoles provinciales pour les enfants ayant une déficience auditive ou visuelle et d’autres programmes de traitement de l’enfant et de la famille offrent des thérapies et du soutien aux enfants ayant des besoins spéciaux et à leur famille. Ces programmes sont offerts par les autorités provinciales en matière de santé et de services sociaux et communautaires et en matière d’éducation.

♦ Les sociétés d’aide à l’enfance offrent des services de protection de l’enfance à l’échelle de la province. Les programmes d’aide sociale à l’enfance constituent un service obligatoire et réglementé et doivent être offerts dans toutes les collectivités. Les sociétés d’aide à l’enfance agissent comme tuteurs légaux de quelque 2 600 enfants qui ont été placés sous leur protection.

♦ Les 37 bureaux de la santé publique en Ontario offrent des programmes pour favoriser les grossesses en santé, y compris l’éducation publique et la promotion de milieux de travail sains. Les unités de santé se sont données comme objectif de réduire l’incidence des naissances de bébés petit poids. Ces organismes mènent aussi des programmes d’immunisation et administrent, à l’échelle locale, le programme Bébés en santé / Enfants en santé.

♦ Les services médicaux sont prodigués par le régime public d’assurance-maladie, qui offre des soins prénatals et postnatals de base à toutes les femmes enceintes et à leur bébé. Il existe un programme de détection en laboratoire de l’hypothyroïdie congénitale et de la phénylcétonurie (PCU) chez le nouveau-né. Les médecins fournissent les services néonatals, les examens de santé et les vaccinations contre les principales maladies infantiles.

Étude sur la petite enfance 109

Voici les conclusions de l’examen que nous avons mené sur les programmes de soutien à la petite enfance :

■ Il existe plusieurs programmes innovateurs, mais pas de véritable « système » ou réseau de services et de soutiens accessible aux jeunes familles dans toutes les couches socio-économiques de la province. On a affaire à un ensemble de programmes disparates.

■ Le seul programme subventionné par l’État qui est offert aux enfants d’âge préscolaire en Ontario est celui du jardin d’enfants. Or, ce programme ne vise que la période ultérieure de développement du jeune enfant, alors que de nombreuses phases cruciales de développement cérébral sont déjà terminées.

■ Il est impossible de connaître la qualité des soins dont bénéficient la plupart des enfants ontariens. Nous savons seulement que certains programmes de jardins d’enfants, de garderie et autres offrent des possibilités d’apprentissage par le jeu avec d’autres enfants (un élément clé du développement du jeune enfant). Certains soutiennent les compétences parentales. Nous savons également ceci :

■ Une proportion importante d’enfants de tous les groupes de revenu en Ontario ne se développent pas aussi bien qu’ils le pourraient.

■ De bons programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental peuvent améliorer les possibilités d’épanouissement des enfants.

■ De nombreux programmes pour la petite enfance s’adressent à des quartiers ou à des niveaux de revenus spécifiques, ou encore ils offrent des services cliniques aux enfants et aux familles en difficulté. Les programmes cliniques et ciblés ne touchent pas tout l’éventail des familles, mais ils sont absolument essentiels pour les enfants qui en ont besoin, que ce soit pour des services de protection, de thérapie, de répit familial ou autres services de soutien. Ils produisent généralement de meilleurs résultats lorsqu’ils font partie d’un éventail de services de soutien offerts à toutes les familles.

■ Il semble logique de mettre en place des soutiens intensifs dans des zones aux besoins élevés, mais nos données indiquent que le besoin est important dans tous les groupes sociaux. La question est la suivante : si la plupart des parents ont besoin d’une forme ou d’une autre de soutien pour assurer à leurs enfants le meilleur départ possible dès l’âge préscolaire, quel est le niveau fondamental du soutien qui doit être mis à la disposition de toutes les familles dans les collectivités?

INCITATIFS AU DÉVELOPPEMENT DU JEUNE ENFANT Nous avons également recueilli de la documentation sur les mesures d’incitation économiques et les programmes de remplacement du revenu qui sont conçus pour aider les jeunes enfants. En voici la liste :

110 Étude sur la petite enfance

1. Les prestations de congé de maternité et de congé parental sont versées par le régime fédéral d’assurance-emploi jusqu’à concurrence de 55 % du salaire ou de 413 $ par semaine, après une période d’attente de deux semaines sans prestations. Les prestations de maternité sont versées pendant 15 semaines à la mère. Par la suite, l’un ou l’autre des parents peut recevoir des prestations pendant dix autres semaines. Si le bébé a des besoins spéciaux, le paiement des prestations peut se poursuivre pendant cinq semaines encore. Certains employeurs offrent des congés plus longs et suppléent aux prestations versées. Les prestations sont payées aux travailleurs qui répondent aux critères d’admissibilité de l’assurance-emploi. En Ontario, la Loi

sur les normes d’emploi permet aux travailleurs de retrouver leur emploi après 17 semaines de congé de maternité et 18 semaines de congé parental. Ce programme est extrêmement important pour les parents qui travaillent durant la période critique du développement du nouveau-né.

2. Le Supplément de revenu de l’Ontario pour les familles travailleuses ayant des frais de garde d’enfants est offert aux familles à revenu moyen et faible; il prévoit le versement d’un maximum de 1 020 $ par année par enfant de moins de sept ans. Il s’applique lorsque les parents travaillent, lorsqu’ils suivent des études ou reçoivent une formation et qu’ils ont des frais de garde d’enfants, ou lorsqu’un des parents reste à la maison avec des enfants de moins de sept ans.

On estime que plus de 210 000 familles et près de 350 000 enfants pourraient en bénéficier. Les familles qui reçoivent des prestations d’aide sociale pourraient être admissibles si elles paient des frais de garde d’enfants. Les formulaires de demande de prestations ont été distribués à l’automne 1998.

3. L’incitatif fiscal ontarien pour les garderies en milieu de travail offre aux entreprises une déduction de 30 % des dépenses en immobilisations engagées pour la construction ou la rénovation d’installations de garderie ou versées aux organismes de la collectivité qui s’occupent de la garde des enfants des travailleurs. Cet incitatif, introduit dans le budget de 1998, présente de l’intérêt pour le secteur privé.

4. La Prestation fiscale canadienne pour enfants du gouvernement fédéral réunit l’ancienne prestation fiscale pour enfants et le supplément au revenu gagné pour former la nouvelle Prestation nationale pour enfants. Les prestations maximales sont versées à toutes les familles ayant des enfants et un revenu annuel de moins de 20 921 $ (les prestations sont de 1 625 $ pour les familles qui ont un enfant, de 3 050 $ pour celles qui ont deux enfants, de 4 475 $ pour celles qui ont trois enfants et de 5 900 $ pour celles qui en ont quatre). Cette prestation est versée indifféremment à toutes les familles, quelle que soit la source de leurs revenus, mais le gouvernement provincial les déduit des prestations d’aide sociale.

5. La déduction fiscale pour frais de garde d’enfants permet aux familles de se prévaloir d’une déduction de l’impôt fédéral pour les frais de garde d’enfants de zéro à 16 ans, et pour les enfants plus âgés qui exigent des soins de longue durée. Les parents peuvent faire une demande s’ils ont des frais de garde d’enfants parce qu’ils travaillent, qu’ils suivent des études ou qu’ils reçoivent une formation. Il faut présenter des reçus. La valeur de la déduction dépend de la tranche d’imposition des parents.

Étude sur la petite enfance 111

Voici les observations que nous avons tirées de l’examen de ces initiatives :

♦ Les prestations de congé de maternité et de congé parental ont des limites. Les gens qui ne cotisent pas à la caisse de l’assurance-emploi n’y ont pas droit. La période d’attente de deux semaines est pénible pour certaines familles, surtout celles dont le revenu est faible. Certaines mères au travail qui ont un revenu faible et qui sont admissibles à l’assurance-emploi ne peuvent pas se permettre de prendre le congé car les prestations sont calculées selon un pourcentage du revenu et elles gagnent déjà très peu. Les parents adoptifs n’ont droit qu’au congé parental et aux prestations pour besoins spéciaux. Dans l’ELNEJ, les mères ont signalé que les pressions pour retourner au travail étaient la principale raison pour laquelle elles avaient cessé d’allaiter leur enfant.51

♦ Malgré les déductions et les avantages fiscaux qui existent, beaucoup de parents qui travaillent ont du mal à trouver des services de garderie abordables et de bonne qualité.

CONFUSION DES RÔLES ET DES RESPONSABILITÉS Ce n’est que récemment que nous avons appris à quel point le développement cérébral du tout-petit est crucial au développement de l’enfant tout comme il l’est plus tard dans la vie. C’est ce qui explique que l’Ontario, comme d’autres parties du monde occidental, offre un ensemble disparate de programmes et de services de soutien pour la petite enfance, plutôt qu’un système coordonné, du moins en ce qui concerne l’attribution des responsabilités. Certaines initiatives récentes, à l’échelle locale et provinciale tentent d’améliorer les services de soutien aux jeunes enfants et à leur famille. Les programmes provinciaux d’éducation à la petite enfance sont régis par les structures législatives, réglementaires et administratives les plus diverses. Les fonds proviennent de différents paliers du gouvernement et de différents organismes au sein du gouvernement. De plus, les rôles et responsabilités sont en mutation en raison de la restructuration du secteur public.

Efforts positifs On assiste présentement à des efforts en vue de créer des services mieux intégrés pour les familles et les enfants en bas âge. Les autorités provinciales et locales prennent des mesures pour améliorer la coordination de la planification et la coopération entourant la prestation des services aux enfants en bas âge. Il existe une volonté claire de favoriser la collaboration et l’intégration dans chaque enveloppe budgétaire consacrée aux services humains (santé, services sociaux, éducation, loisirs). Cet effort a lieu alors que le gouvernement s’éloigne de plus en plus du rôle de prestataire de services tout en gardant le contrôle des politiques et des normes et en continuant à jouer un rôle dans le financement.

112 Étude sur la petite enfance

La création en 1997 de la fonction de ministre délégué au dossier de l’Enfance était attendue depuis très longtemps par plusieurs groupes communautaires et organismes provinciaux de services à l’enfance. Cette action a pour but d’accroître, au sein du gouvernement, le poids des questions touchant les enfants, afin d’aider au développement et à l’intégration de programmes pertinents pour les enfants, de sensibiliser le public et d’encourager la formation de partenariats au sein des collectivités. Toutefois, certains estiment que la ministre devrait détenir suffisamment de

responsabilités politiques et de ressources pour être efficace dans ce qui se révèle un des importants dossiers du gouvernement. À l’heure actuelle, cette charge est sans portefeuille, ce qui signifie qu’elle ne comporte aucune responsabilité directe à l’égard du financement ou des programmes. En revanche, elle assure l’examen des politiques et des initiatives de tous les ministères afin de surveiller leurs retombées éventuelles sur les enfants. Le Secrétariat à l’enfance relève de la ministre. La ministre déléguée et le Secrétariat à l’enfance sont indépendants du Bureau des services intégrés pour enfants. Ce dernier a été créé il y a deux ans pour améliorer la coordination entre les divers services aux enfants. Il relève des ministères de la Santé, des Services sociaux et communautaires, de l’Éducation et de la Formation et des Affaires civiques, de la Culture et des Loisirs. Le Bureau exerce une influence directe sur les programmes. Le Bureau des services intégrés pour enfants a dirigé la politique et la mise en œuvre à l’échelle provinciale du programme Bébés en santé / Enfants en santé. Il fournit également une orientation provinciale pour les services d’orthophonie aux enfants d’âge préscolaire et pour l’initiative des Services intégrés pour les enfants du Nord. Il administre l’évaluation du projet Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur. Le programme Bébés en santé représente un nouvel investissement de taille pour la province en ce qui concerne la prévention et l’intervention précoce. Au terme de la mise en œuvre, le financement de ce programme atteindra 50 millions de dollars par année. Puisque le programme Bébés en santé touche tous les nouveau-nés et leurs mères, il pourrait constituer une façon de rejoindre les parents pour leur fournir des informations cruciales et les diriger vers les centres offrant des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. De véritables efforts ont été faits pour que le programme Bébés en santé établisse des liens avec les services déjà offerts dans les collectivités par le biais des bureaux de santé publique qui offrent des services prénatals et périnatals. Il existe également une collaboration dans le développement de ce programme. À titre d’exemple, l’outil d’évaluation utilisé dans le cadre de Bébés en santé a été mis au point en consultation avec les sociétés d’aide à l’enfance, qui utilisent un nouvel outil d’évaluation du risque à l’échelle de la province pour les mauvais traitements aux enfants. Toutefois, cette étape positive en termes de collaboration au sein du réseau a également soulevé des inquiétudes dans certaines collectivités, car elle risque de stigmatiser les familles dépistées par le programme. En outre, la province a doté le programme Partir d’un bon pas d’un financement à long terme, lancé les nouveaux services d’orthophonie aux enfants d’âge préscolaire et mis en œuvre le nouveau Supplément de revenu de l’Ontario pour les familles travailleuses ayant des frais de garde d’enfants ainsi que l’incitatif fiscal pour les garderies en milieu de travail.

Silos de services La majorité des programmes de soutien aux jeunes enfants ont été élaborés en vue d’aider les familles et les enfants en difficulté. Toutefois, l’offre de services du gouvernement ontarien est considérée comme cloisonnée, à tel point qu’on parle souvent de « silos » de services. Les prestataires de services communautaires et les organismes de services aux enfants qui s’intéressent à la petite enfance déplorent depuis longtemps les barrières qui se dressent entre des secteurs comme

Étude sur la petite enfance 113

la santé, l’éducation et les services sociaux. Le gouvernement lui-même cherche des moyens de remédier à ce problème. Les services de garde d’enfants et les programmes de jardin d’enfants sont deux exemples qui illustrent le fossé législatif, politique et administratif qui s’est creusé entre les différents services concernant le développement du jeune enfant. Les programmes de jardin d’enfants sont offerts par les conseils scolaires de district conformément à la Loi sur l’éducation. Les directives de programme sont émises par le ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario. Depuis le remaniement des rôles de la province et des administrations locales conformément à l’initiative « Qui fait quoi », c’est la province qui finance le système scolaire. Les programmes de garde d’enfants sont prodigués dans les collectivités par toute une gamme de prestataires de services, qu’ils soient publics, sans but lucratif ou commerciaux, qui fonctionnent sous les auspices de la Loi sur les garderies. Le ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario leur émet des permis. Les subventions pour garde d’enfants sont financées conjointement par la province et par les municipalités (à 80 % et à 20 % respectivement). Conformément aux réformes « Qui fait quoi », les municipalités assument une part accrue de la responsabilité pour les garderies. Par exemple, les subventions salariales, auparavant financées par la province, doivent désormais faire l’objet d’un partage de coûts avec les municipalités. Le fossé entre le système scolaire et le système de garde d’enfants est encore plus complexe. Il existe une barrière professionnelle entre les enseignants, relativement bien payés et détenant des qualifications précises, et les éducateurs, plutôt mal payés et détenant d’autres types de qualifications. Les taux d’encadrement dans les écoles sont plus élevés que ceux des garderies réglementées. De plus, les directives provinciales du programme de jardin d’enfants peuvent également entraîner ce programme (malheureusement, nous semble-t-il) vers une approche plus didactique au détriment de l’approche de développement basée sur la résolution de problèmes par le jeu. Toutefois, les jardins d’enfants et les services de garde d’enfants ne constituent qu’une partie du casse-tête. Les centres de ressources des garderies, autrefois financés et administrés par le ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, doivent maintenant faire l’objet d’un partage des coûts à raison de 80 % pour la province et de 20 % pour les municipalités, et ils seront administrés par ces dernières. Les services spécialisés à l’enfance sont régis par la Loi sur les services à l’enfance et à la famille avec différents agents de prestation au sein des collectivités. L’aide sociale à l’enfant, par exemple, relève des sociétés d’aide à l’enfance, dont les coûts étaient auparavant partagés par les municipalités mais qui sont maintenant financés par le ministère des Services sociaux et communautaires (conformément à l’initiative « Qui fait quoi »). Les services spécialisés à l’enfance et aux familles ayant des besoins spéciaux sont en pleine réorganisation, dirigée par le gouvernement provincial, dans le cadre du programme Pour des services au service des gens. L’une des priorités du nouveau cadre de politique est la prestation de services de prévention et d’intervention précoce auprès des enfants de moins de six ans. Alors que ce

114 Étude sur la petite enfance

programme comporte l’objectif louable d’une meilleure collaboration entre les prestataires de services et d’une meilleure accessibilité pour les parents, il demeure limité par son « silo » de services, qui le sépare de l’éducation, de la santé et même des services de garde d’enfants, qui relèvent pourtant du même ministère des Services sociaux et communautaires. Dans ce contexte, il est difficile de se concentrer sur un concept cohérent de développement du jeune enfant. Les services de santé sont régis par leur propre ensemble de lois et de règlements. Les médecins sont remboursés par le régime provincial d’assurance-maladie lorsqu’ils prodiguent des services aux femmes enceintes, aux mères et aux tout-petits. Les services médicaux ne sont pas nécessairement liés à d’autres soutiens sociaux pour les femmes enceintes, et les jeunes mères et leur enfant. En vertu de la réforme « Qui fait quoi », ce sont les municipalités qui se chargent des coûts rattachés aux bureaux de santé publique. Ces bureaux offrent des programmes prénatals, périnatals et d’autres soutiens aux parents. L’initiative Bébés en santé / Enfants en santé, mise en œuvre à l’échelle de la province par les bureaux de santé publique, est toutefois entièrement financée par le ministère de la Santé de l’Ontario. D’autres éléments des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental sont assurés par les municipalités, qui sont responsables des bibliothèques publiques, des parcs et des programmes récréatifs communautaires. Les bibliothèques ainsi que les parcs et installations de loisirs ne sont pas régis par le même cadre législatif provincial que les services de garde, la santé publique, les services à l’enfance et à la famille et l’éducation. Dans certaines régions de la province, ces programmes sont mis en œuvre par un palier du gouvernement municipal qui est différent de celui chargé des aspects du développement du jeune enfant ou de la santé publique. Il existe également des programmes et initiative s de compétence fédérale et des programmes soutenus par des fondations et des organisations communautaires qui fonctionnent hors du cadre des politiques ou de la législation provinciales. La province dispose d’une variété de programmes réglementés, de sources de financement, d’institutions et de structures administratives pour soutenir les jeunes familles.

Cadre de responsabilité Pour parvenir à démêler cet imbroglio de rôles, de responsabilités et de ressources et en faire un ensemble homogène de services de soutien aux tout-petits et à leur famille, l’Ontario devra surmonter plusieurs obstacles.

♦ Il faut instaurer, au niveau du conseil des ministres, un cadre de responsabilité clair à l’égard des initiatives provinciales de développement du jeune enfant. La difficulté pour plusieurs initiatives communautaires consiste à établir une collaboration entre les secteurs de l’éducation, de la santé, des services sociaux, des arts et des loisirs, alors que l’autorité législative, les politiques, les directives de programme et les exigences en financement relèvent de plusieurs « silos » ministériels. Il est clair que des efforts sont en cours au sein du gouvernement et des ministères pour remédier à ce problème, mais ce ne sera pas facile sans changement législatif et structurel.

Étude sur la petite enfance 115

♦ Il faut également avoir un cadre de responsabilité clair au sein des collectivités pour encourager

la collaboration entre les prestataires de services et aider les parents à trouver l’information et les soutiens dont ils ont besoin. Cela ne signifie pas qu’un seul organisme communautaire doive se charger du fonctionnement de tous les programmes, mais que chacun devrait savoir où s’adresser pour obtenir de l’information sur la formation au rôle parental et le développement du jeune enfant. Selon les parents et les organismes de services à l’enfance, les parents qui ne savent pas où trouver de l’aide risquent d’attendre trop longtemps, de sorte qu’un problème relativement facile à résoudre au départ a le temps de se transformer en crise majeure au sein de la famille.

L’INVESTISSEMENT DANS LA PETITE ENFANCE Nous avons essayé d’estimer l’investissement fait par la province dans les programmes et incitatifs pour les enfants de zéro à six ans. Le Secrétariat à l’enfance nous a prêté main forte à cet égard. L’investissement de la province visant les enfants en bas âge n’est généralement pas séparé des autres dépenses. Par conséquent, dans certains cas, il nous a fallu faire des estimations de la portion d’un programme qui touche les tout-petits. Le gouvernement provincial n’est pas la seule source de financement pour les initiatives visant les enfants, mais c’est le principal bailleur de fonds. Il consacre près de 17 milliards de dollars à des programmes, des services et des soutiens pour les enfants jusqu’à l’âge de 18 ans. La part du lion, environ 14,2 milliards de dollars, revient au groupe des enfants les plus âgés (de six à 18 ans). La majeure partie du financement vise le système d’enseignement. Environ 2,5 milliards de dollars sont consacrés au groupe des enfants les plus jeunes (de zéro à six ans). Environ 870 millions de dollars vont aux programmes de jardin d’enfants et de maternelle, et un milliard aux services médicaux, aux soins de santé mentale et autres services spécialisés pour les jeunes enfants. La province consacre environ 650 millions de dollars aux initiatives d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, en dehors des programmes de jardin d’enfants du système d’éducation. On évalue que, chaque année, l’Ontario dépense environ 2 800 $ par enfant de zéro à six ans, et 7 250 $ par enfant de six à 18 ans. Une partie infime de ce montant est consacrée à des initiatives de qualité en matière d’éducation à la petite enfance dans toutes les couches de la société. Nous sommes toutefois conscients du fait que d’autres paliers de gouvernement investissent dans la petite enfance.

♦ En 1995, l’assurance-emploi a versé 1,27 milliard de dollars en prestations de congé parental et de congé de maternité ou d’adoption aux parents de l’Ontario.

♦ Le gouvernement fédéral finance actuellement des initiatives visant les tout-petits et leurs familles, dont les projets du Programme d’action communautaire pour les enfants en Ontario.

♦ Il existe également des fonds municipaux pour les services de garde (20 % des subventions salariales et autres), les programmes de santé publique, de loisirs ou de culture et les bibliothèques, pouvant profiter aux jeunes enfants et à leurs parents.

116 Étude sur la petite enfance

Les fondations et les organisations communautaires comme la YMCA et les Clubs des garçons et des filles contribuent également aux initiatives de formation au rôle parental et d’éducation à la petite enfance. Il n’était pas du ressort de cette étude d’analyser toutes les contributions financières d’organismes de bienfaisance comme Centraide et les fondations privées et entreprises de l’Ontario, mais nous tenons à souligner l’importance de ces contributions. Des fondations privées comme Atkinson, Laidlaw et Lawson et les agences de Centraide ont fait des investissements importants dans les programmes pour les jeunes enfants. Parmi les fondations financées à même les fonds publics et les organismes non gouvernementaux désirant financer les programmes pour les enfants, mentionnons Trillium et Invest in Kids.

À Toronto, Centraide parraine les programmes Success by Six pour contribuer au développement de services complets et coordonnés pour les jeunes enfants et leur famille. Ce programme prévoit un financement de trois ans pour les services prénatals et postnatals, les services de ressources familiales, les centres de formation au rôle parental et les services de visites à domicile qui veulent étendre leur portée aux enfants vulnérables et à leur famille, en collaboration avec d’autres intervenants dans la collectivité. D’autres agences de Centraide lancent des programmes de financement de ce genre ou envisagent de le faire. L’approche doit fournir des incitatifs pour encourager les mesures coopératives qui réunissent les initiatives communautaires (organismes gouvernementaux et non gouvernementaux).

Des organismes de bienfaisance comme Au nom de nos enfants s’efforcent de sensibiliser le public et d’informer la population sur l’importance cruciale de la petite enfance. Invest in Kids, la CBC et TVOntario ont participé à des actions de diffusion du message auprès des parents et des collectivités. Toutefois, même en tenant compte de ces investissements supplémentaires, il existe encore un parti pris dans le financement qui fait pencher la balance en faveur de programmes pour les enfants plus âgés par rapport à la petite enfance, pourtant si importante. D’après nous, cela s’explique par le fait que notre société tend à considérer que ce sont uniquement les parents qui sont responsables des tout-petits. La seule exception, ce sont les familles aux besoins spéciaux, soit en raison de la présence d’un enfant ayant un handicap physique ou du développement soit à cause de circonstances qui appauvrissent ou mettent en péril le développement de l’enfant. Nous devons continuer à offrir ces services. Mais il faut reconnaître que tous les parents de jeunes enfants dans le monde moderne ont besoin de soutien, compte tenu des changements sociaux et économiques de notre société, et que ce soutien est particulièrement important durant les premières années de la vie. La majorité des mères travaillent. Les familles, qu’elles soient monoparentales ou biparentales, sont soumises à ce que beaucoup considèrent comme un stress croissant, sur le plan économique autant que social. Certaines familles travaillent si fort pour subvenir aux besoins de leurs enfants qu’elles n’ont guère de temps ni d’énergie pour les élever correctement. Certaines mères sont seules à la maison avec leurs enfants, isolées et déprimées.

Étude sur la petite enfance 117

FIGURE 4.2 DÉVELOPPEMENT CÉRÉBRAL – POSSIBILITÉS ET INVESTISSEMENT

Bien des parents veulent de l’aide et du soutien pour apprendre à devenir de meilleurs parents. Qu’il ait été approprié ou non de placer presque toute la responsabilité du développement du jeune enfant sur les parents (nous en doutons), nous sommes fermement convaincus du fait que dans le monde d’aujourd’hui, il est inadmissible de laisser les parents se débrouiller tout seuls. Les nouvelles connaissances sur le développement cérébral et l’importance des premières années pour le développement des compétences individuelles et des capacités d’adaptation montrent qu’il existe une disparité évidente entre les montants investis par la société dans la petite enfance et l’occasion que représentent ces premières années d’améliorer la qualité de vie de la prochaine génération. Il faut absolument accroître le soutien public et privé à tous les échelons de la société pour le développement du jeune enfant. Peu à peu, si nous transférons le poids de l’investissement dans la petite enfance sur l’éducation et la formation au rôle parental, nous pourrons peut-être retarder ou réduire le besoin de services cliniques et de traitement plus onéreux à un stade ultérieur de la vie. La figure 4.2 illustre le rapport entre les dépenses consacrées à des programmes touchant l’apprentissage, les problèmes de comportement et la santé pendant toute la durée du cycle de vie, par rapport aux dépenses relatives aux années cruciales de développement cérébral.132

ACTIONS POUR L’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE ET LA FORMATION Les actions pour l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental, tant au Canada que dans le reste du monde, ont fait l’objet d’un intérêt accru, et dans certaines régions, d’une croissance et d’une expansion rapides au cours des dix dernières années. Certains pays scandinaves, de même que la France, ont déjà une longueur d’avance dans ce domaine. On constate une recrudescence d’intérêt et d’initiatives aux États-Unis, découlant partiellement des nouvelles connaissances neuroscientifiques.

118 Étude sur la petite enfance

Autres provinces et territoires De nouvelles actions intéressantes sont menées au Canada, dont voici trois exemples. Le Québec a mis sur pied des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental complets et intégrés. Les Centres de la petite enfance remplacent déjà les garderies et les agences de services de garde en milieu familial pour les enfants de zéro à cinq ans. En septembre 1997, des places réglementées pour les enfants à partir de quatre ans ont été offertes au coût de 5 $ par jour dans les Centres de la petite enfance ou dans les services de garde en milieu familial. Ce service a été rendu accessible aux enfants de trois ans en septembre 1998, et il continuera de s’étendre graduellement jusqu’en 2001, date à laquelle tous les enfants de zéro à cinq ans seront couverts. Les services de garde scolaires (disponibles pour les élèves de la maternelle et du primaire) sont également offerts à 5 $ par jour. L’Île-du-Prince-Édouard propose des structures coopératives novatrices en matière de programmes pour la petite enfance. Le Programme d’action communautaire pour les enfants (PACE) du gouvernement fédéral a créé des programmes de ressources familiales dans chacune des cinq régions de la santé et un autre dans le MicMac Family Resource Centre à Charlottetown. Les programmes sont ouverts à tous les enfants de zéro à six ans et leur famille; ils ne ciblent pas seulement les populations à faible revenu ou à risque. L’un des programmes de ressources familiales, C.H.A.N.C.E.S. à Charlottetown, a lancé un partenariat coopératif, Child Alliance, qui réunit les groupes et organismes gouvernementaux et non gouvernementaux travaillant avec les jeunes enfants et leur famille. Le financement récent du Conseil national de prévention du crime permettra à Child Alliance de progresser dans la mise en œuvre d’une évaluation des résultats dès l’âge de trois ans. Le gouvernement provincial a mis sur pied un comité interministériel pour le développement d’une enfance en bonne santé afin d’élaborer un plan pluriannuel de développement du jeune enfant. Au Manitoba, le Secrétariat de l’enfance et de la jeunesse a commencé à mettre en œuvre le programme Children First: Early Start, une initiative d’intervention précoce auprès des enfants de deux à cinq ans. Sa réalisation s’insère dans le cadre des programmes de la petite enfance, y compris dans 15 garderies réglementées qui sont situées dans des quartiers à besoins élevés et qui peuvent se prévaloir d’un nombre de participants stable et de la participation des parents. Early Start offre des services d’approche auprès des parents, y compris des visites à domicile, assure la participation active des parents dans le programme, et met les familles en relation avec les services et l’information disponibles en matière de santé, d’éducation et de services sociaux.

