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Esquisse géoarchéologique de l’évolution des sociétés pendant les deux derniers millénaires au Diamaré (Cameroun septentrional) : les données disponibles et leur intégration Alain MARLIAC (1) &SUMÉ Un ensemble de données gé&hronologiques et phytogéographiques con- cernant l’évolution et l’exploitation des milieux du Diamaré (Cameroun sep- tentrional) permettent à un certain niveau de généralité et sous le modèle déterministe classique de dessiner l’évolution globale des deux cultures prin- cipales, salakien et mongossien dans leur environnement entre le V’ et le XVF siècles. Après une phase de concentration villageoise dans les vallées, une expansion est notée au XII’ siècle pour le salakien, tandis que le mon- gossien dans la plaine du Logone continue à se concentrer sur des buttes. Cette évolution serait concomittante de l’adoption des sorghos daru. ABSTRACT. - A GEOARCHEOLOGICAL 0U”E OF SOCIETAL EVO- LUTIONS DURING THE LAST TWO MILLENNIA IN DIAMARE (NORTH CAMEROON) : THE AVAILABLE DATA AND THEIR INTEGRATION. At a certain level of generality and under the deterministic model, some geochronological and phytogeographical data concerning the evolution and exploitation of Diamaré landscapes (North Cameroon) allow to draw the ove- rall evolution of the two main cultures, Salakian and Mongossian, within their environments between the Vth and XVIth ad. After a concentrated (1) Avec la collaboration du Pr. J. Médus (Université d’Aix-Marseille III) de O. Langlois (Orstom & Université de Paris I) et ‘I’. Otto (Orstom & USTL à Montpellier).

Esquisse géoarchéologique de l’évolution des sociétés ... · Au milieu de l’holocène, vers 6 500-6 O00 BP, la région formée en un gigantesque bassin de subsidence, le

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Esquisse géoarchéologique de l’évolution des sociétés

pendant les deux derniers millénaires au Diamaré (Cameroun septentrional) :

les données disponibles et leur intégration

Alain MARLIAC (1)

&SUMÉ

Un ensemble de données gé&hronologiques et phytogéographiques con- cernant l’évolution et l’exploitation des milieux du Diamaré (Cameroun sep- tentrional) permettent à un certain niveau de généralité et sous le modèle déterministe classique de dessiner l’évolution globale des deux cultures prin- cipales, salakien et mongossien dans leur environnement entre le V’ et le XVF siècles. Après une phase de concentration villageoise dans les vallées, une expansion est notée au XII’ siècle pour le salakien, tandis que le mon- gossien dans la plaine du Logone continue à se concentrer sur des buttes. Cette évolution serait concomittante de l’adoption des sorghos daru.

ABSTRACT. - A GEOARCHEOLOGICAL 0 U ” E OF SOCIETAL EVO- LUTIONS DURING THE LAST TWO MILLENNIA IN DIAMARE (NORTH CAMEROON) : THE AVAILABLE DATA AND THEIR INTEGRATION.

At a certain level of generality and under the deterministic model, some geochronological and phytogeographical data concerning the evolution and exploitation of Diamaré landscapes (North Cameroon) allow to draw the ove- rall evolution of the two main cultures, Salakian and Mongossian, within their environments between the Vth and XVIth ad. After a concentrated

(1) Avec la collaboration du Pr. J. Médus (Université d’Aix-Marseille III) de O. Langlois (Orstom & Université de Paris I) et ‘I’. Otto (Orstom & USTL à Montpellier).

. ‘198, MILIEUX, SOCIÉTÉS ET ARCHÉOLOGUES 1 )

~ ’ village settlements phase in the valleys, an expanding phase occurs in the XIIIth century for Salakian whereas Mongossian in the Logone plain conti- nuei to nucleate on the mounds. This evolution would occur contempora- rdy with sorghos darra appearance.

A partir des données désormais acquises au Cameroun septentrio- nal (Marliac A. 1987, 1991 ; Langlois O. 1990 ; Mc Eachern S. 1990, 1991 ; Médus J. et al. 1991) dans les domaines phytogéographique, géomorphologique, géochronologique et archéologique d’une part et à partir des modèles ethnologiques généraux applicables d’autre part, on peut proposer des hypotheses concernant l’évolution dans le temps et l’espace des sociétés d’agro-pasteurs connaissant le fer, à la fin de l’holocène au Cameroun du Nord. Comment allons-nous, pour l’objectif fué, intégrer, ordonner ces données entre elles et les pré- senter ? Selon quel modèle et avec quel vocabulaire ?

