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Effets de la rénovation urbaine sur la gestion urbaine de proximité et la tranquillité publique Novembre 2016

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Effets de la rénovation urbaine sur la gestion urbaine de proximité et la tranquillité publique

Novembre 2016

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Directeur de publication : Jean-Michel Thornary

Responsable de collection : Jean-Christophe Baudouin

Auteurs :étude réalisée par les cabinets Bonetti Recherche Consultance - FORS-Recherche Sociale - JDL architecte-urbanisme par les consultants suivants : Michel Bonetti, Pauline Kertudo, Jean-Didier Laforgue, Clémence Petit, Julien Van Hille, Didier Vanoni.Au sein du CGET, le bureau de l’Évaluation (Damien Kacza) ainsi que le bureau du Renouvellement urbain, du Cadre de vie et de la Prévention de la délinquance (Sylvaine Gaulard) ont encadré les travaux et contribué à la rédaction de l’avant-propos et de la postface.Des représentants de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et de l’Union sociale pour l’habitat (USH) ont participé au comité de pilotage.

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Table des matières

AVANT-PROPOS ................................................................................................................................................. 4 INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 5 PREMIERE PARTIE LA QUESTION DE LA GESTION ET DE LA TRANQUILLITE PUBLIQUE DANS LES PROJETS DE RENOVATION URBAINE : CONTOURS DU SUJET ET GENESE D’UNE PRISE EN COMPTE PROGRESSIVE PAR LES POLITIQUES PUBLIQUES ............................................................................... 12

A. LA GESTION URBAINE DE PROXIMITE : UNE NOTION PLURIELLE ARTICULEE AUTOUR DES CONCEPTS DE PARTENARIAT ET DE PROXIMITE .................................................................................................................................................. 12

B. LA TRANQUILLITE PUBLIQUE : UNE NOTION COMPLEXE FAISANT INTERVENIR DES ELEMENTS A LA FOIS OBJECTIFS ET SUBJECTIFS .................................................................................................................................................. 14

C. LA TRANQUILLITE, COMPOSANTE DE LA GESTION URBAINE DE PROXIMITE ? .............................................................. 16 D. DES OPERATIONS HVS AU NPNRU: LES ETAPES D’UNE PRISE EN COMPTE DE LA GESTION URBAINE DE PROXIMITE ET DE LA

TRANQUILLITE DANS LES DISPOSITIFS DITS DE « DEVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN » ................................................... 17 E. LA MISE EN EXERGUE DES INTERACTIONS ENTRE ESPACE ET SECURITE : D’UNE APPROCHE BIDIMENSIONNELLE A UNE ANALYSE

ELARGIE INTEGRANT DES ASPECTS SOCIAUX ET HUMAINS ...................................................................................... 22 F. LES SPECIFICITES DE LA TRADUCTION FRANÇAISE DES PRINCIPES DE LA PREVENTION SITUATIONNELLE ............................. 26 G. LES ATTENDUS EN MATIERE DE GESTION URBAINE DE PROXIMITE ET DE TRANQUILLITE PUBLIQUE AVEC LA RENOVATION

URBAINE ..................................................................................................................................................... 33 CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ....................................................................................................................... 35

DEUXIEME PARTIE LES INCIDENCES DE LA CONCEPTION URBAINE SUR LES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ACTIONS DE GESTION ET DE TRANQUILLITE PUBLIQUE ........................................................ 36

A. L’ANALYSE DES INTERACTIONS ENTRE LA CONCEPTION URBAINE ET ARCHITECTURALE, LA GESTION URBAINE ET LA TRANQUILLITE PUBLIQUE ................................................................................................................................ 36

B. UNE PRISE EN COMPTE GENERALEMENT POSITIVE DES PROBLEMATIQUES DE GESTION ET DE TRANQUILLITE DANS LA CONCEPTION DES PROJETS DE RENOVATION URBAINE ........................................................................................... 40

C. LA PERSISTANCE DE PROBLEMES URBAINS ET LA REALISATION D’ERREURS DE CONCEPTION LIMITENT LES IMPACTS POSITIFS DES PROJETS ................................................................................................................................................ 45

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE ....................................................................................................................... 56 TROISIEME PARTIE LES ACTIONS MISES EN ŒUVRE EN MATIERE DE GESTION DANS LE CADRE DES PROJETS DE RENOVATION URBAINE : UNE DYNAMISATION NOTABLE DONT LA PERENNITE DEMEURE FRAGILE ET INCERTAINE ...................................................................................................... 57

A. AVANT LE PRU, UNE THEMATIQUE ENCORE FAIBLEMENT IDENTIFIEE ET OUTILLEE ...................................................... 57 B. UNE DIVERSITE D’APPREHENSION DU CHAMP D’INTERVENTION DE LA GESTION URBAINE DE PROXIMITE D’UN SITE A L’AUTRE

61 C. UNE PRISE EN COMPTE ACCRUE DES QUESTIONS DE GESTION URBAINE DE PROXIMITE DANS LE CADRE DE LA MISE EN ŒUVRE

DES PROJETS DE RENOVATION URBAINE ........................................................................................................... 66 D. UNE CAPACITE INEGALE A ANIMER LA DEMARCHE ET LA FAIRE PERDURER ................................................................. 73 E. DES DIFFICULTES POUR LES ACTEURS ET LES HABITANTS A RELIER LES INTENTIONS AUX RESULTATS ET A MESURER ET

OBJECTIVER LES EFFETS .................................................................................................................................. 80 CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE ...................................................................................................................... 86

QUATRIEME PARTIE UN IMPACT INDENIABLE DE LA REQUALIFICATION URBAINE SUR L’AMBIANCE DES QUARTIERS, MAIS DES DIFFICULTES A MESURER ET VALORISER LES EFFETS PROPRES AUX PRU EN TERMES DE BAISSE DES INCIVILITES ET DU SENTIMENT D’INSECURITE ........ 88

A. UNE OBJECTIVATION DES PROBLEMES PAS TOUJOURS POSEE A PRIORI ..................................................................... 88 B. UNE PRISE EN COMPTE DES ENJEUX DE TRANQUILLITE PUBLIQUE QUI PASSE SURTOUT PAR DES INTERVENTIONS SUR LE BATI ET

LA SECURISATION DES CHANTIERS .................................................................................................................... 93

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C. DES DISPOSITIFS DE PREVENTION SITUATIONNELLE ET DES ACTIONS DE TRANQUILLITE PUBLIQUE SOUVENT PENSES INDEPENDAMMENT DE LA RENOVATION URBAINE ................................................................................................ 99

D. LA PERCEPTION D’UN EFFET REEL DE LA RENOVATION URBAINE SUR LA TRANQUILLITE, NEANMOINS DIFFICILE A OBJECTIVER 105

E. TROIS NIVEAUX DE RESULTATS IDENTIFIES EN MATIERE DE TRANQUILLITE PUBLIQUE ................................................. 113 CONCLUSION DE LA QUATRIEME PARTIE................................................................................................................... 126

CINQUIEME PARTIE DU BILAN AUX PERSPECTIVES ................................................................................................................. 128

A. LA MISE AU JOUR D’UNE CHAINE VERTUEUSE QUI ARTICULE CONCEPTION, GESTION URBAINE ET TRANQUILLITE PUBLIQUE 128 B. PERSPECTIVES ET PROPOSITIONS .................................................................................................................... 135

CONCLUSION GENERALE .......................................................................................................................... 142 POSTFACE LES NOUVEAUX PRINCIPES DU NPNRU LIES AUX ENJEUX DE GESTION ET DE TRANQUILLITE .............................................................................................................................................. 146 ANNEXES

ANNEXE 1 : REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................................................................................... 150 ANNEXE 2 : LES FACTEURS LIES AU CONTEXTE URBAIN ET A LA CONCEPTION ARCHITECTURALE ET URBAINE POUVANT GENERER DES

PROBLEMES DE GESTION OU DE SECURITE ........................................................................................................ 158

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Avant-propos Le programme national de rénovation urbaine (PNRU), lancé en 2003, avait pour ambition de restructurer les quartiers concernés dans un objectif de mixité sociale et de développement durable. Le règlement général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) relatif à ce programme précise « la contribution des projets de rénovation urbaine au développement durable, qui résulte notamment des éléments suivants :

- (…) l’amélioration de la structure urbaine des quartiers ; - (…) la qualité des espaces publics et leur délimitation claire ; - (…) l’amélioration des conditions de vie au quotidien et de la vie sociale des habitants à

travers le remodelage des quartiers et l’évolution des organisations liées à la gestion urbaine de proximité ;

- (…) l’amélioration de la sûreté des personnes et des biens à travers la reconfiguration des espaces. (…) » 1.

Douze ans après le commencement du PNRU, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) a souhaité lancer une étude sur les effets de la rénovation urbaine sur la gestion urbaine de proximité et la tranquillité publique. Il s’agissait d’apporter un éclairage empirique sur la situation des quartiers concernés par la rénovation urbaine sur la question de la pérennité des investissements réalisés dans le cadre du PNRU : la réorganisation spatiale opérée dans le cadre des projets de rénovation urbaine et la mise en dynamique des acteurs autour des projets a-t-elle entraîné une amélioration pérenne de l’entretien, de la propreté, de l’ambiance et de la sécurité dans les quartiers concernés ? Lancée en 2015 et confiée au groupement Bonetti Recherche Consultance/Fors-Recherche sociale/JDL architecte urbanisme, l’étude a permis d’analyser comment les projets de rénovation urbaine ont pris en compte, traité et impacté les situations de gestion et de tranquillité dans dix sites retenus pour leur caractère représentatif de la rénovation urbaine sur le territoire national. Sur chacun de ces sites ont été réalisés des visites et observations approfondies ainsi que des entretiens individuels auprès de 100 acteurs impliqués dans les projets de rénovation urbaine et/ou dans la gestion et la tranquillité publique. En outre, trois des dix sites ont fait l’objet d’un zoom spécifique, avec la réalisation d’entretiens collectifs auprès d’un échantillon représentatif d’habitants. Ces analyses ont abouti à la formalisation des principaux facteurs pouvant impacter la réussite des projets et ont permis de formuler des préconisations à destination des acteurs locaux impliqués dans les projets, notamment dans le cadre du lancement du nouveau programme national de renouvellement urbain.

1 Règlement général de l’Anru pour le programme national de rénovation urbaine, Titre III, article 1.1

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Introduction

Au début des années 2000, la situation des grands quartiers d’habitat social en France est particulièrement préoccupante : ces territoires sont présentés comme dégradés, insécurisants, et souffrent d’un fort déficit d’image. Ils apparaissent en effet comme défavorisés à travers une série de critères : fréquence de l’échec scolaire, faiblesse du niveau de formation, importance du taux de chômage, surreprésentation des ouvriers, des employés et des étrangers 2 parmi la population, prégnance de l’habitat collectif social, perte de vitesse des équipements commerciaux, présence réduite des services publics3, importance des problèmes de gestion, multiplication des phénomènes de délinquance et développement d’un sentiment d’insécurité. La dégradation des immeubles, des équipements et des espaces urbains constituent l’une des dimensions les plus visibles des dysfonctionnements affectant ces quartiers. Leur organisation urbaine particulièrement complexe (prégnance des voiries, parkings, espaces verts) et leur faible densité rendent leur gestion particulièrement difficile. Bénéficiant d’espaces publics très généreux, ces quartiers nécessitent un investissement important en termes de gestion. Or les moyens consacrés à cette gestion par les villes et les bailleurs sont trop souvent insuffisants et/ou inadaptés (séparation trop forte des interventions, manque d’articulation entre les partenaires, etc.)4. Ce qu’affirment clairement les habitants interrogés dans le cadre d’enquêtes menées avant la rénovation urbaine : « On voit bien comment les choses sont laissées à l’abandon » / « Il y a une chose choquante : comment se fait-il qu’il n’y ait pas de balayeuses qui nettoient par terre à Grigny ? Pourquoi pas un service de nettoyage efficace ? On ne peut pas toujours parler de ce qui ne va pas du côté de la population, alors qu’il y a des choses du côté des institutions ? »5. Les problèmes de sécurité sont aussi particulièrement aigus au sein de ces territoires, en partie du fait de la très forte croissance de la consommation et du trafic de stupéfiants dans les quartiers pauvres. Mais par-delà ces problèmes, les habitants des banlieues sont aussi confrontés à des phénomènes très récurrents d’incivilités rendant leurs lieux de vie insécurisants : « L’incivilité se présente comme concrète : elle incarne une menace devant et autour des individus. Cette menace prend des figures variées : bruit, saleté, dégradations, conduites insolites, vols (…) Très visibles (…) les incivilités peuvent catalyser les craintes parce qu’elles s’étalent durablement aux yeux de tous. Enfin, les incivilités constituent une double menace : à la fois pour soi et pour les normes (...) de plus en plus souvent, les incivilités sont vécues par la population comme une rupture radicale du lien social »6. Selon le rapport 2004 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS)7, plus de 48% des ménages habitant en ZUS déclarent que des actes de destruction ou de dégradation d’équipements collectifs se sont souvent produits dans leur quartier en 1999 et 2000. Intrinsèquement élevée, cette proportion est aussi trois fois supérieure à celle rencontrée dans les autres quartiers des unités urbaines où sont situées les ZUS. Par rapport aux habitants de ces autres quartiers, les populations des ZUS se déclarent plus souvent mécontents, tant en ce qui concerne la gestion que la sécurité de leur lieu de vie. Ils font part d’un sentiment d’insécurité plus fort, se plaignent davantage de l’état de leur immeuble, d’un voisinage pesant, et décrivent l’environnement à proximité de chez eux comme dégradé, mal entretenu et sombre

2 La surreprésentation des personnes d’origine immigrée dans les ZUS par rapport au reste du territoire national est liée notamment à l’histoire des grands ensembles et à la volonté de résorber les bidonvilles dans les années 1960 et 1970. 3 En dehors des écoles maternelles et primaires. 4 Allen B., Bonetti M., Des quartiers comme les autres ? La banalisation urbaine des grands ensembles en questions, La Documentation française, 2013. 5 Rapport de l’ONZUS, Editions de la DIV, 2004. 6 Roché S., Le Sentiment d’insécurité en France, Thèse pour le doctorat de l’Université en Science politique, CERAT, 1991. L’essentiel en a été publié sous le titre Le Sentiment d’insécurité [1993]. 7 Borzeix A., Collard D., Raulet-Croset N., Lamireau C., « Action publique et ordre social à l’épreuve des incivilités. Des Dispositifs et des Hommes », Centre de recherche en gestion CNRS, Avril 2005.

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la nuit : « Il y a une chose à laquelle je ne me suis jamais habituée, c’est la saleté, l’état de la cage d’escalier, un non-respect de soi-même et des autres : il y avait une dame qui faisait faire pipi à son chien dans la montée de l’escalier » / « Les cages d’escalier dégueulasses, entre le crachat, le pipi, les œufs, le sucre, les préservatifs »8. La dégradation des quartiers de grands ensembles et la détérioration de la qualité de vie de leurs habitants participent aux sentiments d’abandon, de rejet, d’absence d’avenir et de cynisme du reste de la société, qui structurent un très fort sentiment d’injustice9 et donnent lieu à des émeutes et violences urbaines récurrentes (des émeutes des Minguettes en 1980 jusqu’à celles de novembre 2005). A travers les entretiens menés avec les émeutiers de 2005, Laurent Mucchielli et Abderrahim Aït-Omar font apparaître les différents types d’humiliations ressenties par ces derniers dans leur vie quotidienne : dans les relations avec la police, dans l’absence de travail qui découle de leur échec scolaire précoce et, en fin de compte, dans le sentiment d’être des citoyens de seconde zone, presque des « parias » comme le dit l’un des émeutiers interrogés10. Avec cette « crise » des banlieues se développe la thèse de leur ségrégation, leur séparation radicale par rapport au reste de la ville. Thèse s’accompagnant d’un usage inflationniste de la notion de « ghettos » dans les écrits journalistiques, mais aussi dans les propos des gouvernants et jusque dans les discours des habitants des quartiers eux-mêmes : « De l’extérieur, le constat est accablant : entrées taguées et saccagées, boîtes aux lettres éventrées, ascenseurs bloqués, un des centres commerciaux pour partie carbonisé et le Formule 1, devenu le refuge d’un hôtel social, récemment abandonné. Les cités du bas et du haut de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) avec, en prolongement, celle des Bosquets de Montfermeil, concentrent toutes les dérives des ghettos et des zones sensibles » / « c’est vraiment le ghetto : non seulement ce sont des frontières naturelles, enfin naturelles(…) par la route qui le cerne, mais en plus la Grande Borne est refermée sur elle-même. La circulation ne se fait qu’à la périphérie ». 11. Dans ce contexte, le programme national de rénovation urbaine (PNRU) s’est donné pour ambition de contrecarrer l’image très dévalorisée des quartiers et de leur redonner une attractivité nouvelle. Partant du constat de la relative incapacité des actions jusqu’alors menées (opérations urbaines mais aussi actions de développement social) à enclencher une spirale vertueuse de requalification des quartiers, le gouvernement annonce, avec ce PNRU, un véritable changement de perspective. Le programme de rénovation urbaine marque en effet un tournant dans la politique à destination des quartiers : abandonnant la réhabilitation, il mise sur des opérations de restructuration lourdes, fondées sur des démolitions massives suivies de reconstructions diversifiées, dans la perspective de « casser les ghettos »12 urbains. Lancé initialement dans 751 zones urbaines sensibles (ZUS) pour cinq ans et relayé par des programmes d’action locaux, il s’est doté d’outils et de financements importants (12,35 milliards de subventions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine) pour aménager des espaces publics, créer ou réhabiliter des équipements publics, réorganiser les voiries, rénover le parc de logements publics et privés. Le PNRU se distingue nettement des vagues précédentes de rénovation urbaine, avec lesquelles il marque une rupture. En ciblant les ZUS tout d’abord, il vise moins des territoires d’habitat indigne que les quartiers populaires concentrant de manière croissante les populations issues des dernières vagues d’immigration et leurs descendants. En affichant des objectifs de peuplement explicites, il vise ensuite à faire cohabiter différentes couches de la population dans les mêmes espaces résidentiels, là où les opérations passées montraient plutôt une volonté de « faire partir les ouvriers pour laisser place à la bourgeoisie »13. Enfin, l’enjeu du PNRU dépasse la simple amélioration des conditions de logement et 8 « A Clichy-sous-Bois, les errements et les espoirs de la politique de la ville », article du journal Le Monde, 29 mars 2005. 9 Mucchielli L., « Le rap de la jeunesse des quartiers relégués. Un univers de représentations structuré par des sentiments d’injustice et de victimation collective » in Boucher M., Vulbeau A., Émergences culturelles et jeunesse populaire, Paris, Editions l’Harmattan, 2003, pp. 325-355. 10 Mucchielli L., Aït-Omar A., « Les émeutes de l’automne 2005 dans les banlieues françaises du point de vue des émeutiers », in Revue internationale de psychosociologie, n°30, Vol. XIII, 2007. 11 Borzeix A., Collard D., Raulet-Croset N., Lamireau C., op. cit. 12 Interview de M. Jean-Louis Borloo, Ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, à RMC Info le 2 juillet 2003. 13 Epstein R., « Dé)politisation d'une politique de peuplement : la rénovation urbaine du XIXe au XXIe siècle » in Desage F., Morel-Journel C., Sala Pala V., Le peuplement comme politiques, Presses universitaires de Rennes, 2014, pp.329-354.

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du cadre de vie des habitants ; il s’agit de transformer, dans un même mouvement, l’ensemble des facteurs menaçant la cohésion sociale des ZUS, et ainsi d’intervenir parallèlement sur l’urbanisme, le peuplement et le fonctionnement social des quartiers. Le programme de rénovation urbaine est donc mû par un objectif de transformation sociale par l’urbain14. A côté des investissements massifs portant sur le bâti (démolition et reconstruction, réhabilitation et résidentialisation de logements, réhabilitation et création d’équipements publics, interventions sur les centres commerciaux), il prévoit diverses actions d’accompagnement des habitants au cours des transformations majeures de leur cadre de vie, et notamment un accompagnement social lors des opérations de relogement et des démarches de gestion urbaine de proximité. Les opérations urbaines doivent s’inscrire dans de véritables projets intégrés de développement économique et social, condition essentielle à un urbanisme renouvelé. Comme l’indique le règlement général de l’Anru (RGA) : « La qualité du projet de rénovation urbaine repose […] sur l’adéquation des transformations envisagées aux difficultés sociales et urbaines à traiter. La mobilisation de tous les acteurs publics et privés est dans ce cadre essentielle à la réussite du projet et en constitue une nécessité. […] La complémentarité des actions engagées au titre du projet de rénovation urbaine avec les actions conduites en matière de politique de la ville et de développement économique est essentielle »15. Ainsi, la banalisation et la reconquête des quartiers souhaitées par le PNRU ne se centre pas uniquement sur les démolitions et la restructuration urbaine. Elle doit aussi passer par une gestion et une tranquillité renouvelées. La gestion urbaine apparaît comme une dimension importante des projets de rénovation urbaine, pour laquelle l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) demande l’élaboration ou l’actualisation d’une convention de gestion urbaine de proximité (GUP) dans les six mois suivant la signature de la convention de rénovation urbaine. L’Anru considère la gestion urbaine de proximité comme une démarche fondamentale pour la réussite des projets de rénovation urbaine (PRU) et la pérennisation des investissements, qui nécessitent une coopération renforcée entre les différents acteurs impliqués dans la gestion des quartiers (ville, agglomération, bailleurs, habitants...). Pour l’Anru, une meilleure gestion urbaine des territoires défavorisés participe à l’équité de traitement entre les territoires de la ville et contribue également à améliorer l’image et l’attractivité des quartiers16. Pour ce qui relève de la sécurité, l’amélioration de la tranquillité publique et résidentielle des quartiers n’est pas mentionnée explicitement dans les objectifs du PNRU fixés par la loi de 2003. Cependant, si l’acuité des situations initiales de ces quartiers en matière de tranquillité est extrêmement variable, le sentiment d’insécurité tend à se manifester sur l’ensemble des sites, constituant ainsi une donnée de contexte à intégrer de facto dans le cadre des PRU. La tranquillité apparaît ainsi comme un enjeu moins formalisé que la gestion urbaine de proximité dans le cadre des projets. Cependant, elle constitue de manière évidente une dimension sur laquelle la rénovation urbaine cherche à faire levier, les problèmes d’insécurité étant associés aux formes urbaines, aux caractéristiques socio-économiques des habitants et à la ségrégation socio-spatiale. Les PRU ont ainsi clairement un rôle à jouer en matière d’insécurité, et plus précisément vis-à-vis des phénomènes d’insécurité dans l’habitat social, qui font intrusion dans la sphère intime des habitants et sont, à cet égard, particulièrement anxiogènes. Alors que les premiers projets de rénovation urbaine arrivent désormais à échéance, les effets globaux du PNRU ont été mis en évidence par plusieurs études et recherches : « Des situations qui paraissaient désespérées ont évolué en peu de temps de façon tout à fait spectaculaire, alors que ces quartiers attendaient des changements depuis des dizaines d’années (…) Les conditions de vie de millions d’habitants des quartiers ont été impactées positivement par le PNRU, qui leur a rendu dignité et fierté de leur quartier »17. Cependant, à l’aube du nouveau programme national de renouvellement

14 Oblet T., Gouverner la ville, Paris, Presses Universitaires de France, 2005. 15 Arrêté du 20 mars 2007 portant approbation du règlement général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, Journal officiel de la République Française n°79 du 3 avril 2007. 16 Acsé « Repères sur la gestion urbaine de proximité. Garantir la qualité du cadre de vie des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville », avril 2009. 17 « Changeons de regard sur les quartiers. Vers de nouvelles exigences pour la rénovation urbaine », Rapport du Comité d’évaluation et de suivi l’Anru, Janvier 2013.

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urbain (NPNRU), des interrogations demeurent quant à la réussite des projets en matière de gestion, de pérennité des investissements, et d’amélioration durable de l’ambiance et de la tranquillité des quartiers. Dans le cadre de sa mission d’évaluation du programme national de rénovation urbaine, le Commissariat général à l’égalité de territoires (CGET) a donc souhaité engager une étude spécifique sur les effets des projets de rénovation urbaine en matière de gestion urbaine de proximité et de tranquillité publique. A travers cette étude, il s’agit d’interroger le degré et la nature de la prise en compte des questions de gestion urbaine et de tranquillité publique (dans toutes ses formes : regroupements, incivilités, délinquance, trafics) dans l’élaboration puis la mise en œuvre des projets de rénovation urbaines :

- La question des usages des habitants des quartiers a-t-elle été prise en compte lors de la définition des projets urbains ?

- La gestion urbaine a-t-elle fait l’objet d’un projet à part entière ? La question de l’organisation

des acteurs en charge de la gestion a-t-elle été posée ?

- Comment a été prise en compte la sécurité dans les projets ? Quel est son impact sur l’urbanisme et l’architecture mis en œuvre dans le cadre des projets ? Une plus forte mobilisation des services policiers a-t-elle été ressentie ?

Avec, in fine, la volonté d’apprécier et d’évaluer les impacts de cette prise en compte (ou non prise en compte) sur la vie collective dans les quartiers et le quotidien de leurs habitants :

- Quels impacts les projets de rénovation urbaine ont-ils eu sur la tranquillité publique ? Quelle évolution du sentiment d’insécurité des habitants est-elle observable ?

- Quelle est l’évolution des modes et des coûts de gestion pour les bailleurs et les collectivités ?

- Des effets de transfert des problèmes de gestion et d’insécurité ont-ils été observés dans d’autres secteurs des quartiers ou dans d’autres quartiers ?

Méthode Le corps de l’analyse développée dans le présent rapport s’appuie sur une étude de 10 projets réalisée par le cabinet FORS-Recherche Sociale, avec Michel Bonetti (sociologue urbaniste) et Jean-Didier Laforgue (architecte urbaniste). Afin de pouvoir identifier un maximum d’effets pérennes du PNRU, le CGET a retenu, dans le cadre de cette étude, des quartiers dont les conventions ont été signées durant les deux premières années de fonctionnement de l’Anru, soit en 2004 et 2005. Le choix des sites s’est en outre fait en fonction de plusieurs autres critères : le contexte de mise en œuvre des projets (taille de l’agglomération de référence du quartier et état de tension du marché de l’immobilier18) ; la situation géographique des quartiers (respect de la répartition régionale des conventions signées en 2004 et 2005) ; et enfin la sélection ou non du quartier (et/ou d’un autre quartier de la ville) dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

18 Le CGET s’est appuyé sur une classification existante, en cinq catégories : 1. les aires urbaines en décroissance ; 2. les aires urbaines de moins de 500 000 habitants dont la croissance démographique est moyenne ; 3. les aires urbaines de moins de 500 000 habitants en forte croissance ; 4. les aires urbaines de plus de 500 000 habitants où le marché immobilier est dévalorisé ; 5. les aires urbaines de plus de 500 000 habitants où, au contraire du groupe précédent, le marché immobilier est tendu.

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Liste des sites étudiés Les 10 sites retenus sont les suivants :

- les Quartiers Nord de Bourges (Cher) ; - les Hauts de Chambéry (Savoie) ; - la Croix Petit à Cergy (Val d’Oise) ; - les Tarterêts à Corbeil-Essonnes (Essonne) ; - les Quartiers Nord du Havre (Seine-Maritime) ; - les Hauts Champs à Hem-Lys-Roubaix (Nord) ; - Kervénanec à Lorient (Morbihan) ; - les Quartiers Est de Montauban (Tarn-et-Garonne) ; - la Ville Nouvelle à Rillieux-la-Pape (Rhône) ; - Pré Génie / St-Eloi à Woippy (Moselle).

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Ces 10 sites, retenus pour leur caractère représentatif des projets de rénovation urbaine sur le territoire national, ont constitué des supports pour élaborer une analyse plus globale, valable pour la rénovation urbaine dans son ensemble, et s’alimentant d’exemples de sites observés et analysés à l’occasion d’autres missions et études menées. Quatre méthodes d’investigation ont été mobilisées :

- Une double analyse documentaire : analyse des travaux – rapports d’évaluation et études universitaires – produits au plan national sur le sujet de la GUP et de la tranquillité publique dans le cadre de la rénovation urbaine d’une part ; analyse des documents propres aux différents sites fournissant des informations sur leur réalité socio-économique et les intentions de départs des PRU (convention PRU, diagnostics, documents d’instruction, bilans, rapports évaluatifs, etc.) d’autre part ;

- Des visites et observations sur chaque site, réalisées à l’aide d’une grille d’indicateurs

permettant d’appréhender objectivement le degré de gestion et l’ambiance des quartiers (état et aspect général, propreté des espaces publics, résidentiels et des parties communes, entretien des espaces verts, gestion des encombrants, voitures épaves, regroupements, etc.). Ces visites ont fait systématiquement l’objet des reportages photographiques qui alimentent le présent rapport ;

- Des entretiens individuels auprès de 100 acteurs impliqués dans les 10 projets de rénovation

urbaine et/ou dans la gestion et la tranquillité publique des sites (représentants des bailleurs sociaux, des services de l’Etat, d’établissements publics, des collectivités locales et des équipements de proximité), ayant vocation à identifier les problématiques initiales de GUP et de tranquillité sur les sites, les actions mise en œuvre dans le cadre de du PRU, et les effets de ces actions ;

- Des entretiens collectifs avec un échantillon représentatif de 25 habitants répartis sur 3 sites

ayant fait l’objet d’un zoom spécifique (Chambéry, Le Havre, Lorient), visant à recueillir le ressenti des ménages en termes d’impact des opérations sur la gestion et la tranquillité dans leur quartier.

Déroulement Dans une première partie, ce rapport revient sur les notions de GUP et de tranquillité publique afin d’en définir le périmètre et les contours, et de mettre en exergue la façon dont elles se sont progressivement imposées dans le champ du développement social urbain pour finalement devenir des enjeux majeurs des politiques urbaines et de la politique de la ville. Elle montre comment la conception de l’espace en France est progressivement sortie d’une approche exclusivement physique (sur le bâti) pour s’ouvrir à un ensemble d’autres aspects (notamment sociaux, humains). La deuxième partie présente les éléments qui façonnent le « fonctionnement social urbain » d’un quartier ainsi que l’ensemble des interactions possibles entre conception urbaine et architecturale, gestion urbaine, et tranquillité publique. Elle revient ensuite plus précisément sur les 10 sites étudiés, pour présenter leur spécificité (au regard de leur réalité socio-économique, de leur environnement, et des intentions initiales des porteurs de projets dans le cadre du PRU) mais aussi pour examiner en détail les modes de conception qui ont sous-tendu la mise en œuvre des PRU sur ces différents territoires. Elle s’attache ainsi à montrer les incidences de la conception urbaine sur les conditions de mise en œuvre des actions de GUP et de tranquillité.

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Les troisième et quatrième parties, qui constituent le cœur de l’évaluation, reviennent en détails sur les actions mises en œuvre sur les 10 sites – en matière de GUP d’une part (troisième partie) et de tranquillité publique d’autre part (quatrième partie) – leur articulation avec les autres politiques publiques, et les effets produits, à la fois pour les habitants, les partenaires et plus largement pour la dynamique territoriale globale. Elles confrontent les intentions initiales et projets théoriques aux pratiques et à la réalité de terrain. La cinquième et dernière partie synthétise les résultats de l’étude et fournit des recommandations détaillées concernant la gestion urbaine et la tranquillité publique dans les quartiers, sur la base notamment des bonnes pratiques observées et de l’état de la recherche française et internationale sur le sujet.

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Première partie La question de la GUP et de la tranquillité publique dans les projets de rénovation urbaine : contours du sujet et genèse d’une prise en compte progressive par les politiques publiques

Une étude sur l’impact des projets de rénovation urbaine en matière de gestion urbaine de proximité et de tranquillité publique dans les quartiers concernés par le PNRU ne peut faire l’économie d’un retour sur la définition même et la genèse des notions de gestion urbaine et de tranquillité. En effet, celles-ci sont complexes et ne vont pas de soi, posant de nombreuses questions sur les frontières de l’action publique et le périmètre des interventions dans ces champs. La clarification de ces deux concepts est d’autant plus essentielle que leur reconnaissance en France est récente, et qu’elle s’est par ailleurs imposée de manière très progressive, à la suite de nombreux débats, réflexions et expérimentations initiés dans le cadre de la consolidation de la politique de la ville. Si les questions de GUP et de tranquillité publique apparaissent désormais comme des enjeux majeurs des politiques urbaines et de développement social, il n’en a pas toujours été de même, notamment du fait de la prégnance d’une conception de l’espace centrée sur le bâti et d’un cloisonnement fort entre les actions menées sur le volet « urbain » et celles à l’œuvre sur le volet « humain ». Aujourd’hui, l’amélioration de la gestion urbaine dans les quartiers en rénovation est présentée par l’Anru comme un enjeu fondamental, le processus de dégradation des quartiers ayant été généré, par-delà les défauts de conception initiale, par un déficit de gestion et une inadaptation des modes d’organisation des villes et des bailleurs. De même, l’amélioration de la tranquillité publique constitue en soi une préoccupation majeure des acteurs de la rénovation urbaine. Bien que la sécurisation n’apparaisse pas de manière explicite et argumentée dans les PRU, les problématiques d’insécurité urbaine (trafics de drogues, émeutes) et d’incivilités sont largement associées à ces quartiers. L’amélioration des situations des sites du point de vue de la tranquillité fait partie intégrante des objectifs recherchés.

A. La gestion urbaine de proximité : une notion plurielle articulée autour des concepts de partenariat et de proximité

La gestion urbaine de proximité est une notion pluridimensionnelle, structurée à la fois autour d’une forte dimension partenariale d’une approche thématique plurielle.

1. La dimension partenariale au cœur de la notion de gestion urbaine de proximité La note de cadrage réalisée par le ministère de l’Equipement en 1999 pose une définition volontairement assez large de la gestion urbaine de proximité : « la gestion urbaine de proximité est l’ensemble des actes qui contribuent au bon fonctionnement d’un quartier »19. Cette définition, centrée sur l’enjeu d’amélioration de la vie des habitants dans leurs quartiers, donne peu d’éléments sur les moyens de cette amélioration. La définition proposée un an plus tôt par le groupement d’intérêt économique « Villes et Quartier » fournit des éléments plus précis et éclairants sur la GUP, mettant notamment en avant la dynamique partenariale sous-tendue par cette notion : « La gestion urbaine de proximité a pour objectif la mise en oeuvre d’une démarche partenariale cohérente entre les différents services urbains privés et/ou publics sur un quartier et/ou des formes innovantes de délégation, dans

19 « Note de cadrage : une démarche ‘gestion urbaine de proximité’ », Ministère de l’équipement, des transports et du logement, Délégation Interministérielle à la Ville, UNFOHLM, 1999.

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le but d’améliorer la qualité de vie des habitants, tant au quotidien que sur le long terme et de renforcer l’attractivité du quartier. Elle n’a pas pour but de dresser une panoplie d’actions, mais véritablement de générer une démarche partenariale »20. Ainsi, plus qu’un champ d’action, la gestion urbaine de proximité (GUP) désigne une dynamique inter-partenariale basée sur l’articulation et la coordination des interventions de chacun au service de l’amélioration du cadre et des conditions de vie des habitants des quartiers. Impliquant l’ensemble des acteurs pouvant potentiellement agir sur les problématiques quotidiennes d’un quartier (propreté, maintenance, entretien des immeubles et des espaces extérieurs, équipements, aménagement, stationnement, gestion locative et qualité de service, lien social, tranquillité publique, insertion par l’économique, etc.), elle mobilise de fait un large éventail d’intervenants : collectivités (villes et intercommunalités), organismes Hlm, représentants de l’Etat, acteurs associatifs et habitants.

2. Une approche thématique plurielle Dans un rapport paru à la Documentation française, Anna Montanola21 explicite la notion de GUP en indiquant que celle-ci recouvre en réalité trois sous-ensembles distincts :

- La gestion technique : elle couvre l’ensemble des actions d’entretien, de maintenance et de réhabilitation du patrimoine locatif social, qu’il s’agisse du logement comme de son environnement (espaces verts, voirie, éclairage sur l’espace publics, etc.). Elle pose plus précisément la question de leur programmation, du niveau de prestations attendues par les locataires, et des répercussions sur le montant des charges locatives ;

- La gestion sociale : elle renvoie à l’accompagnement et au soutien des habitants des quartiers,

qu’il s’agisse de démarches d’accompagnement social des ménages, d’animation du quartier, de dynamisation du tissu associatif local, ou encore de soutien aux initiatives habitantes ;

- La gestion de proximité : elle fait référence aux équipements et aux services d’immédiate proximité (centres sociaux, Maisons de la Culture et de la Jeunesse, écoles, équipements commerciaux) ainsi qu’aux espaces structurants du quartier (terrains de sport, places publiques, etc.), avec la question de l’appropriation de ces espaces collectifs et des éventuels conflits d’usages pouvant y survenir.

Cette approche en trois sous-ensembles permet de souligner qu’au-delà des aspects strictement techniques liés à la gestion du bâti, la gestion urbaine de proximité renvoie à des aspects humains et sociaux, positionnant à cet égard les habitants comme des acteurs indissociables du bon fonctionnement des quartiers. Si l’impératif de proximité contenu dans l’intitulé « GUP » reste généralement assez peu explicite dans les définitions données à la notion, il est pourtant central. L’idée de proximité doit ainsi être envisagée dans une double acception : celle, d’une part, d’un rapprochement géographique ou physique des acteurs institutionnels et associatifs des habitants (présence d’agences décentralisées d’organisme HLM, de structures sociales délocalisées, d’antennes de Maison de Justice… au cœur des quartiers) ; et celle, d’autre part, d’une proximité sociale supposant de la part des professionnels une posture d’écoute des habitants (attention à leurs usages, à leur perception de la vie quotidienne dans le quartier, mais aussi à leurs idées et suggestions pour l’améliorer).

20 « ‘Programme initiative des habitants’. Expertise pré-opérationnelle », Document GIE Villes et Quartier, février 1998. 21 « La gestion urbaine de proximité : nouvel enjeu de la politique de la ville », La Documentation française, octobre 2001.

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B. La tranquillité publique : une notion complexe faisant intervenir des éléments à la fois objectifs et subjectifs

De son côté, la tranquillité publique est un concept complexe qui renvoie à la fois à des notions juridiques précises et des données chiffrées objectivables, mais aussi à des éléments d’appréhension et d’appréciation subjectifs, variables selon le statut de l’interlocuteur (profession, conditions socio-économiques de vie, état de santé, quartier d’habitation).

1. Une forme de graduation dans l’emploi des termes tranquillité publique, sûreté et sécurité

Comme la notion de GUP, celle de « tranquillité publique » est relativement large et floue ; elle regroupe une diversité de phénomènes. Le concept de tranquillité publique est d’autant plus difficile à circonscrire qu’il se rapproche de notions connexes, dont les contours sont eux aussi, assez peu lisibles. Ainsi, les termes de « sécurité », « sûreté » et « tranquillité publique » sont généralement utilisés de manière générique alors qu’ils recouvrent des réalités distinctes. Les définitions du dictionnaire Larousse ne font d’ailleurs pas apparaître de grandes différences sémantiques entre les trois termes22 :

« Sécurité : situation dans laquelle quelqu’un, quelque chose n’est exposé à aucun danger, à aucun risque, en particulier d’agression physique, d’accidents, de vol, de détérioration. Situation de quelqu’un qui se sent à l’abri du danger, qui est rassuré ». « Sûreté : état de quelqu’un ou de quelque chose qui est à l’abri, n’a rien à craindre ». « Tranquillité : état de ce qui est tranquille, sans agitation. État de quelqu’un qui est sans inquiétude, qui n’est pas dérangé ».

Des précisions juridiques sont néanmoins apportées par le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) ; le pouvoir de police municipale qui « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques » définit juridiquement ce que peuvent comprendre les notions de sûreté, de sécurité et de tranquillité publiques. Le premier des alinéas, qui évoque les actions menées à des fins de sûreté, ne fait pas apparaître le caractère intentionnel du risque. Il fait référence aux moyens de gestion mis en œuvre (propreté, éclairage, gestion des dépôts et encombrements, réparation des démolitions et dégradations) sur l’espace public (rues, quais, places et voies publiques) pour éviter les nuisances et accidents :

« 1° tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l’interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts déversements, déjections, projections, de tout matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; »

Le deuxième alinéa aborde la tranquillité publique en introduisant un caractère intentionnel. Il l’associe en effet aux actions venant lutter contre les nuisances sonores, les rassemblements de foules qui compromettent le calme et la sérénité des usagers :

« 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ».

22 « Quel traitement des enjeux de sécurité dans la rénovation urbaine ? », Institut d’Aménagement et d’Urbanisme, février 2015.

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L’appréhension des questions de sécurité est rendue difficile en raison même de l’ambiguïté du concept. Si les notions de criminalité et de délinquance ont un contenu juridique et pénal précis, le terme de « sécurité » et a fortiori celui de « sentiment d’insécurité » demeurent flous alors même qu’ils occupent une place croissante dans le discours public et politique actuel. En effet, depuis quelques années, on assiste à un développement des enjeux de sécurité en France. Les agents de sécurité représentent environ 400 000 emplois (soit 6 agents pour 1 000 habitants), auxquels il faudrait ajouter les agents qui, dans leur activité, exercent également des fonctions de surveillance (concierges, gardiens d’immeubles, agents de surveillance des écoles, agents de médiation, etc.). Parallèlement à l’explosion de ces métiers et fonctions de la sécurité, se multiplient les systèmes techniques de sécurisation (digicodes, interphones, blindage des portes, vidéosurveillance, etc.), dans un objectif général de gestion des risques en milieu urbain. Dans le cadre des diverses études menées sur la sécurité, les interlocuteurs interrogés admettent souvent une graduation dans l’emploi des termes tranquillité, sûreté et sécurité publiques : la sûreté constituerait un ensemble de mesures pour lutter contre des faits « mineurs » alors que la sécurité concernerait des moyens de lutte contre des faits plus violents, la tranquillité publique s’inscrivant dans une sorte d’entre deux. Derrière l’utilisation des termes de sécurité, sûreté et tranquillité publiques se joue aussi une question d’affichage symbolique. Pour les acteurs non-étatiques, l’affichage d’une politique de sécurité est délicat, celle-ci renvoyant aux missions régaliennes de l’État23.

2. La complexité des relations entre sécurité, acuité objective des phénomènes d’insécurité, et sentiment d’insécurité

Le niveau de tranquillité dans un quartier ne peut être uniquement appréhendé à travers l’acuité objective des phénomènes d’insécurité, elle doit également tenir compte d’éléments subjectifs et impalpables, regroupés derrière la notion de « sentiment d’insécurité ». Ce sentiment d’insécurité ne peut être considéré comme secondaire puisqu’in fine, c’est la perception de l’insécurité par ses habitants qui contribue à alimenter leur inquiétude et conditionne la réputation du quartier, quelle que soit par ailleurs la gravité des phénomènes de délinquance qui s’y produisent. Si la majorité des habitants d’un quartier se sent insécurisée, cela crée un climat particulièrement difficile à supporter pouvant conduire le départ des ménages les moins précaires et ainsi accroître la paupérisation du territoire. En outre, les personnes qui se sentent profondément insécurisées sont souvent isolées et fragiles, et risquent davantage de se faire agresser. Les relations entre le sentiment d’insécurité et les phénomènes d’incivilité ou les actes délictueux plus graves sont extrêmement complexes. Le rapport 2014 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles24, publié le 6 mai 2015, montre en effet que le sentiment d’insécurité reste deux fois plus fort dans les zones urbaines sensibles (ZUS) qu’en dehors25, alors même que les faits de délinquance y sont moins nombreux, exception faite des atteintes aux personnes (menaces ou chantages, coups et blessures volontaires à caractère criminel ou correctionnel, vols violents avec ou sans arme)26. En 2014, 25% des habitants de ZUS affirment se sentir souvent ou de temps en temps en insécurité dans leur quartier, contre 14% des autres habitants des mêmes agglomérations. Pourtant, en 2013, le taux d’infractions est moins important dans les ZUS que dans de leur environnement proche. Pour l’ensemble des 34 catégories d’infractions retenues dans le calcul du taux d’infractions27, le total des faits constatés dans les 680 ZUS étudiées s’élève à 49,8 faits en moyenne pour 1 000 habitants, soit un

23 Ibidem. 24 « Synthèse du rapport 2014 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles », les Editions du CGET, décembre 2014. 25 Autres quartiers des mêmes agglomérations. 26 Selon le rapport 2014 de l’ONZUS, en 2013, le taux d’atteinte aux biens s’établit à 40,1 faits recensés pour 1 000 habitants en ZUS, contre 47,5 pour leurs circonscriptions de sécurité publique de référence. 27 Ces 34 index s’inscrivent dans l’une ou l’autre des catégories suivantes : vols avec violence ; vols sans violence ; destructions et dégradations.

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taux inférieur de 11,2% à celui de leurs circonscriptions. Il existe ainsi une spécificité des ZUS en matière de sentiment d’insécurité. Si la hiérarchie des facteurs impactant le sentiment d’insécurité fait débat dans l’opinion publique comme au sein de la communauté des chercheurs, des éléments de consensus se dégagent néanmoins. Des études récentes montrent ainsi que la vulnérabilité est un facteur central dans le sentiment d’insécurité, la vulnérabilité étant comprise dans le sens d’un « déficit des capacités de réaction ainsi que l’anticipation de la gravité du dommage probable »28. Ainsi, les personnes fragilisées par leur faible niveau d’éducation, leurs conditions socio-économiques, leur précarité professionnelle ou sanitaire se sentent plus souvent en insécurité. Cependant, ces facteurs sociodémographiques ne permettent pas, à eux seuls, d’expliquer la « spécificité » des ZUS en matière de sentiment d’insécurité. La perception de l’environnement et de l’ambiance du quartier influe aussi sur le sentiment d’insécurité. A l’intérieur des villes, le sentiment d’insécurité se localise différemment selon les types d’habitat (collectif/individuel, social/privé…). Dès 1990, une enquête du CREDOC a montré que les personnes logées en HLM-ILM déclaraient nettement plus souvent que la population nationale prise dans son ensemble (tous statuts de logement confondus) ne pas se sentir en sécurité dans leur vie quotidienne. Il convient de noter que ces deux facteurs – que représentent la vulnérabilité et la perception de l’environnement – ne sont pas indépendants l’un de l’autre, mais au contraire étroitement liés : d’une façon générale, les habitants des ZUS à fort taux de chômage ont en effet une opinion beaucoup plus négative sur leur cadre de vie (état et ambiance de l’immeuble, environnement du lieu de résidence, quartier en général) que la population générale. Par-delà l’environnement du quartier, les travaux du CSTB29 ont mis en évidence l’importance du cadre de vie (c’est-à-dire de la qualité de la gestion, l’entretien des espaces, la maintenance des équipements, la pérennité des travaux réalisés…) dans la constitution du sentiment de sécurité ou d’insécurité. Ils soulignent en particulier le rôle des systèmes de gestion et des processus de peuplement dans les phénomènes de dégradation, et montrent l’impact négatif des « modes de gestion standardisés et centralisés rendant difficile un traitement différencié adapté aux caractéristiques de chaque site et de chaque catégorie de populations »30.

C. La tranquillité, composante de la gestion urbaine de proximité ? Les notions de GUP et de tranquillité publique, toutes deux relativement floues et pouvant faire l’objet d’interprétations diverses, entretiennent entre elles des liens également complexes, qui ne sont pas toujours évidents. Pourtant, si la gestion urbaine et la tranquillité portent pour partie des spécificités et finalités propres, elles partagent in fine le même objectif de qualité du cadre de vie des habitants, du fonctionnement social urbain et de cohésion sociale dans les quartiers. L’enjeu d’articulation entre ces deux champs apparaît donc majeur, d’autant que ces derniers s’entrecroisent fréquemment dans les observations et analyses faites sur les quartiers prioritaires. Par exemple, les questions de sécurité et de tranquillité publique se posent parfois avec acuité dans les territoires concernés par les démarches de gestion urbaine de proximité. A cet égard, les études de l’Observatoire national des ZUS mettent en exergue une surreprésentation de certaines problématiques telle la dégradation des biens publics sur ces territoires.

28 Roché S., « Expliquer le sentiment d'insécurité : pression, exposition, vulnérabilité et acceptabilité », Revue française de science politique, vol. 48, n°2, avril 1998. 29 Bonetti M., Marghieri I., « Influence des processus psychologiques et sociaux sur la dégradation du bâti », Recherche exploratoire, 1988, Paris, CSTB. 30 Ibid.

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Divers travaux réalisés ces dernières années ont démontré que si le « socle » de la démarche GUP repose essentiellement sur la qualité d’entretien des espaces collectifs et urbains, celle-ci ne se réduit pas pour autant à l’entretien technique quotidien, et doit s’articuler avec les actions relevant de l’intervention sociale, de l’animation de proximité, de la prévention de la délinquance et de l’amélioration de la tranquillité publique. Les interactions plus spécifiques entre GUP et tranquillité publique ont été analysées par des équipes de chercheurs et consultants, en particulier par l’équipe du CSTB31, qui a notamment souligné qu’une bonne gestion urbaine de proximité peut concourir d’une meilleure prévention de la délinquance, notamment par une intervention rapide pour enlever les épaves, effacer les tags ou effectuer des réparations, conformément aux préceptes de la théorie de la vitre brisée, proposée par G. Kelling et J. Wilson en 1982 32 . S’ils peuvent parfois résulter de problématiques sociales ou de comportements individuels et collectifs, les problèmes de sécurité sont en effet également produits ou aggravés par les déficiences de gestion urbaine (espaces mal entretenus, peu investis et dépréciés, manque de lieux de convivialité, tensions autour de l’appropriation de certains espaces publics et privés). Réciproquement, les problèmes de sécurité et de tranquillité publique sont susceptibles d’amoindrir la qualité et de complexifier la maîtrise des prestations de gestion urbaine33. Si les textes, rapports, et les outils méthodologiques produits à destination des professionnels mettent désormais en avant le fait que la tranquillité publique fait partie intégrante de la GUP34, ce phénomène est cependant assez récent. Et cette conviction intellectuelle ne semble pas nécessairement toujours se traduire dans les faits. Si dans certains territoires prioritaires de la politique de la ville la tranquillité publique constitue un volet à part entière de la démarche de GUP, elle reste sur certains sites envisagée comme un problème relevant uniquement de l’action des services de police.

D. Des opérations HVS au NPNRU: les étapes d’une prise en compte de la gestion urbaine de proximité et de la tranquillité dans les dispositifs dits de « développement social urbain »

Les notions complexes de GUP et de tranquillité publique ne se sont pas imposées d’emblée dans le paysage des politiques publiques. Leur émergence puis leur reconnaissance ont été progressives, sans doute en lien avec la difficulté à circonscrire précisément leur périmètre et leurs frontières. Des opérations Habitat et Vie Sociale (HVS) aux nouveaux contrats de ville dans lesquels sont inclus les projets de renouvellement urbain, il a fallu du temps et plusieurs expérimentations locales pour que les enjeux de gestion d’une part et de tranquillité d’autre part soient reconnus comme tout à fait essentiels dans leur capacité à procurer un environnement et un cadre de vie de qualité, à enrayer les processus de dégradation et de déqualification des quartiers. Le retour sur la genèse de l’inscription de la GUP et de la tranquillité dans les dispositifs dits de « développement social urbain » met en évidence combien ces deux thématiques sont désormais ancrées dans la politique de la ville, et indissociables de cette dernière.

31 Michel Bonetti, Barbara Allen, Alice Collet ; Pôle de Ressources départemental Ville et développement social du Val d’Oise, « Prévention de la délinquance, sécurité et gestion urbaine de proximité. Terrains communs et approches croisées. Synthèse issue d’un cycle d’ateliers entre septembre 2001 et juin 2012 », Mars 2013. Les ateliers ont été animés par Alice Collet, du CSTB. 32 Théorie selon laquelle laisser une vitre brisée sans réagir dans un quartier (absence de recherche de l’auteur de la dégradation, de réparation de ladite vitre...) se traduirait par la multiplication rapide d’actes d’incivilité. 33 Pôle de Ressources départemental Ville et développement social du Val d’Oise, « Prévention de la délinquance, sécurité et gestion urbaine de proximité. Terrains communs et approches croisées. Synthèse issue d’un cycle d’ateliers entre septembre 2001 et juin 2012 », Mars 2013. 34 « Guide sur la médiation sociale en matière de tranquillité publique », Secrétariat Général du CIPD, SG-CIV, juin 2012, p. 6.

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1. L’émergence et la reconnaissance de la GUP dans les politiques de développement social urbain

A partir des années 1970, une lente dégradation des quartiers de grands ensembles et de la qualité de vie dans ces derniers s’observe, avec une détérioration marquée et visible de leurs immeubles, équipements et espaces urbains. Est alors lancé un grand programme de réhabilitation, la procédure « Habitat et vie sociale » (HVS), destinée à réhabiliter certaines cités HLM dégradées situées à la périphérie des grandes agglomérations et présentant « des signes de dégradation et de pauvreté sociale et culturelle » (circulaire du 3 mars 1977). De 1975 à 1984, 50 opérations d’amélioration du logement et des services collectifs sont conduites avec l’aide de l’État, qui comprennent des interventions dans de nombreux domaines et portent à la fois sur le confort du logement, la construction d’équipements et les moyens d’un meilleur fonctionnement des services publics. L’enjeu est de parvenir à coordonner des interventions sur l’habitat avec des actions dites d’animation sociale, en expérimentant de nouveaux modes de relations entre habitants et institutions, et entre les habitants eux-mêmes. Néanmoins, à cette époque, les réhabilitations (dites « PALULOS » 35 ) se présentent comme essentiellement techniques (sécurité, améliorations thermiques). Il faudra attendre vingt ans pour assister à l’émergence et à la reconnaissance de la notion de « gestion » dans les politiques de développement social urbain. Au début des années 1980, suite aux émeutes des Minguettes à Vénissieux, s’enclenche une réflexion sur la nécessité d’une approche territoriale de l’action publique. Émerge ainsi l’idée de tester une politique de « rattrapage » sur un nombre limité de territoires considérés comme restés à l’écart de la croissance économique et, dans certains cas, victimes des premiers effets de la politique de restructuration industrielle. Cette politique, dite de développement social et urbain, est lancée dans la dynamique du changement politique de 1981 et dans le contexte porteur de la décentralisation. Sont mises en place une série d’expérimentations, pour certaines très novatrices, qui interviennent tant dans l’aménagement urbain et la réhabilitation du patrimoine de logements sociaux, que dans l’action sociale ou la transformation des modes de gestion. Pour faire face aux départs massifs des ménages des Minguettes (avec des taux de vacance pouvant atteindre 50 à 60%), certains bailleurs engagent des plans de résorption de la vacance, qui prévoient à la fois : la réhabilitation des immeubles, le conventionnement des logements, ainsi qu’un renforcement et une adaptation de la gestion (décentralisation des budgets d’entretien, actions de sur-entretien des logements et parties communes intérieures, attribution « fine » 36 et commercialisation active des logements, mise en place d’animateurs pour développer du lien entre les habitants). Avant que la réhabilitation ne soit engagée, les actions de gestion (renforcement et adaptation) permettent de réduire fortement la vacance et de revenir à un fonctionnement quotidien « normalisé » des patrimoines concernés. Plus tard, le rapport d’évaluation socio-politique de la réhabilitation37 montrera d’ailleurs que les interventions lourdes d’investissement ne peuvent pleinement atteindre leurs objectifs de requalification que si elles sont accompagnées d’actions sur les espaces et d’un programme de gestion renforcée et concertée entre bailleurs et collectivités territoriales. En 1990, suite aux émeutes de Vaulx-en-Velin (Mas du Taureau), le maire de la ville décide de renouveler ce type de démarche. En 1992, sans attendre l’engagement du projet urbain, il met au point, avec les bailleurs sociaux et le Grand Lyon, un plan d’actions de gestion visant l’amélioration à court terme du cadre de vie des habitants. Compte-tenu de problématiques semblables de dégradation dans de nombreux quartiers et au regard du développement d’autres initiatives territoriales en matière de gestion urbaine de proximité, ces premières démarches expérimentales de GUP sont reconnues par le Comité Interministériel des Villes (CIV) du 30 juin 1998. Ce CIV symbolise la naissance et la formalisation de la gestion urbaine de

35 Prime à l'amélioration des logements à utilisation locative et à occupation sociale. 36 Au travers d’une connaissance précise du peuplement. 37 Kerhuel N., Goussot F., « Evaluation de la politique de réhabilitation du logement locatif social. Résultats de la démarche ‘récapitulative’», Rapport du Groupe d’études et de recherche en urbanisme (GERU), 1992.

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proximité dans la politique de la ville en intégrant la résolution de problèmes de la vie quotidienne dans les projets de quartiers. Cette approche, fondée sur une amélioration de la gestion des services et des équipements souhaite : améliorer la qualité de vie des habitants dans leurs quartiers ; mieux coordonner les interventions des bailleurs et des collectivités ; améliorer la formation, le positionnement et la valorisation des agents de proximité ; et renforcer l’organisation des structures pour soutenir leur action. La gestion urbaine de proximité est présentée comme une réponse qualitative que les pouvoirs publics, les villes et les bailleurs sociaux peuvent apporter aux attentes de la population, par une démarche dynamique intégrant leur participation active. Le CIV prévoit la mise en œuvre de la GUP à l’occasion de la signature des contrats de ville. En 1999, la note de cadrage réalisée par la délégation interministérielle à la ville (DIV), la direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction (DGUHC) et l’Union nationale des fédérations d’organismes HLM (UNFOHLM) est le premier écrit tentant réellement de donner un contenu à la gestion urbaine de proximité. Au-delà d’une tentative de définition du concept (« la GUP est l’ensemble des actes qui contribuent au bon fonctionnement d’un quartier »), cette note présente les principaux objectifs de la démarche partenariale et en précise les fondements. Elle détermine par ailleurs une méthode possible de développement des projets. Elle préconise notamment la réalisation d’un diagnostic partagé inscrivant les acteurs concernés dans une démarche partenariale et dynamique, la mise en place d’un suivi de la gestion dans la durée, ainsi que le développement d’un partenariat financier. Par ailleurs, elle recommande la signature d’une convention formalisant les engagements de chacun. Près de 150 conventions sont signées entre 1999 et 2004, en deux temps. Les premières conventions sont liées, pour les bailleurs sociaux, à l’abattement fiscal de 30% de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB38) en zones urbaines sensibles et aux exigences en matière de qualité de service. Par la suite, les conventions résultent plutôt d’initiatives de collectivités locales. Plus récemment, la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine rend obligatoire la signature d’une convention de GUP pour les quartiers en rénovation urbaine (dans un délai de six mois) et dans les zones urbaines sensibles de plus de 500 logements. Par cette obligation, la loi fait de la GUP une composante du programme de rénovation urbaine. À partir de 2006, celle-ci devient partie intégrante du volet « habitat et cadre de vie » des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Par la suite, sous l’impulsion du ministère de la Ville et au titre de la dynamique Espoir banlieues, l’Acsé prévoit la réalisation et le financement de « diagnostics en marchant ». Ces derniers prennent la forme d’une visite de terrain permettant de dresser un constat partenarial des « bonnes pratiques », des ressources et/ou des dysfonctionnements d’un quartier en vue de dégager des possibles pistes d’amélioration de sa gestion et de son fonctionnement. L’actualisation du diagnostic est prévue dans les six mois suivant la réalisation du premier, afin de mesurer les évolutions à l’œuvre sur le territoire concerné et d’apporter les infléchissements nécessaires à la bonne conduite de la démarche. La réalisation des diagnostics concerne en priorité les quartiers du PNRU, en vue d’anticiper l’achèvement des projets et de pérenniser les investissements réalisés. En fonction des besoins, d’autres quartiers, couverts par un CUCS, peuvent aussi en bénéficier 39 . Depuis 2010, environ 600 « diagnostics en marchant » ont été soutenus par l’Acsé, dont plus des deux-tiers concernent des sites en rénovation urbaine.

38 L’abattement de TFPB (Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties) permet de financer toute action qui concoure au renforcement de la qualité de service rendu aux locataires par les organismes Hlm sur les quartiers de la politique de la ville. Ces actions viennent renforcer ou compléter les actions de droit commun qui relèvent de la compétence des bailleurs. Un cadre national, qui précise la nature des actions éligibles à l’abattement de TFPB, a été signé le 29 avril 2015. 39 « Gestion Urbaine de proximité : évolution des enjeux et des pratiques d’acteurs », Note de cadrage, Ministère de l’Ecologie, du développement durable, des transports et du logement/SG CIV/Acsé/Anru/USH, mai 2012.

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Autre indicateur fort de la reconnaissance de la gestion urbaine de proximité comme enjeu majeur de la politique de la ville : la création d’un centre de ressources GUP par l’Anru40 et le développement, depuis le milieu des années 2000, de formations sur la GUP à destination des acteurs du développement social et urbain. Depuis 2005, l’Institut de formation de la maîtrise d'ouvrage de la ville (IFMO) propose ainsi une offre de formation dispensée par des spécialistes de la ville (architectes, urbanistes, économistes, sociologues, chercheurs, praticiens de la ville) ouverte à tous les professionnels exerçant dans les quartiers en rénovation urbaine et/ou relevant de la politique de la ville. Parallèlement, depuis 2009, les écoles de la rénovation urbaine et de la gestion des quartiers ont développé des formations-actions en région prenant la forme de groupes interacteurs (représentants des villes, des agglomérations, de l’Etat des bailleurs sociaux), ainsi qu’un cycle de formation « habitants » visant à donner aux habitants des clés de compréhension des principes urbains des projets et de la GUP, et à mettre en valeur leurs compétences de « maîtres d’usage »41. Le CIV du 18 février 2011 conforte ces initiatives de formation sur sites. En outre, la GUP constitue l’un des axes importants des plans stratégiques locaux (PSL), dont l’objectif est, conformément à la délibération du conseil d’administration de l’Anru du 4 mai 2011, de concevoir une vision stratégique partagée de l’après-projet de rénovation urbaine et d’organiser dans la durée la mobilisation des institutions ayant vocation à intervenir au quotidien dans les quartiers et auprès de leurs habitants. Dans le cadre de la refonte de la politique de la ville, introduite par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, l’intégration de la rénovation urbaine comme un volet des contrats de ville sur les territoires ciblés par l’Anru renforce encore le lien entre les approches urbaines et sociales, entre les enjeux ponctuels du projet et la gestion dans la durée.

2. Le développement des politiques publiques locales de sécurité et de prévention de la délinquance adaptées aux enjeux locaux

Suite aux émeutes des Minguettes de l’été 1981, des outils de coordination se mettent en place non seulement dans le champ de la GUP, mais aussi en matière de prévention de la délinquance. La situation de certains quartiers fragilisés met en effet progressivement en évidence l’importance voire l’urgence du développement de politiques publiques de prévention de la délinquance adaptées aux enjeux locaux. Dans la continuité du rapport Bonnemaison42 − qui montre les limites de la voie répressive et pose la nécessité d’engager des actions partenariales de prévention de la délinquance à une échelle communale − une nouvelle approche tend à se développer, basée sur une coopération entre l’État, les collectivités territoriales et les associations locales. Un outil de coordination et d’échanges local se met alors en place : le Conseil Communal ou Intercommunal de Prévention de la Délinquance (CCPD ou CIPD), institué par le décret du 8 juin 1983 et qui fonctionnera jusqu’en 1997. Piloté au plan national par le Conseil National de Prévention de la Délinquance (CNPD), ce dispositif prévoit des relais départementaux, les Conseils Départementaux de Prévention de la Délinquance (CDPD). A la fin des années 1980, la prévention de la délinquance devient l’un des leviers de l’action publique, et est intégrée à la politique de la ville. Les Contrats d’action et de prévention pour la sécurité dans la ville (CAPS), conclus entre l’Etat local et les collectivités locales (municipalités ayant un CCPD, intercommunalités, conseils généraux), deviennent le volet prévention de la délinquance des contrats de ville. Dans le prolongement de la démarche des CAPS, une nouvelle contractualisation entre l’Etat et les collectivités vient articuler la prévention et la sécurité, rompant ainsi avec la démarche opposant 40 L’objectif de ce centre de ressources sur la gestion urbaine de proximité est de fournir aux acteurs locaux une aide (appui ponctuel d’1 à 5 jours) au démarrage d’une démarche dans le cadre spécifique du projet de rénovation urbaine, en articulation avec des démarches plus larges, conduites en particulier en matière de cohésion sociale. 41 Ibid. 42 Bonnemaison G., « Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité : rapport au Premier ministre », La Documentation française, février 1983.