États-Unis Les États-Unis offrent des programmes fragmentés d’éducation pour enfants d’âge préscolaire, s’apparentant en cela à la situation qui prévaut en Ontario. Il existe des programmes fédéraux (Head Start), des garderies et des programmes préscolaires privés ou sans but lucratif, ainsi que des programmes de pré-maternelle et de maternelle intégrés au système scolaire. L’administration, la législation et les politiques sont réparties entre différents ministères et différents paliers de gouvernement.

Étude sur la petite enfance 119

Toutefois, l’élaboration d’actions pour l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental a pris de l’ampleur aux États-Unis au cours des dernières années. En 1994, la Carnegie Corporation de New York a publié un rapport intitulé Starting Points: Meeting the Needs of Our Youngest Children41, qui, avec les travaux du Families and Work Institute de New York, a permis une bonne compréhension des résultats récents des travaux de recherche neuroscientifique. Stimulés par cette nouvelle compréhension et par le leadership de l’institut, de nombreux groupes gouvernementaux et non gouvernementaux, tels que la National Governors Association et le National Center for Children in Poverty, se sont joints à la Carnegie Corporation pour promouvoir un plan d’action visant la promotion d’un rôle parental responsable et de choix de qualité pour les services de garde, le maintien et la protection de la santé et la mobilisation des collectivités pour soutenir les jeunes enfants et les familles.

Vers l’avenir

Les responsables des programmes disent de l’action Starting Points qu’elle est bien plus qu’une amélioration des services et des politiques pour les nouveau-nés et les tout-petits. Les dirigeants locaux ont relevé le défi d’élaboration et de mise en œuvre de nouvelles formes de partenariats avec les agences publiques, les collectivités, les prestataires de services, les familles, les entreprises, les médias et le public. Ils ont fait preuve à la fois d’opportunisme et de volontarisme, et certaines actions ont mieux réussi que d’autres. Mais toutes ont évolué vers une vision de l’avenir où les bébés, les jeunes enfants – et d’ailleurs tous les enfants – ainsi que leur famille n’auront plus à vivre une crise silencieuse en raison de l’indifférence du reste de la société.133

♦ La Carnegie Corporation a créé un programme de subventions Starting Points pour des projets promus par les États et les collectivités en vue de mettre en œuvre le plan d’action. Quatorze subventions ont ainsi été accordées à des États, des villes et des partenariats État-ville.

♦ Le Families and Work Institute a réuni les résultats des recherches neuroscientifiques et préparé différents documents pour diffuser l’information. Il a également lancé la campagne I Am Your Child et continue à soutenir les initiatives d’information et de mobilisation du gouvernement, du secteur privé et des collectivités partout aux États-Unis.

♦ À la suite de ces initiatives, entre 1997 et 1998, 42 gouverneurs ont ajouté la petite enfance aux points clés de leur plan d’action.134

♦ Plusieurs États ont mis l’accent sur l’établissement de systèmes cohérents de services et d’éducation à la petite enfance, sur les choix appropriés pour les parents et sur la diffusion d’informations et d’évaluations concernant les programmes. L’Ohio, par exemple, offre cinq modèles spécifiques pour les programmes dans la coordination de Head Start, des services de garde, des programmes préscolaires et des écoles publiques. À Hawaii, une loi de 1997 a créé de nouvelles options de financement par le biais d’un partenariat public-privé pour aider à planifier, coordonner et financer les services à la petite enfance. Au Michigan, aux termes d’une réforme du système, les directeurs des organismes de services sociaux et d’autres intervenants ont formé des équipes multidisciplinaires appelées Multi-Purpose Collaborative Bodies. La plupart de ces organismes se sont concentrés sur la planification et la mise sur pied de services à la petite

120 Étude sur la petite enfance

enfance, et ont commencé à réfléchir à la façon d’organiser un système communautaire pour tous les jeunes enfants et leur famille.

Les gouvernements américains soutiennent depuis longtemps les initiatives de développement du jeune enfant et de soutien familial visant les enfants de parents à faible revenu et désavantagés (Head Start en est un exemple). Les autres jeunes enfants et leur famille ont reçu un soutien moindre. Même si la majeure partie de l’activité actuelle continue à viser les populations à risque, il existe des ébauches d’initiatives de politique gouvernementale de portée plus large visant à toucher tous les enfants. Ces initiatives communautaires sont généralement sous la houlette des gouverneurs d’États et invitent la participation du gouvernement, des collectivités et du secteur privé.

Europe La plupart des pays européens ont mis sur pied un programme de développement du jeune enfant qui commence au moins deux ou trois ans avant la scolarité obligatoire.135 En outre, la plupart offrent une forme ou une autre de congé parental, familial ou de maternité, assorti de prestations. En voici quelques exemples :

♦ En Suède, les nouveaux parents ont droit à un congé et au versement de prestations pendant un maximum de 15 mois après la naissance ou l’adoption d’un nouveau-né. Des garderies de grande qualité (offrant des programmes de développement du jeune enfant) sont largement disponibles dès l’âge de un an jusqu’au début de la scolarisation, à sept ans. Les parents doivent payer un tarif modique mais la majeure partie des frais sont financés par le trésor public. Les centres de soutien parental existent dans la plupart des quartiers.

♦ La France possède un vaste réseau de programmes de développement du jeune enfant financés par l’État. Les programmes préscolaires à temps plein (appelés écoles maternelles) desservent 98 % des enfants de trois à cinq ans et un tiers des enfants de deux ans.

♦ Au Danemark, 48 % des enfants de zéro à trois ans et 82 % des enfants de trois à six ans fréquentent des programmes publics de développement du jeune enfant. (Les parents doivent payer des frais modiques.)

Pays en voie de développement Des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental de portée limitée existent dans tous les pays en voie de développement. Le rapport récent de la Banque mondiale, Investing in Our Children’s Future, décrit des actions autant formelles qu’informelles.136 Plusieurs de ces initiatives sont fondées sur les modèles de prestation de services de garde à domicile avec soutien. L’UNICEF vient de faire du développement du jeune enfant un point important de son plan d’action pour les enfants.137

Étude sur la petite enfance 121

POUR CONCLURE :

■ L’Ontario consacre beaucoup d’argent à l’enfance. Elle affecte environ deux fois et demie plus d’argent annuellement aux enfants après leur entrée à l’école qu’avant. Moins du tiers des fonds destinés aux enfants d’âge préscolaire subventionnent des programmes que l’on peut qualifier d’« universels » et qui ne sont pas axés principalement sur le traitement d’enfants aux prises avec des difficultés.

■ On trouve depuis longtemps en Ontario des initiatives à l’échelle provinciale ou communautaire et des investissements pour le développement de la petite enfance. Au fil des ans, ces programmes, mis sur pied pour régler des problèmes bien particuliers, en sont venus à former un ensemble disparate de programmes, à vocation principalement curative, plutôt qu’un réseau intégré de services d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental offerts sans conditions particulières à tous les jeunes enfants et à leur famille.

■ Étant donné que tous les enfants et les familles, quelle que soit leur situation socio-économique, peuvent tirer profit des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, il importe de les rendre accessibles aux familles de tous les groupes socio-économiques.

■ Avec le temps, les programmes d’inspiration communautaire et les investissements accrus (publics et privés) dans la petite enfance porteront leurs fruits en produisant une population mieux équipée pour affronter avec confiance la nouvelle économie mondiale. Le gouvernement provincial doit jouer un rôle prépondérant et faire en sorte que les programmes d’éducation à la petite enfance soient adaptés aux besoins des collectivités. Ces investissements s’avéreront bien plus rentables à long terme que de payer plus tard pour des mesures curatives, telles que des thérapies et des services de soutien, rendus nécessaires pour des problèmes qui remontent à la petite enfance.

■ D’autres autorités, dans les pays industrialisés (États-Unis et Europe) comme dans les pays en voie de développement (UNICEF et Banque mondiale), prennent des mesures pour favoriser l’épanouissement de tous les jeunes enfants de leurs collectivités.

122 Étude sur la petite enfance

123 Étude sur la petite enfance

Chapitre 5 PROGRAMMES COMMUNAUTAIRES D’EDUCATION A LA PETITE ENFANCE EN ONTARIO : LES POINTS FORTS ET LES ENSEIGNEMENTS Dans ce chapitre, nous exposons ce que nous avons appris sur certains programmes d’éducation à la petite enfance mis sur pied dans les collectivités ontariennes. Nous commencerons par récit une initiative communautaire réussie. Métamorphose d’un papillon Il y a cinq ans seulement, je n’aurais pas pu raconter mon histoire. Je ne voulais pas me montrer aux gens. Ils n’auraient vu en moi que la folle que je voulais maîtriser, une mère dépendant de l’aide sociale, une femme de prisonnier sans aucune valeur; ils auraient appelé la société d’aide à l’enfance et ils m’auraient volé mon bébé. Paranoïaque? Cela dépend de quel point de vue on se place. J’étais stressée, déprimée, aux prises avec les fantômes de mon passé, essayant de devenir la mère parfaite que les livres me disaient qu’on pouvait être même sans famille, ni amis, ni aide avec l’allaitement au sein, ni aucun autre soutien parental.

Grâce au lien formé avec le centre d’alphabétisation Read Write de Kingston, j’ai participé à un groupe d’écriture, puis je l’ai animé.

Grâce aux nombreux comités auxquels j’ai participé à titre bénévole, j’ai acquis de nouvelles compétences, amélioré mes anciennes aptitudes, découvert ma passion et ma compréhension de la recherche, de l’alimentation et du développement de l’enfance. Ces expériences m’ont amenée à réfléchir sur ma propre enfance et sur toutes les expériences de ma vie (la rage intériorisée, le manque d’estime de soi) qui en sont le résultat, en me donnant la détermination de sortir de ce cycle négatif par le biais de l’instruction et de la recherche d’autres points d’appui.

Grâce au service de visites à domicile, j’ai fait la connaissance de mon amie Sue. Elle a encouragé mes efforts d’engagement parental positif, m’a aidée à affronter mes lacunes. Je lui ai confié mes craintes, mes frustrations (il y en avait beaucoup) et elle m’a donné des conseils et des renseignements précieux. Elle m’a présentée à d’autres femmes qui pensaient comme moi et elles ont contribué à renforcer mon sentiment d’appartenance. Elle est aussi devenue l’amie de mes enfants.

Ma relation avec le centre d’accès aux soins communautaires du nord de Kingston m’a mise en contact avec des travailleuses et des travailleurs sociaux formidables qui m’ont aidée à surmonter ma dépression et mes difficultés maritales.

Le lien avec d’autres parents et travailleurs des groupes de soutien parental m’a aidée à me sentir assez confiante pour élever mes enfants de la façon qui nous convenait le mieux.

En devenant enfin active et appréciée, j’ai accru ma confiance en moi-même et toute la famille en a bénéficié (parce que si maman est en bonne santé, le reste de la famille l’est aussi). Cela m’a également permis de contribuer au lancement et au développement d’autres entreprises valables : une coopérative de parents, une coalition pour l’allaitement maternel dans le Sud-Est de l’Ontario, un programme de distribution d’aliments, une enquête sur l’alimentation des tout-petits, un projet de sièges pour enfants dans les taxis, et le comité de visiteurs de Joyceville.

Le programme Partir d’un bon pas et le centre d’accès aux soins communautaires m’ont offert une formation d’éducatrice auprès des enfants et d’animatrice de groupes de pairs, ce qui m’a permis de trouver un emploi d’éducatrice et de coordinatrice bénévole pour les groupes d’éducation parentale qui m’avaient aidée auparavant. Ensuite, j’ai obtenu un poste contractuel de six mois à temps plein en tant qu’éducatrice-adjointe du programme Partir d’un bon pas.

Tout ce que nous avons accompli avec le programme Partir d’un bon pas, les nombreuses ressources disponibles et la possibilité de compter sur les autres, d’être écoutée et appréciée, tout cela m’a permis de prendre conscience de ma valeur en tant que personne et en tant que mère. Tout cela a également aidé mon mari à faire face à ses propres problèmes. Son estime de soi, notre relation de couple et ses aptitudes parentales en ont aussi bénéficié.

Je ne suis pas parfaite dans mon rôle de mère sans soutien familial, mais j’ai recouvré ma force vitale et je suis prête à déplier mes ailes comme un papillon grâce au réseau de soutien, aux emplois et aux ressources dont nous bénéficions. Sans le programme Partir d’un bon pas, nous n’y serions pas arrivés si vite, et peut-être jamais.

Il y a d’autres mères, mariées, seules ou divorcées, qui font face au stress parental, aux mauvais traitements, à l’isolement, à la dépression. À vrai dire, trop d’enfants y perdent. Les pauvres ne sont pas les seuls exposés aux risques. Ma famille est de la classe moyenne supérieure. Mes besoins matériels étaient plus que satisfaits. Toutefois, mon bien-être affectif et physique a été compromis. Si ma mère, et d’ailleurs sa propre mère, avaient eu la chance de participer à un programme comme Partir d’un bon pas, je n’aurais sans doute pas gâché une partie de ma vie et eu besoin d’avoir recours à l’aide sociale.

■ Extrait d’un texte rédigé par une mère participant au programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur à Kingston

Ce témoignage personnel montre mieux que nous n’aurions pu le faire nous-mêmes comment une collectivité mobilisée, un centre de soutien familial et un réseau coopératif de fournisseurs de services peuvent faire toute la différence dans la vie de familles qui ont besoin de soutien et d’éducation, quel que soit leur revenu ou leurs antécédents. Ce genre d’histoire frappante pourrait être racontée par des gens participant à des projets communautaires de Sudbury à Toronto en passant par Windsor, London et Thunder Bay, partout en Ontario où des collectivités dotées de leaders communautaires ont pu unir leurs efforts pour offrir des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. Les membres de l’Étude sur la petite enfance ont visité 34 projets mis en place dans quinze collectivités de l’Ontario. Nous avions recueilli des renseignements sur beaucoup d’autres projets, mais le manque de temps nous a forcés à limiter nos visites. Nous avons essayé de voir des projets dans différentes régions de la province où la création de programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental de qualité est favorisée de plusieurs façons :

♦ par des conseils et un soutien en matière d’alimentation, de bons soins et de stimulation des jeunes enfants grâce à l’apprentissage par le jeu;

♦ par le soutien offert aux parents de jeunes enfants;

124 Étude sur la petite enfance

♦ par les services de garde qui appuient le rôle parental et le développement durant la petite

enfance; et

♦ par l’amélioration de la capacité de la collectivité à soutenir de bons programmes d’éducation à la petite enfance.

Nous ne cherchions pas à évaluer les programmes ou leurs pratiques. Les endroits visités ont été choisis de façon à refléter la pluralité des régions, des cultures et des programmes. Lors de ces rencontres, nous avons été frappés par la vigueur du leadership et de la participation communautaires. Certaines mères, bénéficiaires de l’aide sociale, ont acquis les compétences et l’assurance nécessaires pour jouer un rôle important au sein de la collectivité. Certains grands-parents sont devenus l’« épine dorsale » des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. Des entrepreneurs à la retraite offrent leur savoir-faire pour le lancement de projets innovateurs. Il existe des fondations qui ont reconnu que le développement du jeune enfant était une priorité pour le financement initial de nouveaux projets communautaires. Des organismes communautaires ont canalisé leur énergie et leurs ressources pour créer de bons modèles de soutien au rôle parental et au développement optimal des jeunes enfants. Nous publions conjointement au présent rapport un document de travail traitant des visites dans la collectivité. Dans ce document-ci, nous n’essayons pas de rapporter tout ce que nous avons vu et appris, mais de synthétiser une grande quantité d’informations et de conseils en quelques catégories générales, reflétant nos recommandations. D’autres informations nous sont également parvenues de plusieurs organismes provinciaux intervenant auprès des jeunes enfants et de leur famille. Un rapport de cette consultation est publié en annexe. Nous avons écouté les commentaires d’un groupe disparate de mères, de pères et de grands-parents d’enfants âgés de zéro à six ans lors d’une assemblée municipale tenue dans le gymnase d’un centre communautaire de l’Est de Toronto. Quelques-uns de leurs commentaires figurent au présent chapitre. Nous avons aussi annexé à ce rapport un compte-rendu des discussions. Nous avons bénéficié de l’expérience des membres du comité consultatif sur la petite enfance, qui sont de grands défenseurs de l’enfance dans leurs collectivités.

Les actions communautaires : de riches antécédents

L’évolution de la recherche sur le cerveau accroît nos connaissances sur l’importance du développement durant la petite enfance et suscite l’attention et l’intérêt aux quatre coins du monde. Toutefois, l’importance de la petite enfance n’est pas une « découverte ». Plusieurs collectivités ontariennes soutiennent depuis longtemps des actions visant les jeunes familles. Plusieurs de ces actions ont pris de l’ampleur grâce à une combinaison de fonds publics, de ressources privées et publiques au sein de la communauté, de dévouement du personnel et d’engagement des bénévoles.

Le centre d’éducation familiale St. Mary de Windsor, par exemple, a établi ses quartiers généraux dans les locaux de l’église anglicane St. Mary il y a plus de 25 ans. Le besoin de soutenir les jeunes familles a été reconnu par les responsables de l’église, qui ont offert un appui financier et des locaux pour que l’initiative prenne son envol en 1974. Le centre a également bénéficié de subventions fédérales.

Étude sur la petite enfance 125

En 1985, grâce au financement provincial des actions pour la garde d’enfants, le centre St. Mary a pu étendre ses activités pour inclure une halte-garderie et une ludothèque en plus de son programme de formation des parents et autres pourvoyeurs de soins. En 1987, le centre s’est installé dans une église désaffectée qui avait été achetée par le gardien de l’église St. Mary. Le centre offre des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental (y compris des possibilités d’apprentissage par la résolution ludique de problèmes et des services de garde non parentale). Il offre également un appui aux mères de jeunes enfants et aux autres personnes qui exploitent des programmes d’éducation à la petite enfance dans leur propre foyer, un moyen de rayonner dans la communauté. Le personnel, les parents et des bénévoles ont recueilli des fonds pour les rénovations nécessaires. Dans les nouveaux locaux, les programmes ont pu évoluer et s’améliorer. Au fil des ans, le centre a souvent connu de longues listes d’attente pour ses groupes de soutien et ses programmes. Environ 400 familles sont inscrites et une soixantaine de bénévoles offrent leur temps et leur savoir-faire.

Aujourd’hui, le programme inclut des cours complets de formation au rôle parental, une bourse aux vêtements et d’autres actions communautaires. Le nombre de bénévoles témoigne de l’appui de la collectivité. Le centre organise des marches pour lever des fonds et sensibiliser la population. Voici quelques exemples de participation communautaire au développement du centre :

♦ General Foods Canada a fait don d’un autobus.

♦ La Greater Windsor Horticultural Society a aidé à l’aménagement du terrain.

♦ Les parents ont peint des murales.

♦ Pour donner à chaque famille ayant un nouveau-né une trousse de prévention des incendies et des brûlures, le centre a participé au projet SAFE Newborn en 1997, en coopération avec Welcome Wagon, l’Ordre des infirmières de Victoria, le bureau de santé publique du comté de Windsor-Essex, la Essex County Firefighters Burn Unit Foundation et Essex County Fire Service Association

♦ Des bénévoles de Home Depot ont rénové la salle de bricolage et un club philanthropique a donné des fonds pour moderniser le matériel de la halte-garderie.

La liste de parrains du centre comprend le comité des métiers de G.M., les centres locaux des Chevaliers de Colomb, la Légion royale canadienne et la Banque Royale, plusieurs autres clubs philanthropiques locaux, des entreprises privées, des groupes religieux, des organismes d’aide à l’enfance et des particuliers. Ce centre est un exemple de centre d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental de qualité.

L’ONTARIO DOIT PROFITER DES ATOUTS DES COLLECTIVITÉS ET DES RESSOURCES COMMUNAUTAIRES Il existe partout en Ontario des actions communautaires qui font toute la différence positive dans la vie de jeunes enfants et de leurs parents. Certains témoignages venant des parents eux-mêmes nous en ont convaincu. Le programme communautaire Grandir ensemble de Sudbury et du district s’adresse aux enfants de zéro à six ans, et il est financé par le Programme d’action communautaire pour les enfants (PACE) du gouvernement fédéral. Il est réparti sur six sites offrant des groupes de jeu, des ludothèques, des programmes de ressources familiales, de la formation au rôle parental, des programmes sur l’alimentation et un service d’intervention communautaire. Il dessert environ 700 familles et compte 125 bénévoles. Il assure la promotion de services aux familles dans les

126 Étude sur la petite enfance

régions rurales souffrant d’un manque de services prouvé par rapport au nombre croissant de jeunes familles. Ce programme collabore avec le programme Bébés en santé / Enfants en santé de Sudbury sous l’égide du bureau de santé publique. Voici quelques commentaires des parents :

« Le programme Grandir Ensemble de Sudbury m’a pratiquement sauvée de la folie après mon premier accouchement. Ils étaient là quand j’ai eu besoin de soutien et m’ont aidée à surmonter ma dépression post-partum. »

« J’ai appris et je me suis enrichie en tant que mère et partenaire de mon mari grâce à une variété de programmes et d’ateliers. Quand je me suis inscrite, j’avais très peu d’amis qui avaient des enfants. Maintenant, j’ai un réseau d’amis qui sont aussi parents. » « Je participe au programme Grandir Ensemble depuis deux ans et demi, et j’ai assisté à son expansion et à son succès. Non seulement je vois l’impact positif qu’il a eu sur ma famille, mais je constate aussi une différence dans la collectivité en général. »

Le taux de succès des programmes varie d’un endroit à l’autre. Cette variation explique peut-être certaines des disparités entre les régions que nous avons décrites au chapitre 3. Il faut souligner l’efficacité des actions locales à répondre aux différentes caractéristiques culturelles et ethniques de leur collectivité. Mais nous devons également reconnaître que les collectivités ont différentes forces, différentes cultures, différentes caractéristiques et différents besoins. Les ressources communautaires comprennent toutes les ressources publiques qui sont ou devraient être reliées aux programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental : écoles, hôpitaux et autres services de santé, services sociaux, programmes récréatifs, bibliothèques, collèges, universités et ainsi de suite. Elles doivent également inclure les apports du secteur privé, que ce soit en nature (bénévolat, locaux) ou sous forme d’un soutien financier pour les dépenses d’immobilisations ou de fonctionnement, ou encore par la création de garderies pour les employés. Des contributions ponctuelles peuvent, par exemple, permettre l’achat de jouets, de livres ou de matériel en vue de la création de centres satellites. Les actions et le soutien du secteur privé peuvent également contribuer à sensibiliser le public à l’importance des premières années. Les collectivités qui se mobilisent (secteurs public et privé) pour profiter de leurs atouts favorisent également la cohésion sociale. Nous entendons par là le niveau de confiance et de solidarité, la reconnaissance du fait que nous sommes tous un peu responsables les uns des autres, en tant que membres d’une même collectivité, et que nous sommes tous garants du sort de la prochaine génération. Il apparaît que les régions où règne une bonne cohésion sociale sont plus dynamiques et davantage en mesure de relever le défi que posent les pressions économiques et sociales.

LES PARENTS, ÉLÉMENTS CLÉS D’UN PROGRAMME D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE Les parents sont les êtres qui exercent la plus grande influence sur le développement des enfants en bas âge. C’est pourquoi nous insistons sur l’importance de les faire participer aux programmes d’éducation à la petite enfance. Comme l’indique l’Institut Vanier de la famille :

Étude sur la petite enfance 127

« Les soins des enfants au Canada relèvent avant tout de la responsabilité des parents. Même dans les familles où les enfants reçoivent des soins complémentaires pendant que les parents travaillent ou étudient, ils passent la majeure partie de leur temps avec un parent. En plus, ce sont les parents qui doivent trouver des services de garde non parentale et qui sont responsables des enfants 24 heures sur 24. »138

Les programmes d’éducation à la petite enfance favorisent le câblage et le modelage du cerveau en offrant des possibilités d’apprentissage par le jeu qui permettent aux tout-petits de s’initier à la résolution de problèmes dans un cadre sécuritaire et enrichissant. Ces programmes doivent comprendre des activités comme la musique, les arts et l’éducation physique. Certains programmes ajoutent un autre élément important qui, selon nous, doit absolument faire partie du système consacré à la petite enfance : le soutien aux parents. La participation des parents et des familles ainsi que leur soutien sont des facteurs de qualité qui maximisent l’efficacité des programmes d’éducation à la petite enfance. Les parents bénéficient non seulement de l’appui de la collectivité, où les programmes sont accessibles, mais ils peuvent aussi apporter leur contribution. La participation des parents contribue énormément au succès des programmes d’éducation à la petite enfance. La formation des parents est également l’une des meilleures façons de les sensibiliser et de les amener à sensibiliser d’autres parents. À Sudbury, le projet Grandir Ensemble, dont nous avons déjà parlé, demande un engagement de la part des membres. Tous les membres promettent d’apporter une contribution de dix heures par année par famille ou l’équivalent sous forme de dons de jouets, de matériel ou d’argent. Avec 700 familles, cela représente 7 000 heures de bénévolat, une merveilleuse ressource de plus pour les enfants. La participation demandée aux parents dans la plupart des actions communautaires ne se limite pas à faire une visite à leur enfant de temps à autre. Le récit du projet Partir d’un bon pas de Kingston en fournit l’illustration. Cette mère parle d’un véritable engagement. La participation parentale ne doit pas rester une vaine promesse.

LES SERVICES DE GARDE ET D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE : UN BESOIN POUR LES FAMILLES Nous avons appris que toutes les familles avaient besoin de soins non parentaux pour leurs jeunes enfants. Certains en ont besoin à temps plein ou à temps partiel, d’autres seulement à l’occasion pour offrir un répit aux parents. Lors de l’assemblée communautaire à laquelle nous avons assisté, même les parents et les grands-parents ne travaillant pas à temps plein à l’extérieur du foyer ont indiqué que les services de garde à temps plein de qualité supérieure devraient être disponibles pour tous les parents qui en ressentent le besoin. Mais les parents ne veulent pas être obligés de choisir entre la garde d’enfants et l’éducation à la petite enfance. Ils préfèrent avoir des centres d’éducation à la petite enfance qui offrent aussi des soins non parentaux. (De bons services de garde offrant des possibilités d’apprentissage par le jeu représentent un élément important.) La terminologie peut être un puissant outil pour changer les mentalités. Nous souhaitons déplacer le débat, actuellement centré sur la « garde d’enfants », terme associé au travail de la simple « gardienne d’enfants », et sur le « jardin d’enfants » (enfants de cinq ans) qui évoque déjà la salle

128 Étude sur la petite enfance

de classe. Les bons programmes de garderie et de jardin d’enfants ne correspondent pas à ces stéréotypes, ils sont partie intégrante de l’éducation à la petite enfance. Il est important de tendre vers une meilleure intégration. Une étude de l’opinion publique au sujet de la garde d’enfants en Ontario a été menée par Ekos Research Associates en juin 1997.139 Les résultats de cette étude indiquent que l’étiquette « garde d’enfants » était perçue négativement dans les sondages et les groupes de discussion, alors que l’étiquette « éducation à la petite enfance » était bien reçue, même lorsqu’il s’agissait du même type d’activités. Nous utilisons l’expression « éducation à la petite enfance » pour désigner à la fois les fonctions des garderies et celles du jardin d’enfants. Plusieurs projets du secteur privé que nous avons visités pourraient être définis comme des centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. Ils pourraient constituer une base importante pour accroître la participation du secteur privé. Ce secteur pourrait collaborer avec les entreprises à la création et à l’exploitation de centres d’éducation à la petite enfance en milieu de travail.

L’ONTARIO ET SES COLLECTIVITÉS PEUVENT ET DOIVENT MIEUX UTILISER LEURS RESSOURCES ET LEURS INSTALLATIONS, SURTOUT LES ÉCOLES, POUR L’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE Les groupes communautaires ont émis un ensemble de messages assez cohérents, mettant l’accent sur l’importance d’utiliser les ressources et les installations qui existent dans les collectivités (les locaux des écoles, par exemple) pour les mettre au service des jeunes enfants et de leurs parents. Les contribuables ont déjà assumé le coût de ces installations. Celles-ci devraient être utilisées à bon escient pour le bénéfice de la collectivité. L’instauration de programmes d’éducation à la petite enfance dans des locaux scolaires est une suggestion que nous avons souvent entendue. Elle faciliterait le passage à l’école pour les enfants. Elle encouragerait la collaboration entre les enseignants et les éducateurs qui offrent des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. D’aucuns estiment que cela encouragerait la continuation de l’engagement des parents dans les écoles. Le financement et l’exploitation d’installations scolaires pour les programmes d’enseignement ne devraient pas être définis de façon si étroite qu’ils excluent l’utilisation de locaux scolaires à des fins autres que l’enseignement en classe. Il existe des programmes de garde d’enfants qui peuvent constituer le fondement de centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, mais ils risquent d’être exclus des locaux des écoles, faute de pouvoir payer les loyers au taux du marché, exigés en vertu de la nouvelle formule de financement des écoles. Ce serait une erreur de perdre cette ressource. Le fait d’utiliser les locaux d’une ressource publique existante peut faire une énorme différence dans le financement d’un programme. Les centres d’alphabétisation pour la famille et le rôle parental exploités dans 34 écoles torontoises et financés par le conseil scolaire touchent plus de 7 000 familles au coût de 1,1 million de dollars grâce à leurs programmes d’éducation à la petite enfance. Cela correspond à un maximum de 140 dollars par famille par année, ce qui est très

Étude sur la petite enfance 129

avantageux pour les contribuables. Voilà qui constitue un aspect très rentable d’une activité par ailleurs compatible avec les notions d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. Maintenant que la province a la responsabilité financière de l’éducation, elle peut s’assurer que les écoles de l’Ontario sont mises à la disposition des programmes d’éducation à la petite enfance. Les personnes engagées dans les actions communautaires ont souvent dit avoir à s’occuper d’abord des besoins fondamentaux des familles. Une famille qui n’a pas d’endroit où vivre ne pourra pas offrir un milieu familial sain à ses enfants. Ce message a été souligné par les organismes provinciaux de services à l’enfance, selon lesquels les organismes membres voient de plus en plus d’enfants qui ont faim, d’enfants confiés aux sociétés d’aide à l’enfance parce que leur famille est sans abri, de familles stressées et de mères vivant avec leurs enfants dans des refuges pour les victimes de violence familiale. La réduction des prestations d’aide sociale opérée en 1995 a probablement accru le nombre d’enfants vivant sous le seuil de faible revenu. Certaines familles et certains enfants qui fréquentent les centres n’ont pas d’endroit où vivre car ils n’ont pas de quoi payer un loyer et il y a des listes d’attente pour le logement social. Nous ne sommes pas en mesure de juger de l’ampleur des besoins dans ce secteur, mais ces problèmes contribuent clairement aux difficultés éprouvées par les familles qui se situent tout en bas de l’échelle socio-économique. C’est difficile d’être un bon parent si l’on ne vit pas dans un logement décent.