Nous savons qu’elles proviennent de domaines variés, n’ont pas le même poids, et furent acquises sous diverses échelles. Nous opè- rerons cependant ici, de la même manière que la plupart des archéo- logues, associant des données de domaines différents et les e gérant s à l’aide du langage naturel sous la théorie implicite du modèle cité plus loin, sans tenir compte du problème des conditions logiques de l’intégrabilité (nature, échelle et modèle englobant) ni des conditions de langage qui leur sont liées (cf. Marliac A. ce volume).

Nous n’approfondirons pas ici ces questions et prêterons le flanc aux critiques en associant, dans un scénario personnel, toutes ces don- nées, à petite échelle, sous le modèle défini plus loin, sans attendre des approfondissements équivalents dans tous les domaines (2). La cohérence requise par la logique (et la science parfois) n’est pas for- cément toujours la meilleure condition pour progresser dans la con- naissance et, dans le cas présent de plus, son attente reculerait dans un avenir incertain tout compte rendu de travaux. Enfin, dans le cas précis de notre région, la publication d’hypothèses suffisamment cons- truites lance un défi aux sciences de la nature dont les recherches

‘ locales,, importantes sous certains aspects, sont désormais très en retard sur les recherches archéologiques. Certaines affirmations naturalistes sont devenues conditionnelles comme nous le lirons plus loin, et la preuve de solutions de remplacement apporterait des changements dans nos conclusions actuelles.

Nous prendrons un modèle classique, celui qui de nos jours est le plus confortable intellectuellement. Il s’agit du modèle détermi- niste écologique simple appliqué à la zone soudano-sahélienne d’ Afri- que : les conditions climatiques régissent en dernière instance la vie des groupes humains. agriculteurs-pasteurs. Celà s’exprime le plus sou- vent sous forme d’un tableau paléogéographique sur lequel, à l’image

’ (2) L‘association de données comporte aussi l‘interprétation des co‘ïncidences, jux- tapositions, convergences.

ESQUISSE GÉOARCHÉOLOGIQUE 199

des sociétés actuelles connues, on projette et imagine les comporte- ments socio-économiques induits, comportements très simples à la mesure des connaissances de la majorité des archéologues dans ce domaine (méthode ethnoarchéologique).

Les formes extrêmes du climat constituent le cadre de vie limite des agro-pasteurs, mais en deçà, de multiples adaptations sont pos- sibles (3), adaptations qui, sur des biotopes fragiles, peuvent d’ail- leurs en retour, entraîner des modifications paysagiques profondes. Ces adaptations se font à partir d’une palette minimale commune de plantes et d’animaux, soit originaires de la région, soit adaptés par l’homme à l’intérieur de certaines limites écologiques et selon les facettes du milieu en question.

Dans l’état actuel des données au niveau local, le modèle géné- ral énonce‘ plus haut peut difficilement être dépassé, car peu de recher-

que de données permettant de décrire et d’expliciter les adaptations qui témoigneraient de la liberté des hommes et qui permettraient aussi de mesurer les effets induits et cumulés des agressions anthro- piques. Quand on a des données, elles sont rares et courtes ou ne concernent pas directement la région dont nous parlons. C’est donc sous le modèle pré-cité comme cadre général, que nous présenterons celles qui sont disponibles aujourd’hui. Elles permettront malgré leurs insuffisances d’avancer des hypothèses dont l’inachèvement et le carac- tère provisoire seront la garantie d’explications futures moins déter- ministes (fig. 1).

. _ , ches naturalistes ont jusqu’ici franchi l’échelle sous-régionale. On man- - 3 L .

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I

, ‘ I. PALÉOGÉOGRAPHIE HOLOCÈNE 2 ./

‘ I

L’histoire climatique globale de cette zone depuis le milieu de l’holocène est caractérisée par une tendance continue vers un climat sec à deux saisons contrastées (saison sèche courte et saison des pluies, brutales à grosses gouttes) et l’histoire des peuples de cette zone est une adaptation à ce type de climat auquel s’ajoute les effets encore mal mesurés des d8érentes exploitations humaines qui peuvent modi- fier sinon aggraver cette tendance.

Au milieu de l’holocène, vers 6 500-6 O00 BP, la région formée en un gigantesque bassin de subsidence, le bassin du lac Tchad, aurait connu la dernière transgression du lac, transgression responsable du

(3) Éclairantes sont sur ce point les contributions du chapitre III de l’ouvrage édité par J.D. Clark et S.A. Brandt en 1984. On y voit, dans un même milieu con- traignant, le Kalahari, les adaptations variées que des groupes de chasseurs-cueilleurs (San et Kung) peuvent réussir au contact de producteurs.