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les deux champs d’actions : les Plans Locaux de Sécurité (PLS). Différents dispositifs et contrats se succèdent ensuite, déplaçant, au gré des orientations gouvernementales, le curseur entre prévention et répression, entre action sur les actes ou sur les causes, mais s’accordant généralement sur quelques points : l’enjeu de l’approche locale ; la coordination des acteurs du champ de la prévention, la sécurité et de l’action sociale ; le rôle central du maire. Depuis 2002, les politiques locales ou intercommunales de sécurité et prévention de la délinquance sont animées dans le cadre Conseils Locaux de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD) ou leur déclinaison intercommunale (CISPD). Renforcés par les lois du 5 mars 2007 relatives à la prévention de la délinquance et à la protection de l’enfance, les CLSPD et CISPD représentent « une instance de concertation locale pour lutter contre l’insécurité et prévenir la délinquance autour de laquelle doivent se mobiliser les institutions et organismes publics et privés concernés ». Les Plans Départementaux de Prévention de la Délinquance (PDPD) fixent le cadre de référence de la participation de l’Etat à ces CLSPD/CISPD, qui s’inscrivent ainsi dans une logique de déclinaison locale des politiques nationales, le Préfet étant en charge de la retranscription et de l’adaptation des orientations nationales aux réalités locales, dans le respect d’un cadre assez strict43. Animés par les deux ressorts que sont la lutte contre l’insécurité et la prévention de la délinquance, les CLSPD/CISPD marquent une rupture vis-à-vis des dispositifs jusqu’alors à l’oeuvre, plaçant les demandes de la population au cœur des programmes locaux. Ils se proposent en effet de prendre en compte le sentiment d’insécurité tel qu’il est exprimé par les habitants, ce qui constitue une véritable nouveauté. Dans la continuité, on assiste à la diffusion de démarches d’échange et de concertation avec la population, avec l’idée d’un ajustement des modes d’actions des services de l’Etat aux attentes des citoyens. Apparaissant comme « une obligation à laquelle aucune institution ne peut légitimement se soustraire » 44 , la proximité devient un objectif de redéploiement des services de la Justice. La diffusion de méthodes de travail innovantes et concrètes (plans d’actions, tableaux de bord, diagnostics) est censée favoriser l’adaptation de la politique pénale définie par le procureur de la République aux réalités du terrain. L’accessibilité de la Justice pour les citoyens et l’amélioration de la prise en charge des victimes d’infractions pénales deviennent progressivement des priorités. Les maisons de la justice et du droit, l’aide aux victimes, la territorialisation de l’organisation des parquets, constituent autant de tentatives pour rapprocher la Justice des justiciables45.

La lecture territoriale de la politique de la ville conduit ainsi la justice à développer une politique judiciaire plus spécifique, en fonction des situations rencontrées dans les quartiers sensibles. Les modalités de l’intervention publique se transforment, obligeant les représentants de l’institution judiciaire à sortir de leur cloisonnement. Le but poursuivi est de construire une politique locale de sécurité, non plus « par le haut », mais à partir des besoins et attentes de la population. Plus largement, il s’agit de travailler de manière transversale, en s’appuyant sur les différents partenaires locaux, au rang desquels figurent les habitants46. Depuis le début des années 1980, les dispositifs de prévention sécurité mis en place par l’Etat (CCPD/CIPD, PLS, CLSPD/CISPD, PDPD) tentent ainsi d’inscrire les réponses apportées à la délinquance dans une double logique alliant la prise en compte des territoires (et de leurs habitants) et le partenariat entre acteurs locaux et représentants de l’administration. C’est d’ailleurs cette logique qui sous-tend la récente convention triennale d’objectifs pour les quartiers populaires (signée entre le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Ville pour la période 2013-2015), entendant développer un volet « sécurité et tranquillité publiques » dans les futurs contrats de ville. C’est encore cette logique 43 « Les politiques de la Ville et les politiques de prévention et de sécurité. Quelles articulations ? », Centre de Ressources pour la Politique de la Ville PACA, 30 mars 2009. 44 « Guide pratique pour les contrats locaux de sécurité », 1998, p.53. 45 Paulet-Puccini S., « L’évaluation dans les politiques locales de prévention et de sécurité : un nouveau management des services de la Justice », in Socio-logos, Revue de l’association française de sociologie [En ligne], n°2, 2007. 46 Ibid.

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que l’on retrouve dans la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2013-2017 demandant aux maires d’établir un schéma local de tranquillité publique pour favoriser l’utilisation coordonnée des outils existants et favoriser une participation large de la population et des institutions et, ce faisant, une appropriation collective des enjeux de tranquillité publique. La question de la sécurité est également intégrée dans les opérations d’aménagement des territoires (à partir de certains seuils relatifs à la taille et à la démographie des sites concernés), à travers la loi d’orientation et de programmation sur la sécurité (LOPS) de 1995. Dans la perspective d’un partage de culture professionnelle entre le monde de l’aménagement et celui de la prévention et de la sécurité, les études de sécurité et de sûreté publique (ESSP) deviennent une obligation réglementaire avec la loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007. Une circulaire et un décret publiés en 2010 et en 2011 étendent ensuite le champ d’application de cette loi aux projets de rénovation urbaine comportant la démolition d’au moins 500 logements. Ces études visent concrètement à établir un diagnostic des enjeux de sécurité sur un site et à formuler des préconisations, en amont d’opérations d’aménagement, d’équipements collectifs ou de programmes de construction. En fonction de l’incidence sur la protection des personnes et des biens des PRU, ainsi que de leur état d’avancement, le Préfet détermine, en concertation avec les acteurs locaux, une opération ou un ensemble d’opérations où il est pertinent de réaliser une ESSP. Ces études doivent permettre de comprendre le contexte social et urbain dans lequel s’insère le projet, identifier les risques auxquels il est soumis et ceux qu’il peut générer, afin de permettre une meilleure prise en compte de ces questions de sûreté et de sécurité dans le projet et de nourrir le dialogue entre les partenaires locaux. En 2013, le Ministère de l’Intérieur recensait 144 études de sécurité réalisées dans le cadre de projets conduits en Ile-de-France au cours des 5 années ; deux seulement portaient sur des projets Anru47.

E. La mise en exergue des interactions entre espace et sécurité : d’une approche bidimensionnelle à une analyse élargie intégrant des aspects sociaux et humains

De même que la prise en compte des questions de sécurité et de tranquillité publique dans la politique de la ville française a été progressive, l’intégration de ces questions dans la conception et la production urbaines s’est faite au fil du temps, en s’inspirant des réflexions et expérimentations menées à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis et en Angleterre. D’abord pensée de façon exclusivement intellectuelle autour d’une conception très physique de l’espace (aménagement, urbanisme, architecture), les interactions entre espace et sécurité ont ensuite trouvé des déclinaisons opérationnelles, en particulier au travers de dispositifs dits de « prévention situationnelle » visant à adapter l’espace pour lutter contre l’insécurité. Sous l’impulsion d’autres courants intellectuels, l’espace a ensuite été abordé dans une acception plus large intégrant une pluralité d’aspects (sociaux, humains, politiques) et générant des démarches concrètes multidimensionnelles visant à lutter contre l’insécurité par l’activation simultanée de plusieurs leviers (dont la gestion, et l’action publique menée par les institutions).

1. L’émergence d’un lien relativement autonome entre production urbaine et sécurité A partir des années 1960, influencés par l’Ecole de Chicago, plusieurs travaux universitaires étudient les effets sociaux de la production d’espaces urbains. Ces derniers se concentrent surtout sur l’architecture et l’urbanisme. Par leur notoriété et leur influence, Jane Jacobs et Oscar Newman font ici figure de véritables « pères fondateurs ». Pour Jane Jacobs48, le contrôle social dans les grandes villes américaines passe essentiellement par les espaces publics (rue, parcs, etc.), au contraire de ce qu’on observe dans les villages où les relations interpersonnelles s’avèrent moins anonymes. Parmi les points importants de son analyse figure à ce 47 Ministère de l’Intérieur – CEREMA, Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France, 2013. 48 Jacobs J., Déclin et survie des grandes villes américaines, Mardaga, 1991 [réédition de 1961].

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titre la question de la rue. Alors que l’urbanisme moderne tend à faire disparaître cet espace urbain, Jane Jacobs montre, au contraire, que la rue est un élément structurant de la qualité urbaine. La rue ne se limite pas à des fonctions de circulation automobile mais à des usages collectifs de sociabilité qui en font un espace indicateur de l’ambiance et de la sécurité. La rue densément peuplée n’est pas moins sûre que celle des quartiers pavillonnaires, comme le montrent des comparaisons statistiques entre New York et Los Angeles. Elle défend aussi le principe d’une rue accessible aux enfants, où ces derniers peuvent faire l’objet d’une éducation informelle de la part des habitants, même s’il ne s’agit pas forcément de personnes qui les connaissent. Ce sont donc la présence humaine, l’animation et le lien social qui favorisent la sécurité, en empêchant les délinquants potentiels – se sachant surveillés – de passer à l’acte. L’aménagement urbain joue alors un rôle prépondérant en la matière. Il doit inciter à la fréquentation des espaces publics. L’auteur plaide donc pour une conception architecturale à échelle humaine (refus des grands ensembles), une hétérogénéité des formes et des espaces (mixité fonctionnelle), ainsi qu’une certaine densité urbaine. Il s’agit de rendre la ville accueillante plutôt que de mettre en place des dispositifs sécuritaires (clôtures, grilles, etc.). Oscar Newman49, architecte, part du même postulat, selon lequel criminalité et délinquance peuvent être combattus par l’aménagement opérationnel et symbolique de l’espace, afin d’en faciliter le contrôle social. Son approche apparaît néanmoins plus défensive. Elle est centrée sur la sécurisation des espaces par des dispositifs de clôture et de fermeture, la création de lieux transparents et la suppression des éléments – notamment les aménagements paysagers – qui gênent la visibilité. « L’espace défendable » est défini comme un environnement résidentiel dont les caractéristiques physiques, disposition des bâtiments et plan du site, fonctionnent de manière à permettre aux habitants eux-mêmes de jouer un rôle actif afin d’assurer leur propre sécurité. Il repose ainsi sur plusieurs caractéristiques complémentaires : une territorialité accrue permettant notamment de délimiter les espaces privés, une surveillance naturelle par les habitants favorisée, une revalorisation de l’image du quartier, l’intégration à un milieu sécurisant (présence d’un commissariat de police ou d’un centre commercial), une proximité physique entre les différents types d’espaces. Concrètement, ce modèle est orienté autour d’immeubles de trois à quatre étages au plus et prévoit une animation fonctionnelle des rez-de-chaussée ainsi qu’une hiérarchisation claire du statut des espaces ouverts. Par conséquent, la majorité de l’espace ouvert est sous le contrôle social constant de la communauté locale qui l’habite.

2. La prévention situationnelle comme modalité d’action publique pour lutter contre l’insécurité Cette première base d’analyse donne lieu à des expérimentations aux Etats-Unis dans les années 197050, à partir de l’idée que la forme urbaine peut réduire la délinquance ou le sentiment d’insécurité. Elle est aussi progressivement développée et enrichie : ce ne sont plus seulement l’architecture et l’urbanisme qui sont perçus comme ayant des incidences en matière de sécurité, mais l’espace au sens large. La notion de « prévention situationnelle » est ainsi théorisée et structurée en tant que politique publique par Ronald Clarke, criminologue au ministère de l’intérieur britannique51, dans un contexte de hausse de la délinquance, d’inefficacité de l’action sociale, et de diffusion de l’idéologie de la responsabilité individuelle incluant l’idée que les individus doivent s’occuper de leur propre sécurité et ne pas s’en remettre toujours à l’Etat. « Fondée sur l’hypothèse qu’il existe un déterminisme des formes architecturales et urbaines sur les comportements », la prévention situationnelle se propose « d’adapter l’espace de manière à limiter les opportunités de passage à l’acte d’éventuels délinquants »52.

49 Newman O., Defensible space, Crime prevention through urban design, New York, Mac Milan, 1972. 50 Crowe T., Crime Prevention Trough Environnemental Design, Stoneham, MA : Butterworth-Heinemann, 1991. 51 Clarke R. V., « Les technologies de la prévention situationnelle », in Les Cahiers de la sécurité intérieure, n°21, 3e trimestre 1995. 52 Guigou B., Lelévrier C., « Les incertitudes de la résidentialisation, appropriation des espaces et régulation des usages », in Les Cahiers Habitat, n° 41, 2006.

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L’originalité de l’approche de Ronald Clarke est de ne pas s’intéresser à l’étiologie (aux causes) du crime, mais au passage à l’acte, dans des circonstances et selon des opportunités données. Sa théorie ne place pas le délinquant au centre de l’analyse mais l’acte délinquant lui-même, considéré comme une dynamique, une gestuelle, un comportement. L’approche de Clarke renvoie ainsi plus largement à la définition du crime élaborée par le criminologue canadien Maurice Cusson : le crime est « la séquence des actes posés par le délinquant durant l’épisode criminel »53. La prévention situationnelle ayant pour objectif de casser cette séquence ou cette dynamique. A ce titre, douze techniques sont identifiées par Clarke au service de trois objectifs : augmenter l’effort, augmenter les risques, réduire les gains. Leur mise en œuvre relève certes de l’aménagement, mais aussi de la sécurité (fouilles, présence policière, contrôle des armes…) ou de la gestion (installation de poubelles, entretien des haies, nettoyage des graffitis…). Par ailleurs, « cette approche volontairement pragmatique et technicisée place de facto la technologie au centre des dispositifs de prévention ». L’auteur précise néanmoins qu’il est difficile de circonscrire précisément les effets de la prévention situationnelle sur l’amélioration de la tranquillité publique, et qu’il est notamment possible que les délits soient transférés vers d’autres lieux non couverts par des dispositifs de prévention situationnelle. C’est pourquoi il plaide aussi pour associer des évaluations fines aux actions mises en œuvre, afin d’objectiver les résultats et de minimiser la place que pourraient prendre des « arguments émotionnels » dans le débat. D’autres courants de la prévention situationnelle se sont développés aux Etats-Unis et au Canada, défendant l’idée d’une implication des habitants dans leur propre sécurité. Des Neighbourhood Watch, associations d’habitants intervenant dans la prévention de la délinquance de leur quartier, se sont ainsi mises en place aux Etats-Unis. Au Canada, des marches exploratoires ont été organisées à partir du début des années 1990, sous l’impulsion conjointe d’organisations de femmes et de services municipaux ; l’enjeu étant de s’appuyer sur la vision particulière des femmes, de faire appel à leur expérience concrète d’usagères de la ville pour évaluer la sécurité des lieux urbains et proposer aux autorités publiques des recommandations d’aménagement. Si les politiques de prévention situationnelle ont rapidement fait l’objet d’une concrétisation à l’étranger et en Europe (notamment dans plusieurs villes anglaises54), elles ont, dans le même temps, très vite été critiquées 55 . En effet, ces politiques sont perçues comme s’opposant de manière manichéenne à la prévention dite « sociale », définie comme l’ensemble des actions qui tendent, indirectement ou directement, à influer sur la personnalité des individus pour qu’ils évitent d’organiser leurs activités autour de motivations délinquante 56 . Certains dénoncent ainsi une forme de « normalisation » ou de « banalisation » des activités délinquantes, les dispositifs de prévention situationnelle déployés visant à rendre cette activité plus difficile, plus périlleuse ou moins rentable, mais ne cherchant pas à agir sur les causes qui sous-tendent son développement. D’autres critiquent l’augmentation de l’effort pour le délinquant, qui peut engendrer une montée du niveau de violence nécessaire à la réalisation du délit 57 . D’autres encore évoquent les risques de déplacement des phénomènes de délinquance58, ou soulignent la non prise en compte, par la prévention situationnelle, de certains types de violences hors espaces publics, comme les violences intrafamiliales59.

53 Cusson M., Le contrôle social du crime, Les Presses universitaires de France, 1983. 54 Au milieu des années 1980, Ken Pease, professeur de criminologie à l’université de Manchester, est mandaté par le Home Office dans le cadre d’un projet expérimental de réduction des cambriolages à Kirkholt. 55 De Calan J., « La prévention situationnelle en Angleterre : fondements, pratiques et enjeux », in Les Cahiers de la sécurité intérieure, n°21, 3e trimestre 1995. 56 Dos Santos L., « Prévention sociale, prévention situationnelle, fondements complémentaires d’une politique de sécurité », in les Cahiers du DSU, mars 1999. 57 Billard G., Chevalier J., Madoré F., « Prévenir l’insécurité ou les nouvelles ambitions des politiques urbaines : la résidentialisation en question… », in Ville fermée, ville surveillée, Presses universitaire de Rennes, 2005. 58 Mauger G., « La sociologie de la délinquance juvénile », Coll. Repères, Editions La Découverte, Paris, 2009. 59 De Calan Jeanne, op. cit.

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3. Des processus socio-urbains plus globaux – incluant la gestion urbaine – qui ont une influence en matière de sécurité et de tranquillité publique

Les travaux abordés jusqu’ici s’inscrivent dans une vision plutôt restrictive des interactions entre les problématiques spatiales et les problématiques sécuritaires, essentiellement centrée sur la dimension de conception physique de l’espace (aménagement, urbanisme, architecture). Parallèlement, d’autres démarches intellectuelles abordent l’espace dans un sens beaucoup plus large, comme un socle faisant office de point de rencontre d’une pluralité de facteurs : sociaux, urbains, politiques, etc. La « théorie de la vitre brisée » déjà évoquée constitue à ce titre une évolution majeure, dans la mesure où elle étend la notion d’espace urbain aux enjeux de gestion, considérés comme tout aussi influents en matière de sécurité que les éléments de conception urbaine. En France, il est ainsi démontré de manière empirique60, à travers une enquête menée à Saint-Etienne et à Romans, que les incivilités (entendues au sens de « désordres » dans l’espace public : tags, vitres brisées, petit vandalisme…) qui ne sont pas traitées par la puissance publique suscitent un sentiment d’abandon de la part des habitants, de l’inquiétude, et une envie de quitter le quartier. Sébastian Roché fait l’hypothèse, sans toutefois le démontrer scientifiquement, que ces situations pourraient in fine favoriser le développement de comportements plus graves (vols, agressions…), comme le suggère la théorie initiale : « les résultats présentés ne permettent pas de répondre complètement aux deux questions impliquées dans la théorie de la vitre cassée, à savoir si la fréquence des incivilités augmente d’une part l’inquiétude et d’autre part la délinquance. Seul le premier aspect est étayé par les enquêtes dont nous avons présenté quelques résultats de manière cohérente avec d’autres données disponibles au plan national. Le deuxième point ne peut être abordé que de manière hypothétique »61. D’autres travaux, enfin, postulent que l’insécurité ne peut pas être perçue comme découlant d’un facteur unique. La compréhension d’un territoire s’appuie au contraire sur une analyse multidimensionnelle, dont la sécurité ou l’insécurité sont un des effets. Le concept de « fonctionnement social urbain » 62 développé par Michel Bonetti est ainsi entendu comme la résultante des différents processus sociaux qui s’y déploient. Il découle par conséquent à la fois :

- Des caractéristiques socio-économiques et culturelles des habitants : elles résultent des politiques de peuplement, de la distribution des ménages dans l’espace du quartier, des difficultés socio-économiques, scolaires, d’insertion sociale et professionnelle, qui vont créer des conditions pouvant favoriser le développement des incivilités et de la délinquance, mais aussi de l’existence de réseaux maffieux ou de trafic dans l’agglomération ;

- De la configuration urbaine et architecturale : l’isolement, l’enclavement des quartiers, l’organisation labyrinthique des espaces urbains résultant de la formation de grands îlots et de l’imbrication des immeubles, créent une confusion des espaces publics et privés, entraînent une multiplication des passages traversant sombres, des voies en impasse, des recoins, des espaces délaissés, et donc des espaces insécures. A cela peut s’ajouter l’implantation de logements au rez-de-chaussée qui ne sont pas protégés des circulations et qui sont de ce fait fréquemment cambriolés ;

- De la gestion urbaine : les espaces qui sont mal entretenus, voire parfois laissés à l’abandon,

signifient une perte de la « maîtrise publique » de l’espace et donnent le sentiment qu’il n’existe plus aucune règle d’usage. Quand un espace commence à se dégrader en raison d’un certain déficit de gestion, une spirale de dégradation peut s’enclencher, car les habitants ne le respectent plus, les incivilités se développent, les agents de gestion se découragent ;

60 Roché S., « La théorie de la “vitre cassée” en France. Incivilités et désordres en public », in Revue française de science politique, 50e année, n°3, 2000. 61 Ibid. 62 Bonetti M., « La gestion urbaine des quartiers d’habitat social et la construction des relations sociales », CSTB, 1994.

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- De l’action publique menée par les institutions : l’efficacité de la gestion urbaine dépend également pour une grande part des modes d’organisation mis en place par ces différents partenaires, de l’implantation territoriale de ces services, de la qualification de leurs agents et de leurs modes d’encadrement. La centralisation de certains services, la tendance à la spécialisation de leurs activités rendent souvent difficile leur coopération et le développement des capacités d’autonomie de leurs agents.

Le fonctionnement social urbain qui résulte de ces interactions varie considérablement selon les contextes étant donnée la diversité des trajectoires des habitants, des formes spatiales, des modes de gestions et des politiques mises en œuvre. La combinaison de ces quatre éléments est susceptible de provoquer l’insécurité. Gestion urbaine et tranquillité publique sont donc intrinsèquement liées63.

F. Les spécificités de la traduction française des principes de la prévention situationnelle

L’analyse du fonctionnement social urbain montre que les réflexions françaises sur l’espace sont nettement moins déterministes que les approches anglo-saxonnes. D’ailleurs, la prévention situationnelle en France ne peut être appréhendée comme une importation ou comme une déclinaison à l’identique du modèle anglais. Au plan national, la prise en compte de la prévention situationnelle s’est principalement traduite par l’émergence, dans les années 1990, de la résidentialisation. À la différence du modèle anglo-saxon, ce type d’aménagement ne vise pas à instaurer un « contrôle habitant » sur les abords des immeubles. Son objectif est plutôt l’appropriation et la solidarisation des habitants autour d’un espace désigné comme le leur, la force publique demeurant responsable de l’ordre dans les espaces publics64. Pour autant, la résidentialisation ne constitue pas nécessairement un remède miracle au déficit d’urbanité. Elle a fait l’objet de débats et de critiques, avec la dénonciation de dérives et de risques de transformation de certains quartiers en « bunkers »65. La résidentialisation reste donc un défi difficile à relever, exigeant une action concomitante sur la forme urbaine, la clarification des statuts des espaces, l’articulation de leurs usages, ainsi que l’intégration des questions de gestion. Ainsi, si d’un point de vue intellectuel, l’articulation entre la conception, la gestion et la sécurité des espaces est réfléchie en France et présentée depuis plusieurs années comme un horizon à atteindre, sur le terrain, la coordination des interventions ne va pas de soi, les acteurs locaux ayant des cultures et logiques professionnelles, des approches et modalités d’action parfois éloignées, voire contradictoires. En outre, les réponses mises en œuvre restent avant tout techniques, posant la question de la prise en compte de l’expertise des habitants et de leur implication réelle dans la régulation des espaces.

1. Dans un premier temps, une volonté de faire de la production urbaine un levier en matière de lutte contre l’insécurité

La France a été influencée par les réflexions nord-américaines et anglo-saxonnes décrites précédemment. A partir des années 1990, la prévention situationnelle y est mise en œuvre, en particulier dans le monde HLM, de manière cependant plus « souple » qu’en Angleterre : elle repose moins sur des méthodes « clés en main » que sur des analyses contextualisées et évolutives, refusant

63 Bonetti M., « L’influence de la gestion urbaine sur les relations sociales et la délinquance », in Pouvoirs Locaux, n° 78 III, 2008. 64 Landauer P., « Intégrer la sécurité dans la conception de la ville », in Economie & Humanisme, décembre 2006. 65 Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (DGUHC) « La résidentialisation : quelle approche pour les DDE ? », Actes du séminaire du 16 janvier 2002, septembre 2002.

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de figer la relation entre morphologie urbaine et insécurité 66 . L’approche française met aussi davantage l’accent sur les aspects urbains et architecturaux. Concrètement, elle se traduit par la résidentialisation, définie comme « la transformation d’un territoire bâti et habité qui, en tirant le bilan de l’inadaptation des dispositifs urbains des années soixante/soixante-dix, remplace l’espace fluide et généreux où tous devaient se retrouver par un espace urbain plus conventionnel »67. Ciblant les quartiers d’habitat social marqués par de vastes monopropriétés, cette démarche vise à préciser les domanialités (adresses, entrées, clôtures) pour marquer la différence entre espace privé (la résidence) et espace accessible à tous, mais aussi à apporter du confort aux habitants en leur offrant la possibilité d’investir les espaces prolongeant leur habitation : balcons, loggias, jardins privatifs, garages…68. Elle répond à la fois à un enjeu de sécurité et de qualité résidentielle pour tous (déclinaison des principes de la résidence : clôture, sécurisation des accès, espaces paysagers et décoratifs). Souvent citée en exemple69, l’expérience menée sur le quartier des Merisiers à Aulnay-sous-Bois s’impose aujourd’hui comme l’un des principaux projets vitrines en France et permet a priori de dégager une norme opérationnelle combinant interventions sur le bâti, gestion urbaine de proximité, renforcement de la présence humaine et de la participation des habitants70. D’autres modalités de prévention situationnelle (éclairage, aménagement des espaces, gestion des accès et des flux…) ont pu être expérimentées en France, notamment par le Plan Urbanisme, Construction, Architecture (PUCA). A travers ces expérimentations, « l’idée n’est pas de produire un urbanisme sécuritaire, mais un urbanisme au sein duquel la définition et la lisibilité des espaces participent à leur bon fonctionnement et à leur propre sûreté »71. Pour autant, les politiques de prévention situationnelle font, comme ailleurs, l’objet de débats, soulevant des questions importantes, à la fois d’ordre éthique, politique, et philosophique. Les sociologues français tentent en effet de montrer qu’elles constituent en fait une composante essentielle du secteur marchand de la sécurité privée72 et la marque d’expertise d’un véritable business de la sécurité73. Ces constats renvoient aux préoccupations de l’administration en charge de la politique de la ville en matière d’équité des politiques de prévention selon les territoires : « Il convient toutefois de prendre garde aux risques d’un développement non maîtrisé de cette démarche de prévention situationnelle qui pourrait avoir pour effet d’accroître les inégalités face à l’insécurité en surprotégeant certains secteurs qui auraient les moyens de s’équiper et en délaissant d’autres territoires ne disposant pas de ces mêmes moyens »74. La prévention situationnelle suscite également des réactions critiques vis-à-vis d’un « urbanisme sécuritaire », avec des références à Michel Foucault (sur le panoptique, le savoir/pouvoir, ou le ciblage des populations dominées par les politiques dites de prévention) et une association entre prévention situationnelle et néolibéralisme anglo-saxon. La prévention situationnelle est accusée de produire des espaces de vie homogènes, uniformes, et ne prenant pas en compte les pratiques sociales établies antérieurement. La question du vivre-ensemble est ainsi soulevée, notamment par Véronique Levan, qui rappelle que la production d’un espace lisible

66 Loudier-Malgouyres C., Aménagement et sécurité. Enjeux et éléments de méthode à l’usage des acteurs de l’aménagement, Institut d'aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France, novembre 2004. 67 Panerai, P., « Le chemin de la résidentialisation », in Résidentialisation, une nouvelle urbanité ?, Paris, Direction de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction, Délégation Interministérielle à la Ville, 2002. 68 Chédiac S., « A la maison dans mon HLM… La résidentialisation comme dispositif de rénovation urbaine », in Métropoles [En ligne] n°5, 2009. 69 Délégation Interministérielle à la Ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance, Recueil d’actions locales, coll. Repères, 2004 ; Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (DGUHC) « La résidentialisation : quelle approche pour les DDE ? », Actes du séminaire du 16 janvier 2002, septembre 2002 ; Dollfus A., « De la barre à l’ilôt résidentiel », in Diagonal, n°158, 2002. 70 Billard G., Chevalier J., Madoré F., op. cit. 71 Gosselin C., Aménagement et prévention de la délinquance : principes et expériences, Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France, février 2013. 72 Ocqueteau F., op. cit. 73 Mucchielli L., Violences et insécurité, Fantasmes et réalités dans le débat français, Paris, La Découverte, 2002. 74 Délégation interministérielle à la ville, Politique de la ville et prévention de la délinquance, Recueil d’actions locales, coll. Repères, 2004.

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n’est pas nécessairement la garantie d’un espace vivable : « dans quelle mesure concilier les logiques prônant l’urbanité et le ‘vivre ensemble’, d’un côté ; et de l’autre, l’impératif-même de gouvernance nouvelle des risques urbains, sous-jacent au déploiement de systèmes techniques et abstraits de prévention situationnelle ? »75. Sur le terrain, cette approche fait l’objet d’appréhensions distinctes par les professionnels de l’action publique locale. Ainsi, la création au début des années 2000 d’une « Commission consultative de la prévention situationnelle », permettant de faire travailler ensemble les agents du Grand Lyon en charge de l’urbanisme et ceux de la Ville de Lyon en charge de la sécurité, révèle de fortes divergences de points de vue 76 . De manière schématique, pour les premiers (s’inspirant de la sociologie), la prise en compte de l’insécurité doit se concentrer sur les usages, la hiérarchisation des espaces, l’organisation des flux, alors que pour les seconds (souvent des ingénieurs), elle doit cibler les lieux présentant des risques bien précis (mise en place d’une cartographie des lieux difficiles et d’un observatoire) − dont l’évolution est suivie en temps réel, et répondre simplement et de manière adaptée par des dispositifs dissuasifs (vidéosurveillance, sécurisation des pieds d’immeuble, etc.) : « dans cette approche, les personnes en charge de la sécurité font le pari d’un déterminisme spatial des risques. Elles laissent sciemment de côté une investigation sur les conditions sociales »77. Ainsi, les limites de la prévention situationnelle sont largement pointées, avec l’idée sous-jacente que la production de l’ordre ne peut se résumer à l’agencement de l’espace, comme le souligne Chantal Talland, anthropologue-urbaniste directrice de l’Ecole de rénovation urbaine : « les questions de sécurité sont importantes mais le système ne vaut que s’il existe un faisceau d’interventions pour agir de manière pérenne. Il ne faut pas tomber dans le travers de réagir au phénomène de délinquance sans insister sur ce qui la génère »78.

2. Avec la gestion urbaine de proximité, des liens consubstantiels entre conception, gestion, sécurité et politique de la ville

La Gestion Urbaine de Proximité (GUP) trouve elle aussi son origine en partie dans les réflexions relatives à la prévention situationnelle. De nombreuses productions s’attachent à la définir et à en circonscrire le périmètre. A partir de la fin des années 1990 et du début des années 2000, on constate en effet un déficit de gestion (éclairage, entretien, gestion des déchets…) dans les opérations urbaines récentes réalisées dans les quartiers de la politique de la ville, notamment en raison de l’inadaptation des modes d’organisation des bailleurs sociaux et collectivités locales, et de certaines limites de collaboration entre ces derniers 79 : « la centralisation et la spécialisation excessive des services, l’absence de coopération entre eux, la faiblesse de l’encadrement des agents et leur manque de qualification sont autant de facteurs qui contribuent à la dégradation des quartiers »80. Les démarches de GUP cherchent alors à prendre en compte et anticiper des enjeux de gestion (conditions d’entretien, ergonomie, durabilité, etc.) et d’usages (densité, flux, etc.). La notion de GUP, volontairement large, renvoie à une diversité d’aspects comme la qualité de vie, l’image des quartiers, le stationnement, le travail social, la tranquillité publique, etc. Elle articule donc des éléments de gestion technique (entretien / maintenance du logement et de ses abords), de gestion de proximité (équipements, gestion locative…), et de gestion sociale 81. Ce type de démarche se

75 Levan V., « Sécurisation des quartiers ‘sensibles’ : l’inéluctable ascension de la prévention situationnelle ? », in Champ pénal/Penal field, Vol. I, 2004. 76 Benbouzid B., « Urbanisme et prévention situationnelle : le cas de la dispute des professionnels à Lyon », in Métropoles, 8, 2010. 77 Ibid. 78 « Des architectes regrettent l’intervention policière dans l’urbanisme des cités », in Les Inrocks, 13 septembre 2010. 79 Montanola A., op. cit. 80 Allen B., Bonetti M., Laforgue J.-D., « La contribution de la recherche à la conception des projets urbains. Une action en partenariat avec les bailleurs sociaux », in Les Annales de la recherche urbaine, n°104, juin 2008. 81 Montanola A., op. cit.

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systématise progressivement, le règlement de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (Anru) imposant un volet GUP dans chaque Projet de Rénovation Urbaine82. Sur le terrain, il est fait état d’un lien fort entre dégradation des sites et développement du sentiment d’insécurité 83 . Par conséquent, « l’amélioration de la tranquillité publique constitue un enjeu important des démarches de gestion urbaine » 84 , à travers plusieurs types d’outils, comme la formation des gardiens, la mise en place de correspondants de nuit, ou la résidentialisation pour clarifier le statut des différents espaces et in fine en faciliter la gestion. Ces dernières sont souvent menées en prenant appui sur un projet de rénovation, afin de pérenniser les investissements réalisés. Les premiers bilans de la mise en œuvre de la GUP dévoilent cependant des réalités contrastées85. Si près de 150 conventions sont signées entre 2000 et 2004 en s’appuyant sur les différents outils méthodologiques mis à disposition par l’Etat, les démarches de GUP restent en deçà de leur potentiel : les actions effectivement menées ne correspondent parfois pas au contenu des conventions, certains champs, comme la sécurité, sont pris en compte de manière aléatoire, et les niveaux d’intervention sont disparates. La GUP a bénéficié du dynamisme des PRU pour se mettre en place, mais dans le même temps l’élaboration des dossiers pour l’Anru semble avoir monopolisée l’attention des acteurs locaux. Par ailleurs, les évolutions institutionnelles (montée en puissance de l’échelon intercommunal en matière d’habitat, restructurations de certains bailleurs sociaux) et les incertitudes pesant sur les financements ont pénalisé les démarches GUP.

3. Une articulation insuffisante entre la gestion urbaine de proximité et les dispositifs de prévention de la délinquance

La GUP n’est toutefois pas l’unique manière de produire de la tranquillité. De nombreux outils et démarches concertées entre organismes publics et privés existent dans le domaine de la lutte contre l’insécurité : contrats locaux de sécurité (CLS), conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), etc. Leurs principales thématiques concernent l’accès au droit et l’aide aux victimes, la veille territoriale, les mesures de réparation, l’accompagnement de la jeunesse, la citoyenneté, mais des axes de travail sont également développés autour d’un volet sécuritaire (mise en place / renforcement de la police municipale, vidéo-surveillance, violences faites aux femmes, sécurisation des transports en commun…). Leur champ d’intervention au regard de ceux de la GUP apparaissent néanmoins relativement flous, et la complémentarité entre les différentes dispositifs demeure difficile : les acteurs qui y prennent part n’ont pas la même culture professionnelle, les modalités d’intervention ne sont pas toujours les mêmes, la police et la justice sont peu associées aux démarches de GUP, etc. Quand une articulation existe, elle se concentre sur des problématiques ponctuelles, comme l’enlèvement des épaves86. Enfin, le rattachement des actions menées en matière de sécurité à la GUP apparaît souvent peu lisible. Ainsi, dans les années 2000, des actions notables ont été mises en œuvre avec succès à Orléans en matière de prévention de la délinquance (Plan global Prévention dissuasion et répression, création d’une police municipale, plan de vidéo-protection, arrêté sur les mineurs de moins de treize ans la nuit, service Prévention Médiation Réussite, etc.), mais il est difficile de savoir si elles s’intègrent

82 Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR), Gérer et entretenir les espaces publics et privés à usage public. Volet Habitat, Logement et Cadre de vie de l’évaluation du Contrat Urbain de Cohésion Sociale de Paris 2007-2009, 2009. 83 Guigou B., « Gestion urbaine de proximité en Île-de-France : des interventions coordonnées entre villes et bailleurs », in Les Cahiers de l'habitat, supplément n° 31, 2002. 84 Guigou B., Les démarches de gestion urbaine de proximité : améliorer le quotidien des habitants par une gestion concertée villes-bailleurs, Villes et quartiers, 2002. 85 Kertudo P. (Dir.), Vanoni D. (Dir.), Baronnet J., Goussef G., La gestion urbaine de proximité dans les projets de rénovation urbaine, Rapport d’étude, Agence nationale pour la rénovation urbaine, Fondation pour la Recherche Sociale (FORS-Recherche Sociale), 2009. 86 Pôle de Ressources départemental Ville et développement social du Val d’Oise, « Soutenir les démarches de gestion urbaine de proximité », Coll. Actes Cycle de qualification, Nov.-Déc. 2003 ; Guiguou B., op. cit.

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réellement dans une démarche globale de gestion urbaine87. Pour autant, le marie-adjoint de la Ville en fonction en 2009 indique que « la gestion de proximité a permis de faire baisser considérablement la délinquance juvénile, ce qui permet dorénavant de [s’] attaquer à l’économie souterraine du trafic de drogue »88. Ainsi, les acteurs de la sécurité, de la prévention comme ceux de la gestion développent le plus souvent des actions ou des dispositifs totalement juxtaposés et peu coordonnés dans leur visée, leur mode opératoire et leur suivi. Pourtant, in fine, l’amélioration de la situation des quartiers rénovés résiderait dans un traitement conjoint des problématiques supposant : « que toutes les démarches, actions et dispositifs concourant à la tranquillité-sécurité dans les différents domaines et champs de responsabilité des acteurs soient menées en cohérence et de façon concomitante, notamment dans le cadre des CLSPD, des CUCS et des conventions de GUP »89.

4. Sur le terrain, une approche assez dissociée de la gestion urbaine de proximité et de la tranquillité publique

a) Une gestion urbaine de proximité qui prend assez peu en compte la tranquillité publique L’analyse de la prise en compte de la sécurité dans les projets de rénovation urbaine franciliens90 rappelle que la prévention situationnelle y a trouvé sa traduction à travers deux éléments principaux que sont les opérations de résidentialisation et les conventions GUP, le second constituant le prolongement du premier. Les résidences fermées sont le signe du passage à une culture du contrôle des accès : « On observe une banalisation du phénomène dit de ‘résidentialisation’. Les démarcations physiques comme les grilles limitent la propriété dans l’espace et empêchent les intrusions : démarcheurs, groupe de jeunes bruyants »91. Le principe de résidentialisation propose d’associer au changement d’image des quartiers les dispositifs de protection des bâtiments92. Les dispositifs spatiaux mis en place varient à la fois selon les intentions des bailleurs et des architectes et les marges de manœuvre laissées par la configuration des espaces ; ils vont de la simple fermeture pour éviter les passages, rassemblements et trafics, à la constitution d'unités résidentielles offrant aux résidents des espaces à s'approprier93. D’un point de vue théorique, la résidentialisation répond à des actions précises, s’appuie sur des moyens déterminés et affiche des buts explicites dépassant de fait une simple fermeture de l’espace ou l’installation d’un appareillage sécuritaire94. Si des incidences positives de la résidentialisation (et de son prolongement via la GUP) sont observées sur le plan d’une clarification des domanialités, d’une meilleure gestion des déchets, d’une redéfinition de l’adressage, de l’amélioration de systèmes d’éclairage, etc., « [les résidentialisations] ne sont jamais présentées comme des opérations de sécurisation à part entière ». En outre, l’intégration entre la GUP et la tranquillité / sécurité apparaît souvent incomplète, dans la mesure où le volet « tranquillité » des conventions GUP n’est pas obligatoire. Lorsqu’il est intégré à la GUP, il est abordé de manière relativement restrictive, avec plusieurs configurations possibles :

87 Secrétariat Général du Comité Interministériel des Villes, La gestion urbaine de proximité : une ambition et une pratique au service des habitants des quartiers, Collection : Les Rencontres de la ville, 2009. 88 Ibid. 89 USH, « Les PRU : les impacts sur les conditions de gestion de proximité et de sécurité dans les quartiers », Synthèse du congrès du 27-29 septembre 2011. 90 Gosselin C., Quel traitement des enjeux de sécurité dans la rénovation urbaine ?, Institut d'aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France, février 2015. 91 Madoré F., Billard G., Chevalier F., Vuaillat F., Quartiers sécurisés : un nouveau défi pour la ville, Carnets de l’Info, 2011. 92 Delhome D., Landauer P., « La sécurisation des grands ensembles : incertitudes et contradictions des opérations de requalification », in Les Cahiers de la sécurité intérieure, INHESJ, Paris, 2001. 93 Guigou B., Lelévrier C., op. cit. 94 Billard G., Chevalier J., Madoré F., op.cit.

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- Soit les actions visant à améliorer la prévention de la délinquance concernent la mise en place d’actions de médiation distinctes des activités de gestion des espaces urbains, des immeubles et des équipements ;

- Soit le volet « Gestion Urbaine de Proximité » des PRU est seulement intégré « formellement » aux Contrats locaux de sécurité ;

- Soit, enfin, ce volet traite uniquement des questions de sécurité routière, avec l’annonce de la mise en place d’actions correctrices de l’insécurité routière.

Ainsi, la tranquillité publique ne constitue généralement pas une entrée à part entière dans le cadre des PRU, et se trouve « fondue » dans une réflexion et une démarche plus large en matière de GUP. Une étude relative à la sécurité publique menée dans une vingtaine de sites en rénovation urbaine95 souligne que la gestion constitue une manière parmi d’autres de contribuer à la sécurité : des mesures qualifiées de structurelles (destruction des points de trafic, aménagements à échelle humaine, etc.) aussi bien que des mesures « fonctionnelles » (contrôles d’accès, renforcement de la présence humaine, amélioration de la gestion des ordures ménagères, etc.) ont permis, d’après les constats réalisés sur place et les témoignages des acteurs locaux, une baisse des phénomènes de délinquance les plus visibles (feux de voiture, jets de projectile). Cependant, les liens entre rénovation urbaine et baisse de la délinquance sont difficiles à établir de manière scientifique, et à mesurer96.

b) Une pensée de la GUP insuffisamment structurée dans la rénovation urbaine et faiblement participative

Il semble que, dans de nombreux projets, la GUP a été insuffisamment prise en compte, comme ce fut déjà le cas avec certaines opérations de réhabilitation menées dans les années 1980. Ce constat a en effet pu être dressé dès la finalisation de certaines opérations97. Très vite, certains travaux anticipent les conséquences possibles de la rénovation urbaine sur la gestion future des quartiers 98 : si la résidentialisation, en clarifiant le statut des différents espaces, va permettre une meilleure organisation des acteurs et une diminution des coûts de gestion des sites, les nouveaux équipements surdimensionnés et les aménagements trop complexes vont nécessiter des modalités de gestion lourdes que ne pourront assumer les gardiens et agents d’entretien classiques. L’analyse de Michel Bonetti indique en effet que nombre de PRU n’ont initialement pas pris en compte les aspects de gestion ni associé en amont les gestionnaires concernés. Le projet urbain a mobilisé beaucoup d’énergie et la gestion urbaine de proximité s’est donc souvent mise en place « au fil de l’eau », à l’apparition des dysfonctionnements et en réaction à ces derniers. Michel Bonetti indique que, dans ce contexte :

- D’une part, certains dysfonctionnements urbains (espaces résiduels, organisation labyrinthique de l’espace) n’ont pas été résolus. Des projets ont ainsi maintenu voire rajouté des espaces résiduels et vides urbains, des espaces illisibles (en termes d’usage), de la confusion entre espaces publics et privés ;

- D’autre part, des aménagements pourtant récents (hall, clôtures…) ont été immédiatement dégradés, en raison d’un déficit de gestion risquant d’accélérer la dégradation des quartiers en dépit des investissements considérables réalisés.

95 SUR&TIS, CRONOS, L’impact de la rénovation urbaine sur la tranquillité et la sécurité publiques, 2013. 96 Dans certains cas bien précis relatifs aux déplacements, les origines de l’amélioration de la sécurité d’un quartier apparaissent clairement identifiable. Des études ont ainsi montré que les nouveaux aménagements réalisés dans le cadre des PRU (travail sur les axes structurants et les traversées piétonnes) permettent de réduire l’accidentologie (MILLOT M., 2008). 97 Bonetti M., « Le statut et l'enjeu politique de la gestion urbaine », CSTB, Avril 2007. 98 Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru, La rénovation urbaine à l’épreuve des faits. Rapport 2009, La Documentation française, 2010.

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Un lien inquiétant est même établi entre les situations ex ante et ex post : « plus le déficit de gestion urbaine était important avant la réalisation du projet de rénovation, moins d’efforts sont consacrés à son amélioration dans le cadre de ces projets. Autrement dit, plus la dégradation des quartiers était imputable au déficit de gestion urbaine moins elle est prise en compte dans les projets de rénovation ». En outre, Michel Bonetti met en exergue l’absence de prise en compte des pratiques des habitants dans les PRU. Il souligne que l’implication des habitants dans l’élaboration d’un programme de renouvellement urbain est souvent limitée à une consultation, et constate que le recueil des points de vue exprimés lors d’une réunion publique de présentation de différents scénarii de restructuration tient rarement compte de leurs réactions99. Ainsi de nombreux projets proposent la création de relations entre les quartiers et le centre-ville, sans s’interroger si celui-ci est vraiment attractif et si les habitants ont des motifs de s’y rendre. De la même façon, ils proposent la création de places, des « coeurs de quartier », sans se demander si les habitants ont des raisons d’y passer pour faire leurs courses, emmener les enfants à l’école, ou encore participer à des activités de loisirs. Dans ce contexte, lorsque des conventions GUP sont signées, elles se limitent souvent à des listes d’actions sans réel ancrage dans une stratégie d’intervention pour le quartier100 ni appropriation de la démarche au sein des sites.

c) Des réponses avant tout techniques en termes de gestion urbaine de proximité et de tranquillité publique

Plusieurs rapports et études soulignent qu’en termes de GUP comme de tranquillité publique, les réponses privilégiées pour accompagner les projets de rénovation urbaine sont essentiellement techniques (dont celles relevant de la prévention situationnelle), et insuffisamment articulées avec un « volet humain » dont le rôle peut être pourtant majeur dans la régulation de l’espace public. Dès 2004, la Délégation interministérielle à la ville constate que « livrer un produit fut-il de qualité, mais sans permettre une démarche d’appropriation, d’implication des occupants sur le territoire conduit au risque de devoir ré-entrer presque aussitôt dans une spirale de dégradation (…). On ne fait pas le bonheur des gens malgré eux » 101. Par la suite, une étude réalisée par le CSTB sur l’évaluation de la qualité urbaine des PRU met en exergue l’insuffisante perception des espaces publics comme supports d’animation et de vie sociale, dans le cadre de la rénovation urbaine. Selon cette étude, ces espaces sont souvent pensés en termes de statut et de manière fonctionnelle, conduisant à une clarification du foncier et de la trame viaire, et à la création de la voirie essentiellement pour les déplacements et les espaces de stationnement. Cela conduit à la conception de voies rationnelles du point de vue de l’organisation urbaine et des déplacements, mais ne permet pas réellement de créer de l’urbanité, c’est-à-dire de susciter des usages, des représentations symboliques, des identités et ambiances différenciées, ou plus encore un sentiment d’appartenance à la société102. Dans la même idée, la chercheuse Camille Gosselin103 souligne que, faute d’anticipation de la gestion et d’implication réelle des habitants, les opérateurs de la rénovation urbaine sont porteurs « d’une vision technique et défensive de la prévention situationnelle ». De son point de vue, l’émergence des dispositifs technologiques (dispositifs d’accès, vidéosurveillance, etc.) dans l’aménagement contribue au développement d’un registre de la prévention situationnelle centré sur des objectifs de protection de 99 Bonetti M., Bouvier J., « Les risques de dérive de la transformation des grands ensembles », in Les Annales de la recherche urbaine, n° 97, décembre 2004 (numéro spécial consacré aux « Renouvellements Urbains »). 100 Allen B., Bonetti M., Des quartiers comme les autres ? La banalisation urbaine des grands ensembles en questions, La Documentation française, 2013. 101 Billard G., Chevalier J., Madoré F., op. cit.3 102 CSTB, Laforgue J.-D., Werlen J., Evaluation de la qualité urbaine de dix projets de rénovation urbaine, Secrétariat général du Comité interministériel des Villes (SG- CIV), Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru, Observatoire national des zones urbaines sensibles, Plan Urbanisme Construction et Architecture (PUCA), juin 2011. 103 Ancienne chargée de mission à l’Anru ainsi qu’à l’OPH de Bobigny.

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l’espace et des bâtiments, et vient reléguer au second plan (voire faire disparaitre) les possibilités/solutions de régulation de l’espace public via la présence humaine et l’animation « spontanée », c’est-à-dire l’appropriation informelle des espaces publics par les habitants des quartiers. L’élaboration de règlements (voir pour exemple le travail de l’Association française de l’éclairage sur la normalisation de l’éclairage public) accentue l’aspect normatif de la prévention de la délinquance par l’aménagement et apporte des solutions pratiques, concrètes, qui séduisent fortement les acteurs opérationnels. Pour Camille Gosselin, cela engendre une banalisation de dispositifs technologiques dans l’aménagement, quand l’enjeu serait de soutenir les usagers/habitants afin qu’ils s’approprient pleinement leur lieu de vie, et participent, en retour, à « la surveillance naturelle » et à une autorégulation de leur quartier. Cependant, en France, la diffusion des principes de prévention situationnelle par la rénovation urbaine n’a pas été associée à une forme d’empowerment des habitants104.

G. Les attendus en matière de gestion urbaine de proximité et de tranquillité publique avec la rénovation urbaine

1. Des enjeux forts en matière de GUP : anticipation des enjeux de gestion et pérennisation des investissements au service d’une amélioration du fonctionnement quotidien des quartiers rénovés

Si la gestion urbaine de proximité ne concerne pas exclusivement les territoires inscrits dans des projets de rénovation urbaine, celle-ci prend pourtant un sens et une forme spécifique sur ces sites. Tout d’abord, les quartiers bénéficiaires de la rénovation urbaine présentent la caractéristique d’avoir été concernés, avant travaux, par un processus de dégradation installé rendant difficile et peu lisible le travail des équipes de proximité en matière de gestion. En outre, la rénovation urbaine a de facto opéré sur ces territoires une réorganisation spatiale du cadre urbain, via une remise à niveau de la qualité technique et une rationalisation des espaces (réduction des espaces morcelés, clarification des cheminements, choix des matériaux, re-dimensionnement) devant à terme faciliter leur entretien et simplifier leur gestion105. Dans ce contexte, les enjeux en matière de GUP sont particulièrement forts sur les territoires concernés par des opérations de réhabilitation ou rénovation urbaine. Sur ces sites, les démarches de GUP visent à prendre en compte et anticiper des enjeux de gestion (conditions d’entretien, ergonomie, durabilité, etc.) et d’usages (densité, flux, etc.) dans la réflexion sur la vocation, l’organisation urbaine, architecturale et paysagère (composition, dimensionnement etc.) et la qualification des espaces. Mais elles visent aussi à permettre la pérennisation des investissements conséquents réalisés par les PRU, pour offrir aux habitants une réelle qualité du cadre de vie, équivalente à celle des autres quartiers de la ville et durable dans le temps. La GUP est enfin intégrée à un certain nombre de préoccupations traduisant sa portée stratégique : développement durable (réflexions sur la prolongation de la durée de vie des équipements, sur l’optimisation des systèmes de gestion et la réduction des coûts d’entretien), intervention de droit commun et gestion post-Anru dans les quartiers106. Ainsi, la GUP se révèle être un facteur clé de réussite des projets de rénovation urbaine, susceptible de participer à une normalisation et un retour d’attractivité dans les quartiers concernés et, ce faisant, de contribuer à l’objectif d’équité territoriale poursuivi. Dans ce cadre, la GUP est, pour l’Anru et ses partenaires (notamment l’ex-Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances - ACSE), une démarche à systématiquement envisager, à

104 Gosselin C., Quel traitement des enjeux de sécurité dans la rénovation urbaine ?, Institut d'aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France, février 2015. 105 USH, « Les PRU : les impacts sur les conditions de gestion de proximité et de sécurité dans les quartiers », Synthèse du congrès du 27-29 septembre 2011. 106 Pôle de Ressources départemental Ville et développement social du Val d’Oise, « Prévention de la délinquance, sécurité et gestion urbaine de proximité. Terrains communs et approches croisées. Synthèse issue d’un cycle d’ateliers entre septembre 2001 et juin 2012 », Mars 2013.

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chacune des étapes d’un projet de rénovation :

- Dans la phase initiale d’élaboration du projet, via la prise en compte des usages des habitants, des attentes des gestionnaires, et l’anticipation des modalités et coûts de gestions futurs mais aussi des impacts de la nouvelle organisation en matière d’entretien et de sécurité ;

- Pendant la durée du chantier, à travers le maintien du cadre de vie et la limitation des nuisances subies par les habitants (développement d’actions d’information et de communication, optimisation des procédures mises en place en particulier dans les logements, sécurisation des chantiers) ;

- Une fois les travaux achevés, via l’adaptation des modalités d’entretien et de gestion des

espaces (répartition des responsabilités entre les partenaires) à la nouvelle configuration du quartier107.

2. La baisse de la délinquance et l’amélioration de la tranquillité dans les quartiers : un objectif informel du PNRU

L’amélioration de la tranquillité publique et résidentielle des quartiers n’est pas mentionnée explicitement dans les objectifs du PNRU fixés par la loi de 2003. Néanmoins, le règlement général de l’Anru précise que les PRU doivent être cohérents avec les orientations du projet de développement social urbain, et notamment les mesures visant à prévenir la délinquance et favoriser la sécurité et la tranquillité publiques. La rénovation urbaine ambitionne de transformer en profondeur des quartiers connus pour être spécialisés et stigmatisés, ce qui implique en effet une action sur l’image et l’attractivité de ces territoires, et donc la prise en compte de leurs problématiques de délinquance et d’incivilités. Or si l’acuité des situations de départ de ces quartiers au regard de la sécurité était extrêmement variable, le sentiment d’insécurité tendait à se manifester sur l’ensemble des sites, constituant ainsi une donnée de contexte à intégrer de facto dans le cadre des PRU. Ainsi, les grands fondamentaux de la rénovation urbaine (restructurer la ville, recréer de l’urbanité) ont de fait rejoint les enjeux de sécurité et de tranquillité à l’œuvre dans les quartiers concernés par les chantiers. Ils sont d’ailleurs en convergence avec les préoccupations qui guident la mise en place du processus réglementaire des ESSP (études de sécurité publique dans les opérations d’aménagement) : le désenclavement et l’ouverture à la ville ; la lisibilité de l’organisation urbaine et de la trame viaire ; la suppression de la confusion entre espaces résidentiels et espaces publics ; la gestion des flux résidentiels ; le traitement des secteurs les plus dégradés et la suppression des espaces ou éléments « insécures » ; l’aménagement d’un réseau d’espaces publics avec le souci de diversifier les usages tout en les régulant ; et enfin la qualité et la robustesse des matériaux. Si les grands principes des PRU sont cohérents avec les enjeux de la sécurité et de la prévention de la délinquance, ils concourent aussi directement à ceux-ci. A tel point qu’un PRU « ne saurait être considéré comme réussi lorsqu’il ne débouche pas, entre autres et en complément avec les autres leviers de la prévention, sur une amélioration significative de la sécurité publique, réelle ou perçue par les habitants » 108 . La volonté de mettre fin aux occupations de halls d’immeubles, aux dégradations, aux mésusages s’est ainsi souvent traduite par la mise en pratique d’outils de prévention situationnelle tels la vidéosurveillance, les dispositifs de dissuasion, les contrôles d’accès ; avec une volonté de réduire l’insécurité ressentie en créant un espace privatisé où une forme de contrôle

107 Acsé « Repères sur la gestion urbaine de proximité. Garantir la qualité du cadre de vie des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville », avril 2009. 108 « Application de la circulaire interministérielle du 6 septembre 2010 relative à la réalisation des études de sûreté et de sécurité publique lors des opérations de rénovation urbaine – Annexe sur les fondamentaux de la rénovation urbaine et les enjeux de sécurité », Anru, 13 septembre 2010.

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pourrait s’organiser. Au fur et à mesure de l’avancée des PRU, les questions liées à la tranquillité ont pris de plus en plus d’ampleur dans la réflexion sur les aménagements, et l’enjeu d’articulation GUP / actions de prévention de la délinquance et d’amélioration de la tranquillité publique a été affiché comme majeure au plan national. La thématique de la tranquillité publique est d’ailleurs devenue un des axes prioritaires de coopération entre l’Anru et l’ACSE. Dès 2010, le partenariat entre les deux agences s’est concrétisé par l’organisation conjointe d’ateliers spécifiques dans le cadre des Forums interrégionaux des acteurs de la rénovation urbaine (FRARU). En outre, les deux agences ont la possibilité, dans certaines conditions, d’apporter un appui commun aux porteurs de projet sur la prise en compte de la problématique de la tranquillité dans le PRU, en articulation avec les actions menées au titre de la politique de la ville : identification des problèmes, mobilisation des ressources ad hoc, diffusion de bonnes pratiques, assistance aux acteurs locaux.

Conclusion de la première partie La problématique de la prise en compte de la gestion urbaine de proximité (GUP) et de la tranquillité publique dans les projets de rénovation urbaine renvoie à un questionnement socio-anthropologique ancien : l’étude des éventuels effets sociaux des formes urbaines. Si dans un premier temps, « les sociologues de la ville des années cinquante-soixante ont [eu] tendance à rendre autonome le fait urbain et à surestimer son rôle dans le processus du changement social »109, un consensus a lentement mais progressivement émergé chez les chercheurs, urbanistes et décideurs, autour de l’idée que l’urbain constitue un cadre externe produisant des effets sur les pratiques sociales. On assiste en réalité à des logiques en boucles, à travers lesquelles ce qui se joue entre les individus et les espaces se redéfinit sans cesse : « L’espace urbain n’est jamais totalement défini sans la prise en compte des pratiques des individus qui y vivent »110. La politique de rénovation urbaine mise en œuvre en France par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine à partir de 2003 s’appuie largement sur ces préoccupations, en poursuivant des objectifs d’amélioration des conditions de vie et de la sûreté des personnes à travers le remodelage des quartiers. Dans ce dispositif, la GUP est appelée à jouer un rôle de première importance : des conventions GUP doivent notamment être mises en œuvre localement, alors que les surplus financiers dégagés par les bailleurs sociaux grâce aux exonérations fiscales doivent être en partie affectés à la gestion des sites. La tranquillité apparaît également comme un enjeu fort de la rénovation urbaine, même si la sécurisation reste une dimension généralement peu commentée111. Bien qu’il n’y soit pas fait explicitement référence dans le règlement général de l’Anru, des améliorations sont implicitement attendues dans ce domaine, qui s’appuient sur différentes théories développées dans les pays anglo-saxons (et principalement aux Etats-Unis) en matière de prévention situationnelle. Une réduction de la délinquance est espérée avec la banalisation des formes urbaines et l’instauration d’une mixité sociale112. Plus de dix ans après le début du PNRU, que peut-on dire des actions mises en œuvre en matière de GUP et de tranquillité publique dans les quartiers rénovés ? Comment ces problématiques ont-elles été intégrées en amont dans la conception des projets ? Puis dans leur mise en œuvre ? Quelles actions ont été concrètement déclinées par les professionnels de terrain ? Et quels effets ont-elles produit sur les territoires, tant pour leurs acteurs que pour leurs habitants ? C’est à l’ensemble de ces questionnements que les parties qui suivent tentent d’apporter des réponses, en s’appuyant notamment sur l’étude approfondie de 10 sites. 109 Pinçon M., Pinçon-Charlot M., « La ville des sociologues », in Paquot T., Lussault M., Body-Gendrot S. (dir.), La ville et l’urbain, l’état des savoirs, Paris, La découverte, 2000. 110 Ibidem. 111 Allen B., Bonetti M., Des quartiers comme les autres ? La banalisation urbaine des grands ensembles en questions, La Documentation française, 2013. 112 Ibidem.

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Deuxième partie Les incidences de la conception urbaine sur les conditions de mise en œuvre des actions de gestion urbaine de proximité et de tranquillité publique

Dans cette deuxième partie sont analysées les incidences de la conception urbaine sur les conditions de mise en œuvre de la gestion urbaine et de la tranquillité publique. Il s’agit de déterminer en quoi les partis pris de conception des projets urbains choisis dans les Projets de Rénovation Urbaine prennent en compte et facilitent les enjeux de gestion et de sécurité. Tout d’abord, il convient de revenir sur la problématique d’analyse des interactions entre la conception urbaine et architecturale, la gestion urbaine et la tranquillité publique, sur laquelle se fonde l’évaluation des incidences des Projets de Rénovation Urbaine sur les conditions de mise en œuvre de la gestion urbaine de proximité et la tranquillité publique. Ensuite, cette analyse est confrontée aux dix sites de l’étude : en quoi les projets urbains mis en œuvre localement prennent-ils en compte ces dimensions ? Malgré la diversité des contextes et des choix urbains effectués, il est possible de tirer un certain nombre d’enseignements majeurs sur les interactions entre la conception urbaine et les enjeux de gestion et de tranquillité. Nous avons en effet pu identifier :

- Certaines améliorations des conditions de mise en œuvre de la gestion et de la tranquillité

publique que la plupart des projets de rénovation ont permis de réaliser ;

- La récurrence de certains problèmes de gestion et de sécurité qui n’ont pas été traités par les projets de rénovation, voire qu’ils ont pu générer.

A. L’analyse des interactions entre la conception urbaine et architecturale, la gestion urbaine et la tranquillité publique

Pour comprendre les interactions qui font l’objet de cette étude, nous nous appuyons sur une problématique d’analyse du « fonctionnement social urbain » des quartiers, qui est la résultante des interactions entre les différents processus sociaux qui s’y déploient. Ces « processus sociaux » recouvrent les différentes pratiques et les interactions sociales que développent les habitants, ils intègrent donc les tensions sociales entre les habitants, les incivilités et les actes de délinquance. Nous considérons que ces processus sociaux résultent pour une large part des interactions et de la composition de plusieurs facteurs :

- Les caractéristiques socio-économiques et culturelles des habitants ;

- La configuration urbaine et architecturale des quartiers ;

- L’action publique déployée par les responsables politiques (l’Etat et les collectivités

territoriales) ;

- Le fonctionnement des organisations assurant la gestion urbaine de ces quartiers.

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Les interactions entre les facteurs façonnant le « fonctionnement social urbain des quartiers

NB : il s’agit là d’une représentation simplifiée, sachant que chacun de ces facteurs comporte de nombreuses dimensions et qu’ils sont liés par différentes formes d’interactions

1. L’incidence des différentes échelles spatiales qui participent à la formation de la configuration urbaine et architecturale des quartiers

Les différentes échelles qui participent à la formation de la configuration urbaine et architecturale des quartiers ont des incidences sur leur fonctionnement social urbain, et donc sur la tranquillité publique. Cela concerne à la fois le contexte socio-économique et urbain dans lequel un quartier est situé, sa localisation dans ce contexte et l’attractivité du territoire spécifique dans lequel il est implanté et ses rapports avec cet environnement, son organisation urbaine interne, la composition des îlots, le mode d’implantation et la conception des équipements publics, les formes des immeubles, la conception des espaces résidentiels et les modes d’articulation aux espaces publics. Pour analyser les problèmes de sécurité qui se développent dans un quartier, il convient de prendre en compte les dispositifs de sécurité mis en place (clôtures, contrôles d’accès, télésurveillance, etc.), mais plus largement l’organisation d’ensemble de l’espace et les différents dispositifs spatiaux qui le composent en s’interrogeant sur leurs effets en termes d’usage et de sécurité. Chacun de ces facteurs113 peut contribuer à rendre l’espace inquiétant ou insécure, en favorisant notamment le contrôle que certains groupes délinquants peuvent exercer. Mais c’est la multiplication de ces différentes sources d’inquiétude ou d’insécurité et la combinaison de ces différents facteurs qui peut générer une situation problématique. Ainsi, lorsqu’un quartier est éloigné du centre-ville ou bien si celui-ci est peu attrayant, cela peut favoriser un développement des tensions internes. Mais si par ailleurs ce quartier ne dispose pas d’espaces publics de proximité agréables, ces tensions risquent de s’aggraver.

2. Le rôle de médiation qu’opère l’espace sur la formation des pratiques des habitants et de leurs interactions sociales

Les pratiques et les interactions sociales entre les habitants sont liées à leur appartenance sociale et culturelle, mais elles dépendent pour une part de l’espace dans lequel elles se déploient, car celui-ci leur offre des opportunités pour se rencontrer, échanger, développer certaines activités. Les habitants sont donc mis en relation par l’intermédiaire des espaces qu’ils partagent, qui peuvent constituer des supports potentiels de sociabilité mais aussi de tensions et de conflits. 113 Cf. annexe n°2.