UNE APPROCHE COHÉRENTE ET GLOBALE DES PROGRAMMES D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE ET DE FORMATION AU RÔLE PARENTAL À L’ÉCHELON PROVINCIAL EST ESSENTIELLE POUR SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT DES CENTRES AU NIVEAU LOCAL Bon nombre de collectivités attendent des signes montrant que le gouvernement provincial reconnaît l’importance de la petite enfance et entend prendre le leadership pour s’assurer que toutes les collectivités de l’Ontario donnent à leurs enfants le meilleur départ possible dans la vie. Des leaders communautaires sont disposés à relever le défi si la province énonce une vision et un plan d’action pour accroître le soutien public et privé en faveur de l’éducation à la petite enfance et de la formation au rôle parental. Les instances communautaires ont incité le gouvernement provincial à poursuivre ses efforts en vue d’éliminer les barrières qui se dressent entre les réseaux de services. On constate une collaboration entre les services dans certaines collectivités, mais cela repose entièrement sur la bonne volonté des personnes en place. La confiance mutuelle est un facteur important. Le gouvernement devrait veiller à ce que les programmes soient exploités au sein des communautés afin d’améliorer la confiance entre les intéressés. Dans certaines collectivités, tous les intervenants unissent leurs efforts et leurs ressources, alors que dans d’autres, il faut surmonter les obstacles qui séparent les organismes et les secteurs ou réseaux (éducation, santé, services sociaux). Mais même les meilleurs efforts de concertation se heurtent aux problèmes systémiques que la collectivité à elle seule ne peut résoudre.

130 Étude sur la petite enfance

Les gens auxquels nous avons parlé dans les collectivités nous ont mentionné à diverses reprises les difficultés qu’ils éprouvent à se plier aux différentes exigences des programmes ou réseaux afin d’offrir des programmes intégrés aux enfants et aux familles. Certains en sont arrivés à fonctionner « en marge », préférant faire ce qu’ils ont à faire et se demander plus tard quelles règles ils ont transgressées et où ils trouveront une autre source ou une autre catégorie de financement. Plusieurs groupes ont insisté sur le besoin d’un financement stable et de la meilleure utilisation des ressources en ce qui concerne les programmes du gouvernement de l’Ontario.

LES RESTRICTIONS BUDGÉTAIRES ONT SUSCITÉ LES INQUIÉTUDES SUIVANTES :

♦ De nombreuses écoles de quartier seront fermées, privant certaines collectivités de points d’appui importants pour le développement des jeunes enfants.

♦ Les garderies installées dans les écoles devront fermer, les parents ne pouvant payer les coûts d’un loyer, en vertu de la nouvelle formule de financement de l’éducation.

♦ Le transfert de responsabilités du gouvernement provincial aux municipalités risque d’entraîner l’érosion graduelle de certains programmes, comme les centres de ressources familiales, le maintien du financement n’étant pas garanti.

♦ Certains conseils scolaires choisiront peut-être de fermer leur programme de maternelle (4 ans) en raison des limites imposées par la formule de financement, entraînant la disparition d’une ressource qui aurait pu appuyer les programmes d’éducation à la petite enfance.

Les décisions du gouvernement relativement aux projets susceptibles d’influencer le développement et le fonctionnement de programmes d’éducation à la petite enfance devraient éviter, dans la mesure du possible, de nuire à la possibilité d’édifier des centres d’éducation à la petite enfance au sein des communautés.

LES ARTS, LA MUSIQUE ET LES LOISIRS NE DOIVENT PAS ÊTRE OUBLIÉS COMME FACTEURS DE DÉVELOPPEMENT DES JEUNES ENFANTS Certains intervenants nous ont parlé des obstacles qui empêchent certains enfants de participer aux programmes d’arts et de loisirs. Trop souvent, ces programmes exigent des frais d’inscription et des frais de matériels que les parents à faible revenu, et même les familles à revenu moyen, ne peuvent payer. La musique, la danse, les arts plastiques et l’art dramatique ainsi que l’athlétisme ne sont pas des luxes. L’activité physique (par la danse, les jeux de rôles et autres) aide à stimuler le développement du cerveau pendant les premières années grâce aux multiples voies sensorielles mises en jeu. Les arts et les sports peuvent également aider les enfants à s’entendre les uns avec les autres, à développer leurs habiletés motrices et leur coordination, contribuant par là au câblage et au modelage du cerveau, et à accroître leur confiance en leur capacité d’acquérir de nouvelles compétences.

Étude sur la petite enfance 131

Les études sur les avantages des programmes artistiques et récréatifs dans les quartiers à faible revenu en Ontario ont démontré que la collectivité dans son ensemble en bénéficie (par la réduction du vandalisme et d’autres méfaits) lorsque les enfants participent à des activités saines qui contribuent à leur développement. Les enfants qui ont la possibilité de développer leurs talents dès le plus jeune âge sont plus aptes à participer aux programmes artistiques et récréatifs de l’école et de la collectivité. Ce sujet a suscité beaucoup d’intérêt chez des parents d’origines très diverses lors d’une réunion tenue à Toronto.

« Les enfants qui vivent dans un espace confiné ont besoin de plus de soutien, de plus d’endroits où aller dans la collectivité. Ils n’ont pas de grandes cours où jouer. Lorsqu’on habite un petit appartement, il faut sortir plus souvent, mais ou se rendre? »

« C’est vrai. Combien de temps peut-on rester sur un terrain de jeu ou au parc avec son enfant en plein mois de février? »

« Pourquoi les écoles ne sont-elles pas ouvertes après la classe? Pourquoi ce va-et-vient entre le centre communautaire et l’école? Pourquoi ne pas avoir un système unique pour les enfants? Après tout, autant profiter d’installations déjà payées. »

« Qu’en est-il de ces activités qui sont censées développer le cerveau, comme la musique et les arts? Les écoles vont-elles continuer à les offrir? Je n’ai pas les moyens d’envoyer mes enfants à des programmes privés. »

« Si notre école est fermée, il n’y aura plus de communauté. »

« La tendance au gouvernement est de se décharger de toute responsabilité. Pourtant, le rôle du gouvernement est d’être un leader de la collectivité. Le secteur privé ne reprendra pas le flambeau. Les parents, quel que soit leur niveau de revenu, doivent se rendre compte qu’ils méritent mieux. De nos jours, c’est tant pis pour ceux qui n’ont pas assez d’argent pour inscrire leur enfant à un programme privé. »

« Tous les enfants méritent la même qualité, les mêmes chances. »

LA POLICE COMMUNAUTAIRE EST UN EXEMPLE DE COLLABORATION ENTRE LES ORGANISMES PROVINCIAUX ET COMMUNAUTAIRES ET LES PROGRAMMES D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE

132 Étude sur la petite enfance

La police communautaire est une approche de la prestation de services de police qui reconnaît que la prévention du crime, la sécurité publique et le maintien de l’ordre relèvent de la collectivité tout autant que de la police. En Ontario, la police communautaire embrasse une large gamme d’activités fondées sur des partenariats police-collectivités. Lors des visites à domicile, les policiers rencontrent beaucoup d’enfants ou de familles qui sont en difficulté ou en situation de crise. En cas d’arrestation et lorsqu’il existe une marche à suivre officielle, la police communique avec les organismes de soutien social comme les sociétés d’aide à l’enfance. Mais dans bien des cas, l’orientation vers un centre d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental présenterait d’énormes

avantages pour tous. Dans nos discussions, ceux qui connaissent au moins partiellement la scène provinciale ne s’étonnaient pas des mauvais résultats obtenus aux tests de troisième année par les enfants de certaines collectivités. En effet, il s’agit de régions en difficulté, avec les répercussions que l’on sait sur les familles et les jeunes enfants. Dans la région de Niagara, un programme de prévention novateur se poursuit grâce à un partenariat entre le service de police régional et le service de la santé publique. Des représentants des deux secteurs collaborent à des programmes pour prévenir les blessures infligées aux enfants dans les accidents de la route. Le comité de police communautaire de Mississippi Mills, en collaboration avec la Police provinciale de l’Ontario (détachement de Perth) a monté un spectacle de marionnettes intitulé Kids Like Us qui fait la tournée des écoles de l’endroit. Le premier thème abordé est celui des enfants qui tyrannisent leurs camarades, et il y en aura sans doute d’autres. Le financement provient de l’Association de la Police provinciale de l’Ontario, de Centraide et de la mairie de Mississippi Mills. La police régionale de Peel a lancé un processus dynamique qui répond aux besoins des jeunes enfants qui vivent dans un milieu familial potentiellement nuisible. Les forces policières sont souvent les premières et les seules à intervenir dans le milieu familial d’enfants en bas âge qui éprouvent des difficultés. La police régionale de Peel a souvent affaire à des enfants qui vivent dans un milieu « à risque » mais qui n’ont pas besoin de protection immédiate. La police a commencé à aviser la Société d’aide à l’enfance de manière informelle de tous les cas de ce genre et a l’intention de mettre sur pied un système de signalement obligatoire. Ainsi, le groupe local de la Société d’aide à l’enfance sera avisé en cas de problème potentiel et pourra intervenir ou offrir à la famille le soutien nécessaire. S’il existait des centres bien établis d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, la police aurait une ressource communautaire vers laquelle orienter les parents dans le besoin au lieu de les référer à la Société d’aide à l’enfance. Les services de police de Hamilton, de Guelph et de Toronto ont tous mis sur pied des groupes qui collaborent avec les collectivités pour favoriser le développement des jeunes enfants. Il existe plusieurs exemples de services de police communautaire qui aident les collectivités à créer davantage de ressources pour l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental. Le réseau d’information communautaire qu’ils proposent pourrait répondre à certains des besoins des collectivités ontariennes en matière de partage de l’information et d’échange de leur expertise. La participation des services de police à ces actions aide à renforcer la cohésion de la collectivité et permet d’utiliser une ressource provinciale et communautaire de façon constructive.

CERTAINS MODÈLES QUI EXISTENT DANS LES COLLECTIVITÉS PEUVENT SERVIR D’EXEMPLES, DANS LE RESPECT DES ACTIONS LOCALES ET DE LA PLURALITÉ COMMUNAUTAIRE Chaque fois que c’est possible, les éléments qui font le succès d’un programme dans une communauté devraient être reproduits à l’échelle de la province, tout en prenant garde à ne pas imposer de solutions uniformes. Les collectivités présentent une grande diversité culturelle, ethnique

Étude sur la petite enfance 133

et linguistique. Il existe des différences entre les régions rurales et les régions urbaines. La sensibilité à la collectivité est particulièrement importante chez les autochtones, comme nous l’avons entendu dans plusieurs de nos réunions. Les autochtones veulent que leurs enfants soient élevés selon les valeurs et dans les langues des Premières nations. La préservation linguistique et culturelle des francophones, qui détiennent des droits historiques au Canada, doit également être assurée. Conscients de l’importance de la petite enfance et de la nécessité d’encourager les compétences langagières dès le plus jeune âge, les conseils scolaires francophones de l’Ontario ont donné l’exemple en offrant des programmes de maternelle à temps plein pour les enfants de 4 ans. Malgré cette diversité, la réplication des facteurs de succès a déjà eu lieu dans certains cas. En voici deux exemples :

♦ Le projet Kids Count de London est imité dans quatre autres villes (Windsor, Acton, Burlington et Caledonia). Créé en 1994, ce projet représente l’aboutissement d’une étude du conseil scolaire de London sur les facteurs qui entravent la réussite scolaire des enfants. Des groupes de voisinage réunissent parents, éducateurs, enfants et autres membres de la collectivité. Des partenariats se sont peu à peu édifiés pour que tout le monde participe à cet effort. Les programmes comprennent des projets de petits déjeuners à l’école, des groupes de soutien aux parents, des projets d’alphabétisation familiale et d’autres activités communautaires.

♦ Mis au point par les centres d’éducation parentale et familiale du centre-ville de Toronto, Roots of Empathy sera imité à l’échelle nationale et internationale (et, espérons-le, provinciale!). Il s’agit d’amener à l’école primaire une fois par mois les enfants en bas âge et leur mère (participant au programme de formation au rôle parental) afin que les enfants puissent se familiariser avec le développement et les besoins d’un bébé, tout cela en vue de préparer la prochaine génération à assumer ses responsabilités parentales.

Le réseau d’échange d’informations proposé dans la section précédente pourrait aider les collectivités à former ce qu’on pourrait considérer comme un programme communautaire d’éducation permanente pour mettre sur pied de tels centres.

IL FAUT DONNER DU POUVOIR ET DU SOUTIEN AU LEADERSHIP COMMUNAUTAIRE Les leaders dynamiques, les gens que l’on pourrait appeler des « entrepreneurs sociaux » s’attaquent aux problèmes sociaux en réunissant les gens et les ressources nécessaires pour mettre en œuvre une vision commune et créer des solutions viables pour leur collectivité. Le leadership communautaire provient de sources différentes d’une collectivité à l’autre. Dans certains cas, le maire et le conseil municipal manifestaient de l’intérêt et offraient leur soutien alors que dans d’autres cas, l’administration locale était indifférente, voire hostile. Il en va de même pour les écoles et les conseils scolaires. Certaines écoles, comme Sunset Park à North Bay, constituent le point de mire de la collaboration communautaire sur les projets concernant les enfants. Certains directeurs et directrices d’écoles s’adressent à la collectivité pour demander un soutien en faveur d’un programme

134 Étude sur la petite enfance

d’éducation à la petite enfance, alors que d’autres refusent de jouer un rôle à l’extérieur de l’enceinte de l’école. Certains administrateurs d’hôpitaux montrent leur intérêt et leur volonté d’aider. À titre d’exemple, le centre de santé des femmes St. Joseph de Toronto accueille dans ses locaux le projet Parkdale Parents Primary Prevention Project, qui fonctionne sous les auspices du PACE et offre des services de nutrition et de soutien prénatals, un service d’accueil pour les parents, des services de répit, des programmes de formation, la stimulation des enfants en bas âge et plusieurs autres services de soutien pour les mères, les nouveau-nés et les jeunes enfants du quartier. Le nouveau centre hospitalier de Sudbury travaille de concert avec les autorités de santé publique et le gouvernement pour créer des ressources d’éducation à la petite enfance plus solides dans la collectivité. Il faut trouver une façon de donner davantage de pouvoir et de soutien au leadership communautaire pour permettre aux bonnes idées de proliférer. Au lieu de désigner un chef communautaire en matière d’éducation à la petite enfance qui devra être le même partout, il vaut mieux offrir des encouragements à ceux qui ont les compétences et l’intérêt nécessaires pour prendre la tête du projet. On reconnaît que ces leaders sont des entrepreneurs sociaux. Un nouvel établissement d’enseignement à Londres, la School for Social Entrepreneurs, a fait la description suivante de l’entrepreneuriat social :

« Les entrepreneurs sociaux accomplissent exactement les mêmes choses [que les entrepreneurs commerciaux]. Ils repèrent des lacunes dans le tissu social et jouent le rôle d’intermédiaires entre le capital et la main d’œuvre afin de créer de nouvelles institutions sociales et de nouveaux instruments permettant de combler ces lacunes. Ils peuvent montrer le même esprit d’entreprise et la même imagination que les meilleurs entrepreneurs du monde des affaires, mais dans leur cas, c’est toute la société qu’il s’agit d’enrichir; ils veulent jeter un pont au-dessus du fossé qui sépare les puissants des faibles et créer un capital de possibilités ».140

Le gouvernement devrait réfléchir à la création d’un fonds de soutien à l’entrepreneuriat social. Ce type de leadership, pensons-nous, est essentiel au développement communautaire.

LE SECTEUR PRIVÉ PEUT ET DOIT PRODIGUER UN LEADERSHIP ET UN SOUTIEN FINANCIER POUR L’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE ET LA FORMATION AU RÔLE PARENTAL DANS LE LIEU DE TRAVAIL ET AILLEURS DANS LA COLLECTIVITÉ Petit à petit, le secteur public, qui compte parmi ses employés des parents dont des femmes avec des enfants en bas âge, prend conscience du besoin de soutenir la mise sur pied de centres d’éducation à la petite enfance (par exemple, la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail à Toronto et le quartier général de la Police provinciale de l’Ontario à Orillia). Il existe moins d’exemples dans le secteur privé.140 Il faudra peut-être concevoir des mesures incitatives pour encourager les entreprises privées à soutenir des programmes sur le lieu de travail ou au sein de la collectivité, ou les deux.

Étude sur la petite enfance 135

Une tribune organisée en 1997 par l’Industry Education Council de Hamilton-Wentworth a suscité un vif intérêt et a donné le jour à Connections for Kids, un réseau coopératif de citoyens, d’entreprises privées et d’organismes publics. Employeurs et syndicats peuvent convenir de soutenir des projets d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, notamment les centres soutenus par l’employeur sur le lieu de travail, des politiques de ressources humaines qui tiennent compte de la vie familiale et une amélioration des prestations de congé de maternité et de congé parental. Windsor compte quelques exemples de participation du monde des affaires. Les trois grands fabricants automobiles (General Motors, Ford et Chrysler) ont financé le démarrage d’un programme de garderie et de ressources parentales pour les employés et continuent d’appuyer le centre, qui dessert 135 familles. Le support pour ce programme a été négocié par les Travailleurs canadiens de l’automobile. Le manque de temps pour la vie familiale est un phénomène bien connu. Les employeurs larges d’esprit offrent un congé pour obligations familiales aux parents qui doivent prendre soin d’enfants malades ou s’occuper d’autres problèmes familiaux. Ainsi, quand les employés sont au travail, ils ne sont pas distraits par leurs difficultés familiales. On pourrait en faire bien plus dans les lieux de travail pour soutenir la formation au rôle de parent. Il existe des modèles d’employeurs respectueux de la vie familiale et d’entreprises qui comprennent l’importance du développement des jeunes enfants, pas seulement pour leurs employés : en effet, ils comprennent aussi que des politiques qui tiennent compte de la vie familiale renforcent la loyauté des employés et améliorent leur productivité. Les leaders du monde des affaires qui comprennent l’importance du développement des jeunes enfants doivent être invités à user de leur influence dans leur milieu afin de passer le message. C’est ce qu’ont récemment affirmé des articles dans le magazine Fortune et dans le quotidien The New York Times.142, 143

Les dirigeants de centres privés de garde d’enfants qui offrent des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental de très grande qualité pourraient aider à mettre des projets sur pied en collaboration avec le monde des affaires dans la province. Cela pourrait devenir une initiative intéressante du secteur privé qui l’amènerait à mieux comprendre l’importance de la formation au rôle de parent et de l’éducation à la petite enfance. Le gouvernement ne peut-il pas créer des encouragements à la concertation entre ces groupes?

LES MESURES CIBLÉES POUR LES ENFANTS ET LES FAMILLES À RISQUE OU EN DIFFICULTÉ SONT NÉCESSAIRES, MAIS ELLES FONCTIONNENT MIEUX LORSQU’ELLES S’INSÈRENT DANS LE CADRE D’UN SYSTÈME OUVERT À TOUS Les parents sont très sensibles aux étiquettes de mauvais parent ou de famille à risque qui pourraient leur être apposées. Dans une région rurale, nous avons entendu un commentaire sur un parent qui préférerait voir arriver chez lui les services d’extermination que les services sociaux. Ceux qui offrent ces services marchent sur des œufs. En effet, il y a d’un côté le risque de stigmatiser et d’humilier les parents en les sélectionnant pour recevoir un service, et de l’autre côté,

136 Étude sur la petite enfance

celui d’exclure les familles qui en ont le plus besoin avec un service offert à tous mais qui ne tient pas compte des entraves à la participation des familles défavorisées (des frais à payer, aussi modiques soient-ils, le besoin d’équiper ou de chausser l’enfant pour une activité particulière, les moyens de transport à fournir). Les programmes de loisirs relèvent malheureusement de cette dernière catégorie : ils sont offerts à tous, mais peu d’enfants défavorisés peuvent y participer. Beaucoup des actions que nous avons visitées étaient offertes dans des quartiers défavorisés ou à risque élevé. Ces familles ont besoin de l’aide et du soutien qu’elles reçoivent, mais il y a d’autres familles dans d’autres quartiers qui ne bénéficient pas du programme Partir d’un bon pas ou du Programme d’action communautaire pour les enfants (PACE) parce qu’elles ne se trouvent pas sur le bon territoire. Certaines des mères isolées et déprimées dont nous avons entendu parler habitent dans des quartiers de classe moyenne. La solution n’est pas facile à trouver. Mais il semble approprié de créer des programmes offerts aux familles dans toutes les couches de la société, sans risque d’étiquetage ni de discrimination.

LES PARENTS DE TOUS LES HORIZONS SOCIO-ÉCONOMIQUES PEUVENT PROFITER DE CONSEILS ET DE SOUTIENS POUR AMÉLIORER LEURS COMPÉTENCES PARENTALES Les récits suivants ont été recueillis lors d’une réunion de parents de jeunes enfants à Toronto. Leurs antécédents, revenus, expériences et cultures étaient très diversifiés.

« Pour moi, la période traumatique a été la première année de mon enfant. Je n’avais aucune compétence parentale. Je ne pouvais demander l’aide de personne. On veut faire ce qu’il y a de mieux pour son enfant, mais sans savoir ce que c’est. Souvent, tout ce qu’on sait, c’est comment on a été soi-même élevé. On se sent complètement isolé. Mon mari s’en allait travailler et je fondais en larmes. »

« Je reste à la maison pour élever mon enfant, mais je ne sais pas pour combien de temps encore je pourrai me payer cela. Qu’est-ce que je ferai alors? »

« Le pire, c’est que les gens ne se rendent pas compte que s’occuper d’un enfant, c’est travailler. On n’a aucune déduction fiscale, aucun respect. »

« Je suis très contente que le centre de formation au rôle de parent existe. Nous avons commencé à le fréquenter l’an dernier. Mon fils a fait des progrès. Il connaît l’alphabet. Je suis toujours à ses côtés. Il y a du matériel pour apprendre, des jouets pour jouer. À la maison, il s’ennuie. Ici, il fait la connaissance d’autres enfants. Il a deux ans et demi. »

LES PROJETS D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE ET DE FORMATION AU RÔLE PARENTAL DOIVENT INCLURE TOUS LES ENFANTS, Y COMPRIS CEUX QUI ONT DES DIFFICULTÉS PARTICULIÈRES Plus de 2 600 enfants de zéro à cinq ans ont été placés sous la tutelle de la province. La plupart vivent dans des foyers d’accueil. Ils sont souvent coupés de leur collectivité, de leur quartier, de leur milieu familial. Ces enfants se retrouvent souvent en marge des programmes d’éducation à la petite

Étude sur la petite enfance 137

enfance, et pourtant, ils ont clairement besoin d’y participer. L’Ontario prend certaines mesures pour abréger la période où le sort de ces enfants est en attente mais il faut faire plus pour s’assurer qu’ils peuvent tous participer aux programmes d’éducation à la petite enfance. Il restera toujours un certain nombre d’enfants souffrant d’un handicap physique ou mental diagnostiqué à la naissance ou peu après. Ces enfants peuvent bénéficier d’une participation aux projets d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. En effet, cela pourrait faire une grande différence dans le niveau de compétences qu’ils pourraient atteindre, malgré leur handicap permanent.

LES RESSOURCES À LA PETITE ENFANCE NE DOIVENT PAS ÊTRE AUGMENTÉES AU DÉTRIMENT DES SERVICES OFFERTS AUX ENFANTS PLUS ÂGÉS OU AUX ADOLESCENTS POUR SURMONTER DES HANDICAPS OU D’AUTRES DIFFICULTÉS Certains craignent que le gouvernement se contente de prendre dans une poche pour mettre dans l’autre. Dans une période de compressions budgétaires, alors que les ressources sont réaffectées d’un organisme à l’autre, on s’inquiète de savoir d’où proviendra l’argent que le gouvernement envisage de dépenser pour accroître son investissement dans la petite enfance. Les auteurs de la présente étude ne sont pas en mesure de décider de la manière dont les fonds doivent être distribués. Toutefois, ils sont d’avis qu’il faut éviter de supprimer les services qui aident les enfants et les jeunes à prendre un nouveau départ et à surmonter un handicap ou un désavantage découlant d’un mauvais départ durant la petite enfance. Si l’on arrive à améliorer le développement des jeunes enfants, les fonds consacrés aux enfants plus âgés pourront peut-être diminuer peu à peu. Toutefois, cette réduction des besoins ne se fera pas d’un jour à l’autre. Il existe d’autres secteurs où le gouvernement peut choisir d’aller puiser ses ressources.

IL FAUT AMÉLIORER LE PARTAGE D’INFORMATION ET LA SENSIBILISATION DU PUBLIC À L’ÉGARD DE L’IMPORTANCE DE LA PETITE ENFANCE Les gens de toutes les origines sont assoiffés de renseignements sur la formation au rôle de parent et l’éducation à la petite enfance. Nous avons constaté que plusieurs ignorent tout des nouvelles découvertes neuroscientifiques et de ce qu’elles signifient. Les éducateurs de la petite enfance qui travaillent en milieu de garde sont plus susceptibles de connaître ces nouveaux faits. Mais d’autres professionnels, parmi lesquels les enseignants et le personnel des soins médicaux, ne sont pas forcément au courant. Une enquête récemment menée auprès de professionnels intervenant auprès des enfants en bas âge a révélé que la plupart des groupes n’avaient acquis aucune connaissance sur le développement de l’enfant pendant leurs études.144 Les écoles semblent particulièrement ignorantes des liens qui existent entre le déroulement de la petite enfance, la capacité d’apprentissage au jardin d’enfants et le succès en huitième année et au-delà. Les connaissances relatives au développement humain doivent être intégrées aux programmes d’études postsecondaires, surtout dans les programmes professionnels qui influencent le développement de la petite enfance (éducation, médecine, puériculture, psychologie, soins infirmiers, etc.).

138 Étude sur la petite enfance

Par contre, nous avons été surpris et heureux d’entendre un parent nous parler du développement précoce du cerveau après en avoir été informé dans un centre de formation parentale en milieu scolaire. Ces programmes offrent de l’information en plusieurs langues pour éliminer l’obstacle linguistique. La transmission des nouvelles connaissances doit se faire d’une façon claire et acceptable, tant pour les experts que pour les groupes professionnels et le monde des affaires. Pour cela, il faut mettre en place une initiative bien planifiée qui incite la participation de tous les secteurs de la collectivité placés sous un leadership dynamique.

« Nous sommes une famille au sein de la grande famille de l’école de Parkdale. Nous parlons plusieurs langues, mais d’une seule voix. Nous sommes unis dans notre rêve que chaque enfant du centre et de l’école se développera au mieux de ses capacités et que tous les parents, grands-parents et enseignants se soutiendront mutuellement pour faire de ce rêve une réalité. L’école de Parkdale est une école de diversité. La diversité représente notre force. » ■ Parents et employés du centre d’éducation parentale et familiale de Parkdale

Leçons apprises

Les visites aux collectivités ont été fort instructives. Nous en avons tiré cinq grandes leçons :

1. Une vision et un engagement communs sont nécessaires pour mettre en place des mesures de développement de la petite enfance. Le leadership des membres de la communauté, dans le respect des besoins de la communauté, est souvent la base de bons programmes. Plus la compréhension des enjeux de la petite enfance sera répandue dans tous les secteurs (public et privé), meilleures seront les chances de mettre en place des programmes de qualité pour le développement de la petite enfance et la formation au rôle parental.

2. Le soutien de tous les paliers de gouvernement pour les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental doit être étroitement lié aux programmes communautaires. Cela exige de trouver le délicat équilibre entre les programmes gouvernementaux et les programmes non gouvernementaux.

3. À l’intérieur d’un cadre normatif provincial, les collectivités doivent disposer de la souplesse nécessaire pour concevoir des programmes adaptés aux divers besoins de leur région. Elles doivent également pouvoir apprendre les unes des autres.

4. Les programmes d’éducation à la petite enfance, qu’ils soient professionnels ou axés sur le service, comportent le risque d’étiqueter ou de stigmatiser certaines personnes. Ces programmes devraient être élaborés de façon à répondre aux besoins des enfants et des parents dans les centres de la petite enfance plutôt que de se placer en concurrence avec ces derniers.

5. Il faudra du temps pour établir des programmes d’éducation à la petite enfance visant l’amélioration des chances et des résultats des jeunes enfants, c’est pourquoi il faut commencer dès maintenant.