200 MILIEUX, SOCIÉTÉS ET ARCHÉOLOGUES

fameux cordon dunaire de 320 m. qui se retrouve aussi bien au Nige- ria qu’au Cameroun, au Niger et au Tchad (4). La tendance climati- que générale bascule ensuite vers le sec jusqu’à l’époque actuelle. La recherche paléogéographique repère encore à l’intérieur de cette tendance, une oscillation aride vers 4 000 BP, puis divers << états >> plus ou moins secs ou humides, cités sous un vocabulaire imprécis ... Sur cette ultime tendance millénaire dont les effets peuvent être tempé- rés par la latitude du Diamaré (à 4“ au sud du lac) ‘et la variété de ses unités naturelles ( 5 ) , se superposent donc des oscillations sécu- laires, certaines peut-être décennales mais invisibles pour le moment.. . Au fil des siècles, se sont superposés aux contraintes des milieux, les effets induits des activités agropastorales : déforestations, fabrication de parcs, stérilisations, drainages, monospécification.

Sur les deux derniers millénaires, pour la partie sud du bassin du Tchad, intermédiaire entre le Sahel et le Soudan, le scénario déter- ministe strict, caractérisé localement par des données ou des scéna- rios paléoclimatiques à trop petite échelle, s’avère de moins en moins satisfaisant par rapport aux premières données environnementales récol- tées sur notre secteur d’étude comme par rapport au développement des recherches archéologiques et historiques comme nous le verrons plus loin.

Le vocabulaire naturaliste d’ailleurs utilisé pour qualifier les paléo- climats à l’échelle régionale : détérioration, péjoration, phase, récur- rence ..., montre bien l’ignorance où nous sommes quant à la << mesure B de ces paléoclimats et aux effets déductibles sur les milieux. Or, c’est la mesure de ces effets par rapport aux besoins les plus fon- damentaux de l’homme qui permettrait d’asseoir le modèle déter- ministe ou, en tout cas, de bien situer les limites infranchissables qu’il impose aux sociétés. On ne peut bâtir un modele pluridiscipli- naire sur de telles imprécisions avec en plus l’obstacle d’une dishar- monie fondamentale entre les données.

A) La seule séquence paléogéochronologique longue utilisable est celle établie par la palynologie sur différentes stations du lac Tchad (rive sud, eaux libres, etc.) par Jean Maley (1931).

Aux alentours de 200 ad, les apports fluviatiles sont nets ; la tone soudano-guinéenne est en phase humide et par conséquent augmente les apports fluviatiles sur le lac (Maley J. 19Sl : 203). Jusque vers 1 200-1 300 ad (régression rl de Jean Maley op. cit. : S 4 ) , la plu- viosité est considérée comme supérieure à ce qu’elle est actuellement

(4) Bien entendu, si ce <( cordon dunaire 2 est le fruit d’un accident tectonique, le scénario bioclimatique apparaît tout dBérent : plus de e miga-Tchad 2 !

(5) Pour la partie centrale du Diamaré par ex. : <( Les atterrissages successifs de sables et d’argiles liés à leur hydrodynamisme très variable au cours de l’holocène y ont construit une véritable mosaïque de parcelles à potentialités pédologiques très contrastées 2. T. Otto (comm. pers).

ESQUISSE GÉOARCHÉOLOGIQUE 201

et le Bahr el Ghazal est actif encore que les sites haddadiens (Age du fer du III’ au XIII’ ad.) soient parfois découverts dans le lit du Bhar, ce qui prouve qu’il a pu ne pas s’écouler pendant des pério- des assez longues. I1 suffit d’ailleurs d’une faible oscillation de la cote 284 à la cote 286, pour que le Bhar coule. I1 n’y a pas de for- mation typique reflétant des variations de niveaux lacustres de forte amplitude. L’évaporation était plus faible que de nos jours. En résumé, pour la même période, on peut étendre au Diamaré lato sensu l’expression d’optimum climatique décernée pour la zone du lac Tchad.