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Les organisations qui assurent la gestion de ces espaces (qu’il s’agisse des immeubles, des espaces résidentiels ou des espaces publics), opèrent également une double médiation de ces pratiques et de ces relations, à travers les rapports qu’elles entretiennent avec les habitants eux-mêmes d’une part, et à travers leurs actions d’aménagement et d’entretien de ces espaces, d’autre part. En effet la façon dont elles considèrent les habitants et les réponses qu’elles apportent à leurs demandes vont conditionner en retour leur attitude et leurs comportements à l’égard de leur environnement et à l’égard des autres habitants. Schématiquement, si ces organisations accordent peu d’attention à leurs demandes, ils se sentiront méprisés et n’auront guère de soin envers leur environnement et peuvent même avoir des réactions inciviles. Ils seront également peu soucieux de leurs voisins, des perturbations et des nuisances qu’ils peuvent générer. De la même façon les interventions de ces organisations et de leurs agents en matière d’entretien des espaces sont autant de messages adressés aux habitants concernant la considération qu’ils leur portent. Si ces organisations laissent les espaces se dégrader, les habitants percevront également cette négligence comme un signe de mépris à leur endroit et risquent d’adopter des comportements en miroir de désinvestissement et de négligence envers leur environnement. La combinaison des pratiques des organisations et des réactions qu’elles suscitent de la part des habitants qui en sont victimes ne peut qu’accroître les tensions entre les habitants eux-mêmes. L’espace urbain a une caractéristique particulière, car il permet d’inscrire des règles d’usage « à même le sol », à travers la configuration et la délimitation des espaces de circulation, de stationnement, des entrées des immeubles, des espaces publics, collectifs et privés. Nous proposons le concept de « topo-nomie114», pour désigner cette propriété qui peut être fortement perturbée par certaines configurations spatiales. L’espace sert ainsi de support à cette inscription de règles d’usage, à travers différents dispositifs : distinction des voies de circulation automobile, des trottoirs, des cheminements piétons, délimitation des espaces publics et des espaces privés, marquage des places de stationnement, distinction des matériaux utilisés pour fabriquer ces différents espaces, etc. De multiples règles de conduite sociales ou culturelles sont donc projetées sur les différentes formes d’espace, que celles-ci ont incorporé et que les individus ont tendance à s’approprier. Ces espaces sont ainsi imprégnés de codes de conduite et de règles d’usage implicites. Mais lorsque l’espace est confus, peu différencié et pas clairement délimité, ou lorsque ces distinctions s’estompent, les règles d’usage perdent donc ces supports d’inscription sur lesquelles elles s’appuient. Cela peut favoriser le développement des conflits d’usage.

3. L’enjeu de la « maîtrise publique de l’espace » à travers la maîtrise de sa gestion Par l’intermédiaire des institutions qu’ils mandatent à cet effet, à travers la gestion des quartiers, l’entretien des espaces, la collecte des déchets, l’enlèvement des épaves, les pouvoirs publics exercent une certaine maîtrise de l’environnement. Ils contribuent à ce que « l’espace soit tenu », au même titre que les habitants « tiennent » leur espace domestique. Ils exercent donc un contrôle sur l’espace. A travers leur présence et leurs différents modes d’action, ils évitent que l’espace ne se dégrade et ils manifestent du soin et de l’attention envers les habitants. En effet, toute action est également un message adressé aux habitants et ceux-ci ne s’y trompent pas. Lorsque les voieries sont défoncées, les clôtures des parcs brinquebalantes, les sols jonchés de détritus, ils se sentent abandonnés et méprisés par les pouvoirs publics. Ils mettent alors l’état déplorable de leur environnement en relation avec la gestion remarquable du centre-ville ou des quartiers pavillonnaires, et ils perçoivent à juste titre ce différentiel de qualité de gestion comme la traduction d’un différentiel de statut entre les habitants des quartiers concernés. Ils se vivent comme « des citoyens de seconde zone ».

114 Nous proposons ce concept de « topo-nomie», qui articule les racines grecques topos (espace) et nomos (loi), et qui ne doit pas être confondu avec la notion de « toponymie », qui désigne les termes utilisés pour nommer les différents espaces. Le concept d’anomie développé par E. Durkheim désigne des lieux ou des situations dans lesquels il n’y a plus de règles claires de conduite (E. Durkheim, De la division du travail social, Paris, PUF, 2007).

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Les individus adoptent des modes de conduite différents selon les lieux qu’ils fréquentent, dans lesquels ils se côtoient ou se rencontrent. Dans la rue, dans un square, dans un hall d’immeuble, les modes d’échange varient sensiblement. Un grand espace vide ou un lieu confiné vont induire des sensations et des postures différentes. Les vides urbains génèrent généralement un sentiment d’inquiétude, et de méfiance vis-à-vis des rares passants que l’on croise, alors que l’on frôle une multitude de gens sans même y penser dans une rue animée. Les règles d’usage sont plus ou moins claires et strictes selon les lieux. Plusieurs formes de règles, portées par différents groupes, peuvent être en concurrence. Les usagers se livrent ainsi une guerre incessante pour maîtriser le territoire, en cherchant à faire prévaloir leurs propres normes. Certaines situations sont également propices au développement de conflits, lorsqu’une certaine confusion règne quant aux règles légitimes, ou bien quand les règles, autrefois légitimes, s’affaiblissent. Les vieux habitants se plaignent alors du fait que « personne ne respecte plus rien », ce qui favorise le désinvestissement des lieux et les conduites de repli, et amplifie en retour cet affaiblissement des règles et la confusion. Des conflits surgissent quand apparaissent des « dissonances cognitives » entre les usagers, quand différentes conception de l’usage des lieux s’affrontent ou bien quand certaines personnes outrepassent le statut qui leur est octroyé et ne se conforment pas aux règles implicites en vigueur, ou cherchent à imposer leurs propres règles sans en avoir la légitimité. Des problèmes particuliers se posent aux frontières des espaces ayant des statuts différents, qui sont donc régis par des règles différentes, dans les espaces de transition. La majorité des conflits concernent l’usage des halls d’immeuble et ce que l’on appelle couramment « les parties communes », entre les logements et les espaces extérieurs ou bien aux abords des immeubles, aux limites des espaces publics et privés. Différentes formes de règles sont là en concurrence. Il s’agit de « zones d’incertitudes » quant aux usagers qui ont la légitimité de les utiliser et quant aux modes de conduite tolérés. Ce phénomène est relevé par J.Y. Toussaint et M. Zimmermann, qui considèrent que l’insécurité est due au statut incertain de ces lieux : « …systématiquement, l’insécurité est associée à des espaces. Il s’agit le plus souvent de lieux dont le statut est incertain : les entrées d’immeubles, les espaces dits de proximité »115. Pour pouvoir se sentir bien dans un espace, et ne pas ressentir d’insécurité, il est indispensable de pouvoir déchiffrer aisément le sens des lieux dans lesquels on évolue. Il faut savoir à tout moment où l’on se trouve et pouvoir se repérer aisément afin de ne pas se sentir perdu. Il faut également pouvoir trouver facilement son chemin pour se rendre à tel ou tel endroit et ne pas avoir peur de se perdre pour rejoindre son immeuble ou rendre visite à un voisin, ou bien aller faire ses courses ou dans un service public. La lisibilité des espaces est donc un facteur de sécurisation et les quartiers labyrinthiques sont quelques peu inquiétants. La nécessité parfois de faire de grands détours, de contourner de grands immeubles ou des équipements bordés de murs aveugles ou de grillages, peut également créer une certaine inquiétude. Par ailleurs, cela dissuade les habitants de se déplacer, réduisant ainsi l’investissement de l’espace urbain. La visibilité qu’offrent les espaces que l’on parcourt et que l’on fréquente est également un élément de sécurisation. Les passages sombres, mal éclairés, la multiplication des recoins, le fait que la vue bute en permanence sur des murs aveugles ou des grillages, sont quelques peu inquiétants et propices aux risques d’agression. Mais le souci de visibilité complète, de transparence totale des espaces développés par les tenants de « l’espace défensif » conformément aux conceptions d’Oscar Newman peut conduire à supprimer la végétation, à créer de vastes espaces minéraux peu amènes, à supprimer des lieux conviviaux. Il importe donc de trouver un équilibre entre les exigences de visibilité et de lisibilité des espaces et le fait de préserver des ambiances urbaines agréables.

115 Toussaint J.Y., Zimmermann M., 2001.

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4. L’influence des ambiances urbaines sur le développement de l’insécurité : espaces sécurisés et espaces sécurisants

Il importe de rappeler que la dégradation des espaces urbains et des immeubles liée à la mauvaise qualité des constructions et des aménagements, à la fragilité des matériaux et au déficit de leur entretien, contribue à dévaloriser les quartiers et leurs habitants et accroît la paupérisation de leurs occupants puisque seuls les plus démunis qui se trouvent ainsi assignés à résidence acceptent d’y vivre. Cette paupérisation accroît les risques de développement de la délinquance. En outre, dès lors qu’un quartier se dégrade, on ne peut attendre que les habitants prennent soin de leur environnement ; les règles de vie collective tendent à se dissoudre, et les espaces publics sont de ce fait désinvestis. Par ailleurs, quand un quartier se dégrade, les organisations et les agents chargés de leur entretien se démobilisent, d’autant plus que la paupérisation des habitants fait que leur capacité à interpeller les responsables de ces organisations tend à se réduire. Ceci crée des conditions qui favorisent la prise de contrôle de ces espaces par des groupes délinquants. En accord avec les réflexions de Jane Jacob et les approches développées par Paul Landauer, nous pensons également que le caractère « sécure » d’un espace est d’abord lié au fait qu’il est investi par ses habitants qui éprouvent du plaisir à s’y promener ou s’y installer. Les espaces désertés par leurs riverains laissent libre cours aux activités des délinquants qui peuvent en prendre le contrôle. En outre dans de tels espaces, si une personne se fait agresser, il n’y a personne pour lui porter secours et alerter les agents de sécurité. Les quartiers uniformes et minéraux, traversés par de grandes voies routières et disposant de places surdimensionnées qui créent de grands vides urbains, aux pieds d’immeubles aveugles, ne sont guère attrayants et ces espaces tendent à être désertés. A contrario, les quartiers qui offrent des espaces conviviaux, des promenades agréables, des rues bordées de commerces et de lieux d’activité, des placettes, sont investis par leurs habitants et sont sécurisants. Les enjeux de sécurité ont conduit à vouloir « sécuriser » les espaces, à travers la construction de murs, l’implantation de clôtures, de grilles et de grillages, de portes blindées et de caméras de télé-surveillance, une séparation des flux de circulation, ce qui crée un paysage quelque peu carcéral. Or ce paysage très sécurisé n’est pas nécessairement sécurisant, mais plutôt inquiétant, car il signifie de manière massive que l’on est dans un lieu dangereux. Il conduit plutôt les usagers à éviter ces lieux sur-sécurisés.

B. Une prise en compte généralement positive des problématiques de gestion et de tranquillité dans la conception des projets de rénovation urbaine

Comment cette analyse des liens existant entre la conception urbaine des espaces et la gestion et la tranquillité est-elle mise en œuvre dans les dix sites de l’étude ? En quoi les projets urbains mis en œuvre localement prennent-ils en compte ces dimensions ? Il convient tout d’abord d’insister sur la diversité des sites ayant fait l’objet du PNRU. En effet, cette diversité a généré différents modes de fonctionnement social urbain et se traduit par un degré de dégradation des espaces, des difficultés de gestion et une acuité des problèmes de sécurité variables d’un site à l’autre. La diversité des quartiers liée au contexte urbain dans lequel ils sont implantés et à leur propre organisation urbaine se doublait d’une diversité d’état de dégradation et d’acuité des problèmes de sécurité avant la rénovation urbaine. Sachant qu’à l’intérieur d’un même site, certains secteurs ou

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certains groupes d’immeubles pouvaient être dans un état relativement satisfaisant avant le PRU, alors que d’autres étaient particulièrement dégradés. L’état de dégradation et les problèmes de sécurité étaient pour une part liés au contexte urbain et à la complexité de leur organisation urbaine, mais ils étaient également dus à l’importance des moyens mobilisés par les villes et les bailleurs et par l’efficacité de leurs modes d’organisation de la gestion de ces différents espaces. Malgré la diversité des sites et de la conception des projets de rénovation, cette évaluation permet néanmoins de dégager certaines tendances concernant les incidences de ces projets sur la gestion et la sécurité des quartiers qui en ont bénéficié. En premier lieu, il apparaît que les Projets de Rénovation Urbaine ont permis dans l’ensemble des sites traités des améliorations des conditions de mise en œuvre de la gestion et de la tranquillité publique.

1. Une amélioration générale de l’entretien des espaces publics et des immeubles et une réduction des sources d’insécurité

Nous avons pu constater une amélioration significative de l’entretien et de la propreté des espaces publics et des immeubles et une réduction des sources d’insécurité, ce qui confirme les résultats des évaluations de la qualité socio-urbaine des sites générée par les PRU116. On note rarement des espaces laissés à l’abandon voire « dévastés », comme on pouvait le voir fréquemment dans les années 80-90 (exemple : portes des halls aux vitres cassées ou carrément arrachées, détritus traînant partout, amoncellement d’encombrants, etc.). Ces problèmes existaient même dans les quartiers dont les immeubles avaient fait l’objet d’une réhabilitation car les espaces urbains n’avaient pas été requalifiés, l’organisation de la gestion et les dispositifs de stockage des déchets n’avaient pas été modifiés. Ceci montre la pertinence de projets intégrés, articulant la restructuration urbaine, la réhabilitation du bâti et l’amélioration de la gestion.

Requalification des voieries

Contrairement à certains discours sur cette question, les comportements des habitants ne sont pas les principaux facteurs qui génèrent la dégradation des quartiers. Ou plus exactement la qualité de l’environnement et l’efficacité de la gestion ont des effets très importants sur les comportements des habitants. Ceux-ci respectent davantage les lieux requalifiés et faisant l’objet d’une gestion soignée. L’ampleur de ces améliorations est néanmoins très variable selon les sites et plus encore à l’intérieur de chaque site, où certains secteurs ont été entièrement requalifiés alors que d’autres restent parfois très dégradés.

116 Allen B., Bonetti M., Des quartiers comme les autres ? La banalisation urbaine des grands ensembles en questions, La Documentation française, 2013.

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a) Une qualification et une clarification des espaces publics et des espaces privés, de leur statut et de leur vocation d’usage, qui réduit les sources de conflit

La dégradation des voieries est un facteur majeur de dévalorisation des quartiers et de leurs habitants. Des voieries défoncées, la multiplication des nids de poule, des bordures de trottoirs arrachées, constituent des signes de paupérisation des quartiers et signifient leur abandon par les pouvoirs publics. Les projets de rénovation ont généralement requalifié une grande partie de ces voieries et ces actions facilitent et améliorent l’entretien. La clarification et la délimitation des espaces publics et des espaces privés afin de clarifier par là même les responsabilités de gestion étaient un objectif majeur des PRU. Or cet objectif a été visiblement réalisé. Cette clarification s’accompagne généralement d’une plus grande cohérence entre le statut et la vocation d’usage de ces différents espaces qui permet de réduire les sources de conflit. En effet, lorsque les espaces situés en cœur d’îlot, qui ont une vocation d’espaces privés, étaient utilisés par l’ensemble des habitants du quartier ou étaient traversés par des cheminements publics qui souvent passaient sous les immeubles, les habitants des immeubles riverains supportaient mal le bruit ou les dégradations de ces espaces que ces usages publics généraient. Cette clarification a été réalisée à travers :

- La restructuration des trames viaires qui a supprimé de nombreuses voies de desserte ou

les impasses privées et les a transformées en voies publiques ;

- La résidentialisation des immeubles ;

- Une restitution aux villes de nombreux espaces fonciers à vocation publique qui étaient gérés par les bailleurs sociaux.

Résidentialisation délimitant et qualifiant les espaces publics

Cette évolution se traduit en général par un accroissement des espaces publics (voieries, stationnements, espaces verts) et donc des coûts de gestion que les villes ou les EPCI doivent assumer alors que les moyens dont elles disposent restent limités. Il convient de noter que la clarification des espaces publics et privés entraine une réduction du champ d’action des dispositifs de GUP qui sont fondés sur la concertation entre les villes et les bailleurs, précisément pour clarifier leurs responsabilités de gestion respectives et mieux coordonner leurs interventions. Cette clarification fait que l’interface entre les espaces gérés par les uns et les autres est fortement réduite, ce qui est très positif. Mais de ce fait, les objets de concertation se limitent souvent à la gestion des déchets et des stationnements. En effet, hormis dans quelques villes où ces acteurs entretiennent des relations de coopération très étroites, les services d’entretien des villes et des bailleurs ne souhaitent pas que les questions concernant leur propre organisation et les difficultés auxquelles ils sont confrontés soient débattues dans le cadre de réunions réunissant de multiples partenaires. Dès lors que les espaces publics et privés sont clairement identifiés et distincts, l’enjeu

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majeur n’est plus la coopération entre les acteurs, mais l’amélioration de l’organisation de la gestion de chacun d’eux.

b) La suppression d’espaces complexes difficiles à gérer et de lieux inquiétants qui favorisaient le développement de l’insécurité

Les immeubles imbriqués génèrent des espaces complexes à gérer et de nombreux passages traversants étroits et sombres pour accéder au cœur des îlots ou aux aires de stationnement. La désimbrication des immeubles engagée dans de nombreux projets a donc permis de supprimer ces espaces et d’améliorer de manière significative les conditions de gestion. La reconstitution des trames viaires et la hiérarchisation des voies assurent une meilleure organisation des espaces et améliorent la lisibilité et la visibilité des espaces. Ceci facilite les déplacements dans les quartiers et permet de se repérer plus facilement. Quand on veut aller d’un lieu à un autre, on risque moins de se perdre, de se retrouver au fond d’une impasse ou d’être obligé de contourner plusieurs immeubles, ce qui est plus rassurant. La majorité des projets se sont efforcés de réduire ou de supprimer les lieux inquiétants (impasses, passages traversant sous immeubles, recoins, etc.). Ceci permet aux habitants de sortir ou de rentrer chez eux ou de se déplacer sans se sentir insécurisés et de supprimer certains lieux qui favorisaient le développement d’activités délinquantes. Nous verrons que la résidentialisation des immeubles a été souvent assez limitée, néanmoins les halls des immeubles ont généralement fait l’objet d’une requalification importante, avec notamment la pose de baies et de portes d’entrée de qualité et de dispositifs de fermeture efficaces. Ces dispositifs fonctionnent généralement assez bien. De nombreux cheminements étaient implantés au ras des immeubles, ce qui insécurisait tout particulièrement les habitants des appartements situés au rez-de-chaussée lorsque ceux-ci ne sont pas surélevés. Les acteurs se sont souvent efforcés de supprimer ou d’éloigner ces cheminements par la requalification du pied des immeubles ou leur résidentialisation.

c) Une amélioration de la gestion des déchets ménagers et des encombrants qui réduit les risques d’incendie et permet un développement du tri sélectif

De manière générale la gestion des déchets s’est nettement améliorée, grâce notamment à la suppression du stockage des containers en sous-sol ou dans des locaux techniques jouxtant les halls d’entrée. Cette amélioration est essentiellement due à l’implantation de locaux de stockage à l’extérieur des immeubles, souvent en bordure de rue, ou bien plus encore à l’implantation de containers de tri sélectif enterrés. Même si des problèmes de conception de l’aménagement de ces aires de stockage ou de leur gestion existent, elles constituent une source de progrès par rapport à des situations antérieures insatisfaisantes.

Containers enterrés

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L’externalisation des containers en plastique et leur stockage dans des abris placés à distance des immeubles, et a fortiori leur suppression grâce à leur enfouissement, améliorent l’hygiène et réduisent fortement les risques d’incendie et la diffusion des vapeurs toxiques qui en résultent. Par le passé, il est arrivé que des habitants soient intoxiquées par les fumées générées par l’inflammation de container stockés en sous-sol qui remontaient par les gaines techniques jusqu’aux étages élevés. La gestion des encombrants a également été souvent améliorée, notamment grâce à la création de logettes de stockage, également implantées à l’extérieur des immeubles. Ces logettes sont parfois très bien insérées dans le tissu urbain.

2. Des facteurs particulièrement importants En fonction des problématiques diagnostiquées au départ, les projets urbains peuvent prioriser des actions emblématiques à réaliser, qui impacteront positivement l’ambiance urbaine des quartiers. Certains projets de rénovation urbaine étudiés présentent des atouts décisifs en termes d’amélioration des conditions de gestion et de sécurité. Il convient ici de les rappeler et de les expliciter.

a) L’implantation de systèmes de transport en commun en site propre reliant les quartiers à la centralité

Le fonctionnement social urbain des quartiers, et donc les tensions qui peuvent s’y développer, dépend pour une part du contexte socio-économique et urbain des agglomérations dans lesquelles ils s’inscrivent et de leur localisation particulière à l’intérieur de ces agglomérations. D’où l’importance de la localisation des quartiers et de leurs liens avec les zones attractives de l’agglomération (centre-ville par exemple). Plusieurs quartiers (Chambéry, Le Havre, Woippy, Rillieux-la-Pape) ont bénéficié de l’implantation de systèmes de transport en commun en site propre (tramway, trolley, bus à haut niveau de service), qui les relient à la centralité et réduisent donc leur isolement. Ces équipements contribuent à valoriser ces quartiers et à améliorer leur attractivité. Ils permettent aux habitants d’accéder aux services urbains et contribuent à leur intégration. Ils peuvent ainsi participer de la réduction d’un certain sentiment d’exclusion et d’enfermement, et de ce fait réduire les tensions sociales.

b) Le choix des priorités traitées par les projets Les projets qui paraissent avoir la plus grande efficacité en termes d’amélioration des conditions de gestion et de sécurité sont ceux qui assurent la requalification de l’ensemble des quartiers et pas seulement de certains secteurs. Les secteurs qui ne sont pas requalifiés contribuent en effet à dévaloriser les efforts d’amélioration engagés, et ce d’autant plus que l’absence de requalification peut contribuer à entraîner une forme de démotivation et donc de désinvestissement des agents de gestion. Si, faute de moyens, la requalification de l’ensemble d’un quartier n’est pas possible, des choix s’imposent. L’étude montre ainsi l’intérêt de projets qui ont fondé leur stratégie sur la restructuration des secteurs concentrant les tensions sociales ou la délinquance, en raison de leur configuration urbaine (exemple des tours et du centre commercial implanté sur une dalle à Corbeil-Essonnes, ou bien de la concentration de grands immeubles, comme à Lorient).

c) Le désenclavement de certains secteurs à l’intérieur des quartiers L’organisation urbaine des quartiers peut contribuer à générer un fonctionnement social problématique. L’organisation labyrinthique des espaces urbains résultant de la formation de grands

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îlots et de l’imbrication des immeubles crée en effet une confusion des espaces publics et privé, entraînent une multiplication des passages traversant sombres, des voies en impasse, des recoins, des espaces délaissés, et donc d’espaces potentiellement insécures. La majorité des quartiers analysés était pénalisée par différentes formes d’enclavement interne de plusieurs secteurs. Une réduction importante du désenclavement de certains de ces secteurs a pu être réalisée dans la plupart des quartiers. Par exemple, à Lorient, l’entrée ouest du quartier était en partie refermée par une concentration de grandes tours. La démolition de ces tours a permis de fluidifier l’entrée du quartier. Le quartier était par ailleurs bordé par une voie express accroissant la coupure avec son environnement. La transformation de cette voie express en boulevard urbain n’a pas, à proprement parler, désenclavé cette façade du quartier, car il y a peu communication avec l’autre rive. Elle a cependant réduit la coupure due à la circulation automobile.

Recomposition urbaine d’une entrée de quartier majeure

C. La persistance de problèmes urbains et la réalisation d’erreurs de conception limitent les impacts positifs des projets

Si les Projets de Rénovation Urbaine ont permis des améliorations très sensibles des conditions de développement de la gestion urbaine et de la tranquillité publique dans les quartiers concernés, la persistance de problèmes urbains et la réalisation d’erreurs de conception semblent limiter les impacts positifs des projets.

1. Des choix discutables dans les plans urbains mis en œuvre Malgré des évolutions positives, certains problèmes demeurent récurrents et ne semblent pas maîtrisés dans la majorité des sites. Différents phénomènes tendent à se combiner et contribuent souvent à donner l’impression que les actions de requalification ne sont pas entièrement réalisées et d’un manque de soin de l’entretien des espaces. On a ainsi un sentiment de « pas fini », « pas soigné », qui est parfois dû au fait que les travaux ne sont pas achevés.

a) L’absence de stratégie visant à compenser les différentiels de requalification au sein des quartiers

Dans la plupart des sites, des secteurs entiers ou certains lieux parfois stratégiques n’ont pas été requalifiés. De ce fait, les efforts d’amélioration engagés dans les secteurs rénovés sont en partie effacés. Les secteurs qui n’ont pas bénéficié de la rénovation paraissent encore plus dégradés qu’auparavant. Les activités délinquantes tendent à se déplacer dans ces lieux qui paraissent parfois laissés à l’abandon. Ceci est pour une part lié aux difficultés de coordination des maîtres d’ouvrage. Il est fréquent que les villes réaménagent les espaces publics, mais les bailleurs ne requalifient pas les espaces

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résidentiels et les clôtures qui les bordent, ou bien les bailleurs requalifient les immeubles mais les espaces publics situés à proximité restent dégradés.

Espaces non requalifiés

Il arrive également fréquemment qu’un maître d’ouvrage réalise des travaux de rénovation partiels. Les halls et les portes d’entrée des immeubles sont requalifiés, mais les portes techniques ou les parvis des immeubles ne sont pas réaménagés. De la même façon, les Villes requalifient des espaces publics, mais ne traitent pas les murs ou les portails des enceintes des écoles, ou bien les parvis des équipements collectifs qui les bordent dont elles ont pourtant la responsabilité, car ce n’est pas le même service qui gère ces différents espaces. La spécialisation des corps d’état du bâtiment est un autre facteur qui génère ces requalifications partielles. Si des travaux maçonnerie, d’électricité ou de serrurerie sont effectués, les trous ne sont pas toujours rebouchés et les raccords de peinture ne sont pas faits. Les améliorations réalisées sont donc en partie effacées par ces différentes formes de négligence.

Construction neuve dont l’environnement reste déqualifié

En outre, si l’on peut comprendre que les projets de rénovation n’aient pas toujours permis d’assurer une requalification de l’ensemble des quartiers, le décalage entre secteur rénové et secteur ancien n’a souvent pas été atténué par un renforcement des moyens d’entretien dans les secteurs qui ne bénéficient pas du projet de rénovation. On constate souvent le phénomène inverse, car les agents chargés de la gestion de ces secteurs tendent à se démobiliser.

b) L’importance des espaces publics qui restent à entretenir Les grands ensembles d’habitat social sont caractérisés par des emprises libres au sol très importantes (du fait de la hauteur et de l’implantation des immeubles). Ces importants espaces libres n’ont pas été remis en cause par les projets de rénovation, qui se traduisent par le maintien de grands espaces

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publics dont la gestion est très coûteuse. La surface de ces espaces a même parfois été accrue par les démolitions. Ce problème est accentué dans les quartiers où de grandes bandes d’espaces verts séparent les immeubles des rues qui les bordent, comme à Bourges, à Chambéry ou à Woippy, sachant que le statut de ces espaces n’est pas toujours très clair, ce qui pose des problèmes de gestion. Il arrive même que de tels espaces soient implantés en bordure des nouvelles opérations d’habitat. Les projets de rénovation ont souvent entrainé le transfert aux villes de la propriété de nombreux espaces qui appartenaient aux bailleurs sociaux. Mais dans la conjoncture actuelle de réduction des moyens des collectivités territoriales, cette augmentation des espaces à entretenir peine à se traduire par une augmentation du personnel dédié.

c) L’implantation de systèmes de transport en commun en site propre s’accompagne rarement d’une requalification des immeubles qui les bordent

De nombreux projets de rénovation ont bénéficié de l’implantation de moyens de transport en site propre (Le Havre, Chambéry, Rillieux-la-Pape, Woippy), ce qui constitue un atout majeur pour ces quartiers. Outre l’amélioration des transports en commun, ces équipements permettent de valoriser les rues qu’ils sillonnent et d’en faire de véritables voies urbaines. Mais cette opportunité est rarement exploitée de manière optimale. Ces projets entrainent une requalification des voieries, mais ils sont très souvent conçus comme des projets de transport et non pas comme de véritables projets urbains. Ces aménagements sont en effet rarement mis à profit pour requalifier les commerces et les immeubles qui bordent les rues qu’ils empruntent. Il arrive même que des placettes ou des pôles commerciaux très dégradés soient maintenus en bordure de ces rues.

d) L’absence de priorisation des espaces publics stratégiques Certains espaces publics jouent un rôle stratégique dans le fonctionnement des quartiers. Il peut s’agir des entrées du quartier, de lieux de centralité très fréquentés, d’espaces de concentration des phénomènes de délinquance. Il arrive que certains de ces espaces ne fassent pas faits l’objet d’une requalification, ou bien qu’ils ne bénéficient pas d’un entretien régulier :

- A Woippy, un centre socio-culturel et un passage traversant proche d’un commerce et l’espace situé l’arrière de ce commerce sont également très dégradés, et ils sont laissés à l’abandon ;

- A Lorient, site qui a bénéficié d’un projet pourtant remarquable, l’entrée du centre commercial qui a été requalifié est dégradée et ne bénéficie pas d’un entretien régulier. Il en est de même pour le parking qui jouxte ce centre commercial, qui est un grand espace qui parait à l’abandon ;

- A Chambéry, la place du Forum qui constitue un lieu très déqualifié et insécurisant majeur n’a pas fait l’objet d’une intervention. Le problème se pose également pour la majorité des tours dont le fonctionnement est problématique et qui n’ont pas été requalifiées, sachant en outre que les espaces qui les environnent sont très dégradés.

Mais il arrive aussi parfois que le réaménagement des espaces existants ou la conception de nouveaux espaces de ce type aient des effets particulièrement problématiques, à la fois en termes de gestion et de sécurité :

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- A La Mare Rouge au Havre, la place centrale du quartier a été entièrement recomposée et

bénéficie à la fois de la desserte en tramway et de l’implantation de nombreux équipements. Mais ces équipements ont été implantés de manière disparate, sans aucune cohérence. Cela ne permet pas de créer un pôle urbain attractif et risque de générer des problèmes d’insécurité ;

- A Corbeil-Essonnes, un parc a été implanté à la place d’une dalle de parking surmontée par plusieurs tours et d’un centre commercial désaffecté et une place centrale dotée d’une halle a été aménagée. Ces deux espaces publics centraux jouent un rôle stratégique dans ce quartier, or leur aménagement et leur gestion sont très déficients ;

- A Chambéry, un centre d’hébergement entouré de grilles métalliques a été implanté au pied d’une tour, ce qui confère une esthétique industrielle à ce lieu et génère des recoins insécures et dévalorisants.

A contrario des phénomènes évoqués précédemment, qui traduisent un certain déficit de requalification et/ou de gestion de différents espaces, il arrive parfois que des espaces bénéficient d’une requalification quelque peu excessive au regard des usages qui s’y déploient :

- A Hem, une longue promenade a été requalifiée en utilisant des matériaux nobles très

coûteux (des bordures en granit et en bois). Or cette promenade est très peu utilisée, car les immeubles riverains sont peu nombreux et il y a peu de raisons de l’emprunter pour se déplacer dans le quartier ;

- Au Havre, la concentration d’équipements publics dont bénéficie la place de la Mare rouge représente un investissement considérable, mais il n’est pas sûr que cela génère une dynamique urbaine à la mesure de cet investissement.

Passage traversant insécure sous un immeuble de bureau récent qui est déjà dégradé

2. Des erreurs de conception urbaine ou architecturale Nous avons noté un grand nombre de problèmes de conception dans la plupart des quartiers. Ces problèmes ne sont pas systématiques, ils ne concernent pas l’ensemble des espaces publics et des immeubles, mais ils sont néanmoins très fréquents.

a) Une conception souvent problématique des équipements publics, des centres commerciaux et

des espaces publics qui les environnent Les projets de rénovation se traduisent par l’implantation de nombreux équipements publics ou de centres commerciaux. Dans le même temps, beaucoup d’équipements publics et d’espaces commerciaux vétustes qui contribuent à dévaloriser les quartiers sont maintenus et ne sont pas rénovés.

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Nouvel équipement offrant une esthétique industrielle et des façades aveugles sur les rues

Cette tendance à créer de nombreux équipements neufs suscite de nombreuses interrogations quant à leur utilité, leur viabilité et les coûts de gestion qu’ils entrainent pour les collectivités territoriales dont les moyens tendent à se réduire comme nous l’avons déjà évoqué. L’implantation et la conception de ces nouveaux équipements publics et des espaces commerciaux s’avère en outre souvent très problématique. La plupart de ces équipements offre une esthétique industrielle avec des façades de béton brut ou métalliques quasiment aveugles et très austères, qui n’égayent pas vraiment leur environnement. Ils sont souvent « posés » en bordure des rues, et parfois en travers, de sorte qu’ils génèrent des espaces résiduels inutilisables et difficiles à entretenir. Les espaces publics qui jouxtent les centres commerciaux sont conçus indépendamment de ces immeubles commerciaux. Les maîtrises d’ouvrage et les maîtrises d’œuvre sont généralement séparées. De ce fait, il n’y a pas de cohérence entre les modes de conception de ces différents espaces. Les aménagements qui bordent les centres commerciaux se limitent souvent à l’implantation d’un parking très minéral, de sorte que ces centres ne sont pas du tout attractifs et tendent à péricliter rapidement.

b) Des résidentialisations généralement limitées et fragiles Nous ne considérons pas que la résidentialisation soit la panacée pour assurer une amélioration significative de la gestion et de la sécurité des immeubles. Elle nous parait nécessaire dans les quartiers où l’insécurité est particulièrement problématique, ou bien pour les immeubles situés en bordure de rues très fréquentées, lorsque les logements situés au rez-de-chaussée ne sont pas surélevés. Dans ce cas de figure, les appartements ne sont pas protégés et risquent donc d’être cambriolés.

Grillage bordant une rue où les détritus s’accumulent

Dans les sites évalués, les résidentialisations des immeubles réalisées dans le cadre des opérations de rénovation sont généralement très limitées, elles se réduisent souvent à la pose d’une clôture basse en grillage sans installation d’un portail ou à des plantations chétives au pied des immeubles. Seuls

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quelques exemples montrent de véritables résidentialisations, avec une qualification paysagère des espaces résidentiels, l’implantation de grilles sur des murets et des portails adossés à des piliers. Dans la plupart des cas, la résidentialisation se limite donc à la pose de grillages très fragiles qui risquent de se dégrader rapidement. Comme ces grillages ne sont pas posés sur des murets, les détritus poussés par le vent tendent à s’amonceler à leur pied et il est difficile de les ramasser. Signalons en effet que la pose de grilles sur des murets en bordure de trottoir permet de disposer de clôtures très solides et pérennes et esthétiquement valorisantes. Cela permet en outre d’assurer mécaniquement le nettoyage des trottoirs en utilisant un engin de lavage. On peut éventuellement comprendre que pour des raisons économiques les clôtures longeant les arrières des immeubles donnant sur des rues secondaires peu fréquentées soient réalisées en installant seulement des grillages. Par contre, le long des voies urbaines ou en bordure de places publiques, il nous semble indispensable d’installer des grilles de qualité posées sur des murets, à la fois pour préserver la qualité de ces voies ou de ces places, pour assurer la solidité de ces aménagements qui sont très sollicités en raison de l’importante fréquentation de ces espaces, et pour faciliter leur entretien.

c) La conception souvent formaliste et fragile des aménagements paysagers dont la qualité est généralement disparate et la gestion problématique

Dans plusieurs quartiers, la qualité paysagère des résidentialisations est généralement médiocre et seulement certains espaces publics bénéficient d’aménagements bien conçus. On a donc de ce fait une très grande disparité de la qualité paysagère des espaces et des différents secteurs. Les hasards de l’histoire font que les projets de rénovation sont conçus et mis en œuvre au moment où se développe partout en France une conception formaliste des aménagements paysagers, qui tend à bannir l’implantation de haies et de massifs d’arbustes fleurissant. Ce nouveau courant tend à considérer que les massifs de lauriers, d’hortensias ou de genêts sont désuets, alors que ce sont précisément les formes paysagères que les habitants apprécient et dont la gestion est relativement aisée et peu coûteuse. La plupart des paysagistes associés aux projets de rénovation privilégie les plantes tapissantes, les couvre-sol et les graminées, qui offrent certes des compositions et des variations de couleurs subtiles, mais qui ne créent pas des massifs ponctuant et égayant l’espace ou permettant de réaliser des barrières végétales symboliques pour délimiter les espaces. Les plantes choisies sont souvent fragiles, elles risquent de dépérir en été faute d’arrosage et il est surtout très difficile d’enlever les détritus qui s’amoncellent dans les plates-bandes.

Plantations fragiles en raison de leur localisation ou de l’absence de protection

Dans certains quartiers, des espaces verts de plusieurs mètres de largeur sont maintenus le long des voies de circulation. Cela représente des surfaces à entretenir très importantes sans que l’on sache clairement qui en a la responsabilité, car les immeubles qui les bordent sont rarement résidentialisés. Ce genre d’espace est parfois recréé dans les opérations de construction neuves, alors qu’il eût suffi

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soit de rapprocher les immeubles des voies de circulation, soit d’offrir ces espaces aux habitants des rez-de-chaussée en créant des jardinets et en implantant des clôtures. Dans d’autres cas, des plates-bandes recouvertes de plantes tapissantes, posant donc les problèmes de fragilité et de gestion, sont implantées le long des rues. De nombreuses plantations sont installées dans des lieux auxquels les agents chargés de leur entretien ne peuvent pas accéder. Elles peuvent donc dépérir rapidement faute d’entretien et il est probable que des détritus s’y accumulent. D’autres plantations sont à contrario implantées à proximité des circulations piétonnes et elles seront donc rapidement piétinées. Cela concerne divers modes de localisation de ces plantes:

- Sur une bordure très étroite (à peine 30 centimètres), de ce fait les plantes ne disposent pas

de suffisamment de terre pour croître ;

- En bordure de parkings ou bien entre des places de stationnement, elles seront écrasées par les voitures ou bien piétinées ;

- En bordure des immeubles, où elles n’ont pas de lumière ni d’eau ;

- A proximité des containers de stockage des déchets ;

- A l’angle de cheminements piétons ;

- A proximité des entrées des immeubles.

Dans toutes les situations évoquées précédemment, les plantes ne sont pas protégées par des grilles ou des grillettes pour assurer leur croissance, au moins pendant les deux premières années qui suivent leur installation. Comme ce sont des sujets très fragiles qui sont plantés là, ils vont dépérir rapidement, et les habitants seront accusés de ne pas être soigneux, et implicitement de ne pas être reconnaissants (et donc de ne pas mériter) des efforts d’embellissement dont ils bénéficient. De leur côté, les agents d’entretiens vont se décourager, ils risquent d’être quelques peu aigris et d’en vouloir aux habitants qui ne respectent pas leur travail.

e) La réhabilitation souvent négligée des entrées, des pieds d’immeubles et des espaces résidentiels

Ces espaces situés à l’articulation des espaces publics et des immeubles jouent un rôle majeur dans le fonctionnement social urbain des quartiers car ils construisent la représentation que l’on a à la fois de ces espaces publics et des immeubles ; leur déqualification contribue donc à la dévalorisation de l’ensemble. Ce sont les lieux de passage de l’univers public au chez-soi et où les habitants se croisent, qui peuvent être fréquentés par des personnes extérieures aux immeubles ou bien investis par des groupes de jeunes. L’enjeu que représente la conception de ces espaces est souvent sous-estimé, alors qu’ils conditionnent la tranquillité publique et l’efficacité de la gestion. Le maintien de circulations piétonnes en bordure des immeubles est particulièrement problématique lorsque les logements situés au rez-de-chaussée ne sont pas surélevés, car de ce fait l’inimité des habitants de ces logements est perturbée et ils peuvent se sentir en insécurité dans leur logement :

- Les risques de cambriolage sont fortement aggravés ;

- Les habitants vivent en permanence avec des stores baissés et en lumière artificielle ;

- Les bailleurs ont beaucoup de mal à louer ces logements et ceci accroit la vacance ;

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- Le paysage qu’offrent ces immeubles avec les stores du rez-de-chaussée baissés génère une ambiance urbaine assez triste et crée un sentiment d’insécurité.

Les pieds des immeubles ont souvent fait l’objet de traitements disparates. Les entrées sont parfois requalifiées de manière soignée, mais les pieds des immeubles n’ont pas été requalifiés. Il arrive qu’une partie de ces pieds d’immeubles soit protégées par une haie, mais celle-ci s’interrompt parfois brutalement. Des halls surdimensionnés, labyrinthiques, ou des halls traversants, propices donc au regroupement de jeunes, sont souvent maintenus. Les casquettes devant les halls, les auvents ou les galeries, sont également propices aux regroupements. Les murs en retrait des piliers de soutènement permettent à des délinquants potentiels de se dissimuler et la gestion de ces lieux est difficile. De nombreux passages traversant ont souvent été maintenus sous les grandes barres d’immeubles et à travers les ilots fermés ou en forme de U. Ils sont souvent étroits, bas de plafonds et mal éclairés. Des pieds d’immeuble ont été « sécurisés » en multipliant les grilles ou les grillages, en fermant l’accès des passages traversants. Mais cette accumulation de dispositifs de sécurité (souvent peu efficaces car les délinquants peuvent aisément les franchir) est en fait insécurisante, car cela crée une ambiance carcérale et donne effectivement l’impression que l’on est dans un espace dangereux. Les habitants s’efforcent d’éviter ces lieux inquiétants qui sont de ce fait déserts. De nombreux pieds d’immeuble ou des pignons aveugles bordés par des circulations et non protégés par des haies ou des grilles et donc « prêts à taguer » ont été maintenus.

Pignon aveugle et mur aveugle d’un édicule technique en bordure de rue

f) Des erreurs de conception ou un déficit d’entretien des dispositifs de stockage des déchets et de tri sélectif

Nous avons souligné l’amélioration d’ensemble du stockage des déchets ménagers et des encombrants et la mise en place de dispositifs de tri sélectif, notamment grâce au développement des systèmes de containers enterrés. Nous avons néanmoins noté un certain nombre d’erreurs de conception de ces dispositifs dans certains sites ou dans certains secteurs :

- Le maintien de containers vétustes dans certains secteurs ;

- La réalisation de plantations rapidement piétinées à proximité des containers enterrés ;

- La taille trop réduites de certaines trappes des containers enterrés, qui permettent de mettre seulement des sacs poubelles de 30 litres au lieu de 50 litres ;

- Une fréquence de ramassage ou un nombre de containers insuffisants, de ce fait les habitants posent leurs sacs poubelle au pied des containers ;

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- Une implantation de containers très éloignée des entrées des immeubles ou bien obligeant

les habitants à faire un détour.

Un autre problème concerne l’absence d’accord entre les collectivités locales et les bailleurs sociaux pour que les gardiens d’immeubles assurent un entretien régulier des aires de stockage. De leur côté, les éboueurs refusent généralement d’assurer cet entretien, voire d’assurer le ramassage des sacs poubelle ou des détritus qui traînent au pied des containers.

Zone de stockage des déchets piétinée et jonchée de détritus

g) Les problèmes générés par la conception de certains projets de construction neuve Il est souvent difficile de résoudre les problèmes de gestion et de sécurité générés par les espaces existants évoqués précédemment. Or certains projets de construction neuve, qui ne sont pas confrontés à cette difficulté, tendent à reproduire ce genre de conception des pieds d’immeubles et des espaces résidentiels.

Accumulation de passerelles, d’escaliers, de balcons métalliques offrant une esthétique industrielle

Dans des immeubles neufs observés dans les dix quartiers de l’enquête, des logements ont parfois été implantés au pied d’immeubles situés en bordure de trottoirs ou de parkings. Ils sont dotés de fenêtres donnant directement sur ces trottoirs, dont l’entablement est posé à moins d’un mètre du sol, et parfois même de baies vitrées. Il arrive même que ces logements soient en décaissé (leur sol est alors plus bas que la rue) ; de ce fait, les fenêtres sont à environ 60 centimètres du sol seulement. Quand ces immeubles sont en bordure de parkings, non seulement les passants peuvent entrer aisément dans ces appartements, mais les habitants souffrent de la pollution des voitures car leurs pots d’échappement sont pratiquement au niveau des fenêtres. Certains projets de construction neuve comprennent des jardinets en pied d’immeubles situés en bordure de rues très passantes, avec des clôtures très fragiles. Il arrive même que ces jardinets soient implantés au croisement de deux rues ou bien à proximité d’un carrefour ou d’une place. Les habitants ne peuvent investir ces jardins et les clôtures contribuent à dévaloriser les nouveaux espaces publics qu’ils bordent. Dévalorisation qui est souvent accentuée par les habitants qui installent des canisses

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hétéroclites pour se protéger du regard des passants. Il ne faut pas oublier que la perturbation de l’intimité des habitants, liée au simple fait qu’ils se sentent sous le regard des passants ou de leurs voisins, contribue à les insécuriser. De petits immeubles d’habitat intermédiaire (comportant seulement un ou deux étages), tous identiques et dotés de grands murs, sont parfois implantés de manière répétitive le long d’une rue. Ils ont souvent des façades sur rue quasiment aveugles, avec seulement quelques fenêtres très étroites qui ressemblent à des meurtrières (afin d’économiser l’énergie, surtout si la façade est située au nord). Ces immeubles composent un paysage urbain atone, et les rues bordées de ces murs et de ces façades sont désertées par leurs habitants car elles paraissent particulièrement tristes. Elles peuvent de ce fait devenir insécures. On peut penser que ces formes d’habitat contribuent à renforcer le repli des habitants dans leur logement, car l’espace public n’est guère attrayant, et donc à accroître leur solitude. Elles peuvent donc rendre les relations sociales plus difficiles et alimenter les risques de tensions sociales. Ce paysage urbain uniforme et monotone ressemble à celui des grands ensembles qu’il s’agissait pourtant de transformer.

Construction neuve en bordure de parkings avec des fenêtres sans aucune protection

Les accès aux entrées des logements situés en cœur d’îlot se font parfois par des passages étroits, sombres et mal éclairés. Il arrive aussi que les entrées des logements soient particulièrement sombres et confinées, car elles sont en retrait des façades et sous les escaliers qui conduisent aux autres étages.

Passage traversant et circulations sous des escaliers métalliques

Recoins

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L’organisation des ilots est parfois complexe et elle peut perturber l’intimité des habitants, leur paraître insécurisante ou générer des conflits de voisinage :

- Accès aux logements par des escaliers et des passerelles métalliques dont l’usage est

bruyant ;

- Logements dont les accès sont distribués par des coursives extérieures. De ce fait, les habitants passent devant les fenêtres de leurs voisins pour accéder à leur propre logement. Ceci trouble l’intimité des occupants et rend ces logements insécurisants car ces passerelles facilitent les cambriolages ;

- Vues en surplomb sur des jardinets ou des terrasses depuis ces passerelles qui privent leurs usagers de toute intimité ;

- Cœurs d’îlots très étroits qui créent des vis-à-vis brutaux entre certains logements ;

- Sols minéraux des cœurs d’îlots qui les rend bruyants l’été, car ils font alors caisse de résonance.

La réalisation de petits immeubles collectifs est censée réduire les tensions sociales dues à la promiscuité résultant de la concentration des ménages dans des tours ou de grandes barres comportant parfois plus d’une centaine de logements. Or, les différents facteurs évoqués précédemment montrent que la conception de ces petits immeubles peut créer une forte promiscuité qui est parfois accentuée par l’exigüité et la forte densité des ilots. Il convient de préciser que nous n’avons repéré qu’un seul exemple d’opération de ce type. Mais on peut néanmoins s’inquiéter qu’une telle conception ait pu être réalisée dans une opération de rénovation urbaine, alors que celle-ci vise à réduire améliorer la gestion et la tranquillité.

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Conclusion de la deuxième partie Au terme de cette analyse, il apparaît de manière générale que la perception de la qualité urbaine des sites est très nettement améliorée par rapport à la situation qui prévalait avant le PRU. Cette amélioration urbaine d’ensemble a eu des impacts positifs sur la propreté et l’ambiance des quartiers. Ainsi, la propreté des quartiers constitue l’avancée la plus directement détectable sur l’ensemble des sites enquêtés. En effet, le PRU a favorisé la prise en charge de la gestion des déchets et encombrants, des épaves, tags et diverses dégradations qui pouvaient exister auparavant dans des proportions parfois inquiétantes. De même, les petites incivilités, les dégradations de mobiliers urbains ou de halls d’immeubles sont en net recul sur l’ensemble des sites. Cette situation est due à un double phénomène : d’une part une amélioration des collaborations entre acteurs qui limite les délaissés sur site (ceux qui existent sont essentiellement liés aux chantiers, donc par définition temporaires), d’autre part une clarification des domanialités liée à une matérialisation de limites résidentielles. Cette clarification s’accompagne généralement d’une plus grande cohérence entre le statut et la vocation d’usage de ces différents espaces qui permet de réduire les sources de conflit. Pour autant, certains aspects de la GUP peinent à être durablement pris en compte dans le cadre du PRU. La difficulté principale concerne la gestion des différents niveaux d’intervention urbaine dans des sites qui n’ont pas pu être traités intégralement. De ce fait, les efforts d’amélioration engagés dans les secteurs rénovés sont en partie atténués. Si l’impossibilité d’assurer de manière systématique une requalification de l’ensemble des quartiers est compréhensible, cet état de fait ne semble pas avoir été atténué par un renforcement des moyens d’entretien dans les secteurs ne bénéficiant pas de la rénovation. Ainsi, on observe encore des contrastes importants entre espaces fortement qualifiés et espaces non traités, ces derniers induisant un sentiment de « non fini ». A un niveau plus fin, des défauts pourtant importants des anciennes configurations urbaines ne semblent pas avoir été modifiés de manière notable, comme les configurations pénalisantes (murs, murets, vieux potelets, anciens containers…) difficiles à entretenir. Enfin, un certain nombre de problèmes apparaissent générés par les projets de rénovation eux-mêmes. En premier lieu, des problèmes de conception architecturale ou de petits aménagements, de choix de matériaux ou de plantations sont identifiés, à travers par exemple les conceptions tortueuses et envahissantes des rampes handicapées, ou la fragilité des essences compte tenu de la fréquentation des espaces sur lesquels elles sont implantées. En second lieu, les observations sur site ont permis de mettre au jour des difficultés liées à une mauvaise analyse des usages. Illustration emblématique, les cheminements spontanés sont ainsi rarement pris en compte, quand ils ne sont pas tout simplement niés. Ces problèmes sont en partie liés au fait que les responsables des aménagements urbains ne sont pas les mêmes que ceux qui les entretiennent ensuite : les déficits de coordination ont alors des conséquences notables. Si les conditions de gestion et de tranquillité apparaissent améliorées par la conception urbaine et la mise en œuvre des projets de rénovation urbaine, des problèmes récurrents du fait de projets non finis ou de conception non adéquates rendent nécessaire une gestion urbaine et une politique de tranquillité adaptées à ces quartiers. L’objet des parties 3 et 4 est d’analyser les actions mises en œuvre localement pour faire face à ces spécificités, en termes de gestion (partie 3) et de tranquillité (partie 4).

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Troisième partie Les actions mises en œuvre en matière de Gestion Urbaine de Proximité dans le cadre des Projets de Rénovation Urbaine : une dynamisation notable dont la pérennité demeure fragile et incertaine

La Gestion Urbaine de Proximité (GUP) apparaît comme un champ de politique publique difficile à appréhender, dans la mesure où sur un plan théorique, elle a été volontairement définie de manière très large par la puissance publique. Si l’entretien et la propreté urbaine en constituent le contenu le plus évident et le plus fréquent (dans la réalité autant que dans le discours des acteurs), d’autres types d’interventions comme la gestion locative, la tranquillité publique, ou l’animation sociale, peuvent aussi prendre place dans une démarche de GUP, dont le périmètre s’étend ainsi d’éléments techniques à une approche sociale plus ou moins développée, pouvant aller jusqu’à l’animation de quartier, voire l’insertion sociale. Sur le terrain, plus prosaïquement, la GUP s’apparente souvent à ce qu’y introduisent, au fil de l’eau, les acteurs qui en sont responsables, c’est-à-dire qu’elle ne bénéficie pas, la plupart du temps, d’un cadrage conceptuel véritablement pensé et partagé en amont. C’est du moins ce que cette étude a pu mettre en lumière dans les dix sites enquêtés. Soulignons par ailleurs que la GUP ne représente qu’une déclinaison spécifique (à la fois sur un plan spatial et fonctionnel) du processus plus général que constitue la gestion urbaine dite « de droit commun », qui renvoie à l’ensemble des services à l’usage des habitants sur un territoire. A ce titre, l’appréhension des interactions entre les Projets de Rénovation Urbaine (PRU) et les démarches de GUP engagées localement n’est pas chose aisée. Pour l’Anru, la GUP, dans le contexte de la rénovation urbaine, doit poursuivre deux objectifs principaux : assurer le fonctionnement social et urbain, et pérenniser les investissements réalisés, en anticipant en amont les enjeux de gestion à venir. Inversement, les nouveaux aménagements, réhabilitations et autres résidentialisations sont censés faciliter la GUP, en aval, en réorganisant et en rationalisant l’espace, mais aussi en simplifiant les modalités de collaboration des multiples acteurs intervenant dans les quartiers rénovés. Il semble par conséquent que le PRU soit un catalyseur des démarches GUP à double titre : d’une part, il constitue un appui formel à la GUP en imposant réglementairement l’élaboration d’une convention dédiée, et en initiant des réflexions qui n’existent pas toujours localement, visant la coordination locale de toutes les actions possibles pouvant contribuer au bon fonctionnement des quartiers et à l’amélioration du cadre de vie ; d’autre part, il s’avère dans tous les cas un levier essentiel, en raison des bouleversements urbains profonds qu’il induit de facto, à la (re)mobilisation des acteurs et à la transformation de leurs modes d’intervention. Il n’en demeure pas moins que les réalités des démarches GUP sont diverses, selon le degré de prise en compte des usages des habitants par la conception urbaine. Par ailleurs, elles ne bénéficient pas des mêmes contextes territoriaux, humains et politiques de départ, ni des mêmes moyens et compétences pour la mise en œuvre. A cet égard, nous nous efforçons de distinguer, dans les développements qui suivent, les facteurs de réussite des démarches GUP et les éléments qui au contraire pénalisent leur bon déroulement, pour montrer dans quelle mesure ils influent directement sur les conditions de vie observées sur le terrain, à un double niveau urbain et social.

A. Avant le PRU, une thématique encore faiblement identifiée et outillée De manière générale, avant le début des opérations de rénovation urbaines, les démarches de Gestion Urbaine de Proximité sont limitées dans les sites enquêtés. Si quelques outils et actions épars peuvent être recensés, la réalisation d’un véritable diagnostic complet et partagé à l’échelle du quartier fait défaut, ce qui ne permet pas d’avoir une vision claire du fonctionnement socio-urbain. A cet égard, les chartes GUP, pour la plupart formalisées à la hâte et peu incarnées, ne donnent pas leur pleine mesure.

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Si le PRU permet incontestablement de dynamiser la GUP, cette dernière reste donc une démarche de réaction plus que d’anticipation. La GUP accompagne la rénovation et s’y adapte, davantage qu’elle ne l’anticipe et ne la guide.

1. L’absence de formalisation d’un diagnostic précis et intégré en amont du Projet de Rénovation Urbaine

a) Des outils et dispositifs préexistants mais sans lien avec un diagnostic précis et formalisé On trouve dans les quartiers étudiés des prémisses de démarches GUP quelques années avant les PRU. Celles-ci sont toutefois inégalement abouties. Elles peuvent être très structurées et déjà multidimensionnelles (Le Havre), concentrer leurs efforts sur un volet précis, généralement l’entretien et la propreté (Hem-Lys-Roubaix), ou se limiter à un premier cadrage (Corbeil-Essonnes).

Au Havre, l’action en matière de GUP est relativement ancienne, et remonte à l’époque où les premières démarches étaient mises en œuvre, en partenariat avec la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP). Depuis 2001, un budget mutualisé de 750 000 € par an – alimenté par l’Etat, la Région, le Département et la Ville, dans le cadre du GIP – a permis de soutenir des actions en faveur du lien social, de l’éducation et de la gestion urbaine, parmi lesquelles : accueil en soirée, réseaux santé, soutien aux régies de quartiers, amélioration de l’environnement et de l’habitat, etc.

A Hem-Lys-Roubaix, plusieurs dispositifs et outils préexistent au PRU, très majoritairement en lien avec le « cadre de vie » : commissions « cadre de vie » associant les services de la Ville et de la communauté urbaine, permettant aux acteurs du quartier de suivre les réclamations liées à la propreté ou l’entretien des espaces, les projets de requalification de l’espace public ; police du cadre de vie, dont le rôle est d’identifier et de sanctionner des infractions telles que les dépôts sauvages d’encombrants, les épaves, les travaux réalisés sans autorisation sur les façades, et d’informer, prévenir et accompagner les habitants ; etc.

A Corbeil-Essonnes, la démarche de GUP engagée en 1998, plus discrète, consiste en un diagnostic partagé des problématiques et une étude sociologique, permettant de mettre au jour des enjeux de surveillance et gardiennage des immeubles, de gestion du stationnement, et d’entretien des parties communes et des espaces extérieurs. Ces travaux constituent la base de l’action élargie qui sera poursuivie en la matière dès 2004, avec la signature de la convention initiale de rénovation urbaine.

En dehors de ces quelques cas, c’est donc bien souvent le PRU qui constitue l’élément déclencheur de la GUP. Ceci explique en grande partie le déficit constaté en matière de diagnostic précis et formalisé au préalable. Les acteurs locaux ne font ainsi référence à aucune analyse liée à la GUP, ni à Bourges, ni à Woippy, ni à Montauban, ni à Chambéry, avant le début des rénovations, alors que des difficultés existaient et étaient repérées (entretien des immeubles, gestion des espaces publics, enlèvement des encombrants et des épaves, etc.). A Rillieux-la-Pape, un diagnostic a certes été commandé par la communauté urbaine à un prestataire externe dès 1999, mais il concerne le sous-quartier La Velette et pas l’ensemble de la Ville Nouvelle. A Lorient, les références à des enjeux de gestion se font de manière incidente, via des diagnostics de quartier plus généraux réalisés notamment dans le cadre de l’opération Habitat et Vie Sociale (HVS) puis du contrat de ville. Il faut la plupart du temps attendre la signature des conventions de rénovation urbaine pour voir se matérialiser les premiers éléments d’analyse en matière de GUP. Il en découle un élément décisif dans le cadre de notre étude : les enjeux de gestion liés à la nouvelle conception urbaine n’ont été, sauf exception, que très marginalement identifiés en amont par les acteurs de terrain. En effet, « les principes de gestion durable demeurent, d’une façon générale, assez peu explicites. Il est très peu question, notamment, de ‘l’usage futur des lieux’, notion qui devrait pourtant obséder l’architecte ou l’urbaniste concepteur »117. C’est par conséquent au moment du démarrage des travaux de rénovation

117 Rencontres des acteurs de la ville, La gestion urbaine de proximité : une ambition et une pratique au service des habitants des quartiers, 2009, p. 82.

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seulement que sont progressivement structurées les interventions liées à la gestion urbaine de proximité.

b) Ponctuellement, des difficultés de gestion positionnées en second plan, derrière les problématiques de vacance et de tranquillité

Au regard d’autres problématiques, les questions de GUP peuvent, en fonction des contextes, apparaître à la fois moins prioritaires et moins spectaculaires. Plusieurs sites (Montauban, Le Havre et Corbeil-Essonnes) étaient en effet concernés, avant le démarrage des travaux, par des flambées de violences épisodiques ou récurrentes ayant fortement marqué les acteurs publics et les habitants, et largement relayées par les médias. Dès lors, ce sont donc logiquement les enjeux de sécurité qui ont fait l’objet des préoccupations locales.

A la fin des années 1990, « les quartiers Est de Montauban ont connu des émeutes urbaines qui ont beaucoup marqué la population. Des équipements (groupe scolaire, bureau de Poste) ont été vandalisés par des jeunes. Ces événements qui ont eu des répercussions politiques importantes, ont suscité une forte réaction, se manifestant par le souhait d’intervenir massivement sur ce quartier. L’objectif recherché par les acteurs locaux était prioritairement de dédensifier, d’aérer et de mailler le quartier par de nouvelles voies de circulation, tout en améliorant la présence institutionnelle (publique, associative) et l’activité économique » (Grand Montauban).

A Corbeil-Essonnes, l’exposition médiatique des violences urbaines régulières aux Tarterêts a nourri l’image très dégradée du quartier et le fort sentiment d’insécurité de ses habitants et usagers. Illustration emblématique du climat local, l’Union des Locataires, initialement implantée dans le quartier, a préféré déménager ses bureaux dans le centre-ville de Corbeil-Essonnes.

Dans l’un des sites étudiés (Bourges), c’est plutôt la problématique de la vacance qui a pris le dessus. Cette dernière était tellement prégnante sur les quartiers Nord que les questions de gestion ont été peu abordées et prises en compte.

« La gestion est restée plutôt lettre morte, d’où sa non prise en compte dans l’amont du projet, sauf pour la partie relogement. Tout ce qui concerne la proximité bailleur, la gestion des sites, des recoins, l’anticipation des limites et la domanialité, la gestion des chantiers et l’information des locataires, l’éclairage public pendant les démolitions… tout ça n’a pas été pris en compte » (GIP Renouvellement Urbain, Bourges).

2. Un rôle équivoque des chartes de Gestion Urbaine de Proximité L’introduction d’un volet GUP dans les PRU constitue, depuis la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine de 2003, un impératif. Une charte ou convention de GUP doit théoriquement être signée dans les 6 mois suivant la signature de la convention de rénovation urbaine. Dans la pratique, de nombreux sites en rénovation ont accusé un certain retard en la matière, et ont élaboré des documents d’ampleur inégale (diagnostics succincts voire absents, plan d’action peu détaillé ou inexistant, faiblesse des modalités d’évaluation, etc.)118. Ces balbutiements se retrouvent dans le cadre de notre échantillon d’étude. Dans de nombreux sites en effet, les chartes GUP se sont, bien souvent, imposées aux acteurs locaux. Elles constituent alors des documents peu exhaustifs et en partie décorrélés des véritables enjeux du projet de rénovation sur lequel elles s’appuient théoriquement. Elles sont par ailleurs alternativement trop anciennes ou trop récentes pour permettre aux professionnels d’en faire un outil véritablement opérationnel d’accompagnement du PRU. C’est probablement une des raisons pour lesquelles les chartes GUP ne sont que très peu convoquées par les acteurs locaux, qui n’y font presque pas référence, ou alors pour pointer du doigt leur caducité. Inversement, les actions mises en place pour

118 Anru, FORS Recherche Sociale, La Gestion Urbaine de Proximité dans les Projet de Rénovation Urbaine, mars 2009.

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répondre aux problèmes rencontrés quotidiennement par les habitants dans la gestion de leur cadre de vie sont aussi rarement rattachées par les acteurs de terrain à la convention GUP.

A Woippy, une charte de GUP a été élaborée en 2007, plus par nécessité que par réelle conviction. Elle a donc été complétée et précisée en 2012 par un avenant, qui présente un diagnostic basé sur les résultats d’une enquête menée par LogiEst avant le projet de résidentialisation et décline un plan précis d’actions. A dire d’acteurs, la philosophie de la GUP s’est construite au fil du temps et a beaucoup évolué depuis le démarrage du PRU. Actuellement, la convention GUP de 2012 est plus ou moins mise en œuvre, et les fiches-actions y figurant n’ont pas été réactualisées. Dans tous les cas, ce document ne sert pas de fil directeur à l’action menée au quotidien, sur le terrain : « c’est une convention que tout le monde a oublié. Personne ne sait qu’elle existe » (bailleur, Woippy).

A Corbeil-Essonnes, les actions, ponctuelles, ne s’inscrivent pas dans une démarche GUP formalisée et coordonnée entre les intervenants du quartier. Les dysfonctionnements ont été pris en compte au gré de l’avancement du projet, dont la mise en œuvre a donné lieu à des difficultés qui n’avaient pas été anticipées par les acteurs : « dans le projet de rénovation urbaine, on n’avait pas prévu de bornes de collecte, c’est-à-dire d’abris pour les containers. Pendant les travaux, les gardiens devaient donc les déplacer sur une plus grande distance, et les poubelles restaient souvent dehors toute la nuit, augmentant le risque d’incendie et d’utilisation des containers comme projectile contre la police par exemple. Nous avons donc réorganisé la collecte, en négociant de nouveaux horaires de ramassage avec le prestataire, et amélioré la coordination entre les gardiens et les services de la Ville, de façon à ce qu’ils sortent les poubelles juste avant le passage des camions » (communauté d’agglomération Seine-Essonne). Globalement, les acteurs locaux regrettent la mobilisation limitée et inconstante des outils traditionnels des PRU au service de la GUP (convention de GUP, diagnostics en marchant, fiches rapport, habitants relais…).

A cela s’ajoute, dans certains documents, une tendance à l’homogénéisation et au « lissage » des problématiques de GUP, du fait de la prolifération d’expressions et termes génériques peu circonstanciés, se retrouvant d’un site à l’autre : « dégradations des immeubles », « entretien et maintenance des parties communes », « squats des halls », « bruits de voisinage », « abandon d’encombrants, jets de détritus par les fenêtres », etc. Il arrive néanmoins dans de rares cas que la charte GUP soit un véritable outil de pilotage, comme au Havre et à Hem-Lys-Roubaix.