Étude sur la petite enfance 139

POUR CONCLURE : Il existe dans la plupart des collectivités rurales et urbaines des programmes mis en œuvre aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé qui pourraient servir de base pour créer un réseau plus vigoureux et plus polyvalent de centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental profitant à tous les enfants de l’Ontario

■ Les programmes gouvernementaux devraient être conçus, dans la mesure du possible, pour s’intégrer aux services d’inspiration communautaire au lieu de créer des obstacles au rapprochement et aux partenariats.

■ Les programmes d’éducation à la petite enfance qui semblent être dynamiques et vigoureux incorporent le plus d’éléments possibles des secteurs public, privé et municipal.

■ Les entrepreneurs sociaux sont une source essentielle de leadership dans les collectivités. Le gouvernement pourrait songer à créer un fonds pour appuyer les projets que les entrepreneurs sociaux veulent faire démarrer. Il est important d’élaborer de bonnes stratégies visant à soutenir les actions décidées à l’échelon local.

■ Divers endroits pourraient servir de centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, dont les locaux d’entreprises privées, les écoles et les domiciles privés, qui pourraient tous faire partie d’un même système rattaché à un point central. Quels que soient ces endroits, il faut qu’ils soient facilement accessibles aux parents.

■ Les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental doivent offrir des programmes de qualité favorisant l’épanouissement du jeune enfant et être réceptifs aux besoins suivants :

i. la diversité culturelle, ethnique, linguistique et communautaire;

ii. les enjeux complexes de la participation intergouvernementale;

iii. l’utilisation optimale des ressources actuelles; et

iv. l’établissement par le gouvernement de normes et d’indicateurs de résultats qui tiennent compte des caractéristiques locales.

■ Compte tenu de tous ces points, nous sommes d’avis qu’une approche progressive de l’établissement de centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental doit partir des actions existantes. Nous devons utiliser cette méthode pour établir peu à peu des centres accessibles aux enfants de tous les secteurs. En raison de l’importance de la petite enfance, la structure de développement des programmes et des mesures incitatives devrait inclure la participation des gouvernements et des secteurs public et privé au sein des communautés.

140 Étude sur la petite enfance

141 Étude sur la petite enfance

Chapitre 6 CONCEPTION D’UN PROGRAMME D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE ET DE FORMATION AU RÔLE PARENTAL Compte tenu des données que nous avons recueillies, que peut et doit faire une société pour s’assurer que tous les enfants aient des chances égales que leur cerveau se développe bien au cours de la période critique des premières années? Nous savons que la prestation de services d’éducation à la petite enfance de bonne qualité qui font participer les parents peut grandement améliorer la réussite des jeunes enfants. Le concept des centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental n’est ni original, ni particulièrement révolutionnaire, puisqu’il a été proposé plusieurs fois en Ontario au cours des deux dernières décennies.

Il y a plus de 20 ans, Bette Stephenson, ministre de l’Éducation au sein du gouvernement de William Davis, proposait de mettre sur pied de tels centres dans les écoles publiques.

Il y a près de 20 ans, le rapport de la Commission d’enquête sur l’éducation de la petite enfance recommandait que « la province de l’Ontario crée des Centres pour la famille et l’éducation des jeunes afin de servir d’instruments essentiels à l’éducation des enfants de la conception à l’âge de huit ans ».145

En 1985, le rapport du projet sur l’éducation primaire précoce du ministère de l’Éducation de l’Ontario proposait que « le ministre de l’Éducation et les conseils scolaires fassent des ajustements dans les politiques de fermeture et d’utilisation de l’espace pour faciliter la mise sur pied de services de soutien éducationnel aux familles et aux jeunes enfants dans les écoles de quartier ».146

En 1990, dans son rapport intitulé Les enfants d’abord, le comité consultatif des services à l’enfance recommandait que « le gouvernement de l’Ontario, en partenariat avec les parents, les prestataires de services et d’autres personnes en contact avec les enfants, élabore un plan d’action public afin de s’assurer que les enfants reçoivent ce qui leur est dû. Ce plan doit guider l’évolution de la loi, de la planification et de l’élaboration de politiques dans tous les ministères qui exercent une influence directe ou indirecte sur les soutiens et services offerts aux enfants ».147

En 1994, dans son rapport Nos enfants et nos jeunes d’aujourd’hui, le conseil du premier ministre de l’Ontario sur la santé, le bien-être et la justice sociale faisait la recommandation suivante : « Pour assurer un équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale donnant aux parents la souplesse dont ils ont besoin, surtout lorsque les enfants sont en bas âge, on devrait mettre en place des politiques favorisant la famille sur le lieu de travail.148

En 1994 encore, dans Pour l’amour d’apprendre, la Commission royale sur l’éducation a recommandé que « l’éducation de la petite enfance soit offerte par tous les conseils scolaires à tous les enfants de trois à cinq ans que les parents ou tutrices ou tuteurs désirent inscrire. L’éducation à la petite enfance remplacerait progressivement les programmes de maternelle (enfants de quatre ans) et de jardin d’enfants (enfants de cinq ans) et deviendrait ainsi une partie intégrante du système d’éducation publique ».149

Le mémoire du Caledon Institute of Social Policy intitulé Social Policy 2000 affirme à l’égard du développement des jeunes enfants que « même si c’était possible, il ne suffirait pas d’envoyer les enfants un

ou deux ans plus tôt à l’école pour répondre à leurs besoins en développement dès le plus jeune âge. Il faut que des centres permettent à de très jeunes enfants de tous les milieux de se retrouver… La notion de garderie est trompeuse. La première fonction de ces centres ne serait pas de permettre aux parents d’aller travailler, mais d’offrir une stimulation et une socialisation dont les enfants de parents riches ou qui restent à la maison peuvent bénéficier au même titre que les enfants de parents pauvres et de gens qui travaillent. Le centre idéal est un endroit où presque tous les enfants ont envie de se retrouver à un jeune âge, que les parents soutiennent et auxquels ils sont même prêts à consacrer du temps à titre bénévole. »150

Ce chapitre décrit le cadre de développement d’un programme d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental en Ontario. Ce cadre est axé sur les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental qui existent déjà dans plusieurs collectivités de l’Ontario. Le concept regroupe et élargit l’ensemble des programmes et services pour les enfants de zéro à six ans et leur famille. Au sein de ce cadre, il existe d’autres éléments pour soutenir le développement des jeunes enfants et les soins parentaux : l’amélioration des prestations de congé parental et de congé de maternité, des lieux de travail tenant compte de la vie familiale, des encouragements fiscaux, une évaluation intégrée et autonome des résultats scolaires et des réseaux d’information communautaires. Les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale pourraient exister un peu partout en Ontario, mais de façon à refléter au mieux les besoins et les priorités de chacune des collectivités. Nous abordons le sujet en décrivant une approche communautaire évolutive et un modèle existant de centre ontarien d’éducation à la petite enfance et de formation parentale axé sur la collectivité. Nous décrivons d’autres exemples au chapitre 5 et dans le document de travail résumant les visites d’enquête dans les collectivités. Notre concept de tels centres est fondé sur les programmes novateurs que nous avons observés dans les collectivités et sur les actions de la Banque mondiale dans les pays en voie de développement et de la Banque interaméricaine de développement dans les pays d’Amérique latine. Ce concept assure un soutien optimal pour l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental lors de la période la plus critique du développement du cerveau, soit de la conception à la première année d’études scolaires. Nous nous intéressons autant aux parents qu’aux enfants. Dans ce chapitre, nous décrivons les éléments de notre concept d’un cadre idéal.

Aperçu du chapitre 1. Les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental : principes directeurs,

structure, efforts supplémentaires requis, programme d’études, emplacement et personnel.

2. Concilier vision et mise en œuvre, et quelques problèmes envisagés.

3. D’autres éléments du système visant à améliorer l’éducation à la petite enfance.

UNE APPROCHE ÉVOLUTIVE FONDÉE SUR LA COLLECTIVITÉ Pour veiller à ce que toutes les familles de l’Ontario aient accès à un programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale, on pourrait mettre sur pied un nouveau système public, créé, financé et exploité en tant que programme du gouvernement provincial. Nous avons rejeté cette

142 Étude sur la petite enfance

option en faveur d’une approche plus évolutive et communautaire, parce que nous sommes convaincus des points suivants :

♦ Il est important pour les premières années de l’enfant que les collectivités et les familles prennent les décisions qui leur conviennent. Les collectivités de l’Ontario affichent une variété de caractéristiques culturelles, linguistiques, géographiques et autres. Les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale doivent être sensibles à la diversité des collectivités et des familles. Les emplacements et les structures de programmes varieront selon la collectivité. L’élaboration d’une gamme de centres pouvant offrir différents choix ne peut pas suivre un modèle centralisé, technique et bureaucratique.

♦ Les parents doivent avoir le choix. Il faut offrir un éventail d’options pour les parents et leurs jeunes enfants, et non un programme unique et universel. Nous avons tous une vision très personnelle de la façon d’élever un enfant, et ceux qui décident de ne participer à aucun programme doivent avoir la liberté de leur choix.

♦ Un programme créé par les instances supérieures et imposé aux collectivités au lieu d’être nourri par l’initiative et le soutien de celles-ci sera moins sensible aux besoins des familles et aux caractéristiques de la collectivité. Il aura également moins tendance à encourager le leadership ainsi que le soutien, la participation et la compréhension communautaires qui sont nécessaires pour que l’action prenne racine et prospère.

♦ Les collectivités doivent être encouragées à échanger entre elles et à profiter de ce qui fonctionne déjà. Dans plusieurs d’entre elles, des actions publiques et privées ont été mises sur pied pour favoriser l’épanouissement des jeunes enfants et une éducation et un soutien de qualité pour les parents; celles-ci peuvent servir de base à de nouveaux développements.

♦ Les secteurs public et privé doivent comprendre la nécessité d’un meilleur programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale pour les familles de l’Ontario, et s’engager à y investir à l’échelle locale afin de constituer pour le siècle une population hautement compétente et en bonne santé. La mobilisation communautaire au nom de la prochaine génération peut aider à édifier ce que l’on appelle souvent le capital social ou la cohésion sociale, soit tout ce qui renforce le tissu de la collectivité et notre aptitude en tant que société à relever les défis présentés par les changements socio-économiques.151 Le capital social est souvent présenté comme un facteur clé dans la croissance économique à long terme et la perpétuation de sociétés démocratiques et tolérantes.

Les nombreuses initiatives (les garderies, les écoles maternelles indépendantes et agréées (nursery schools), les services de garde coopératifs, les programmes de ressources familiales, les programmes de ressources pour la garde d’enfants, les centres de formation au rôle parental et d’alphabétisation familiale, les services de visite à domicile, les jardins d’enfants, les programmes de soutien prénatals et postnatals, ainsi que les programmes de prévention et d’intervention précoce) qui fonctionnent maintenant dans les collectivités sous forme d’entités distinctes, constituent le fondement sur lequel les collectivités peuvent s’appuyer pour créer un réseau plus cohérent de centres sensibles aux besoins de toutes les couches de la société.

Étude sur la petite enfance 143

Nous tenons à signaler que la garde d’enfants ne consiste pas seulement pour nous en des services de gardiennage où les enfants sont tout simplement nourris et surveillés. Nous avons à l’esprit des centres où les jeunes enfants participent à des activités (résolution ludique de problèmes) pour favoriser leur apprentissage et leur développement. Lorsque nous parlons d’intégrer les jardins d’enfants aux centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, nous ne parlons pas d’envoyer les enfants à l’école à un plus jeune âge. Les programmes d’éducation à la petite enfance ne doivent pas être obligatoires. Ils doivent toutefois être accessibles aux enfants et aux familles de toutes les couches de la société. Les actions pour l’éducation à la petite enfance dans les collectivités doivent s’efforcer d’être accessibles à tous les enfants, y compris ceux qui ont des difficultés sur le plan de l’apprentissage, du langage, du comportement, des capacités physiques ou du développement. Les programmes doivent comprendre l’identification précoce des problèmes et pouvoir adapter le contexte des services aux besoins de chaque enfant. Cela exigera une expertise, des ressources spécialisées et des liens solides avec les services spécialisés et le système de soins de santé. Ces initiatives ne peuvent pas être considérées comme un programme obligatoire et universel imposé par le gouvernement. Nous proposons que les collectivités s’appuient sur les ressources existantes pour créer un éventail de solutions compatibles avec le cadre d’un programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale fondé sur les ressources publiques, privées et locales. Le rôle des divers paliers de gouvernement, du secteur privé et des collectivités est de faire en sorte que les centres soient accessibles dans toutes les couches de la société. Dans cette optique, paraphrasons ce que préconise le rapport Bruntland sur l’environnement : penser à l’échelle provinciale, agir à l’échelon local. Nous demandons la création d’un programme de premier palier qui profitera des meilleures connaissances disponibles sur le développement du cerveau et des jeunes enfants afin de favoriser leur plein épanouissement : leur capacité à apprendre à l’école, leur aptitude à s’entendre avec les gens et à surmonter les obstacles, leurs chances de rester en bonne santé et leur aptitude à devenir des membres actifs de la société et de l’économie. La création de ce nouveau palier exigera le déploiement de ressources plus importantes de la part des secteurs privé et public pour mettre sur pied des centres de grande qualité pour toutes les familles de l’Ontario. Nous voulons offrir des incitatifs au secteur privé (qui emploie de plus en plus de femmes ayant de jeunes enfants) pour qu’il fournisse une partie des ressources. Toutefois, si celui-ci ne manifeste aucun intérêt, il faudra engager des ressources publiques plus importantes pour veiller à ce que les centres reçoivent le financement nécessaire. Dans certaines régions, la mise sur pied devra être financée entièrement par le gouvernement. Nous décrivons ici un modèle de programme communautaire d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental en Ontario.

144 Étude sur la petite enfance

PROGRAMME D’APPROCHE COMMUNAUTAIRE KIDS ‘N US DU SUD-EST DU COMTÉ DE GREY

« Au cours des 13 dernières années, nous avons appris plusieurs leçons importantes. Nous avons appris que pour mettre sur pied des services communautaires qui répondent vraiment aux besoins d’une collectivité, il faut :

♦ en partant de son expérience familiale, définir où l’on veut arriver en tant que collectivité;

♦ remettre en question les modes classiques de prestation des services;

♦ apprendre à déployer toutes les ressources communautaires, y compris les politiques gouvernementales et le financement public; tâcher de trouver comment agencer toutes les pièces du casse-tête de manière à traiter les collectivités et les familles comme un ensemble intégré au lieu de les diviser en groupes ciblés et distincts. »

■ Carol Gott, fondatrice du programme d’approche communautaire du Sud-Est de Grey (SEGCO), dans Survive and Thrive, un guide sur le développement communautaire, 1998.152

Le Sud-Est du comté de Grey regroupe huit cantons, cinq villages et 25 000 résidents dispersés dans une assez grande région rurale du Sud-Ouest de l’Ontario. On n’y trouve que trois agglomérations dont la population dépasse 600 habitants (Markdale, Dundalk et Flesherton), et 80 % des résidents vivent dans des concessions rurales ou des hameaux. L’agriculture et le tourisme sont les principales ressources, et une grande partie de la population est constituée de travailleurs indépendants. De nombreux parents doivent parcourir de longues distances pour se rendre au travail. Les parents qui restent à la maison ont tendance à être isolés. Il faut environ une heure et demie de route pour se rendre d’un bout à l’autre de la région.

Depuis 13 ans, cette région est le site d’un programme communautaire innovateur pour les enfants et leur famille. Le programme d’approche communautaire du Sud-Est de Grey (SEGCO) Kids ‘N Us a été mis au point en 1985 par un groupe de résidents qui se sont organisés pour répondre aux besoins d’éducation à la petite enfance et de formation parentale en régions rurales. À partir de ces racines communautaires bénévoles, le SEGCO a évolué pour devenir un réseau global de soutien aux familles qui offre une bonne vingtaine de programmes. Il est devenu un modèle à suivre pour d’autres collectivités canadiennes.

Constitué en organisme sans but lucratif en 1986, le SEGCO a été fondé avec la participation et le soutien des Bruce Grey Children’s Services, de la société d’aide à l’enfance, du bureau de santé publique Grey Owen Sound, du conseil scolaire, d’organisations religieuses locales, du chapitre local du Women’s Institute, de médecins de la région et des gouvernements municipaux et provincial. Au fil des années, il a forgé de nombreux partenariats, attirant plusieurs sources de financement, dont les gouvernements fédéral et provincial.

Les valeurs fondamentales et les priorités de l’organisation se sont maintenues en dépit de l’évolution de ses programmes. Elles comprennent :

♦ l’accent mis sur les besoins des familles;

♦ l’accessibilité des programmes;

♦ l’élaboration d’une gamme complète de programmes de grande qualité;

Étude sur la petite enfance 145

♦ l’organisation d’un système cohérent et intégré de programmes d’éducation à la petite enfance et de

formation parentale;

♦ la promotion de la participation des membres de la collectivité et des organismes communautaires dans l’établissement du programme d’éducation à la petite enfance (dont les garderies) en tant que vaste mesure complète de soutien familial au service de la collectivité tout entière.

Sa philosophie se reflète dans les paroles de sa directrice et fondatrice Carol Gott, citées plus haut. L’organisation a pris de l’expansion, avant tout parce qu’elle répond aux besoins de sa collectivité.

Le SEGCO offre plus que le soutien aux parents et aux jeunes enfants. Il prévoit une variété de programmes pour les jeunes (y compris l’éducation à la vie de famille), un programme de cuisine et de jardin communautaires, un programme d’alimentation saine, des programmes de soutien à l’emploi et autres. Nous insistons ici sur les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale parce que ceux-ci témoignent bien de ce que peut faire une collectivité dotée d’une vision, d’un leadership dynamique, de partenariats solides et d’un engagement au soutien des familles et des enfants.

La façon dont le SEGCO approche les familles éparpillées est particulièrement intéressante. En 1992, il a établi un modèle de centre intégré pour la prestation des services. Il gère sept de ces centres dans le Sud-Est du comté de Grey.

Ce modèle fait en sorte que les services soient accessibles aux parents. Il existe un point d’accès à tous les programmes pour les familles d’une zone géographique donnée. La plupart des services sont offerts à tous les emplacements. Il existe aussi des services d’approche à partir des centres afin d’aider les familles qui ne peuvent se déplacer. Les centres peuvent adapter leurs services en fonction des besoins locaux.

Ce modèle permet également d’assurer l’intégration des services. Le personnel de chaque centre propose tous les programmes. Au lieu de diviser les options et le personnel selon les types de financement, et de demander aux parents de s’adapter à différentes catégories de financement, le SEGCO répartit les fonds entre les centres selon des critères géographiques. En combinant les différents types de financement, l’organisation est devenue plus économique et plus créative. Par contre, dans ses rapports, elle rend compte à ses bailleurs de fonds des récipiendaires des fonds en ré-allouant ceux-ci.

Les centres sont établis dans une variété d’emplacements : locaux scolaires, anciens commerces au centre-ville, installations résidentielles et de loisirs pour adultes handicapés, immeubles appartenant à l’organisme qui jouxtent une école, un parc ou un centre sportif. Les programmes d’approche sont également dispensés dans des écoles, des institutions religieuses ou autres.

Le SEGCO regroupe divers éléments. De nombreux programmes offrent une éducation et un soutien aux parents et aux autres prestataires de services de garde.

Par exemple :

♦ groupes de jeu communautaires pour les parents, les prestataires de soins et les jeunes enfants;

♦ numéro de téléphone offrant des renseignements et une orientation sur des sujets comme le développement des jeunes enfants, le choix des garderies ou les services de garde en milieu familial;

♦ soutien aux prestataires de services de garde en milieu familial;

146 Étude sur la petite enfance

♦ ludothèque mobile pour les familles;

♦ centres de documentation et ludothèques à la disposition des garderies, des prestataires de services de garde en milieu familial, des écoles maternelles indépendantes et agréées, des groupes de jeu et des écoles communautaires (plus de 50 boîtes axées sur des thèmes qui comprennent une unité d’enseignement avec jouets, jeux, matériaux divers et suggestions d’activités).

La gamme complète des services offerts par le SEGCO comprend des programmes de garde dans un centre avec possibilité de garde à plein temps, à mi-temps ou à l’heure. On peut aussi y laisser son enfant sans préavis.

Voici les autres programmes proposés :

♦ service offrant un répit pour les parents restant à la maison;

♦ service de garde supervisé en milieu familial (agréé), comprenant la surveillance vidéo des prestataires de service dans la maison des parents (méthode souvent employée par les parents qui travaillent par quarts ou ont des heures de travail irrégulières, et qui ne peuvent pas utiliser les services des garderies);

♦ soutien aux prestataires de services de gardes, supervisés ou indépendants, par l’intermédiaire des ludothèques et des centres de documentation (voir plus haut), de visites à domicile, d’ateliers, etc.;

♦ programme pour les parents adolescents, en coopération avec le bureau de santé publique;

♦ ateliers pour les enfants d’âge préscolaire et scolaire – offerts périodiquement, habituellement avec d’autres ressources communautaires comme les bibliothèques ou les musées;

♦ avant le regroupement des conseils scolaires, le SEGCO a mené un programme de maternelle avec le conseil scolaire où des éducateurs de la petite enfance et des enseignants travaillaient ensemble.

Le SEGCO montre à merveille comment les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental peuvent être mis sur pied dans les collectivités et devenir sensibles aux besoins de tous les secteurs de la collectivité. On trouve d’autres exemples de centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale dans le chapitre 5 et dans le document de travail résumant les visites d’enquête dans les collectivités.

CADRE DU PROGRAMME D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE ET DE FORMATION AU RÔLE PARENTAL La figure 6.1, Cadre du programme d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, reprend en le modifiant le tableau du chapitre 4, Sources de stimulation propices au développement cérébral du tout-petit et à l’épanouissement de l’enfant, qui identifiait les éléments du programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale qui existent actuellement. Le nouveau tableau illustre le cadre que nous proposons pour un programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale en Ontario. Comme dans le tableau précédent, la représentation montre l’équilibre entre l’accent mis sur les parents (partie « axée sur le parent ») et l’accent mis sur les enfants (partie « axée sur l’enfant ») dans le développement du cerveau et des jeunes enfants durant la petite enfance.

Étude sur la petite enfance 147

FIGURE 6.1 CADRE DU PROGRAMME D’ÉDUCATION À LA

PETITE ENFANCE ET DE FORMATION AU RÔLE PARENTAL

148 Étude sur la petite enfance

La figure montre les services de soutien pour les parents et les enfants durant les premières années, les mesures incitatives pour les parents et le secteur privé (congé de maternité, congé parental, suppléments pour garde d’enfants, crédits fiscaux) et la mesure des résultats pour les premières années.

CENTRES D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE ET DE FORMATION AU RÔLE PARENTAL Ce que nous appelons les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental forme le cœur d’un cadre intégré de services et de soutiens pour la période prénatale et pour les enfants de zéro à six ans et leur famille, en fonction des périodes critiques du développement du cerveau. Les centres constitueraient des actions clés pour la création d’un nouveau palier d’enseignement pour les premières années du développement, qui viendrait avant celui de l’éducation publique. Ils auraient les objectifs suivants :

1. promouvoir un développement et un apprentissage optimaux chez les enfants dès la petite enfance;

2. préparer les enfants à la réussite à l’école et tout au long de leur vie;

3. favoriser un rôle parental positif et des soins adaptés à l’enfant, ainsi qu’un milieu stimulant et une alimentation saine pour les enfants;

4. répondre aux besoins en services de garde des parents qui sont à la maison à temps plein ou qui travaillent, que ce soit occasionnellement, à temps partiel ou à temps plein;

5. orienter les familles qui ont besoin d’autres services vers d’autres programmes publics s’adressant aux enfants;

6. soutenir l’épanouissement et le développement des parents et préparer la prochaine génération à assumer ses responsabilités parentales, et sociales en tant que membres actifs de la société.

Les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental peuvent offrir un vaste éventail d’activités axées tant sur les adultes que sur les enfants. La sélection et l’organisation des activités spécifiques se font en fonction des besoins locaux et se montrent sensibles à la diversité culturelle et linguistique.

Étude sur la petite enfance 149

Principes directeurs Les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale s’appuient sur les principes suivants : 1. Ils sont offerts facultativement, à un prix abordable, à tous les jeunes enfants ontariens avant

l’entrée à l’école, et à leur famille (les parents ont le choix d’y inscrire leur enfant ou non).

2. Ils sont destinés tant aux parents qu’aux enfants.

3. Ils offrent aux enfants un milieu où participer, avec des enfants et des adultes, à un apprentissage ludique par la résolution de problèmes.

4. De bons rapports entre adultes (parents et éducateurs/éducatrices) et enfants favorisent l’apprentissage par le jeu.

5. De bons programmes enseignent aux parents et autres prestataires de soins de divers milieux culturels, ethniques et linguistiques, les rudiments des mathématiques, de la lecture et de l’écriture.

6. Les programmes de formation parentale offrent un soutien aux parents et aux autres prestataires de soins pour tout ce qui concerne l’éducation à la petite enfance.

7. Les parents qui participent à des programmes d’éducation à la petite enfance sont mieux équipés pour favoriser l’apprentissage des jeunes enfants et créer, au foyer, le milieu le plus propice possible à l’épanouissement de leur enfant.

8. Les centres doivent être pourvus des ressources matérielles et humaines nécessaires pour garantir la participation de tous les enfants, y compris de ceux qui ont un handicap, quel qu’il soit (incapacité physique, troubles du développement, de l’apprentissage, du comportement, etc.).

9. Les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale doivent aller au-devant des personnes qui ont besoin de leurs services, sinon les familles et les enfants qui ont le plus besoin d’être aidés pourraient être oubliés.

10. Peu importe où ils se trouvent, les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale doivent être reliés à l’école primaire du quartier et à d’autres établissements publics (bibliothèques, centres de loisirs et centres culturels, etc.).

11. Les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale offrent un ensemble cohérent de services qui répondent aux besoins des enfants et des parents, au foyer, au travail et à l’école.

12. L’efficacité des centres devrait être évaluée par une mesure de la capacité d’apprentissage, lorsque les enfants commencent l’école.

150 Étude sur la petite enfance

Structure Malgré l’existence de principes communs, il n’existe aucun modèle unique qui réponde à la diversité de nos collectivités. On pourra proposer des services d’accueil occasionnel (services de répit pour les parents). Certains centres offriront, en plus des principaux programmes, des programmes à la journée et à horaire prolongé, comme en prodiguent actuellement les garderies. La plupart des centres offriront d’autres types de services ou de soutiens, et fourniront la base des ressources de programmes satellites d’éducation à la petite enfance dans les foyers. Au fur et à mesure que les enfants passeront de la petite enfance à l’âge préscolaire, la plupart auront participé de façon régulière à des programmes d’éducation à la petite enfance. Voici les quatre principales composantes d’un programme d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental :

1. Centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. Les centres seront axés à la fois sur les parents et sur les enfants et intégreront les services pour les tout-petits et leurs parents en fonction des périodes critiques s’étendant de la conception à l’arrivée à l’école. Les centres peuvent comprendre :

♦ des programmes collectifs pour les enfants qui font intervenir les parents et qui proposent des activités éducatives (résolution ludique de problèmes) ainsi que des occasions d’apprendre à s’entendre avec les autres enfants, l’acquisition précoce d’aptitudes langagières et mathématiques, la musique, l’éducation physique, les arts;

♦ des services de garde d’enfants à temps plein, à temps partiel ou de garde occasionnelle (service de répit pour les familles);

♦ le soutien prénatal et postnatal : information sur l’alimentation, sur l’accouchement et sur le développement du nouveau-né, discussions de groupe et ateliers pour les femmes enceintes et les mères de nouveau-nés;

♦ programmes d’accueil, centres de documentation et ludothèques, services d’information et d’orientation, activités familiales, information sur l’alimentation;

♦ acquisition d’aptitudes langagières et mathématiques pour toute la famille, cours de techniques parentales, ateliers, soutien informel pour l’amélioration des compétences parentales;

♦ formation et éducation permanente des parents (cours d’alphabétisation, d’anglais ou de français langue seconde, de préparation à la vie quotidienne et d’informatique); et

♦ soutien aux parents afin d’améliorer leur estime d’eux-mêmes.

2. Visites à domicile : cette composante prévoit l’extension des services aux parents et aux autres prestataires de services ayant eux-mêmes de jeunes enfants au foyer, en les orientant vers des réseaux informels et des ressources communautaires. Elle améliore les aptitudes parentales, développe les compétences parentales, et encourage, pour les enfants, l’apprentissage ludique par la résolution de problèmes.

Étude sur la petite enfance 151

3. Satellites en milieu familial : les prestataires de services qui offrent chez eux des programmes

d’éducation à la petite enfance à un maximum de cinq enfants seront soutenus et disposeront de ressources grâce aux centres d’éducation à la petite enfance et aux services de visite à domicile.

4. Services de dépistage et d’intervention précoces : les centres d’éducation à la petite enfance et les services de visite à domicile pourront identifier les enfants qui se heurtent à des obstacles au développement et offrir des services d’intervention ou une orientation vers de tels services.