Apports fluviatiles plus grands, nappes en charge, tout ceci asso- cié à la pluviosité devait donner un paysage plus engorgé avec lagu- nes, étangs pérennes dans les dépressions (Dargala, Ngassa), boise- ments importants des bas-fonds et paysage de savane arborée sur les interfluves. L’érosion devait être faible. Le centre de notre région, comme la plaine interne (ou sableuse) du Logone (Brabant P. et Gavaud M. 1985) étaient engorgés, périodiquement du moins, et por- taient des Combretaceae, typiques de la zone soudanienne. A partir du début du II’ millénaire, la tendance générale sèche s’accentue avec la baisse continue en pourcentage de I’élément soudanien (Maley J. 1981 : 117) (6).

Nous avons considéré (Marliac A. 1991 : 94) la dernière basse ter- rasse (bt2) en place au début du Ier millénaire. Les formations allu- viales postérieures sont très mal connues car, peut-être aussi, mal indi- vidualisables sur une courte période où, de plus, le climat n’a pas connu d’oscillation forte. Ce sont de minces dépôts sablo-argileux de petit volume plaqués sur les basses terrasses, des dépôts de bas de pente ou les atterrissemments sableux aux défluences désordonnées des mayos ( 7 ) dans la plaine du Logone ou derrière le cordon dunaire de 320m.

Le climat étant consid&é comme peu différent de l’actuel ou peu agressif durant le premier millénaire ad. (<< optimum climatique D), les modifications botaniques ou morphologiques enregistrées sont plu- tôt attribuables, à petite échelle, aux actions directes ou induites des groupes humains qu’à des oscillations climatiques. Dès lors, une partie de ces dépôts, que nous appellerions << bt3 D est plus le résultat d’une érosion anthropogène que d’une érosion naturelle.

Sinon, on peut les attribuer à une érosion anthropogène démar- rée au II’ millénaire, avec la phase sèche des ~ W - X I V ad. (Marliac A. 1991 : 785) (8).

(6) Ex : les Combretaceae dont la présence s’amenuise près du lac vers 1500

(7) maayo/ PI. muje : rivière. (8) Ou même encore à des impacts humains encore plus récents !

(Maley J. 1981 : 114).

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MILIEUX, SOCIÉTÉS ET ARCHÉOLOGTJES

B) Nous disposons (Médus J. et ud. 1991) d'une courte séquence pollinique en provenance de tels dépôts considérés ici comme < bt3 >> sur le mayo Ranéo (près de Petté) et sur le mayo Mangafé (près de Djaoudé) (fig 2).

Elle confirmerait, pour nous, au moins pour le piedmont orien- tal des Mandara, la phase sèche repérée vers les X-XII' siècles. Ainsi, après un déclin de la < forêt sèche >> et de la savane arborée (en par-

tzeg$RtiaCa et du a bush )> des savanes dégradées (Commiphoru), on hote 'le'. maximum de Balanites associé aux maximum des coprophi- les, (Chietomiam). Ensuite avec la disparition des coprophiles, arri- .vent les céréales ("ennisetam ou sorgho).

Des datages effectués sur des graines provenant de l'un des niveaux de chacune de ces sections s'opposent à ces interprétations. Toute- fois, vis-à-vis de la position géomorphologique des dépôts étudiés, ces dates supposeraient des crues si importantes durant les vingt der- nières années qu'il nous paraît raisonnable de maintenir à titre heu- ristique l'interprétation proposée (9).

Ces dépôts, dont l'étude géomorphologique reste à faire en aval des bassins, représentent peut-être, en partie du moins, le déblaye- ment des sols formés sur bt2, et ce qui a été décapé des sols locali- sés sur les intedluves en amont, sols devenus dès lors < hardés >> (pré- sence de Balanites). La théorie actuelle aux sujets de ces sols stériles souvent associés à des vestiges plus ou moins en place (Marliac

.' A.1982 : 53) les explique comme des sols d'ablation à partit de profils _ $ .! à;ho$izon vertique sous environ 100 cm de sol sableux (Marliac A. . et,PÓ&et Y. 1986 : 165). Pour ce qui concerne les sols de bt2, celle-ci : , *est :acpellement entamée sur presque tout le parcours des mayos (par j '. ekf';à $ & k , Djappaï). Si l'installation salakienne a pris fin au milieu

. I . :.dud&Ï=; cette érosion aurait donc débuté au plus tard à cette date. a pu se poursuivre jusqu'aux temps actuels.

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S ET EXPLOITATION DES PAYSAGES

peut prédire que sur un stock commun (sorg- riculteurs et pasteurs du Diamaré à 1'Age du

s techno-économies en fonction des variations s, des facettes des milieux occupés et modifiés, de de leur auto-développement, comme de leurs exi-

'. . . ) .