A Hem-Lys-Roubaix, l’élaboration de la charte GUP a favorisé la dynamisation partenariale, notamment autour de l’enjeu intercommunal. A travers la convention du PRU des Hauts-Champs / Longchamp signée en 2004, les villes de Hem, Roubaix et Lys-lez-Lannoy ont en effet confié le pilotage de la démarche de Gestion Urbaine de Proximité au groupement d’intérêt public pour le grand projet de ville (GIP-GPV) de Lille Métropole. Le GIP est notamment chargé de coordonner et d’animer le groupe de travail dédié aux questions de GUP, qui conduit les travaux préparatoires à l’élaboration d’une charte dédiée. Avec la signature de la charte de GUP en 2007, le pilotage de la démarche est confié à un comité de pilotage ad hoc, auquel est associé le GIP. La charte de GUP du quartier Hauts-Champs / Longchamp identifie trois enjeux stratégiques majeurs, parmi lesquels l’articulation entre les échelles d’intervention, la cohérence d’ensemble du plan d’action et la prise en compte de la diversité territoriale au sein du périmètre du PRU, à travers une gestion différenciée entre les différents sous-secteurs, en fonction des thématiques d’intervention prioritaires retenues.

3. La reconnaissance, avec le Projet de Rénovation Urbaine, d’un phénomène possédant deux dimensions : technique et partenariale

Les PRU sont l’occasion pour les acteurs professionnels de faire le point sur les principaux déficits liés à leurs pratiques. Ils prennent ainsi conscience des limites de leur gestion avant le début des travaux : « la gestion se limitait à l’enlèvement des papiers gras. Nos espaces, très importants, étaient très mal gérés. On ne pouvait pas se vanter de l’entretien de nos espaces verts ! Je connais des haies où il manquait 3 pieds et personne n’était capable de les mettre. On pouvait repasser trois ans après

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et constater toujours le même trou au même endroit ! » (Bailleur, Woippy). Le volet technique de la GUP est donc fortement valorisé, pour se prémunir contre les défauts de conception, l’usure et le délabrement du bâti. La GUP est en effet perçue comme une manière d’accompagner et de pérenniser les interventions réalisées dans le cadre du PRU.

A Chambéry, les acteurs font ainsi état d’une « volonté d’intégrer les questions de GUP et de tranquillité à la conception urbaine, notamment les liaisons est / ouest, et la reconfiguration de l’entrée de quartier. Il était également prévu de traiter l’esplanade de l’avenue d’Annecy, qui rayonne sur tout le quartier via notamment le marché, afin que les habitants puissent en faire un meilleur usage » (Bailleur, Chambéry). A cet égard, la convention du PRU de Chambéry lie clairement la réussite des opérations de restructuration de l’habitat et de résidentialisation à la poursuite des actions de GUP, lesquelles visent notamment à sensibiliser les habitants à la gestion d’espaces publics et résidentiels clairement définis.

Cette ambition s’accompagne également d’une volonté d’approfondir la relation partenariale : dans le cadre de la démarche GUP associée au PRU, il s’agit à la fois de mieux délimiter le partage et le portage des responsabilités, et de clarifier les domanialités.

A Montauban, 411 logements des quartiers Est étaient concernés par des travaux de résidentialisation qui visaient à créer les conditions d’une gestion urbaine de proximité facilitée et harmonieuse pour l’ensemble des partenaires. Cette résidentialisation a en particulier permis la clarification de la délimitation des domanialités : l’agglomération est désormais responsable des espaces publics, le bailleur des espaces résidentiels et de l’intérieur des immeubles (dont le nettoyage est sous-traité à la Régie de Quartier).

B. Une diversité d’appréhension du champ d’intervention de la Gestion Urbaine de Proximité d’un site à l’autre

Dans sa définition, le périmètre d’intervention de la GUP est potentiellement très large, si bien qu’au gré des volontés des acteurs professionnels et de l’évolution des contextes locaux, les actions associées aux démarches GUP peuvent relever d’une diversité d’approches et d’une multitude d’intervenants (villes, bailleurs sociaux avant tout, mais aussi Etat, conseils départementaux, associations, etc.). Dans ce cadre, le volet entretien / propreté des immeubles et des espaces publics et privés est le seul à constituer un socle commun à l’ensemble des démarches de GUP. Le PRU a en effet généré, dans tous les sites, des procédures de sur-entretien des parties communes des immeubles et des espaces extérieurs, les travaux demandant de renforcer les missions et tâches d’entretien, qu’il s’agisse d’un renforcement du nettoyage, de l’enlèvement des tags et graffitis, du renforcement de la maintenance des équipements ou encore de la réparation des équipements vandalisés…

A Rillieux-la-Pape, par exemple, plusieurs actions de sur-entretien ont été mises en place sur le quartier de la Ville Nouvelle dans le cadre de la GUP :

- Un sur-entretien des façades du centre commercial des Alagniers par les syndicats de copropriété ;

- Une action de sur-entretien des parties communes (transformé en action de réfection de peinture des halls avec des paillettes anti-graffiti) ;

- La réalisation de travaux de remise en état suite aux vandalismes répétitifs ; - Un travail sur l’enlèvement des encombrants (mise à disposition de locaux encombrants à

destination des locataires et convention avec la régie de quartier pour un enlèvement mensuel).

A Cergy, on recense également des actions de renforcement de l’entretien et du nettoyage des immeubles et des espaces extérieurs, et un travail sur la réactivité face aux dégradations :

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- La mise en place d’intervention de lessivage des murs et de décapage des sols des immeubles durant les travaux, en réponse aux squats générateurs de salissures ;

- Le nettoyage quotidien de l’ensemble des espaces extérieurs ; - La mise en place d’une collecte des encombrants au porte-à-porte, sur rendez-vous (échelle

Ville) ; - Le sillonnage des rues par l’équipe propreté / cadre de vie de la Ville, pour le ramassage des

encombrants non signalés via le numéro vert mis en place par la Ville ; - Le remplacement systématique et rapide des éclairages publics dégradés.

1. Des sites où la Gestion Urbaine de Proximité est centrée sur des questions techniques liées à la propreté et l’entretien des espaces

Dans quatre des sites de notre échantillon, la démarche de GUP se rapporte presque exclusivement à des questions techniques d’entretien et de propreté des espaces. Elle se structure autour de deux axes d’intervention. L’amélioration de la réactivité face aux dégradations constitue un premier axe. Alors que les dégradations d’aménagement ou d’équipements rénovés récemment constituent des signaux très négatifs et des éléments de disqualification, il s’agit à la fois de réduire les délais de constatation et la résolution des dysfonctionnements constatés. Cette volonté de dynamiser l’action publique passe bien souvent par une interconnaissance des partenaires renforcée et une articulation des interventions mieux coordonnée. Dans certains cas, la démarche GUP a donné lieu à la création de services ou d’équipes d’intervention partenariale.

A Bourges, outre le rapprochement du fonctionnement interne (organisation similaire articulant une agence de proximité et des gérants immobiliers polyvalents par secteur) des deux bailleurs Bourges Habitat et Jacques Cœur Habitat, dans la perspective d’une fusion, une régie d’entretien commune a été créée dans les quartiers Nord, pour raccourcir les délais d’intervention pour les petits travaux d’entretien : peinture, électricité, serrurerie…

Une seconde dimension technique de la GUP concerne l’amélioration de la gestion des ordures ménagères, des encombrants et des épaves, dont la multiplication des containers enterrés et des procédures de tri constitue une illustration emblématique, mais qui s’accompagne souvent de nombreuses autres avancées.

Le travail sur la propreté urbaine des acteurs de Hem-Lys-Roubaix, qui a constitué l’axe fort du projet, a notamment débouché sur l’harmonisation des collectes entre les trois communes et la mise en place d’un système de récupération des déchets ménagers spéciaux dans des points de dépôt et des encombrants sur rendez-vous par les chargés de maintenance des bailleurs. A Woippy, l’amélioration de la gestion des déchets est quant à elle passée par l’installation de conteneurs pour favoriser le tri sélectif (action financée par la Communauté d’agglomération de Metz Métropole) et la mise en place d’une « procédure épave » expliquant la démarche à suivre en cas de repérage d’une épave.

Ces actions en matière d’entretien et de propreté des espaces s’accompagnent souvent d’une sensibilisation accrue des habitants à l’environnement et au respect du cadre de vie, qui participe de la diffusion d’une culture commune sur le sujet en même temps qu’elle vise, par son caractère pédagogique, une certaine pérennité de l’intervention publique. Elles se matérialisent aussi bien par des approches très pratiques et concrètes que par une recherche plus globale de l’intégration par les habitants des principes du développement durable.

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A Hem-Lys-Roubaix, il a ainsi été procédé : - A l’organisation par le bailleur Partenord de séances de sensibilisation au tri sélectif des

emballages ménagers, en partenariat avec le Centre social des Trois villes créé dans le cadre du PRU ;

- A l’organisation par le Conseil de quartier roubaisien des Hauts-Champs de temps d'animation, notamment inscrits dans la semaine du développement durable (jardin éphémère, circuit en calèche, ateliers nichoirs...) ;

- A la mise en place avec les jeunes du projet « du Vert pour les Hauts-Champs » (implantation de 18 000 bulbes dans les espaces verts du quartier), financé par la Fondation de France et la Région.

A Corbeil-Essonnes, plusieurs actions complémentaires ont vu le jour :

- La modification des lieux et horaires de collecte des déchets par la Ville, en lien avec les résidentialisations et réhabilitations réalisées par les bailleurs, accompagnée d’un effort de sensibilisation des gardiens et de coordination avec les services de la Ville, afin d’éviter les risques de dégradation et d’incendie des containers restant dehors ;

- Une sensibilisation au tri sélectif et aux économies d’énergie, principalement conduite par les bailleurs sociaux, ainsi que l’organisation de journées de ramassage des papiers dans le quartier ;

- Une sensibilisation aux nouvelles modalités de collecte des déchets (bornes enterrées nécessitant l’utilisation de sacs de 50 litres maximum)

2. Des sites où la Gestion Urbaine de Proximité constitue le « volet urbain » des démarches de participation citoyenne

Au-delà de ses seules dimensions techniques, certains sites vont plus loin dans la démarche en faisant de la GUP un levier de la participation citoyenne. L’objectif consiste à solliciter l’avis, le point de vue, et « l’expertise » des habitants, aussi bien sur les aménagements du bâti que sur le fonctionnement du quartier (entretien, collecte, etc.), afin d’en faire les acteurs du projet et de légitimer son bien-fondé. Cette approche de la GUP, retenue en particulier sur les sites de Chambéry et de Montauban, peut prendre diverses formes :

- Information sur l’état d’avancement des travaux et sur l’évolution du quartier (affichages, permanences, journal de quartier…) ;

- Organisation de visites ou tours de quartier avec les habitants pour la mise en exergue des problématiques et dysfonctionnements vécus ;

- Association des habitants (sous forme de réunions ou d’ateliers) à certaines étapes de la réflexion sur les opérations et projets (parcs, jeux, city-stades, abords des tours).

Quand elle est portée politiquement, la participation est loin d’être anecdotique et favorise une réelle influence des habitants impliqués sur le devenir du projet, à de nombreux niveaux, au point parfois d’en retarder ou d’en annuler certaines réalisations prévues au départ : « les groupes de démarche participative ont vraiment modifié les projets, y compris les projets de transport. Certaines opérations ont même été retardées, signe que l’avis des habitants était réellement pris en compte » (Ville de Chambéry).

L’un des piliers de la stratégie montalbanaise en termes de GUP a consisté à prendre en compte constamment les demandes des habitants au cours du projet de rénovation urbaine, que ce soit via Montauban Nouvelle Vie (bâtiment situé au cœur du quartier et accueillant l’équipe projet) ou des réunions dédiées : des jardins familiaux (30 parcelles de 100 m2), gérés par le centre social, ont été mis à disposition en 2007, après concertation des habitants ; le city-stade, qui se situait auparavant au niveau de la friche du J-Sport, a été déplacé sur le terrain du centre social car il générait trop de nuisances sonores ; l’accès au groupe scolaire a été requalifié suite aux demandes des habitants ; des bornes d’éclairage ont été installées, qui permettent de circuler la nuit sans aucune difficulté.

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Des ateliers d’urbanisme organisés sur le quartier des Hauts de Chambéry ont permis d’associer la population à la conception de chaque chantier de rénovation urbaine. La mobilisation importante a contribué à la modification des projets, parfois en profondeur (établissement d’une liaison douce autour de la rue du Pré de l’Ane, de la nouvelle école et du parc du Talweg, par exemple). Le lien entre les habitants et la maîtrise d’œuvre était assuré par Chambéry Métropole, qui évaluait les demandes des habitants et les possibilités techniques de réalisation, ainsi que ce qu’elles impliquaient sur un plan opérationnel et financier. Cette recherche de compromis a néanmoins beaucoup retardé certains chantiers, voire n’a pas permis une partie des réalisations pour lesquelles aucun accord n’a pu être trouvé.

La prise en compte de leur avis est quoi qu’il en soit fortement valorisée par les habitants et constitue un réel vecteur d’appropriation des évolutions du quartier, de respect des nouveaux aménagements réalisés, et de confiance renforcée vis-à-vis de la puissance publique.

« La démarche a favorisé la consultation, l’implication des associations par les pouvoirs publics a été exemplaire. Chacun a pu s’exprimer, remettre en cause, etc. La plupart des demandes ont été entendues. » (Habitant à 2 km des Hauts de Chambéry depuis 1989)

« Cet aspect du projet a constitué une manière décisive de gagner la confiance des habitants. Ceux-ci se sont rendus compte que ce qui était promis était effectivement réalisé, et que leurs demandes ne restaient pas lettre morte. Une véritable dynamique de dialogue avec les institutions a ainsi pu émerger, qui perdure encore aujourd’hui. » (Grand Montauban)

3. Dans plusieurs cas, une vision multidimensionnelle de la Gestion Urbaine de Proximité Enfin, dans les autres sites concernés par cette étude (Le Havre, Rillieux-la-Pape, Cergy et Lorient), la GUP est considérée comme un dispositif multidimensionnel, prenant en compte de nombreux aspects évoqués dans la définition originelle de la note de cadrage de la DHUP 119 . Ainsi, en plus des approches techniques et participatives évoquées plus haut, la GUP peut mettre en œuvre des actions favorisant les rencontres et les liens entre habitants, à travers la diffusion de chartes de voisinage, l’organisation de fêtes de voisins et de fêtes de quartiers, la création de systèmes d’échange local de services, etc.

Avec l’aide de l’Agent de Développement Territorial de la Ville (benchmark, recherche de financements, etc.), la Régie de Quartier de Rillieux-la-Pape a mis sur pied en 2015 une brico-régie comme support aux échanges et rencontres entre habitants. Il s’agit concrètement d’un service d’intervention à domicile pour de petits travaux et d’une bricothèque en lien avec le centre social.

A Cergy, le lien social est considéré comme un élément primordial de la GUP, à travers de nombreuses animations de proximité avec les habitants : manifestations « j’aime mon voisin », fête des voisins, « disco soupe » mise en place par la Maison de Quartier, festival ART MAY Citoyenne, accueil des nouveaux habitants (visites de quartier, des immeubles), etc. Fin 2014, les bailleurs ont également initié un projet de système d’échange local de services entre habitants (troc’services).

Des projets autour de la mémoire du quartier peuvent également être proposés par les acteurs professionnels et les bénévoles, avec parfois une dimension presque patrimoniale.

A Cergy, un travail sur la mémoire du quartier a par exemple été initié par l’agent de développement local de la Maison de quartier des Coteaux / Grand Centre, qui s’est traduit par : le recueil de paroles d’habitants avec une conteuse dès 2003, la réalisation d’un reportage photographique (2004-2005), l’édition d’un ouvrage (2007) distribué à tous les ménages, l’animation d’une émission radio, et enfin la réimplantation de figures en céramique (trace de l’ancienne Croix Petit) dans le nouveau Parc.

119 Ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement, Délégation interministérielle a la ville, UNFOHLM, Note de cadrage : une démarche « gestion urbaine de proximité », 1999.

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A Lorient, une plaque commémorative a été installée au cœur de Kervénanec pour marquer les 10 ans du projet de rénovation urbaine (2002-2012). Elle mentionne les principaux partenaires du projet : Anru, Caisse des Dépôts et Consignations, Conseil général du Morbihan, Espacil Habitat, Lorient Agglomération, l’Association Foncière Logement, Cap Lorient Agglomération Habitat, Conseil régional de Bretagne, Le Foyer d’Armor, et Ville de Lorient.

Plaque commémorative de Kervénanec à Lorient

Le soutien au développement d’initiatives habitantes et associatives peut trouver son origine dans l’histoire du quartier. Il s’agit de favoriser la création de réseaux « d’habitants acteurs », susceptibles de poursuivre le travail initié dans le cadre du PRU.

Les habitants du quartier de Kervénanec, à Lorient, insistent sur la tradition de mobilisation qui trouve son origine dès le début de l’urbanisation du quartier, et explique dans une certaine mesure la dynamique de participation actuelle : « ici, il y a une forte tradition de mobilisation habitante. Nous avons été parmi les premiers habitants du quartier. On a fait installer la première ligne de téléphone. Ensuite, on a demandé le bus, puis l’école, des crèches, un centre commercial. Dès qu’on avait besoin de quelque chose, on allait voir la mairie. On a toujours essayé de faire participer les gens, pour faire quelque chose de positif. On a mis en place un journal de quartier dès 1981, on organisait des fêtes, etc. » (Madame B., habitante du village de Kervénanec depuis 1969). A ce titre, le Point info de la ville de Lorient, situé en cœur de quartier, est notamment chargé d’accompagner les habitants, pour consolider cette dynamique et les aider à revaloriser l’image de leur quartier : un journal de quartier, « Le P'tit journal de Kervé », ainsi qu’un site internet, ont été créés.

Enfin, même si le cas est moins fréquent, des actions en faveur de la jeunesse, comme des animations/activités hors les murs, ou des dispositifs en faveur des décrocheurs scolaires ou des jeunes éloignés de l’emploi, peuvent être inscrites localement dans le cadre de la GUP.

Des chantiers de jeunes de 16-25 ans ont été organisés à Rillieux-la-Pape autour du cadre de vie. Consistant principalement en du balisage au sol des places de parkings, ou en la remise en peinture de bâtiments publics et de bancs, ces chantiers étaient encadrés par la régie de quartier et deux médiateurs du service Education Enfance Jeunesse.

Il faut noter dans tous les cas que les différentes appréhensions de la GUP sont loin d’être statiques et uniformes. Elles se construisent au contraire et émergent progressivement, au gré de l’avancement des projets, des besoins des habitants, des priorités politiques, et des compétences et moyens des acteurs de terrain.

Au Havre, par exemple, l’action menée en matière de GUP a évolué tout au long du projet de rénovation urbaine, en fonction des problématiques rencontrées et de la nécessité d’adapter l’intervention. Schématiquement, cette évolution a pris la forme suivante :

- Au départ, une prise en compte de la dimension de gestion quotidienne (nettoyage, respect des gardiens, etc.) : en effet, plusieurs acteurs intervenaient fréquemment sur le même périmètre ;

- Puis, dans le contexte de la signature du premier contrat local de sécurité, un élargissement de l’action à des problématiques plus larges de vacance, d’insécurité, de traitement des stigmates urbains (tags, dégradations, etc.) ;

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- Enfin, une structuration plus systématique de l’action, s’appuyant sur la coordination de l’ensemble des partenaires (voirie, services techniques, etc.), et un élargissement de la GUP à l’accompagnement social de proximité (dispositif Coordination sociale de proximité), induit par la mise au jour de réalités sociales très complexes dans le cadre des opérations de relogement.

Ces aspects multidimensionnels, s’ils s’inscrivent dans la vision initialement voulue par les pouvoirs publics de périmètres potentiellement vastes des démarches GUP, soulèvent néanmoins un certain nombre de questions. En effet, le risque de dilution des problématiques de gestion au sein de logiques de mise en œuvre couvrant des thématiques très diverses (cf. notamment l’appellation « Gestion Urbaine et Sociale de Proximité » – GUSP) est réel, la démarche de GUP / GUSP se réduisant alors à une sorte de contenant accueillant une multitude de contenus faiblement structurés et articulés.

C. Une prise en compte accrue des questions de Gestion Urbaine de Proximité dans le cadre de la mise en œuvre des Projets de Rénovation Urbaine

Les Projets de Rénovation Urbaine jouent un rôle décisif dans la mise en œuvre des démarches de Gestion Urbaine de Proximité. Ils sont en effet, d’une part, l’occasion d’améliorer la qualité du partenariat local à travers une coordination systématisée. Ils facilitent d’autre part la création, la diffusion et l’appropriation de nouveaux outils de travail. Enfin, ils incitent les acteurs à adapter leur organisation interne et leurs modalités de fonctionnement, notamment en termes de moyens humains. C’est donc une part importante de la chaîne d’intervention qui se voit repensée pour accompagner le projet urbain.

1. Des efforts de structuration et de coordination Le PRU constitue souvent un moyen de mieux structurer le partenariat local en lien avec les enjeux de GUP. Cette structuration passe aussi bien par la création d’instances partenariales classiques, que par des modalités de collaboration plus originales. Dans certains cas, ce pilotage s’accompagne de la création de services dédiés à la GUP au sein des services municipaux.

a) Des comités de pilotage trimestriels ou annuels, accompagnés d’instances techniques de Gestion Urbaine de Proximité

Plusieurs sites ont inscrit leur démarche de GUP dans une logique de pilotage « traditionnelle », articulant une instance de coordination politique – un comité de pilotage – et une ou plusieurs instances de coordination opérationnelles – des comités techniques et/ou des groupes de travail. Les premiers rassemblent souvent a minima un représentant de l’autorité préfectorale, les élus et services concernés de la ville et/ou l’agglomération, et les représentants des bailleurs sociaux. Se réunissant à un rythme annuel, bi-annuel ou trimestriel, ils ont pour rôle l’impulsion politique et la définition des priorités de la GUP. Les seconds rassemblent généralement plus fréquemment, en appui des comités de pilotage, les techniciens de la GUP (référent GUP, services techniques des villes, etc.). Ils permettent de faire le point sur la mise en œuvre des mesures et actions programmées.

A Hem-Lys-Roubaix, le comité de pilotage intercommunal est constitué des trois villes (représentées par leur maire), des bailleurs sociaux Logicil et Partenord Habitat (représentés par leur Direction Générale), de l’Etat, de Lille Métropole, ainsi que du GIP Lille Métropole Rénovation Urbaine, de manière consultative. Il est en charge de l’animation du comité technique qui a quant à lui pour mission principale de coordonner les acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la charte de GUP et des plans d’action annuels, d’observer les évolutions du quartier et de produire des éléments de suivi, d’analyse et d’orientation pour le Comité de pilotage. Enfin, le GIP Lille Métropole Rénovation Urbaine est chargé du bilan et de l’évaluation de la démarche.

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A Bourges, de nouvelles instances partenariales dédiées à la GUP ont été mises en place en 2013 en lien avec la relance de la démarche, sous l’impulsion du GIP. Dans cette nouvelle organisation, deux référents élus (dont le maire-adjoint délégué aux Travaux et à l’Accessibilité) ont été désignés, un comité de pilotage et un comité technique dédiés à la gestion quotidienne des quartiers Anru ont été créés, et trois groupes de travail (« secteurs », « observation de la vie quotidienne » et « projets spécifiques ») ont été institués.

b) Des réunions plus régulières permettant aux acteurs concernés de passer en revue les différentes problématiques

D’autres sites ont fait le choix d’instances partenariales se voulant plus opérationnelles, dans la perspective d’un suivi « au plus près » de la GUP et de ses avancées. Si elles poursuivent les mêmes objectifs que les modalités de coordination décrites plus haut et réunissent dans une large mesure les mêmes acteurs, ces instances apparaissent néanmoins davantage corrélées à la réalité des PRU qu’elles accompagnent, et se réunissent à un rythme plus fréquent (généralement mensuel ou bimensuel), qui s’adapte à l’état d’avancement du projet et aux besoins locaux.

A Chambéry, des réunions Gestion Urbaine et Sociale de Proximité ont lieu tous les deux mois environ. Elles permettent aux acteurs (services techniques de la ville et de l’agglomération, équipe PRU / politique de la ville, bailleurs, régie de quartier, associations de locataires…) de passer en revue les principales problématiques. A Lorient, il n’existe pas d’instance de pilotage exclusivement dédiée à la GUP. Pendant le PRU, des réunions techniques de quartier étaient organisées tous les quinze jours avec l’ensemble des acteurs locaux (dans le cadre du groupe technique de coordination). Ces réunions se poursuivent aujourd’hui à un rythme moins élevé. Elles étaient considérées comme la courroie de transmission entre les élus et les professionnels, dans l’idée de faire remonter les informations et de résoudre les problèmes de la manière la plus réactive possible. En effet, les acteurs locaux ont souhaité adopter une gouvernance souple, favorisant des modalités d’intervention adaptées en fonction des problématiques et des espaces concernés.

2. La mise en place d’outils de travail dédiés pour porter la dynamique Le PRU est aussi l’occasion de professionnaliser la GUP en la dotant d’outils nouveaux, que cette dernière soit radicalement nouvelle dans le contexte local (Bourges, Woippy), faiblement développée (Corbeil-Essonnes, Rillieux-la-Pape), ou déjà présente dans les pratiques des acteurs (Le Havre, Hem-Lys-Roubaix). Ces outils ont une double vocation : faciliter le partage de pratiques et d’informations entre professionnels et favoriser l’implication et la concertation des habitants. Ces deux vocations ne sont bien entendu pas exclusives l’une de l’autre. Une première catégorie d’outils vise à améliorer l’identification et la résolution, par les professionnels, des dysfonctionnements constatés sur site. On trouve là la diffusion de fiches d’informations ou fiches navettes entre les différents services de la GUP ainsi que des tableaux de bord ou encore des logiciels spécifiques. Les premiers prennent la forme de fiches remplies par les acteurs responsables de la GUP et transmises aux autres services et partenaires concernés. Ces fiches doivent permettre d’expliquer facilement et rapidement en quoi consiste la demande, et l’importance de la requête. Des photos ou des cartes peuvent être adjointes, si besoin. De la même façon, des tableaux de bord ou logiciels sont mis en place pour recenser des dysfonctionnements, identifier les solutions à mettre en place et les services référents, puis suivre le traitement des situations problématiques repérées. Mais contrairement aux fiches-navettes ou de liaison, ces outils sont généralement interinstitutionnels et ne sont pas utilisés par des acteurs extérieurs.

A Bourges, un tableau de bord GUP sur la Chancellerie a été initié en 2011 et formalisé en 2013. Base de données partagée identifiant les problèmes par secteur, le tableau de bord est rempli par le GIP, qui

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centralise les fiches de liaison transmises par les différents services concernés et se charge du suivi des dysfonctionnements recensés. A Cergy, l’outil informatique ATAL, progiciel intégré de gestion des services techniques, permet au personnel de mairie d'exprimer des demandes de travaux ou d’approvisionnement à destination des services techniques municipaux. Offrant un suivi des requêtes en ligne en temps réel, il permet de limiter le recours aux échanges téléphoniques ou aux mails.

Une deuxième catégorie d’outils vise à favoriser l’interpellation des services techniques par les habitants, pour une résolution rapide des dysfonctionnements repérés. On trouve là des numéros verts (Ville, agglomération ou bailleurs), comme à Bourges, Cergy, Rillieux ou Lorient, des cahiers de doléances permettant aux habitants de faire part de leurs réclamations, comme à Hem-Lys-Roubaix, et même des outils plus pointus, comme des sites internet ou des applications pour smartphone (Lorient).

La Ville de Bourges a mis en place dès 2007 plusieurs outils d’animation et de suivi de la démarche GUP, parmi lesquels un système de numéro vert dénommé CASTOR (Centre d'Appels des Services Techniques Opérationnels Rapides). Ce dispositif recense et traite, à l’échelle de l’ensemble de la Ville, les sollicitations des habitants (ou des professionnels travaillant sur le territoire) concernant la voirie, l'éclairage public, la propreté et les espaces verts. A Cergy, une écoute et une prise en compte des gênes quotidiennes subies par les habitants a été proposée par le bailleur social OSICA, par l’intermédiaire d’une ligne téléphonique dédiée aux habitants (signalements et réclamations). Cette ligne, mise en place dans le cadre des travaux, est restée active entre 2008 et 2011. A Lorient, depuis quelques mois, un site internet et une application pour smartphone permettent de centraliser les doléances et de signaler les dysfonctionnements et dégradations constatés par les habitants aux services concernés. Une photo de la dégradation et sa géolocalisation sont transmises par ce biais.

Une dernière catégorie d’outils vise enfin à faciliter les démarches partenariales par une meilleure interconnaissance des acteurs.

A Rillieux, un « Qui fait quoi ? » clarifiant les responsabilités de chacun a été réalisé en 2011, à l’attention des partenaires de la GSUP. Il est réactualisé en continu. Il favorise un travail de partenariat en bonne intelligence et la résolution de certains points complexes (entretien en bordure d’immeubles, par exemple). A Bourges, un annuaire commun des acteurs de la gestion du cadre de vie a également été formalisé en 2013. C’est la Ville de Bourges qui en est l’initiatrice, dans une logique d’animation et de suivi de la démarche de GUP. Cet outil facilite l’interconnaissance des partenaires locaux et les prises de contact.

Certains outils sont à la croisée des différents objectifs précités, en particulier les diagnostics en marchant, qui consistent en une déambulation collective (avec des professionnels et des habitants) sur tout ou partie d’un site pour recenser et discuter des problèmes, besoins et améliorations du quartier. Ces diagnostics permettent à la fois une amélioration de la visibilité des dysfonctionnements, une meilleure réactivité dans leur traitement, et une plus grande interconnaissance entre acteurs et entre professionnels et habitants.

A Corbeil-Essonnes, des diagnostics en marchant avaient lieu tous les deux mois au début du PRU en 2005, souvent autour des chantiers. Ces visites collectives du quartier, divisé en 4 périmètres, visaient à recenser et discuter les problèmes avec les participants, de même que les besoins du quartier et les améliorations nécessaires. Ils permettaient aussi de suivre la prise en charge des actions au fil de l’eau. Y ont régulièrement participé des acteurs institutionnels (services techniques de la Ville, forces de l’ordre, etc.) et un petit groupe d’habitants.

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Dans quelques cas, le diagnostic en marchant peut constituer une démarche ambitieuse à l’origine d’une prémisse de stratégie en matière de GUP, lorsqu’ils donnent lieu à la programmation structurée d’actions opérationnelles.

Deux diagnostics en marchant « cadre de vie » (financement Acsé) ont été conduits sur le cœur de quartier de la Chancellerie à Bourges, début 2010 et début 2011 (en phase chantier), avec les conseillers de quartier. Ils ont abouti à un plan d’actions centré sur les thématiques de :

- La sécurité sur et autour des chantiers (insuffisante délimitation des chantiers, dégradations et vols…) ;

- La propreté et le cadre de vie aux abords des chantiers ; - L’information des riverains et des futurs locataires sur l’avancement des chantiers et les

nuisances ; - L’accès aux bâtiments, le maintien de l’éclairage public et le plan de circulation pendant les

chantiers.

3. Une réorganisation des moyens humains et des missions en interne par les partenaires

a) De multiples postes de proximité dédiés à la mise en œuvre de la GUP Les projets de rénovation urbaine constituent, notamment du fait de leur ampleur, de puissants leviers de réorganisation des moyens humains et des missions des partenaires. Cela peut d’abord passer par une remise à niveau des partenaires sur les questions de GUP. Ce type d’action est toutefois rare dans notre échantillon de sites étudiés.

A Hem-Lys-Roubaix, une formation GUP, financée par l’ACSE dans le cadre du Plan stratégique local, a été dispensée aux bailleurs, techniciens, centres sociaux et conseils de quartier. Au Havre, 170 agents de la Ville ont bénéficié d’une formation à la gestion des déchets.

En réalité, les répercussions les plus fréquentes en matière de ressources humaines concernent plutôt la mise en place de personnels en proximité, par les villes et les bailleurs principalement, chargés notamment de faire de la veille technique et du lien avec les habitants. A cet égard, si la GUP a facilité l’émergence de nouveaux métiers, elle a surtout permis d’adapter les modalités d’intervention des métiers traditionnels à l’évolution des problématiques sociales des territoires. Deux modalités de présence ont ainsi été recensées :

- Une présence pour informer sur les travaux, être à l’interface avec les habitants concernant l’avancement et la gestion des chantiers. Il peut s’agir :

o D’équipes au niveau des villes et des GIP en charge de la rénovation urbaine : référents de quartier, équipe projet, équipe « Point info », agents de vie quotidienne ;

A partir de 2002, la ville de Lorient a installé dans la galerie commerciale de Kervénanec un Point info, chargé de communiquer sur le projet, d’accompagner les habitants, et d’accueillir différents événements (réunions d’information, ateliers, etc.). Au plus fort du projet, six agents y étaient présents. Ils étaient encore deux en 2015. A Chambéry, sur un plan opérationnel, les questions de GUP sont essentiellement prises en charge par la mairie de quartier, dans son rôle de proximité, qui dispose de deux agents de vie quotidienne chargés de relever les dysfonctionnements et de répondre aux demandes des habitants, ainsi que de référents bâtiments, voirie et espaces verts, qui échangent en permanence avec les autres acteurs, notamment les bailleurs.

o De permanences de professionnels (acteurs ville, bailleurs) et locaux d’information sur site ;

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Une permanence mensuelle « rénovation urbaine » du GIP, de Bourges Habitat et des élus de Bourges, installée dans des barnums sur le marché de la Chancellerie (le mercredi) et sur celui des Gibjoncs (le vendredi), a été mise en place dès 2006 pour informer les habitants sur le PRU et répondre à leurs questions.

- Une présence pour assurer une veille technique et sociale sur les quartiers (repérage des

dysfonctionnements et dégradations, transmission aux services compétents, retour d’expériences sur les problèmes particuliers et collectifs de la vie quotidienne et l’ambiance d’un quartier). Il s’agit généralement de postes dédiés au niveau des villes ou des bailleurs (développeur de quartier, agent de développement local).

Le Logement Francilien a créé à Corbeil-Essonnes un poste de « développeur de quartier » - également désigné comme « référent GUP » - dans chacun des quartiers en PRU dans lequel il a un important patrimoine, comme aux Tarterêts. Ce référent est chargé d'une mission d'animation et d'accompagnement des habitants dans leur appréhension du cadre de vie. Régulièrement (une fois par mois environ), il organise des ateliers de sensibilisation sur diverses thématiques liées à l'environnement : économies d'énergie, consommation d'eau, etc. La création d’un poste de chargé d’opération « vie de chantier » intervenant sur l’ensemble des secteurs en rénovation urbaine de Roubaix, permet de coordonner l’ensemble des interventions, de faire respecter le cahier des charges défini (périmètres de stationnement des engins, lieux de repas des ouvriers, élimination des déchets…), et de réduire ainsi les nuisances et favoriser de bonnes relations de voisinage.

Des postes dédiés à la sensibilisation des habitants à leur environnement et au respect du cadre de vie ont également pu être créés dans le cadre du PRU. On les trouve au sein des agglomérations et des villes, sous diverses appellations (ambassadeurs du tri à Bourges et Woippy, médiateurs de l’environnement à Hem, éco-conseillers, etc.), mais également au sein d’autres structures comme les régies de quartier (adultes-relais à Montauban Services).

b) Dans deux cas, la création d’un service ou pôle ad hoc

Au Havre et à Woippy, l’effort de structuration de la GUP s’est également traduit par la création de services dédiés au niveau des équipes de la ville, avec des moyens humains spécifiques et des missions précises attribuées en matière de GUP.

Le Pôle Cadre de Vie, Tranquillité Publique, Peuplement de la Ville du Havre est rattaché à la Direction de la Cohésion Sociale. Il a pour mission d’assurer l’appropriation des espaces publics et privés, le maintien du respect des règles de vie, la prévention des décrochages, la gestion sociale des sites les plus en difficulté, et la pérennisation des investissements urbains. Au quotidien, ces objectifs sont déclinés par quatre agents intervenant sur deux volets complémentaires :

- Un volet « urbain » : une équipe de deux agents traite les difficultés générales (relevé des dysfonctionnements et interpellation des services concernés) qui surviennent en amont, pendant, et en aval des chantiers. Elle assure une veille mensuelle ou bimensuelle sur chaque site en PRU, ainsi qu’une coordination technique en interpellant chaque service concerné ;

- Un volet « social » : une équipe de deux agents met en œuvre la Coordination sociale de proximité (CSP), chargée de la prise en compte des cas individuels les plus difficiles. Des conventions tripartites entre la ville, le bailleur, et l’habitant sont signées pour mettre en place un accompagnement place.

A Woippy, une cellule GUP a été créée en 2009. Elle était alors composée d’un responsable, de quatre référents de quartier à la disposition des habitants souhaitant faire part à la municipalité de leurs doléances ou propositions d’amélioration pour leur quartier et/ou de leur ville, et de deux personnes assurant le secrétariat. Cette cellule a pris de l’ampleur avec la création, en avril 2015, d’une Direction GUP directement rattachée au Maire et placé sous la responsabilité du Directeur Général des Services (DGS). « La Direction GUP a été créée pour qu’on soit encore plus réactif, et rapide. Chaque doléance

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doit amener obligatoirement une réponse, quel que soit l’endroit de la ville. On ne fait aucune différence entre les quartiers » (Direction GUP). La Direction GUP est en charge des missions suivantes à l’échelle de l’ensemble de la Ville :

- La coordination et le suivi des référents de quartiers ; - La relation avec les administrés, et la prise en compte de leurs réclamations, remarques,

suggestions concernant la propreté, la voirie, la circulation, l’embellissement, les actes d’incivilité, etc. Ces suggestions pouvant être faites directement sur le terrain auprès des référents de quartier, mais également par mail, courrier, ou par téléphone ;

- La réalisation d’enquêtes de quartier (parallèlement à la mise en place d’un ralentisseur, par exemple) ;

- La réalisation d’opérations de nettoyage, en lien avec le Centre technique municipal et la police municipale ;

- La mise en place et le suivi des Conseils de Quartier (composés d’habitants volontaires par secteur et de représentants des bailleurs et de la commune) ;

- L’accueil des nouveaux habitants.

c) Une mobilisation accrue de l’ensemble des partenaires Ces évolutions en termes de moyens humains s’accompagnent fréquemment d’une mobilisation et d’une réactivité plus fortes des services partenaires de la GUP que sont les services techniques, les services des espaces verts, ou les services de la propreté urbaine. Dans l’ensemble, les professionnels font en effet état d’une gestion aujourd’hui plutôt bien assurée, avec une implication soutenue de nombreux acteurs concernés et une amélioration progressive de la réactivité de chacun. L’articulation des interventions se fait de manière satisfaisante, en lien avec des habitudes de partenariat anciennes et ancrées sur le quartier, qui se sont particulièrement renforcées ces dernières années, notamment lorsqu’un acteur anime et porte la démarche.

A Hem-Lys-Roubaix, les liens d’interconnaissance développés entre les acteurs locaux du logement et du champ social (bailleurs sociaux, centres sociaux, associations de quartier…), à l’occasion de la mise en œuvre du PRU, ont nourri des habitudes de travail en partenariat qui persistent et facilitent la gestion quotidienne du quartier : « j’ai rarement vu une telle cohésion entre les acteurs du social et les bailleurs. De nombreux projets partenariaux se sont développés pendant et suite au PRU. » (Bailleur, Hem-Lys-Roubaix)

A Woippy, la démarche de GUP a visiblement permis de renforcer les partenariats entre la Ville de Woippy, les bailleurs et Metz Métropole, qui ont des échanges plus directs (pas de passage par les hiérarchies) et plus fréquents : « les échanges avec les bailleurs concernent désormais plus de personnes à la Ville : la Direction de l’opération de rénovation urbain (ORU), la Direction GUP, le Secrétariat Général, la Direction solidarité / emploi à laquelle est rattachée le centre communal d’action sociale (CCAS) » (Direction de l’ORU) ; « le gros travail qui a été fait pour monter le PRU a créé des liens. Il y a eu un travail relationnel important avec les bailleurs et Metz Métropole. Les ambassadeurs du tri de Metz Métropole sont en contact avec le personnel municipal de la GUP, et on met en place des sessions de sensibilisation avec eux » (Ville de Woippy). De l’avis de tous, le maillage partenarial (rendu possible par un faible turn-over des équipes des partenaires depuis 10 ans) permet une réactivité importante qui satisfait les habitants et participe d’une plus grande mobilisation de leur part dans le respect de leur cadre de vie : « les habitants me disent qu’ils appellent directement la GUP quand il y a un problème car elle est en contact avec les bailleurs, Metz Métropole, et tous les autres partenaires. Ils sont satisfaits, me disent que la GUP est très réactive, que les professionnels ont une écoute et que les demandes sont rapidement prises en compte » (élu) ; « tous les services travaillent les uns avec les autres, c’est plutôt positif et ça permet une réactivité. On peut s’appeler et compter les uns sur les autres. Quand on détecte un dépôt d’ordure par exemple, on prend une photo, le dépôt est vite retiré. Surtout que les gens aujourd’hui sont beaucoup plus attentifs, ils alertent, n’ont pas peur. La plupart du temps ils savent de qui les dépôts viennent » (Ville de Woippy).

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4. Zoom sur l’organisation des moyens des bailleurs sociaux Chez les bailleurs sociaux pour lesquels nous disposons de données (cf. tableau en annexe 4), une forte diversité de modes d’organisation des moyens humains a pu être identifiée. Cette tendance s’inscrit dans une dynamique générale et ancienne de recomposition de leur implantation territoriale120. Si le périmètre des missions mises en œuvre dans les sites est grosso modo identique pour tous, la ventilation de ces missions par métier varie en revanche fortement d’une structure à l’autre. En premier lieu, des salariés assurent, sous différentes appellations en fonction du spectre plus ou moins large de leurs fiches de poste (« gardiens », « chargés d’entretien », « employés d’immeuble », etc.), un premier niveau de présence de proximité. Ils sont principalement chargés de deux types de tâches, parmi lesquelles :

- Des tâches d’entretien, de propreté et de nettoyage : entretien et nettoyage parties communes, stockage des déchets avant collecte, ramassage des papiers à l’extérieur des immeubles, lavage locaux poubelles et/ou des parkings, tonte de la pelouse et/ou taille des haies, etc. ;

- Des tâches techniques, administratives, de surveillance : gestion des conflits, traitement des réclamations, états des lieux d’entrée et de sortie, veille technique et de sécurité, gestion des contrats avec prestataires, etc.

Sur certains sites, ces compétences sont partagées avec un prestataire extérieur ou éclatées entre plusieurs profils d’intervenants du bailleur et un ou plusieurs prestataires extérieurs. En second lieu, en fonction de la taille des quartiers, une ou plusieurs permanences (agences, loges, points d’accueil de proximité, etc.), généralement ouvertes quelques heures par jour, peuvent compléter ce dispositif de proximité pour accueillir le public, traiter les réclamations, ou recevoir le paiement des loyers. Un bailleur a mis en place, au lieu d’une permanence physique, une plateforme technique téléphonique joignable 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. En troisième lieu, d’autres types de personnels des bailleurs sont amenés à intervenir dans les sites sans pour autant y être dédiés, en appui des intervenants directs de proximité précédemment évoqués. On trouve là, de manière classique, chez presque tous les bailleurs :

- Des postes de gestion technique (« techniciens » ou « responsables techniques ») chargés de la gestion des sinistres, de la programmation des réparations et des travaux, etc. ;

- Des postes de gestion locative (« chargé de clientèle ») chargés de la gestion des contrats de location, et du suivi des locataires ;

- Des postes de gestion locative aussi bien que technique (« chargés ou responsables de secteur »).

Plus rarement, des salariés peuvent être mobilisés par les bailleurs sur des thématiques spécifiques :

- Des intervenants sociaux ; - Des professionnels de la sécurité :

o des référents sécurité tranquillité publique ; o des patrouilles de voitures circulant la nuit ;

- Des équipes de lutte contre le vandalisme, pour du sur-entretien et de la petite maintenance ; - Des chefs de projet renouvellement urbain qui assurent le suivi du PRU.

Ces éléments témoignent d’une volonté et d’une capacité d’adaptation forte des bailleurs sociaux au contexte territorial dans lequel ils s’inscrivent.

120 Barbara Allen, « La gestion de proximité dans les organismes HLM », Les annales de la recherche urbaine, 2001.

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D. Une capacité inégale à animer la démarche et la faire perdurer Si les projets de rénovation urbaine ont permis de structurer le pilotage des démarches GUP dans une large mesure, cela ne se traduit pas toujours, sur le terrain, par l’obtention de l’efficacité recherchée, en raison de la persistance d’un certain nombre de freins. Ces derniers relèvent à la fois des caractéristiques du pilotage, des modalités d’organisation, et du niveau de mobilisation des différents acteurs concernés. Ils limitent, à l’heure actuelle, la pleine intégration de la GUP dans les missions quotidiennes des partenaires une fois le PRU achevé.

1. Une opérationnalité des instances et outils tributaires du niveau de pilotage de la Gestion Urbaine de Proximité

a) Une coordination des interventions qui se fait peu, en l’absence d’un pilotage fort ou de référent clairement identifié par l’ensemble des partenaires

La bonne identification et l’intensité du niveau de pilotage demeurent deux facteurs décisifs dans la réussite des démarches GUP. En effet, dans plusieurs sites, les acteurs éprouvent certaines difficultés à désigner clairement la structure référente en matière de GUP, voire à circonscrire la démarche elle-même. Cette confusion a des effets sur la fluidité des procédures, mais aussi sur la dynamique globale des actions, qui peut conduire à une certaine démobilisation des professionnels.

Dans la pratique, c’est la responsable des relations sociales du GIP « Renouvellement Urbain » de Bourges qui a pris en charge l’animation de la démarche GUP, alors que l’organisation de la Ville et de l’Etat en la matière manque de clarté :

- D’après la convention, l’équipe CUCS de la Ville est impliquée dans l’animation de la démarche mais elle n’y participe pas dans les faits, tandis que la Direction de la proximité assure des missions de GUP, sans être officiellement associée à la démarche ;

- L’Etat n’a pas désigné d’interlocuteur unique chargé de la thématique, contribuant à la désaffection globale constatée à l’égard des questions de GUP.

L’analyse documentaire et les entretiens avec les acteurs locaux font apparaître que la démarche de GUP a souffert d’une faible mobilisation partenariale. Ainsi, elle n’a pas été abordée en Comité de pilotage du PRU entre fin 2010 et fin 2013, et les groupes de travail prévus par la convention ne se sont pas réunis régulièrement. Cette situation s’explique principalement par le manque de clarté des modalités de pilotage et de gouvernance de la démarche, de fait prise en charge par le GIP dans les premiers temps de la mise en œuvre du projet, avant d’être « délaissée » après le départ de la responsable des relations sociales du GIP. Les dernières réunions entre partenaires locaux ont toutefois permis de réaffirmer la nécessité de relancer le processus. Des réflexions sont en cours à ce sujet.

Les actions conduites sur le terrain sont très directement affectées par ces difficultés, dans la mesure où, dès lors qu’un enjeu de répartition des rôles survient, il est impossible de se tourner vers un pilote ou un référent susceptible d’apporter un appui, en organisant par exemple une réunion sur le sujet, en jouant un rôle de médiateur et de facilitateur entre les parties concernées, ou en faisant remonter les problèmes à un niveau politique. En matière d’entretien et de propreté, par exemple, plusieurs acteurs ont constaté un défaut de coordination entre les bailleurs et les services techniques des villes, voire entre les services d’une même structure, qui sont parfois très cloisonnés. Dans un tel contexte, il n’est pas rare de voir des difficultés persistantes non résolues.

A Corbeil-Essonnes, alors que le pilotage technique et opérationnel du PRU a été confié par les élus locaux au GIP Centre Essonne, la GUP a souffert d’une absence de définition et de répartition claire des rôles et missions de chacun des intervenants présents sur le quartier. « Le quartier est souvent sale : les détritus sont nombreux, et le service Propreté n’intervient pas assez rapidement. Or pour moi, lorsque c’est trop sale, c’est un problème de propreté, pas d’entretien. Moi je m’en tiens à l’entretien, c’est tout. Je signale les problèmes mais je ne regarde pas ce qui est fait en réponse. Nous n’avons pas de réunions communes, il n’y a pas de coordination. Pourtant, la répartition des espaces à entretenir entre

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les bailleurs et la Ville est claire, sauf peut-être en-dessous de l’ancienne crèche des galopins » (Ville de Corbeil-Essonnes).

Les relations interpersonnelles entre acteurs ont beau être de qualité, la dimension stratégique et institutionnelle de la GUP dans ces sites reste à consolider, car les acteurs n’ont pas la possibilité d’échanger sur certaines thématiques et les incompréhensions demeurent. Il en découle souvent un déficit général d’implication.

A Chambéry, la résidentialisation n’a à ce jour pas réellement permis de clarifier les enjeux de gestion. En effet, il a été choisi de faire gérer l’ensemble des espaces publics par la ville (jusqu’aux pieds d’immeubles), d’où le choix d’une résidentialisation « ouverte » (peu de clôtures et/ou murets fermés). Les espaces résidentialisés auparavant gérés par le bailleur lui sont donc progressivement rétrocédés (à échéance de deux ans après leur livraison par l’entreprise qui a procédé aux travaux). Néanmoins, l’existence de cette période de deux ans crée un certain nombre de confusions : les acteurs locaux ne savent pas réellement qui est responsable de quoi ; par ailleurs le bailleur n’a pas les moyens techniques d’assurer une bonne réception des aménagements, ce qui crée des tensions. En fin de PRU, le constat reste prégnant : pour plusieurs acteurs, la démarche GUSP n’est pas bien identifiée en tant que telle.

A cet égard, la présence d’une personne ou d’un service identifié comme le pilote de la démarche constitue un facteur de sa réussite, autant du fait d’une certaine légitimité à en organiser le fonctionnement que de son rôle de médiateur ou de sa capacité à impulser et faire perdurer une dynamique partenariale. L’exemple de Rillieux-la-Pape le montre de manière tout à fait emblématique.

A Rillieux-la-Pape, dans l’ensemble et hormis quelques points noirs, les professionnels font état d’une gestion aujourd’hui plutôt bien assurée sur la Ville Nouvelle, avec une mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés et une amélioration progressive de la réactivité des 3 bailleurs. Pour eux, l’articulation des interventions de chacun dans le cadre de la GSUP se fait de manière très satisfaisante, en lien avec des habitudes de partenariat anciennes et ancrées sur le quartier, qui se sont particulièrement renforcées ces dernières années avec le positionnement d’un poste sur l’animation de la démarche. Celui-ci a en effet mis en place des outils − tels le « Qui fait quoi ? » − permettant un travail de partenariat en bonne intelligence et la résolution de certains points complexes (entretien en bordure d’immeubles, par exemple). Il joue également un rôle de « rassembleur » via l’organisation de réunions partenariales. A cet égard, les bailleurs indiquent fortement apprécier les groupes de travail organisés par l’agent de développement du GPV ; ces groupes constituent pour eux une des rares occasions de rencontre et d’échanges. Pour le bailleur Dynacité, la « dynamique GSUP » ainsi impulsée a été un réel levier, amenant les bailleurs à augmenter leurs exigences de qualité au niveau de leurs interventions et à se recentrer sur l’écoute de leurs locataires (remise des locataires « au centre »).

b) Des chartes de Gestion Urbaine de Proximité et plans d’actions « coquilles vides » ou caduques, nécessitant d’être remis à jour

L’ancienneté des chartes GUP constitue un autre facteur d’essoufflement de l’intervention publique en la matière. Souvent formalisées au démarrage du PRU par obligation, leur contenu ne correspond en effet plus aux réalités de l’avancement du projet, et la plupart des actions pensées initialement sont réalisées, ne sont plus d’actualité, ou ne sont plus en adéquation avec les moyens du moment.

Si le PRU de Hem-Lys-Roubaix a permis de renforcer certaines démarches de gestion intercommunales, en particulier la gestion des ordures ménagères et la relocalisation du stationnement, ce type d’initiatives et de dispositifs s’est néanmoins essoufflé avec la fin de la convention, faute d’ingénierie et/ou de pilotage favorisant le maintien de la dynamique partenariale.

A Chambéry, le bilan réalisé en matière de GUP à mi-parcours était assez critique : « les réunions GUP avaient tendance à se focaliser sur les déchets, la charte GUSP avait été abandonnée, il n’y avait par ailleurs pas de réflexion large et bien identifiée sur le sujet » (Chambéry Métropole).

Cette situation est souvent connue des acteurs, qui y voient un signe de fragilisation de la démarche, d’où une certaine vigilance quant à la mise à jour des chartes en question. Il s’agit en effet, en fin de

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PRU, d’assurer la pérennité des aménagements et de la qualité des interventions en matière d’entretien et de propreté urbaine par la poursuite de la GUP.

A Corbeil-Essonnes, la revue de projet de juin 2011 faisait de la mise en œuvre de la GUP un point de vigilance/fragilité, et une condition pour assurer la pérennité du projet de rénovation urbaine. Dans cette perspective, et alors que l’avenant de clôture du PRU a été signé récemment, une nouvelle convention de Gestion Urbaine et Sociale de Proximité (GUSP) est en cours de finalisation, parallèlement à l’élaboration du contrat de ville solidaire de la Communauté d’agglomération Seine-Essonne (CASE) formalisé fin juin 2015.

Au Havre, pour répondre à l’exigence de maintien de la qualité en matière d’entretien, le document de sortie de la convention de rénovation urbaine prévoyait l’actualisation des conventions GUP par quartier, sur la base des résultats de l’étude lancée par la Ville du Havre pour évaluer les actions de GUP mises en œuvre dans le cadre du PRU.

Si la formalisation de nouvelles conventions GUP était donc à l’ordre du jour dans plusieurs sites au moment de notre enquête, aucun n’avait véritablement lancé ce chantier, visiblement un peu supplanté par la négociation, au même moment, des nouveaux contrats de ville (dont la GUP fait pourtant partie intégrante).

c) Un recensement de dysfonctionnements et des signalements qui, dans certains cas, ne sont pas suivis d’interventions effectives à court ou moyen terme

Les freins présentés précédemment peuvent avoir des conséquences plus ou moins importantes en fonction des contextes. Dans certains sites, ils nuisent considérablement aux interventions sur le terrain, avec des procédures qui piétinent, des incompréhensions qui persistent, et un dialogue qui ne se fait pas. C’est particulièrement le cas lorsque le signalement de dysfonctionnements n’est pas suivi d’interventions effectives.

A Chambéry, les difficultés de coordination des acteurs trouvent leur traduction à travers deux exemples emblématiques :

- La gestion des encombrants : alors qu’une déchetterie est située à 500 mètres du quartier environ, les habitants ne s’y déplacent pas et déposent leurs encombrants à côté des containers enterrés. L’agglomération refuse de traiter ce problème pour ne pas inciter les habitants à continuer ces pratiques. La ville procède donc au ramassage « officieux » des encombrants épisodiquement, alors qu’elle n’est pas censée le faire ;

- La réception des nouveaux aménagements en pied d’immeuble : le maître d’œuvre a privilégié à certains endroits des gravillons trop gros, qui ne se tassent pas et se répartissent sur l’espace public, créant des difficultés de nettoyage pour le bailleur et les services techniques de la ville : « la question des responsabilités en termes d’entretien n’est pas claire. Plusieurs sujets, comme la délimitation des domanialités, et la période de transition, suite à la rétrocession des espaces réaménagés, sont l’objet d’une grande confusion, y compris pour nous » (Bailleur, Chambéry).

« Le quartier est souvent sale, avec des détritus et des équipements détériorés par les jeunes. Les interventions du service propreté ne sont pas assez rapides, et nous n’avons pas de réunions communes donc pas de coordination entre les services. Moi je m’en tiens à l’entretien, je signale les problèmes, mais je ne vérifie pas que c’est fait. » (Ville, Corbeil-Essonnes)

Les questions de l’articulation des interventions partenariales et de la coordination entre acteurs ne sont pas nécessairement ni systématiquement résolues via la démarche GUP. Certaines difficultés persistent, notamment mises en lumière par le sur-entretien. Le sur-entretien a souvent une dimension positive, quand il s’agit de surinvestir un aspect de la propreté urbaine pour en garantir le traitement efficace. Il comporte même souvent un objectif social, la mise en œuvre étant confiée à un organisme d’insertion.

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A Hem, par exemple, l’association AISE est soutenue et financée pour nettoyer les tags, mener des opérations de dératisation et entretenir les espaces verts, au titre de son action en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes du quartier. Cette action s’inscrit dans le cadre de l’axe fort de la démarche GUP que constitue l’amélioration de la propreté et de l’entretien des espaces extérieurs.

Néanmoins, le sur-entretien peut également mettre en lumière un déficit de l’intervention traditionnelle des services techniques. S’imposant dans ce cas aux acteurs concernés, le sur-entretien est considéré comme un dysfonctionnement de l’intervention partenariale. Mis en œuvre sans coordination, il génère alors une forte hétérogénéité de traitement des différents espaces.

A Corbeil-Essonnes, les surfaces à entretenir ont fortement augmenté depuis le début du projet, en lien avec les nombreuses démolitions, mais les équipes de la Ville dédiées à l’entretien des espaces verts n’ont pas été renforcées. En conséquence, les délais d’intervention des services techniques contraignent les responsables des équipements de quartier à prendre en charge le nettoyage de certains espaces, et les bailleurs sociaux à faire du « sur-entretien », induisant des niveaux très inégaux d’entretien entre les espaces verts et les espaces publics relevant de la responsabilité de la Ville, et ceux dont les bailleurs ont la charge : « nous avons entretenu nous-mêmes les quelques arbres qu’il y avait, alors qu’il est clairement établi qu’ils appartiennent au domaine public » (Bailleur, Corbeil-Essonnes) ; « il nous arrive assez régulièrement de nettoyer la grande esplanade devant le centre social, car personne ne le fait… » (Centre social, Corbeil-Essonnes).

Ces situations ont des effets désastreux sur les habitants qui mettent en cause un déficit de gestion accru par la perception d’un désinvestissement de la puissance publique.

« La gestion des déchets ne s’est pas améliorée. Les gens déposent tout à côté des containers. Les services de propreté passent moins souvent donc ça se dégrade à vive allure. Il y a du vandalisme : c’est même pire, car il y a des choses nouvelles à casser. Tout cela n’est pas remplacé, pas réparé. » (Habitante des Hauts de Chambéry depuis 1985)

Des dégradations qui persistent

2. L’adéquation des moyens humains et des modalités d’organisation aux caractéristiques du projet : un élément souvent décisif pour appuyer l’intervention en matière de Gestion Urbaine de Proximité

L’adéquation des moyens humains aux caractéristiques des projets de rénovation urbaine est variable d’un site à l’autre, même si la plupart des acteurs rencontrés ont, au moins au début des travaux, accru leurs effectifs ou mis en place de nouvelles organisations. Mais le déploiement de moyens accrus n’offre de réelles possibilités d’action que dans la durée. En outre, l’efficacité d’une démarche de GUP

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dépend de la capacité des acteurs qui la mettent en œuvre à adapter leur mode de fonctionnement aux évolutions du contexte local.

Ainsi, pour un bailleur à Woippy, le PRU a constitué un très fort levier en termes : - D’amélioration de son organisation et de la qualité de sa gestion, notamment à travers la

renégociation et l’enrichissement de son contrat d’entretien des espaces verts : « on refait un nouvel appel d’offre avec un nouveau contrat pour une prestation plus importante et complète de maintenance des espaces résidentialisés, surtout sur la partie végétale. Avant, l’entretien des espaces verts, c’était X tontes par an, et c’est tout. Maintenant, il va y avoir de la tonte, de la fauche, de l’entretien des haies, du suivi des plantations, et éventuellement la création de massifs » (Bailleur, Woippy) ;

- D’acculturation à la résidentialisation : « on n’avait jamais fait de résidentialisation avant, et on avait même du mal à prononcer le mot. C’est une vraie culture (…) On commence enfin à passer plus de temps à l’élaboration de nos projets de résidentialisation, à ne plus les faire sur un coin de table pour découvrir ensuite que rien ne va, à créer des espaces en fonction de ce qu’il y a autour… On confie l’élaboration des projets à des équipes pluridisciplinaires, avec des architectes, paysagistes, etc. pour ne pas voir nos projets se faire retoquer ensuite à chaque réunion… » (Bailleur, Woippy).

Inversement, lorsque les moyens mis en œuvre ne correspondent pas aux enjeux du projet et ne sont pas adaptés en conséquence, le niveau de propreté du quartier s’en trouve affecté.

A Hem-Lys-Roubaix, des difficultés persistent aux abords des immeubles qui n’ont pas bénéficié d’une rénovation – notamment en matière de collecte des encombrants – et dans certaines entrées d’immeubles bien identifiées. Elles s’expliquent notamment par un investissement moindre du bailleur concerné, dont la faible présence de proximité et la moindre réactivité ont été soulignées par l’ensemble des acteurs interrogés.

A Corbeil-Essonnes, les surfaces à entretenir ont fortement augmenté depuis le début du projet, en lien avec les nombreuses démolitions, mais les équipes de la Ville dédiées à l’entretien des espaces verts n’ont pas été renforcées. En conséquence, les délais d’intervention des services techniques de la ville contraignent les responsables des équipements de quartier à prendre en charge le nettoyage de certains espaces, et les bailleurs sociaux à faire du « sur-entretien », induisant des niveaux très inégaux d’entretien entre les espaces verts et les espaces publics relevant de la responsabilité de la Ville, et ceux dont les bailleurs ont la charge : « il y a un problème de réactivité des services de la Ville face au problème des détritus et des dépôts sauvages. Ils réagissent lorsqu’on les sollicite, mais ils ne font pas le job d’eux-mêmes, au fil de l’eau » (Bailleur, Corbeil-Essonnes).

Parfois, le turn-over important des équipes des sites, et en particulier des référents GUP qui assurent la mobilisation des partenaires et la coordination des interventions par leur rôle de « moteur », génèrent aussi des difficultés. Au cours de l’étude, nombreux sont les acteurs rencontrés qui n’étaient pas présents aux origines de la démarche. Inversement, des personnes en charge de la GUP au démarrage des travaux, ayant une connaissance « historique » de la problématique, ne travaillaient plus sur le territoire au moment de notre passage.

A Bourges, depuis le départ de la référente du GIP, la thématique GUP a souffert du manque de portage politique et de l’absence d’un référent GUP clairement identifié par l’ensemble des acteurs du projet. En conséquence, le partenariat entre la Ville et le GIP et la coordination des interventions entre les services municipaux autour des questions de GUP se sont fortement essoufflés.

3. Une mobilisation partenariale également dépendante d’éléments extérieurs La mobilisation des partenaires autour des démarches de GUP ne dépend pas que de leur bonne volonté. Des éléments extérieurs viennent ainsi parfois perturber l’engagement des différentes structures. Il arrive, par exemple, que les intentions politiques soient fluctuantes au gré des changements d’équipes municipales.

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A Chambéry, aux dires de plusieurs acteurs et habitants, la gestion urbaine de proximité ne semble plus faire partie des priorités des acteurs locaux. « La gestion urbaine n’a pas trop évolué. Ça se dégrade un peu. La mairie de quartier a perdu des effectifs alors que c’était un gros relai de proximité. Avant il y avait plus de réactivité sur les tags, etc. » (Habitant du quartier depuis 2006). Aux Tarterêts, le PRU a été mis en œuvre dans un contexte de forte hausse de la population de la ville, passée de 40 000 habitants en début de convention 46 700 habitants en 2014, pesant à la fois sur les besoins et sur les finances de la ville. Le contexte politique atypique – 5 élections municipales en 6 ans – a également eu des incidences sur le pilotage du projet, avec des temps d’arrêt dans le processus de prise de décision et une articulation parfois difficile avec le pilotage opérationnel pris en charge par le GIP.

Inversement, des injonctions extérieures au projet peuvent générer une sur-mobilisation ponctuelle, en réponse à des demandes dans le cadre de dispositifs contractuels (CUCS puis Contrat de ville, PSL, etc.) ou de « rappels à l’ordre » de l’Anru.

« La GUP est plutôt inexistante. Il y a eu des pics par moment, notamment suite aux sollicitations de l’Anru. » (Bailleur, Corbeil-Essonnes)

Du point de vue de nombreux acteurs, la GUSP semble constituer un point faible du PRU des Hauts de Chambéry. Une intervention commune entre l’Acsé et l’Anru a été engagée en 2011 et 2012, afin de sensibiliser davantage les acteurs du projet à la problématique, et d’anticiper la suite de la convention.