Efforts supplémentaires Il existera toujours des familles ayant besoin de soutien ou d’encouragements supplémentaires pour profiter de services utiles aux parents et aux enfants. Des efforts supplémentaires ou une démarche active pour encourager les gens dans cette voie doivent être intégrés aux fonctions des centres de la petite enfance. Sinon, les familles ayant les plus grands besoins risquent d’être laissées pour compte. Il ne suffit pas de mettre un programme à la disposition de la collectivité pour garantir qu’il atteindra tous les enfants et toutes les familles aptes à en bénéficier. Pour réaliser l’objectif idéal d’un programme offrant un accès égal et une chance égale de participation pour que tous les enfants aient les mêmes possibilités de développement optimal, les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale doivent travailler avec la collectivité pour s’assurer que les familles qui sont les moins aptes à se joindre à un centre soient informées de l’existence de ces centres et sachent comment s’inscrire. Que les parents aient besoin d’aide pour remplir un formulaire de demande ou pour emmener leur enfant à un centre, ou seulement d’encouragements et d’un accueil chaleureux, ces actions supplémentaires forment une partie intégrante des centres de la petite enfance dans les collectivités.

Programmes axés sur les parents

152 Étude sur la petite enfance

Les rapports parents-enfants constituent le facteur le plus déterminant du développement du cerveau durant la petite enfance, particulièrement au cours des deux premières années. En apprenant à se montrer sensible à l’enfant et à le stimuler dès la naissance, on le dote de compétences fondamentales et d’une aptitude à surmonter les difficultés avant son arrivée à l’école. Les parents et autres prestataires de services de garde doivent bénéficier d’un soutien et d’une formation en compétences parentales, d’un accès aux ressources communautaires et d’une formation pour savoir comment favoriser le développement du fœtus, du nourrisson et du jeune enfant ainsi que les techniques d’apprentissage axées sur le jeu. Ils apprennent que l’acquisition des aptitudes langagières commence à la naissance et se développe au même rythme que le langage oral. Ils apprennent aussi que l’apprentissage par la résolution ludique de problèmes constitue la base de la pensée mathématique et de nombreuses fonctions cognitives. Tous ces programmes encouragent et soutiennent le rôle des parents et les compétences parentales. En participant, les parents ont la possibilité d’apprendre auprès du personnel du centre tout autant que les uns des autres. L’expérience renforcera également l’engagement des parents auprès de leur enfant. Dans les centres, on peut proposer aux parents ayant de jeunes enfants des cours d’alphabétisation pour adultes et des cours d’anglais ou de français langue seconde. Les expériences acquises par les parents en participant à ces programmes prépareront certains d’entre eux à faire du bénévolat dans les programmes d’éducation à la petite enfance et, plus tard, avec une formation, dans les classes des

écoles élémentaires. La participation des parents est une stratégie permettant d’assurer la présence d’un nombre suffisant d’adultes pour répondre aux besoins immédiats des jeunes enfants. C’est également une stratégie pour soutenir la réussite scolaire des enfants.

Programmes axés sur les enfants Un milieu où l’on encourage l’apprentissage par la résolution ludique de problèmes offre aux enfants de nombreuses possibilités d’explorer, de découvrir et de créer. Il offre aussi une stimulation sensorielle riche que le jeune enfant absorbe et intègre en pleine période de développement cérébral. Un jeu de cubes offre une variété infinie de possibilités de disposition, comme lorsqu’un scientifique ou un mathématicien combine les idées pour résoudre un problème. Les jeux du langage oral et les histoires racontées au moyen d’images et de livres représentent le fondement de la lecture et de l’écriture. En faisant couler du sable dans des entonnoirs ou des cribles, ou en rangeant de petites autos dans un garage, on construit une compréhension du monde physique et du poids cognitif des nombres nécessaire pour la pensée mathématique. L’utilisation guidée de jeux de société avec des lignes numérotées, des dés et des curseurs permet la compréhension des nombres, qui sous-tend le calcul mathématique. Les jeux d’imagination avec des costumes et des décors constituent un exercice permettant de surmonter la tension et le stress. La résolution de problèmes par le jeu avec d’autres enfants et des adultes représente une stratégie d’apprentissage précoce qui a un effet crucial sur le développement du cerveau durant la petite enfance et forme un cadre qui devrait aider les enfants qui arrivent dans le système scolaire.

Emplacement Les écoles représentent le cadre logique des centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale, conformément au concept de l’apprentissage à vie. Elles se trouvent dans les collectivités locales, disposent d’un espace adaptable aux besoins des enfants et facilitent l’intégration des programmes d’éducation à la petite enfance au palier suivant du système d’éducation. Le lien précoce avec l’école peut faciliter le passage au palier suivant. Les parents qui entretiennent un lien précoce avec l’école sont davantage à même de soutenir l’enfant et de participer à son éducation, ce qui améliore ses chances de succès scolaire. Les installations de loisirs, les lieux du culte et certains milieux de travail constituent également des emplacements pour les programmes qui répondent à la plupart des critères des centres de la petite enfance. Plusieurs petites entreprises peuvent se regrouper pour former un centre accueillant les enfants de leurs employés et d’autres enfants de la collectivité. Cela est valable pour les grandes entreprises. Dans les agglomérations urbaines, la plupart des familles devraient pouvoir se rendre à pied à un programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. Dans les régions rurales et isolées, il faudra peut-être des ressources supplémentaires pour le transport, et certains éléments des programmes devront être prodigués par le biais de visites à domicile grâce à un réseau de transport par camionnettes.

Personnel et participants

Étude sur la petite enfance 153

Il est essentiel d’avoir un personnel compétent pour la mise en œuvre de programmes sensibles aux besoins des jeunes enfants et de leur famille dans la partie du centre axée sur l’enfant. Il doit y avoir

suffisamment de membres du personnel compétents dans le domaine de l’éducation à la petite enfance pour s’assurer que les besoins des enfants sont remplis et pour appuyer la participation parentale au programme. Des éducateurs/éducatrices compétents savent :

♦ établir des partenariats avec les parents afin de les soutenir dans leurs responsabilités envers leur enfant;

♦ planifier des activités de résolution ludique de problèmes qui encouragent un développement cérébral optimal afin d’ancrer des aptitudes de survie, de vie en société et d’autres compétences;

♦ promouvoir l’acquisition des bases nécessaires à l’apprentissage d’aptitudes linguistiques, mathématiques et scientifiques par le biais des expériences de langage et de jeu des enfants et promouvoir l’acquisition de la sociabilité;

♦ s’assurer que l’environnement et la pratique des soins quotidiens sont bénéfiques à la santé des enfants, à leur alimentation, à leur sécurité et à leur bien-être;

♦ réagir de manière adéquate aux enfants, individuellement et en groupe; respecter la pluralité des structures familiales et ethnoculturelles et la multitude des atouts à la disposition de chaque enfant;

♦ identifier tôt les problèmes et les difficultés et offrir des services d’intervention précoce ou une orientation vers de tels services;

♦ faciliter l’apprentissage des adultes et les aptitudes aux soins des parents; et

♦ travailler avec d’autres dans la collectivité pour favoriser le bien-être des enfants. La participation des parents, d’autres membres de la famille et de prestataires de services de garde est guidée par les éducateurs et les éducatrices. Les premiers peuvent ensuite transmettre les connaissances acquises à d’autres parents et prestataires de services. D’autres membres du personnel spécialisé travaillent de concert avec les éducateurs pour répondre aux besoins des jeunes enfants et de leur famille. Dans certains cas, les parents participant peuvent devenir des membres du personnel.

DE LA CONCEPTION D’UN MODÈLE IDÉAL À SA MISE EN ŒUVRE Les actions actuelles pour l’éducation à la petite enfance et la formation parentale font intervenir un vaste ensemble de services et de programmes pour les jeunes enfants et leur famille : programmes de maternelle et de jardin d’enfants, maternelles indépendantes et agréées, garderies, garde en milieu familial, programmes de ressources pour la famille, centres d’alphabétisation pour les parents et les familles, halte-garderies et groupes de jeu, groupes de soutien prénatal et postnatal, services de visites à domicile et programmes d’intervention précoce. Le comité consultatif de l’Étude sur la petite enfance estime que ces actions doivent être élargies lorsque c’est nécessaire et intégrées à un programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale qui bénéficiera aux jeunes enfants de l’Ontario et à leurs parents.

154 Étude sur la petite enfance

Leadership et partenariat La création de centres sensibles à la pluralité des caractéristiques et des besoins modernes dépendra, dans une large mesure, de la créativité des particuliers et des groupes, de leur leadership en ce domaine. De plus en plus, le leadership est considéré comme un entrepreneuriat social. Comme nous l’avons indiqué au chapitre 5, nous connaissons plusieurs leaders qui ont créé des centres d’éducation à la petite enfance dans des collectivités. Le leadership de ces personnes dans le cadre des centres de la petite enfance sera important pour les collectivités qui veulent construire une vaste gamme de centres de grande qualité pour répondre aux besoins des familles. Encore une fois, nous réitérons qu’il ne s’agit pas de constituer ce qu’on pourrait appeler un leadership technique ou bureaucratique. Les centres établis dans le cadre d’une structure autoritaire et bureaucratique risquent de se montrer insensibles aux besoins, aux cultures, aux langues, aux religions et aux valeurs des jeunes familles et aux exigences du développement des jeunes enfants. Nous estimons que le leadership de l’entrepreneuriat social continuera à être important dans la mise sur pied de centres sensibles à leur environnement et efficaces. Un ensemble d’organismes divers (fondations, groupes de défense et d’éducation publique), vigoureux défenseurs de l’épanouissement des jeunes enfants ontariens, fourniront un précieux appui aux collectivités en vue d’obtenir le soutien public et privé et la compréhension nécessaires pour initier et soutenir les centres de la petite enfance. Il faut que ces organismes coopèrent avec les autorités locales que nous proposons d’établir dans les collectivités. Vu leurs contacts et leur structure, ces groupes pourraient aider à établir des centres dans toutes les couches de la société. Ils peuvent aussi soutenir les efforts supplémentaires requis pour s’assurer que les enfants et les collectivités faisant face à des obstacles particuliers puissent participer pleinement au programme. Les programmes de police communautaire peuvent devenir des partenaires importants des centres d’éducation à la petite enfance. En effet, ils s’adressent à des familles et à des enfants qui peuvent tirer profit de ces centres, et les agents pourraient offrir une aide bénévole dans certaines collectivités. (Cela ferait intervenir les services de police municipale et provinciale.) Le leadership du gouvernement provincial sera nécessaire pour faire comprendre les centres de la petite enfance et leur créer un cadre. Le rôle d’établissement du cadre provincial incombe principalement, selon nous, à un ministre provincial ayant la responsabilité, les ressources et le mandat pour faire avancer le concept et pour forger les partenariats nécessaires. Le ministre doit travailler, au sein du gouvernement et hors de celui-ci, à l’établissement d’un cadre de compréhension et d’une stratégie visant à développer les ressources communautaires nécessaires à des centres sensibles aux besoins de la collectivité. Nous estimons que toute la société doit participer à ce mouvement et le soutenir. Par conséquent, la province doit encourager la participation et le leadership de la collectivité et du secteur privé chaque fois que c’est possible.

Législation et normes Nous percevons également le besoin d’une législation intégrée pour ce qui concerne les programmes touchant le développement des jeunes enfants et de normes communes pour le nouveau programme. À l’heure actuelle, différents aspects des programmes gouvernementaux qui sont inclus dans le concept d’éducation à la petite enfance et de formation parentale sont assujettis à différentes lois,

Étude sur la petite enfance 155

notamment la Loi sur les garderies, la Loi sur les services à l’enfance et à la famille et la Loi sur l’éducation. La ministre déléguée au dossier de l’Enfance doit mener le processus de regroupement au sein du gouvernement. Il y faudra constituer un cadre administratif et une législation au niveau de la province afin de tracer les grandes lignes des principes, des normes et des mécanismes de financement communs à tous les centres de la petite enfance. La ministre aurait besoin d’une pleine autorité au sein du cabinet provincial afin de mettre en place la législation nécessaire pour lancer et mettre en œuvre le programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. Les principes et les normes permettraient d’assurer la constitution de cadres de grande qualité pour les jeunes enfants. Les différents règlements actuels devraient être révisés et intégrés pour laisser leur place au nouveau programme et aux besoins des collectivités locales. Ils établiraient également des exigences relatives à la surveillance, y compris, dans les collectivités, des dispositions visant la mesure de la capacité d’apprentissage et l’évaluation du développement cérébral durant la petite enfance. Nous admettons l’existence de plusieurs difficultés dans la mise en œuvre de la vision. Nous faisons des recommandations qui touchent principalement les étapes subséquentes. Toutefois, nous voulons préciser qu’il existe encore des problèmes à résoudre et qu’il faut s’y attaquer à mesure que le programme évolue. Le comité consultatif de l’étude n’a pas été en mesure de recommander une instance à qui confier la responsabilité locale d’un programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale en Ontario. Ce « responsable » pourrait être un gouvernement supra-municipal, un conseil scolaire ou un autre groupe du même type. L’identification du meilleur partenaire local doit faire intervenir les discussions avec les municipalités, les conseils scolaires et d’autres organismes communautaires. Le responsable local ne serait pas forcément le prestataire du programme; il pourrait faire l’acquisition de la prestation auprès d’organismes et de groupes communautaires et par le biais du leadership et d’encouragements, aider à établir les ressources supplémentaires nécessaires pour répondre aux besoins des enfants de la collectivité.

Mécanismes de financement L’identification du mécanisme de financement le plus approprié constitue un autre défi. À l’heure actuelle, les mécanismes de financement sont variés. Il y a des programmes dont le financement relève entièrement de l’État, comme les maternelles. D’autres programmes de garde privés sont entièrement financés par les frais payés par les parents. Il existe des programmes de garde subventionnés. Certains centres situés sur les lieux de travail reçoivent des contributions financières du secteur privé. D’après nous, quels que soient les mécanismes de financement utilisés, les programmes devraient tenir compte de toute la gamme d’initiatives des secteurs public et privé qui existent à l’heure actuelle. Les programmes de jardins d’enfants font logiquement partie du développement des jeunes enfants. Dans le rapport, nous avons séparé le palier de l’éducation à la petite enfance et de la formation parentale de celui de l’éducation. Par conséquent, la maternelle et le jardin d’enfants et la Subvention pour l’apprentissage durant les premières années d’études devraient être intégrés à la

156 Étude sur la petite enfance

base de ressources du gouvernement provincial pour faciliter l’élaboration du programme intégré d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. Dans des écoles primaires de régions de l’Ontario, des directeurs d’école et des enseignants ont pris des mesures afin de créer des éléments de centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. La plupart d’entre eux présentent des exemples de leadership hors des conseils scolaires. Ils échappent aux politiques concernant l’éducation de base et son administration. Ces actions doivent s’intégrer à des centres communautaires d’éducation à la petite enfance et de formation parentale à mesure que les collectivités établissent leurs autorités locales pour ces centres. D’après nous, petit à petit, le financement des maternelles et des jardins d’enfant et la Subvention pour l’apprentissage durant les premières années d’études devraient être intégrés à la base de ressources du gouvernement provincial pour le programme intégré d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. Toutefois, comme nous l’avons indiqué dans nos recommandations, nous ne voulons pas mettre en danger le seul programme provincial qui soit offert actuellement aux jeunes enfants. Le financement doit être préservé. Nous ne suggérons pas de prélever des frais pour le jardin d’enfants. Lorsque les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale auront été mis sur pied, le financement pourra être intégré. La participation d’autres couches de la société à ce concept est à prendre en considération également. Le financement de source provinciale pour les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale pourrait être bonifié par le biais de fonds municipaux et fédéraux, d’investissements des entreprises et de contributions volontaires. Une gamme d’incitatifs fiscaux permettraient de sensibiliser les entreprises et les collectivités locales aux besoins des centres afin qu’elles élargissent la provision de fonds et de ressources : ainsi, les centres recevraient l’appui de tous les secteurs de la collectivité et seraient accessibles à tous les jeunes enfants des collectivités.

Enjeux professionnels Un programme provincial de centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale doit reposer sur l’éventail actuel d’actions pour la petite enfance et l’expertise qui les accompagne. Le développement du cerveau étant un processus continu, le programme d’éducation devrait lui aussi former un tout continu. On pourrait avoir comme objectif d’intégrer les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale au système scolaire en tenant compte des rôles des différents paliers. La maternelle et le jardin d’enfants, fondés sur les principes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale et non sur des objectifs éducationnels plus étroits et didactiques, sont bien adaptés aux étapes ultérieures du concept d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. Les programmes qui sont plus solidement axés sur un programme d’études normatif (mettant l’accent sur l’acquisition de compétences et non sur un continuum de développement) et qui ne font pas participer les parents ne s’intègrent pas bien au concept d’éducation à la petite enfance. Parmi les obstacles à l’intégration de l’éducation à la petite enfance au système scolaire, on trouve les questions de rémunération et de dotation en personnel. Actuellement, les enseignants ne reçoivent qu’une formation minime sur le développement des jeunes enfants et sur l’acquisition des connaissances pendant les premières années. (Il faut noter que nous avons rencontré de nombreux enseignants d’écoles primaires qui comprennent le développement des jeunes enfants et que dans

Étude sur la petite enfance 157

certains districts, les administrateurs scolaires leur mettent des bâtons dans les roues. Certains membres de l’administration sont moins au courant ou moins intéressés que ces enseignants.) Dans les programmes de grande qualité, les éducateurs de la petite enfance connaissent très bien les principes du développement en bas âge. Des solutions à long terme sont nécessaires pour résoudre les problèmes potentiels. La formation des éducateurs et des enseignants n’est pas la même. Les programmes de formation en éducation des jeunes enfants sont prodigués dans les collèges d’arts appliqués et de technologie; la formation des enseignants se fait à l’université. Le salaire des enseignants est bien plus élevé que le salaire moyen des éducateurs. Les ratios éducateur / élèves dans les garderies réglementées sont bien inférieurs à ceux des jardins d’enfants. Les jeunes enfants méritent les éducateurs les mieux formés. Tous ceux qui travaillent avec de jeunes enfants et leurs parents doivent comprendre le fonctionnement du cerveau et le rapport qui existe entre la résolution ludique de problèmes et le développement cérébral du jeune enfant. Ils peuvent acquérir les compétences requises par le biais de différents modes de formation théorique et pratique. Les liens entre les programmes collégiaux et universitaires et entre les programmes des éducateurs et des enseignants doivent être amplifiés afin de favoriser la préparation d’une main-d’œuvre très compétente pour l’éducation des jeunes enfants ontariens. Si l’on veut créer l’expertise nécessaire pour assurer la prestation d’un programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale accessible et de qualité, il faudra prévoir une reconnaissance appropriée, un cheminement de carrière clair et une rémunération adéquate. Certaines facultés d’éducation (comme la Faculté d’éducation et l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario à l’Université de Toronto) essaient de former des enseignants ayant les aptitudes et les connaissances nécessaires pour prodiguer des programmes d’éducation à la petite enfance. D’autres établissements postsecondaires prévoient des mécanismes d’orientation des diplômés en éducation des jeunes enfants des collèges vers des programmes d’études universitaires de premier cycle. Le gouvernement ferait fausse route s’il ne tirait pas profit des excellentes ressources en éducation de la petite enfance qui existent dans certaines maternelles et certains jardins d’enfants. L’intégration des maternelles et des jardins d’enfants dans les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale donnerait lieu à de nombreux problèmes affectifs et territoriaux. Elle ne pourra se faire qu’avec la pleine coopération de toutes les instances et avec le leadership efficace du gouvernement provincial. Il existe d’autres enjeux liés aux effectifs, tels que le recrutement de personnes ayant des compétences et une formation relatives aux activités de loisirs, ou l’établissement de liens avec les programmes récréatifs, ou encore l’assurance que le personnel des centres de loisirs connaisse le développement du cerveau durant la petite enfance et prenne conscience de l’importance de la stimulation des voies sensorielles par le biais du jeu dès la petite enfance.

Intégration à d’autres initiatives et programmes Le gouvernement de l’Ontario, par le biais du Bureau des services intégrés pour enfants, vient de lancer deux actions visant les enfants qui éprouvent des difficultés : le programme Bébés en santé / Enfants en santé, et les programmes d’orthophonie pour les enfants d’âge préscolaire. Le premier

158 Étude sur la petite enfance

constitue une base permettant d’édifier des réseaux communautaires et de visites à domicile. Il offre également une chance unique d’étudier l’impact de plusieurs modèles de dotation en effectifs pour les visites à domicile. En opérant dans le cadre du centre d’éducation à la petite enfance et de formation parentale, les personnes effectuant des visites à domicile augmentent leur aptitude potentielle à relier les parents isolés et leurs enfants à d’autres formes de soutien. L’introduction de programmes d’orthophonie dans les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale permet de constituer des liens avec les services spécialisés s’adressant aux enfants qui éprouvent des difficultés langagières. Il existe de nombreuses actions pour l’aide aux jeunes familles, mais elles ne s’insèrent pas dans un système complet qui soit à la fois pratique et accessible dans la collectivité. L’intégration offre la possibilité de relier une variété de services de soutien et de profiter des ressources qui existent dans une collectivité. Les nouvelles actions nationales prévues doivent être négociées au sein d’un vaste cadre provincial de principes et de services nécessaires à la prestation du programme d’éducation à la petite enfance et de formation parentale.

AUTRES ÉLÉMENTS D’UN CADRE D’ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE ET DE FORMATION PARENTALE Ces éléments sont les suivants :

♦ augmentation des prestations pour congés parentaux et congés de maternité;

♦ des lieux de travail tenant compte de la vie de famille;

♦ des stimulants fiscaux;

♦ des indicateurs de rendement intégrés et autonomes; et

♦ des réseaux d’information communautaires.

Augmentation des prestations de congé de maternité et de congé parental Le congé de maternité contribue à la santé et au bien-être de la mère et de l’enfant avant et après l’accouchement. Seules les femmes en profitent. Le congé parental permet à l’un ou l’autre des parents de prendre soin d’un nouveau-né ou d’un jeune enfant. En Ontario, la protection de l’emploi pendant les congés de maternité et les congés parentaux est stipulée par la Loi sur les normes d’emploi, qui prévoit 17 semaines de congé de maternité et 18 semaines de congé parental. Au palier fédéral, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit des indemnités pour 15 semaines de congé de maternité et dix semaines supplémentaires de congé parental après une période d’attente de deux semaines sans prestations, à concurrence de 55 % du salaire ou d’un maximum de 413 $ par semaine. La majorité des travailleurs ne bénéficient pas de ces prestations.

Étude sur la petite enfance 159

Une augmentation des prestations de congé de maternité et de congé parental aiderait à soutenir une interaction saine entre le nouveau-né ou le très jeune enfant et la mère ou le père (biologiques ou adoptifs). Pendant la première année cruciale du développement du cerveau, les bébés bénéficieraient d’une augmentation des chances d’être maternés et stimulés par leurs parents (période axée sur les parents de la figure 6.1). Les mères auront tendance à allaiter leur enfant plus longtemps si elles peuvent rester à la maison pendant une période prolongée. Un congé plus long, combiné au soutien offert par les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale, établirait la base de bons rapports parents-enfants.

Lieux de travail tenant compte de la vie familiale Maintenant que les jeunes mères font partie intégrante de la population active, l’organisation du travail commence à tenir compte des besoins des parents de jeunes enfants. L’établissement d’un équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale permet aux parents de bénéficier d’une certaine souplesse quand ils en ont besoin, surtout quand leur enfant est en bas âge. Des politiques favorisant la famille sur le lieu de travail aident à établir un équilibre travail-famille et permettent aux parents de mieux soutenir le développement de leur enfant pendant les premières années, si cruciales. Outre l’augmentation des prestations de congé de maternité et de congé parental, les options possibles comprennent :

♦ une organisation flexible du travail (travail à temps partiel, horaires souples, priorité donnée aux quarts de jour et possibilités de travailler chez soi);

♦ des congés payés sans condition pouvant servir à remplir les obligations familiales comme les soins aux enfants malades;

♦ l’utilisation souple des avantages sociaux pendant la période de développement des jeunes enfants; et

♦ des centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale sur le lieu de travail. Ces mesures, bien qu’actuellement limitées dans leur application en milieu de travail en Ontario, ont le potentiel pour profiter aux familles et aux employeurs. Les parents mieux à même d’assumer leurs responsabilités familiales sont moins souvent absents et plus productifs. Les tiraillements constants que bien des parents, surtout les mères, éprouvent entre l’obligation de répondre aux besoins de leur jeune enfant et celle de gagner leur vie créent un stress qui entraîne un absentéisme accru, des perturbations du travail et un taux de renouvellement du personnel trop élevé, ce qui entraîne des frais. Il existe un autre exemple de mesure tenant compte de la situation familiale : le congé payé normal qui permet aux parents de participer aux programmes de leur jeune enfant. Il nous semble crucial que les parents aient la possibilité de jouer un rôle dans les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale. Leur participation régulière (trois à quatre heures par semaine) bénéficie aux enfants parce qu’elle permet de réduire le ratio d’encadrement sans qu’il en coûte plus cher et

160 Étude sur la petite enfance

d’aider les parents à apprendre, auprès des éducateurs et les uns des autres, comment offrir les meilleurs soins et la meilleure stimulation possibles. Le congé de participation des parents peut être encouragé par le développement de dispositions négociées dans les conventions collectives. Certains modèles existent déjà à cet égard. Une recherche a déjà été menée dans le cadre de l’Étude sur la petite enfance au sujet des politiques touchant le développement des jeunes enfants Policy Instruments for Early Child Development; elle traite de questions liées aux prestations de congé de maternité ou de congé parental et aux lieux de travail qui tiennent compte de la famille.

Stimulants fiscaux L’étude susmentionnée décrit également une vaste gamme d’options axées sur :

♦ le partage des coûts entre le secteur public et le secteur privé par le biais de systèmes d’imposition et de dépenses;

♦ l’encouragement de la participation à grande échelle du secteur privé dans le financement des actions pour l’éducation à la petite enfance; et

♦ la promotion de l’innovation communautaire. Cette étude a été commandée pour examiner plusieurs options. Le comité consultatif sur la petite enfance en a choisi quelques-unes qu’il recommandera au gouvernement ontarien. Nous sommes particulièrement intéressés par l’amélioration du congé de maternité, du congé parental et du congé familial, mais le sommes également par la possibilité d’engager le secteur privé et les groupes communautaires dans la mise sur pied des centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale en Ontario. Nous ne pensons pas que les stimulants pour le secteur privé et l’investissement communautaire produiront d’énormes montants pour le financement des centres accessibles que nous envisageons pour toutes les familles de l’Ontario. Nous espérons que la participation et l’investissement des collectivités et du secteur privé permettront d’élargir et d’enrichir la gamme des options possibles pour les familles. En ce qui concerne le développement des jeunes enfants, il faut également combler le fossé social qui s’est creusé entre les familles se trouvant aux deux extrêmes de l’échelle socio-économique. En invitant toutes les couches de la société à participer à la mise sur pied du nouveau système, nous contribuerons à la communauté d’objectifs et au sens de la participation (parfois appelé capital social ou cohésion sociale) et à la diffusion de l’information sur l’importance vitale des premières années de développement du cerveau. Le gouvernement de l’Ontario a déjà pris des mesures pour encourager les contributions en capital du secteur privé par le biais de l’incitatif fiscal pour les garderies en milieu de travail. Nous proposons que le gouvernement ontarien, qui contrôle son propre programme de fiscalité des

Étude sur la petite enfance 161

entreprises, aille plus loin dans cette voie et adopte un crédit s’appliquant à l’impôt sur le revenu ou à la taxe sur le capital afin que les entreprises investissent davantage dans des centres de la petite enfance (sur le lieu de travail ou ailleurs) qui seraient accessibles aux employés et, si possible, à l’ensemble de la collectivité. Pour soutenir l’entrepreneuriat social, promouvoir les partenariats entre le public et le privé et encourager l’innovation pilotée par la collectivité, nous soutenons également la création d’un fonds en fiducie de l’entrepreneuriat social. Pour citer l’étude précédente sur les instruments de politique : « Tout comme le capital de risque encourage la prise de risque et l’innovation par d’importantes récompenses à long terme pour les investisseurs et l’économie, un fonds d’entrepreneuriat social pourrait, en jouant le même rôle, offrir le capital de départ aux nouvelles entreprises d’éducation à la petite enfance ayant le potentiel de rapporter, à long terme, des gains importants pour l’économie et la société dans son ensemble. Étant donné que les gains ne sont pas facilement réalisables par les investisseurs privés, des subventions du gouvernement sont nécessaires et justifiées. » Cette étude propose plusieurs façons d’alimenter ce fonds, y compris d’autres formes de contributions privées. Une stratégie consisterait à demander à la Fondation Trillium, qui a déjà financé ce qu’on peut appeler l’entrepreneuriat social par le passé, d’en faire une partie importante de son mandat. Les fondations privées, comme l’Atkinson Foundation, ont déjà fait une priorité du soutien d’initiatives communautaires visant à élaborer des programmes d’éducation à la petite enfance.

Mesure des résultats Au chapitre 3, nous avons parlé de l’élaboration de mesures du développement des jeunes enfants qui seraient reliées à la santé et à l’apprentissage. Nous demandons à l’Ontario d’introduire la capacité d’apprentissage, le poids à la naissance et l’immunisation à l’âge de deux ans parmi les paramètres d’évaluation des résultats des premières années. Nous préconisons une structure institutionnelle autonome pour développer et appliquer la mesure du développement des jeunes enfants, qui serait liée avec les données sur la santé des enfants et de la population en général et les données sur la réussite scolaire. Nous revenons encore sur le fait qu’une évaluation de la capacité d’apprentissage fournirait une estimation utile du développement du cerveau chez les tout-petits, mais qu’elle ne convient pas à la prédiction de résultats pour des cas particuliers. Utilisée pour évaluer l’ensemble de la population, elle met en valeur les régions ou collectivités où le développement des jeunes enfants laisse à désirer. Elle est valable par rapport à l’apprentissage, au comportement et à la vie tout au long du cycle de vie d’une population. Elle aidera également une collectivité à évaluer si les efforts de développement des tout-petits dans la région ont joué sur les résultats.