' (9) Datages AMS de l'université d'Utrecht (UtC 1889 et 1890).

ESQUISSE GÉOARCHÉOLOGIQUE 203

gences culturelles et des phénomènes politico-sociologiques au sud du lac Tchad.

Sur la base de la typologie des poteries exhumées en fouille, deux cultures ont été définies au Diamaré entre le V' siècle et le XVIF : le salakien et le mongossien (Marliac A. 1991), (fig 1). Elles diff'e- rent aussi par certains traits culturels comme les objets de parure (odterre cuite, perles, pendentifs) les modelages anthropo- et zoo- morphes (inexistants dans le salakien) et par les modes d'inhuma-: tion. On peut conjecturer enfin que la nature contrastée des facette environnementales où elles s'installèrent entraîna des adaptations, rejets. ou parfois adoptions à partir du stock commun de potentialités fau-, nistiques et floristiques dont nous venons de citer les éléments principaux.

Le Salakien occupe dès le V' ad. les basses terrasses sableuses des ,:.

cours d'eau du Diamaré central (bt2), peu à peu réhaussées par l'occu-'. , ~ '

pation prolongée, en petites buttes peu étendues. Ces salakiens $taient . - . ' . *.

des cultivateurs de sorghum cuudutum cafiu plantés dans l~S',.~sols~, I - .

sableux bien drainés qui bordaient les rivières. La présence de.cette';",,: race est attestée à Daïma vers 900 ad. (Connah G. 1981). Des&& nes de sorgho identifiées comme d u m au site de Goray 1991 Vol I. : 379) et datables entre le F et le xv ad. p gner la mise en culture des dépressions argileuses, émergen décapée par endroits le long des rivières du Diamaré. A époque semble-t-il, le niébé (vignu unguicuhtd) est attes

Le Mongossien s'établit vers le V' ad. dans la partie de la plaine du Logone, dans ce qu'on appelle la plaine plus haute et en bordure des grands espaces inondés appe rés (11). Parallèlement au Salakien, il cultive le sorghum cufia sur sols sableux bien drainés (un passage gravillon repéré lors de la fouille de 1988 (Lamotte M. et Marliac A. 1989 : -. ...:i; , 423, fig. 2b), témoignant de la proximité de l'eau au début de l'occu- pation. Le Mongossien a pu, après culture des sorghum caudatzlm c@j% sur les dos sableux conduisant à la concentration maximale des habitats et à l'érection logique de buttes, adopter les sorghos durra qui permettent la mise en culture des bas-fonds argileux et une récolte en saison sèche. C ~ ! ,

Nos deux civilisations du Diamaré semblent avoir COMU deux ph ses sans rupture, à l'opposé de Mdaga (Ho11 A. 1987 : 139),'.phases. 2.

dont la deuxième correspondrait à une expansion spatiale pour'le Sali;: kien, essaimant des villages sur les interfluves (accroissement deS. AkzZ-. vuceue) à proximité des zones hydromorphes pour la culture du sorgho daru et du pennisetzlm ce qui serait confirmé par la présencd .dans

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(10) Comm. pers. de T. Otto (fouilles de Salak II pk, T. Otto et O. $anglais). ,._i

(11) yayre / PI. j a j e : plaine inondable. , >

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204 MILIEUX, SOCJJ~%S ET ARCHÉOLOGUES

le diagramme pollinique d’dnnona. Le départ de cette expansion cor- respond dans le temps à la phase sèche des XII-xw siècles et à la datation, encore certes imprécise, du sorgho dzal.ra: à Goray.

Pour le Mongossien, a l’expansion D, à la même période proba- blement, a plus été une intensification sur place avec emprise agri- cole élargie sur les vertisols environnants, la butte elle-même n’étant peut-être plus cultivée mais seulement occupée.

Nous pensons, en revanche, que la première phase (entre le v’ et le XI-XIIF ad.) correspond à des installations plus discrètes, à la dimension des surfaces exploitables pour le sorgho C U ! U associé au pennisetzam. Pour le Diamaré central, ces surfaces sont celles très loca- lisées représentées essentiellement par bt2, mince bande le long des mayos assurée d’une bonne hydromorphie. Les interfluves et leurs pla- nosols étaient vides.

Au Nord du cordon, vraisemblablement pour les mêmes raisons, les passages sableux/ sablo-argileux qui apparaissent dans la plaine du Logone et plus fréquemment dans la plaine interne furent choisis : anciennes dunes arasées par la dernière transgression, défluences et deltas des mayos qui ont ensuite franchi le cordon ; donc plutôt un semis de points favorables que de vastes étendues.