Enfin, les évolutions positives ou négatives de l’implication des partenaires peut provenir de la fluctuation de leurs moyens financiers, en particulier lorsqu’il s’agit d’acteurs importants comme les villes et les bailleurs. Les baisses à venir en matière de dotations aux collectivités territoriales (moins 11 milliards d’euros environ sur la période 2015-2017)121, aussi bien que la diminution des aides à la pierre destinées aux organismes d’HLM122, laissent d’ailleurs craindre un moindre investissement des acteurs dans les démarches de GUP.

Les difficultés financières des bailleurs sociaux concernés par le PRU, en premier lieu Bourges Habitat, ont constitué un frein important au maintien d’une relation de proximité de qualité avec les locataires des quartiers Nord et à la prise en compte de leurs réclamations en matière de gestion urbaine, malgré la présence d’une agence à la Chancellerie. « La GUP était une priorité du projet initial, mais elle est passée au second plan, face à l’enjeu que constituait la survie de Bourges Habitat. On a fait énormément dans le béton, maintenant il faudrait faire un peu dans l’humain. Mais, depuis deux ans, ça n’est pas la priorité. Le discours de la mairie est le suivant : « on s’occupera de la qualité de service quand on sera sûr d’assurer les fins de mois. » Le premier enjeu aujourd’hui c’est de remettre la structure à flot » (Bailleur, Bourges). Ainsi, les gardiens sont en nombre insuffisant sur les deux quartiers, et ils manquent de moyens et de compétences pour assurer leurs missions d’entretien et une fonction de contrôle social. « Vers la rue Picasso, par exemple, ils ont mis beaucoup de massifs de plantes vivaces et des haies trop hautes. On n’a pas les moyens de les entretenir, donc ils finissent en gazons. » (Ville, Corbeil-Essonnes)

4. In fine, une intégration limitée du dispositif de Gestion Urbaine de Proximité dans les missions classiques des partenaires

En fin de PRU, on constate une diminution importante des efforts en matière de GUP dans la quasi-totalité des sites étudiés. Si cette tendance apparaît dans une certaine mesure logique, en raison de la

121 Cf. Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, sur le plan de 50 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques entre 2015 et 2017, à Paris le 16 avril 2014 : http://discours.vie-publique.fr/notices/143000851.html. 122 http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021378697639-les-hlm-face-au-spectre-du-desengagement-de-letat-1162553.php, consulté le 26 octobre 2015.

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moindre présence de plusieurs enjeux (gestion des travaux, conception des aménagements avec les habitants, installation de nouveaux modes de collecte, etc.), elle révèle aussi une réelle incapacité de la GUP à être perçue comme une intervention « de droit commun », qui soit davantage qu’un épisode temporellement circonscrit dans la vie d’un quartier. Cette évolution est d’abord liée à la non pérennité de certains postes dédiés à la GUP. Le poste de chargée de mission GUP a ainsi été supprimé à Montauban, l’équipe du « Point info » a été resserrée à Lorient (passant de six à deux agents), et le nombre d’agents de développement local a diminué à Chambéry. Quant à Corbeil-Essonnes ou à Bourges, comme nous l’avons déjà évoqué, le référent GUP du GIP n’a pas été remplacé, avec des répercussions non négligeables : rupture dans l’animation et le suivi de la démarche, frein à la coordination des interventions en matière de GUP, etc.

L’adulte-relais de Montauban Services en charge de l’accueil des habitants a contribué à la mise en œuvre de chartes de civilité signées par ces derniers, en lien avec le bailleur Tarn-et-Garonne Habitat. L’objectif était de sensibiliser la population au respect des voisins, à l’utilisation des lieux communs, à la gestion des déchets (utilisation des containers enterrés), etc. Les acteurs locaux insistent sur la grande qualité de ce dispositif, centré autour d’une personne parfaitement intégrée au quartier, parlant plusieurs langues, connaissant bien tous les habitants, et capable de régler les petites difficultés très rapidement. Le dispositif n’étant plus financé depuis la fin du PRU, l’adulte-relais a réintégré la Régie de Quartier Montauban Services.

« Après 2009, il y a eu un problème au niveau des services : l’équipe n’a pas été renouvelée tout de suite, le directeur et l’agent de développement GUP sont partis. Il y a eu un temps de latence qui a brisé la dynamique partenariale. » (Communauté d’agglomération Seine-Essonne)

Le fort essoufflement, l’alternance entre périodes de « veille » et moments de « reprise », voire la fin du fonctionnement des instances de pilotage en fin de PRU, constituent aussi un signal négatif en ce qui concerne la continuité des démarches de GUP, d’autant plus que ces atermoiements sont parfois plus fortuits ou conjoncturels que réellement souhaités, ou alors ne font l’objet d’aucune explication. Les acteurs ont alors l’impression que l’intervention en la matière prend fin avec la clôture du projet, ce qui contrevient fortement à la vocation de la GUP dans les quartiers en rénovation, avec une dimension presque irréversible de ces ruptures en raison des difficultés de remobilisation de chacun.

Aujourd’hui, il n’existe plus d’instances partenariales dédiées à la GUP à Cergy, en raison du départ des professionnels (Ville, aménageur) qui les animaient auparavant : « la GUP ne vit plus depuis 2010 ; les réunions mensuelles avec la Ville, l’aménageur, les assistantes sociales, les représentants de la police municipale (et parfois les représentants d‘habitants) ne marchaient pas bien. Certaines personnes sont parties, elles étaient dynamiques. Et personne n’a pris le relais » (Bailleur, Cergy). A Woippy, un Comité technique rassemblant toutes les 6 semaines l’équipe de l’ORU, les bailleurs, les services de Metz Métropole a fonctionné jusqu’en 2013 puis a été mis en veille dans le contexte des élections municipales. Relancé entre juillet 2014 et janvier 2015, il est aujourd’hui de nouveau en « stand-by », la charge de travail de la Directrice de l’ORU dans le cadre de la rédaction du Contrat de ville étant trop importante pour assurer l’organisation et l’animation du Comité technique GUP.

Enfin, il arrive que certaines actions partenariales ne soient pas poursuivies, sans réel motif bien identifié, alors que leur intérêt demeure, ou que les outils spécifiques de type tableaux de bord ou fiches-navettes, ne soient plus utilisés au-delà de la période des travaux.

A Chambéry, des groupes se réunissaient à fréquence variable, généralement en fonction du besoin, pour traiter les problèmes liés aux cages d’escalier, mais ils ont été progressivement abandonnés.

En définitive, on constate sur la plupart des sites – avec certes une intensité variable – des difficultés à passer d’une logique d’encadrement des travaux à une logique de gestion du quartier. Les démarches GUP ont ainsi tendance à être circonscrites à la mise en œuvre du PRU.

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« La GUP est vue comme un détail. Les acteurs ont du mal à se mobiliser sur le sujet » (Bailleur, Chambéry).

« Notre souci aujourd’hui, c’est de pérenniser notre investissement. Il y a un vrai travail à faire avec la Ville pour mettre en place un vrai entretien de ce qui a été fait. La Ville a consenti de lourds investissements, avec 3 quartiers en PRU, mais si de notre côté il y a un sur-entretien, il y aura des charges supplémentaires. (...) On ne pourra pas réinvestir les mêmes sommes dans 5 ans car tout sera à refaire. » (Bailleur, Corbeil-Essonnes)

Il arrive toutefois, dans de rares cas, comme à Montauban, que l’expérience issue du PRU soit mise à profit pour constituer le socle d’une démarche GUP poursuivie à plus grande échelle (autres quartiers, voire ville entière), avec des répercussions positives.

A partir de 2009 la ville de Montauban a mis en place sur l’ensemble du territoire communal des chartes de GUP aménagement pour tout nouveau projet comprenant de l’habitat social : la démarche consiste à identifier les dysfonctionnements potentiels, les domanialités à l’instant T et leur évolution souhaitable (rétrocessions éventuelles), et à mettre en œuvre des actions en présence des services de la ville et du bailleur. Chaque charte aborde les thématiques suivantes : voirie, dépendances, réseaux ; eau et assainissement ; espaces verts ; déchets ; eaux pluviales ; urbanisme. Cette démarche a concerné certaines opérations des quartiers Est en 2014 (67 logements des Jardins d’Occitanie).

E. Des difficultés pour les acteurs et les habitants à relier les intentions aux résultats et à mesurer et objectiver les effets

En raison d’un manque de données objectives (indicateurs, plans d’actions, etc.) en matière de GUP, l’évaluation des différentes démarches mises en œuvre dans les sites s’avère complexe. Confrontés à un bouleversement important de leur environnement spatial, les acteurs locaux, comme les habitants, peinent à se départir d’une logique d’appréciation impressionniste et globalisante, se traduisant par des commentaires sur l’aspect du quartier dans son ensemble, l’ambiance générale, un ressenti spontané, etc. Difficulté supplémentaire, les effets d’un certain nombre d’actions mises en œuvre dans le cadre de la GUP apparaissent difficiles à mesurer (civisme, lien social, travaux sur la mémoire du quartier, etc.).

1. Une difficulté à sortir de constats circonscrits pour évaluer globalement l’action menée sur l’ensemble du site et la réajuster le cas échéant

Pour les acteurs comme pour les habitants, les démarches de gestion urbaine déployées dans le cadre d’un PRU restent, dans leur ensemble, difficiles à évaluer. En effet, dans la mesure où leur champ d’intervention est large et qu’une pluralité d’acteurs est impliquée, il n’est pas aisé d’isoler les différentes actions les unes des autres, d’identifier très précisément leur rapport au PRU, et d’en tirer un enseignement global applicable à l’ensemble de la stratégie de GUP, pour la réajuster le cas échéant. En effet, l’amélioration de l’entretien d’un quartier est souvent liée : aux efforts conjugués des villes et bailleurs pour augmenter la réactivité de leurs interventions, à l’instauration de solutions techniques (containers enterrés, par exemple), aux actions de sensibilisation des habitants souvent menées par les agglomérations autour des comportements citoyens et éco-responsables, etc. Les acteurs sont ainsi dans l’incapacité d’identifier précisément le poids de leur intervention dans l’amélioration globale du cadre de vie. D’autant qu’ils repèrent aussi des facteurs « hors GUP » susceptibles d’y avoir contribué : arrivée de nouveaux habitants mixant les populations, travail mené par les équipements de proximité (tels les centres sociaux) pour investir et animer les espaces publics, etc. Pour certaines actions cependant, les professionnels parviennent à faire clairement un lien entre des interventions et des résultats. Il s’agit surtout d’actions dont les effets sont visibles sur l’espace public (comme la gestion des déchets et des encombrants) et donc tangibles.

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A Hem-Lys-Roubaix, de l’avis général des acteurs locaux, le PRU a permis une nette amélioration de la propreté générale du quartier, grâce à une action forte et coordonnée en matière de gestion des résidus, associant les trois communes, Lille Métropole et les bailleurs sociaux. Sur ce point, les acteurs de terrain indiquent que les dépôts sauvages d’ordures et d’encombrants ont quasiment disparu du quartier, et que les habitants respectent davantage les espaces publics et les espaces verts de leur quartier.

Au Havre, le constat est similaire, et le résultat facilement relié à une (des) intervention(s) qui en est (sont) à l’origine. Ainsi, il y a moins de jets de détritus par les fenêtres, moins de problèmes avec la propreté et les encombrants, grâce notamment à l’effort important fourni par la ville pour enlever les épaves en moins de 48 heures, et à la multiplication des containers enterrés.

Installation de containers enterrés

La délimitation fine d’une problématique permet ainsi de suivre son évolution, du diagnostic à la stratégie mise en œuvre pour la résoudre, en passant par les moyens utilisés et les résultats qu’ils ont permis d’atteindre.

A Montauban, les aménagements paysagers et le mobilier urbain ont fait l’objet d’une étude en profondeur de la part de la société publique locale d’aménagement (SPLA) Montauban Trois Rivières Aménagement, afin de privilégier des essences et matériaux robustes et pérennes. Une coulée verte naturelle très qualifiante a ainsi remplacé, à partir de 2009, un chemin de terre sauvage, mal entretenu, où se regroupaient des populations difficiles. La vigilance sur la gestion de ces espaces a été d’emblée très importante. La coulée verte étant également un bassin de rétention, il est impératif que l’ouvrage soit bien entretenu. L’arrosage automatique a été installé partout. Dès la fin de leur conception, ils ont été transférés aux services techniques, évitant ainsi la période de latence qui résulte parfois d’une prise en charge intermédiaire par un prestataire. L’éclairage public a été considérablement amélioré : « comme il s’agissait d’un défaut du quartier, on a voulu beaucoup éclairer, presque trop. La nuit, on a l’impression qu’il fait jour, tellement c’est éclairé. Mais on voulait vraiment qu’il n’y ait plus de zone d’ombre » (SEM, Montauban).

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Des espaces verts qualifiants et bien entretenus

Cette lisibilité et cette possibilité de tenir un discours logique et structuré ne se retrouve toutefois jamais, à notre connaissance, à l’échelle de la démarche globale de GUP.

2. L’absence d’indicateurs pour évaluer les dispositifs de la Gestion Urbaine de Proximité Ces difficultés s’expliquent en premier lieu par la portée insuffisante des outils de suivi et indicateurs utilisés dans le cadre de la GUP. Dans de nombreux sites, les actions mises en œuvre n’ont ainsi fait l’objet d’aucun suivi ni d’aucune évaluation, et plusieurs enjeux pourtant identifiés – de manière informelle ou non – restent prégnants. Ce constat est particulièrement vrai en ce qui concerne les dispositifs « sociaux » de la GUP (chartes de civilité et de bon voisinage, animation, actions de médiation, etc.) pour lesquels la mesure des bénéfices s’avère complexe. C’est pourquoi les dysfonctionnements liés à la gestion urbaine de proximité sont souvent le fruit de difficultés qui n’avaient pas été anticipées par les acteurs, et qui sont dès lors pris en compte au gré de l’avancement du projet plutôt que dans le cadre d’une démarche évaluative véritablement pensée et structurée.

« Dans le projet de rénovation urbaine, on n’avait pas prévu de bornes de collecte, c’est-à-dire d’abris pour les containers. Pendant les travaux, les gardiens devaient donc les déplacer sur une plus grande distance, et les poubelles restaient souvent dehors toute la nuit, augmentant le risque d’incendie et d’utilisation des containers comme projectile contre la police par exemple. Nous avons donc réorganisé la collecte, en négociant de nouveaux horaires de ramassage avec le prestataire, et amélioré la coordination entre les gardiens et les services de la Ville, de façon à ce qu’ils sortent les poubelles juste avant le passage des camions. » (CA Seine-Essonne)

Cette impression d’ajustement « au fil de l’eau » est caractéristique des démarches de GUP observées dans le cadre des PRU de l’étude.

3. Une amélioration importante de l’aspect général des quartiers, dont l’objectivation demeure complexe

Il faut souligner qu’il existe un effet « aveuglant » des opérations de rénovation urbaine sur la capacité des acteurs et des habitants à apprécier les réalisations – ou les manques – en matière de GUP. De fait, les reconstructions ou réhabilitations améliorent parfois si profondément le paysage urbain que les enjeux de gestion deviennent en comparaison anecdotiques, d’où, souvent, des analyses très générales, peu circonstanciées, et qui qualifient les améliorations de manière imprécise, sans s’appuyer sur des données très objectives.

« La rénovation urbaine nous aide. Moi, si demain on me réhabilite le bâtiment à Velette, ça va nous aider en termes de gestion. Car la réhabilitation permet aux gens de se dire : « enfin, on s'occupe de chez moi ! » » (Bailleur, Rillieux-la-Pape)

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Les acteurs de Woippy soulignent que les aménagements urbains réalisés ont facilité la gestion de certains espaces en contribuant à une amélioration de leur accessibilité mais aussi à leur valorisation et de facto à une certaine transformation des usages : « avec la rénovation urbaine, des barres ont été détruites, des tas d’endroits ré-ouverts, des balises ont été mises pour empêcher les voitures de pénétrer… Ça a amélioré les choses en permettant d’aller, d’accéder partout. Au niveau de Pré-Trompette sur St Eloy, les gens passaient auparavant sur la pelouse pour accéder à leurs entrées et déposer leurs courses devant chez eux. Des parkings ont été créés, et ça a permis d’arrêter ce phénomène anarchique. Et puis mettre des espaces verts devant les bâtiments, des espaces propres, a permis de réduire considérablement les jets d’ordure par les fenêtres » (Direction GUP) ; « il y a un changement global d’attitude des gens par rapport à leur environnement. On le voit, car tous les travaux faits dans le cadre de la résidentialisation n’ont pas été abîmés » (Bailleur, Woippy).

Même quand ils insistent sur la nécessité de décorréler les actions liées à la GUP des opérations de rénovation, les acteurs peinent à ancrer leur analyse dans un cadre évaluatif fin.

A Rillieux, du point de vue des acteurs locaux, la démarche de GSUP s’est structurée indépendamment des opérations sur le bâti, en lien avec le retard pris par les travaux mais aussi avec la conviction que l’amélioration de la gestion est nécessaire de manière globale, et pas uniquement sur les espaces rénovés : « ce n’est pas parce que les logements sont tout neufs et tout beaux que ça change quelque chose. C’est plutôt notre action qui a des résultats et porte ses fruits, même si la rénovation du patrimoine est un plus » (Bailleur, Rillieux-la-Pape).

Cette amélioration générale spectaculaire des quartiers découlant directement de la rénovation urbaine a par conséquent des répercussions différentes sur l’analyse à une échelle plus locale, en ayant à la fois tendance à masquer certains éléments et à accorder une attention manifestement excessive à d’autres. On assiste ainsi à :

- Une euphémisation voire une négation des problèmes restants, repérés mais considérés comme des problèmes désormais à la marge : lorsque certaines dégradations dans des zones rénovées sont pointées du doigt, les acteurs professionnels et les habitants en minimisent la gravité au regard des améliorations globales et du chemin parcouru ;

- Une invisibilisation de certains dysfonctionnements, qui ne sont même pas repérés (barrières cassées, tags, etc.) tant le paysage global s’est amélioré ;

- A l’inverse, une sensibilité accrue et une tendance des acteurs et habitants à sur-réagir au

moindre problème de propreté, avec une forme de crainte d’un retour en arrière et d’une perte des « acquis du PRU » : « maintenant, les gens se plaignent dès qu’ils trouvent que leurs rues sont un peu sales, ou qu’ils pensent qu’on les nettoie moins que dans d’autres quartiers » (Association, Woippy).

Dans tous les cas, l’objectivation des effets des PRU en matière de GUP s’avère complexe. A ce titre, les acteurs interrogés dans le cadre de l’étude concèdent qu’il est difficile d’associer les actions mises en œuvre dans le cadre de la GUP a un résultat précis, d’autant plus dans la mesure où les contours de cette dernière ne sont pas aisément identifiables. Pour les professionnels, la difficulté est d’autant plus grande que les améliorations produites peuvent dans le même temps avoir des effets « contre-productifs » pour eux-mêmes. Dans ce contexte, l’amélioration globale du cadre de vie existe certes, mais se fait quasiment à leurs dépens :

« On est beaucoup intervenu sur le foncier de la Ville, mais ça nous a desservi : les locataires n’identifient pas les responsabilités selon les espaces, et ils nous imputent tout. » (Bailleur, Corbeil-Essonnes)

De la même façon, les professionnels éprouvent des difficultés à mettre en avant les effets positifs de la GUP, dans la mesure où certains identifient avant tout cette démarche comme étant génératrice de

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coûts pour leur structure. En effet, comme cela a déjà été évoqué, la GUP a souvent été à l’origine d’une réorganisation interne voire du déploiement de nouveaux moyens dédiés à la démarche, tant humains que financiers. Or ce coût − souvent jugé conséquent sans pourtant être précisément calculé ou mesuré − n’est pas, aux yeux des acteurs locaux, compensé par un « retour sur investissement ». Dans ce contexte, certains professionnels ont le sentiment que la GUP représente pour eux un coût supérieur aux gains. Ce qui peut tendre à amoindrir, dans leurs discours, le poids des effets pourtant positifs produits par la GUP sur les quartiers et leurs habitants.

4. Pour les habitants, des enjeux de gestion qui passent après d’autres problématiques Les habitants des sites étudiés reconnaissent unanimement la plus-value des opérations de rénovation sur l’aspect général de leurs quartiers.

« Le quartier est beau maintenant. Le parc est magnifique. Ça a été très bien fait. C’est plus propre, plus accueillant. On a tout. » (Habitante de Kervénanec à Lorient depuis 1990) « Le quartier a été bien rénové. Avant la place de la Mare Rouge était grande et toute moche. Une partie des « Métalliques » a été démolie. » (Habitante de la Mare Rouge au Havre depuis 1987) « Le quartier était divisé en deux. Les Combes d’un côté, correspondant aux débuts de l’urbanisation. L’avenue d’Annecy de l’autre, avec des grandes barres. On avait l’impression d’être enfermés dans un ghetto. Il y avait peu de communication entre ces deux parties. Les ouvertures ont agrandi l’espace, créé des liens entre les deux quartiers. Des gens qui étaient partis cherchent à revenir. » (Habitante des Hauts de Chambéry depuis 1969)

Néanmoins, les questions de GUP ne font que rarement l’objet d’un discours spontané. Lorsqu’elles sont évoquées, elles apparaissent à la fois limitées et très ponctuelles. Au contraire, les préoccupations des habitants s’orientent plutôt vers d’autres thématiques, comme :

- L’animation sociale ; « Il faudrait que les gens comprennent mieux le vivre ensemble. Chacun reste un peu dans son coin. C’est toujours les mêmes qui viennent aux animations. Il y en a qui ne bougent pas, y compris en réunion d’immeubles. » (Habitante de Kervénanec depuis 1990)

- La sécurité ; « Les points faibles sont toujours les mêmes, et s’aggravent. Je pense à la délinquance et à l’insécurité, que la rénovation urbaine n’a pas fait baisser. Il n’y a pas vraiment d’agression ici, mais les petites mamies n’osent plus sortir. C’est plus un sentiment ou des incivilités que de la violence : des agressions verbales, du trafic… On ne peut rien leur dire ! » (Habitante des Hauts de Chambéry depuis 1985)

- Ou la présence humaine et les actions de proximité dans les quartiers.

« Je trouve que la présence des services publics a diminué. Avant, il y avait des associations, maintenant presque plus. Il y avait aussi des entreprises, de peinture notamment. Ça s’est vidé. » (Habitante de la Mare Rouge au Havre depuis 1995)

Dès lors, comme dans le cas des professionnels, les améliorations perçues par les habitants en termes de gestion portent essentiellement sur le traitement des déchets et les encombrants. La propreté des quartiers constitue ainsi l’avancée la plus directement détectable sur l’ensemble des sites enquêtés.

« Il y a du mieux avec les containers enterrés, et les encombrants sont régulièrement ramassés. Avant, il y avait des déchets partout. Il y a moins de tags, aussi. On a le sentiment que les services de la ville sont plus présents. » (Habitante des Hauts de Chambéry depuis 1997)

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« Sur la propreté, ça a beaucoup évolué. On constate un vrai changement d’image, grâce à la collecte notamment. C’est vraiment le jour et la nuit. Il n’y a plus de containers sur la voie publique, des abris ayant été installés dans le cadre de la résidentialisation, en lien avec l’agglomération ; des points d’eau ont été installés pour l’entretien. » (Bailleur, Corbeil-Essonnes)

« Les containers enterrés sont une bonne chose : on n’a plus besoin de gérer des containers qui sentaient mauvais et prenaient feu. » (Bailleur, Montauban) « Il y a une amélioration sensible dans le quartier relative à la gestion des déchets. Il y a beaucoup moins de jets de sacs poubelles. » (Association, Hem)

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Conclusion de la troisième partie Au terme de notre analyse, il apparaît clairement que les démarches de Gestion Urbaine de Proximité de notre échantillon d’enquête ont été « catalysées » par les Projets de Rénovation Urbaine auxquels elles étaient adossées. En effet, nous constatons que dans la majorité des cas :

- Avant le démarrage du PRU, les interventions en matière de GUP sont balbutiantes, car elles ne constituent pas des axes structurants de réflexion pour les acteurs locaux ;

- Après la finalisation du PRU, leur ampleur diminue, car de nombreuses actions n’ont plus lieu d’être (accompagnement des chantiers), celles qui étaient prévues dans les conventions GUP ont été réalisées, ou les moyens humains et financiers diminuent, conduisant à un essoufflement naturel de la démarche.

La difficulté en matière de GUP réside dans le fait que les résultats d’une telle démarche s’évaluent certes au regard des actions menées et des moyens déployés, mais qu’ils doivent aussi et surtout être remis en perspective par rapport à la situation de départ et des caractéristiques socio-urbaines propres aux quartiers, qui comme nous l’avons vu, affectent en partie les efforts indispensables à une gestion réussie. En soi, une certaine forme de désinvestissement de la GUP ne constitue pas un problème. L’enjeu est davantage de savoir dans quelle mesure il résulte d’une stratégie pensée, ou d’un désengagement qui peut alors s’avérer problématique, au regard de la pérennité des aménagements réalisés123. En effet, la GUP renvoie à une multiplicité d’actions pouvant paraître, appréhendées individuellement, d’ampleur limitée. L’intégration de ces actions en une démarche générale est toutefois primordiale, dans la mesure où elles prennent ainsi tout leur sens. Dès lors, un éventuel repli des actions menées dans le champ de la GUP, perçu comme faiblement conséquent à l’échelle d’un seul acteur, fait courir un risque notable à l’échelle du quartier, en affectant l’édifice de gestion globale. Alors que la sortie de PRU constitue un moment critique, pouvant générer une forme de relâchement après une période longue et consommatrice d’énergie, il importe donc de maintenir un lien entre les différents partenaires, à travers des ressources susceptibles de coordonner les interventions et d’animer le dialogue. Sur le terrain, on constate en effet que l’intégration de la GUP dans le droit commun n’apparaît pas satisfaisante. La disparition des coordonnateurs GUP, ou de certains postes facilitant les échanges entre acteurs (adulte-relais, etc.), dans des sites où la démarche est déjà fragile et où la banalisation est souvent assimilée au retrait, provoque incontestablement une baisse de la qualité de gestion urbaine. La présence d’équipes de proximité, même réduites par rapport à la période sous PRU, constitue ainsi un gage de réussite. A ce titre, les évolutions constatées du côté de nombreux bailleurs sociaux, dont les modalités de présence dans les quartiers se diversifient pour s’adapter au mieux aux réalités locales, sont susceptibles d’incarner une tendance positive. Cet aspect paraît d’autant plus indispensable que la fin des opérations de rénovation ne signifie aucunement la disparition des dysfonctionnements, qui nécessitent au contraire une constante adaptation, et ce à un double niveau : dans le temps, du fait de nouvelles pratiques sociales qui prennent corps ; mais aussi dans l’espace, en raison de la persistance de niveaux d’intervention urbaine hétérogènes. Nous avons vu que dans cette perspective, la participation des habitants aux différents pans de la démarche GUP constitue un facteur décisif de son acceptation. Or, il est difficile de mobiliser ces derniers quand leurs préoccupations quotidiennes en matière de gestion et d’entretien

123 Cf. Michel Bonetti, « Chronique de la dégradation annoncée des opérations de rénovation urbain liée au déficit de gestion urbaine », CSTB, avril 2007 ; Le Progrès, « Le premier immeuble de la rénovation urbaine doit déjà être rénové », 5 septembre 2015).

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des espaces ne sont pas suffisamment prises en compte, comme c’est encore le cas dans de nombreux sites. Ce dernier aspect renvoie, de manière sous-jacente, à la question du périmètre le plus adéquat pour une démarche GUP. L’enquête nous a permis de constater que de manière générale, les sites ayant adopté une démarche élargie l’ont fait de manière progressive, s’assurant dans un premier temps de l’efficacité des actions liées à la propreté urbaine (propreté des immeubles et des espaces urbains, enlèvement des ordures, etc.), et élargissant leur palette d’intervention dans un second temps. A ce titre, se concentrer sur les aspects techniques et organisationnels de la démarche GUP, notamment pour garantir l’adhésion des habitants, constitue à notre sens un préalable indispensable à une intervention réussie.

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Quatrième Partie Un impact indéniable de la requalification urbaine sur l’ambiance des quartiers, mais des difficultés à mesurer et valoriser les effets propres aux PRU en termes de baisse des incivilités et du sentiment d’insécurité

La loi du 1er août 2003 de programmation pour la ville et la rénovation urbaine n’attribuait pas explicitement au PNRU un objectif de réduction de la délinquance. Sa visée première était de permettre une évolution des caractéristiques urbaines et sociales des quartiers Anru de manière à en faire « des espaces urbains ordinaires », en intervenant sur la diversité des fonctions et des types d’habitat, la configuration urbaine et architecturale, la qualité urbaine et la mixité sociale. La réduction de l’insécurité dans ces quartiers apparaît néanmoins comme un enjeu transversal sous-jacent du programme de rénovation urbaine. Celui-ci devait en effet permettre de transformer en profondeur l’image « insécurisante » et d’améliorer l’attractivité globale de ces quartiers marqués par une insécurité réelle et ressentie, en faisant évoluer les représentations négatives alimentées par les préjugés sur les « jeunes » et les grands ensembles, et en agissant en faveur de la réduction du sentiment d’insécurité exprimé par les habitants. Les crédits Anru ont en outre été renforcés suite aux émeutes de novembre 2005, qui ont marqué une résurgence des questions de sécurité et renforcé le stigmate de ces « quartiers relégués », considérés comme des zones de non-droit. Dans quelle mesure la question de la tranquillité a-t-elle été prise en compte dans les réaménagements urbains opérés dans le cadre du PNRU ? Quels acteurs ont été associés au traitement de cette problématique, en amont et pendant la mise en œuvre des projets ? Quels moyens et quelles mesures concrètes ont été déployés ? Avec quel résultat ? Cette partie présente une analyse transversale des investigations conduites sur dix sites afin de répondre à ces questions, avec pour objectif de proposer une évaluation – illustrée de nombreux exemples – de l’impact de la rénovation urbaine sur la délinquance et l’insécurité dans les quartiers. Rares sont les porteurs locaux de projets à avoir affiché la lutte contre l’insécurité et la délinquance comme un élément structurant du PRU, et à avoir élaboré un plan d’actions permettant d’intervenir sur les lieux et pratiques déviantes, pourtant connus des professionnels de terrain. A l’exception des sites où ces questions étaient particulièrement prégnantes avant la rénovation urbaine, les acteurs locaux de la sécurité et de la prévention ont été très faiblement associés aux PRU. Enfin, si les impacts de la rénovation urbaine sur l’insécurité sont globalement jugés très positifs par les professionnels de terrain comme par les habitants, leur évaluation se heurte sur le terrain à la rareté des données et au caractère mouvant des phénomènes d’insécurité. L’étude a néanmoins permis d’identifier une série de problèmes préexistants en matière de sécurité qui restent pénalisants, ainsi que des dysfonctionnements générés par les projets eux-mêmes.

A. Une objectivation des problèmes pas toujours posée a priori En premier lieu, l’analyse des conventions de PRU et des discours des acteurs locaux révèle une faible objectivation des problèmes liés aux questions de sûreté avant l’élaboration des projets et leur mise en œuvre. En l’absence de diagnostic formalisé, la majorité des acteurs tend à relativiser la gravité des difficultés relatives à la sécurité publique, et la problématique de la tranquillité publique est absente de la majorité des conventions de PRU analysées. Dès lors, si les professionnels de terrain sont aujourd’hui en mesure d’identifier les « points noirs » et configurations urbaines qui posaient problème dans les quartiers avant la rénovation urbaine, ces diagnostics établis a posteriori apparaissent globalement « déconnectés » des enjeux et intentions des PRU.

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1. Une euphémisation voire une banalisation des problèmes liés à la sûreté La majorité des acteurs rencontrés affirme que les problèmes de sécurité observables dans les quartiers avant la rénovation urbaine sont à la fois « classiques » – au regard de ce qui peut s’observer, à leur connaissance, dans d’autres quartiers d’habitat social en France, et notamment ceux de leur agglomération de référence – et sans réelle gravité, comparativement à la situation de quartiers très négativement connotés et fortement médiatisés (tels ceux de la Saine-Saint-Denis) :

« La réputation du quartier était très difficile. Mais il y a des bruits qui se sont amplifiés. Il n’y avait pas plus de problèmes qu’ailleurs… même si ça s’était dégradé » (Bailleur, Cergy) « Ce n’est pas vraiment un quartier où il y a de gros problèmes. C’est les gens de l’extérieur qui ont peur. Mais il n’y a pas de gros souci comme dans le 93, vous voyez… Quand les familles arrivent ici, elles ne rencontrent pas de problèmes particuliers (…) Il y a quand même des éducateurs spécialisés car il y a des problèmes de toxicomanie et de deal. Mais ils sont repérés, tout le monde les connaît : avant ils étaient sur la place, maintenant c’est dans les entrées des immeubles, à proximité de la maison de quartier. C’est leur fief. Les habitants du quartier connaissent et identifient les gens qui trafiquent, de même que la police » (Equipement de proximité, Woippy)

Ce discours qui tend à euphémiser voire à banaliser les comportements incivils et délinquants est repris par de nombreux habitants, en particulier les plus anciennement installés dans les quartiers. Lorsqu’ils sont évoqués, les enjeux de sécurité sont immédiatement relativisés, comme pour nier l’existence de problèmes spécifiques avant l’arrivée du PRU :

« L’image du quartier n’est pas bonne. Dans la presse, c’est souvent négatif. Mais on n’est pas non plus en banlieue parisienne. Ça fait presque partie de la vie, tant que ça ne déborde pas. Il faut que ça reste paisible. C’est le cas. » (Habitante du quartier depuis 2011, Lorient)

« Je ne me suis jamais sentie en insécurité. C’est sûr que des voitures brûlent et que ça peut être embêtant, mais même quand je rentrais tard et que des bandes traînaient, je n’ai jamais eu peur. Il m’est arrivé de descendre à 3 heures du matin pour dire des choses, ça s’est toujours bien passé. » (Habitante du quartier depuis 1987, Chambéry)

Du côté des professionnels, l’euphémisation se traduit par une tendance à ramener les difficultés relatives à la sécurité publique à des problèmes de gestion des quartiers :

• Les problèmes de sécurité et de tranquillité publique sont surtout présentés comme des problèmes produits, ou en tous cas aggravés, par les dysfonctionnements de la gestion urbaine (espaces mal entretenus, peu investis et dépréciés, manque de lieux de convivialité, tensions autour de l’appropriation de certains espaces publics et privés) ; ils nourrissent un sentiment d’abandon par les villes et les bailleurs voire de déclassement social des habitants, selon un processus de dévalorisation de leur quartier et d’eux-mêmes ; les acteurs locaux se font ainsi l’écho de la théorie de la vitre brisée, développée par Kelling et Coles ;

« Aux Alagniers (…) les gardiens d’immeubles se plaignent que les gens ne respectent plus rien. C’est sale, pas entretenu, ça ne donne pas envie d’y vivre, c’est sûr. Je ne vois pas de choses positives. Il y a des problématiques criantes et visibles (…) Il y a du squat, on suppose qu’il y a du deal aussi » (Centre social, Rillieux-la-Pape)

• Ils sont par ailleurs abordés comme étant des facteurs de dévalorisation de la qualité urbaine et

l’image du quartier, du fait des nuisances et dégradations qu’ils génèrent ; les professionnels soulignent qu’ils ont une incidence sur les conditions et des moyens d’intervention des bailleurs et des villes, la visibilité et la pérennité des efforts de gestion, et la capacité des habitants à s’approprier positivement leur quartier et à respecter les règles de vie sociales.

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« 3 ou 4 entreprises d’électricité interviennent quotidiennement et passent tous les jours à l’agence. Il y a beaucoup de petites réparations, car tous les jours des ampoules sont cassées. Beaucoup de halls sont volontairement mis dans le noir » (Bailleur, Rillieux-la-Pape)

En dehors des trois quartiers où les difficultés de sécurité avaient pris, en amont de la rénovation urbaine, une ampleur tout à fait considérable (Le Havre, Montauban, Corbeil-Essonnes), les acteurs locaux ne mettent pas en avant la question de la tranquillité publique lorsqu’ils sont interrogés sur les intentions initiales du PRU. Dans la mesure où la constitution d’un volet « tranquillité » au sein des conventions GUP n’avait rien d’obligatoire, cette problématique a rarement été intégrée aux projets de rénovation urbaine, ou bien de manière relativement restrictive, les conventions renvoyant le plus souvent aux actions de médiation déjà existantes ou mêlant indistinctement les questions de délinquance et de sécurité routière. Les problématiques de tranquillité publique apparaissent dès lors « fondues » dans une démarche plus large en matière de GUP.

2. Une absence quasi générale de diagnostic formalisé

a) L’absence d’obligation légale de formaliser un diagnostic en matière de sécurité dans les opérations de rénovation urbaine

La faible objectivation des problèmes de sécurité tient également au fait que la tranquillité publique ne constitue pas une entrée à part entière des projets de rénovation urbaine. La diminution de la délinquance n’était pas un objectif formel du PNRU : la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 ne comprenait aucune obligation en matière de sécurité pour les projets de rénovation urbaine. En effet, si le principe des études de sûreté et de sécurité publique a été institué dès 1995, cette obligation ne s’applique aux opérations d’aménagement (et pas spécifiquement aux PRU) que depuis 2010, et concerne uniquement les opérations comportant la démolition d’au moins 500 logements. Sur la majorité des sites enquêtés, aucun diagnostic formel n’a donc été établi dans le champ de la sécurité publique avant le lancement du projet de rénovation urbaine, qu’il s’agisse de diagnostics institutionnels et quantitatifs, ou de diagnostics spatiaux des usages (par immersion dans le site d’un expert de la prévention situationnelle, l’organisation de ballades urbaines avec les acteurs locaux, un travail spécifique avec les habitants…).

b) Des données datées qui ne permettent pas d’identifier des enjeux propres aux périmètres définis par l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine

Les rares conventions qui présentent des éléments de diagnostic s’appuient principalement sur des données datées. Etablies à l’échelle de la commune, ces données ne permettent pas de mettre en évidence les enjeux propres au périmètre retenu par l’Anru pour la rénovation urbaine.

L’étude la plus récente en matière de sûreté à laquelle il est fait référence dans la convention du PRU de Lorient a été conduite à la fin des années 1990, suite à l’opération de restructuration du quartier. Elle portait uniquement sur le centre commercial, qui souffrait d’un déficit global d’attractivité renforcé par l’occupation – notamment du parking – par des groupes de jeunes. Dans le cadre du Contrat Local de Sécurité, des études de sûreté et tranquillité publique ont été réalisées en 1998, 2008 et 2013, sur l’ensemble de la ville de Woippy. Aucun diagnostic n’a en revanche concerné précisément les périmètres de rénovation urbaine.

Si des diagnostics en marchant (abordant les aspects de tranquillité) ont généralement été organisés sur les sites dans le cadre de l’élaboration des conventions de rénovation urbaine et des chartes GUP, ils n’ont généralement pas été formalisés dans les conventions et ont rarement conduit à l’élaboration d’un plan d’actions précis répondant aux enjeux identifiés comme les plus prégnants. Sur certains sites particulièrement « sensibles » du point de vue de la sécurité, la réalisation de ces diagnostics en

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marchant s’est en outre heurtée à des résistances d’une partie de la population, compliquant le travail d’identification des difficultés et la définition d’actions à mettre en œuvre par les acteurs locaux :

Une série de diagnostics en marchant ont été organisés dans le quartier des Tarterêts, dans les premiers temps du projet de rénovation urbaine. L’un d’eux s’est déroulé la nuit et avait pour objet spécifique les problèmes d’éclairage et de sécurité. Le référent GUSP de l’époque se remémore les difficultés à organiser ces déambulations et à y associer les habitants et les forces de l’ordre, pour permettre un diagnostic précis et partagé des problèmes et enjeux sur le quartier : « On a rapidement organisé les diagnostics en marchant tôt le matin, pour être tranquilles. Au début, on était embêté, surtout lorsqu’il y avait un policier avec nous. On a demandé aux représentants des forces de l’ordre de venir habillés en civil. Les jeunes n’aimaient pas trop les photos non plus. » (CA Seine Essonne)

La problématique de la tranquillité publique est donc globalement absente des conventions de PRU et des chartes GUP124, aussi bien au niveau du diagnostic que des intentions affichées et des objectifs opérationnels mis en avant. Elle est présente uniquement sur de rares sites où les pouvoirs locaux affichent une politique ambitieuse de développement et de renforcement des interventions policières. Mais il s’agit alors d’une intégration de la GUP dans des problématiques plus globales de sécurité et de tranquillité publiques plutôt que d’une prise en compte de la tranquillité dans la démarche GUP :

A Woippy, les questions de tranquillité sont prises en charge par la police municipale, directement rattachée au maire de Woippy. Ce dernier a affirmé, dès le début de son mandat en 2001, une volonté politique forte de réintroduire la police dans les quartiers. Il a ainsi décidé de la création d’une Maison des polices (inaugurée en 2003) face à St Eloy, du triplement des effectifs de la police municipale, de l’équipement des policiers en matériel et véhicules surélevés ainsi qu’en caméras embarquées. A noter également qu’une convention de coordination entre les polices municipales de Woippy et Metz a été signée, dans l’objectif d’une plus grande efficacité des interventions sur le quartier Boileau - Pré Génie. La convention GSUP 2008-2014 positionne d’ailleurs la tranquillité publique comme priorité, et réaffirme la volonté de renforcer le lien avec le CLS.

3. La reconstruction a posteriori d’un diagnostic relativement « déconnecté » des enjeux de la rénovation urbaine

a) Une identification précise et spatialisée des « points noirs » et configurations urbaines problématiques par les professionnels de terrain

Malgré l’absence de diagnostic formalisé des enjeux de sécurité, les acteurs locaux partagent une connaissance empirique des lieux les plus sensibles des quartiers. Sur l’ensemble des sites, les interlocuteurs de la Ville, des bailleurs et des forces de l’ordre sont en mesure de dresser une liste précise et détaillée des « points noirs » du territoire avant le PRU, et d’indiquer le type de pratiques déviantes qui les caractérisaient (incendies de véhicules et de poubelles, rodéos de deux roues et de quads, squat, trafic…)125. Les forces de l’ordre ont une connaissance particulièrement précise des faits de délinquance les plus fréquents, des individus concernés et des lieux les plus problématiques dans les quartiers. Cette expérience du terrain leur permet d’identifier les configurations urbaines susceptibles de générer ou aggraver les phénomènes de délinquance et de compliquer leurs interventions. Il s’agit notamment des aménagements propices aux regroupements et au deal, qui permettent aux trafiquants de : dissimuler leur matériel et les produits de leurs ventes ; guetter l’arrivée des forces de l’ordre ; et leur échapper rapidement (passerelles, impasses, réseaux de caves et parkings souterrains non sécurisés, équipements désaffectés…).

124 Intégrée à la convention Anru, la thématique de la tranquillité publique est cependant explicitement exclue de la charte GUP du PRU de Woippy, et renvoyée à l’action du seul CLSPD. 125 Cf. en annexe le tableau de synthèse des « points noirs » et problématiques de sécurité identifiés avant la rénovation urbaine par les acteurs locaux sur les 10 sites étudiés.

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Les services de police intervenant sur le périmètre du PRU de Woippy témoignent ainsi des pratiques observées avant la rénovation urbaine dans certains secteurs bien identifiés : « Quand je suis arrivé, il y avait 3 ou 4 entrées tenues par des dealers rue Poulmaire, avec les prix marqués sur les portes. Il y avait tellement de gens qui venaient acheter, on était dans le ‘drive’. Les dealers étaient dans une impunité totale, ils n’étaient pas dérangés par notre présence. » En-dehors de la rue Poulmaire, les acteurs locaux identifient de nombreux « points noirs » concentrant les problématiques en matière de tranquillité publique avant la rénovation urbaine : les tours Charcot, la rue du Chapitre, les alentours du foyer Adoma, le secteur des Gravières et l’allée des Roses à St Eloy, le quartier du Roi, et la rue Pierre et Marie Curie dans le quartier Boileau.

Au Havre, les services de police identifient précisément les conceptions architecturales qui sont propices aux pratiques déviantes et aux regroupements et créent ainsi des conditions d’intervention dangereuses pour les agents de terrain : « L’un des problèmes majeurs concernait la configuration urbaine des quartiers, avec une multiplication de recoins, de zones semi fermées constituant de véritables forteresses, de voies en impasses, de lieux permettant aux délinquants de s’échapper facilement. Dans ce contexte, des groupes de 40 à 50 personnes pouvaient se réunir et se livrer à des activités violentes (vols, braquages, etc.). Les forces de l’ordre étaient prises au piège dans des nasses, et faisaient l’objet de jets de projectiles. Des lieux hautement stratégiques, comme la rue de l’Avenir, la rue Casaux, ou la passerelle de Mont Gaillard, concentraient les difficultés les plus aiguës (trafic de drogue) et étaient quasiment des zones de non-droit. »

Cependant, cette connaissance et cette expertise ont rarement été mobilisées dans la mise en œuvre du PRU, par exemple à travers l’association des forces de l’ordre aux phases de diagnostic préalable ou de conception des opérations.

b) Un lien qui n’est pas nécessairement établi entre ces « points noirs » et les intentions du Projet de Rénovation Urbaine

En l’absence de diagnostic formel, les intentions et la programmation des projets de rénovation urbaine apparaissent souvent déconnectées de la connaissance et de l’expertise qu’ont les acteurs de terrain des lieux et configurations les plus problématiques. Lorsqu’un tel diagnostic a été formalisé, le programme des actions prévues dans les conventions PRU et les chartes GUP y fait néanmoins peu référence, le champ de la sécurité / tranquillité étant encore largement conçu comme un champ « à part », ayant une existence autonome. L’analyse des conventions et des chartes signées sur les 10 sites retenus pour cette étude laisse à penser que les acteurs locaux ont avant tout cherché à s’inscrire dans des objectifs fixés par l’Anru pour le PNRU, et finalement décliné des objectifs peu circonstanciés. Les programmations des PRU étudiés présentent en effet de nombreuses similarités, dans la mesure où elles prévoient toutes (à des degrés divers) des opérations de démolition, réhabilitation et résidentialisation, le réaménagement de la trame viaire et la mise en place d’équipements de proximité. Ces modalités d’intervention – déclinées dans les conventions sous des intitulés très ressemblants126 – apparaissant comme autant de « figures obligées » de la rénovation urbaine, comme le notait l’Anru dans une publication de 2013127 : « La rénovation urbaine s’est déployée en mobilisant un ensemble de formes d’action (la démolition, le désenclavement, la restructuration urbaine, la requalification des immeubles et des espaces urbains, la résidentialisation des immeubles, la diversification des formes d’habitat) qui ont été utilisées de manière relativement uniforme dans un très grand nombre de projets, au nom de visées elles aussi énoncées de manière récurrente (l’attractivité, la mixité, la banalisation…). » Sans préciser pour autant les effets attendus de ces opérations dans le contexte spécifique du quartier rénové.

126 Cf. le tableau en annexe recensant les opérations prévues en matière d’habitat et de circulation sur 5 sites, à titre d’exemple. 127 « Des quartiers comme les autres ? La banalisation urbaine des grands ensembles en question », Etude du Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru, La documentation française, 2013.

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B. Une prise en compte des enjeux de tranquillité publique qui passe surtout par des interventions sur le bâti et la sécurisation des chantiers

Dans un premier temps, les problématiques de tranquillité publique ont principalement étaient prises en compte dans les projets de rénovation urbaine au moyen des actions prévues pour modifier le bâti et la structure urbaine des quartiers. Pendant la phase de mise en œuvre des projets, les acteurs locaux ont été confrontés à des problèmes de sécurité générés par les travaux, auxquels ils ont généralement apporté des réponses ponctuelles et peu formalisées. La faible anticipation de ces difficultés tient en partie aux niveaux de dialogue contrastés qui s’observent entre les concepteurs des projets, les gestionnaires des quartiers et les forces de l’ordre.

1. Des interventions sur le bâti et des aménagements urbains visant à supprimer les problèmes de délinquance

a) Démolir pour « éradiquer » les points sensibles Si les acteurs locaux ne font généralement pas le lien entre les problèmes de tranquillité publique identifiés préalablement au PRU et le programme des opérations prévues dans les conventions PRU, ils sont en revanche nombreux à évoquer l’effet presque « mécanique » des interventions sur le bâti et l’organisation urbaine sur la réduction du sentiment d’insécurité et des phénomènes de délinquance. Les acteurs locaux rencontrés se rejoignent pour dire que les opérations urbaines ont permis de modifier l’image des « grands ensembles », perçus comme des espaces relégués, terreau de l’insécurité, en « cassant » l’urbanisme de tours et de barres et les lieux les plus problématiques (immeubles dégradés et squattés, parkings et centres commerciaux désaffectés…). Les chefs de projet rénovation urbaine rencontrés soulignent plus spécifiquement que les démolitions des barres d’immeubles vacantes et/ou dégradées et des équipements désaffectés ont permis de :

- Prévenir les risques en matière de tranquillité publique et réduire le sentiment d’insécurité des

habitants, en supprimant les bâtiments les plus dégradés et les configurations urbaines propices aux pratiques déviantes et à l’anticipation des mouvements des force de l’ordre ;

- Faciliter les interventions des services de police, de gendarmerie et de secours, ainsi que la possibilité d’un contrôle social par les habitants eux-mêmes, en repensant l’organisation urbaine et architecturale des quartiers, particulièrement de la trame viaire.

Si l’éradication des problèmes de délinquance via les interventions sur le bâti est mise en avant par l’ensemble des professionnels rencontrés, seuls deux des sites enquêtés avaient pourtant explicitement affiché en amont des objectifs d’amélioration de la tranquillité publique par les démolitions :

Suite aux émeutes urbaines intervenues à la fin des années 1990, la Ville de Montauban a souhaité intervenir massivement sur les quartiers Est, pour améliorer la qualité urbaine et lutter contre l’insécurité : « L’objectif recherché par les acteurs locaux était prioritairement de dédensifier, d’aérer et de mailler le quartier par de nouvelles voies de circulation. » (Grand Montauban) Au Havre, l’idée directrice des démolitions a consisté à faciliter le passage des forces de police et à réduire les points en hauteur permettant de guetter (tours et passerelle de Mont Gaillard, etc.). La police nationale a d’ailleurs été consultée en début de PRU sur des questions de prévention situationnelle : suppression des configurations en « canyon », des garages, etc.

b) Réaménager les quartiers pour sécuriser les habitants Sans être explicitement formulé, le lien entre les interventions programmées dans le cadre du PRU pour régler les difficultés de circulation et de stationnement (création de nouvelles voies de circulation

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et de places de stationnement supplémentaires, réorganisation du réseau viaire et des circulations au sein des quartiers) et la réduction des risques physiques et du sentiment d’insécurité des habitants apparaît en filigrane dans le discours des chefs de projet rénovation urbaine. Sur la majorité des sites étudiés, ces opérations ne visaient pas, a priori, à réduire les problèmes de tranquillité publique. Néanmoins, l’organisation urbaine, l’existence de voies sans issue et de grands axes aménagés prioritairement pour les voitures, les capacités de stationnement insuffisantes et l’encombrement de certains secteurs (notamment aux abords des établissements scolaires) sont très fréquemment évoquées par les acteurs de terrain pour expliquer la prégnance du sentiment d’insécurité des habitants, et en particulier des piétons. L’enjeu sécuritaire de la réorganisation des déplacements et du stationnement n’est explicitement formulé (dans la convention du PRU et par les acteurs locaux) que sur deux des sites étudiés :

La convention pour la rénovation du quartier Kervénanec, à Lorient, confère au PRU l’objectif stratégique suivant : « améliorer la gestion des déplacements doux et sécuriser les déplacements piétons ». La volonté forte de la Ville de sécuriser les cheminements piétons dans le quartier Kervénanec s’est concrétisée dans le traitement des voies de circulation pour limiter la vitesse des véhicules, et dans l’aménagement d’un mail piéton en béton désactivé en cœur de quartier, propice à la déambulation, suffisamment large pour permettre une utilisation plurielle (poussettes, piétons, joggeurs) : « Avec le mail piéton, qui traverse tout le quartier et le relie à ses alentours, on a voulu montrer que le piéton commande. »

A Woippy, la convention du PRU établit un lien direct entre l’amélioration des conditions de stationnement et la sécurisation des cheminements piétons : le projet devait en effet permettre de « créer de nouvelles places de stationnement pour lutter contre le stationnement illicite et améliorer la sécurité des piétons et des enfants ». Le PRU prévoyait également l’aménagement des voiries du secteur en rénovation urbaine, avec la mise en sens unique des rues sur St Eloy, de manière à éviter les lignes droites et ainsi limiter et ralentir les circulations dangereuses.

De la même façon, les opérations de réhabilitation / résidentialisation – prévues dans l’ensemble des PRU – sont rarement revendiquées de manière explicite comme des opérations de sécurisation à part entière. Pourtant, elles ont permis de définir des limites claires et de hiérarchiser les espaces publics, privés et semi-privés, et d’en améliorer le traitement qualitatif. Et elles ont été le plus souvent accompagnées de la mise en place de systèmes de sécurité (grilles, portes blindées, contrôles d’accès…) et d’un renforcement de la gestion urbaine de proximité (amélioration de l’éclairage public, travail sur l’adressage, etc.). Ainsi, une logique sous-jacente de sécurisation des espaces publics et des parties communes des immeubles est identifiable à Lorient :

Dans le quartier Kervénanec, les caves ont été condamnées, la taille des halls d’entrée réduite et les halls traversants supprimés. Par ailleurs, des badgeuses ont été installées sur les ascenseurs, et un logement a été détruit à chaque niveau pour créer un puits de lumière, ce qui permet d’améliorer l’éclairage des escaliers de secours.

Sur la plupart des sites, les questions de tranquillité et de sécurité ont donc été prises en compte de manière assez peu explicite dans les PRU, essentiellement par une intervention sur le bâti dont les effets sur la sécurité ont été finalement appréhendés a posteriori. Néanmoins, de « bonnes pratiques » sont repérables sur 3 des territoires enquêtés, qui ont intégré les questions de tranquillité à la réflexion sur la conception même des projets ou sur les aménagements urbains :

A Woippy, un travail a été mené autour de la localisation optimale du mobilier urbain (qui a conduit, par exemple, à placer les bancs à distance des fenêtres situées en rez-de-chaussée des immeubles) et sur la fonctionnalité des places (place du Chapitre, place Jean Perrin, place Charcot, place de France). La grande majorité des espaces verts et des jardins publics de St Eloy ont également été réaménagés. Dans le quartier Croix-Petit Chênes d’Or, à Cergy, une réflexion a été menée sur la conception d’une esplanade au sein du parc, en lien avec le chargé de mission prévention / sécurité de la Ville, de manière

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à éviter les coins sombres et espaces de regroupements d’une part, et à pouvoir accueillir des manifestations et festivités d’autre part (esplanade conçue en dur, avec des bornes pour l’alimentation électrique). Par ailleurs, des groupes de travail impliquant des habitants ont été organisés, en lien avec l’agent de développement local, autour de la conception de l’aire de jeux. Plusieurs options ont été prises dans une perspective « sécuritaire » : réflexion sur la largeur des toboggans pour éviter les « planques », implantation de chaises plutôt que de bancs pour éviter les squats et regroupements… Enfin, une réflexion sur le choix de la végétation et des plantations (types de plantation, hauteur) a été menée en lien avec la police municipale, l’enjeu étant que les plantations, sans créer de recoins potentiels, laissent une transparence et des axes de visibilité.

2. Des actions « au fil de l’eau » pour répondre aux enjeux de sécurité générés par les travaux du Projet de Rénovation Urbaine

Les enjeux de tranquillité publique ont pu aussi être appréhendés par le biais de la sécurisation des chantiers. Cependant, là encore, les actions menées n’ont pas été anticipées ni prévues dans les conventions PRU. La sécurisation des chantiers s’est faite au fil de l’eau, et a été formalisée tardivement, principalement dans les chartes de GUP. Aux dires des acteurs, la sécurisation des chantiers n’a pas été anticipée ; elle a généralement été traitée en réponse aux nombreuses incivilités et délits parfois graves apparus avec les travaux et ralentissant leur avancée (vol et dégradation du matériel, incendie des véhicules de chantier, squat, menaces et tentatives d’extorsion…), souvent identifiées par les forces de l’ordre lors de leurs patrouilles ou dans le cadre de diagnostics en marchant organisés autour des chantiers en cours. Si des outils ont été mis en œuvre assez tôt sur l’ensemble des sites pour informer les habitants de l’avancée des chantiers, rappelant les usages et règles de vie collectives à respecter (réunions publiques, permanences à la maison de projet, diffusion d’un bulletin « information chantier »…), les actions visant à sécuriser les chantiers semblent avoir été plus tardives et s’être organisées au fil de l’eau. De fait, elles se sont mises en place de manière assez peu partenariale et dans une logique plus dissuasive que préventive. Préoccupés par la sécurité des chantiers en cours sur leur patrimoine, les bailleurs ont ainsi pu installer, de leur côté, des caméras de surveillance et avoir recours à des maîtres-chiens. Les villes ont également développé des actions ponctuelles, faiblement partenariales et peu pérennes :

A Bourges, les difficultés financières des bailleurs ont entrainé du retard sur de nombreuses opérations et d’importantes difficultés de gestion des chantiers, et entrainé un retard global dans la mise en œuvre du Projet de Rénovation Urbaine : plusieurs bâtiments (immeubles d’habitation et équipements publics) désaffectés sont restés vacants pendant plusieurs années, et ont été fréquemment squattés et dégradés, comme la Tour Bleue aux Gibjoncs mais aussi le gymnase des Merlattes et l’école des Merlattes. Dans l’attente de leur démolition, la Ville a développé depuis 2014 plusieurs projets artistiques visant à ouvrir ces lieux aux habitants et à leur permettre d’exprimer leur ressenti par rapport à la rénovation du quartier.

Sur trois sites cependant, de « bonnes pratiques » sont à souligner, une mobilisation partenariale durable s’étant organisée autour de la question de la sécurisation des chantiers :

Dans le cadre du PRU des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, des réunions « sécurité » ont été organisées avant chaque chantier par les bailleurs, avec la participation du chef de la police municipale, de ses agents de terrain et de l’entreprise en charge des travaux. L’objectif de ces réunions était d’élaborer un plan d’actions afin d’éviter les débordements. A Roubaix, des réunions de lancement de chantier et des « cafés chantier » ont systématiquement été organisés avec l’ensemble des acteurs concernés, les acteurs sociaux et les forces de l’ordre, afin de favoriser la coordination de leurs interventions et de clarifier le phasage du projet.

Lorsque des actions ont été prévues pour accompagner et sécuriser les chantiers, elles sont plus souvent repérables dans les chartes de GUP que dans les conventions de PRU. Seule la Ville du Havre se démarque en ayant inscrit la question de la sécurisation des travaux dans la convention de

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rénovation urbaine des quartiers Nord. Les partenaires du projet ont fait le choix de flécher 200 K€ des 929 K€ demandés à l’Anru au titre de l’ingénierie pour une action visant à renforcer la sécurité sur et autour des chantiers, en cas de difficultés avérées pendant la réalisation des travaux de rénovation urbaine. Sur les autres sites, les acteurs locaux (villes et bailleurs) se sont concentrés sur la définition d’un programme d’opérations répondant aux objectifs fixés par la loi de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et par l’Anru. La réflexion autour des impacts sur les quartiers des chantiers afférents à cette programmation n’a pris place qu’après la signature des conventions, dans le cadre de l’élaboration de la charte GUP :

A Cergy, la charte de GUP signée en août 2006 identifiait 6 principaux enjeux devant faire l’objet d’une attention particulière pendant les travaux, en lien avec des problématiques de gestion préexistantes sur le quartier, parmi lesquels la sécurisation des immeubles et chantiers. Il s’agissait pour les acteurs locaux de prévenir, lors de la mise en œuvre du PRU, les actes de vandalismes (dégradations, incendies de containers…), le détournement de l’usage des parkings (mécanique sauvage, voitures brûlées…), le squat des logements libérés en vue de leur démolition et les actes de malveillance sur les chantiers de démolition, et d’anticiper les impacts de la disparition d’une partie des éclairages extérieurs liée à la démolition des bâtiments.

Sur un des sites, la sécurisation des chantiers est devenue un axe stratégique de la GUP, et des mesures opérationnelles spécifiques ont intégré le plan d’actions. Cet effort d’anticipation n’a pas exempté les acteurs locaux de mettre en œuvre a posteriori des actions ponctuelles, correctives, en réponse à des difficultés localisées.

Signée en décembre 2007, la charte GUP accompagnant le PRU du quartier des Hauts-Champs Longchamp comprend un volet « accompagnement de la mise en œuvre du PRU » qui témoigne de la volonté des acteurs locaux d’anticiper les nuisances et de valoriser les investissements. Elle se traduit dans le plan d’actions GUP par un volet consacré à la « gestion du site pendant la phase de mise en œuvre du PRU », décliné en 4 objectifs opérationnels : - définir une approche commune de la gestion des chantiers ; - sécuriser les immeubles pendant la phase de relogement ; - assurer une veille préventive dans le cadre d’un plan tranquillité ; - établir un plan de communication sur les chantiers et les répercussions sur le cadre de vie. Parmi les actions mises en œuvre en matière d’accompagnement des chantiers dans le cadre de la démarche de GUP, on recense sur la partie roubaisienne du PRU : - la mise en place de nombreux outils visant à informer les habitants sur l’avancement des chantiers et à recueillir leurs doléances et propositions (réunions publiques, bulletin « information chantier », habitants relais, maison de projet, cahier de doléance, plateforme téléphonique…) ; - la création d’un poste de chargé d’opération « vie de chantier » intervenant sur l’ensemble des secteurs en rénovation urbaine de Roubaix, chargé de faire respecter le cahier des charges défini (périmètres de stationnement des engins, lieux de repas des ouvriers, élimination des déchets…), et de réduire ainsi les nuisances et favoriser de bonnes relations de voisinage ; - l’organisation de réunions de lancement de chantier avec tous les acteurs concernés, les acteurs sociaux et les forces de l’ordre, afin de favoriser la coordination de leurs interventions. Malgré les moyens alloués en amont et déployés pour accompagner les chantiers du PRU, la Ville de Roubaix a dû mettre en place des actions qui n’étaient pas prévues pour lutter contre les actes de vandalisme qui ont accompagné la mise en œuvre du projet. Les palissades du chantier du futur centre social « Les Trois Villes », inscrit dans la programmation du PRU, ont fait l’objet de dégradations très fréquentes, dès le lancement du chantier. Un projet a été développé avec les écoles du quartier pour favoriser l’appropriation de leur quartier par les habitants et faire baisser les actes de vandalisme autour du chantier : chaque classe a réalisé une œuvre d’art sur une palissade, et l’ensemble des palissades a été exposé lors de l’inauguration du nouveau Centre social des Trois villes.

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3. Des niveaux de dialogue contrastés entre concepteurs, gestionnaires et forces de l’ordre dans le cadre de la rénovation urbaine

a) Des tentatives de mise en place d’un dialogue régulier autour du projet de rénovation urbaine sur quelques sites

Sur quelques sites, un dialogue régulier s’est instauré dès le début du projet avec les polices nationale et/ou municipale, dans le cadre du Conseil Local de Sécurité et/ou de la démarche de GUP. Leur association au PRU visait à éviter de reproduire des configurations urbaines problématiques et à faciliter la mise en œuvre de dispositifs de prévention situationnelle. D’autres coopérations se sont mises en place au fil du PRU :

A Rillieux-la-Pape, chaque opération du PRU a fait l’objet d’un passage en « cellule sécurité » du Conseil Local de Sécurité en phase préalable. L’enjeu étant d’avoir un regard croisé (des polices municipales et nationale, bailleurs et élus concernés) pour anticiper et/ou réagir aux impacts des différentes phases chantier et des aménagements prévus en termes de tranquillité publique et de sécurité. Ainsi, les deux projets de l’Esplanade des Semailles et du Parc des Horizons (assez isolé, enclavé, et pouvant potentiellement générer du bruit et de l’insécurité) ont été abordés en CLS, afin de s’assurer que les projets n’étaient pas enclins à favoriser les squats ou les dégradations. Sur le Parc des Horizons, par exemple, ont été plus particulièrement abordées les questions d’éclairage public et de visibilité depuis l’entrée du parc. L’enjeu était également l’appropriation du projet et de son phasage par les forces de l’ordre. Enfin, les projets perçus comme potentiellement les plus porteurs d’impacts en matière de tranquillité publique ont en outre été soumis au référent sécurité de la Préfecture. A Cergy, « tous les projets de démolition, aménagement ou réaménagement urbain, aménagement des espaces publics… passent dans nos cellules de sécurité. On regarde sur toutes les phases des projets ce qui pourrait avoir un impact problématique en termes d’insécurité, et quel type d’insécurité ça pourrait entraîner. » (CLSPD) Par ailleurs, un comité de suivi spécifique au secteur Croix-Petit Chênes d’Or a été instauré en 2012. Piloté par le Maire, il rassemble, aux côtés des services municipaux, les présidents de copropriétés, les bailleurs, les acteurs de proximité tels que la police nationale et la Sauvegarde 95. Cinq axes d’intervention ont été définis : aménagement, animation, prévention, sécurité, et médiation. Ce comité s’est réuni une fois par trimestre pendant toute la période des chantiers ; il se réunit moins fréquemment aujourd’hui, les livraisons étant quasiment terminées. Enfin, au niveau des bailleurs, OSICA possède depuis 2013 une chargé de sûreté / sécurité en interne, qui gère un dispositif de fiche-incidents (fiche-navettes) entre le bailleur et le commissariat et est en lien avec le référent « Croix Petit » de la police municipale.