Réseaux d’information communautaires Nous avons montré qu’un plus grand nombre de personnes qu’avant doivent maintenant comprendre le fonctionnement du cerveau et les répercussions de l’éducation à la petite enfance et de la formation parentale sur l’apprentissage, le comportement et la santé tout au long de la vie. Nous avons également parlé de l’implication des organisations communautaires dans les actions visant à

162 Étude sur la petite enfance

soutenir les jeunes enfants et leurs parents. Nous estimons que les réseaux d’information communautaires peuvent non seulement accroître la compréhension du public, mais aussi favoriser le partage de l’information entre les groupes visés par les actions pour l’éducation à la petite enfance et la formation parentale. Des réseaux informatiques se constituent dans toutes les sphères de la société. Il existe plusieurs réseaux qui relient des organismes communautaires intervenant dans les projets d’éducation à la petite enfance (comme le programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur). Un réseau provincial (CPNet) est en voie de constitution pour faire participer les services de police communautaires, les organisations de santé et d’autres organismes communautaires, afin de mettre en commun l’information et les idées et de promouvoir la coopération. Cela peut servir à établir un réseau d’information communautaire pouvant s’avérer d’une grande valeur pour l’apprentissage et l’échange d’information entre les collectivités et les différents centres. En outre, plusieurs collectivités disposent de centres d’information offrant des renseignements sur les services et ressources communautaires, que les parents peuvent consulter s’ils en ont besoin. Certaines collectivités ont mis sur pied des services d’appel pour les parents. Il existe un très grand potentiel d’expansion, d’amélioration et d’intégration des réseaux d’information en Ontario, qui constitue une excellente base à laquelle intégrer l’expertise, l’expérience et la clientèle des actions existantes.

PREMIÈRES ÉTAPES Le premier ministre doit s’engager à appuyer les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation parentale et veiller à ce que la ministre déléguée au dossier de l’Enfance soit écoutée lors des débats au conseil des ministres. Puisque la ministre sera responsable de la transition vers un cadre pour l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental, il est important qu’elle soit secondée par un sous-ministre et un personnel dynamiques pour l’élaboration des actions et des politiques internes et externes. Pour profiter des atouts et diversités des collectivités de l’Ontario, nous suggérons que la ministre déléguée au dossier de l’Enfance forme des groupes d’étude chargés d’examiner la mise en œuvre et de recommander les prochaines mesures à prendre concernant les objectifs suivants :

♦ création d’autorités locales pour les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental;

♦ partenariats entre le privé et le public pour la création et l’exploitation des centres;

♦ développement de stratégies visant à intégrer les programmes provinciaux au financement de source privée et publique;

♦ intégration des lois provinciales en vue de créer des normes et mécanismes de financement normalisés pour les centres de la petite enfance, ce qui comprend la fusion des jardins d’enfants et des garderies réglementées comme base financière; et

Étude sur la petite enfance 163

♦ création d’une interface entre les établissements d’enseignement et les centres de la petite

enfance. Ce que nous proposons représente un changement fondamental pour le soutien de familles ayant de jeunes enfants en Ontario. Nous estimons qu’une transformation aussi radicale de la façon dont notre société surmonte un problème très fondamental dans une période de bouleversement socio-économique ne peut se faire par le biais des processus conventionnels du gouvernement. Elle ne sera possible que si le gouvernement trouve des façons créatives de travailler avec les citoyens et les collectivités pour établir des programmes de la petite enfance sensibles à la diversité des besoins familiaux et communautaires. Comme d’autres instances l’ont déjà indiqué, nous estimons que ce changement exige :

♦ l’établissement d’un équilibre délicat entre les gouvernements et les collectivités;

♦ l’acceptation que les options au sein des collectivités seront sans doute fort différentes les unes des autres et différentes également de celles du gouvernement provincial;

♦ un leadership efficace, la reconnaissance et la coordination nécessaires pour engager le secteur public et le secteur privé;

♦ des principes clairs pour les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale, mais des stratégies multiples avec une mesure universelle des résultats pour le bienfait de tous les enfants de l’Ontario; et

♦ l’acceptation du délai nécessaire pour tout mettre en œuvre.

POUR CONCLURE :

■ Pour que la société appuie concrètement le développement du jeune enfant, il faut que toute la population comprenne et apprécie le rôle capital que joue la petite enfance dans le développement de l’être humain. Pour améliorer la situation de tous les jeunes enfants, la société doit avoir la volonté de créer et de soutenir financièrement des centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. Il est essentiel pour cela et pour l’intégration des différents secteurs de la société que la participation, tant publique que privée, soit générale. Une certaine cohésion sociale est donc requise pour créer ce qu’on appelle souvent le « capital social » – facteur clé d’un essor économique durable et d’une société démocratique et tolérante.

■ Nous sommes en outre conscients que les centres d’éducation à la petite enfance et de formation parentale doivent être sensibles aux particularités culturelles, ethniques, linguistiques et autres des collectivités et des familles, ainsi qu’aux besoins de tous les enfants, quelles que soient leurs aptitudes. Les centres devraient être situés à des endroits différents, allant des foyers aux écoles, en passant par les entreprises. On ne peut créer un réseau polyvalent de centres de la petite enfance offrant des services divers selon un modèle centralisé et bureaucratique. Par conséquent, nous préconisons des centres d’inspiration communautaire, faisant participer aussi bien le secteur

164 Étude sur la petite enfance

privé que le secteur public. C’est en somme la façon dont nous avons mis au point le système d’enseignement postsecondaire (par contraste avec le système éducatif).

■ Les services doivent être facultatifs, offerts à un prix abordable et accessibles aux parents de tous les groupes socio-économiques de l’Ontario. Ils doivent favoriser l’égalité d’accès afin d’assurer l’épanouissement optimal des jeunes enfants. La création du nouveau programme d’éducation à la petite enfance nécessitera le regroupement en un tout cohérent des programmes et services actuels.

■ Le système que nous préconisons comprend les éléments suivants :

i. des centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental établis dans les collectivités locales et faisant participer les secteurs public et privé;

ii. de meilleurs congés parentaux et de maternité, pour tous les parents;

iii. des lieux de travail tenant compte de la vie de famille;

iv. des stimulants fiscaux favorisant la création de nouveaux centres de la petite enfance dans les collectivités;

v. un indicateur intégré et autonome du développement de l’être humain; et

vi. un réseau de centres d’information communautaires.

■ Ce que nous préconisons est en fait un programme d’éducation à la petite enfance de « premier palier » qui serait aussi important que les systèmes d’enseignement élémentaire et secondaire et de formation postsecondaire. Le système serait constitué de centres d’inspiration communautaire, jouissant d’une autonomie locale, mais rattachés à une structure provinciale.

Étude sur la petite enfance 165

Chapitre 7 RECOMMANDATIONS Nos recommandations sont fondées sur les points suivants :

♦ Les premières années du développement des jeunes enfants forment la base de l’apprentissage, du comportement et de la santé d’une personne pour le reste de sa vie.

♦ Certains facteurs permettent d’améliorer le soutien aux jeunes enfants et à leur famille dans toutes les couches sociales, de façon à accroître leur réussite.

♦ Le leadership manifesté aujourd’hui par le premier ministre, la ministre déléguée au dossier de l’Enfance et le gouvernement permettra, grâce au soutien solidement manifesté pour l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental, de constituer un héritage : dans vingt ans, on le considérera comme l’étape cruciale dans la formation d’une population de grande qualité pour le prochain siècle.

RECOMMANDATION NO 1

Compte tenu de ce que l’on sait sur l’importance vitale des premières années, du nombre croissant d’actions communautaires et des démarches déjà entreprises par le gouvernement actuel, nous demandons instamment au premier ministre et au gouvernement de l’Ontario de prendre les mesures suivantes :

■ Mettre le développement des jeunes enfants aux tout premiers rangs des priorités publiques.

Indicateur de performance : Le premier ministre s’efforce de réaliser cette recommandation en 1999 dans ses communications orales et écrites et lors de ses réunions à l’intérieur et à l’extérieur de l’Assemblée législative.

■ S’assurer que l’investissement dans l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental constitue une affectation prioritaire des ressources publiques provinciales.

Indicateur de performance : Accroissement marqué des fonds publics investis dans l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental à partir de 1999.

■ Encourager le secteur privé à accorder la priorité à l’éducation à la petite enfance et à la formation parentale à titre d’investissement dans des collectivités en bonne santé et dans la main-d’œuvre future de l’Ontario.

Indicateur de performance : Augmentation des fonds privés investis dans l’éducation à la petite enfance et la formation au rôle parental à partir de 1999.

■ Mener une campagne visant à sensibiliser le public à l’importance des premières années pour l’apprentissage, le comportement et la santé d’une personne pour le reste de sa vie.

167 Étude sur la petite enfance

Indicateur de performance : En 1999, identifier et réaliser les différents éléments de cette campagne. Évaluer son efficacité.

■ Organiser une réunion à l’échelle de la province avec des groupes communautaires qui ont fait preuve de leadership dans la constitution de ressources pouvant soutenir la formation parentale et le développement des jeunes enfants.

Indicateur de performance : Tenir une première séance en 1999.

■ Établir un réseau de communications provinciales afin de permettre aux groupes communautaires de rester en contact les uns avec les autres et pour que les parents intéressés disposent d’une source d’information et d’occasions de créer des réseaux.

Indicateur de performance : Mettre le réseau sur pied d’ici l’an 2000.

Raison d’être : L’Ontario a besoin de leadership et d’engagement à long terme en ce qui concerne le développement des jeunes enfants. Nous sommes sur le point d’entrer dans une ère de budgets équilibrés. Si les autorités s’engagent maintenant à placer les premières années de la vie au rang des grandes priorités, il est fort probable qu’elles tiendront cette promesse. Une campagne de sensibilisation devra être menée auprès des populations afin de leur faire prendre conscience de l’importance des premières années de la vie et des raisons d’en faire une priorité pour les secteurs public et privé, et de leur expliquer ce qu’il est possible d’accomplir à l’échelon local pour que les collectivités soutiennent mieux les parents et les jeunes enfants. La formation de réseaux est une façon pour les collectivités de s’entraider en mettant leur savoir en commun; les parents en bénéficient tout autant. (À ce titre, les réseaux des services de police communautaires peuvent servir d’exemple à suivre.)

RECOMMANDATION NO 2

Pour que les questions liées au développement des jeunes enfants soient présentes aux réunions du Conseil des ministres et pour être sûrs qu’un ministre provincial soit responsable de l’élaboration d’un programme pour la petite enfance en Ontario, nous demandons au premier ministre de donner à la ministre déléguée au dossier de l’Enfance un mandat doté du pouvoir et des ressources nécessaires pour accomplir ce qui suit :

■ Créer des groupes d’étude qui rendront compte à la ministre du cadre du programme pour la petite enfance pour tous les enfants ontariens de zéro à six ans, conformément aux termes d’une loi provinciale intégrée et de dispositions spéciales pour le financement, et dont la mise en œuvre à l’échelle locale devra être guidée par un certain nombre de principes communs.

■ Nommer un sous-ministre chargé de soutenir les initiatives du ministre à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement afin d’établir le cadre.

■ Faire le pont avec le gouvernement fédéral par le biais du processus du Programme d’action nationale pour les enfants afin d’intégrer les efforts des deux paliers du gouvernement au sein du cadre provincial.

168 Étude sur la petite enfance

■ Faire le lien avec les administrations municipales qui assument de lourdes responsabilités

financières ou administratives à l’égard des services de garde d’enfants, des soins prénatals, du programme Bébés en santé / Enfants en santé, des centres de ressources familiales, des terrains de jeux et des programmes récréatifs pour les enfants.

■ Établir le processus permettant de fixer les normes à suivre et de déterminer le mode d’administration, de suivi et de mise en œuvre des programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental.

■ S’assurer d’avoir des mesures adéquates d’évaluation des résultats.

■ Faciliter la mise sur pied de ressources communautaires pour l’établissement de centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental.

Indicateur de performance : Un continuum intégré de centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental desservant tous les enfants de l’Ontario devra avoir été mis sur pied en l’espace de cinq ans (d’ici la fin de l’année 2004).

Raison d’être : En raison de l’importance fondamentale des premières années pour la compétence et la capacité d’adaptation de chacun, et parce que plusieurs ministères ont une incidence sur la vie des tout-petits, le développement des jeunes enfants doit avoir au sein du gouvernement des défenseurs aussi ardents que l’économie, la santé, l’éducation et l’environnement. D’après nous, la mise sur pied d’un système d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental ne peut se faire que graduellement. Il faut absolument profiter des structures qui existent déjà et qui donnent de bons résultats dans les collectivités et soutenir l’expansion des actions communautaires, en attendant de régler tous les aspects de l’autorité provinciale et locale pour la gestion du système avec toutes les parties intéressées. À l’heure actuelle, l’Ontario se caractérise par un imbroglio de services. Pour certains parents, ils sont excellents, alors que pour d’autres, il n’y a rien de disponible ou d’abordable. Il faut veiller à offrir un niveau acceptable de service d’un bout à l’autre de la province. L’intégration des lois et l’affectation de fonds adéquats, sous le leadership de la province, permettront de surmonter les grands obstacles à la coopération qui existent à l’échelle des collectivités. Nous ne recommandons pas l’uniformisation de tous les programmes de la province, mais il faut créer un parapluie sous lequel on pourra regrouper les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental afin de surmonter les obstacles représentés notamment par les différentes compétences qui entrent en jeu. Dans l’intérêt des enfants, il faudrait, par exemple, éliminer plusieurs entraves de nature interministérielle et intergouvernementale. La création de centres de la petite enfance exigera l’affectation de nouvelles ressources. Si la province veut vraiment placer les premières années de la vie parmi ses grandes priorités et faire en sorte que l’éducation à la petite enfance attire des réinvestissements, il faut mettre sur pied un nouveau système, de concert avec les collectivités et avec le secteur privé. Cela ne se fera pas en un an, mais à l’issue d’une période raisonnable et planifiée.

Étude sur la petite enfance 169

L’emplacement des programmes dépendra probablement des ressources et de la situation particulière de chaque collectivité. Les écoles constituent un emplacement évident, mais on pourra également situer des centres de la petite enfance dans des centres communautaires, des installations de loisirs, des lieux du culte, des locaux d’entreprises, etc. Les régions rurales et isolées devront peut-être prendre des dispositions spéciales pour le transport. Certains aspects du programme pourront être mis en œuvre par le biais de centres de la petite enfance placés directement dans le domicile de prestataires de services; ceux-ci sont alors reliés à un centre d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental (selon le modèle du rayonnement à partir d’un centre). On peut également former un réseau mobile de prestation de services comprenant des visites au domicile des familles.

RECOMMANDATION NO 3

Étant donné qu’une certaine forme d’autorité locale sera nécessaire pour administrer le programme intégré d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental dans les collectivités, et puisqu’il faut prévoir une participation de tous les paliers du gouvernement et du secteur privé, la ministre déléguée au dossier de l’Enfance doit, avec l’aide et les conseils des groupes de travail, comparer les aptitudes respectives des paliers supérieurs du gouvernement municipal, des conseils scolaires et d’autres organismes à devenir éventuellement des chefs de file locaux. L’objectif serait d’identifier, dans chaque collectivité, une organisation qui sera chargée de la coordination locale, de l’acquisition de services et de la formation de partenariats.

Indicateur de performance : D’ici l’an 2000, il faudra avoir identifié de telles organisations dans certaines collectivités.

Raison d’être : Dans une province aussi vaste et diversifiée que l’Ontario, aucun ministère ne sera en mesure de gérer les centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental à partir de Queen’s Park. Il faut prévoir une forme d’organisation locale.

RECOMMANDATION NO 4

Compte tenu du besoin d’éliminer les obstacles qui se dressent entre la petite enfance et le réseau des écoles publiques et du fait que les locaux des écoles jouent un rôle important à titre de ressources publiques dans les collectivités, étant d’un accès facile pour de nombreuses familles et constituant un endroit idéal pour installer un centre de la petite enfance, nous invitons le gouvernement, les conseils scolaires et les collectivités à entreprendre les démarches suivantes :

■ Préserver la disponibilité des locaux d’écoles qui se prêtent à l’établissement d’un centre.

■ Constituer des politiques et un soutien permettant de mettre les locaux d’écoles à la disposition des collectivités afin que parents et enfants puissent utiliser les installations déjà construites aux frais des contribuables, et ce, pour que les centres de la petite enfance puissent fonctionner de jour, en soirée et pendant les fins de semaine.

170 Étude sur la petite enfance

■ Créer des incitatifs en vue d’encourager l’installation de centres dans les locaux d’écoles, qui constituent l’un des emplacements communautaires se prêtant à la mise sur pied de ces programmes.

Indicateur de performance : Les démarches doivent être entreprises dès que possible car certains des changements apportés au système éducatif risquent d’entraîner la disparition des centres de la petite enfance dans les établissements d’enseignement et d’empêcher l’ouverture de nouveaux centres dans les locaux des écoles.

Raison d’être : Il faut absolument éviter que la prise de décisions à court terme entrave la mise sur pied à plus long terme d’un réseau de centres de la petite enfance et interdise l’intégration de ces programmes au système scolaire. D’après les dires de nombreux intervenants, les écoles constituent une ressource importante pour les quartiers. Les écoles sont plus que des endroits où les enfants vont étudier pendant la journée. Ce sont aussi des ressources publiques dotées de terrains de jeu, de bibliothèques, de gymnases et de piscines dont les contribuables ont payé la construction. Les écoles offrent des ressources d’une grande richesse pour les programmes d’éducation à la petite enfance que nous considérons comme essentiels à l’avenir de l’Ontario. Elles doivent être accessibles aux familles en soirée et les fins de semaine. La notion d’école communautaire n’a rien de nouveau, mais on n’en parle plus guère. Il faut mobiliser des ressources afin de soutenir l’utilisation des locaux scolaires pour des centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental en dehors des heures de classe afin de répondre aux besoins des parents, notamment ceux qui effectuent du travail par quarts.

RECOMMANDATION NO 5

Étant donné que le jardin d’enfants (enfants de cinq ans) constitue à l’heure actuelle le seul programme universel offert à tous les enfants de l’Ontario avant l’âge de six ans, et compte tenu de son importance dans le cadre de notre projet de programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, nous demandons au gouvernement et aux conseils scolaires de mener les actions suivantes :

■ Continuer à financer et à soutenir les programmes de jardin d’enfants à temps plein et à temps partiel, et élaborer des stratégies de concert avec les collectivités afin que le jardin d’enfants soit intégré le plus rapidement possible au cadre des centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental.

Indicateur de performance : En 1999, les autorités devraient s’engager à continuer de financer et de soutenir les jardins d’enfants avant que les conseils scolaires ne ferment des classes faute de fonds.

■ S’assurer que la Subvention pour l’apprentissage durant les premières années d’études (pour les enfants qui ne vont pas au jardin d’enfants) soit affectée uniquement à des programmes destinés aux enfants de zéro à six ans et non à toutes les années du primaire.

Indicateur de performance : Les politiques touchant cette subvention doivent être explicitées dès que possible, afin que l’Ontario puisse maintenir, amplifier et créer des centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental dans les collectivités.

■ Travailler avec l’organisme communautaire responsable d’élaborer et de mettre en œuvre les centres de la petite enfance afin d’intégrer à ceux-ci les programmes de jardin d’enfants qui existent déjà.

Étude sur la petite enfance 171

Indicateur de performance : Les démarches visant à atteindre cet objectif doivent être entreprises en l’an 2000.

Raison d’être : Pour édifier un continuum de soutiens pour le développement des jeunes enfants, il faut éviter de perdre les ressources qui existent déjà et qui sous-tendront l’évolution future. Certaines personnes (surtout les représentants de l’enseignement en français) craignent que les écoles maternelles (enfants de quatre ans) ne soient fermées par les conseils scolaires, et que certains programmes de journée complète ne soient plus offerts qu’à la demi-journée en raison de l’insuffisance du financement. Les programmes à temps partiel présentent des difficultés pour les enfants et leurs parents, qui doivent jongler avec différentes solutions, sauf lorsque l’école offre d’autres programmes d’éducation à la petite enfance. D’aucuns craignent aussi que la Subvention pour l’apprentissage durant les premières années d’études ne soit affectée à l’enseignement primaire au lieu du développement des tout-petits. Ces recommandations ne signifient pas que le ministère de l’Éducation et de la Formation doit se charger de l’établissement de centres de la petite enfance pendant la période de transition. Elles visent à assurer que les ressources financées par le secteur public demeurent dans les collectivités, où elles contribueront à la constitution d’une gamme complète de centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental. Nous sommes d’accord avec les inquiétudes exprimées au sujet du nouveau programme de jardins d’enfants : dans certains cas, il est trop fortement orienté sur l’enseignement didactique et pas assez sur l’apprentissage par la résolution ludique de problèmes. À notre avis, il est grand temps de renforcer la synergie entre les initiatives d’éducation à la petite enfance et l’école primaire.

RECOMMANDATION NO 6

Des démarches doivent être entreprises en vue de s’assurer que les éducateurs soient tenus au courant des progrès des connaissances relatives au développement et à l’apprentissage durant la petite enfance, et que de nouveaux programmes de formation soient élaborés en tenant compte de ces nouvelles connaissances :

■ Le gouvernement, en collaboration avec l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, les facultés d’éducation et les programmes d’éducation de la petite enfance des collèges d’arts appliqués et de technologie de l’Ontario, doit prendre des mesures visant à s’assurer que la formation des enseignants et des éducateurs leur transmette le nouveau savoir dérivé des recherches neuroscientifiques et des études sur le développement de la petite enfance et l’apprentissage au cours des premières années.

■ Les établissements postsecondaires doivent mettre au point des accords de jonction entre les facultés d’éducation (où sont formés les enseignants) et les collèges d’arts appliqués et de technologie (les éducateurs) et élaborer de nouveaux programmes de formation visant le développement des jeunes enfants qui tissent des liens entre ces deux professions.

■ Le gouvernement doit envisager la formation d’un groupe de travail chargé d’émettre des conseils sur la réalisation de ces liens entre les professions.

172 Étude sur la petite enfance

■ Les établissements d’enseignement postsecondaire doivent se charger d’intégrer l’information

clé sur le développement humain, le cerveau et la petite enfance aux sciences sociales, c’est-à-dire l’économie, les sciences de la vie, les études en administration et les programmes de formation professionnelle (ingénierie, médecine, soins infirmiers, programmes concernant les loisirs).

■ Les organismes professionnels qui offrent la formation sur place aux enseignants, aux éducateurs et à d’autres personnes s’occupant de jeunes enfants doivent élaborer des programmes visant à informer leurs membres.

Indicateur de performance : Des démarches doivent être entreprises en 1999 pour mettre au point des trousses d’information, des programmes de formation et des accords de jonction. Des changements doivent pouvoir être constatés d’ici trois ans.

Raison d’être : Au cours de nos entretiens avec de nombreux groupes, il est clairement apparu que les professionnels n’ont souvent qu’une vague idée de l’importance des jeunes années pour le développement du cerveau et pour l’apprentissage dans le système scolaire. Certaines facultés d’éducation ont pris des mesures pour élaborer des programmes adéquats sur le développement des jeunes enfants aux fins de la formation des enseignants. À plus long terme, il est important d’offrir aux enseignants et aux éducateurs la possibilité de recevoir une formation croisée afin de faciliter le passage des enfants d’un stade à l’autre dans le continuum du développement. Bien des professionnels (y compris des médecins et des éducateurs) ne sont pas informés des dernières connaissances acquises sur le développement du cerveau et ses effets sur l’apprentissage, le comportement et la santé. Ils recommandent la patience aux parents, laissant parfois passer la chance d’aider l’enfant pendant une période critique de son développement. Les médecins de famille, les pédiatres et le personnel infirmier des dispensaires sont en parfaite position pour informer les femmes enceintes et les jeunes familles sur les centres de la petite enfance et pour leur expliquer pourquoi le développement durant la petite enfance est si important.

RECOMMANDATION NO 7

Il faut assurer la diffusion générale du savoir sur le développement humain :

■ Le gouvernement, de concert avec les enseignants du primaire, du secondaire et du postsecondaire, doit élaborer un programme d’études sur le développement humain au sein d’un vaste contexte socio-économique, et introduire ce programme dans les établissements d’enseignement secondaire et postsecondaire.

Indicateur de performance : Fixer un échéancier de cinq ans pour que ce nouveau savoir au sujet des jeunes années et du développement soit intégré au système d’éducation.

Étude sur la petite enfance 173

Raison d’être : Les connaissances relatives au développement des êtres humains doivent faire partie des connaissances de base détenues par toute personne qui passe par le système scolaire. En intégrant le développement humain au programme d’études, on fait prendre conscience aux jeunes

de l’importance du développement durant la petite enfance et de ses conséquences dans leur futur rôle de parents. Cela pourrait également favoriser une société mieux informée.

RECOMMANDATION NO 8

Pour améliorer le soutien au rôle parental, le gouvernement de l’Ontario peut entreprendre les démarches suivantes :

■ Négocier avec le gouvernement fédéral afin d’éliminer la période d’attente de deux semaines avant le versement de prestations d’assurance-emploi aux femmes qui prennent un congé de maternité.

■ Négocier avec le gouvernement fédéral en vue de faire passer de 25 semaines à un an la durée maximale du versement des prestations de congé de maternité et de congé parental.

■ Faire passer à un an la protection légale de l’emploi des personnes qui prennent un congé de maternité ou un congé parental, et garantir cinq jours de congé pour obligations familiales par année conformément à la Loi sur les normes d’emploi de l’Ontario.

■ Verser des prestations de congé de maternité supplémentaires aux familles à faible revenu.

Indicateur de performance : Fixer un échéancier de cinq ans pour la mise en œuvre.

■ Étudier l’impact.

Raison d’être : Certaines mères veulent rester à la maison après la fin de leur congé de maternité, mais cela leur est financièrement impossible. Les parents qui ont cotisé à la caisse de l’assurance-emploi devraient recevoir des prestations quand ils en ont besoin. Ce sont particulièrement les parents dont le revenu est faible qui trouvent pénible la période d’attente de deux semaines. Certaines personnes ne peuvent pas se permettre de prendre un congé de maternité car les prestations, calculées selon un pourcentage du revenu gagné, sont trop faibles. En augmentant les prestations de congé de maternité et de congé parental, on accroît les chances que la mère reste à la maison plus longtemps après la naissance du bébé. Malheureusement, toute amélioration des dispositions de l’assurance-emploi ne profitera qu’à une minorité des parents qui sont sur le marché du travail. Il faut également prévoir des stratégies pour soutenir les parents qui ne sont pas admissibles aux prestations d’assurance-emploi. D’autre part, le congé pour obligations familiales constitue une protection importante pour les parents qui détiennent un emploi.

RECOMMANDATION NO 9

Le gouvernement ontarien doit prévoir d’autres incitatifs en vue d’encourager la participation des secteurs public et privé aux centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental partout en Ontario, en restant sensibles aux besoins des jeunes familles et des lieux de travail. D’autres éléments sont à considérer :

174 Étude sur la petite enfance

■ Outre le crédit d’impôt actuel pour les frais d’immobilisations, créer un autre crédit pour les

entreprises (grandes ou petites) qui apportent des ressources aux mesures soutenant la famille et aux centres de la petite enfance destinés à leurs employés et à la collectivité.

Indicateur de performance : Inclusion de ce projet dans le budget de l’an 2000.

■ Mettre en place des incitatifs pour encourager les lieux de travail tenant compte de la vie de famille.

Indicateur de performance : Inclusion de ce projet dans le budget de l’an 2000.

■ Créer un fonds enregistré de placement pour l’entrepreneuriat social visant les actions communautaires mises en place pour construire des centres d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental à l’échelon local.

Indicateur de performance : Inclusion de ce projet dans le budget de l’an 2000.

■ Demander au gouvernement fédéral d’examiner si l’impôt sur le revenu est favorable aux parents.

Indicateur de performance : À réaliser en l’an 2000.

Raison d’être : Les incitatifs qui encouragent la collaboration et la constitution de partenariats entre les entreprises et la collectivité peuvent aider à faire bien connaître l’importance du développement durant la petite enfance et améliorer la confiance et la cohésion sociales tout en dotant les programmes visant la petite enfance de ressources supplémentaires. Vu le nombre croissant de femmes sur le marché du travail, les programmes d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental doivent bénéficier de la compréhension et, dans la mesure du possible, du soutien des entreprises.

RECOMMANDATION NO 10

La province doit prendre des mesures pour contrôler l’efficacité des actions d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental :

■ En consultation avec les collectivités, introduire des paramètres d’évaluation de la capacité d’apprentissage chez les enfants qui commencent la première année, afin de savoir, d’une collectivité à l’autre, si les enfants fonctionnent au mieux de leurs capacités.

Indicateur de performance : En 1999, mettre en œuvre la première étape dans quelques collectivités sélectionnées.

■ Mettre au point une fonction provinciale d’évaluation et de contrôle des dossiers administratifs existants et de la capacité d’apprentissage afin de suivre le développement humain et la santé des personnes pendant toute leur vie.

Indicateur de performance : Réalisation en l’espace de trois ans.