Aux premiers siècles de notre ère, les maigres productions entraî- nées par ces faibles surfaces ont maintenu des démographies peu éle- vées dans un équilibre momentané et bien sûr très relatif (catastro- phes climatiques , épidémies, épizooties, invasions acridiennes sont tou- jours conjecturables). I1 semblerait qu’ensuite , un déséquilibre rela- tif entre l’augmentation du nombre des occupants et la stabilité de la production, aie poussé à la migration de groupes ou de fractions. Un début de preuve en serait une certaine pression sur les terres cul- tivables révélée par l’occupation dans la plaine interne (et même au- delà) de points topographiquement bas, pas du tout exondés mais bien menacés par l’inondation - Mongossi par exemple -, (12). De telles installations suggèrent que les bonnes places étaient prises (les buttes déjà exondées). Sur tous ces sites exigus, il ne pouvait y avoir que concurrence entre les surfaces cultivées et les surfaces habitées. La destruction des planosols utilisés pour le mil de décrue au pied des buttes, comme l’augmentation démographique réduisant les sur- faces de sols sableux de la butte elle-même, peuvent partiellement expliquer la concentration sur place et 1’ érection des buttes, surtout dàns la plaine du Logone, de même que la scission des groupes et des micro-migrations.

L’adoption du sorgho repiqué (supposée ici entre les X’ et xv’ ad.) par des groupes sous une telle pression démographique puis migratoire, permit l’expansion régionale en ouvrant l’accès à tous les

.

(12) A Daïma (Connah G. 1981, 1985), l’occupation L.S.A. initiale a dû accu- muler de la terre pour échapper à l‘inondation annuelle.. .

ESQUISSE GÉOARCHÉOLOGIQUE 205

sols à rétention hydrique suffisante. I1 faut vraisemblablement asso- cier les deux facteurs dans une boucle rétroactive.

L’expansion de ces deux cultures, telle que nous la proposons pour leur deuxième phase, implique l’occupation des sols sur les interflu- ves, sols majoritairement formés soit sur quelques ultimes dépôts allu- viaux (bt2), soit sur des alluvions plus anciennes ou des colluvions tout autant sableuses, et dont la caractéristique agronomique devait etre le bon drainage. Cette occupation frangeait les bas-fonds à sols vertiques exploitables par les sorghos dzcm, ce qu’on appelle de nos jours en langue peule, les kmul( l3) à argiles montmorillonitiques, à rétention hydrique suffisante qu’il fallut alors déboiser.

Lors de cette phase, sur-occupation des planosols fragiles des inter- fluves et surpâturage seraient responsables du départ après mobilisa- tion excessive, de l’horizon supérieur et mise au jour du contact devenu alors planique, impénétrable et stérile. Ce contact exhibe aujourd’hui les vestiges de cette deuxième phase essentiellement du salakien.

Nous serions tenté de bien différencier le Mongossien installé sur la plaine interne du Logone des cultures de 1’Age du fer connues nettement plus au Nord dans la zone franchement inondée des yaé- rédfirki comme Houlouf ou Mdaga (Ho11 A. 1987). En effet, pour cette dernière, la longueur comme la puissance des inondations ont dû fortement contraindre les cultures sur les zones exondées, y entra?- ner une sévère compétition pour la place à la fois entre groupes et, pour un groupe, entre ses diverses activités, et la difficulté à prati- quer la culture du sorgho de décrue (14) .

Pour le Diamaré, les disponibilités en terres favorables semblent avoir été meilleures à cette époque, ce qui, ajouté à son éloignement par rapport aux grands courants historiques au Nord, corrobore l’image d’une marche refuge-réservoir, peuplée de groupes indépendants rétifs à la concentration étatique minimale et qui devaient entrer plus tard, d’abord indirectement puis plus brutalement, dans l’orbite des empires et royaumes circumtchadiens. Après avoir participé de plus en plus à leurs échanges, ils allaient, volens nolens, être entraînés dans leurs querelles.

(13) Raral/pl. hare : sol nu argileux utilisé de nos jours pour le mil repiqué durra

(14) Ou alors l’adoption du a mil flottant n attesté chez les Mousgoum. appelé mukwaari.

206 MILIEUX, SOCIÉTÉS ET AE¿CHÉOLOGUES

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SEIGNOBOS (C.), 1991, s.1. La perception des harde? par du Diamaré. Ms.

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SITUATION GÉNÉRALE

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