Depuis 2012, à Corbeil-Essonnes, les bailleurs rencontrent régulièrement les forces de l’ordre pour échanger des informations sur des situations concrètes identifiées sur le quartier, dans le cadre de la Zone de Sécurité Prioritaire (ZSP) des Tarterêts.

Sur ces sites, les forces de police ont par ailleurs été systématiquement conviées à participer aux diagnostics en marchant organisés dans le cadre de la démarche de GUP. Ces rencontres visaient cependant davantage à identifier les problèmes de gestion quotidienne sur lesquels les acteurs de terrain pouvaient intervenir concrètement et à court terme (par exemple l’enlèvement des épaves) qu’à mettre en évidence des enjeux de sécurité liés aux constructions et aux aménagements programmés dans le cadre du PRU. Malgré les efforts remarquables déployés sur ces sites, les démarches visant à associer les acteurs locaux de la sécurité et de la prévention de la délinquance à la rénovation urbaine peinent à perdurer, s’essoufflant au fur et à mesure de l’avancée du projet ou se trouvant remises en cause suite à un changement de municipalité :

Jusqu’à la disparition du service Vie citoyenne et développement durable de l’organigramme municipal en 2014, le Conseil Local de Sécurité de Rillieux-la-Pape traitait prioritairement du secteur de la Ville nouvelle, et réunissait chaque semaine la Direction générale de la ville, la chargée de mission CLSPD, les techniciens du service Vie citoyenne et développement durable, et les représentants des polices

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municipale et nationale. Il associait également deux fois par mois les bailleurs, invités à faire remonter les difficultés au sein de leurs allées et halls et à faire part d’éventuels « points chauds ».

b) Des consultations ponctuelles et un dialogue informel avec les forces de l’ordre sur la majorité des sites

Sur la majorité des sites, les forces de l’ordre et les acteurs de la prévention de la délinquance ont peu été associés, formellement, à l’élaboration des projets de rénovation urbaine. Il n’a été fait appel à leur expertise qu’à la marge, ponctuellement (sur des questions très spécifiques ou des aspects posant problème pour la suite des opérations) et/ou tardivement, et, ce, même sur les sites les plus sensibles en matière de sécurité.

A Corbeil-Essonnes, la police n’a été sollicitée – au même titre que les pompiers – que pour formuler des préconisations lors du réaménagement de la rue Nelson Mandela, de manière à permettre à de gros véhicules (camions de pompiers) de circuler et aux agents de terrain de la police de ne pas se retrouver pris au piège, et ainsi sécuriser leurs interventions.

S’ils n’ont pas été associés en amont, les services de police ont pu en revanche être sollicités dans le cadre d’une (re)mobilisation des partenaires locaux sur les questions d’insécurité, par exemple à l’occasion de l’élaboration d’une charte GUP, de la relance du CLSPD, de l’élaboration d’un « point d’étape » du PRU ou de l’établissement d’un PSL. Dans ce cadre, ils ont été appelés à se prononcer sur des projets d’équipements et/ou sur la réorganisation de la trame viaire :

A Bourges, les forces de l’ordre n’ont été associées à la conception des aménagements réalisés dans le cadre du PRU des quartiers Nord que récemment, avec la relance de la démarche de GUP : « La seule fois où nous avons été consultés, c’est sur le projet de forêt urbaine à proximité de l’école des Merlattes. Nous avons pu expliquer que le projet n’était pas sécure, qu’il risquait d’engendrer d’importantes nuisances et de donner lieu à des dégradations – notamment des incendies – et qu’il ne permettait pas une intervention facile des forces de police. (…) Mais les mentalités commencent à changer : on est étroitement associés à la nouvelle dynamique de GUP, on participe aux comités de pilotage et on apporte notre expertise de manière à sécuriser les interventions des forces de l’ordre et à ne pas créer de zones propices aux faits de délinquance. » (Services de police, Bourges)

Malgré une absence d’anticipation et de formalisation, des relations informelles entre la ville, les bailleurs et les services de police se sont développées sur nombre de ces sites, où les forces de l’ordre sont fréquemment consultées lorsque des problèmes lourds de délinquance sont observés :

La Ville de Lorient a fait appel au référent sûreté de la police nationale pour un diagnostic sécurité de l’école Pablo Picasso qui avait été squattée. A Corbeil-Essonnes, la police municipale participe chaque mois à des réunions qui se sont mises en place, d’une part avec les bailleurs et les pompiers, et d’autre part avec les transporteurs.

c) Une rare exclusion de la sécurité / tranquillité du champ de la gestion urbaine de proximité Sur de rares sites enfin, les acteurs locaux de la sécurité et de la prévention témoignent d’une absence d’association au PRU qui perdure jusqu’à ce jour, et s’explique par :

- La faible interconnaissance des acteurs de l’urbain et de la sécurité, et l’éloignement de leurs cultures professionnelles ;

- L’incohérence des découpages territoriaux et entre les niveaux de responsabilité des différents organisations et dispositifs concernés ;

- L’absence de diagnostic partagé du territoire et le manque de moyens dédiés aux questions de sécurité par les projets de rénovation urbaine.

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Dans ces conditions, les interventions décidées et mises en œuvre sur ces sites pour lutter contre l’insécurité dans le cadre de la rénovation urbaine, des CLS ou encore des CUCS apparaissent souvent désarticulées. A Woippy, l’option a été prise d’exclure la sécurité / tranquillité du champ de la GUP :

L’avenant à la convention GUP indique explicitement que les domaines de la sécurité et tranquillité publique et du travail social de proximité ont été exclus de la GUP. Elle précise que « ces volets sont traités de manière parallèle dans le cadre de dispositifs et/ou de structures déjà existants, notamment dans le cadre du Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance, du Groupement Local de Traitement de la Délinquance, du Conseil des Droits et Devoirs des Familles, du Programme de Réussite Educative, du Centre Communal d’Actions Sociales »128.

C. Des dispositifs de prévention situationnelle et des actions de tranquillité publique souvent pensés indépendamment de la rénovation urbaine

Les actions mises en œuvre en matière de tranquillité publique sur les quartiers Anru ont rarement été pensées en lien avec la rénovation urbaine. En effet, l’installation de dispositifs de vidéoprotection et le renforcement de la présence policière répondent à des choix politiques opérés par les villes ou les intercommunalités, et ont globalement été opérés sans articulation avec les opérations réalisées dans le cadre des PRU. De même, les liens apparaissent ténus entre les projets de rénovation urbaine et les contrats locaux de sécurité : la majorité des actions prévues par les CLS / CLSPD ne cible pas spécifiquement les quartiers Anru, tandis que les acteurs locaux de la sécurité ont rarement été associés aux PRU. Enfin, si les PRU ont eu un véritable effet levier sur les actions de médiation et de prévention, les partenaires locaux ont peiné à les faire perdurer une fois les projets achevés.

1. L’installation de dispositifs de vidéoprotection et le renforcement de la présence policière en réponse à des choix politiques à l’échelle communale ou communautaire

a) Le développement de dispositifs de prévention situationnelle indépendamment des projets de rénovation urbaine

Des dispositifs de vidéoprotection ont été mis en place sur l’ensemble des sites étudiés au cours des dernières années. Leur installation s’est néanmoins faite sans lien direct avec la rénovation urbaine, qui n’a joué ni le rôle de déclencheur ni celui de catalyseur. L’installation de caméras de sécurité a très souvent été décidée et financée par les villes, dans le cadre des CLSPD, avant d’être prise en charge par les intercommunalités, avec la création des CISPD. En conséquence, les premières caméras ont été installées dans les centres-villes, avant que le dispositif ne soit étendu à l’ensemble des « lieux sensibles » identifiés sur le territoire, notamment dans les quartiers prioritaires.

A Bourges, la vidéoprotection a été mise en place par la Ville il y a plus de dix ans, sans que les quartiers Nord ne soient spécifiquement ciblés. Le dispositif a été étendu par tranche, à partir du centre-ville. Il est désormais géré par l’intercommunalité. Les caméras sont reliées à un centre de supervision urbain (CSU) qui transmet les images à la police nationale. Quinze nouvelles caméras ont été installées en 2014, et Bourges Plus a pour projet d’en installer 15 autres prochainement.

Si la présence de caméras de surveillance dans les quartiers Anru s’observe aujourd’hui sur tous les sites étudiés, les quartiers les plus « sensibles » ont été les premiers concernés par ce type de dispositif de prévention situationnelle. La volonté forte de certains maires en la matière trouve son origine dans

128 Avenant n°1 à la Convention GUP pour l’ORU de Woippy/Metz Nord (Boileau), 30 janvier 2012.

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la recrudescence des violences urbaines, des faits de délinquance (vandalisme, trafic de drogue, rodéos…) et du sentiment d’insécurité exprimé par les habitants des quartiers concernés, en particulier suite aux émeutes de 2005.

Aux yeux des acteurs locaux de la sécurité, l’installation de caméras de vidéosurveillance dans les quartiers Nord du Havre est une réponse aux émeutes dont le secteur a été le théâtre en 2005 ; elle n’a pas de lien direct avec le PRU. A Corbeil-Essonnes, la Ville a installé plus de 100 caméras sur le territoire communal, dont 28 sont localisées sur le quartier des Tarterêts. Les images sont transmises au Centre de Supervision Urbain de l’agglomération, qui projette d’installer près de 70 caméras supplémentaires.

Dans la majorité des cas, l’installation de caméras de vidéoprotection constitue donc une action indépendante et non coordonnée au PRU, auxquels les acteurs de la rénovation urbaine n’ont pas été associés : « Ici, il y a plus un travail de mise en place de caméras qu’un travail de renforcement de la présence humaine. Mais ça se fait sans nous… Je ne saurais donc pas dire combien il y a de caméras au total. J’en dénombre certaines parce que je les ai vues : 6 au niveau du centre commercial de la Chancellerie, 1 à l’extérieur du collège, 2 ou 3 sur Cap Nord (mises en place par Carrefour et certains commençants), 1 à la bibliothèque des Gibjoncs… » (GIP Renouvellement Urbain, Bourges).

b) Le renforcement de la présence policière La volonté de renforcer la présence policière dans les quartiers Anru a été affichée par les partenaires locaux dans l’ensemble des conventions de PRU. Elle prend différentes formes, selon qu’elle s’appuie prioritairement sur les polices municipale et/ou nationale et qu’elle privilégie le renforcement des moyens humains ou matériels :

- Le renforcement des effectifs de la police municipale (Corbeil-Essonnes, Rillieux-la-Pape, Woippy) ;

- Une vigilance accrue et l’augmentation de la fréquence des patrouilles de police, en particulier le soir et le week-end (Lorient, Montauban, Rillieux-la-Pape, Woippy) et pendant les phases de chantiers les plus importantes (Cergy, Corbeil-Essonnes) ;

- L’amélioration de la coordination entre les polices nationale et municipale, de manière à accroître les temps de présence sur le quartier (Corbeil-Essonnes, Woippy) ;

- La (ré)ouverture d’un poste de police / commissariat dans le quartier (Bourges, Chambéry, Corbeil-Essonnes, Lorient, Montauban, Woippy) ;

- La création d’une unité de police de proximité spécifiquement dédiée au secteur (Chambéry, brigade VTT à Rillieux-la-Pape) ;

- Le développement d’actions de médiation entre la police municipale et la population, pour améliorer les relations avec les jeunes notamment (activités du centre de loisirs pour jeunes de la police à Corbeil-Essonnes, présence de médiateurs de la police à Montauban).

Il s’agit majoritairement d’initiatives préexistantes ou indépendantes du PRU, décidées lors de la mise en place du Contrat Local de Sécurité, et que les conventions Anru entérinent. Elles s’appuient sur un renforcement de la coopération entre les polices nationale et municipale, formalisée dans des conventions qui définissent des secteurs et horaires d’intervention dédiés (de manière à accroître le temps de présence des agents de terrain dans le quartier) et des conditions d’interventions coordonnées en cas de problème (regroupements importants, nuisances et dégradations, bagarres…). Dans la mesure où ces initiatives ont précédé le lancement du PRU et ont été décidées à l’échelle communale voire intercommunale, les périmètres d’intervention des équipes de police dépassent le plus souvent

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celui du PRU, et les moyens supplémentaires attribués ne sont pas spécifiquement fléchés en direction des secteurs en rénovation.

Dans le cadre du CLSPD de Lorient, les patrouilles de la police nationale ont été renforcées le week-end et en soirée sur l’ensemble des quartiers. La police nationale intervient ponctuellement lorsqu’elle est sollicitée pour des nuisances sonores ou des rassemblements provoquant d’importants troubles de l’ordre public. Aucun moyen n’est toutefois affecté spécifiquement au quartier Kervénanec. A Corbeil-Essonnes, la police municipale existe depuis 1994. A l’initiative du maire, elle est montée en puissance en 2004, avec un élargissement des horaires (24h/24), des recrutements, un renforcement de l’armement et des moyens de protection, et enfin la signature d’une convention de coordination entre les polices municipale et nationale, visant notamment à améliorer le suivi du trafic et la réactivité des forces de l’ordre.

Dans les quartiers Anru, les moyens humains supplémentaires attribués aux forces de l’ordre s’articulent le plus souvent avec les moyens mobilisés par les bailleurs pour renforcer la sécurité autour des chantiers du PRU et sur leur patrimoine (halls, cages d’escalier, parkings…), notamment sur les secteurs rénovés :

A Lorient, le bailleur a fait appel à une société de gardiennage pour effectuer des rondes nocturnes en complément de l’intervention de la BAC, visant à mettre fin aux détournements d’usage des halls qui troublaient fortement la quiétude des résidents. Dans le quartier Croix-Petit Chênes d’Or, à Cergy, le gardiennage mutualisé mis en place par les bailleurs pour assurer la sécurité des chantiers s’est accompagné du renforcement de la présence policière (municipale et nationale) sur le site pendant les périodes les plus importantes de travaux. Depuis la fin du PRU des Hauts de Chambéry, le bailleur, en lien avec la police nationale, intensifie les contrôles et les actions permettant de lutter contre le squat des halls d’immeuble, afin d’éviter le plus rapidement possible que ces zones deviennent des zones de non-droit.

La création des Zones de Sécurité Prioritaire (ZSP) a conduit au renforcement des effectifs de la police nationale à partir de 2012 sur deux des sites étudiés (Corbeil-Essonnes et Chambéry). Mais là encore, les périmètres des ZSP ne coïncident pas avec ceux des projets de rénovation urbaine, ce qui ne favorise pas la coordination des interventions. Ces dispositifs ayant été créés indépendamment des dispositifs préexistants, hors du cadre de la politique de la ville et de la rénovation urbaine, la coordination entre les interventions des polices municipale et nationale dans les quartiers en PRU dépend uniquement du bon vouloir des chefs de police :

La création à l’été 2012 d’une ZSP incluant le quartier des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, a donné lieu au renforcement des équipes de la police nationale : 20 fonctionnaires sont désormais présents au commissariat à tour de rôle, sur 5 jours. La police municipale a fait le choix de repenser son fonctionnement interne pour maximiser l’impact de ce nouveau dispositif : « Maintenant on intervient plutôt le matin sur le quartier, et la police nationale prend le relais à partir de 13h, ce qui permet d’assurer une veille et de disposer de moyens d’intervention jusqu’à plus tard dans la nuit. » Depuis le lancement du PRU, la police municipale est particulièrement attentive à la sécurité des personnels et usagers des équipements publics, ainsi qu’à la sécurisation des sites en travaux.

En tout état de cause, sur la majorité des sites étudiés, la présence humaine n’a en réalité été renforcée qu’autour de certains « points chauds » des secteurs en rénovation urbaine et sur des tranches horaires limitées, tandis que les actions coordonnées entre les polices municipale et nationale ne relèvent que du champ des interventions ponctuelles et que les bureaux de police de proximité installés dans les quartiers à l’occasion des PRU ont des missions limitées :

Sur le périmètre de la Ville nouvelle de Rillieux-la-Pape, le patrouillage des forces de l’ordre a été renforcé sur des périodes courtes et à des moments repérés comme particulièrement problématiques (heures de pointe des transports en commun, soirs et week-ends).

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A l’occasion du PRU, un bureau de police a été installé sur le quartier des Hauts de Chambéry. Son effectif est néanmoins restreint, et il est surtout chargé de recueillir les plaintes.

2. Rénovation urbaine et dispositifs de tranquillité publique : une vie en « parallèle » ?

a) Projet de Rénovation Urbaine et Contrat Local de Sécurité : une difficile articulation Dans une fiche repère publiée en septembre 2006129, l’Anru souligne « l’apport des métiers de la médiation et de la tranquillité publique » à la gestion urbaine de proximité que visent à améliorer et renforcer les PRU. Elle encourage les partenaires locaux à inscrire la GUP dans un dispositif partenarial formalisé par un CLS. Par ailleurs, le Code de la sécurité intérieure (article D. 132-7) précise que le CLSPD doit être « consulté sur la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des actions de prévention de la délinquance prévues dans le cadre de la contractualisation entre l’Etat et les collectivités territoriales en matière de politique de la ville ». Sur le terrain, ces recommandations et obligations visant à renforcer l’articulation entre les partenaires de la sécurité locale et de la rénovation urbaine se heurtent à plusieurs obstacles. En premier lieu, l’éloignement entre les cultures professionnelles des acteurs de la rénovation urbaine, la sécurité, la prévention et la gestion urbaine de proximité se lit dans leur appréhension différenciée de la nature et des origines des problèmes identifiés sur le terrain, dans leurs modes d’organisation (territoire d’intervention, organisation des compétences et des interventions) ainsi que dans les outils qu’ils préconisent pour y répondre. Ces différences expliquent la difficulté à aborder les questions de tranquillité publique de manière globale et transversale que l’on observe dans les quartiers prioritaires. Dès lors, les actions ou dispositifs qui y sont développés apparaissent plutôt juxtaposés que coordonnés, au regard des objectifs qu’ils poursuivent, des moyens mis en œuvre et de leur suivi. Par ailleurs, les champs d’action des PRU et des CLS ne coïncident généralement pas, tant du point de vue du public cible que du périmètre d’intervention. Mis en place à l’échelle de la commune ou des agglomérations, les CLSPD / CISPD ne ciblent pas spécifiquement les quartiers Anru. De même, le périmètre couvert par les comités opérationnels des ZSP créées en 2012 à Corbeil-Essonnes et Chambéry ne coïncide pas non plus avec celui des PRU des Tarterêts et des Hauts de Chambéry. Dès lors, sur la majorité des sites, il n’existe pas d’instance partenariale dédiée aux questions de sécurité à l’échelle du périmètre de projet. Les acteurs de terrain de ces quartiers ne sont en outre pas toujours conviés aux réunions des CLSPD et des « cellules de veille » plus opérationnelles créées par les villes. En conséquence, les CLSPD peinent à se traduire par des actions coordonnées et territorialisées, en référence à une stratégie d’ensemble qui aurait été collectivement définie : « Le CLSPD est assez confidentiel. Centré sur le traitement de situations individuelles, il manque d’une vision stratégique permettant de définir des pistes d’actions précises. Il ne donne lieu qu’à des actions ponctuelles. » (Ville de Bourges) Par ailleurs, nombre de ces instances partenariales se concentrent sur le traitement d’un type de délinquance spécifique, s’intéressant le plus souvent aux faits qui mettent en cause des mineurs.

A Bourges, une cellule de veille de sûreté publique a été créée en 2010 dans le cadre du CLSPD. Directement rattachée au cabinet du maire, elle associe les forces de l’ordre, les bailleurs et les services sociaux. Cette instance ne traite cependant que des faits de délinquance commis par des mineurs, à l’échelle de la ville et sans distinction entre les quartiers. Les quartiers Nord sur lesquels porte le PRU n’y font donc pas l’objet d’un traitement spécifique. En outre, le CLSPD n’a été formellement associé ni au projet de rénovation urbaine – lors de son lancement ou pendant sa mise en œuvre – ni au Comité de pilotage GUP créé en 2013.

129 Anru, « Gestion urbaine de proximité et projets de rénovation urbaine. L’apport des métiers de la médiation et de la tranquillité publique », Fiches repères de la rénovation urbaine, Fiche d’expérience n°5, septembre 2006.

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Sous l’impulsion du parquet, la Ville de Corbeil-Essonnes a également créé une cellule de veille autour de la délinquance des mineurs ; elle réunit la Protection Judiciaire de la Jeunesse, les polices nationale et municipale, les chefs d’établissements scolaires et le principal du collège.

Enfin, de nombreux CLSPD ont vu la dynamique partenariale qui a accompagné leur mise en place s’essouffler rapidement, notamment en lien avec l’absence de responsable dédié. Observable sur de nombreux sites, cette perte de vitesse constitue un obstacle au maintien du dialogue entre les acteurs de la sécurité / prévention et de la rénovation urbaine, et au suivi des actions mises en œuvre sur les quartiers en rénovation urbaine. La création des CISPD semble également avoir contribué à vider une partie des CLSPD de leur substance et conduit à une certaine démobilisation des professionnels de terrain qui, lorsqu’ils y sont conviés, peinent à percevoir l’intérêt opérationnel de réunions qui rassemblent parfois plus de cinquante acteurs intervenant sur des territoires distincts, comme c’est généralement le cas en séance plénière des CISPD. Ce format apparaît en effet mal adapté à la mise en place d’un dialogue régulier, impliquant l’ensemble des acteurs concernés et permettant d’aboutir à une stratégie globale et un plan d’actions territorialisées et coordonnées. Dès lors, les actions élaborées et mises en œuvre dans le cadre d’un CLS / CLSPD citées dans les conventions de PRU et les chartes GUP sont en réalité indépendantes de la rénovation urbaine ; en général, elles ne ciblent pas spécifiquement les quartiers Anru :

A Chambéry, une action de prévention spécialisée (financée par le Conseil départemental) est menée notamment sur le quartier des Hauts de Chambéry dans le cadre du CLSPD. Des éducateurs sont présents la journée pour travailler la médiation, le relationnel, avec une vocation de projet éducatif.

Le PRU des quartiers Nord du Havre se distingue sur ce point : la signature du premier CLS a donné lieu à un élargissement de l’action en matière de GUP aux problématiques d’insécurité et de traitement des stigmates urbains (tags, dégradations, etc.). Elle s’est traduite par la mise en œuvre de nombreuses actions en partenariat, ciblées sur les quartiers Anru : le traitement des halls sensibles signalés par les bailleurs, avec trois niveaux d’interventions graduées ; le traitement via un plan d’actions formalisé de certaines adresses présentant des difficultés notables, à partir d’un diagnostic fin ; la mise en œuvre d’opérations « coup de poing » pour sécuriser des caves ou des squats ; ou encore l’enlèvement des voitures ventouses en cas de signalement. De manière générale, l’association des acteurs locaux de la sécurité aux PRU reste cependant trop souvent ponctuelle et à visée peu opérationnelle. Le renforcement de la coordination des professionnels de terrain et de leurs interventions est d’ailleurs fréquemment cité au titre des objectifs stratégiques de la deuxième génération de chartes GUP, signées en cours de PRU.

b) La création d’instances partenariales de proximité ad hoc Afin de pallier ce défaut de territorialisation et d’opérationnalité, de nombreuses instances ad hoc ont été créées au fil du temps sur les sites étudiés, pour tenter d’apporter des réponses partenariales concrètes, dans la proximité, à des problématiques ou situations spécifiques observées dans les quartiers en rénovation :

A Woippy, un Groupe Local de Traitement de la Délinquance (GLTD), piloté par la police municipale et animé par le maire, réunit deux fois par an un représentant du Préfet, le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation, les services de police, les collèges, la société de transports. Il repose sur un large partage d’informations relatives aux situations et difficultés connues localement (familles repérées comme « posant problème » sur chaque quartier). Un « groupe de résolution de problèmes » a été créé pour accompagner la mise en œuvre du PRU intercommunal de Hem-Lys-Roubaix et réunit, chaque fois que cela s’avère nécessaire, les élus, les techniciens municipaux, les bailleurs, la police municipale et les acteurs de proximité. Il traite surtout des conflits de voisinage et d’usage.

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Au Havre, une procédure partenariale associant le bailleur, le service social du Département et du CCAS, l’Education Nationale, la mission locale et les éducateurs de prévention a été mise en place pour « traiter » certaines situations familiales particulièrement lourdes identifiées sur les quartiers Nord.

Un dispositif « GUP – sécurité » a également été mis en place à Montauban. Deux fois par mois les bailleurs, les collectivités et l’ensemble des acteurs du CISPD se réunissent pour faire le point sur les problèmes de sécurité et mettre en place des réponses concrètes. Parmi les actions décidées lors de ces réunions pilotées par la police municipale, on peut citer l’enlèvement des voitures ventouses.

Certains acteurs locaux mettent cependant en garde contre la multiplication de ces instances partenariales locales, souvent chronophages : « On n’a que ça sur le territoire, des cellules, alors que notre territoire municipal est petit. Il faut veiller à ne pas les multiplier, au risque de perdre trop de temps. On a donc décidé de mettre l’accent sur l’opérationnel et de ne convoquer la cellule de résolution des problèmes que ponctuellement, lorsque la situation le nécessitait. » (Ville de Hem)

3. Un effet levier de la rénovation urbaine sur les actions de prévention et médiation ? De manière générale, les réponses privilégiées pour accompagner les PRU sont essentiellement techniques et insuffisamment articulées avec un « volet humain ». De nombreuses publications 130 mettent en lumière le fait que les espaces publics apparaissent trop rarement envisagés comme support d’animation et de vie sociale, alors même que l’Anru encourage la création de postes de médiateurs sociaux diurnes et nocturnes131. Si ces théories se vérifient sur de rares sites, il semblerait que ce volet dit « humain » ait été majoritairement pris en compte. A la marge, quelques acteurs de la prévention de la délinquance, de la médiation sociale et de la rénovation urbaine ont aujourd’hui encore une faible connaissance des actions qu’ils développent de manière juxtaposée, soulignant le défaut de coordination de la politique de la ville et de la rénovation urbaine :

D’après le service CUCS de la Ville de Bourges, les 4 membres de l’équipe de l’Association des Clubs et Equipes de Prévention (ACEP) intervenant sur les quartiers Nord ne sont pas connus des forces de l’ordre et n’ont pas été associés au PRU.

Sur les autres sites, la dynamique paraît beaucoup plus positive. Une professionnelle d’un Pôle Ressources Jeunesse construit dans le cadre du PRU de Hem-Lys-Roubaix témoigne de manière emblématique du rôle des actions de médiation et d’animation dans la réussite des projets de rénovation urbaine, et dans l’amélioration de la gestion urbaine de proximité des quartiers : « On anime, on occupe le terrain, et on ne laisse pas vide. Le fait qu’on passe plus sur le terrain, qu’on fasse des animations en extérieur l’été, nous rend plus attentifs aux aspects techniques et aux éventuels problèmes de gestion. La veille est beaucoup plus intense sur les espaces verts et publics à force d’investir le terrain ; on remarque, par exemple, que telle planche n’est pas remise ou que les jeux sont dévissés. Avant, on ne voyait pas ces détails. » Dans la plupart des cas, les partenaires locaux se sont appuyés sur le PRU pour « faire levier » en matière de tranquillité publique, en renforçant des actions de médiation et de prévention existantes ou initiant des actions innovantes :

130 Par exemple, le dossier thématique « Prévention de la délinquance, sécurité et gestion urbaine de proximité. Terrains communs et approches croisées » édité par le Pôle de ressources département Ville et développement social du Val d’Oise en mars 2013, à la suite d’un cycle d’ateliers qui se sont déroulés en 2011-2012, rappelle la nécessité d’articuler ces trois dimensions de l’action en faveur de la tranquillité publique, en s’appuyant sur quelques (trop rares) bonnes pratiques. 131 Anru, 2006, opus cité ; guide sur « la médiation sociale en matière de tranquillité publique », SIG prévention de la délinquance / CIV, juin 2012.

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Alors que l’image des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, pâtissait sévèrement des violences urbaines répétées et très médiatisées, les partenaires locaux ont souhaité faire valoir, dans la convention de PRU signée en 2004, de nombreuses actions de prévention / médiation, avec : - une étude de préfiguration d’un dispositif de prévention « Classe d’Accueil et d’Instruction Civique » ; - la mise en place d’un Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance ; - l’intervention du club de prévention spécialisée sur les quartiers en Contrat de Ville ; - la présence d’équipes d’agents locaux de médiation sociale sur le quartier.

A Chambéry, le dispositif des correspondants de nuit, qui préexistait au PRU, a été renforcé. Ces médiateurs tournent tous les soirs dans le quartier, à partir de 18h et jusqu’à 2h du matin, avec pour mission d’assurer le lien avec les jeunes et les habitants, de rappeler les règles de vivre ensemble, et de produire des rapports hebdomadaires sur les événements qui sont transmis aux partenaires.

Les actions de médiation se sont surtout développées au cours des dernières années de mise en œuvre du projet, pour favoriser une appropriation plus positive du quartier par ses habitants et apaiser les tensions persistantes observées en particulier autour des établissements scolaires et dans les transports publics :

A Cergy, une équipe de médiation dédiée au site de la Croix-Petit a été mise en place en 2012 pour apaiser les tensions croissantes suscitées par la livraison des premiers logements (notamment entre les « anciens » et les « nouveaux » habitants). Cette équipe de médiation, qui a été étendue après quelques mois à la Ville dans son ensemble, est actuellement en cours de restructuration. La Ville n’a pas souhaité maintenir une équipe dédiée sur le site de la Croix-Petit, l’objectif étant que le quartier puisse « après l’accompagnement initial, commencer à vivre en autonomie, à s’autogérer, et rentrer ainsi dans le droit commun. » (Ville de Cergy) La Ville de Lorient a créé en 2015 un service de médiation pour prendre le relais du correspondant prévention. Il est constitué de trois agents présents 7 jours sur 7 dans le quartier, qui assurent une présence humaine aux endroits stratégiques (notamment autour des écoles) et créent du lien social avec les habitants et les acteurs de terrain.

Avec la fin des PRU, les partenaires locaux ont ainsi peiné à faire perdurer certaines actions.

Une action innovante a été développée en lien avec le PRU de Montauban en matière de prévention / médiation, pour accompagner la mise en œuvre du projet : un adulte-relais employé par la Régie de quartier Montauban Services en charge de l’accueil des habitants a contribué à la mise en œuvre de chartes de civilité signées par ces derniers, en lien avec le bailleur Tarn-et-Garonne Habitat. L’objectif était de sensibiliser la population au respect des voisins, à l’utilisation des lieux communs, à la gestion des déchets (utilisation des containers enterrés), etc. La grande qualité de ce dispositif tenait au fait qu’il reposait sur une personne parfaitement intégrée au quartier, parlant plusieurs langues, connaissant bien tous les habitants, et capable de régler les petites difficultés très rapidement. Le dispositif n’étant plus financé depuis la fin du PRU, l’adulte-relais a réintégré la Régie de Quartier.

D. La perception d’un effet réel de la rénovation urbaine sur la tranquillité, néanmoins difficile à objectiver

L’ensemble des acteurs locaux rencontrés témoigne d’une réelle amélioration de l’ambiance dans les quartiers et des conditions d’intervention des forces de l’ordre, grâce aux interventions sur le bâti et la structure urbaine prévues dans le cadre des PRU (démolitions, résidentialisations, création d’espaces publics…), et au renforcement de la vidéosurveillance et de la présence policière décidé par ailleurs. Les effets propres à la rénovation urbaine en la matière sont cependant difficultés à objectiver, dans la mesure où la majorité des conventions ne propose pas de plan d’actions formalisé, les phénomènes de délinquance semblent plutôt s’être déplacés ou dispersés vers d’autres quartiers, et les données statistiques disponibles présentent diverses limites.

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1. La reconnaissance par les acteurs de terrain d’un « effet rénovation urbaine » majeur en matière de tranquillité publique

a) La résolution mécanique des difficultés et l’amélioration du climat social par le seul effet des interventions sur le bâti et l’organisation urbaine

L’ensemble des PRU étudiés prévoyait une intervention sur les lieux les plus problématiques. La requalification voire la suppression de ces espaces souvent laissés à l’abandon – par le biais des démolitions, des résidentialisations et de la reconfiguration des voies de circulation – sont aujourd’hui salués par les professionnels de terrain comme par les habitants, en ce qu’ils ont conduit à la disparition des faits de délinquance les plus visibles, qui nourrissaient l’image très dégradée de nombreux quartiers :

« Il y a eu un avant et un après PRU en matière de sécurité, notamment grâce à la démolition de nombreux bâtiments anciens dégradés. La problématique du trafic de stupéfiants a clairement diminué par exemple. On a encore quelques entrées chaudes, mais elles ont globalement toutes été fermées avec le projet de rénovation urbaine. » (Bailleur, Bourges) « Avant, les violences urbaines, c’était à répétition. Elles ont beaucoup diminué depuis 2010, et la démolition des tours a clairement eu une incidence. » (Ville, Corbeil-Essonnes) « C’est un quartier relativement calme, qui vit bien. Au niveau de nos immeubles, il n’y a pas de vandalisme ni de squats particuliers. On n’est plus du tout sur la même ligne d’insécurité qu’avant, où certains escaliers étaient des zones de non-droit, des gens montaient sur les terrasses et jetaient des caddies… » (Bailleur, Cergy)

L’évolution globale de la morphologie urbaine des quartiers, avec notamment la création de nombreux espaces publics, est directement à l’origine de l’impression générale d’amélioration du climat social.

« La Velette, c’est joli quand même et c’est vert. C’est beaucoup plus apaisé, il y a moins de tensions, les habitants râlent moins » (Centre social, Rillieux-la-Pape) « Le quartier était divisé en deux. Les Combes d’un côté, correspondant aux débuts de l’urbanisation. L’avenue d’Annecy de l’autre, avec des grandes barres. On avait l’impression d’être enfermés dans un ghetto. Il y avait peu de communication entre ces deux parties. Les ouvertures ont agrandi l’espace, créé des liens entre les deux quartiers. Des gens qui étaient partis cherchent à revenir. » (Habitante du quartier depuis 1969, Chambéry)

Au-delà du traitement des lieux les plus sensibles, cet effet « mécanique » sur la réduction du sentiment d’insécurité attribué aux opérations urbaines repose sur l’idée que la densité du « grand ensemble » favorise le repli sur soi, une faible appropriation des espaces publics et, en conséquence, leur dégradation. A contrario, l’amélioration de la qualité des espaces publics et privés, la clarification de leurs usages et la requalification des pieds d’immeuble dans le cadre des opérations de résidentialisation favorisent une réduction du sentiment d’insécurité 132 . La requalification / résidentialisation des pieds d’immeubles et la réorganisation de la trame viaire ont en effet permis de sécuriser les appartements situés en rez-de-chaussée et les déplacements des habitants au sein des quartiers. Ces réaménagements urbains « incarnent » également la prise en compte des enjeux de sécurité par les pouvoirs publics, ce qui contribue à réduire le sentiment d’abandon et d’insécurité de la population. Les acteurs locaux rencontrés soulignent l’impact positif des espaces requalifiés dans le cadre des PRU sur la tranquillité des quartiers. Plus lisibles et visibles, ces nouveaux espaces publics sont plus facilement appropriés et investis par les habitants. Ils favorisent un renforcement du « contrôle social »

132 « Des quartiers comme les autres ? La banalisation urbaine des grands ensembles en question », Etude du Comité d’évaluation et de suivi de l’Anru, La documentation française, 2013 ; « Etude sur la qualité urbaine des projets de rénovation urbaine. Analyse de la résidentialisation », CSTB, mai 2011, CES de l’Anru.

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au sein du quartier, avec un impact dissuasif sur les délinquants potentiels. Ils contribuent ainsi à renforcer le lien social et à faire baisser la délinquance dans ces quartiers :

Du point de vue des acteurs locaux, les deux espaces publics aménagés dans le cadre du PRU de la Ville nouvelle de Rillieux-la-Pape (l’Esplanade des Semailles et le Parc des Horizons) ont permis d’apaiser la situation et les tensions dans le quartier. Ils sont un support du bien-vivre ensemble. L’installation d’un socle de barbecue dans le Parc des Horizons a par exemple contribué à une appropriation positive et festive du parc par les habitants. Un diagnostic de territoire réalisé en 2014 sur les sous-quartiers Velette, Semailles et Alagniers a mis en évidence une augmentation de l’utilisation des espaces extérieurs par les familles (plus d’espaces « confisqués »), ainsi qu’une disparition des incivilités envers les transports en commun (absence de caillassage et de dégradations des arrêts de bus) à la Velette.

Les forces de l’ordre se font l’écho de cette amélioration de l’ambiance générale :

« Les entrées sont bien sécurisées au niveau des portes des halls, avec des codes et des badges. Il n’y a aucun problème de squats dans les parties communes ou les parkings en sous-sol, ni de graffitis dans les halls (…) Le nombre de signalements de faits remontés par le centre de supervision urbain, et le nombre de signalements des habitants sur les regroupements ont diminué et sont très limités par rapport à avant. » (Services de police, Cergy) « On a bien moins de délinquance qu’avant. L’amélioration est considérable. Il y a une meilleure ambiance, plus de sérénité. On sent que la population est en partie satisfaite. » (Services de police, Montauban)

b) La facilitation et l’amélioration des conditions d’intervention des forces de l’ordre et la sécurisation du personnel de gestion

Les polices municipale et nationale soulignent l’impact positif de certaines opérations urbaines sur leurs conditions d’intervention, indiquant qu’elles leur ont permis à la fois de diminuer sensiblement les moyens humains mobilisés dans les secteurs rénovés et de pacifier leurs conditions d’intervention :

« Les interventions sont plus sécurisées, on travaille davantage dans un climat de tranquillité. Avant, on pouvait se faire encercler en 5 minutes aux Semailles. Aujourd’hui, il y a plus de gens qui regardent, plus d’accès et de sorties. Donc on est moins obligés de prendre des mesures ‘dures’, de rester à proximité du véhicule pour garder une vigilance par exemple. Depuis deux ans, les patrouilles tournent beaucoup moins là-bas qu’avant. » (Services de police, Rillieux-la-Pape) « Cour Pierre et Marie Curie, l’accès qui va vers la MJC Boileau-Pré Génie a été ouvert, et ça a changé notre façon d’intervenir. Avant, il y avait deux cours fermées et on se faisait caillasser des fenêtres. Quand il y avait un problème de nuit, on intervenait à 10 agents. C’est plus simple aujourd’hui d’intervenir, j’envoie une voiture avec deux agents. » (Services de police, Woippy)

La sécurisation du personnel de gestion des quartiers (agents de sécurité publique, bailleurs, villes, équipements et services publics, prestataires de service, services de santé…) constitue également un enjeu très important. Les violences subies par ces personnels et le sentiment d’insécurité qu’ils ressentent peuvent conduire à une difficulté à recruter des agents compétents, voire à la disparition des services de proximité, dont la contribution à la régulation quotidienne des relations entre les habitants au sein des quartiers – par la réaffirmation des règles de vie collective – et au maintien d’un lien entre la population et les institutions est pourtant essentielle.

c) Le sentiment partagé d’un impact indéniablement positif du renforcement de la vidéosurveillance et de la présence humaine dans les quartiers Anru

Les acteurs locaux de la sécurité rencontrés sur les différents sites ont le sentiment que l’installation de caméras de vidéoprotection a eu un impact notable sur la délinquance observée dans les quartiers en rénovation urbaine, dans la mesure où elle contribue à mieux préparer et donc à sécuriser les

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interventions des agents de terrain de la police, qui peuvent évaluer plus précisément les moyens humains nécessaires en fonction du niveau de tension sur le site. Aux dires des chargés de mission CLSPD, elle permettrait également d’améliorer considérablement le taux d’élucidation des faits de délinquance, ce qui renforce son rôle dissuasif, et contribue à faire baisser le sentiment d’insécurité des habitants.

A Corbeil-Essonnes, la police municipale témoigne de l’amélioration de ses conditions de travail depuis la mise en place d’un important dispositif de vidéosurveillance par la Ville, puis par la Communauté d’agglomération : « La délinquance a beaucoup diminué avec la vidéoprotection, qui est un outil formidable pour élucider les affaires (elle permet d’identifier des individus, des véhicules, et de repérer des modes opératoires) et sécuriser l’intervention des forces de l’ordre lorsqu’il y a des violences urbaines, dans la mesure où elle permet de suivre les mouvements des groupes. Elle est également utilisée quotidiennement pour lever le doute sur le caractère nécessaire et/ou urgent d’une intervention, lorsqu’un incident nous est signalé, ou pour sentir une ambiance, par exemple lorsqu’un rassemblement est constaté sur un lieu inhabituel, de façon à anticiper les difficultés et à coordonner nos interventions avec la police nationale. »

Le renforcement de la présence policière et des partenariats entre les acteurs de terrain sont également perçus de manière bénéfique par la plupart des professionnels locaux, qui indiquent que la rénovation urbaine ne peut / ne pourra, à elle seule, résoudre tous les problèmes :

« Le désenclavement de certains sites va beaucoup nous aider car la conception de la Ville nouvelle – tel un labyrinthe – est propice au développement de problèmes, avec de petits îlots repliés sur eux-mêmes. Mais il y a aussi l’importance des moyens de sécurité : les services de police aujourd’hui tournent beaucoup plus souvent, ont une meilleure écoute des partenaires, qui sont dans le partage de projets. » (Bailleur, Rillieux-la-Pape)

« On a connu la Mare Rouge comme un territoire occupé. La Ville a pris le taureau par les cornes, suite aux émeutes de 2005. Les partenariats ont été étoffés et des actions volontaristes mises en œuvre. Ca n’a plus rien à voir. » (Ville du Havre)

Aux yeux de plusieurs acteurs locaux, les interventions urbaines, techniques et humaines sont indissociables, et constituent un triptyque nécessaire à l’amélioration durable des conditions de vie et de l’ambiance dans les quartiers. Triptyque que certains regrettent de ne pas voir à l’œuvre sur leur territoire.

« Les bailleurs ont compris les erreurs d’avant et décidé de plus s’investir dans l’entretien et le suivi. L’ancienne Croix Petit s’est dégradée vite car il n’y avait pas la présence des bailleurs, que ce soit physiquement ou via l’entretien réalisé. Les boîtes aux lettres cassées n’étaient pas réparées, le ménage peu fait, les interventions n’étaient pas du tout systématisées après le passage des jeunes squattant les halls…. Les jeunes squattent moins désormais car on laisse moins s’installer les problèmes. On avait par exemple un petit problème de squat des escaliers en sous-sol sur la résidence des Bleuets : 4-5 adolescents de 14-15 ans s’étaient refilés le code d’entrée de la résidence. On a envoyé un message directement aux forces de l’ordre, elles sont passées deux fois. Et les adolescents ne sont jamais revenus ! » (Bailleur, Cergy) « La rénovation urbaine à Rillieux ne s’est pas accompagnée d’un renforcement de la sécurité. Or, ça va de concert. C’est très bien d’avoir fait disparaître certaines tours invivables pour les gens, mais il faut aller plus loin. La rénovation urbaine aura un effet si elle est conjuguée à des actions de police. » (Elus, Rillieux-la-Pape) Les équipes de GUP de la Ville du Havre et les bailleurs sociaux ont développé des actions « mixtes » mêlant intervention sociale et urbaine. Il en est ainsi par exemple au niveau de la tour du 490, avenue du Bois au Coq, qui rencontrait des problèmes de délinquance et de trafics aigus. Le bailleur a, en 2013, organisé la vacance de l’immeuble en relogeant la grande majorité des familles posant problème. Il a pris le temps de réhabiliter et de sécuriser le bâti (fermeture des halls, vidéosurveillance, etc.), et à partir de fin 2014, les logements ont été progressivement remis en location. La GUP a pris la suite, en travaillant notamment autour d’un jardin partagé en pied de tour, sur l’esplanade qui était auparavant

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squattée en permanence, et d’un accompagnement des familles pendant 18 mois (lien social, sorties, accès aux droits, etc.). Le résultat est salué par la Ville : « L’adresse était considérée comme la plaque tournante du trafic dans le quartier. Aujourd’hui, la terrasse devient un lieu de vie, même si les jeunes sont toujours là le soir. Les habitants n’ont plus peur d’appeler la police en cas de problème. »

d) Des actions mises en œuvre dans le cadre de la Gestion Urbaine de Proximité qui contribuent à atténuer les problèmes en matière de tranquillité publique

Du point de vue des professionnels de terrain rencontrés, le renforcement de la gestion urbaine de proximité contribue non seulement à l’amélioration de la propreté du quartier et de sa qualité urbaine, mais participe de l’amélioration globale de l’ambiance et d’une appropriation plus positive des espaces publics. Le renforcement de l’éclairage public, la réorganisation de la collecte des déchets et le meilleur entretien des espaces publics et des espaces verts ont un impact positif en matière de sécurisation passive du quartier. Ces interventions donnent le sentiment d’une meilleure prise en charge du quartier par les institutions. Elles permettent surtout de réduire l’importance des espaces délaissés et insécures dans le quartier, en accompagnement des interventions sur le bâti et des actions de prévention. Parmi les actions de GUP dont l’impact sur la diminution des actes de vandalisme est notable, l’amélioration de la gestion des déchets est la plus citée par les acteurs locaux (bailleurs, police…). A leurs yeux, l’implantation de locaux de stockage à l’extérieur des immeubles, souvent en bordure de rue, l’implantation de containers de tri sélectif enterrés, le calibrage des cuves et l’adaptation de la fréquence du ramassage ont conduit à une baisse significative des incendies de poubelles et des agressions envers les forces de l’ordre (à Bourges, par exemple, les containers mobiles étaient fréquemment utilisés comme projectiles contre les agents de police). Globalement, l’amélioration de la réactivité des services municipaux et des bailleurs face aux incivilités est jugée très positivement pour son impact sur la qualité urbaine et sur la réduction des nuisances et du sentiment d’insécurité :

« L’architecture, très concentrée, engendrait des problèmes de bruit, de propreté. Tout cela est en partie réglé, grâce notamment aux containers enterrés. » (Centre social, Le Havre) « Dans un premier temps, on a beaucoup travaillé sur les stigmates urbains : tags, encombrants, etc. Il fallait régler tous ces problèmes rapidement, et la ville a fourni un gros effort à ce niveau, avec l’enlèvement des épaves en moins de 48 heures, etc. » (Communauté de l’agglomération havraise) « Il y a du mieux avec les containers enterrés, et les encombrants sont régulièrement ramassés. Avant, il y avait des déchets partout. Il y a moins de tags, aussi. On a le sentiment que les services de la ville sont plus présents. » (Habitante du quartier depuis 1997, Chambéry)

L’impact des actions relevant de la GUP sur la tranquillité publique est globalement plus valorisé par les acteurs rencontrés que leur impact en termes d’amélioration de la gestion quotidienne de ces quartiers, alors même que les attendus étaient bien moindres en matière de sécurité, en l’absence de diagnostic et de plan d’actions formalisés.

2. Des difficultés à objectiver et mesurer les effets propres à la rénovation urbaine

Si les acteurs locaux s’accordent à reconnaître une amélioration globale de l’ambiance dans les quartiers rénovés, ils peinent cependant à avoir un discours global et objectivé sur l’évolution de la situation en matière de délinquance à l’échelle des quartiers Anru. A leurs yeux, les liens entre rénovation urbaine et baisse de la délinquance sont difficiles à établir et à mesurer :

« Je ne sais pas si c’est un effet du PRU, mais ce qui est sûr c’est que ça s’est beaucoup tassé, c’est beaucoup moins tendu que ça n’était. Il y a toujours des voitures brûlées, parfois, mais moi quand je

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suis arrivée dans le quartier c’était le western, on voyait débarquer des cars entiers de CRS. Tout ça s’est arrêté. » (Centre social, Corbeil-Essonnes)

« Les regroupements dans les espaces publics ont diminué. Même s’il est difficile de faire le lien avec la rénovation urbaine, il est clair que l’atmosphère globale est pacifiée, la rénovation urbaine a ouvert le quartier. » (Ville de Lorient) « Il est difficile de dire ce qui est lié directement et surtout uniquement à la rénovation urbaine ou pas. En tous cas, en termes de tranquillité publique, on a très peu de squats dans les entrées alors qu’ils étaient plus présents avant. Et on n’a plus aucun logement libre, ce qui est plutôt bon signe » (ORU, Woippy) « Il y a une évolution des problématiques d’insécurité sur nos territoires, mais il y a une difficulté à mesurer l’effet du PRU » (Ville de Rillieux-la-Pape)

a) L’absence de plan d’actions formalisé sur lequel fonder l’évaluation des impacts de la rénovation urbaine

L’absence, dans les conventions PRU et les chartes GUP, de plan d’actions formalisé, prenant appui sur un diagnostic préalable précis des enjeux de tranquillité et de sécurité publiques, constitue un premier obstacle à l’évaluation des impacts de la rénovation urbaine sur l’insécurité dans les quartiers concernés. Ni les objectifs en matière de « sécurité et de tranquillité publiques » ni les indicateurs statistiques retenus dans l’annexe 1 de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 n’ont été repris dans les conventions signées avec l’Anru, sur les sites étudiés comme sur la majorité des sites en rénovation urbaine. Dès lors, aucune convention ne propose d’indicateurs permettant de caractériser précisément la situation avant le lancement du projet et d’évaluer son évolution après sa réalisation, et ce quel que soit le type de crime ou délit considéré (regroupements, trafic, agressions de personnes, etc.).

b) Le caractère mouvant des phénomènes de délinquance Ensuite, si les démolitions et les restructurations urbaines, combinées à l’installation de dispositifs de vidéosurveillance et au renforcement de la présence policière, ont permis de supprimer plusieurs lieux où étaient constatés un nombre important d’incivilités et de faits de délinquance, les acteurs de terrain indiquent que ces derniers se sont plutôt déplacés et/ou dispersés au sein des quartiers rénovés ou vers d’autres quartiers :

- Les faits de délinquance se sont déplacés au gré de la progression des travaux de rénovation, vers les secteurs non rénovés aux franges des périmètres des PRU : A Lorient, la Ville a constaté cet « effet plumeau » de la rénovation urbaine : « Le trafic et les problèmes se sont déplacés du sud au nord. Avant, ils étaient au 3 rue Thorez, maintenant c’est aux numéros 17 et 19, dans les tours non traitées par la rénovation urbaine. » De même, à Hem, les partenaires locaux indiquent que des groupes de toxicomanes adultes qui se retrouvaient auparavant autour de l’avenue Laennec se sont déplacés vers l’église Saint-André (aujourd’hui désaffectée) et le centre commercial situés sur l’avenue Schweitzer. Ils sont désormais rejoints par des groupes de jeunes qui s’adonnent au trafic de stupéfiants. Dans le cadre du second projet de rénovation urbaine, la Ville projette de domicilier dans l’ancienne église, désacralisée, divers services sociaux : épicerie solidaire, coiffeur solidaire, services de bricolage et de prêt d’outils… Plusieurs techniciens de la Ville de Bourges font le même constat : « Il n’y a pas eu d’amélioration globale sur la question de la tranquillité, mais plutôt un déplacement des problèmes. Certains problèmes d’insécurité ont été réglés avec la démolition des immeubles où il y avait du squat et du trafic de drogue. Mais de nouveaux points noirs sont apparus, comme le centre commercial de la

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Chancellerie et le parc paysager des Gibjoncs, dont on parle de plus en plus (quads, détournements d’usage avec le marché communautaire asiatique, attroupements…). » « La dalle inoccupée a été remplacée par un parc. Les gens des tours voient pleinement ce qui s’y passe et peuvent nous prévenir, c’est dissuasif. Certains trafics se font ailleurs, ils sont moins flagrants. » (Services de police, Corbeil-Essonnes)

- Cette délocalisation des phénomènes de délinquance a également suivi l’installation de

nombreuses caméras de vidéoprotection : Aux dires des acteurs locaux, les dispositifs de prévention situationnelle mis en place au centre commercial des Alagniers, dans la Ville nouvelle de Rillieux-la-Pape, ont généré un déplacement des squats vers l’arrière du bâtiment et dans les cages d’escaliers alentours. Les services de police ont observé un phénomène similaire sur le quartier des Tarterêts : « Certaines caméras ont provoqué des réactions car elles gênent, donc ils les détériorent (voiture-bêlier, caillassages, paint-ball…). On a augmenté la taille des mâts de 7 mètres à 10-12 mètres, on les a graissés jusqu’à une hauteur de 3 mètres et on a posé des rochers à leurs pieds. Un lieu de trafic s’est déplacé de 200 mètres suite à l’installation de la première caméra ; nous avons également déplacé la caméra. »

- Elle s’expliquerait enfin par le relogement dans d’autres quartiers de certaines familles

connues de la police : « Depuis les travaux, il n’y a plus trop d’événements spectaculaires. Les populations ont été dispatchées, les nouvelles générations ont enterré la hache de guerre. C’est un soulagement pour les habitants, car certains n’osaient plus sortir. » (Habitant du quartier depuis 1987, Lorient) Certains représentants des forces de l’ordre se disent même en mesure de cartographier les allers-retours des individus délinquants entre les quartiers concernés : « Des petits faits de délinquance, comme des feux de poubelles, permettent de suivre les cheminements qui existent désormais entre la Chancellerie et le Val d’Auron, à travers le centre-ville. » (Services de police, Bourges)

En outre, certains phénomènes de délinquance se sont « invisibilisés » sans pour autant avoir disparus, les auteurs trouvant d’autres moyens de continuer leur activité (positionnement juste en-dessous des caméras de vidéoprotection, mise en place d’un trafic mobile et non plus statique, etc.)

Les professionnels de Montauban évoquent la délinquance résiduelle mais visible qui persiste, en lien avec des dégradations perpétrées par « une dizaine d’individus sur les immeubles rénovés des Chaumes. Ces derniers passent leur journée au centre social, et en fin d’après-midi, ils se livrent à du trafic de stupéfiant au niveau du parking de la Maison des associations, sous les yeux de caméras de vidéosurveillance. L’endroit leur permet de cacher leur matériel dans certains immeubles et de s’échapper rapidement en cas d’arrivée des forces de l’ordre (quelques grilles mises en place dans le cadre des résidentialisations ont été arrachées). » (Grand Montauban)

c) Des données statistiques qui présentent des limites importantes Le déplacement des faits de délinquance rend difficile l’évaluation précise de la situation en matière de sécurité à l’échelle du quartier. Bien que les nouveaux « lieux sensibles » soient connus de tous, et en premier lieu de la police et des habitants, les données disponibles ne permettent pas d’affirmer qu’il s’agit des mêmes individus. En effet, les statistiques de la délinquance existantes aujourd’hui présentent plusieurs limites, qui ont trait en particulier à la pertinence des indicateurs disponibles et à leur échelle.

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Les acteurs locaux impliqués dans la gestion des questions de sécurité et de tranquillité publique (villes, services de police, CLSPD…) s’appuient le plus souvent sur les données issues des fichiers de l’état 4001, centralisées et publiées depuis 1972 par le Ministère de l’Intérieur. Il s’agit des crimes et délits (incriminations du code pénal) enregistrés par les services de police et les unités de la gendarmerie. Dans la mesure où elles reposent pour partie sur les déclarations de personnes victimes d’une infraction et qui ont déposé une plainte à cet effet, ces statistiques donnent à voir un reflet imparfait de la situation globale de sécurité sur un territoire considéré. L’enquête de victimation « Cadre de vie et sécurité », mise en place par l’Insee et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) depuis 2005, permet de compléter la partie « cachée » de la délinquance qui n’apparaît pas dans l’état 4001. Elle montre que la propension des victimes à déposer plainte, et donc la part de la délinquance subie portée à connaissance de la police ou de la gendarmerie, est très variable. Elle souligne en outre que la constatation de certaines infractions, dites proactives, dépend exclusivement de l’action des services de police (telles les infractions liées aux trafics ou à l’usage de stupéfiants). Elle indique enfin que les actions préventives menées sur le terrain par les forces de police peuvent, tout en ayant un effet dissuasif (pour les auteurs potentiels) et rassurant (pour les habitants), rendre plus visible les délits constatés et donc contribuer à une augmentation des chiffres de la délinquance : la mise en place du plan Vigipirate peut faire baisser la délinquance de voie publique (dissuasion), mais les délits constatés par les services de police risquent aussi d’augmenter du fait de la multiplication des contrôles préventifs. Autre limites des données 4001 : l’enregistrement des faits constatés dans l’état 4001 ne s’effectue pas forcément en temps réel. Il peut ainsi y avoir un décalage entre la date de commission de l’infraction, celle du dépôt de plainte et l’incorporation de la plainte, comme fait constaté, dans la nomenclature de l’état 4001. Et la nomenclature de l’état 4001 n’a jamais évolué : elle reste limitée aux 107 index composant cet état, et toute nouvelle infraction créée intègre un index déjà existant. Sans constituer une véritable rupture dans l’appareil statistique, ce procédé a néanmoins une incidence sur la mise en évidence d’une tendance à la hausse ou à la baisse de la délinquance sur un territoire. Enfin, les périmètres des projets de rénovation urbaine ne coïncident généralement pas avec l’échelle à laquelle ces données sont disponibles (agglomération, commune et/ou quartier) :

« L’évolution de la situation en termes de tranquillité et de délinquance… il s’agit de tendances difficiles à quantifier. Les chiffres existent, mais pas que sur la Ville nouvelle, c’est tous quartiers confondus » (Services de police, Rillieux-la-Pape).

Dans ces conditions, les chiffres de la délinquance disponibles ne permettent pas toujours de confirmer ou d’infirmer le sentiment des acteurs de terrain relatif à l’évolution de l’insécurité en lien avec la rénovation urbaine. Il se révèle en effet difficile de dégager une tendance nette – témoignant d’une amélioration ou d’une dégradation globale de la situation – tant les indicateurs sont nombreux et difficilement comparables, et témoignent d’évolutions contrastées en fonction du type de crime ou délit considéré. Les décalages observés sur plusieurs sites entre le sentiment partagé des acteurs locaux d’une amélioration globale de l’ambiance dans les quartiers et la dégradation – ou tout au moins l’absence d’amélioration – des chiffres de la délinquance tend à indiquer une réduction du sentiment d’insécurité plutôt qu’une véritable diminution de la délinquance.

La Ville et les services de police du Havre s’accordent sur le fait que, à l’issue du PRU, la délinquance, notamment sur la voie publique, était en forte baisse voire avait disparu (en particulier les incendies de poubelles et de véhicules) : « Toutes les formes de délinquance ont baissé, voire disparu : groupements de jeunes se livrant à des vols et des braquages, et incendies de voiture notamment, y compris le 31 décembre. » (services de police) Pourtant, ces observations ne se retrouvent pas dans l’étude des principaux indicateurs de délinquance, qui ont globalement tendance à augmenter entre 2006 et 2012 (+12%) pour une partie du quartier (périmètre ZUS), alors que la population a légèrement diminué et que ces chiffres sont en baisse dans la circonscription de référence (-15%). Plus spécifiquement, les données de l’état 4001 indiquent une hausse de +24,5% pour les destructions et dégradations sur le périmètre ZUS (-21% pour la circonscription) et de +267% en ce qui concerne les « violences physiques non crapuleuses » (+111,5% à l’échelle de la circonscription de référence).

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Les acteurs rencontrés aux Tarterêts s’accordent à saluer l’impact des interventions réalisées dans le cadre du PRU et de l’installation de système de vidéosurveillance sur les faits de délinquance, que confirment les chiffres rassemblés par la CA Seine Essonne pour le quartier des Tarterêts, qui indiquent une légère diminution de la délinquance générale et une forte progression du taux d’élucidation au cours des dernières années. Les données de l’état 4001 relatifs au périmètre de la ZUS indiquent au contraire une augmentation globale du nombre d’actes de délinquance par habitant entre 2006 et 2012 (+13%), tandis que ce chiffre est stable pour la circonscription de référence. Si l’on en croit ces données, la situation semble s’améliorer uniquement en ce qui concerne les destructions et dégradations (-16%) et les vols sans violence (-19%), tandis que les vols avec violence et les menaces et chantages auraient fortement augmenté (respectivement +96% et +150%). Interrogés sur l’évolution des « points noirs » préexistants à la rénovation urbaine, plusieurs acteurs indiquent en outre une amélioration très limitée malgré les interventions sur la structure urbaine et viaire, avec des dégradations régulières et des activités de trafic persistantes et gênantes. Dans ces conditions, il apparaît donc difficile de dégager une tendance nette et d’affirmer que la situation s’est durablement améliorée, grâce au PRU.

E. Trois niveaux de résultats identifiés en matière de tranquillité publique Les professionnels de terrain comme les habitants rencontrés sur les 10 sites étudiés expriment le sentiment d’une véritable amélioration des problématiques de tranquillité publique préexistantes à la rénovation urbaine, mettant ainsi en évidence l’impact significatif des PRU en matière de réduction du sentiment d’insécurité. Cependant, les différentes actions mises en œuvre dans les quartiers restent globalement impuissantes en ce qui concerne les enjeux lourds comme le trafic de drogue et les réseaux mafieux. Aux dires des acteurs, la criminalité la plus lourde se déplace souvent à proximité du projet de rénovation, voire s’amplifie. En outre, un certain nombre de dysfonctionnements subsistent, à travers des stationnements gênants ou dangereux, des menaces contre les personnels (des bailleurs, des équipements de proximité), des regroupements d’individus, des dégradations de boîtes aux lettres, des odeurs d’urine dans les cages d’escalier, des nuisances sonores, etc. Enfin, des problèmes nouveaux sont apparus avec la mise en œuvre des projets, en raison de défauts de conception et d’un manque d’anticipation des usages des nouveaux espaces et équipements.

1. Une amélioration globale de l’ambiance urbaine et des sites pacifiés Sur l’ensemble des sites étudiés, les acteurs locaux partagent le sentiment d’une amélioration très nette de l’ambiance urbaine et d’une pacification globale des secteurs rénovés. Ils soulignent l’impact réel des projets de rénovation urbaine sur le sentiment d’insécurité et la diminution des faits de délinquance mineurs. Ils l’expliquent principalement par la suppression des lieux jugés insécurisants voire dangereux, l’amélioration de la réactivité des professionnels de terrain face aux dégradations et le renouvellement d’une partie de la population des quartiers rénovés. Les habitants, en particulier, expriment un « sentiment d’apaisement » général depuis la rénovation, qu’ils attribuent aux démolitions et réaménagements urbains opérés, qui ont permis de faire disparaître les cheminements et recoins insécurisants et d’ « ouvrir » leurs quartiers :

« Avant, c’était comme dans un ghetto. On ne voyait rien. On était dans une prison. Quand on entendait "Mare Rouge", tout le monde fuyait. Les taxis refusaient de venir. Ça s’est bien amélioré. » (Habitante du quartier depuis 1999, Le Havre) « Avant, il y avait beaucoup de barres d’immeubles, des coins pas très jolis, des "coupe-gorges" entre deux bâtiments… Aujourd’hui, on voit la différence. Le bâti s’insère bien dans le paysage. Au niveau du Pré de l’Ane, c’est super chouette ! » (Habitante du quartier depuis 1987, Chambéry)

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« On ne se rendait pas forcément compte, mais avec le recul, le quartier était vieillot. Ça avait besoin d’être rénové : on en prend conscience quand on voit des photos avant/après. La création de certaines rues était indispensable, car il y avait plein de petites impasses. Ça fait moins ghetto maintenant. Kervénanec a moins qu’avant l’image d’un quartier sensible. Les logements sont aussi plus confortables, mieux éclairés grâce aux ouvertures. » (Habitant du quartier depuis 1987, Lorient)

Pour les professionnels de proximité, l’amélioration globale de la situation en matière de tranquillité s’explique également par la diminution des dégradations volontaires, favorisée par la requalification des immeubles et l’amélioration de la gestion quotidienne des quartiers, qui ont eu un impact favorable en matière d’appropriation du quartier et de ses équipements par les habitants :

« Le quartier a énormément changé. On a désormais beaucoup moins de dégradations. Avant, il y avait des tags. Aujourd’hui, on ne constate aucun phénomène de ce genre dans les parties rénovées. » (Ville de Lorient) « Les tags persistent, mais pas plus qu’ailleurs dans la ville. Et maintenant nous intervenons plus rarement suite à des incendies de voiture, pour enlever les épaves. » (Prestataire extérieur, Hem)

Les habitants confirment l’amélioration de la réactivité des bailleurs et des agents municipaux face aux incivilités et aux dégradations volontaires (tags, vandalisme…), qui se traduit notamment par la quasi absence de voitures brûlées et d’épaves abandonnées constatée lors des observations in situ : « Avant la rénovation urbaine, toutes les semaines, on avait 3 ou 4 voitures brûlées. Il y avait de la surenchère entre quartier. En plus les épaves n’étaient pas enlevées comme maintenant. Quand c’était sur le terrain des bailleurs, ils n’enlevaient pas, et ça incitait les jeunes à recommencer. Il y avait beaucoup de feux de poubelles aussi. Maintenant ça va quand même mieux. » (Habitant de la Mare Rouge depuis 1981, Le Havre) Certains habitants font enfin le lien entre le relogement de certaines familles « difficiles » dans d’autres quartiers, à l’occasion des projets de rénovation urbaine, et l’amélioration de la situation en matière de sécurité : « Il y a du mieux. Ça n’a rien à voir en termes d’ambiance. Avant les poubelles brûlaient. Le quartier est désormais plus calme. Les fauteurs de trouble sont en prison, sont morts ou ont quitté le quartier. Les nouvelles générations sont prises en charge différemment, les jeunes sont aussi moins nombreux. Ils sont scolarisés, leurs parents sont derrière, ils font du sport... » (Habitante du quartier depuis 1999, Le Havre) Sur certains sites, les chiffres disponibles confirment les observations des acteurs locaux en matière de tranquillité publique, comme à Roubaix :

D’après les acteurs rencontrés à Roubaix, les aménagements réalisés dans le cadre du PRU (suppression des allées et venelles, sécurisation des caves…) ont permis de réduire « les nuisances visibles, en particulier le deal de rue et les dégradations et violences associées, et de diminuer ainsi les nuisances et le sentiment d’insécurité des habitants » (Centre social des Trois villes). Les principaux indicateurs de délinquance confirment l’amélioration significative de la situation entre 2006 et 2012 à l’échelle de la ZUS (-42%). La plus faible amélioration observée au niveau de la circonscription (-14%) tend à confirmer l’impact du projet de rénovation urbaine sur ce territoire en matière de sécurité. La diminution des faits de délinquance est particulièrement sensible pour les vols avec (-90%) ou sans violence (-46%) et les destructions et dégradations (-54%). En revanche, les menaces et chantages ont fortement progressé (+55%), en lien avec l’insuffisante sécurisation des chantiers.