Étude sur la petite enfance 175

Raison d’être : L’évaluation de la capacité d’apprentissage fait déjà l’objet d’un projet pilote en Ontario. Il nous permettra de savoir comment fonctionnent certains groupes d’enfants et de connaître les résultats des programmes d’éducation à la petite enfance. Il faut insister sur le fait que l’évaluation de la capacité d’apprentissage n’est pas censée étiqueter ou identifier des enfants en particulier. Elle ne sert qu’à évaluer la population tout entière. Grâce à elle, les collectivités pourront se faire une idée de l’efficacité de leurs programmes d’éducation à la petite enfance. Elle leur permettra de savoir dans quelle mesure elles bénéficieraient du renforcement des ressources en matière d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental, et quelles collectivités sont engagées dans la bonne voie.

■ La capacité de mesure provinciale permettra à l’Ontario d’évaluer les indicateurs de développement de l’enfance, de la santé et de la société à l’échelle de la population du début à la fin de la vie. Le poids à la naissance et le taux d’immunisation à deux ans constituent des exemples de données pouvant être intégrées au système d’évaluation.

RECOMMANDATION NO 11

Pour encourager le soutien non partisan en faveur de l’éducation à la petite enfance et savoir si celle-ci est de venue une véritable priorité, nous demandons instamment au premier ministre de faire ce qui suit :

■ Demander le soutien de tous les partis de l’Assemblée législative en vue d’attribuer une priorité élevée à l’éducation à la petite enfance et de mettre celle-ci aux tout premiers rangs dans l’affectation des ressources provinciales

■ Demander au comité consultatif sur la petite enfance de se réunir de nouveau en l’an 2000 afin d’évaluer le chemin parcouru par l’Ontario dans la mise en œuvre de ces recommandations.

Indicateur de performance : Obtenir l’assentiment de tous les partis en 1999. Demander au comité consultatif de préparer un rapport en l’an 2000.

Raison d’être : Il arrive trop souvent que les partis politiques rejettent une action pour la seule raison qu’elle émane d’un autre parti. Nous voulons éviter que le projet d’éducation à la petite enfance et de formation au rôle parental n’aboutisse à rien à cause des sensibilités partisanes. Nous tenons également à assurer le suivi de nos recommandations.

CONCLUSION Nos recommandations reflètent ces orientations et essaient d’amener l’Ontario à adopter une vision globale de l’éducation à la petite enfance et de la formation au rôle parental. Nous sommes d’accord avec les conclusions de la Banque mondiale :

« Puisque l’apprentissage commence dès la naissance et même avant, le point de départ de la participation des familles dans les programmes d’éducation à la petite enfance doit se situer au plus jeune âge possible… Le manque de connaissances et de compréhension au sujet des programmes n’est plus la contrainte qui entrave le développement des jeunes enfants, mais la conversion de ce savoir en action est encore problématique : elle exige le soutien combiné des

176 Étude sur la petite enfance

gouvernements, des organismes non gouvernementaux, du secteur privé et des médias. Prendre soin des plus jeunes membres de la société n’est pas un défi que seuls un pays ou un continent doivent relever; il est lancé au monde tout entier. »153

Nous disposons du nouveau savoir. Nous disposons de modèles communautaires. Il ne nous manque que le leadership et l’engagement. Voici venu le moment d’agir.

Étude sur la petite enfance 177

Étude sur la petite enfance

RÉFÉRENCES 1. Rakic, P. Development of the cerebral cortex in human and nonhuman primates, In M. Lew is

(dir.), Child and Adult Psychiatry. A Comprehensive Textbook, 2e édition, Williams et Wilkins, 1996, p. 9-30.

2. Shore, R. Rethinking the Brain New York, Families and Work Institute, 1997, p. 20. 3. Shore, R., 1997, p.18. 4. Hubel, D. The visual cortex of the brain Scientific American, décembre 1963, cité dans

McEwen, B. et Schmeck, H., The Hostage Brain, The Rockefeller University Press, 1994. 5. Wiesel, T.N. et Hubel, D.H. Single cell response in striate cortex of kittens deprived of vision

in one eye, Journal of Neurophysiology, no 26, 1963, p. 1003-1017. 6. Wiesel, T. Postnatal development of the visual cortex and the influence of environment.

Nature, no 299, 1982, p. 583-592, cité dans McEwen, B. et Schmeck, H., The Hostage Brain, The Rockefeller University Press, 1994.

7. McEwen, B. et Schmeck, H. The Hostage Brain. The Rockefeller University Press, 1994. 8. Perry, B. Memories in fears : How the brain stores and retrieves physiologic states, feelings,

behaviors and thoughts from traumatic events, In J. Goodwin et R. Attias (dir.), Images of the Body in Trama, Basic Books, 1997.

9. Brunjes, P.C. Unilateral naris closure and olfactory system development, Brain Research Reviews, no 19, 1994, p. 146-160.

10. Cynader, M. et Frost, B. Mechanisms of brain development : Neuronal sculpting by the physical and social environment, In D. Keating et C. Hertzman (dir.), Developmental Health and The Wealth of Nations, 1999, p. 153-184.

11. Doherty, G. De la conception à six ans : les fondements de la préparation à l’école, Direction générale de la recherche appliquée, R-97-8E, Ottawa, Développement des ressources humaines Canada, 1997.

12. McEwen, B. Protective and Damaging Effects of Stress Mediators. New England Journal of Medicine Vol. 338, no 3, 1998, 171-179

13. Meaney, M., Aitken, D., Berkel, C., Bhatnagar, S. et Sapolsky, R. Effect of neonatal handling on age-related impairments associated with the hippocampus, Science, vol. 239, 1998, p. 766-768.

14. Francis, D., Diorio, J., Paplante, P., Weaver, S. Seckl, J. et Meaney, M. The role of early environmental events in regulating neuroendocrine development, Annals of the New York Academy of Sciences, no 794, 20 sept. 1996, p. 136-152.

15. Liu, D., Diorio, J., Tannenbaum, B., Caldji, C., Francis, D., Freedman, A., Sharma, S., Pearson, D., Plotsky, et Meaney, J. Maternal care, hippocampal glucocorticoid receptors, and hypothalamic-pituitaryadrenal responses to stress, Science, vol. 277, 12 septembre 1997, p. 1659-1662.

16. Cynader, M. et Frost, B. 1999, p. 183. 17. Gunner, M.R. Stress physiology, health and behavioral development, In A. Thornton (dir.), The

well being of children and families : Research and data needs, Institute for Social Research Report, Université du Michigan, 1998.

18. Diamond, M. Extensive cortical depth measurements and neuron size increases in the cortex of

environmentally enriched rats. Journal of Comparative Neurology, no 131, 1967, p. 357-364.

19. Chiriboga, C., Brust, J., Bateman, D. et Hauser, W.A. Dose-response effect of fetal cocaine exposure on newborn neurologic function. Pediatrics, no 103, 1999, p. 79-85.

20. Arendt, R., Angelopoulos, J., Salvator, A. et Singer, L. Motor development of cocaine-exposed children at age two years. Pediatrics, no 103, 1999, p. 86-92.

21. Mayes, L., Bornstein, M., Chawarska, M.A., et Granger, R., Information Processing and Developmental Assessments in 3-Month-Old Infants Exposed Prenatally to Cocaine. Pediatrics, vol. 95, no 4, avril 1993, p. 539-545.

22. McEwen, B. et Schmeck, H. 1994, p. 187. 23. Perry, B. Neurodevelopmental adaptations to violence : How children survive the

intragenerational vortex of violence, In Violence and Childhood Trauma: Understanding and Responding to the Effects of Violence on Young Children, Cleveland, Gund Foundation, 1996.

24. Perry, B., Incubated in terror : Neurodevelopmental factors in the cycle of violence, In J.D. Osovsky (dir.), Children, Youth and Violence:Searching for Solutions, New York, Guilford Press, 1996.

25. Tremblay, R. (1999) When children’s social development fails, In D. Keating et C. Hertzman (dir.), Developmental Health and The Wealth of Nations, New York, Guilford Press, 1999.

26. Tremblay, R., Pihl, R., Vitaro, F. et Dobkin, P. Predicting early onset of male antisocial behavior from preschool behavior. Archives of General Psychiatry, no 51, 1994, p. 732-739.

27. Rutter, M., Giller, H., et Hagell, A. AntisocialBehaviour by Young People.Cambridge, Cambridge University Press, 1998.

28. Rutter, M. et al, 1998, p. 307. 29. Haapasalo, J., Tremblay, R., Boulerice, B. et Vitaro, F. Predicting preadolescence delinquency,

social withdrawal and school placement from kindergarten behavior : Person and variable approaches. Sous presse.

30. Tremblay, R., Kurtz, L., Masse, L.C., Vitaro, F. et Phil, R.O. A bimodal preventive intervention for disruptive kindergarten boys : Its impact through mid-adolescence. Journal of Consulting and Clinical Psychology, vol. 63, no 4, 1995, p. 560-568.

31. Stattin, H. et Klackenerg-Larson, I. Early Language and Intelligence Development and Their Relationship to Future Criminal Behaviour. Journal of Abnormal Psychology, vol. 102, no 3, 1993, p. 369-378.

32. Power, C. et Hertzman, C. Social and biological pathways linking early life and adult disease. British Medical Bulletin, vol. 53, no 1, 1997, p. 210-221.

33. Maughan, B. et McCarthy, G. Childhood adversities and psychosocial disorders. British Medical Bulletin, vol. 53, no 1, 1997, p. 156-169.

34. National Institute of Child Health and Human Development. The NICHD Study of Early Child Care, 1997.

35. Doherty, G. The Great Child Care Debate : The Long-Term Effects of Non-parental Child Care, monographie no 7, Toronto, The Childcare Resource and Research Unit, Centre for Urban and Community Studies, Université de Toronto, 1996.

Étude sur la petite enfance

36. Carlson, M. et Felton, E. Psychological and neuroendocrinological sequelae of early social

deprivation in institutionalized children in Romania, In Integrative Neurobiology of Affiliation, Annals of the New York Academy of Science, sous presse.

37. Spitz, R. Hospitalism : An inquiry into the genesis of psychiatric conditions in early childhood. Psychoanalytical Study Child, no 2, 1945, p. 53-74, cité dans Kandel, E. et Jessell, T., Early experience and the fine tuning of synaptic connections (1991), In E. Kandel, J. Schwa rtz, et T. Jessell, Principles of Neural Science, troisième édition, New York, Elsevier Science Publishing Co., Inc., 1991.

38. Frank, D., Perri, E.K., Earls, F. et Eisenberg, L., Infants and young children in orphanages : One view from pediatrics and child psychiatry. Pediatrics, no 97, 1996, p. 569-578.

39. Ames, E. et al. The Development of Romanian Orphanage Children Adopted to Canada. Rapport final. Burnaby, Université Simon Fraser, 1997.

40. Werner, E. et Smith, R. Overcoming the Odds: High Risk Children from Birth to Adulthood. Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1992.

41. Carnegie Corporation of New York. Starting Points : Meeting the Needs of Our Youngest Children E. New York, 1994. p.7-8

42. Cynader M. et Frost, B. 1999, p. 166 43. Central West Planning Information Network. The Mandatory Health Programs and Services in

Ontario : Overview of the Research Literature on the Effectiveness of Public Health Interventions. Hamilton, 1998.

44. da Silva, O. (1995) Prévention de l’hypotrophie néonatale et de la prématurité. Guide canadien de médecine clinique préventive. Groupe d’étude canadien sur l’examen médical périodique, Ottawa, Santé Canada, 1994, p. 38-50.

45. Mustard, C., et Roos, N. The relationship of prenatal care and pregnancy complications to birthweight in Winnipeg, Canada. American Journal of Public Health, vol. 84, no 9, septembre 1994, p. 1450-1457.

46. Barker, D. Mothers, Babies and Health in Later Life, Edinburgh, Churchill Livingstone, 1998, cité dans D. Acheson, Inequalities in Health, Londres, The Stationary Office, 1998.

47. Newman, J. How breast milk protects new borns. Scientific American, décembre 1995, p. 76-79.

48. American Academy of Pediatrics Work Group on Breastfeeding. Breastfeeding and the use of human milk. Pediatrics, no 100, 1997, p. 1035-1036.

49. Morley, R. et Lucas, A. Nutrition and cognitive development. British Medical Bulletin, vol. 53, no 1, 1997, p. 156-169.

50. Lucas, A., Morley, R. et Cole, T.J. Randomised trial of early diet in preterm babies and later intelligence quotient. British Medical Journal, no 317, novembre 1998, p. 1481-1487.

51. Centre de statistiques internationales. A Profile of Children in Ontario, Ottawa, 1998. 52. Grantham-McGregor, S.M., Powell, C.A., Walker, S.P. et Himes, J.H. Nutritional

supplementation, psychosocial stimulation, and mental development of stunted children : the Jamaican Study. Lancet, no 338, 1991, p. 1-5.

53. Tessier, R., Cristo, M., Velez, S., Charpak, N. et de Calume, Z.F. Kangaroo mother care: Impact on mother-infant sensitivity and infant mental development. Accepté en février 1998 pour parution dans Pediatrics.

54. Acheson, D. Independent Inquiry into Inequalities in Health Report. Londres, The Stationary Office, novembre 1998, p. 9.

Étude sur la petite enfance

55. Barker, D. Fetal and Infant Origins of Adult Disease. Londres, British Medical Journal, 1992. 56. Barker, D. Fetal nutrition and cardiovascular disease in later life. British Medical Bulletin,

vol. 53, no 1, 1997, p. 96-108. 57. Power, C. et Hertzman, C. Health, well-being and coping skills, In D. Keating et C. Hertzman

(dir.), Developmental Health and The Wealth of Nations, New York, Guilford Press, à paraître en 1999, p. 41-54.

58. Campbell, F. et Ramey, C. (1994) Effects of early intervention on intellectual and academic achievement : A follow-up study of children from low-income families. Child Development, no 65, 1994, p. 684-698.

59. Wasek, B. Ramey, C. Bryant, D., et al. A longitudinal study of two early intervention strategies : Project CARE. Child Development, vol. 61, 1990, p. 1682-1696.

60. Schweinhart, L., Barnes, H. et Weikart, D. Significant Benefits : The High/Scope Perry Preschool Study Through Age 27. Monographies no 10, High Scope Educational Research Foundation, 1993.

61. Tremblay, R.E., et Craig, W., Developmental crime prevention, In M. Tonry et D.P. Farrington (dir.), Building a Safer Society : Strategic Approaches to Crime Prevention, vol. 19, Chicago, The University of Chicago Press, 1995, p. 151-236.

62. Osburn, A. F., et Milbank, J.E. The Effects of Early Education : A Report from the Child Health and Education Study. Oxford, Clarendon Press, 1987.

63. Osburn et Milbank. 1987, p. 213. 64. Andersson, B. Effects of day-care on cognitive and socioemotional competence of thirteen-

year-old Swedish schoolchildren. Child Development, no 63, 1992, p. 20-36. 65. Currie, J., et Thomas, D., (1994) Does Head Start Make a Difference? American Economics

Review, no 8593, 1994, p. 34-64. 66. Lee, V., Brooks-Gunn, J., Schnur, E. et Liaw, F. Are Head Start effects sustained? A

longitudinal follow-up comparison of disadvantaged children attending Head Start, no preschool, and other preschool programs. Child Development, no 61, 1990, p. 495-507.

67. Griffin, S., Case, R. et Siegler, R. Rightstart : Providing the central conceptual prerequisites for first formal learning of arithmetic to students at risk for school failure, In K. McGilly (dir.), Classroom Lessons : Integrating Cognitive Theory and Classroom Practice, MIT Press, Bradford Books, 1994.

68. Case, R., Griffin, S. et Kelly. Socioeconomic gradients in mathematical ability and their responsiveness to intervention during early childhood, In D. Keating et C. Hertzman (dir.), Developmental Health and The Wealth of Nations, 1999, p. 125-149, cité dans Case, R. et Mueller, M., Differentiation, Integration, and Covariance Mapping as Fundamental Processes in Cognitive and Neurological Growth, Toronto, Institute of Child Study, Université de Toronto, 1999.

69. Griffin, S. et Case, R. Rethinking the primary school math curriculum : An approach based on cognitive science. Issues in Education, no 3, 1997, p. 1-65, cité dans Case, R. et Mueller, M., Differentiation, Integration, and Covariance Mapping as Fundamental Processes in Cognitive and Neurological Growth, Toronto, Institute of Child Study, Université de Toronto, 1999.

70. Case, R. et Mueller, M. Differentiation, Integration, and Covariance Mapping as Fundamental Processes in Cognitive and Neurological Growth, Toronto, Institute of Child Study, Université de Toronto, 1999, p. 21.

Étude sur la petite enfance

71. Bergmann, B. Saving Our Children From Poverty : What the United States Can Learn From

France. New York, Russell Sage Foundation, 1996. 72. Ministère de l’Éducation nationale. Durée de l’enseignement préscolaire et déroulement de la

scolarité ultérieure, premiers résultats du panel 80, In Note d’information 82-09 du service des Études informatiques et statistiques, Paris, cité dans Bergmann, B., Saving Our Children From Poverty : What the United States Can Learn From France, New York, Russell Sage Foundation, 1996.

73. Acheson, D. Independant Inquiry into Inequalities in health Report. Londres, The Stationery Office, novembre 1998.

74. Zoritch, B. et Roberts, I. The health and welfare effects of day care for pre-school children : A systematic review of randomised controlled trials, In The Cochrane Database of Systematic Reviews (dir.), The Cochrane Library, no 2, Oxford, Update Software, 1998 (mise à jour trimestrielle).

75. Olds, D., Eckenrode, J., Henderson, C., Kitzman, H., Powers, J., Cole, R., Sidora, K., Morris, P., Pettitt, L. et Luckey, D. Long-term effects of home visitation on maternal life course and child abuse and neglect : Fifteen-year follow-up of a randomized trial. Journal of American Medical Association, vol. 278, no 8, 27 août 1997, p. 637-643.

76. Olds, D., Henderson, C., Cole, R., Eckenrode, J., Kitzman, H., Luckey, D., Pettitt, L., Sidora, K., Morris, P. et Powers, J. Long-term effects of nurse home visitation on children’s criminal and antisocial behavior. Journal of American Medical Association, vol. 260, no 14, 14 octobre 1998, p. 1238-1244.

77. Suomi, S. Early determinants of behaviour. British Medical Bulletin, vol. 53, no 1, 1997, p. 170-184.

78. McKeown, T. The Modern Rise of Population. New York, Academic Press, 1976, In J. Frank et J.F. Mustard, The determinants of health from a historical perspective Daedalus : Health and Wealth, Journal of the American Academy of Arts and Science, automne 1994, p. 1-20.

79. Fogel, R. Economic growth, population theory, and physiology : The bearing of long-term processes on the making of economic policy. Document de travail no 4638, Cambridge (Mass.), National Bureau of Economic Research, Inc., 1994.

80. Acheson, D. 1998, p. 9. 81. Sen, A. The economics of life and death. Scientific American, mai 1993, p. 40-47. 82. Das Gupta, P. An Inquiry into Well-Being and Destitution. Oxford, Clarendon Press, 1993. 83. Fogel, R. 1994, p. 26. 84a. Helpman, E. General Purpose Technologies and Economic Growth. Cambridge (Mass.), The

MIT Press, 1998. 84b. Fortin, P. and Helpman, E. Innovation endogène et croissance : Conséquences du point de vue

canadien. Document hors série no 10, Industrie Canada, 1995 85. Organisation de coopération et de développement économiques. Études économiques de

l’OCDE 1997-1998 : le Canada. Paris, OCDE, 1998. 86. Dahrendorf, R. A precarious balance: Economic opportunity, civil society, and political liberty.

The Responsive Community, vol. 5, no 3, été 1995 (sans numéro.) 87. Institut Vanier de la famille. From the Kitchen Table to the Boardroom Table Ottawa, 1998. 88. Ministère des Finances de l’Ontario. Données mises à la disposition de l’Étude sur la petite

enfance, 1998.

Étude sur la petite enfance

89. Picot, G. et Myles, J. Social Transfers, Changing Family Structure, and Low Income Among

Children, 11F0019MPE no 82, Documents de recherche, Direction des études analytiques, Ottawa, Statistique Canada, 1995.

90. Picot, G., et Myles, J. Low Income Intensity Among Canadian Children, 1980-1996, Ottawa, Statistique Canada. Sous presse.

91. Brink, S. et Zeesman, A. Measuring Social Well-Being : An Index of Social Health for Canada, R-97-9E, Ottawa, Direction des recherches appliquées, Développement des ressources humaines Canada, 1997.

92. Ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario. Données mises à la disposition de l’Étude sur la petite enfance, 1998.

93. Wolfson, M. et Murphy, B. New views on inequality trends in Canada and the United States", Monthly Labour Review, avril 1998, p. 3-23.

94. Economic growth: Explaining the mystery. The Economist, 4 janvier 1992, p. 15-18. 95. Institut Vanier de la famille. Les familles canadiennes. Ottawa, 1994. 96. Chao, R. et Willms, J. D. The effects of parenting practices on children’s outcomes (à paraître),

In J. D. Willms (dir.), Vulnerable Children, Edmonton, University of Alberta Press. 97. Cook, C. et Willms, J. D. Balancing Work and Family Life (à paraître), In J. D. Willms (dir.), 98. Vulnerable Children, Edmonton, University of Alberta Press. Réseaux canadiens de recherche

en politiques publiques (1996) cité dans Chao, R. et Willms, J. D., The effects of parenting practices on children’s outcomes (à paraître), In J. D. Willms (dir.), Vulnerable Children, Edmonton, University of Alberta Press.

99. Statistique Canada. Enquête sur les horaires et les conditions de travail (1995), microdonnées, cité dans Institut Vanier de la famille, From the Kitchen Table to the Boardroom Table, Ottawa, 1998.

100. Frederick, J. As time goes by … Time use of Canadians. Statistique Canada (1992), cat. 89-544E, fondé sur l’Enquête sociale générale, cité dans Institut Vanier de la famille, From the Kitchen Table to the Boardroom Table, Ottawa, 1998.

101. Institut Vanier de la famille, p. i et ii. 102. The Economist, 10 juillet 1998, p. 10. 103. Macintyre, S. Understanding the social patterning of health : the role of the social sciences.

Journal of Public Health Medicine, vol. 16, no 1, 1994, p. 53-59. 104. Roos, N. et Mustard, C. Variation in health and health care use by socioeconomic status in

Winnipeg, Canada : Does the system work well? Yes and no. The Millbank Quarterly : A Journal of Public Health and Health Care Policy, vol. 75, no 1, 1997.

105. Keating, D. et Hertzman, C. (dir.). Developmental Health and The Wealth of Nations, New York, Guildford Press, 1999.

106. Wilcox A.J. et Skjoerven, R. Birthweight and perinatal mortality. American Journal of Public Health, no 83, p. 378-382.

107. Ross, N. et Wolfson, M. Analyse des données du recensement de l’Ontario de 1991 et données de 1990 à 1992 sur les statistiques démographiques, 1999.

108. Willms, J. D. Analyse des données de 1994 de l’ELNEJ, 1999. 109. Développement des ressources humaines Canada et Statistique Canada. Grandir au Canada :

Étude longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes. Ottawa, Ministère de l’Industrie, 1996.

Étude sur la petite enfance

110. Willms, J.D., Indicators of mathematics achievement in Canadian elementary schools, In

Grandir au Canada : Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, Ottawa, Ministère de l’Industrie, 1996, p. 69-82.

111. Lapointe, A.E., Mead, N.A. et Phillips, G.W. A World of Differences: An International Assessment of Mathematics and Science, Princeton (New Jersey), Educational Testing Service, 1989.

112. Conseil des ministres de l’Éducation (Canada), Programme d’indicateurs du rendement scolaire, Toronto, CMEC, 1993.

113. Robitaille, D.F. et Garden, R.A. (dir.). The Study of Mathematics : Contexts and Outcomes of School Mathematics E. Elmsford (New York), Pergamon, 1989.

114. Ross, N., Wolfson, M. et EQAO. Analyse des résultats des examens de la troisième année et des données de recensement en Ontario, 1999.

115. Police provinciale de l’Ontario. Données mises à la disposition de l’Étude sur la petite enfance, 1999.

116. Willms, J. D. Quality and inequality in children’s literacy : The effects of families, schools and communities, In D. Keating et C. Hertzman (dir.), Developmental Health and The Wealth of Nations, 1999, p. 72-93.

117. Willms, J. D. Literacy Skills of Canadian Youth. Ottawa, Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada, 1997.

118. Case, R., Griffin, S. et Ke l ly. Socioeconomic gradients in mathematical ability and their responsiveness to intervention during early childhood, In D. Keating et C. Hertzman (dir.), Developmental Health and The Wealth of Nations, 1999, p. 126-149.

119. Fuchs, W. et Reklis, D. Mathematical Achievement in Eighth Grade : Interstate and Racial Differences, NBER. Document de travail no 4784, 1994.

120. Willms, J. D. (dir.). Vulnerable Children. Edmonton, University of Alberta Press, à paraître. 121. Offord, D., Boyle, M., Szatmari, P., Rae-Grant, N., Links, P., Cadman, D., Byles, J., Crawford,

J., Munroe-Blum, H., Bryne, C., Thomas, H. et Woodward, C.A. Ontario Child Health Study. Archives of General Psychiatry, no 44, 1987, p. 832-836.

122. Willms, J. D. Analyse non publiée de données de l’ELNEJ, 1999. 123. Kohen, D. et Hertzman, C. The importance of quality child care (à paraître), In J. D. Willms

(dir.), Vulnerable Children in Canada, Edmonton, University of Alberta Press. 124. Fellegi, I. Allocution prononcée dans le cadre de la conférence Investing in Children,

28 octobre 1998, Ottawa. 125. Baumrind, D. dans Chao, R. et Willms, J. D. The effects of parenting practices on children’s

outcomes, cité dans J. D. Willms (dir.), Vulnerable Children, Edmonton, University of Alberta Press.

126. Chao, R. et Willms, J.D. (à paraître). 127. Offord, D., Kraemer, H., Kazdin, A., Jensen, P. et Harrington, R. Lowering the burden of

suffereing from child psychiatric disorder : Trade-offs among clinical, targeted and universal interventions. Journal of American Academic Child and Adolescent Psychiatry, vol. 37, no 7, juillet 1998, p. 686-694.

128. Lipman, E., Offord, D., et Boyle, M. What if we could eliminate child poverty? The theoretical effect on child psychosocial morbidity. Social Psychiatry Epidemiology, no 31, 1995, p. 303-307.

Étude sur la petite enfance

129. Keating, D. et Hertzman, C. Modernity’ paradox, In D. Keating et C. Hertzman (dir.),

Developmental Health and The Wealth of Nations, 1999, p. 9-11. 130. Manitoba Centre for Health Policy and Evaluation. Guidelines for Researchers, 1991. 131. Smiths, H. Literacy is More Than Reading. Allocution prononcée devant l’Empire Club of

Canada par Sonja Smits, 27 janvier 1999, Toronto. 132. Perry, B. The Mismatch Between Opportunity and Investment, Chicago, CIVITAS Initiative,

1996. 133. National Center for Children in Poverty et Harvard Family Research Project. Starting Points :

Challenging the Quiet Crisis ", 1997, p. 44. 134. Knitzer, J., et Page, S. Map and Track : State Initiatives for Young Children and Families,

Édition 1998, NewYork, National Center for Children in Poverty, 1998. 135. Oberhuemer, P. et Ulich, M. Working with Young Children in Europe. Londres, Paul Chapman

Publishing, Ltd., 1997. 136. Young, M. Early Child Development: Investing in our Children’s Future. New York, Elsevier,

1997. 137. Bellamy, C. La situation des enfants dans le monde 1999. New York, Fonds des Nations Unies

pour l’enfance, 1999. 138. Institut Vanier de la famille. 1998, p. 31. 139. Ekos Research Associates Inc. Public Views on Child Care in Ontario : Final Report. Toronto,

auteur, 1998. 140. School for Social Entrepreneurs in London. Brochure de renseignements, 1998. 141. Beach, J. S. Work-related child care in context : A study of work-related child care in Canada.

Monographie no 3. Toronto, Childcare Resource and Research Unit, 1993. 142. Fortune, janvier 1999. 143. Lewin, R A.C.E.O. for Children. The New York Times Magazine, 3 janvier 1999, p. 23. 144. Invest in Kids. Allocution présentée dans le cadre de Linking Research to Practice, 25 octobre

1998, Banff (Alberta). 145. Lapierre, L. To Herald a Young Child : The Report of the Commission of Inquiry into the

Education of the Young Child. Toronto, Fédération des enseignants des écoles publiques de l’Ontario, 1979, p. 85.

146. Ministère de l’Éducation de l’Ontario. Rapport d’étude sur les premières années de formation. Toronto, 1985, p. 116.

147. Ministère des Services sociaux et communautaires. Les enfants d’abord. Toronto, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 1990, p. 147.

148. Conseil du premier ministre sur la santé, le bien-être et la justice sociale. Nos enfants et nos jeunes d’aujourd’hui : l’Ontario de demain. Toronto, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 1994, p. 49.

149. Commission royale sur l’éducation. Pour l’amour d’apprendre, Rapport de la Commission royale sur l’éducation – Une version abrégée. Toronto, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 1994, p. 67.

150. Kent, T. Social Policy 2000 : An Agenda, Ottawa. Caledon Institute of Social Policy, 1999, p. 20.

151. Putman, R. Making Democracy Work. Princeton, Princeton University Press, 1993. 152. South East Grey Community Outreach. Survive and Thrive : A Guidebook for Making

Community Development Meet Your Community’s Needs. Markdale, 1998. 153. Young, M. (dir.). Early Child Development : Investing in Our Children’s Future. New York,

Elsevier, 1997, p. 330.