Plusieurs difficultés persistantes en matière de tranquillité invitent à nuancer le propos, mais il convient de rappeler la gravité des problématiques auxquels étaient confrontés les acteurs locaux sur de nombreux sites avant la rénovation urbaine. Cette remarque nous conduit à souligner l’importance de l’impact significatif des PRU sur le niveau de la délinquance mineure, le sentiment d’insécurité et le climat social, que s’accorde à reconnaître l’ensemble des acteurs rencontrés.

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2. Des problèmes non réglés qui restent pénalisants pour les sites

a) La persistance des difficultés liées à la circulation, au stationnement et à la sécurité routière Parmi les dysfonctionnements identifiés dans les conventions de PRU et qui subsistent alors que les projets touchent à leur fin, les professionnels de terrain et les habitants font état de difficultés persistantes de circulation et de stationnement. Ils indiquent notamment des circulations dangereuses de deux roues sur les nouvelles pistes cyclables, des doubles files anarchiques et des stationnements gênants qui constituent à la fois un obstacle aux circulations des transports publics et un danger pour la sécurité des piétons et des automobilistes :

« Pour l’instant, le PRU se tient bien, en dehors des problèmes d’encombrants et de stationnement. Comme il y a moins de places de parking, les gens se garent n’importe où, en double file, mais personne ne leur dit rien. Parfois, les bus ne peuvent pas passer. » (Régie de Quartier, Chambéry)

« Tout le monde passe au bas de l’immeuble : les scooters, les voitures, les enfants… C’est dangereux, il va y avoir un accident ! En face d’Auchan, c’est pareil, on manque de se faire renverser car le feu est vert pour les piétons en même temps que pour les voitures. Il faut traverser au rouge pour être tranquille. » (Habitante du quartier depuis 1987, Le Havre)

Du fait d’un manque de prise en compte des usages des habitants et de l’avis des gestionnaires et forces de l’ordre, ces problèmes de circulation et de stationnement se sont intensifiés pendant la phase chantier des projets de rénovation urbaine dans de nombreux quartiers. Et ils semblent avoir persisté au-delà, parfois du fait de choix de conception problématiques :

« Les travaux ont apporté beaucoup de nuisances. La double voie pour le bus, c’est vraiment de l’argent jeté par les fenêtres ! Ça n’apporte rien, ça crée des problèmes de stationnement, ça rend les traversées dangereuses. Le Forum est devenu un cauchemar. Ils ont mis un cédez-le-passage, du coup les voitures foncent, il est impossible de faire demi-tour, etc. En termes de sécurité, c’est la catastrophe : je n’enverrais pas mes enfants tout seuls à l’école, il y a trop de circulation. » (Habitant du quartier depuis 1975, Chambéry) « Le nouveau quartier est assez dangereux pour les piétons, notamment autour du nouveau centre commercial de la Chancellerie : il y a des détournements d’usage des pistes cyclables par les deux roues, les voitures font des pointes de vitesse sur les rues attenantes dont le tracé est linéaire, les voitures se garent en double file sur les voies de bus et la zone à 30 n’est pas respectée ; tout cela rend le carrefour très dangereux. Avant, il n’y avait même pas de clous pour les piétons. » (Ville de Bourges) « Au Mont Blanc, au niveau du Parc des Horizons, ils ont fait une esplanade au fond où on voit tout Lyon. On n’a pas été consultés là-dessus. Donc aujourd’hui, des scooters roulent très vite sans casque, à fond » (Services de police, Rillieux-la-Pape).

Manque de places de parking / stationnement anarchique

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Aux dires des acteurs locaux, certaines opérations visant à améliorer la sécurité sur la voie publique dans les quartiers ont également contribué à aggraver ces difficultés :

Les acteurs locaux estiment que les difficultés de stationnement qui s’observent sur le quartier des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes, en lien avec un déficit de places au regard des besoins des résidents et usagers, se sont accentuées avec la fermeture et la démolition de plusieurs parkings (en particulier les 5 niveaux du parking souterrain du Logement Francilien, en cœur de quartier). Cette situation induit une problématique persistante de stationnement sauvage sur les espaces publics et les espaces verts, particulièrement prégnante les jours de marché et le vendredi. Des négociations sont en cours avec le Conseil départemental pour permettre aux organisateurs de la prière du vendredi – qui attire chaque semaine plus d’un millier de personnes – d’annexer le terrain disponible pour en faire un parking.

Sur l’ensemble des sites, les acteurs locaux indiquent enfin une absence d’amélioration de la situation en matière de circulation de deux roues et de quads dans les quartiers, les rodéos de véhicules motorisés étant encore très fréquents. Ils constatent par ailleurs un détournement d’usage des cheminements piétons, aussi bien le long des voies automobiles que dans les espaces verts aménagés dans le cadre des PRU. Ces pratiques génèrent d’importantes nuisances pour les habitants et constituent un danger pour les riverains, en particulier pour les personnes âgées et les enfants. Elles conduisent en outre à une fréquentation limitée par les familles de certains espaces rénovés ou nouvellement aménagés, qui sont appropriés par des groupes de jeunes, souvent à l’origine de petites dégradations (jets de détritus, dégradation des plantations…). Cette appropriation négative des espaces publics contribue à dévaloriser les investissements réalisés dans le cadre de la rénovation urbaine, en alimentant le sentiment d’insécurité chez les riverains et les usagers.

b) Des trafics illicites qui restent ancrés dans les quartiers Les acteurs de terrain indiquent que, si les projets de rénovation urbaine ont contribué à atténuer certains dysfonctionnements en matière de tranquillité publique, leur impact est plus notable sur la petite délinquance de proximité et les actes d’incivilité (incendies de poubelles, de véhicules…) que sur la résolution des troubles liés aux trafics de stupéfiants. Ils confirment ainsi le constat fait par l’ONZUS en 2013133 : « Alors que les actes d’incivilités, les violences urbaines, les dégradations et les incendies volontaires sont en diminution notable, les trafics illicites restent ancrés sur les quartiers et leur ampleur ne semble pas évoluer au cours du PRU. » Sur certains quartiers, l’acuité des problèmes de sécurité liés au trafic est telle que de nombreux acteurs locaux se disent résignés :

« On a encore quelques incendies de poubelles au nouvel an et pour Halloween, mais ça reste très ponctuel. Quant au trafic, il y en aura toujours. » (Services de police, Lorient) « Ce qui a diminué avec le projet, c’est ce qu’on voit à la télé : les voitures brûlées, etc. Pas l’activité économique souterraine. A la limite, ces gens-là sont contents que le quartier soit désormais plus calme. » (Centre social, Corbeil-Essonnes)

De même, la résolution des dysfonctionnements est fortement conditionnée par les caractéristiques socioéconomiques des quartiers, que les projets de rénovation urbaine n’ont pas les moyens de modifier en profondeur, malgré l’objectif de diversification de l’habitat et de renforcement de la mixité sociale poursuivi par le PNRU :

« A la Mare Rouge, on a toujours du mal à penser et mettre en place un véritable projet urbain et social. Ce sera probablement très long. Le quartier s’est dégradé depuis les années 1970, il ne faut pas croire qu’on va revenir rapidement à la normale, car il est difficile de régler les problèmes sociaux, même si le cadre de vie a été clairement amélioré. » (Communauté de l’agglomération havraise)

133 ONZUS, Rapport sur les 10 ans du PNRU, mars 2013.

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« L’enveloppe a changé, le quartier est plus aéré, mais la population n’a pas changé, ses problèmes non plus. » (Centre social, Bourges) « On n’a pas voulu installer de caméras sur notre patrimoine (sur les façades, les toitures), uniquement sur les espaces publics. Il faut régler le problème à la racine : les trafics, l’emploi des jeunes… Ce n’est pas le bâti qui va régler les problématiques sociales du quartier. » (Bailleur, Corbeil-Essonnes)

Dès lors, dans les quartiers les plus en difficulté, les requalifications et réaménagements n’ont pas permis une modification notable des usages des espaces publics. Sur les 10 sites, les professionnels de terrain ont indiqué que certains immeubles ou équipements réhabilités ou construits dans le cadre de la rénovation urbaine ont été vandalisés, et de nombreux dispositifs de sécurisation installés dans le cadre des résidentialisations sont assez régulièrement dégradés, afin de permettre la poursuite d’activités illicites. Sur plusieurs sites, la police témoigne même d’une recrudescence et une aggravation des actes de délinquance depuis 2013-2014, qui ciblent des équipements jusque-là épargnés, concernent des enfants de plus en plus jeunes et impliquent des armes à feu :

A Bourges, deux équipements du quartier de la Chancellerie, construits avant la rénovation urbaine et qui n’avaient jamais subi de dégradations majeures, ont récemment été visés par des incendies volontaires : le Hameau de la Fraternité, qui regroupe près de 20 associations du quartier, et le PRJ. Par ailleurs, les polices municipale et nationale font état d’une intensification de certains problèmes de sécurité depuis deux ans : les forces de l’ordre observent en effet une recrudescence des petits faits de délinquance (notamment les feux de poubelles) mais aussi des incendies de voitures et du trafic de stupéfiants, notamment dans le parc des Gibjoncs, devant le centre commercial de la Chancellerie et autour du centre commercial Cap Nord (exclu du PRU). D’après la Direction de la Sécurité, « on parle d’amélioration de la situation car les faits de délinquance ont diminué en nombre, mais en réalité ils sont aujourd’hui plus graves qu’il y a quelques années et ils marquent davantage les gens, car il s’agit plus souvent d’agressions de personnes, avec des armes. » Un phénomène émergent de « délinquance préadolescente » est par ailleurs identifié par les élus de Rillieux-la-Pape sur le secteur Ravel, à proximité des Alagniers : « Depuis un an, des très jeunes de 10-12 ans se rassemblent après l’école, commencent à faire de petites dégradations. Ils sont ‘ravageurs’. On a une explosion des faits hors période scolaire, le soir, le week-end et pendant les vacances : incendies de poubelles, vols dans les garages et les caves, véhicules vandalisés… »

c) Une réputation de quartiers insécures qui persiste malgré la rénovation urbaine Alors même qu’un petit nombre d’individus est concerné, la persistance, voire la recrudescence de ces faits de délinquance – principalement liés au trafic de drogue – impacte les conditions de vie des habitants et les conditions de travail des gestionnaires. Concrètement, plusieurs « points noirs » préalablement identifiés posent toujours problème à l’issue des PRU, et contribuent à faire perdurer l’image négative des quartiers, malgré les investissements consentis :

La requalification de l’avenue d’Annecy, considérée comme l’un des points noirs du quartier des Hauts de Chambéry, a certes redonné une certaine qualité urbaine à un espace qui était devenu un espace de stationnement, mais des groupes de jeunes continuent d’occuper le lieu et de créer des nuisances importantes (trafic, rodéos, etc.). La Ville avoue son incapacité à intervenir efficacement sur le 173 de l’avenue d’Annecy, malgré les efforts consentis dans le cadre du PRU : « En face du supermarché, on a beaucoup fait évoluer l’agencement urbain, mais ça ne change rien au trafic. Historiquement, ça a toujours été un lieu de rassemblement. Il y a une même une "peur" de certains acteurs institutionnels face à ça. La police n’a jamais réussi à faire une vraie descente. » Une habitante du quartier, installée près de 10 ans avant le lancement du projet, témoigne de la persistance des problèmes identifiés avant la rénovation urbaine : « Les points sensibles sont toujours les mêmes, malgré la rénovation : les Châtaigniers, Avenue d’Annecy, Les Combes. Il y a des regroupements de jeunes, du trafic, des incivilités fréquentes… Ils font du bruit et les voitures sont brûlées, même si un peu moins qu’avant. »

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Dans ces conditions, le risque d’échec des PRU apparaît fort, et ce d’autant plus que les changements en matière de sécurité et tranquillité sont parfois jugés peu perceptibles par les habitants, aux yeux desquels la situation s’est même dégradée depuis la mise en œuvre des PRU :

« Les problèmes qui touchent le quartier concernent l’intégration des jeunes, le manque de civilité, les provocations, les voitures qui flambent, avec parfois des débuts d’incendies d’immeubles. La situation s’est dégradée en 10-15 ans. » (Habitant des Châtaigniers depuis 1981, Chambéry)

« Les voitures sont constamment vandalisées : 30 véhicules ont été incendiés le 31 décembre 2013, les carreaux sont régulièrement cassés... Je ne peux pas garer mon monospace dans mon sous-sol, parce qu’ils mettent le feu dans les garages. Le parking extérieur à proximité du Forum est isolé, pas éclairé… La rénovation urbaine n’a rien amélioré. » (Habitant du quartier depuis 1975, Chambéry)

Certains habitants imputent cette situation à l’insuffisante présence humaine dans leur quartier, qu’elle n’ait pas été renforcée de manière pérenne ou qu’elle ne soit pas assez visible, et à l’inégale réactivité des bailleurs face aux dégradations des nouveaux équipements et aménagements :

« Il faudrait une présence physique renforcée d’adultes référents. Quand on met des CRS pendant trois semaines, c’est plus stigmatisant qu’autre chose ! Il faut intervenir auprès des adolescents. Dans le bus, quand je demande poliment de baisser la musique, on me répond : "tais-toi la vieille !". Bien souvent je suis totalement isolée en tant qu’adulte. » (Habitante du quartier depuis 1987, Chambéry)

« Les réparations prennent souvent du temps. Avant on avait des toilettes publiques, mais les gamins les ont détériorées. Au lieu de réparer tout de suite, elles ont été enlevées ! Pourtant, retirer, c’est abandonner, c’est leur donner raison ! C’est un cercle vicieux quand on n’intervient pas, mais bon ça va à peu près. » (Habitante du village de Kervénanec depuis 1969, Lorient)

Barrière cassée non réparée

De leur côté, les bailleurs reconnaissent une forme d’impuissance face à la persistance de certaines dégradations, malgré l’investissement de moyens financiers conséquents :

« On a beaucoup de halls transparents depuis la réhabilitation. Mais (...) dans les résidences neuves, on nous force nos portes automatiques, les cellules des visiophones sont brûlées... Donc le coût du vandalisme est important, d’autant plus que les matériaux sont chers. » (Bailleur, Hem-Lys-Roubaix)

La persistance d’un sentiment d’insécurité chez certains habitants (en particulier les femmes et les personnes âgées) et professionnels de terrain est préoccupante, dans la mesure où elle alimente la perception négative des quartiers et minimise les impacts positifs des interventions réalisées dans le cadre des PRU. L’absence de résolution des problèmes de délinquance lourde liés au trafic mafieux participe en effet du maintien d’un climat d’inquiétude au sein de la population et d’une « réputation » particulièrement insécure de certains quartiers, qui constituent un obstacle majeur à la réalisation de l’objectif de mixité sociale poursuivi par le PNRU :

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A Cergy, les nouveaux habitants font part d’un fort mécontentement. Certains ont exprimé à un moment donné ou continuent d’exprimer une volonté de partir du quartier : - « Les nouveaux propriétaires appelaient la police car les jeunes se garaient en double voire triple file, faisaient des barbecues, parlaient fort jusqu’à 3 heures du matin. Ils avaient le sentiment qu’on leur avait vendu du rêve avec ce nouveau quartier, mais que la réalité était bien différente. » (Maison de quartier) - « Ils mangent des trucs rapides et laissent les déchets sur place, laissent tourner leur moteur, écoutent de la musique, parlent fort. Il y a une suspicion de trafics de stupéfiants car des véhicules d’autres départements de Région parisienne passent très souvent. Une enquête de voisinage a été faite sur le secteur l’année dernière, certains propriétaires disent vivre un enfer ; ils regrettent d’avoir acheté et souhaitent vendre leur pavillon. » (Services de police)

De manière presque paradoxale, cette persistance du sentiment d’insécurité peut aussi être liée aux effets du PRU lui-même, l’amélioration de la situation du quartier sur le plan urbain et de la gestion semblant participer d’une généralisation de la veille au sein de la population et d’un renforcement de la sensibilité habitante aux problèmes de tranquillité publique, et ce quelle que soit leur gravité :

« Les habitants des Tarterêts ont évolué dans leur logique. Par le passé, j’ai vu des adultes indiquer depuis les fenêtres aux jeunes qui lançaient des pierres où on se trouvait. Maintenant, à l’inverse, certains nous donnent des renseignements. Le sentiment d’insécurité est aussi plus général. Dès qu’il y un rassemblement, on appelle la police maintenant, surtout les personnes âgées. » (Services de police, Corbeil-Essonnes)

3. Des problèmes générés par les projets eux-mêmes

a) L’exposition des habitants à de nouveaux risques, du fait d’un défaut d’anticipation et d’accompagnement de la mise en œuvre des chantiers

Du fait d’une insuffisante anticipation par les acteurs locaux des actions à mettre en œuvre pour limiter les nuisances et risques liés à la mise en œuvre des opérations programmées, les chantiers ont souvent fait l’objet de dégradations :

« Quand le nouveau parc a été livré, il y a 2-3 ans, il est immédiatement devenu un dépotoir (véhicules volés…). Nous avons dû installer des rochers pour condamner toutes les entrées, sauf une afin de permettre l’accès des services techniques. Mais les grillages et portails restent un point faible de cet équipement : les jeunes défoncent les cadenas que nous installons. Nous avons donc fini par installer des caméras. Mais on a toujours une problématique de circulation de deux roues sur cet espace. » (Services de police, Corbeil-Essonnes)

Sur certains sites, la mauvaise gestion des chantiers a entrainé des nuisances importantes pour les habitants : « Pendant les travaux de rénovation, on avait un peu l’impression d’un chantier à ciel ouvert. Dans certaines parties, ça a été laissé sous forme de terrain vague, avec des tas de ferrailles qui ont traîné pendant plusieurs années. » (Habitante du quartier depuis 1987, Chambéry). Souvent squattés, les espaces en friches et bâtiments laissés vacants pendant les travaux ont constitué un véritable danger du point de vue de la tranquillité et de la sécurité des riverains :

A Bourges, la relance de la démarche de GUP à partir de la fin de l’année 2013 s’est traduite par la mise en place et l’actualisation régulière d’un « tableau de bord » qui recense les progrès réalisés et les difficultés persistantes. Lors de sa présentation en comité de pilotage GUP en avril 2015, la mauvaise gestion des chantiers a été pointée du doigt avec : d’importantes nuisances sonores, une signalétique insuffisante et inadaptée ; des problèmes de déplacements (automobiles et piétons) et de stationnement ; des problèmes de gestion des pieds d’immeubles ; des problèmes de finition des chantiers ; et enfin un phénomène de squat et la présence de pigeons dans les bâtiments restés vacants, à l’origine de lourdes dégradations (incendies, tags, dégradation de matériel…) dans plusieurs sites (l’école des Merlattes, la Tour bleue aux Gibjoncs, le gymnase des Merlattes…).

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Chantier non sécurisé

En outre, sur certains sites, les risques de dégradation des nouveaux aménagements réalisés semblent également avoir été insuffisamment anticipés, en lien avec un manque global de communication autour des projets et une réactivité inégale des bailleurs et agents municipaux. De nombreux dysfonctionnements ont ainsi compliqué les conditions de vie des habitants pendant mais aussi après la mise en œuvre du PRU, générant d’importantes nuisances et une certaine insatisfaction :

« Au début, le hall ne fermait pas. Les jeunes arrivaient à ouvrir les portes et à rentrer dans les immeubles. Ils fumaient, on était empesté, ils faisaient du bruit, ça criait la nuit. » (Habitante du quartier depuis 1966, Le Havre) « Le parking est squatté en permanence par les jeunes car le bailleur ne veut pas le fermer sous prétexte que la barrière serait arrachée. Les jeunes font leur gym, ils font du bruit. » (Habitant de la Mare Rouge depuis 1981, Le Havre) « La gestion des déchets ne s’est pas améliorée. Les gens déposent tout à côté des containers. Les services de propreté passent moins souvent donc ça se dégrade à vive allure. Il y a du vandalisme : c’est même pire, car il y a des choses nouvelles à casser. Tout cela n’est pas remplacé, pas réparé. » (Habitante du quartier depuis 1985, Chambéry)

b) La reproduction d’options ou choix urbains présentant un danger pour les habitants Les observations conduites ont permis d’identifier sur chaque site des constructions et aménagements réalisés dans le cadre des PRU dont la conception même et/ou le choix des matériaux utilisés paraissent insécures pour les habitants. On a ainsi pu recenser :

- Des opérations nouvelles implantées en bordure même de rue ou de parking, avec des fenêtres basses, des baies vitrées sans protection ou de simples grillages, qui peuvent alimenter un sentiment d’absence d’intimité et d’insécurité chez leurs locataires ;

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Balcons et loggias en rez-de-chaussée

- Des constructions neuves qui offrent une succession de façades aveugles et/ou dont la configuration génère des recoins et passages insécures, propices aux dégradations (tags), favorisant le repli sur soi des locataires et insécurisant les cheminements piétons ;

Passage traversant insécurisant

- Des aménagements (passerelles, escaliers) en métal dont l’usage bruyant est susceptible de générer des tensions entre habitants, et des aménagements dont la conception peut s’avérer dangereuse, notamment pour les enfants ;

Escalier en métal avec angles dangereux

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- Des réorganisations de la trame viaire (suppression de voies rapides, déviations…) qui contribuent à complexifier les circulations des véhicules privés, des autobus et des véhicules de police, des pompiers et des services d’urgence médicale, et/ou se font au détriment des cheminements piétons.

Ces aménagements qui se révèlent problématiques en termes de sécurité sont d’autant plus dommageables qu’ils sont le résultat d’options architecturales dont les implications négatives ont pour la plupart déjà été éprouvées par le passé : c’est le cas notamment des configurations qui favorisent les recoins et passages insécures pour les passants, ainsi que les regroupements et les trafics. Sur ce point, les représentants des forces de l’ordre ont regretté de ne pas avoir été consultés de manière systématique lors de l’élaboration des projets, ce qui aurait permis d’éviter certains aménagements dont la configuration favorise de facto les regroupements et complique leur intervention : « Avec ses dents creuses, l’architecture du nouveau centre commercial de la Chancellerie permet de se camoufler et de s’échapper. Elle est en ce sens propice au trafic de stupéfiants. Elle complexifie également notre action et met en danger mes agents de terrain car nous ne pouvons pas y accéder en voiture. » (Services de police, Bourges)

A Montauban, les aménagements paysagers et le mobilier urbain ont fait l’objet d’une étude par la société publique locale d’aménagement (SPLA) Montauban Trois Rivières Aménagement, afin de privilégier des essences et matériaux robustes et pérennes. Les observations conduites sur site font état d’un nombre limité de dégradations sur le quartier (piétinements, grilles arrachées, etc.). Certains aménagements ont néanmoins posé problème suite à leur mise en service : - Initialement ouverts d’un seul côté, les halls des immeubles en fond de quartier ont été dans un premier temps transformés en halls traversants (un côté « minéral » pour les voitures / un côté « jardin » pour les piétons) ; mais ceux-ci étaient squattés et les dealers s’en échappaient facilement. Aussi, à l’occasion de l’avenant de sortie, un travail a été mené à ce sujet avec un préventionniste, pour ne retenir finalement qu’une seule entrée côté rue et opter pour une réduction de la taille des halls. - Des box pour voitures ont aussi été installés autour de l’ensemble des Chaumes en 2010, en réponse à une demande des locataires qui ne disposaient pas de garages fermés. Néanmoins, ces aménagements, qui ont cumulé les dysfonctionnements lourds, constituent un échec : ils ne sont presque plus utilisés par les habitants, car les dealers du quartier se les sont appropriés pour cacher leurs produits. Par ailleurs, leur configuration ‘en créneaux’ permet aux guetteurs de se dissimuler entre les box. Ils sont de surcroît parfois incendiés.

Box pour voitures en créneaux

Enfin, la conception de nombreux équipements publics et centres commerciaux implantés dans les quartiers à l’occasion des projets de rénovation suscite des interrogations quant à leur utilité et leur fonctionnalité : disposés de manière désordonnée, ils ne parviennent pas à créer une centralité attractive dans les quartiers et génèrent des espaces inutilisables, propices aux regroupements et qui peuvent être perçus comme dangereux.

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c) Des tensions entre anciens et nouveaux habitants liées à une préparation et un accompagnement insuffisants de la cohabitation

Des tensions se sont fait jour sur plusieurs sites avec l’arrivée des ménages venus occuper les nouveaux logements. Le défaut d’accompagnement des populations – nouvelles et anciennes – est à l’origine d’une partie des conflits et actes délictueux observés sur ces sites (dégradation / incendie de véhicules, agressions, bagarres…). Aux yeux des forces de l’ordre, ces difficultés nouvelles s’expliquent en partie parce que certaines des familles qui se voient attribuer un logement dans les quartiers rénovés sont impliquées dans des trafics : leur arrivée donne lieu à des conflits entre groupes mafieux pour le contrôle des quartiers. Les professionnels de terrain sont les premiers témoins de ces difficultés : « Un nouveau quartier est sorti de terre, où tout était nouveau. Mais il n’avait pas changé de nom. Ceux qui avaient construit leur identité au sein de cet espace y ont donc gardé une certaine accroche, même en n’y vivant plus. Les jeunes adultes ont connu pas mal de frustrations à l’arrivée de nouveaux habitants, et les choses ne se sont pas passées de manière optimale. Ils revenaient sur le quartier, avec de mauvaises habitudes, en disant ‘Ici, c’est chez nous, on fait ce qu’on veut’. (…) Les nouveaux propriétaires appelaient la police car les jeunes se garaient en double voire triple file, faisaient des barbecues, parlaient fort jusqu’à 3 heures du matin. Ils avaient le sentiment qu’on leur avait vendu du rêve avec ce nouveau quartier, mais que la réalité était bien différente. » (Maison de quartier, Cergy).

d) Une réorganisation nécessaire des moyens d’intervention des forces de l’ordre dans le cas de certaines opérations

Si les aménagements réalisés dans le cadre des projets de rénovation urbain ont globalement permis de sécuriser les interventions des forces de l’ordre – grâce à la suppression des recoins, impasses et points hauts permettant de guetter notamment –, certaines opérations ont au contraire obligé les services de police à repenser les modalités de leurs interventions et à renforcer les effectifs en cas d’intervention ; c’est notamment le cas des vastes espaces verts créés sur un grand nombre de sites, pour dé-densifier les quartiers, favoriser les cheminements piétons et encourager une appropriation positive des espaces publics : « Sur le Parc des Horizons, ça nous oblige à déployer d’autres moyens. On ne peut pas aller au Parc en voiture car il n’y a pas d’accès véhicule. C’est un changement d’habitude pour nous, on doit s’adapter, ça peut être aussi plus compliqué. S’il y a une interpellation par exemple, notre véhicule n’est pas à proximité car on doit le laisser à l’entrée du Parc (…) On a créé une brigade VTT car en développant les espaces verts, il y a désormais des poches où la voiture ne peut pas accéder : il y a au moins 2 VTT en permanence en circulation, soit le matin, soit l’après-midi » (Services de police, Rillieux-la-Pape).

Grand espace vert

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e) Des opérations qui apparaissent inachevées et/ou peu soignées, et minimisent l’impact de la rénovation urbaine en matière de tranquillité publique

Par ailleurs, l’impact des opérations de résidentialisation en matière de sécurisation des espaces et de réduction du sentiment d’insécurité des habitants est jugé ambigu par les professionnels locaux et les habitants : « Les résidentialisations sont positives et négatives. Les enfants peuvent jouer en pied d’immeuble en sécurité, mais on a un peu l’impression d’être enfermé et il faut faire des détours pour rentrer dans les immeubles. En dehors de ça, ils n’ont quand même pas beaucoup d’espaces pour jouer. Les pieds d’immeuble, ce n’est pas adapté. » (Habitante du quartier depuis 1999, Le Havre) Les observations réalisées sur les dix sites ont indiqué que de nombreuses opérations de résidentialisation se sont limitées à la pose de grilles et de grillages qui apparaissent fragiles, sans diagnostic préalable des usages des habitants. En conséquence, de nombreux immeubles résidentialisés ont subi des dégradations, en particulier au niveau des grilles et grillages installés autour des parkings et qui ont été découpés pour faciliter les cheminements piétons au sein des quartiers, et l’on observe de nombreux exemples de cheminements anarchiques. Certains réaménagements urbains (et les dispositifs de sécurité qui les accompagnent) contrarient en effet les pratiques des riverains et les interventions des forces de l’ordre. Par exemple, à Corbeil-Essonnes, la multiplicité des badges permettant d’accéder aux tours résidentialisées complique et freine les interventions des agents de police et des services de santé.

Cheminement piéton anarchique

En raison de l’utilisation de matériaux de faible qualité et de plantations sommaires et peu entretenues, de nombreuses opérations de résidentialisation donnent en outre l’impression qu’elles ne sont pas achevées. Au même titre que les secteurs qui n’ont pas bénéficié de la rénovation urbaine, les secteurs sur lesquels les résidentialisations semblent limitées, inachevées et/ou peu soignées apparaissent aujourd’hui encore plus dégradées qu’auparavant et cristallisent les phénomènes de délinquance résiduels. Ces secteurs peu ou mal rénovés contribuent à alimenter le sentiment d’insécurité des habitants et minimisent l’impact des investissements consentis dans le cadre des PRU, en donnant l’impression d’une absence de maîtrise de la situation par les pouvoirs publics.

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Espace vert pas entretenu et dégradation

Dans le cadre du PRU de Bourges, les opérations de résidentialisation ont été limitées au secteur Libération, en raison des difficultés financières rencontrées par les bailleurs. Ceux-ci ont en outre limité leurs investissements à l’implantation de grillages fragiles et utilisé partout les mêmes types de plantations tapissantes, alors même que de nombreux jardins et cours privatifs sont situés en bordure de rue. Cette absence de traitement qualitatif des limites entre espaces publics et espaces privés pénalise la lisibilité des domanialités et des identités résidentielles. Elle a conduit les habitants à installer des hauts-vents pour préserver leur intimité, ce qui accentue la dévalorisation des immeubles et des rues environnantes. En outre, les cheminements proposés pour sortir des immeubles apparaissent parfois peu lisibles dans leur organisation et difficiles d’accès, pour certains des petits chemins d’accès aux logements en rez-de-chaussée (destinés, à terme, à des personnes handicapés). Enfin, certaines barrières fermant les espaces privatisés (parkings) ont été déposées suite à une mobilisation des locataires opposés à la mise en place d’un accès réservé payant.

Espace laissé en friche

Sur le site de la Ville nouvelle de Rillieux-la-Pape, les acteurs soulignent la persistance de difficultés en matière de tranquillité publique, qu’ils mettent notamment en lien avec l’absence d’interventions urbaines de grande ampleur sur les secteurs les plus problématiques, en particulier les Alagniers : « Aux Alagniers, rien n’a été fait. Les gardiens d’immeubles se plaignent que les gens ne respectent plus rien. C’est sale, pas entretenu, ça ne donne pas envie d’y vivre, c’est sûr. Je ne vois pas de choses positives. Il y a des problématiques criantes et visibles. » (Centre social) De même, le centre commercial le Bottet (dans le secteur des Semailles) est une « zone clairement identifiée comme zone de squat et de deal » (élus), dont la configuration même pose question. Les aménagements et les passages renforcés des forces de l’ordre ne suffisent pas : « pour que ça change, il faudrait une personne présente non-stop » (GPV). L’attente de la démolition engendre un désinvestissement du centre et une désertion des commerçants donnant le sentiment d’un espace à l’abandon.

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Conclusion de la quatrième partie Notre analyse fait clairement apparaître le sentiment partagé par les professionnels de terrain et les habitants rencontrés sur les 10 sites de notre échantillon d’une diminution significative du sentiment d’insécurité. L’impact des Projets de Rénovation Urbaine en matière de tranquillité apparaît en effet indiscutable à plusieurs niveaux :

- Les réaménagements urbains opérés dans le cadre des PRU (démolitions, résidentialisations, réorganisation de la trame viaire) ont directement contribué à la réduction des nuisances visibles et de la petite délinquance de rue, grâce à la suppression des lieux les plus insécures pour les habitants et à l’amélioration de la sécurité des cheminements piétons et des interventions des professionnels de terrain ;

- Les PRU ont également conduit à un investissement accru et une articulation plus forte des acteurs de proximité en charge de la tranquillité publique et de la gestion quotidienne des quartiers, avec la clarification des responsabilités de chacun et la création sur plusieurs sites d’instances partenariales de proximité visant à apporter des réponses opérationnelles à des problématiques et situations spécifiques. La réactivité des services municipaux et des bailleurs sociaux face aux dégradations et incivilités s’est ainsi nettement améliorée. Ces évolutions se sont accompagnées du renforcement des moyens techniques et humains alloués à la sécurisation des quartiers et à la prévention de la délinquance (généralisation des dispositifs de vidéosurveillance, renforcement de la présence policière) qui, bien que souvent pensé indépendamment de la rénovation urbaine, a eu un impact réel sur l’amélioration du climat social ;

- De fait, l’appropriation par les habitants de leur quartier rénové et de ses nouveaux équipements apparaît renforcée, favorisant la diminution de la fréquence et de la gravité des faits de délinquance mineurs (incivilités et dégradations). L’impact indirect de la gestion urbaine de proximité sur la tranquillité publique est ainsi clairement mis en lumière par les observations réalisées sur les sites et les discours des acteurs locaux.

Les indicateurs disponibles et les analyses des acteurs locaux spécifiquement en charge de la sécurité et de la prévention rencontrés sur les 10 sites de notre échantillon nous conduisent néanmoins à nuancer cette lecture. En effet, la rénovation urbaine n’a pas permis de résoudre les difficultés liées à la circulation et au stationnement, et plus encore les problèmes lourds de délinquance liés au trafic mafieux. Ces difficultés persistantes liées aux activités de trafic et aux nuisances qui leurs sont associées (occupation des parties communes, agressions) continuent de nourrir l’image dégradée des quartiers chez une partie des habitants et ceux des territoires alentours. Sur le terrain, de nombreux habitants saluent l’amélioration de leur cadre de vie, mais ils déplorent la réputation persistante d’insécurité de leur quartier, qu’ils imputent à l’absence de résolution des difficultés les plus importantes et les plus visibles et à l’insuffisance de moyens mis en œuvre. Différents éléments contribuent à expliquer l’impact relativement limité de la rénovation urbaine en matière de sécurité. En premier lieu, à l’exception des sites les plus sensibles en matière de sécurité, les PRU ont souffert d’un défaut de prise en compte des questions de tranquillité lors de l’élaboration des conventions. La rare association des acteurs de la sécurité et de la prévention à l’élaboration d’un diagnostic précis a constitué un obstacle majeur à l’objectivation des dysfonctionnements par les porteurs de projets locaux. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que le contenu des programmations présentées dans les conventions des 10 sites étudiés soit très similaire. La définition d’un programme d’interventions adaptées aussi bien en matière d’interventions urbaines que de dispositifs de prévention situationnelle et d’actions de prévention constitue un gage de réussite des PRU en matière de sécurité, et conditionne la capacité à évaluer l’impact des actions mises en œuvre, qui fait défaut sur la majorité des sites étudiés.

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En second lieu, l’impact des réaménagements urbains opérés s’est trouvé limité par la faible anticipation des enjeux de gestion liés aux travaux des PRU, et par l’inégale réactivité des bailleurs et des services municipaux aux dégradations constatées sur de nombreux sites, dont on a pourtant souligné l’impact sur l’appropriation par les habitants des rénovations et des constructions nouvelles. Les actions visant à sécuriser les chantiers et à prévenir les dégradations des nouveaux bâtiments et équipements sont donc à anticiper et à inscrire dans les conventions de PRU, bien en amont de la mise en œuvre des projets, afin d’assurer la réactivité et la complémentarité des interventions. Enfin, la mise en œuvre des PRU a clairement souffert de l’absence de chef de file identifié et reconnu par l’ensemble des partenaires locaux pour coordonner et animer les démarches en matière de tranquillité. Le partage des informations entre les acteurs locaux de la gestion, de la sécurité et de la prévention, et l’articulation des réponses techniques et sociales sont apparues déterminantes dans l’amélioration des problèmes de sécurité constatés, sur les sites où elle a été recherchée et mise en œuvre par les acteurs locaux. Il s’agit là d’une piste d’amélioration majeure pour les nouveaux projets de rénovation urbaine. Les points d’étape et projets de plan stratégique local confirment ce diagnostic posé par les acteurs locaux à l’issue des PRU : relativement négligées par le PNRU, l’ambiance urbaine et la sécurité publique sont identifiées sur la quasi-totalité des sites étudiés comme des enjeux devant guider l’action à venir sur les quartiers, en s’appuyant sur un partenariat local renforcé et formalisé entre les acteurs de la rénovation, de la sécurité et de la prévention. Associer plus étroitement les habitants à la rénovation de leur cadre de vie constitue également un enjeu majeur pour les acteurs locaux, de manière à pérenniser les investissements consentis.

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Cinquième partie Du bilan aux perspectives

A partir de l’analyse de la situation de dix sites ayant bénéficié d’un projet de rénovation urbaine, différents constats peuvent être dressés concernant l’impact et les conditions de mise en œuvre des actions destinées à améliorer la gestion et la tranquillité des lieux. Parmi les résultats les plus marquants peuvent être mentionnés d’une part, le ressenti d’une amélioration générale de la situation des quartiers en matière de tranquillité que partagent les professionnels et les habitants, dans la plupart des sites ; d’autre part, des progrès notables en matière de gestion des sites concernés. Ces appréciations positives sont cependant à moduler selon les sites, selon les secteurs à l’intérieur des sites et selon les acteurs concernés. Pour ce qui concerne la propreté et l’entretien, l’on est face à toute une gamme de situations qui, si elles offrent une image globalement meilleure, laissent cependant transparaître, parfois, une certaine fragilité et font craindre pour la pérennité des aménagements réalisés. Quant à la tranquillité / sécurité, s’il est indéniable qu’elle s’est améliorée, cette amélioration concerne particulièrement le vandalisme et les petites incivilités ; la grande délinquance comme les trafics organisés, par contre, perdurent dans la plupart des quartiers confirmant qu’ils ne relèvent pas, à proprement parler, d’un traitement urbain, sauf à considérer que leur délocalisation dans un autre secteur du quartier ou dans ses abords, procèdent d’une stratégie... Au-delà de ces éléments de bilan qu’il reste à expliciter quant à leurs tenants et aboutissants, il est possible de délivrer un certain nombre de recommandations ou de propositions permettant d’éclairer les décisions à venir dans le cadre du NPNRU afin d’engager dans les meilleures conditions possibles, les futures interventions sur le bâti et les espaces extérieurs. La formulation de ces propositions s’appuie sur la construction puis sur la modélisation de ce que nous avons appelé la « chaîne d’impacts » des PRU. C’est tout d’abord ce modèle que nous allons décrire.

A. La mise au jour d’une chaîne vertueuse qui articule conception, gestion urbaine et tranquillité publique

Les différents sites étudiés permettent d’établir dans quelle mesure la démarche de rénovation urbaine est parvenue à enclencher un processus vertueux, permettant d’améliorer sensiblement la sécurité / tranquillité publique et la gestion / propreté d’un site. Si l’on parle de processus et d’amélioration sensible, c’est qu’il n’y a pas en effet de recette qui garantisse, de façon univoque, de parvenir à un niveau de gestion optimal et à une réduction définitive des problèmes de tranquillité et de sécurité publiques. Ce que révèlent les analyses menées sur le terrain conduirait plutôt à considérer qu’un faisceau de conditions doit être réuni pour permettre un progrès tangible en matière de gestion et de tranquillité dans les quartiers rénovés. Ces conditions sont de deux ordres principalement :

- Elles portent sur la conception des espaces qui doit résulter d’une véritable réflexion sur le meilleur moyen de résoudre des difficultés clairement identifiées et formulées au préalable, en faisant intervenir l’ensemble des acteurs concernés par la gestion du site a posteriori (certaines de ces difficultés relevant, par exemple, d’une défaillance de la gestion urbaine tandis que d’autres s’exprimeront au travers d’incivilités, de troubles ou de violences) ;

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- Elles procèdent de la mise en synergie des différents registres d’intervention entre conception, gestion et tranquillité mais aussi de coordination entre des acteurs appartenant à des professions et relevant d’institutions diverses.

Ces deux ensembles de conditions entretiennent un rapport évident avec la manière dont la gouvernance locale est organisée et surtout elles interpellent fortement la nature du pilotage politique : qui est le vrai pilote, est-il identifié et reconnu par l’ensemble des acteurs locaux, et en vertu de quelle logique ce pilote oriente-t-il et gère-t-il le projet ?

1. Un croisement limité des volets « gestion urbaine de proximité » et tranquillité publique sur les sites enquêtés

Eclaircir la question du pilotage et des finalités poursuivies par l’acteur ou les acteurs qui se partagent le leadership du projet est déterminant pour comprendre et interpréter les résultats auxquels les projets sont parvenus finalement. Les demi-succès apparaissent ainsi bien souvent comme la conclusion d’un jeu où les acteurs agissent dans une logique « sectorielle » et de façon cloisonnée : l’entretien est trop souvent pensé et géré indépendamment du stockage et de l’enlèvement des ordures ménagères, la conception fait bien souvent l’impasse sur les coûts de gestion, la sécurité est envisagée sans lien direct avec les aménagements réalisés et l’entretien des sites. En effet, le croisement des deux volets que sont la Gestion Urbaine de Proximité et la tranquillité apparait assez rarement sur les sites étudiés. A l’exception de Corbeil-Essonnes, Hem-Lys-Roubaix et Rillieux-la-Pape, l’intégration de la question de la tranquillité publique n’apparaît pas de façon explicite dans les conventions GUP. Et même si les entretiens ont pu montrer que les acteurs faisaient bien le lien entre les deux domaines d’intervention, ces derniers restaient toujours sur un plan « théorique » ou considéraient comme « implicite » le lien entre les deux registres. D’ailleurs, lorsque l’on se place sur un plan opérationnel, ce lien entre les deux domaines finit par devenir très symbolique, surtout si l’on se réfère aux rares instances techniques croisées que l’on trouve sur le terrain. En effet, seuls deux sites seulement intègrent à leur dispositif ces deux dimensions (dispositif de GUP sécurité à Montauban ; comité de suivi GUP et tranquillité spécifique à la Croix Petit-Chênes d’Or à Cergy). Ce sont, au surplus, deux sites qui n’avaient pas mentionné cette articulation dans le cadre de leur convention GUP. Lorsque le lien GUP/tranquillité est appréhendé sous l’angle de la sécurité (et non par l’entrée gestion urbaine de proximité), l’articulation apparaît encore plus ténue. Ainsi, si elles apparaissaient peu impliquées et consultées dans la phase de conception et au moment de la mise en œuvre des opérations de rénovation urbaine, les forces de police semblent encore plus éloignées des questions de gestion après la livraison des travaux. Il semble que le point de rencontre entre GUP et tranquillité publique se fasse essentiellement sur la question de la sécurisation des chantiers. Et si, sur quelques sites, il a été procédé à un renforcement de la présence policière autour des chantiers et/ou à l’installation d’une vidéo-surveillance, il n’y a qu’un seul site (Roubaix) où un chargé d’opération « vie de chantiers » a été recruté, en charge de la coordination des interventions et de la sécurité. Ce faible lien entre gestion et tranquillité ne peut pas être imputé à une volonté délibérée de segmenter les approches. Et il est tout à fait possible que le PNRU ait permis, en la matière, « d’essuyer les plâtres » et que la montée des préoccupations en matière de gestion ait progressivement innervé tous les domaines d’intervention, dont celui de la tranquillité publique. C’est en tout cas ce que laissent entendre les acteurs rencontrés qui, dans la perspective du NPNRU, affichent dorénavant une volonté de relier davantage les stratégies de sûreté et de gestion. Il est évidemment préjudiciable de n’en venir à interroger la cohérence globale des interventions sur un site qu’une fois que le projet est arrivé à son terme et au moment où il faut en penser le fonctionnement et la pérennisation. En effet, la conception aurait dû être orientée et pensée dans la

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perspective de résoudre des dysfonctionnements et de préparer le terrain pour qu’il accueille des modes de gestion adaptés… Or il semble bien souvent que les différents registres d’intervention aient été entrepris de façon autonome (démolition/reconstruction, traitement des espaces publics, réhabilitation et construction d’équipements, organisation et mise en place du tri des déchets et du stockage des encombrants, etc.) et que le fonctionnement global du quartier rénové ait été abordé a posteriori. Pour bien mesurer les implications de cette inversion de la logique qui aurait dû prévaloir, il peut être fait un retour sur la valeur ajoutée que permet une bonne articulation en amont, entre conception, gestion urbaine de proximité et tranquillité.

2. Retour sur l’articulation conception / gestion urbaine de proximité / tranquillité publique, et sa plus-value à l’origine de la chaîne des impacts du PRU

Les chapitre 1 et 2 ont permis d’éclairer comment, de façon théorique, s’effectuait la « double médiation » des interactions sociales qui s’expriment sur l’espace ; l’espace, par sa configuration et son aménagement, conditionnant et orientant les usages et en retour, ces derniers faisant bénéficier (ou subir) à l’espace leurs marques :

- Lorsqu’elles sont positives, ces marques traduisent l’appropriation et sont génératrices de régulation des liens sociaux (ainsi en est-il de la coprésence/coveillance créant de l’animation et de la sécurité sur un lieu).

- Lorsqu’elles expriment un rejet ou une opposition, elles sont sources de conflits, d’incivilités, de dégradations ou de détournements d’usage…

Dans le chapitre 2, plus spécifiquement, ont été pointées les incidences de la conception urbaine sur les conditions de mise en œuvre de la gestion urbaine de proximité et de la tranquillité publique. L’accent a été mis alors sur les éléments qui favorisent ou pénalisent la sécurité et qui entravent la gestion satisfaisante d’un site. La compréhension des chaînes d’interactions à l’origine des processus de dégradation et de montée des incivilités ou des conflits est rarement mise en avant dans les projets, pour en justifier les partis-pris par exemple. Les éléments de l’analyse et les critères ayant gouverné les choix en matière d’aménagement sont, la plupart du temps, restés tacites. C’est pourquoi, il a fallu très souvent que nos interlocuteurs revisitent le projet et soient expressément interrogés sur les motifs qui avaient gouvernés les options prises pour parvenir à décrire le lien entre un diagnostic, des intentions et des réalisations. Les chapitres 3 et 4 peuvent être effectivement relus sous l’angle de cette reconstruction a posteriori et démontrent tout l’enjeu d’une recherche de cohérence entre la conception des espaces, leur statut, la vocation d’usage et les responsabilités de gestion. Le schéma ci-dessous exprime la chaîne vertueuse des effets et impacts qui, s’ils sont suffisamment anticipés et conçus comme des objectifs opérationnels, peuvent donner toute son ampleur au projet de rénovation urbaine. Les séquences de cette chaîne doivent se lire comme suit :

1. Un PRU qui affiche clairement son ambition et qui est calibré (en termes d’objectifs, de périmètre et d’ampleur des interventions) de façon à répondre cette ambition : les questions de gestion et de tranquillité étant identifiées comme porteuses des dysfonctionnements à réguler/réparer, celles-ci sont affichées comme l’un des axes majeurs du projet ;

2. Un ensemble d’actions et de réalisations qui se combinent pour répondre à l’ambition du projet : la conception urbaine et architecturale, les moyens de gestion et d’intervention ainsi que le pilotage global des dispositifs (plans d’action, moyens dédiés, veille et tableaux de

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bords) sont alors pensés comme un ensemble solidaire dont chacun des éléments renforce l’impact des autres ;

3. Les résultats obtenus en matière de gestion et de tranquillité (quartier mieux tenu et plus sûr) étant ressentis positivement par les habitants et les acteurs intervenant sur le quartier, ils permettent de renforcer les actions en faveur de la participation des habitants et de la mobilisation des acteurs en charge du développement social ;

4. Le recul des incivilités et des violences et l’amélioration de la qualité des espaces, en faisant « baisser la pression sociale », libèrent des initiatives nouvelles qui permettent, dans un mouvement vertueux, d’améliorer les conditions de vie dans le quartier et de restaurer son attractivité.

Outre la chaîne des effets directs et indirects, deux autres types d’effets peuvent être identifiés : les « effets leviers » et les « effets multiplicateurs » :

- Les effets leviers sont produits lorsque les résultats obtenus en termes d’attractivité du site pour la population (amélioration de son image), d’appropriation des réalisations et d’investissement – autant symbolique que matériel – génèrent un moindre besoin d’interventions en matière de sécurité / tranquillité publiques et nécessitent moins de moyens dédiés à la gestion ; des moyens qui peuvent alors être déployés sur d’autres secteurs ou sur des missions nouvelles ;

- Les effets multiplicateurs s’expriment lorsque la nature d’un projet (ses objectifs, son périmètre, sa conception et son ampleur) comme les actions de gestion ou de sécurité qui l’accompagnent génèrent une plus grande mobilisation des partenaires qui déploient sur le site concerné des moyens supplémentaires : des moyens techniques tels que la vidéosurveillance,

PRU • Objectifs, périmètre et ampleur du projet• Mise en place ou renforcement de dispositifs de gestion et de

Sureté/tranquillité (GUP, médiation, vidéosurveillance, CLSPD…)

Actions / réalisations

• Conception urbaine et architecturale• Plan d’actions• Veille et tableaux de bord• Développement d’actions de GUP• Actions favorisant la sureté

Résultats

• Quartier mieux « tenu »• Recul des délits et des incivilités et amélioration de la

tranquillité• Participation des habitants• Ressenti positif du PRU par les habitants et les

acteurs

Chaîne des effets ou impacts du PRU

• Moins de dégradations et de couts afférents•Apaisement des relations entre habitants•Propreté et qualité du service améliorée•Renforcement de l’attractivité du site et réduction de la vacance

Effet levier

Effet multiplicateur de moyens (actions menées en partenariat ou plus grande mobilisation en interne )

Effet de substitution (quand le bailleur ou la collectivité fait à la place de…)

Impact socialEffet levier

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des moyens humains (médiateurs, agents d’entretiens...) et des prestations (plantations et aménagements de qualité, nouveaux équipements et/ou plages d’ouverture plus larges, etc.). Cet investissement supplémentaire démultiplie les résultats obtenus directement par les seuls aménagements ou intentions du projet.

3. Les facteurs d’inflexion des impacts La chaîne vertueuse qui irait d’un diagnostic bien compris à une conception bien pensée et d’une bonne conception à des réalisations finalisées et de qualité, dépend, pour être réellement opératoire, du contexte social et urbain dans lequel elle a été mise en place. Les enquêtes menées sur les 10 sites ont mis au jour plusieurs facteurs pouvant venir contrarier ou limiter l’efficacité du fonctionnement de cette chaîne. Pour résumer, ils peuvent être rassemblés en quatre catégories :

- La configuration urbaine d’origine et l’importance des problèmes sociaux-urbains en amont du PRU. Cette catégorie de facteurs recouvre les points suivants :

o La gravité des difficultés sociales qui peuvent influer sur la gestion urbaine et sur la sécurité / tranquillité telles que la pauvreté d’une grande partie de la population, une vie sociale dégradée et traversée de conflits, un désœuvrement prononcé de certains jeunes…;

o La présence de trafics organisés pouvant se traduire par l’appropriation par des groupes de certains espaces publics et de certaines parties communes des immeubles,

o L’ampleur des dégradations du bâti et des espaces extérieurs avant la rénovation peut se combiner avec une certaine vétusté ou obsolescence de ce bâti et de ces espaces extérieurs, et avec une faible lisibilité des destinations et des cheminements à l’intérieur du quartier ;

o Un quartier de très grande taille ou présentant une forte densité de construction et de populations ; une densité qui peut être faiblement apparente car ressentie et/ou ne s’exprimant que sur des points névralgiques (centre commercial, ensemble sur dalle, etc.) ;

o Le niveau d’équipement préexistant et la mobilisation effective de moyens de gestion et d’animation, etc.

- L’ambition mal mesurée du PRU, dans ses objectifs, pour la prise en charge réelle des problèmes sociaux-urbains. Il s’agit ici de statuer sur :

o Les intentions et volontés de résoudre tout ou partie des difficultés liées à la gestion urbaine de proximité et à la tranquillité publique ;

o Le périmètre d’intervention qui permet ou non un traitement de l’ensemble du quartier ou qui ne se limite qu’à quelques-uns de ses sous-ensembles (et parmi eux, l’intervention permettant de faire disparaître les points les plus critiques tels que des dalles, coursives, centres commerciaux abandonnés, lieux de trafics), etc.

- La structuration insuffisante de la gouvernance et du pilotage. Dans la réponse positive aux questions suivantes, se trouvent souvent les clés de la réussite d’un PRU, sur le plan de la gestion et de la tranquillité publique :

o Préexistait-il au PRU une dynamique partenariale ? Celle-ci s’est-elle développée avec le PRU ? Dans les deux cas, des instances dédiées ont-elles été créées ? Et réellement animées ?

- L’inadaptation des moyens humains et outils dédiés. S’ajoutent aux interrogations sur la

gouvernance celle de la capacité de traduire en actes des orientations données, ce qui conduit à établir si :

o Les instances de gestion, d’intervention et de suivi sur les questions de tranquillité disposent d’effectifs et de moyens financiers suffisants ;

o Leur organisation est suffisamment bien structurée et dotée pour garantir de leur efficacité et de leur réactivité.

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4. Un bilan globalement contrasté qui révèle toute la complexité dans l’articulation des facteurs de réussite

Les quatre séries de facteurs présentés plus haut opèrent comme des curseurs et, en se combinant entre eux, donnent à voir les résultats que peuvent produire les différentes démarches favorisant la gestion urbaine de proximité et la tranquillité publique. Schématiquement, les investigations réalisées permettent de présenter les résultats obtenus sur chacun d’eux, au regard des objectifs de GUP et de tranquillité. Ainsi, nous avons pu mettre au jour plusieurs combinaisons-types dans les différents sites étudiés qui ont généré des résultats plus ou moins positifs. Si l’on considère les sites où les problèmes socio-urbains étaient nombreux et aigus, quatre situations se présentent :

1°) La situation où le niveau de prise en charge des problèmes par le PRU, l’ingénierie développée, mais aussi la gouvernance et le pilotage du projet ont été adaptés et performants. Dans ce premier cas de figure, le quartier apparaît non seulement transformé et sécurisant, mais il semble pouvoir s’engager dans une évolution positive de son attractivité, et même présenter les signes d’une autorégulation possible des nuisances et des phénomènes délinquants ; 2°) La situation où le niveau de prise en charge des problèmes par le PRU, tout en étant conséquent, a été bridé par une défaillance en matière de gouvernance et/ou de pilotage et n’a pas pu bénéficier des moyens suffisants pour accompagner le projet. Dans cette deuxième configuration, malgré un projet de rénovation ambitieux, le quartier, susceptible d’être pénalisé par sa taille ou par le retard pris par les travaux, peut montrer des déficiences en matière de tranquillité publique ou certaines fragilités au regard de la persistance d’espaces dégradés et d’incivilités ;

3°) La situation où un niveau relativement modeste de l’intervention a pu être compensé, au moins partiellement, par des moyens conséquents et un partenariat structuré en matière de gestion comme de tranquillité/sécurité. Dans cette troisième situation, le quartier, malgré un projet quelque peu sous-dimensionné, peut, s’il bénéfice d’un fort investissement sur les questions de GUP et de sécurité, contenir certains des phénomènes qui affectaient son attractivité et son image. 4°) La situation où ni le projet, ni les moyens humains ni le pilotage, n’ont été véritablement à la hauteur des enjeux. Dans ce dernier cas de figure, le quartier semble n’avoir bénéficié ni d’un projet ni d’un programme de travaux adaptés et/ou suffisants par rapport aux enjeux socio-urbains. Il n’a pas pu réunir, non plus, les conditions pour permettre à la GUP de se déployer et à la puissance publique de s’investir durablement afin de faire reculer le sentiment d’insécurité.

Les différentes situations ci-dessus révèlent la manière dont peuvent se combiner les catégories de facteurs dans le processus de requalification engagé dans un sens positif comme négatif. Ainsi, l’acuité des problèmes qui se manifestaient en amont du projet et le périmètre du site (ainsi que sa densité en matière de population et de bâti) apparaissent déterminants dans la façon dont auront évolué les sites en matière de GUP et de tranquillité. De la même manière, une forte mobilisation du partenariat et une ingénierie correctement dirigée semblent pouvoir offrir des substituts importants à des interventions physiques limitées ou peuvent étayer considérablement un projet qui se déploie dans un contexte social difficile. Ces logiques à l’œuvre (qui pourraient être traduites en règles, comme nous le suggérerons en conclusion) peuvent être lues dans un sens inverse. Ainsi, un projet insuffisamment ambitieux pourra pâtir d’un manque de pilotage et d’un défaut d’ingénierie jusqu’à devenir illisible et même pénalisant

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pour la cohésion sociale sur le site : les habitants « ne comprenant pas » les raisons de certaines interventions et les arbitrages faits dans le traitement de certains espaces au détriment d’autres restés en l’état, et surtout « ne supportant plus » la saleté, les incivilités et les trafics dans un contexte où les changements annoncés n’ont en rien modifié de leur vie quotidienne. Par ailleurs, la persistance d’un certain cloisonnement des interventions entre le projet urbain, les interventions sur le bâti, les équipements et les espaces publics, le projet social et les mesures de maintien de la tranquillité et de gestion urbaine doit être interrogée. Cette question semble trouver sa réponse dans l’impossibilité dans laquelle sont les acteurs d’appréhender le « gain spécifique » qu’ils peuvent retirer d’une démarche globale à laquelle ils apportent leur contribution. En la matière, de nombreux progrès sont encore à faire Sur ce principe, il est possible de classer les sites au regard des résultats obtenus en matière de GUP et de tranquillité. Au travers de ce classement, il apparait clairement que l’évolution positive obtenue dépend largement du contexte et de la qualité du projet (son ambition, l’ampleur des réalisations, la qualité des travaux…) mais que des inflexions considérables peuvent être apportées au-delà des investissements apportés dès lors que l’on s’occupe « de l’humain tout autant que de l’urbain ». Si l’on considère les résultats obtenus sur les dix sites étudiés, une graduation en trois niveaux :

- Les quartiers « gagnants », transfigurés et apaisés. Ils s’agit de quartiers qui ont pu bénéficier d’opérations de rénovation qui ont fait « sauter des verrous » importants mais aussi qui ont pu être gérés par des actions de GUP et de tranquillité correctement outillées et dimensionnées.

- Les quartiers « dynamisés », partiellement transformés mais confrontés à des dysfonctionnements persistants et visibles. Deux raisons à ces résultats en demi-teintes : soit une insuffisante intervention urbaine au regard des enjeux qu’une gestion urbaine et des actions en matière de sécurité permettent néanmoins de « maintenir à flots » ; soit un bon projet et des réalisations de qualité mais qui peinent à embrayer sur des actions de pérennisation des investissements et des mesures de gestion à la hauteur des transformations souhaitées ;

- Les quartiers « stationnaires » ou « en récession ». Il s’agit de sites pénalisés par leur taille, leurs difficultés initiales et/ou le retard pris par les travaux (et peut être aussi par la faible qualité de l’intervention urbaine qui s’est contentée de décliner la vulgate de la rénovation urbaine sans pouvoir la justifier socialement), et qui ont par ailleurs été sous dotés en moyens de gestion et n’ont pas toujours eu le pilotage politique adéquat ;

Il faudrait ajouter aux raisons qui conduisent à classer tel ou tel site dans chacune des catégories, celles qui tiennent au peuplement et plus exactement aux évolutions socio-économiques qui ont touché la population du site. Un retour du chômage de masse du fait d’une déprise économique locale conjugué à un recul démographique, qui ne permettent pas d’attirer des populations nouvelles dans le quartier rénové et qui génèrent de la vacance ou une spécialisation sociale accentuée, peuvent jouer à l’encontre du projet et en accentuer les faiblesses de conception, de portage ou de pilotage. Dans la perspective de lancer de nouveaux projets (NPNRU), comme dans celle de parfaire les PRU en cours ou de prolonger ceux qui ont vu leurs premières phases s’achever, nous pouvons maintenant nous appuyer sur les conclusions des enquêtes de terrain menées pour formuler quelques recommandations et propositions de méthode afin d’optimiser les effets des PRU sur la gestion urbaine de proximité et la tranquillité publique.

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B. Perspectives et propositions Les propositions que nous pouvons formuler au terme de cette étude, peuvent être regroupées en deux catégories. La première catégorie concerne les éléments de méthode et de gouvernance qui permettraient de faire franchir aux sites un véritable cap qualitatif, tant en termes de gestion urbaine que de tranquillité publique. La seconde catégorie de propositions recouvre tout ce qui peut permettre de se prémunir par rapport aux freins pouvant limiter les effets du PRU en matière de GUP et de tranquillité publique. Certains de ces éléments facilitateurs et de ces freins sont d’ordre général et concernent le contenu du PRU et ses conditions de mise en œuvre, tandis que d’autres s’appliquent plus particulièrement aux questions de mise en place et d’animation des dispositifs de gestion ou de tranquillité. En outre, nous proposons, en annexe, une liste de critères devant être pris en compte dans la conception et la conduite des projets ; elle peut être lue aussi comme la trame d’une méthodologie permettant de guider une maîtrise d’ouvrage tant dans la commande d’un projet architectural et urbain que dans l’analyse des projets qui lui seront proposés.

1. Les éléments de méthode et de gouvernance qui permettent réellement au PRU d’engager un processus d’amélioration de la gestion urbaine de proximité et de la tranquillité publique

En termes de méthode et de gouvernance, deux constats principaux ressortent à l’évidence de l’examen des 10 sites étudiés. Le premier concerne le lien ténu pour ne pas dire absent entre la conception et la gestion. Le second constat porte quant à lui, sur le caractère très hétéroclite du contenu des actions de Gestion urbaine de proximité menées sur les sites et sur la grande variabilité des moyens qui lui sont consacrés. En ce qui concerne le lien entre conception et gestion, plusieurs travaux récents pointent le « péché originel » de nombreux projets urbains en mettant en cause la faiblesse de la maîtrise d’ouvrage face à la posture adoptée par l’architecte-urbaniste qui en assure la conception134. Bien que le sujet traité ici ne soit pas directement celui de la conception urbaine, il est nécessaire de faire mention de ce point qui semble bien souvent pénaliser la prise en compte des problèmes de gestion et de tranquillité, puis la mise en œuvre des actions correspondantes. Hormis quelques cas très limités où le projet livré prend en charge délibérément et avec efficacité les problèmes qui avaient été détectés lors du diagnostic de départ, la plupart des projets abordent les questions de tranquillité et de sécurité, comme celles de GUP, de façon tacite. De nombreux projets déclineront ainsi un « programme » reprenant systématiquement quelques figures obligées du PRU : ouverture des voies en impasse, suppression des parkings souterrains, résidentialisation, création d’ouvertures visuelles et dédensification par démolition, diversification des formes et des produits par reconstruction, etc. Cette « vulgate » de la rénovation urbaine peut apparaitre en contradiction avec la logique qui est sous tendue par le concept de topo-nomie présentée dans la seconde partie de ce rapport. Ce concept permet en effet de mettre au jour la manière dont s’établit la « chaîne de la déqualification » d’un site et d’identifier les éléments qui contribuent à fragiliser un dispositif urbain. Il peut être requis aussi pour identifier les actions permettant la requalification. Or bien souvent cette analyse des causes et la construction de réponses qui leur correspondent sont des étapes qui sont peu investies, au bénéfice de solutions toute faites et dans l’air du temps.