Étude sur la petite enfance

Étude sur la petite enfance

Annexe I MEMBRES DU COMITÉ CONSULTATIF

Charles Coffey M. Coffey est vice-président directeur, Services aux entreprises, Banque Royale du Canada et président du conseil d’administration de la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs.

Janet F. Comis Mme Comis est chef de la direction du Conseil de planification sociale de Kingston et de la région, et elle dirige des projets de recherche portant sur les systèmes de prestation des services sociaux, les politiques sociales et de santé, l’organisation communautaire et la qualité de vie.

Julie Mary Desjardins Mme Desjardins est comptable agréée, spécialisée dans l’optimisation de la rentabilité des entreprises et de la valeur pour les partenaires.

Richard David Ferron M. Ferron est directeur d’une école publique à North Bay et membre du Community Project for Children et du Family First Forum.

Florence Minz Geneen Mme Minz Geneen est présidente du conseil d’administration de Au nom des enfants, organisme voué à la sensibilisation du public sur les moyens d’assurer le sain développement des enfants. Dévouée à la cause des enfants comme à celle du troisième âge, Mme Geneen est la présidente sortante du conseil d’administration du Baycrest Centre for Geriatric Care.

Mary Gordon Mme Gordon est administratrice des programmes de formation au rôle parental auprès du conseil scolaire du district de Toronto. En 1981, elle a mis sur pied les premiers programmes canadiens de formation au rôle parental et d’alphabétisation pour les familles au sein des écoles.

Dr David (Dan) R. Offord M. Offord est un pédopsychiatre qui se consacre à l’épidémiologie et à la prévention. Il est professeur de psychiatrie et chef du département de pédopsychiatrie à l’Université McMaster, ainsi que directeur de la recherche au Chedoke Child and Family Centre.

Dr Terrence Sullivan M. Sullivan est président de l’Institut de recherche sur le travail et la santé. Il est conseiller principal auprès de la Fondation Laidlaw et vice-président du comité consultatif pour le programme de santé publique de l’Institut canadien des recherches avancées.

Clara Will Mme Will est fondatrice et chef de la direction d’Aventure Place, un organisme de prévention et d’intervention précoce pour les enfants et la famille, établi en 1972 à l’intention des enfants d’âge préscolaire en difficulté.

Robin C. Williams, M.D. M. Williams est pédiatre, professeur de clinique agrégé du département de pédiatrie de l’Université McMaster, ainsi que médecin hygiéniste au Regional Niagara Public Health Department.

Étude sur la petite enfance

Annexe II COLLABORATEURS Des centaines de personnes et de nombreux groupes, tant dans la province qu’à l’extérieur de celle-ci, ont contribué généreusement aux travaux de la présente étude.

VISITES DES COLLECTIVITÉS

Les membres du comité consultatif ont fait la rencontre des personnes suivantes dans le cadre des initiatives communautaires qu’ils ont visitées

North Bay Rick Ferron – Sunset Park Jr and Sr Public School Pauline Kenny – Bébés en santé / Enfants en santé Linda McLay – projet PACE – SAE North Bay Ron Chase – Victory School, Parry Sound Crystal Campbell – Sunset Park Public School Barbara Hennessy – Sunset Park Public School Nancy Fluery – Sunset Park Public School Peter Bohm – Child & Family Centre, Parry Sound Debbie Warring – Sunset Park Public School Aline Monforton – Sunset Park Public School Kim Forsyth – parent d’élève, Sunset Park Public School Ann McCarthy – Nipissing Children’s Mental Health Fran Couchie – Société d’aide à l’enfance de Nipissing

London Graham Clyne – Kids Count Susan Gorlick – Kids Count Linda Carmichael – Kids Count Sue LeMoine – parent bénévole, Kids Count Carmen Dawson – Lord Elgin Public School Sue Hardy – YWCA Ailene Wittstein – Merrymount Children’s Centre

Chesley Carol Gott – Kids’N Us Chuck Beamer – Coordinating Committee on Children & Youth Janet Glasspool – Bluewater District School Board Rozalind Brooks – Ministère des services sociaux et communautaires Mary Jane Murray – YWCA Brenda Wilton – Bruce County Social Services Yvonne Waugh – Northport Elementary School, Port Elgin Mary Ann Alton – Grey County Board of Education Mary Lanktree – Beaver Valley School

Étude sur la petite enfance

Meredith Nelson – Bruce – Grey Social Services Chris Goodings – Owen Sound Community Living

Windsor Lois Dobson – Infant & Family Program Linda Edwards – St. Mary’s Family Resource Centre Laura Tiegs – Infant & Family Program Kathleen Hoffman – Infant & Family Program Helen Martin – Infant & Family Program Sheila Cameron – Université de Windsor Jill Foster – Stort Book Nursery School Christine Lebert – Ready Set Go Win Harwood – St. Mary’s Family Learning Centre Becky Burrell – St. Mary’s Family Learning Centre Chris Garant – St. Mary’s Family Learning Centre Aggie Sarafianos – St. Mary’s Family Learning Centre Claire McAllister – Centre d’accès aux soins communautaires de Sandwich Sue Silver – Greater Essex County Board Heather Boyer – Travailleurs canadiens de l’automobile Earl Dugal – Travailleurs canadiens de l’automobile

North York Clara Will – Early Years Action Team Miriam Bensimon – Early Years Action Team Art Tabachneck – Early Years Action Team Pam Musson – Ministère des services sociaux et communautaires Valerie Sterling – Toronto District School Board Linda Silver – programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur Michael Schultz – Société catholique d’aide à l’enfance Brenda Patterson – Toronto Children’s Services Division Ellen Ostofsky – Community Systems Alliance Susan Makin – Bureau de la santé publique de Toronto Sylvia Geist – Lawrence Heights Community, Mental Health Centre Ann Fitzpatrick – Société d’aide à l’enfance de la région métropolitaine de Toronto Rochelle Fine – Dellcrest Children’s Centre Saleha Bismilla – Bureau de la santé publique de Toronto

Halton – Oakville Pat Dickinson – Halton Our Kids Network Daria Sharanewch – Oakville Public Library Sue Quennell – Halton Catholic District School Board Roy Cooper – Burlington Rotary Club Linda Love – Sheridan College Adelina Urbanski – Halton Social & Community Services Department Bill Kriesal – Ministère des Affaires civiques, de la Culture et des Loisirs

Étude sur la petite enfance

Cathy Kennedy – Ministère des Services sociaux et communautaires Douglas Brown – Centre d’évaluation et de traitement des enfants, Burlington Mary Beth Jonz – Regional Municipality of Halton Rosslyn Dowell – Halton Hills Parent-Child Resource Centres Stacy Green – Halton Hills Recreation and Parks Department

Hamilton Andrew Debecki – Wrap Around Process Sam Gardner – Community Social Reporting Project Debbie Sheehan – Hamilton Wentworth Regional Public Health Department Ralph Brown – McMaster School of Social Work Marilyn Oddson – parent Margaret Bury – parent Katy Wong – Centre for Studies of Children at Risk Daryl Bainbridge – Centre for Studies of Children at Risk Vicki Henderson – Philip Services Corp . Leanne Siracusa – Hamilton-Wentworth Regional Public Health Jane Underwood – Hamilton Wentworth Regional Public Library Joann Heale – Central West Health Planning Information Network Terrance Henry – Children’s Services Tracking Project

Toronto Allan Kelly – First Nations School – Head Start & Child Care Program Nigel Dance – First Nations School Marie Gaudet – First Nations School Tina Kastris – Parent Council, First Nations School Kim Kirley – Programme d’aide préscolaire aux autochtones Eileen Matoush – parent, First Nations School Emie Lagapa – Cabbagetown Youth Centre Mary Gordon – Parkdale Parenting & Family Literacy Centre Maureen McDonald – Parkdale Parents Primary Prevention Seija Hyhko – principal, Parkdale Jr and Sr Public School Heather McFarlane – Toronto District School Board Marylin Doney – Parkdale Jr and Sr Public School Frances Fagan – Parkdale Jr and Sr Public School Annie Lee – Parkdale Jr and Sr Public School Grace Johnson – parent d’élève, Parkdale Jr and Sr Public School Angela Ferguson – parent d’élève, Parkdale Jr and Sr Public School Shantini Karanakarun – parent d’élève, Parkdale Jr and Sr Public School Siva devi Jeyakumar – parent d’élève, école publique élémentaire et intermédiaire de Parkdale Shirley Roberts – St. Joseph’s Women’s Health Centre Sudha Coomarasamy – St. Joseph’s Women’s Health Centre Monica Gamboa – Parkdale Focus Mom’s Support Program Chris Dean – Parkdale Public Health Department Maralyn Smith – Creating Together Parent and Child Drop-in

Étude sur la petite enfance

Cornwall Carol Sauvé – programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur Lucie Hart – programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur Richard Charlebois – programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur Dinah Ener – programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur Thérése André – programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur Marc Bisson – Centre d’accès aux soins communautaires Monique Boyer – programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur

Sudbury Beverly Bourget – Social Planning Council – Council on Children & Family Annette Reszcynski – programme Partir d’un bon pas, pour un avenir meilleur Carmen Robillard – Brighter Futures, Grandir Ensemble Sandra Boyce – Sudbury and District Health Unit Margaret Zubert – Santé Canada Brenda Moxam – Municipalité régionale de Sudbury Leone Theriault – Ministère des Services sociaux et communautaires Yvette Grandbois – parent, Sudbu ry Est Marie Watts – parent, Valley East Sue Lebrun – parent, Resource Worker Cherese Scherbak – parent, Sudbu ry, présidente Fleur Hackett – programme Partir d’un bon pas, pour un avenir meilleur Lamine Diallo – programme Partir d’un bon pas, pour un avenir meilleur Eileen Creasy – programme Partir d’un bon pas, pour un avenir meilleur Dario Pandolfo – programme Partir d’un bon pas, pour un avenir meilleur Nancy Malette – programme Partir d’un bon pas, pour un avenir meilleur Ferne Newlove – programme Pa rtir d’un bon pas, pour un avenir meilleur

Kingston Wendy Christopher – programme Partir d’un bon pas, pour un avenir meilleur Charlotte Rosenbaum – Centre d’accès aux soins communautaires de Kingston Nord Janet Comis – Kingston Social Planning Council Sharon Burke – Université Queen’s Pam Carr – Kingston, Frontenac, Lennox and Addington Health Unit Nadia Zurba – Centre d’accès aux soins communautaires de Kingston Nord Wendy Kelen – Centre d’accès aux soins communautaires de Kingston Nord Sara Craig – Centre d’accès aux soins communautaires de Kingston Nord Linda Sibeko – Centre d’accès aux soins communautaires de Kingston Nord Jennifer Jackson – Centre d’accès aux soins communautaires de Kingston Nord Verity Hill – Centre d’accès aux soins communautaires de Kingston Nord Leann Cunningham – Better Beginnings for Kingston children Karen Laidlaw – Better Beginnings for Kingston Children Anna Gooderham – Better Beginnings for Kingston Children Janice Webb – Better Beginnings for Kingston Children Wendy Flecker – Better Beginnings for Kingston Children Cheryl Pichie – Better Beginnings for Kingston Children

Étude sur la petite enfance

Michelle Miller – Better Beginnings for Kingston Children Kim Jones – Better Beginnings for Kingston Children Trish Noble – Better Beginnings for Kingston Children Susan Perault – Better Beginnings for Kingston Children Sherry Smith – Better Beginnings for Kingston Children Sue McCoubrey – Better Beginnings for Kingston Children Michelle Hickey – Better Beginnings for Kingston Children Tanis Fairley – Rideau Heights Public School Carolyn Tribe – Better Beginnings for Kingston Children Louise Alexandre – Better Beginnings for Kingston Children Gena Bronson-Boot – Circle of Friends Day Care Lynn Shipman – Better Beginnings for Kingston Children Helen Mabberly – Better Beginnings for Kingston Children Elaine Radway – Centre d’accès aux soins communautaires de Kingston Nord Diane Carter-Robb – Better Beginnings for Kingston Children Brenda Piasetzki – Better Beginnings for Kingston Children Kim Foshay – Better Beginnings for Kingston Children Donna West – Better Beginnings for Kingston Children Cindy Alvarez – Better Beginnings for Kingston Children Yvonne McKenna – Better Beginnings for Kingston Children Pauline Gooding – Better Beginnings for Kingston Children Kris Millan – Kingston, Frontenac and Addington Health Unit

Thunder Bay Karen Fogolin – Communities Together for Children Jane Ramsey – Our Kids Count – CAPC Bernice Dubec – Aboriginal Head Start Nursery School Sal Nebenionquit – Aboriginal Head Start Nursery School Gilda Dokuchie – Aboriginal Head Start Nursery School Nicole Favot – Aboriginal Head Start Nursery School Tammy Bobyk – Aboriginal Head Start Nursery School Jackie Gagnon – Aboriginal Head Start Nursery School John Cosgrove – Catholic Family Development Centre Gladys Berringer – Our Kids Count Madeleine Traer – Our Kids Count Tammy Andrusyk – Our Kids Count Lynne Julius – Hôpital régional de Thunder Bay Diane Hannon – Our Kids Count Mary Lucas – programme Ontario au travail David Williams – Thunder Bay District Health Unit Suzan Labine – Lakehead Public School Board Fiona Karlstedt – Société d’aide à l’enfance de Thunder Bay Debbie Bennett – Lakehead Regional Family Centre Barbara Elliott – Communities Together for Children Alan Young – psychologue Janette Bax – Communities Together for Children

Étude sur la petite enfance

Ottawa Barbara Stollery – projet de maternelle Judith Hoy – projet de maternelle

Groupe de réflexion des parents de Toronto (Cabbagetown Youth Centre) Liz Mustacho Shahreh Mahdavi Bevenech Ali Asmita Gillani Margarida Avila Remedios Castulo Wendy Dalby Kayfa Roesslein Leonara Taculad Annette Perry Jose Tovera Donna Chudnow Urbano Quelnat Katherine Mills Fely Barzo Susan Litchen Lourdes Lagapa Eleanor Heinz Erla Juravsky Thompson Egbo-Egbo Emil Felipe Phoebe Guan Esther Huynh Miranda Hawkins Julio Rocci Janice Carment Naty Palla Pirabaaliny Velauthan Mehrad Daroei Vanessa Young Vic Campos Irene Ip Christina Neilson Rose Malcampo

Étude sur la petite enfance

PARTICULIERS ET GROUPES

Les particuliers et les groupes suivants ont assisté à des entrevues pour l’étude sur la petite enfance ou ont rencontré les coprésidents et les membres du comité consultatif. Carol Acker – Association des centres d’accès aux soins communautaires de l’Ontario Dennise Albrecht – Association des centres d’accès aux soins communautaires de l’Ontario David Aylsworth – Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario Craig Barton – Brookhaven Public School Amina Bhallo – Centres for Early Learning Mary Ann Bedard – Fern Child Care Centre Robert Beamer – Police provinciale de l’Ontario Joe Beitchman – Hospital for Sick Children Mike Benson – Ontario Principals’Council Nancy Birnbaum – Invest in Kids Lynn Blake – Ontario Elementary Catholic Teachers Association Scott Bleecker – Police provinciale de l’Ontario Denyse Brisson – CODELF Carol Brown – Organization for Parent Participation in Childcare and Education, Ontario Barbara Buffet – Ontario Coalition for Better Child Care Gerry Caplan – Commission royale sur l’éducation Madeleine Champagne – CODELF Karen Chan – municipalité de Halton Elsie Chan – Home Child Care Association of Ontario Diane Chenier – Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) Ester Cole – Counselling Foundation Marg Cox – Ontario Association of Family Resource Programmes Sue Cunningham – Ontario Family Studies Co-ordinator’s Council Annie Dell – Association des conseillères et conseillers des écoles publiques de l’Ontario (ACEPO) Candice Dolny – Toronto Catholic District School Board Lee Dunster – Ontario Network of Home Child Care Provider Groups Barb Dysuk – K-W Counselling Services Inc. Jasmine Earl – Ontario Association of Family Resource Programmes Diane Ellis – FAPFO Bruce Ferguson – Hospital for Sick Children Wanda Fletcher – Grenoble Public School Joan Francolini – Lawson Foundation Robyn Gallimore – Association of Early Childhood Educators, Ontario Lorraine Gandolfo – AFOCSC Tina Ginglo – Firgrove Public School Susan Goddard – Shoreham Public School Alan Goldbloom – Academic & Clinical Development, Hospital for Sick Children Charlene Gorbet – Santé Canada Carol Gott – Kids ‘n Us Moira Graham – Park Public School Ron Harris – Fédération des enseignantes – enseignants des écoles secondaires de l’Ontario Cheryl Hassen – CBC

Étude sur la petite enfance

Sue Hathway – Firgrove Public School Brian Hayday – Centre ontarien d’information en prévention Jonathon Hellmann – Hospital for Sick Children Clive Hodder – Écoles provinciales, Ministère de l’Éducation et de la Formation Sheryl Hoshizaki – Ontario Principals’ Council Shirley Hoy – Community Services, Toronto David Hughes – municipalité de Grey Bruce Seija Hyhko – principal, Parkdale School Danielle Ingster – Broadlands Public School Donna Lacaver – Ontario Elementary Catholic Teachers Association Anne Lacy – Lord Dufferin Public School Sarah Landy – Growing Together Peter Lang – Action for Children Group, Kitchener Barb Lillico – Ontario Association of Family Resource Programmes Freda Martin – Institut Hincks-Dellcrest Debbie Massey – police de Toronto Guy Matte – Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) Vivian McAffrey – Elementary Teachers’ Federation of Ontario Jane MacDonald – Association des centres d’accès aux soins communautaires de l’Ontario Kim McIntyre – Park Public School Kerry McQuaig – Ontario Coalition for Better Child Care Louise Moody – Ontario Association of Family Resource Centres Daniel Morin – Association des conseillères et des conseillers des écoles publiques de l’Ontario (ACEPO) Sandy Moshenko – Association ontarienne des sociétés de l’aide à l’enfance Margaret Motz – région de Waterloo Linda Nagle – municipalité de Windsor Elle Orav – Denlow Public School Charles Pascal – Atkinson Foundation Ann Peel – Au nom des enfants Rheal Perron – Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC) Brenda Pickup – Babies Best Start Leslie Pierson – Université Wilfrid Laurier Louise Pinet – Association des conseillères et conseillers des écoles publiques de l’Ontario (ACEPO) Gail Preston – municipalité d’Ottawa-Carleton Isaac Prilleltensky – Université Wilfrid Laurier Harry Quan – Jesse Ketchum Public School David Rainham – médecin de famille Nancy Ring – Park Public School Bruce Rivers – Société d’aide à l’enfance de Toronto Wendy Roberts – Hospital for Sick Children Peter Rosenbaum – Bloorview Medical Centre Laurel Rothman – Campagne 2000 Elizabeth Ridgely – George Hull Centre Adair Roberts – Hospital for Sick Children Carol Crill Russell – Invest in Kids Chritiana Sadeler – Community Safety And Crime Prevention Council of Waterloo Region Ron Sax – région de Waterloo Diane Schenier – AFO Theresa Schumilas – Family and Community Resources, région de Waterloo

Étude sur la petite enfance

Nancy Shosenberg – Institut canadien de la santé infantile Jane Soldera – municipalité de Hamilton-Wentworth Brian Shaw – Hospital for Sick Children Paul Steinhauer – Hospital for Sick Children Valerie Stirling – Toronto District School Board Mary Taylor – ancienne enseignante, London Rosanna Thoms – Association of Community Information Centres Laura Tryssenaar – Avon-Maitland District School Board Sœur Valerie Van Cauwenberghe – ancienne enseignante, London Petr Varmuza – municipalité de Toronto Geremy Vincent – Lord Dufferin Public School Ruth Walker – R.J. Lang E/MS Nancy Wannamaker – Elementary Teachers’ Federation of Ontario Sheila Weinstock – Ontario Association of Children’s Mental Health Centres Jill Wilkinshaw – Dundas Public School Carol Yaworski – Learning Disabilities Association of Ontario Georgie Yerxa – Midland Collegiate Institute

PRÉSENTATEURS, LECTEURS ET CHERCHEURS

Les coprésidents et le comité consultatif ont reçu l’aide généreuse des personnes suivantes, qui ont soumis des informations, ont passé en revue les données et les ont analysées : Peter Barnes Robbie Case Gordon Cleveland Max Cynader Gillian Doherty Martha Friendly Elhanan Helpman Clyde Hertzman Dan Keating Donna Lero Lew Lipsitt Julie Mathien Harriet MacMillan Craig Riddell Nancy Ross Carol Crill Russell Steve Suomi Harry Swain Helmat Tilak Karen Watson Doug Willms Michael Wolfson Allen Zeesman

Étude sur la petite enfance

PERSONNEL – Secrétariat à l’enfance Pamela Bryant Heather Martin Adele Scott-Anthony Mark Trumpour Mark Woollard

ADM Early Years Action Team Colin Andersen Pamela Bryant Trinela Cane Kevin Costante Steve Dorey Jessica Hill Lynn MacDonald Anne Martin Ann Masson Jane Marlatt Leah Myers Saäd Rafi Lucille Roch Peter Rzadki Michael Scott Barb Saunders Ron Saunders Benita Swarbrick Linda Sutton Peter Wallace Peggy Mooney Barry Whalen Judith Wright Lynne Livingstone

Conseillers Jane Beach Michael Cushing Arthur Donner Kathleen Guy Cheryl Hamilton Fred Lazar Dawna Wintermeyer

Étude sur la petite enfance

Communications Sally Barnes Barbara McConnell

Dessin et graphisme de la couverture Michael McKinnon Eberhard Zeidler Environics Communications

Personnel de Founder’s Network Dorothy McKinnon Cheryl Mooney

Mise en page et conception graphique Caterpillar Graphics Tina Snelgrove

Traduction française Nomis Translation Services Lexi-Tech International Troxler Translation Services Emmanuelle Demange Christa Japel Katia Maliantovitch Geneviève Kemp

Étude sur la petite enfance

Étude sur la petite enfance

Annexe III CADRE DE RÉFÉRENCE

Objectif L’étude présentera au gouvernement des options et des recommandations quant aux meilleurs moyens d’aider tous les enfants de l’Ontario, notamment ceux qui sont à risque ou qui ont des besoins spéciaux, à s’épanouir sur les plans scolaire, professionnel et social. Le développement global de l’enfant, rendu possible par la création d’un réseau homogène de soutiens et de mécanismes d’intervention précoce, est d’importance primordiale. D’autre part, l’étude clarifiera les rôles et les responsabilités et proposera divers modèles de services coopératifs voués à l’éducation à la petite enfance, incluant des initiatives locales et provinciales axées sur les meilleures pratiques. Les deux co-présidents sont sous l’autorité de la ministre déléguée au dossier de l’Enfance. La ministre déléguée au dossier de l’Enfance prendra conseil tout au long de l’étude auprès du ministre de l’Éducation et de la Formation, du ministre des Services sociaux et communautaires, de la Santé, du ministre des Affaires civiques, de la Culture et des Loisirs et du Solliciteur général.

Ressources Le Secrétariat à l’enfance fournira le leadership et les effectifs nécessaires à l’Étude sur la petite enfance, et il sera soutenu en cela par le Bureau des services intégrés pour enfants, par le ministère de l’Éducation et de la Formation, le ministère des Services sociaux et communautaires, le ministère de la Santé, le ministère des Affaires civiques, de la Culture et des Loisirs, le Solliciteur général et les Services correctionnels.

Calendrier Les travaux auront lieu de mai à décembre 1998. Un rapport préliminaire sera publié au plus tard le 15 octobre 1998, et le rapport définitif devra sortir d’ici le 21 décembre 1998. Le rapport préliminaire permettra au gouvernement d’étudier les recommandations émanant de l’étude et de fixer les nouvelles orientations de l’apprentissage de la petite enfance afin de les mettre en œuvre dès l’année scolaire 1999-2000.

Portée de l’étude L’étude devra :

1. Identifier la nature, la portée et l’efficacité des programmes existants, y compris la maternelle (enfants de quatre ans).

2. Déterminer les rôles et rapports qui existent actuellement entre les différents ministères à l’égard de ces programmes.

3. Jeter la lumière sur les lois, règlements, politiques et plans qui influencent l’apprentissage

précoce.

4. Résumer les résultats des études les plus importantes sur l’éducation à la petite enfance.

5. Répertorier les modèles d’éducation à la petite enfance qui sont utilisés ailleurs.

6. Identifier les principaux intervenants et définir leurs rôles respectifs dans l’éducation à la petite enfance au vu des mandats du ministère de l’Éducation et de la Formation, du ministère de la Santé, du ministère des Services sociaux et communautaires, du Solliciteur général et des Services correctionnels, et du ministère des Affaires civiques, de la Culture et des Loisirs.

7. Recueillir et analyser une variété de données. L’étude se penchera sur les initiatives en cours dans plusieurs ministères ontariens dont la compétence englobe l’éducation à la petite enfance. À titre d’exemple, on tiendra compte des orientations stratégiques du Bureau des services intégrés des enfants et des ministères concernés.

Axes de la réflexion Des processus adéquats devraient exister pour soutenir l’éducation à la petite enfance en Ontario conformément aux meilleures pratiques en la matière et à des critères rigoureux de qualité, de rentabilité et de responsabilité. Les modèles de prestation des services qui existent en Ontario et ailleurs, présentés dans des rapports d’étude reconnus, devront être analysés afin de déterminer quelles sont les meilleures pratiques qui pourraient être reproduites en Ontario. Dans un contexte global, la pertinence de chaque programme sera évaluée, de même que la possibilité d’en améliorer quelques-uns et d’adopter les meilleures caractéristiques des autres pour former le fondement des nouvelles orientations. Les processus de planification stratégique, opérationnelle et financière, ainsi que le contrôle et l’évaluation des programmes d’éducation à la petite enfance, devront être analysés afin de cerner la possibilité de former ou de consolider les liens de collaboration, d’améliorer l’efficacité en général et d’assurer la rentabilité. Les chercheurs examineront des modèles de coopération et de partenariat qui font intervenir de façon active le palier fédéral, provincial et municipal, les conseils scolaires, les collectivités et le secteur privé. Les obstacles qui entravent la collaboration pour la planification, la prestation des services, le suivi, l’évaluation et la recherche des meilleures pratiques devront être identifiés afin de proposer des mesures correctives.

Étude sur la petite enfance

Étude sur la petite enfance

Contexte À l’heure actuelle, la recherche tend à montrer que l’éducation à la petite enfance est bénéfique au développement social et à la future réussite scolaire des enfants. De plus, l’implantation de bases solides dans l’éducation à la petite enfance permettra de réduire le recours ultérieur à des programmes de rattrapage scolaire et à d’autres types d’interventions coûteuses. Avec le nouveau savoir sur le développement du cerveau au cours des premières années de la vie, on prend conscience des rapports qui existent entre l’éducation à la petite enfance, la réussite scolaire et celle de la vie adulte. Tout comme la santé en général, les caractéristiques cognitives et comportementales sont partiellement influencées par l’expérience de l’enfance. Il est maintenant établi que le développement du cerveau est beaucoup plus profond et rapide avant l’âge d’un an qu’on ne le croyait auparavant, et ce développement est menacé par des influences externes aux répercussions durables. Le développement cérébral est soutenu par l’alimentation et la stimulation, et lorsque l’enfant atteint l’âge de cinq ans, le câblage de son cerveau est presque terminé. Après cet âge, il devient difficile d’inverser les effets d’un mauvais développement. L’état de santé de l’enfant à cet âge et sa capacité d’apprentissage seront déterminants pour la suite de son existence. La présente étude s’inspire du programme Bébés en santé Enfants en santé qui a été mis sur pied par le gouvernement, et sur la Réforme de l’éducation entreprise par celui-ci. Le gouvernement de l’Ontario reconnaît que les enfants peuvent bénéficier d’une éducation à la petite enfance avant même l’âge de la scolarité obligatoire. Les résultats des derniers tests administrés aux élèves de troisième année montrent qu’il y a place à l’amélioration. Le 25 mars 1998, le gouvernement a annoncé la mise en œuvre d’un nouveau modèle de financement axé sur les élèves. À partir de l’année scolaire 1998-1999, la province garantit le financement des programmes d’éducation à la petite enfance, dont la maternelle, afin de s’assurer que tous les jeunes enfants bénéficient d’un bon départ à l’école. Les conseils scolaires qui offrent actuellement la maternelle recevront des fonds pour leur permettre de poursuivre ce programme. Ceux qui n’offrent pas ce programme pourront bénéficier de financement s’ils décident de le mettre sur pied. Le gouvernement a également mis au point un programme d’études pour le jardin d’enfants et la maternelle. Les conseils scolaires auront la possibilité d’offrir d’autres types de programmes d’éducation à la petite enfance. Ceux qui décident de ne pas ouvrir de maternelle recevront un montant équivalent provenant de la Subvention pour l’apprentissage durant les premières années d’études afin d’offrir aux enfants des programmes de types « alternatifs » ou enrichis, et ce, jusqu’à la troisième année. L’initiative et l’innovation sont encouragées. L’étude examinera les partenariats communautaires avec les conseils scolaires et d’autres organismes afin de choisir les options et pratiques exemplaires en ce qui concerne la maturité scolaire. D’autre part, les enfants à risque et à besoins spéciaux peuvent aussi respectivement bénéficier de la Subvention pour programmes d’aide à l’apprentissage et de la Subvention pour l’éducation de l’enfance en difficulté.