134 Voir CHOTTEAU, Patrick (sous la responsabilité de), « Maîtrise d'ouvrage de l’opération d’aménagement urbain - La démarche stratégique de programmation urbaine », Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP), novembre 2015 et LAFORGUE, Jean-Didier & VANONI, Didier, « La dimension inclusive des projets urbains, Une nouvelle donne pour les maîtrises d’ouvrage », Recherche sociale n°210, Avril-Juin 2014

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Au vu de ces réalisations et de bien d’autres leur ressemblant, la première génération des projets de rénovation urbaine fournit des arguments décisifs pour provoquer le changement qu’attendent toutes les maîtrises d’ouvrage : disposer d’un cadre de références leur permettant de piloter et de conditionner le projet urbain non pas par rapport à la « vision » de l’architecte-urbaniste, mais par rapport aux besoins et attentes des habitants et de leurs représentants, ainsi qu’aux impératifs de ceux qui ont la responsabilité ensuite de faire « vivre » les lieux et les hommes dans ces lieux (élus, gestionnaires, bailleurs…) et ce, dans les meilleures conditions possibles et moyennant des coûts supportables. Ce changement de perspective que d’aucuns désignent déjà comme « une révolution en matière de conception et de programmation urbaine » pourrait remettre la gestion au centre du projet ; ce changement permettrait aussi de remettre, tout simplement, le projet urbain à sa juste place135. Au-delà de cet aspect concernant le rééquilibrage des rapports entre maîtrises d’ouvrage et maîtrises d’œuvre, il faut reconnaître l’effet tout à fait positif que représentent la permanence de l’équipe en charge du PRU et son antériorité sur le site. En effet, les compétences de cette dernière, ses liens avec les partenaires institutionnels et, surtout, sa proximité avec les décideurs ont joué un rôle important dans la conduite de nombreux projets mais aussi dans la prise en charge par ces mêmes projets des questions de gestion et de tranquillité. En effet, le fait que certains projets aient pu apparaître comme le débouché d’un long mûrissement – avec des étapes marquées par des dispositifs tels que les Grands Projets de Ville (GPV) et les Grands Projets Urbains (GPU), et toutes les formules de développement social et urbain antérieures aux nouveaux Contrats de Ville – a ancré les projets dans une « culture » de la transversalité et de l’intervention sur le long terme. C’est l’un des enjeux des « sorties » de PRU, comme de leur prolongement, que de s’inscrire dans le temps long et de faire du projet de renouvellement l’une des étapes d’un processus qu’il faudra gérer au long cours. A cet égard, il faut souligner la difficulté à impliquer durablement les habitants dans le processus d’amélioration de la gestion et dans la définition des actions favorisant la tranquillité. Leur expertise d’usage, comme leur implication en tant que citoyens, restent souvent cantonnées aux traditionnelles instances de « concertation ». Quand ils ont été davantage présents, comme cela a été le cas à l’occasion des chantiers ou lors de leur relogement, aux Tarterêts, à Corbeil-Essonnes par exemple, il a pu être constaté à quel point leur implication avait pu être fructueuse pour le projet et pour la conduite des travaux. Une dernière remarque peut être faite ici concernant « l’après-PRU » et la gestion du site dans le temps. Elle porte sur ses effets collatéraux et sur ce que l’on a appelé parfois « l’effet plumeau ». Cette expression désigne un mécanisme qui consiste à « pousser un peu plus loin », c’est-à-dire dans un quartier voisin ou dans un autre ensemble de logements sociaux de l’agglomération, éventuellement en l’« éparpillant », la source des difficultés et les populations qui en portent la responsabilité. On a vu ainsi bien souvent les points où stationnent des groupes de jeunes et où s’effectuent toute sorte de ventes et de trafics « migrer » en d’autres lieux (en centre-ville, à proximité d’un nœud de transports en commun, sur la partie non réhabilitée du quartier ou dans sa périphérie immédiate). On a vu aussi certaines populations aux ressources faibles et/ou aux modes de vie s’écartant de la norme, être déplacées avec leurs problèmes et leurs difficultés. C’est un autre des enjeux de l’après-PRU mais aussi des nouveaux projets de rénovation urbaine que de tenir compte de ces phénomènes et d’en traiter les causes, en s’appuyant sur les ressources du quartier mais aussi sur celles de son environnement (autres quartiers, communes périphériques de l’agglomération, etc.). Pour ce qui concerne les contenus très divers de ce que peut recouvrir les dispositifs de GUP (et dans une moindre mesure ceux favorisant la tranquillité publique), certaines questions se posent : entre les différentes conceptions de GUP (centrée sur la technique, plus sociale, plus participative…), laquelle est la plus efficace ? Ou peut-on dire que se concentrer au moins sur les aspects techniques et organisationnels de la gestion est un préalable indispensable ?

135 Voir, en annexe, la liste de critères devant être pris en compte dans la conception et la conduite des projets.

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Si aucune réponse univoque n’est possible à ces questions, tenter d’y répondre nécessite pour chacun des sites, de se référer aux dispositifs et systèmes d’action existant sur le territoire en dehors de la GUP, à leur histoire, aux conditions de leur fonctionnement actuel, etc. Il est vrai qu’un socle minimal pourrait être dégagé qui regrouperait un ensemble d’interventions techniques et une méthode-type de mise en œuvre pourrait être définie pour chacune d’entre elles. C’est ce qui s’est mis en place à la suite des rétrocessions foncières, des résidentialisations et de la clarification du statut des espaces, en désignant à qui revenait la charge des différents espaces et pour quelles interventions. C’est aussi ce qui a été constaté pour le suivi des chantiers où de nombreux maîtres d’ouvrage ont su s’organiser en conséquence. En l’occurrence, c’est l’impératif technique qui a incité à réformer les organisations ou à compléter les interventions, moins que la volonté de rationnaliser ou de mutualiser des moyens. C’est pourquoi, les versions extensives de la GUP nommées parfois GUSP (Gestion urbaine et sociale de proximité) ne doivent pas être déconsidérées, pouvant être le résultat d’un volontarisme pour couvrir un champ large d’interventions, mais aussi parfois le résultat d’une logique d’intégration d’initiatives préexistantes au PRU. Intégrer dans la GU(S)P une action auprès des écoles, le développement de l’éclairage public ou d’une signalétique de qualité, les centres sociaux, la régie de quartier, des associations ou directement des habitants ne peut pas être considéré comme moins directement lié à la gestion de proximité. Il faut appréhender cela comme relevant d’une technologie destinée à administrer et à gouverner le territoire. Bien évidemment, sans un minimum d’organisation et de prise en charge des dysfonctionnements sur un plan purement technique, ces initiatives apparaîtraient dérisoires, mais sans elles, de nombreuses interventions seraient sans doute moins efficaces. De la même manière, la question de la GUP après le PRU et celle du choix entre la poursuite d’une telle spécificité ou du retour dans le droit commun, ne peut être tranchée sans une remise dans le contexte des quartiers concernés. S’il est indéniable que dans la plupart des sites rénovés, de nouvelles normes se sont formées en matière de gestion et de qualité de services (de la part des bailleurs comme des collectivités), le choix de maintenir voire de développer des services de mutualisation de la gestion (régies de quartier) comme de prise en charge pour le compte de tiers (la commune pour le bailleur, par exemple) doit s’apprécier en fonction du contexte local et des moyens disponibles. Comme il l’a été vu dans le chapitre précédent, certains sites ayant bénéficié de moyens limités pour effectuer une rénovation à la hauteur des enjeux ont pu « tenir » grâce au déploiement de moyens de gestion. Ce rappel permet de revenir ici sur une idée reçue selon laquelle l’avenir des quartiers rénovés serait forcément de se banaliser et de ne requérir à terme que des moyens de « droit commun » (c’est-à-dire, peut-être, « moins » de moyens). Pour cela, il faudrait revenir sur l’état initial de ces quartiers avant le PRU :

- Ces quartiers étaient généralement sous-administrés et bien souvent victimes de carences en matière d’entretien et de gestion : le PRU et les moyens exceptionnels que l’Anru et ses partenaires ont apporté à ces territoires n’ont permis qu’un rattrapage ;

- Les difficultés sociales et les fragilités économiques que connaissent ces quartiers et leurs

populations n’ont cessé d’évoluer depuis 15 ans, les problématiques sociales et sociétales qui s’expriment sur ces sites pourraient continuer à exiger « plus que le droit commun » ; à ce titre, ce qui s’appelle GUP ou GUSP pourrait devenir à l’avenir la norme et s’imposer comme le « droit commun » de la gestion des sites, qu’il y ait eu rénovation urbaine ou pas, que l’on soit encore dans le processus de rénovation ou que l’on en soit sorti.

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Propositions • Renforcer la maîtrise d’ouvrage dans sa capacité à imposer des solutions techniques qui

conditionnent la forme urbaine et architecturale aux exigences de la gestion future, à la pérennisation des investissements et à la restauration de la tranquillité/sûreté dans le quartier. C’est à l’Anru et à ses partenaires au plan national, qu’il reviendrait de :

- Proposer des formations ad hoc en direction des maîtres d’ouvrage ;

- Faire émerger et imposer des AMO orientées sur la mise en cohérence entre diagnostic et intentions politiques d’une part et, d’autre part, entre parti-pris spatial et programmation urbaine ;

- Mettre à la disposition de la maîtrise d’ouvrage un benchmark d’aménagements pensés et conçus pour faciliter la gestion et favoriser la sécurité ;

- Imposer que les projets soient mis en perspective par rapport aux quartiers voisins afin que les quartiers rénovés puissent à la fois :

- Bénéficier d’un étayage sur l’environnement urbain et sur les centralités proches (porteuses de régulations et d’animations) ;

- Ne pas provoquer un déplacement des problèmes (« effet plumeau »). • Coordonner les ingénieries et les fédérer autour d’un chef de file garant du sens global du

projet (de sa conception jusqu’à la gestion quotidienne du site en termes de GUP et de tranquillité). Si les acteurs nationaux peuvent être incitatifs, c’est aux pilotes locaux (collectivités, organismes d’HLM, services publics), de :

- Favoriser l’interconnaissance des acteurs et la présence d’un pilotage fort, avec un « chef de file » / « animateur » de la démarche globale identifié et reconnu, pour maintenir le sens global du projet ;

- Impliquer très en amont les gestionnaires actuels et futurs du quartier (bailleurs sociaux, services municipaux, prestataires de services, forces de police, agents de médiation et de sécurité, etc.) et ce, dès la phase de conception des projets ;

- Proposer des réorganisations dans les services de façon à ce que les organigrammes favorisent le partenariat et une bonne articulation entre la GUP, les politiques de sécurité, de prévention de la délinquance et d’animation sociale (comme par exemple la mise en place de chefs de projets GUP et tranquillité, leur rattachement au DGS, la création d’instances de régulation des relations partenariales permettant d’articuler les niveaux quartier / commune / intercommunalité, la désignation d’interlocuteurs privilégiés chez les bailleurs et dans la collectivités, etc.) ;

- Concevoir un dispositif d’ « écoute remontante » des habitants de façon à mettre à contribution leur « expertise d’usage » et à en faire des acteurs, sur la durée, de la gestion des quartiers rénovés.

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2. Les actions visant à lever les freins pouvant limiter les effets du PRU en matière de GUP et de tranquillité publique

Les opérations étudiées dans le cadre de ce travail ont permis de mettre au jour tout un ensemble de précautions et de points de vigilance qui peuvent, s’ils sont pris en charge de façon adéquate, participer activement à la requalification des quartiers en termes de gestion et de tranquillité. Sans les reprendre ici dans le détail136 nous pouvons cependant rappeler le mécanisme à l’œuvre dans la reconquête d’un site, et ce qui peut venir en perturber les résultats :

- Le premier point repose sur l’organisation interne du quartier et sur les modes d’implantation, la typologie et la conception des immeubles (impasses, délaissés, passages traversant, confusion entre espaces privés et publics, passerelles, coursives, dalles, murs et pignons aveugles, etc.) qui insécurisent et génèrent des pratiques déviantes et limitant les interventions de police et la surveillance ;

- Le second point concerne la fragilité et la complexité de certains dispositifs urbains qui s’exposent facilement aux dégradations, aux incivilités ou qui sont peu aisés à entretenir et à gérer (appartement en rez-de-chaussée avec fenêtre basses, nappes de parking trop importantes, végétaux mal choisis et espaces plantés difficiles d’accès, de formes et de dimensions inadaptés aux modes d’entretiens en cours), etc. ;

- Le troisième point renvoie à la faible présence institutionnelle (Ville, police, services

publics…) qui rend abstraites les notions de droit, de lois et de devoirs mais aussi qui ne donne pas le sentiment d’appartenir à un ensemble cohérent et de contribuer à « faire société » ;

- Le quatrième point relève des processus sociaux qui s’expriment sur les espaces du quartier

(publics mais aussi privatifs) et qui traduisent des sociabilités affaiblies (anomie) ou expriment différentes formes de violence dont le quartier n’est que le support d’expression (mais aussi parfois l’incubateur et l’accélérateur). L’origine de certains déséquilibres est à chercher dans les politiques de peuplement des ensembles immobiliers du quartier mais aussi dans l’histoire du quartier qui a pu être laissé à l’abandon et s’instaurer, de ce fait, en lieu de relégation.

Les différents sites étudiés offrent des combinaisons variables de ces différents ingrédients qui tous infléchissent les intentions du projet et en complexifient, à terme, la gestion. En toute lucidité, il faut reconnaître que la plupart de ces points ne peuvent être traités par les seuls moyens du PRU. Mais, à l’inverse, il faut aussi intégrer que des configurations urbaines et des architectures rénovées à bon escient peuvent limiter fortement les dérives en matière de sécurité et de gestion urbaine137. Les propositions que nous mentionnons ici s’appuient sur la logique d’un étayage mutuel entre les différentes dimensions que sont la conception, la gestion et la tranquillité/sureté. Par ailleurs, elles mettent l’accent sur l’impératif d’un « bon dimensionnement » des interventions urbaines pour parvenir à enclencher un processus vertueux, lequel ne peut être porté que par des processus sociaux redevenus positifs (atténuation des conflits et recherche de solutions amiables, fierté et reconnaissance identitaire par rapport au quartier, solidarité, prévenance et entraide, responsabilité et respect des règles de vie collective). Il est apparu trop souvent préjudiciable au projet que le « périmètre » du projet de rénovation urbaine (en termes de territoire concerné mais aussi d’importance du parc immobilier concerné et de la population présente) ne puisse pas être mis en adéquation avec un niveau d’intervention suffisant. Cet écart entre l’ampleur des problèmes et la taille du quartier peuvent expliquer que certains quartiers, notamment les plus « grands » peinent à s’engager dans un

136 Ces éléments sont détaillés dans le chapitre 2. 137 Cf., en annexe, la liste de critères devant être pris en compte dans la conception et la conduite des projets.

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processus durable de requalification et de remise en ordre tangible des dysfonctionnements qui les affectent, faute d’un projet suffisamment ambitieux et correctement « phasé » (la première tranche de travaux pouvant être neutre voire pénaliser le projet final). De manière générale, il s’agit de considérer qu’une action circonscrite à un périmètre trop limité sera sans effet sur les grands déséquilibres et des actions qui s’apparenteraient à du saupoudrage nuiraient à la visibilité et à la crédibilité du projet. Il s’agit de se prémunir ainsi de l’image d’inachèvement ou des effets de contraste trop fort qui peuvent apparaître entre des secteurs fortement traités dans un environnement qui reste globalement dégradé. Cette question de la « bonne dimension » du PRU doit aussi concerner les moyens en ingénierie et en gestion, afin d’éviter :

- Le sentiment d’abandon et de dégradations précoces, et d’attester l’idée selon laquelle on ne peut rien faire pour ces quartiers ;

- Une rupture de charge entre le temps du PRU et celui de l’après-PRU : trop de sites se voient en effet privés de l’ingénierie et surtout d’un pôle de compétences (sur un plan technique, mais aussi en termes de GUP, de concertation et de lien avec les habitants et avec le tissu associatif local…).

Cette question relève de la manière dont le projet sera effectivement réfléchi et arrêté. L’Anru, pour répondre à cette exigence, a inclus dans le NPNRU une nouvelle étape, appelée « protocole de préfiguration » qui est destinée à financer un programme d’études et des moyens d’ingénierie, afin de permettre la conception de projets urbains de qualité et d’affiner les conditions de leur faisabilité et de leur réalisation.138

138 Le protocole de préfiguration est la première étape de contractualisation du projet de renouvellement urbain. Cette phase de réflexion sur les objectifs du projet interrogera tout particulièrement l’articulation avec la stratégie inscrite dans le contrat de ville. Elle devra préciser les modalités d’association des habitants à la conception du projet et plus particulièrement lors de l’installation de la maison de projet.

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Propositions

• Concernant la conception et dès le protocole de préfiguration, il s’agirait d’estimer ce que doit être le niveau et le périmètre d’intervention suffisants pour que le PRU puisse enclencher une réelle dynamique de reconquête du site. Cela signifie que l’Anru et les porteurs de projets parviennent à :

- Concevoir les premières étapes du PRU comme des phases initiales qui dénouent des logiques négatives et permettent de faire levier pour la suite de la démarche ; l’idée de projet autonome et générateur d’un saut qualitatif suffisant devra guider la conception et justifier les moyens de gestion qui les prolongeraient ;

- Eviter les différentiels d’intervention trop forts entre les sites, au sein d’un même PRU afin de créer des quartiers à deux vitesses ;

- Etre attentif à ce que la production neuve ne reproduisent pas les erreurs de conceptions qui ont affectés le patrimoine détruit et apparaissent d’au moins aussi bonne facture que les réalisations obtenues dans le cadre de réhabilitation : ce qui signifie apporter une attention au moins égale à ce qui peut être fait dans ce cadre, en termes de résidentialisations, de traitement des limites et des parkings, de sécurisation passive des espaces, d’approche préventive des dégradations et des surcouts en matière d’entretiens.

• Appréhender l’après-PRU comme étant autant porteur d’enjeux que le PRU lui-même afin de

« tenir » dans le temps la dynamique créée. L’Anru, au travers des protocoles de préfiguration mais aussi en mettant en place un dispositif d’évaluation (de type « points d’étape ») pourrait avoir un certain nombre d’exigences en matière de GUP et de ce fait :

- Inciter à ce que les sites se dotent de moyens suffisants, au-delà du PRU, et que continuent à fonctionner les instances en charge de l’animation du partenariat, de la gestion et du lien avec les habitants et inscrire dans la durée les dispositifs d’évaluation et les moyens en ingénierie qui permettront de corriger les problèmes au fur et à mesure de leur apparition (en contrepartie des exonérations de TFPB, par exemple) ;

- Porter une attention accrue aux réalisations du « droit commun » qui accompagnent les PRU : les équipements comme les espaces paysagers qui sont réalisés dans la suite du projet doivent toujours suivre la même logique que ce qui a été réalisé et réussi dans le cadre du PRU ;

- Mener un travail en parallèle sur le peuplement (notamment pour prévenir une re-concentration de ménages en difficulté sur le même site ou leur déport sur des quartiers voisins).

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Conclusion générale Les actions en matière de GUP et de tranquillité : des stratégies gagnantes pour pérenniser les effets de la rénovation urbaine L’enquête réalisée dans le cadre de cette étude a permis de confirmer le changement important qui s’est opéré dans les quartiers ayant connu une opération de rénovation urbaine. De ce point de vue, la mesure des effets de la rénovation urbaine sur la gestion de proximité et la tranquillité publique recoupe les analyses qui avaient permis de conclure à la satisfaction ressentie par les habitants de ces quartiers, à l’occasion de l’enquête réalisée pour le CES de l’Anru et publiée en 2014 sous le titre « Mon quartier a changé ! »139. Pourtant, aucun des sites étudiés n’est exempt de défaut. Qu’il s’agisse de problèmes récurrents de gestion, comme de la permanence d’agencements non sécurisés / insécurisants, la quasi-totalité des sites continuent de présenter, en leur sein ou dans leur immédiate périphérie, des dysfonctionnements plus ou moins importants et problématiques. Certaines situations ont même été mises au jour comme s’étant dégradées du fait de la rénovation urbaine. Cela concerne toutefois des lieux très précis (centres commerciaux, espaces verts, certaines résidentialisations…) et, bien souvent, des secteurs délaissés par les opérations : les secteurs « hors-PRU » ou les opérations non encore achevées subissant de fait l’effet de contraste qu’ont pu apporter les opérations de rénovation. Dans tous les cas, cela pose la question, essentielle, de l’articulation des PRU avec les politiques publiques de droit commun, et pointe la nécessité d’inscrire les PRU dans une démarche plus large de transformation des quartiers et de leurs alentours, afin que les opérations n’apparaissent pas comme des opérations « satellites », circonscrites à quelques secteurs et déconnectées des actions globalement menées (et à mener) à l’échelle des quartiers, des villes voire des agglomérations. La mise en évidence d’un effet « plumeau », c’est-à-dire du déplacement des phénomènes de délinquance d’un lieu à un autre, illustre à quel point l’amélioration d’une situation sur un secteur peut, si l’on raisonne de manière circonscrite par périmètre, se montrer finalement insatisfaisante à l’échelle globale d’un territoire. La liste des incohérences mentionnées tout au long du développement qui précède, entre les partis-pris de la conception et les impératifs de gestion ou de tranquillité, indiquent que des marges de progression existent encore, notamment sur le plan de la coordination des interventions des partenaires concernés et de l’association des forces de l’ordre, services de secours et acteurs de la prévention (médiateurs sociaux, prévention spécialisée) à la conception des projets et aux démarches GUP. Cependant, l’impression générale qui se dégage de l’ensemble des sites étudiés est celle de quartiers globalement « tenus » et « pacifiés » qui apportent aux habitants une réelle amélioration de leurs conditions de vie. Ce décalage entre l’image globalement positive perçue par les habitants comme par les acteurs locaux et la somme des défauts et carences relevés indique combien l’intervention urbaine a joué un rôle moteur dans la reconquête symbolique des sites. Cette reconquête s’est jouée, en effet, sur différents plans. A n’en pas douter, le plan symbolique a sans doute été prégnant : la rénovation urbaine a été ressentie positivement, comme quelque chose de concret, de visible, de tangible… comme une attention prêtée (enfin !) à des lieux qui semblaient avoir été délaissés ou sous-investis par la puissance publique. Les modifications physiques ont, par ailleurs, confirmé à tous le changement de cap qui était pris, même si personne ne pouvait nier que la situation sociale et économique des quartiers n’avait pas radicalement évolué. Si les représentations sont globalement positives, les craintes de voir les difficultés ressurgir demeurent dans de nombreux sites. Pour expliquer ce paradoxe, on peut faire l’hypothèse d’une

139 CES de l’Anru, « Mon quartier a changé ! Ce que disent les habitants de la rénovation urbaine », Paris, La Documentation Française, 2014.

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fragilité ontologique des PRU face aux enjeux de gestion et de sûreté qui s’imposent à eux. En effet, on peut avancer que le systématisme du recours à certains aménagements ainsi qu’aux méthodes et aux outils préconisés par l’Anru pour la réalisation des projets ont été déterminants dans l’obtention de certains résultats, sans que cela ne garantisse leur pérennité. Ce que l’on peut nommer la « vulgate » de la rénovation urbaine s’est montrée en effet globalement efficace. Ainsi, la « grammaire » de la rénovation urbaine, avec ses figures obligées, telles que le maillage viaire, la résidentialisation, la redistribution foncière, la diversification de l’habitat et des fonctions urbaines, etc., mais aussi la signature « obligatoire » d’une convention de GUP, ont fortement structuré les projets sans que ceux-ci soient réellement investis d’une intentionnalité claire. Sur les sites investigués, le diagnostic (qu’il s’agisse de gestion comme de tranquillité publique) n’a jamais véritablement guidé la conception des PRU. De même, peu de projets ont fait explicitement le lien entre cette conception et les modalités de gestion futures des sites. Comme d’autres faisaient « de la prose sans le savoir », certains ont pu pourtant concevoir un projet de rénovation permettant de pacifier un site et d’en faciliter la gestion ultérieure « sans le savoir » car cela s’est fait sans réellement établir de liens de cause à effet entre les formes bâties et leurs impacts sur le fonctionnement social urbain. C’est dans cet intervalle (cet impensé en quelque sorte) que se situent les principales voies de progrès pour les futurs PRU : une consolidation des effets premiers de la rénovation urbaine nécessite d’arrimer davantage les intentions aux finalités poursuivies, et de proposer des interventions urbaines qui favorisent une évolution positive des processus sociaux. Et elle exige également une anticipation bien plus forte de l’après-projet. En effet, les adaptations à l’œuvre sur les sites en matière de GUP et de tranquillité (réorganisations internes des services des villes et des bailleurs, recrutement de personnel ad hoc, création d’outils et d’instances partenariales), davantage pensées « au fil de l’eau » que structurées sur le long terme, se confrontent systématiquement à la question des moyens − humains et financiers − nécessaires à leur ancrage durable et pérenne sur les territoires concernés. Si l’étude présente une véritable plus-value par rapport aux différents travaux d’évaluation réalisés jusqu’à présent, celle-ci se situe avant tout dans la mise au jour de ce qui pourrait permettre l’amélioration des futurs PRU, à savoir :

1. Une attention plus soutenue au processus permettant d’articuler le diagnostic, la conception et la mise en œuvre du projet avec la gestion future des sites rénovés et l’amélioration de la sûreté des espaces concernés. Ces enjeux dépassent la seule intervention urbaine et architecturale ; ils renvoient à l’importance qu’il y a, pour les pilotes d’un PRU, de ne pas perdre de vue les raisons et le sens de l’intervention urbaine. A ce propos, il n’est pas inutile de rappeler que ces quartiers ont fait l’objet d’un projet de rénovation urbaine justement parce qu’ils dysfonctionnaient gravement en termes de sécurité et/ou de gestion. C’est pourquoi il est primordial d’investir réellement ces deux champs et d’examiner en détail les tenants et aboutissants des résultats souhaités et obtenus.

L’ampleur des moyens engagés dans le PNRU et le portage politique et médiatique de ses débuts avaient eu tendance à faire passer au second plan les intentions sociales et politiques que devaient porter les projets. Au point que la « rénovation » et le « projet urbain » avaient fini par acquérir une certaine autonomie par rapport au « projet social ». Quelques-uns étaient même parvenus à (se) faire croire qu’un quartier rénové se débarrasserait de ses maux en retrouvant une sorte d’« innocence » grâce aux formes urbaines renouvelées et au plan global harmonieux du PRU. La démarche devait bénéficier d’une sorte d’effet mécanique de la forme sur les usages, les habitudes et les comportements des habitants.

L’Anru, poussée en cela par de nombreuses équipes de terrain, a su dépasser cette vision naïve de l’intervention urbaine, et inscrire dans sa démarche des points de vigilance en matière de gestion urbaine et sociale des sites. Il faut reconnaître que les résultats obtenus sur le plan de la

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qualité urbaine comme de la tranquillité, bien que contrastés selon les sites, ont permis de donner un satisfecit à la démarche. Au démarrage du second programme de rénovation urbaine (NPNRU), l’Anru ne peut cependant pas se contenter pour les quartiers rénovés, d’une image globalement plus attractive que celle qui était la leur auparavant, mais bien d’un rôle et d’un statut à part entière dans le développement du territoire dans lequel le quartier s’inscrit. La question qui se pose aujourd’hui est celle de la pérennisation de ce qui a été instauré et, au-delà, de l’évolution des solutions apportées dans un contexte changeant qui devra compter, dans le futur, sur des moyens d’intervention de droit commun.

2. Une évaluation rigoureuse de ce qu’il est nécessaire de proposer pour renverser les logiques de déqualification préexistantes au PRU. Pour décrire ce que peut être une « stratégie adaptée aux enjeux », il conviendrait d’adopter la notion de « seuil minimal d’intervention permettant d’enclencher un processus vertueux de reconquête de site ». Pour calibrer l’intervention et lui donner tout son sens, il apparaît nécessaire de remonter la chaîne des déqualifications et de déceler les éléments sur lesquels il est possible d’agir avec un rendement certain. Les analyses de sites et les schémas proposés tout au long de ce rapport indiquent où doit porter l’attention et la façon dont peuvent se construire des stratégies gagnantes.

Cela a été évoqué plus haut, il ne semble pas y avoir de recette pour régler de façon univoque et définitive les maux dont souffrent les quartiers, mais plutôt un ensemble de méthodes qui, combinées judicieusement, peuvent faire progresser la situation d’un site. Ainsi, la requalification d’un quartier et sa prise en charge efficace des questions de tranquillité et de gestion urbaine de proximité ne peuvent être que le résultat d’une stratégie explicite, mettant en œuvre un ensemble d’actions permettant d’enclencher un processus vertueux et durable de requalification.

La démolition massive de logements, qui peut aller jusqu’à « la remise à zéro » de certain sites (Cergy, et partiellement Corbeil-Essonnes) − comme cela a pu être fait pour des friches industrielles − participent de façon très explicite de cette stratégie. La disparition pure et simple des lieux qui polarisaient les dysfonctionnements sociaux majeurs a pu être l’une des options retenues. Cette solution radicale n’est pas la seule possible et, sans doute, n’est-elle pas toujours souhaitable ou économiquement supportable. Le traitement en profondeur d’un ensemble de dysfonctionnements socio-urbains peut, dans certains cas, ne nécessiter qu’une intervention urbaine plus mesurée, à condition d’être appuyée d’un dispositif d’animation, de médiation et de prévention correctement calibré, qui tienne compte, en retour, des transformations urbaines du quartier.

L’ensemble des points mentionnés ici met en relief la nécessité d’une ingénierie permettant d’opérer ce traitement en profondeur. Les futurs PRU ne pourront pas se contenter de décliner les éléments de la vulgate de la rénovation des quartiers, ni d’aucune autre « recette ». Dans l’avenir, les causes à l’origine problèmes sociaux-urbains demeureront ou se diversifieront : le vieillissement de la population, la montée de l’isolement, les fragilités socio-économiques endémiques, la généralisation des ruptures familiales, etc.140 Or, une thérapeutique − fut-elle sociale − ne peut s’appliquer de façon aveugle ; elle réclame un diagnostic fouillé mais aussi une ingénierie urbaine et sociale renforcée (avec un pilote identifié, soutenu politiquement, et stable) qui manifeste une attention soutenue à ce qui se passe avant les travaux, mais aussi à ce qui interviendra après ; elle réclame aussi d’être à l’écoute des attentes des habitants en amont, comme au cours et en aval des opérations. Sur ce dernier point, il semble que le NPNRU offre en matière de participation, une réelle opportunité de « sortir du laboratoire » en permettant de cesser d’ « expérimenter » et d’isoler la participation comme une finalité en soi, comme on ne cesse de le faire depuis la fin des années 70 dans le cadre des différents 140 Les statistiques issues de la dernière enquête nationale sur le logement (ENL) comme les enquêtes d’occupation du patrimoine social (OPS) ou les travaux de l’ONZUS indiquent depuis longtemps ce que sont ces tendances qui sont bien plus défavorables aux quartiers qu’au lancement du premier PNRU : entre 20% et ¼ des ménages entrant dans le parc social sont des familles monoparentales, les personnes de plus de 60 ans et les isolés sont de plus en plus nombreux (jusqu’à un ménage sur deux), comme les ménages précaires, pour beaucoup très éloignés de l’emploi et vivant au-dessous du seuil de pauvreté.

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dispositifs de la Politique de la ville (Habitat et vie sociale - HVS et Développement social des quartiers DSQ, Contrats de ville et Contrats urbains de cohésion sociale et PNRU…). Les « maisons de projets »141 mais aussi les délais offerts aux acteurs locaux, 6 à 18 mois, pour définir leur projet dans le cadre de « protocoles de préfiguration »142 devraient permettre aux sites de tout mettre en œuvre pour faire des habitants des acteurs à part entière de la requalification de leur quartier. Par ailleurs, il convient de rappeler ici que la GUP ne recouvre pas toute la gestion d’un site ou d’un quartier. Celle-ci est aussi prise en charge par différentes organisations et moyens qui couvrent des territoires plus larges (commune ou agglomération). La propreté et la sécurité au quotidien comme à l’occasion d’événements exceptionnels, passent en effet, par des dispositifs et des canaux d’intervention et d’information généralistes dits « de droit commun » : police, pompiers, animations socio-culturelles, maillage de structures sanitaires et socio-éducatives, comités de quartier, territorialisation des services publics et des antennes de gestion des bailleurs, etc. Ce rappel sur la présence, en plus des dispositifs suscités par le PRU, d’une organisation « ordinaire » des acteurs sur un territoire avec de nombreux moyens d’intervention, comme l’idée d’une plus forte participation des habitants à la réflexion sur les dispositifs de gestion de proximité et de sécurité, ouvre un nouveau champ de questionnement à propos des projets de rénovation urbaine. Ces derniers comme la politique nationale qui les porte, pourraient être analysés sous l’angle du sens réel du projet politique porté par les acteurs mobilisés autour du PRU. En effet, le rapprochement entre participation/citoyenneté, d’une part et conception urbaine, sécurité et gestion, d’autre part renvoie à ce que nous pourrions appeler, en empruntant les concepts de Michel Foucault, les technologies de pouvoir au service du « gouvernement des quartiers ». Le concept de gouvernementalité143 permet d’exprimer ce qu’est la vocation première des stratégies urbaines portées par le PRU. En combinant démarches participatives, sécuritaires et gestionnaires, ces stratégies, tout en mettant en œuvre un ensemble de techniques et de méthodes préventives visent à « diriger les conduites » des individus et des groupes afin de gérer les risques sociaux et les menaces portant sur l’intégrité des personnes et des autres groupes. Après avoir décrit et analysé tout au long de cette étude, la manière dont ces technologies s’emploient à orienter, modeler et contrôler les conduites et les usages, il peut être opportun de revenir aux questions fondamentales : « Pour quelles finalités, au service de quelles valeurs et vision de la société, met-on en œuvre ces interventions et ces projets ? Pour servir quelle stratégie et envers quels groupes sociaux ? » En instruisant ces questions, il sera possible de rendre compte des conditions nouvelles dans lesquelles se joue une nouvelle forme de contrat social dans les territoires de la politique de la ville, entre une politique nationale, une stratégie locale et une mobilisation citoyenne (qui recouvre la participation des habitants et l’intervention de la société civile au travers des réseaux et associations socioculturelles). En concluant sur ces questions, nous renvoyons bien évidemment à la construction et à la gestion de ces territoires rénovés qui sont aussi faits des dynamiques démographiques et sociales qui s’y inscrivent : croissance urbaine, développement de l’économie locale, évolution des organisations, flux migratoires et parcours résidentiels… Un ensemble de questions sur ce qui fait l’essence de ces quartiers qui demeurent des « lieux majeurs d’intégration » capables d’absorber toutes les évolutions, les ruptures et les tensions qui affectent notre modèle de société.

141 La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 24 février 2014 a créé les conseils citoyens dans le cadre des contrats de ville et les maisons de projets dans le cadre du renouvellement urbain, pour permettre la co-construction du projet avec les habitants. Cette loi permet de conforter les dynamiques existantes et de garantir la place des habitants dans toutes les instances de pilotage, en créant un espace de propositions et d’initiatives pour ces derniers. 142 Cf. supra. 143 Michel FOUCAULT, Sécurité, territoire, population, éditions du Seuil, 2004, « Par gouvernementalité, j’entends l’ensemble constitué par les institutions, les procédures, analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d’exercer cette forme bien spécifique, quoique très complexe de pouvoir qui a pour cible principale la population, pour forme majeure de savoir l’économie politique, pour instrument essentiel les dispositifs de sécurité (…) », pp.111-112.

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Postface Les nouveaux principes du NPNRU liés aux enjeux de gestion et de tranquillité Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) a été lancé par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Il « concourt à la réalisation des objectifs [de la politique de la ville] (…) par des interventions en faveur de la requalification des quartiers prioritaires (…) ». Deux de ces objectifs font directement référence aux questions de gestion et de tranquillité :

- « garantir la tranquillité des habitants par les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance » ;

- « favoriser la pleine intégration des quartiers dans leur unité urbaine, en accentuant notamment leur accessibilité en transports en commun, leur mixité fonctionnelle et urbaine et la mixité de leur composition sociale (…) »144.

Le règlement général de l’Anru (RGA) relatif au NPNRU, publié le 14 août 2015, est plus explicite sur la gestion et la tranquillité. Un des objectifs « incontournables » des projets de renouvellement urbain vise à « réaliser des aménagements urbains et des programmes immobiliers de qualité prenant en compte les usages, les enjeux de gestion et de sûreté et anticipant les évolutions et mutations futures »145. Cela suppose que les porteurs de projets et maîtres d’ouvrage contractualisant avec l’ANRU intègrent les enjeux de gestion, usages et sûreté lors de la programmation urbaine et de la conception des opérations de renouvellement urbain (bâtiments et espaces résidentiels, équipements, espaces publics...). Ainsi, l’élaboration des projets de renouvellement urbain et la conception des différentes opérations doivent s’appuyer sur des diagnostics partagés, étayés sur des études préalables, notamment en matière de gestion, fonctionnement social et tranquillité. Pour ce faire, « l’Agence accorde des subventions pour (…) les études préalables de diagnostic social, urbain, patrimonial, architectural, économique, environnemental, juridique… Sont notamment concernés les diagnostics et les études stratégiques relatifs au fonctionnement urbain et social du quartier, (…) à l’usage et la gestion des espaces publics, à la sécurité, (…) »146. C’est l’objet des protocoles de préfiguration en cours de signature entre l’Anru et les porteurs de projet, qui précisent l’ambition, le programme d’études et les moyens d’ingénierie permettant d’aboutir à des projets opérationnels. Au-delà, cet objectif suppose que les enjeux de gestion, d’usage et de tranquillité identifiés dans la phase de diagnostic préalable soient traduits en prescriptions urbaines, architecturales et paysagères par les maîtres d’ouvrage et intégrés par les équipes de concepteurs dans le processus de conception. Au fur-et-à-mesure de l’avancement de la programmation urbaine et de la conception des opérations, cet objectif suppose également que les maîtres d’ouvrage, futurs gestionnaires et acteurs de la sécurité, appréhendent l’impact des orientations et configurations proposées sur :

- l’organisation de la gestion et les coûts afférents : ergonomie et accessibilité des espaces, lisibilité des responsabilités de gestion, potentiel de régulation, soutenabilité financière... ;

- le fonctionnement social, résidentiel, les pratiques et représentations du site par ses habitants et usagers : lisibilité des règles d’usage, potentiel d’appropriation et d’investissement par les usagers, attractivité et fréquentation des espaces neufs et reconfigurés... ;

144 Loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, article 1. 145 Règlement général de l’Anru pour le nouveau programme national de renouvellement urbain, titre Ier, article 3.2. 146 Règlement général de l’Anru pour le nouveau programme national de renouvellement urbain, titre 2, article 2.1.

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- la tranquillité du site : sentiment de sécurité, potentiel de conflits d’usage, d’actes malveillants et délictueux, potentiel de prévention situationnelle et de veille passive, accessibilité des services d’urgence…

Cela suppose l’organisation d’un dialogue itératif au sein des maîtres d’ouvrage entre les acteurs en charge du développement et de la requalification, les acteurs en charge de la gestion, les acteurs de la tranquillité et les habitants et usagers, au fur et à mesure du processus de programmation et de conception, ainsi qu’une capacité à intégrer les points de vigilance en continu dans les cahiers des charges et le dialogue avec les concepteurs. Concernant plus spécifiquement la gestion, la loi du 21 février 2014 indique que, pour chaque projet de renouvellement urbain, des mesures ou des actions spécifiques sont à prévoir, dans le respect des principes et objectifs fixés par les contrats de ville. Le RGA prévoit les éléments suivants :

- l’instauration de « projets de gestion », annexés aux conventions pluriannuelles. Ils doivent « inclure les conditions d’amélioration du fonctionnement et de la gestion du quartier, afin de prendre en compte les usages et d’anticiper les conditions et les coûts de gestion, d’accompagner les chantiers, de favoriser l’appropriation et la pérennisation des opérations »147. Le projet de gestion devra permettre d’améliorer le fonctionnement et la qualité du cadre de vie sur le site en amont du déploiement des opérations de RU et de mettre en place une stratégie de gestion temporaire, tout au long de la transformation urbaine envisagée, pour limiter les nuisances liées aux chantiers. Au-delà, il visera à anticiper l’évolution des responsabilités et coûts de gestion en lien avec les reconfigurations et évolutions de domanialités envisagées, et optimiser les usages et l’appropriation des espaces livrés. Dans ce cadre, il conduira à interroger l’évolution et la soutenabilité financière des modes de gestion, l’impact sur l’organisation des gestionnaires et l’adéquation des moyens avec les enjeux identifiés dans le diagnostic préalable. La démarche de « projet de gestion » propose une amélioration de la gestion urbaine pensée et mise en œuvre en « mode projet », c’est-à-dire selon une stratégie progressive, territorialisée et ciblée dans le temps, articulée au contenu et au phasage du projet de RU. Elle doit en outre favoriser l’adaptation des organisations de la gestion aux enjeux et caractéristiques du site, dans une recherche d’approche plus stratégique, préventive et territorialisée de résolution des problèmes de gestion. Le « projet de gestion » vise également à articuler plusieurs échelles d’intervention et à concilier une stratégie d’amélioration de la gestion globale à l’échelle du site en RU et une stratégie plus ciblée à l’échelle de sous-ensembles concentrant des difficultés spécifiques. Ainsi, le « projet de gestion » précisera la stratégie de gestion articulée au projet de RU ainsi que les modalités de sa mise en œuvre, c’est-à-dire identifiera des priorités territorialisées, déclinées en objectifs et actions d’amélioration de la gestion à court et moyen terme qui seront suivies, ajustées et évaluées dans le cadre d’un dispositif de pilotage, suivi et évaluation.

- la prise en compte de l’ingénierie. « Chaque maître d’ouvrage contribuant au projet de

renouvellement urbain a la responsabilité de mobiliser les moyens dédiés permettant de mettre en œuvre les actions dont il a la charge et d’assurer leur pérennité en cohérence avec le projet de gestion – recrutements, recours à une aide extérieure ou restructuration interne ». L’Anru accorde des financements pour la conduite des projets de renouvellement urbain, notamment pour le poste de « coordonnateur(rice) du projet de gestion »148.

Concernant plus spécifiquement la tranquillité publique, le RGA prévoit les éléments suivants :

- le renvoi à des actions « parallèles, dans le cadre du contrat de ville, (…) [des] sujets relatifs à la sécurité des biens et personnes ».

147 Règlement général de l’Anru pour le nouveau programme national de renouvellement urbain, titre Ier, article 5.1. 148 Règlement général de l’Anru pour le nouveau programme national de renouvellement urbain, titre Ier, article 6.2.

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« Il est nécessaire d’assurer une cohérence entre le projet de renouvellement urbain, les actions du contrat de ville et les dispositifs associés. Plusieurs enjeux font l’objet d’une vigilance toute particulière de l’Agence : (…) l’amélioration de la sécurité et la tranquillité publique ; l’appropriation du cadre de vie et de l’espace public par les habitants (…) »149. Dans le NPNRU, l’amélioration de la sécurité et de la tranquillité est ainsi pensée comme relevant à la fois d’une amélioration des interventions et de la coordination des acteurs et dispositifs partenariaux en matière de sécurité, tranquillité, prévention et gestion et d’une réflexion sur les configurations urbaines, architecturales et paysagères pour limiter la survenue d’actes délictueux et favoriser l’investissement et l’appropriation de leur cadre de vie par les habitants permettant de développer des formes de coveillance, des interactions et des dynamiques sociales positives.

- le financement par l’Anru, « à titre exceptionnel, [de] dispositifs de sécurisation active des chantiers uniquement dans la phase de réalisation de ces derniers (…) »150.

Par ailleurs, il est prévu de rendre obligatoire les études de sécurité publique151 pour les projets de renouvellement urbain, lorsqu’il est programmé la démolition d’au moins 500 logements, comme c’était le cas dans le cadre du PNRU152. Toutefois, le principal enjeu des études de sécurité publique appliquées au projet de renouvellement urbain ne réside plus dans le respect de l’obligation réglementaire, les principaux acteurs au niveau national et local étant désormais sensibilisés à ces questions. C’est désormais la qualité de ces études qui doit s’améliorer, afin qu'elles ne se limitent pas à des correctifs techniques et des éléments de sécurisation, mais qu’elles acquièrent une portée réellement opérationnelle sur le projet d’aménagement en émettant des préconisations architecturales, urbaines, techniques et organisationnelles. Dans ce cadre, le ministère de l’Intérieur et le ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie153 vont prochainement lancer, au deuxième semestre 2016, une étude d’évaluation du dispositif des études de sécurité publique en vue de le compléter ou de le modifier afin qu’il réponde mieux aux attentes actuelles en matière de sûreté. Cette démarche doit permettre d’identifier les bonnes pratiques et les dysfonctionnements en matière d’études de sécurité publique afin de les diffuser ou d’y remédier et, si nécessaire, de réformer la réglementation. Le CGET participera au comité de pilotage de cette démarche d'évaluation qui concernera également des projets de rénovation urbaine.

149 Règlement général de l’Anru pour le nouveau programme national de renouvellement urbain, titre Ier, article 3.1. 150 Règlement général de l’Anru pour le nouveau programme national de renouvellement urbain, titre 2, article 2.1. 151 L’'article L.114-1 du code de l’urbanisme pose le principe de la réalisation des études de sécurité publique pour les projets d'aménagement, la création d’équipements collectifs et les programmes de construction qui, par leur importance, leur localisation et leurs caractéristiques propres peuvent avoir des incidences sur la protection des personnes et des biens. 152 Disposition de l’article R114-1 du code de l'urbanisme. 153 Représentés par la délégation aux coopérations de sécurité (DCS) et le point d’appui national sûreté sécurité urbaine du Cerema, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. http://www.cerema.fr

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ANNEXES

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Annexe 1 : Références bibliographiques

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Annexe 2 : Les facteurs liés au contexte urbain et à la conception architecturale et urbaine pouvant générer des problèmes de gestion ou de

sécurité

Le tableau ci-après liste l’ensemble des problèmes de gestion et de sécurité qui peuvent être imputés à la conception urbaine et architecturale, mais aussi au processus de mise en œuvre du projet urbain lui-même. De façon à être compréhensible de tous, nous présentons ce tableau en deux volets :

- en présentant les problèmes posés par la conception urbaine et architecturale (tant au niveau de la stratégie adoptée, que du contexte dans laquelle elle intervient),

- en mettant en regard, les conséquences d’une conception mal maîtrisée ou inadaptée sur la gestion future du site comme sur sa tranquillité et sa sécurité.

A bien des égards, ce tableau peut être lu aussi comme une check list des écueils à éviter et des points de vigilance à mobiliser lorsque l’on souhaite analyser un contexte urbain (diagnostiquer les causes d’un dysfonctionnement), concevoir un projet (ou, en tant que maître d’ouvrage bâtir le cahier des charges pour choisir un maître d’œuvre) ou lorsque l’on souhaite analyser la pertinence d’un projet architectural et urbain proposé par un maître d’œuvre. Il peut être considéré en outre comme la trame d’un guide de conception permettant de mener à bien un projet prenant en compte les problèmes de gestion et de sécurité. Cette trame est structurée en 6 points, allant de la stratégie générale et du processus de réalisation du projet jusqu’à certaines de ses options formelles :

- A / Les stratégies de rénovation urbaine et conduite des projets - B / L’organisation urbaine des quartiers et les modes d’implantation des immeubles - C / La conception des espaces publics et des aménagements urbains - D / La conception des équipements - E / La conception des espaces paysagers - F / La conception des immeubles et des espaces résidentiels

En outre, un septième point a été rajouté afin de rendre compte des éléments relatifs au contexte économique et immobilier et à l’environnement des quartiers. Si les opérations de rénovation urbaine ne peuvent pas agir directement sur ces facteurs, nous voulons rappeler ici qu’il est néanmoins nécessaire de les prendre en compte pour comprendre les problèmes d’insécurité et de gestion qu’ils contribuent à développer dans les quartiers. Soulignons que le tableau ci-après se présente comme un tableau qui recense les différents problèmes à prendre en compte et identifie une série de points de vigilance à conserver à l’esprit. Il ne doit en aucun cas être compris ou appréhendé comme une liste de problématiques qui seraient systématiquement à l’œuvre et repérables sur tous les sites en rénovation urbaine.

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PROBLEMES POSES PAR LA CONCEPTION URBAINE OU ARCHITECTURALE DU PRU

CONSEQUENCES EN MATIERE DE GESTION ET DE SECURITE

A / STRATEGIES DE RENOVATION URBAINE ET CONDUITE DES PROJETS

1 - Les stratégies de rénovation Insuffisante amplitude de la reconquête par rapport à la situation initiale

Euphémisation des problèmes de sécurité et de gestion qui ne pourront être réglés par des interventions trop ponctuelles Les problèmes d’insécurité tendent à se déplacer sur ces secteurs non requalifiés

Choix d’une stratégie assurant la requalification de l’ensemble des secteurs (requalification de certains secteurs seulement ou bien disséminant les interventions)

L’absence de requalification de certains secteurs ou de certains lieux conduit à dévaloriser les efforts entrepris Les habitants des secteurs non requalifiés se sentent abandonnés

Non articulation de la requalification des espaces publics et des immeubles privés qui les bordent

La qualité des espaces publics dépend de la qualité des immeubles qui les borde. Leur requalification n’améliore pas leur attractivité si les immeubles qui les bordent restent déqualifiés

Absence de diversification de l’habitat et du peuplement

L’absence de diversification des formes et des statuts d’habitat ne permet pas de réduire la concentration des ménages en difficulté

Manque de fluidité des relations entre le quartier et son environnement

Un projet trop centré sur le quartier peut exacerber les contrastes avec les parties non traitées du quartier ou avec son environnement immédiat, limitant de fait l’impact de la rénovation en termes d’attractivité et d’image.

Non prise en compte ou absence d’intervention sur un environnement contribuant à dévaloriser le quartier par un environnement de friches urbaines ou industrielles à l’abandon

Absence de continuité urbaine avec l’environnement Coupure du quartier de son environnement par des nappes de parking ou par des équipements sportifs ou éducatifs Ré-enclavement des quartiers par des opérations d’aménagement récentes (ZAC) Environnement dangereux en raison de la circulation routière (voies express)

2 - La conduite des projets Manque de cohérence, d’articulation et de complémentarité entre les actions entreprises (risque de produire un « patchwork » d’interventions)

La juxtaposition des interventions laisse des interstices non investis et souvent dégradés ou problématiques quant à leur appropriation et leur gestion

Trop faible accompagnement de la phase travaux dégradant encore la gestion et la sécurité du quartier

Risque de ne pas permettre le basculement qualitatif attendu par des réalisations trop « brutales » et génératrices de dysfonctionnements durant un trop longue période

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Insuffisante prise en compte de l’impératif d’une première phase de réalisation ayant un impact positif et un effet d’entrainement important pour le processus de requalification engagé

Risque de déception de la population et de développement des dégradations sur les premières réalisations

B / L’ORGANISATION URBAINE DES QUARTIERS ET LES MODES D’IMPLANTATION DES IMMEUBLES 1 - L’organisation des circulations Insuffisante clarification de l’organisation des circulations et maintien d’aménagements problématiques :

‒ Passages sous porche ‒ Circulations labyrinthiques ‒ Voies en impasse

Situations pouvant contribuer à créer de l’insécurité et difficiles à gérer

Insuffisante activation du potentiel de valorisation qu’offrent les systèmes de transport en commun (tramway, bus en site propre,…)

L’implantation de transports en site propre offre un potentiel de valorisation mais nécessite une requalification urbaine de même niveau sur ses abords

Multiplication des voies en impasse Voies qui ne permettent pas aux services de police et de sécurité (cf. pompiers, ambulances…) de traverser les quartiers

2 - Organisation des ilots et modes d’implantation des immeubles Insuffisante articulation entre la grande échelle urbaine et la petite échelle architecturale et résidentielle avec un déficit d’intervention qui pérennise : L’enclavement des ilots L’effet de « fond de quartier » généré par un immeuble ou par des ilots fermés L’effet « d’arrière d’immeuble » isolé généré par de grandes barres

La requalification se limitant aux grandes infrastructures régule imparfaitement de nombreux désordres :

- Ilots desservis par une seule voie de circulation qui peut être aisément contrôlée par des groupes délinquants

- Barre d’immeuble qui coupe un ilot ou un quartier de la rue principale seulement franchissable par des porches

- Enclavement interne, souvent par des équipements publics, notamment des groupes scolaires qui isolent des ilots du reste du quartier et obligent à faire des détours pour y accéder

- Barres qu’il faut contourner pour accéder à l’espace arrière dont la gestion est également souvent délaissée

Traitement insuffisant des problèmes générés par l’urbanisme sur dalle (ou reproduction de ce type de problèmes dans les opérations neuves)

Cette forme urbaine multiplie les escaliers, les passages sous dalles et les recoins et passages sombres générateurs d’insécurité La dalle par les difficultés qu’elle présente pour être aménagée est désertée et devient insécure

C / LA CONCEPTION DES ESPACES PUBLICS ET DES AMENAGEMENTS URBAINS

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Excessive complexité des aménagements urbains avec prolifération des « petits aménagements » tels que emmarchements, micro placettes, grillages et cheminements étriqués… et dispersion d’un mobilier urbain mal implantés

Cette complexité accroît les coûts et les difficultés de gestion et les rend quasiment ingérables : de ce fait de nombreux espaces sont quasiment laissés à l’abandon. Il est impossible de définir des règles d’usage claires et ceci génère de multiples conflits et des problèmes de sécurité

Aménagement volontairement minimalistes ou absence d’intervention générant des espaces publics sans véritable usage, déqualifiés ou désinvestis par les habitants

Espaces publics délaissés susceptible de devenir « inquiétants » ou d’être appropriés pour des usages déviants

Absence de cohérence entre la vocation, le statut et l’usage des espaces privés, collectifs et publics liés à leur localisation ou leur conception

Espaces publics en cœur d’ilot qui ont, en fait, une vocation d’espaces résidentiels privé mais qui peuvent être investis par tous les habitants des quartiers, ce qui crée des tensions avec les riverains. De plus, ces conflits d’usage ne permettent pas d’identifier les responsabilités de gestion ; de ce fait la gestion de ces espaces est souvent délaissée

Mauvaise organisation des stationnements par rapport aux immeubles dans les espaces résidentiels

Parkings éloignés des immeubles ou cachés par des buttes ou de la végétation qui ne permettent pas une surveillance passive, Parkings gigantesques en sous-sol sans gardiennage, Grandes nappes de parkings qui « anonymisent » la propriété des véhicules

Absence d’espaces collectifs ou publics de proximité (intégrant des jeux pour enfants, city-stades…)

L’existence de grands parcs urbains ou de grands espaces publics ne compense pas l’absence de petits espaces collectifs de proximité car ces grands espaces publics sont souvent éloignés de la majorité des habitations et donc peu fréquentés par les enfants et les adolescents qui leur préfèrent les perrons, les halls ou les parkings. La présence des familles et des enfants tend à apaiser les adolescents : par leur présence sur ou à proximité des espaces de jeux , les familles assurent une régulation sociale.

Localisation ou conception inadaptée des espaces de proximité

Les espaces trop proches des immeubles peuvent générer des dégradations et des conflits avec les habitants. Si ces espaces ne sont pas séparés des immeubles qui les bordent, les riverains tendent à se les approprier et rejettent les autres habitants du quartier Si ces espaces sont peu attractifs ou mal gérés, ils sont désinvestis

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Insuffisante réduction des « vides urbains » et image persistante d’un « quartier inachevé » (places démesurées, voies surdimensionnées, vastes espaces verts sans aménagement, parkings immenses, …)

Les vides urbains génèrent un sentiment de vivre dans un no man’s land et une inquiétude pour traverser ces espaces. Ces espaces sont sinistres la nuit Les coûts de gestion de ces espaces sont très élevés et ils sont souvent laissés à l’abandon

Insuffisante réduction du nombre de recoins et espaces interstitiels (voire production de nouveaux espaces résiduels).

Les coûts de gestion de ces espaces sont très élevés d’autant qu’ils sont souvent les lieux ou s’entassent les encombrants et ou se développent les incivilités

Non prise en compte du déficit d’éclairage public

Le sentiment d’insécurité est très sensible au déficit d’éclairage. L’absence d’un plan permettant d’éclairer un site de façon satisfaisante tend à minorer l’importance de la vie nocturne dans les quartiers et des désordres qui peuvent s’y produire à la faveur de la nuit.

D / LA CONCEPTION DES EQUIPEMENTS

La localisation des équipements qui ne favorise pas la création de lieux attractifs et animés

La dissémination des équipements dans différents secteurs qui ne contribue pas à créer des pôles d’animation urbaine

Des implantations d’équipements qui ne favorisent pas la qualification urbaine et affaiblissent leur potentiel de régulation des usages dans l’espace

Equipements « posés » sur le sol sans création de placettes les rendant attractifs ; Entrées des équipements qui ne sont pas visibles ou accueillantes ; Implantation qui bouche la vue des riverains, ou bien crée des conflits avec le voisinage

E / LA CONCEPTION DES ESPACES PAYSAGERS Incompatibilités entre le dessin des cheminements et les zones de plantations

Plantations non protégées à proximité des entrées d’immeuble ou des circulations Implantation de petites bandes d’espaces verts à proximité des parkings ou des containers de stockage des déchets qui sont rapidement dégradées

Mise en œuvre de plantations entrainant des difficultés de gestion et une dégradation rapide des espaces plantés Dispositif ne prenant pas en compte des contraintes futures de gestion

Installation de plantes tapissantes à proximité des immeubles, de ce fait les détritus s’accumulent Absence de murets pour retenir la terre des espaces pentus et empêcher le ravinement ou pour retenir le mulsch, les copeaux de bois Fragmentation des espaces plantés en de multiples espaces ce qui accroit les coûts de gestion Plantation sur des bandes de terre étroites (moins de 30cm), ce qui fait dépérir les plantes Implantation de noues pour récupérer les eaux de pluie difficile à entretenir ou installées dans des villes dont les services n’ont pas les moyens ou la capacité de les entretenir

Absence de prise en compte de l’ensoleillement et des contraintes d’arrosage

Plantations à l’ombre qui de ce fait ne se développent pas

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Plantation dans des jardinières qui ne sont pas en pleine terre et nécessitent un arrosage fréquent Tuyaux d’arrosage automatique seulement posés sur le sol que les enfants peuvent facilement arracher

Aménagement et plantations qui ne tiennent pas compte des pratiques des habitants

Cheminements spontanés recréé sur des espaces plantés et susceptibles de devenir boueux

F / LA CONCEPTION DES IMMEUBLES ET DES ESPACES RESIDENTIELS 1 - La conception des immeubles neufs ou réhabilités Barres d’immeubles dont les logements sont distribués par une seule cage d’ascenseur et de grandes circulations intérieures

Concentration des accès aux logements dans un seul hall par un ou deux ascenseurs qui sont donc très utilisés et tendent à se dégrader Les enfants jouent ou les adolescents se réunissent dans ces circulations, générant du bruit, des dégradations et des tensions.

Logements desservis par des coursives extérieures aisément accessibles qui génèrent de l’insécurité à tous les étages

Logements facilement accessibles depuis les coursives. Les voisins passant devant les fenêtres des salons ou des chambres perturbent l’intimité ce qui contribue à insécuriser les habitants Les enfants jouent sur ces coursives ce qui génère du bruit et des tensions entre les voisins.

Une concentration de typologies de logements générant des usages et des peuplements problématiques

Une concentration des grands logements entrainant une concentration des familles nombreuses ou un grand nombre de logements par cage d’escalier et/ ou par palier qui peuvent accélérer les dégradations par un usage intensif des espaces communs et des troubles de voisinage

Le recours à une architecture peu « urbanisante » et sécurisante

Les traitements de façades avec de petites ouvertures, des matériaux sombres ou opaques, des ambiances carcérales ou dominent les escaliers en métal, les passages sous dalle … comme des orientations « tournant le dos » aux espaces publics affaiblissent toute possibilité de contrôle passif de l’espace. De la même manière certaines options architecturales peuvent fragiliser les habitants (rez-de-chaussée non protégés, vue et clôture mettant les personnes au vu de tous, absence de transition avec l’espace public, etc.

2 - La conception des pieds des immeubles, des entrées et des halls Le maintien en réhabilitation des entrées des immeubles surélevés par rapport aux rues

Les entrées surélevées offrent une position en surplomb qui permet aux délinquants de contrôler l’environnement

Maintien de rez-de-chaussée et de pignons aveugles dévitalisant les rues et les espaces alentours

Les rues longées par des immeubles dont les pieds ou les pignons sont aveugles ne participent pas à la régulation des espaces Ces espaces aveugles sont « prêts à taguer » et difficiles à entretenir

Immeubles longés par des circulations Baies vitrées ou fenêtres basses donnant

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directement sur les trottoirs bordant les immeubles

Espaces privatifs mal articulés avec les espaces extérieurs (déficit de protection de l’intimité des logements)

La qualité des espaces extérieurs privatifs (balcons, loggias, jardinets / jardins…) contribue à la régulation des espaces extérieurs

Halls d’immeubles et des parties communes complexes et de trop grande taille

Les halls traversants qui peuvent devenir de véritables passages publics utilisés pour traverser un quartier Halls surdimensionnés permettant les regroupements de jeunes :

- Halls labyrinthiques avec de nombreux recoins

- Auvents ou casquettes devant les halls favorisant les regroupements de jeunes

- Eclairage déficient des halls Cages d’escalier et paliers insécurisants car dépourvus de fenêtre (sans éclairage ni ventilation naturelle)

Prolifération des édicules techniques et accès des parkings mal intégrés à la façade des immeubles

Cette accumulation fait que l’avant des immeubles apparait comme un espace de rejet dévalorisant

3 - La conception des espaces résidentiels et des clôtures La qualification des espaces résidentiels

La déqualification de ces espaces dévalorise à la fois les immeubles et les espaces publics qu’ils bordent

Conception des clôtures posant problèmes parce que trop fragiles ou de conception trop « carcérales »

• Fragilité des clôtures réalisées avec des grillages qui se dégradent rapidement

• Grilles qui ne sont pas posées sur des murets : les détritus poussés par le vent s’’accumulent au pied des grilles et il est difficile de les ramasser

• Uniformité des clôtures ou prolifération de grilles ou de grillages qui génèrent une ambiance inquiétante

• Hauteurs excessives des clôtures (plus de 2 mètres parfois) qui créent également une ambiance carcérale

Page 166: Effets de la rénovation urbaine sur la gestion urbaine de ... · caractère représentatif de la rénovation urbaine sur le territoire national. Sur chacun de ces sites ont été

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G / LE CONTEXTE ECONOMIQUE ET URBAIN ET L’ENVIRONNEMENT DES QUARTIERS 1 - Le contexte économique et urbain154 Agglomération en développement économique avec un marché de l’habitat dynamique

Tendance au départ des ménages ayant une situation professionnelle stable et difficulté à recréer une certaine mixité sociale

Agglomération en développement mais développant des emplois « high tech » inaccessibles aux habitants des quartiers d’habitat social

Situation qui accroit l’exclusion sociale et l’aigreur des habitants qui voient l’emploi se développer à proximité de leur quartier mais ils n’y ont pas accès

Agglomération en situation de fragilité économique et/ou démographique ou en déclin

Menace de vacance du parc immobilier et difficultés à lutter contre la spécialisation sociale du quartier.

Villes ne disposant pas de réel centre urbain

Les habitants n’ont aucune raison de sortir de leur quartier car le centre- ville n’offre aucun attrait : tendance au repli dans le quartier ou le logement et accroissement des tensions

2 - Localisation et rapport à la centralité Isolement géographique des quartiers éloignés du centre

Les problèmes d’accessibilité en raison du manque de transports en commun, difficulté à se rendre dans les zones d’emploi Cet isolement ne permet pas aux habitants de bénéficier des services urbains, ou de se promener dans le centre- ville. Il accroit la ségrégation et favorise une « implosion » des tensions car il n’y a pas d’espace de dégagement

3 - Qualité de l’environnement immediat et articulation avec cet environnement Enclavement et dévalorisation des quartiers par des infrastructures routières ou ferroviaires qui entourent le quartier et par différentes formes de ruptures

Toute une série de ruptures peuvent renforcer le sentiment d’exclusion et générer une certaine « anomie » :

- Rupture topographique (par un fleuve, par une situation sur un plateau)

- Rupture par les infrastructures routières ou ferroviaire ou des zones d’activité

- Rupture morphologique (grandes barres dans des villes dominées par des immeubles de faible hauteur ou par des quartiers pavillonnaires)

- Rupture sociologique : écart social très fort entre les habitants du centre et ceux de la périphérie

154 Les opérations de rénovation urbaine ne peuvent pas agir directement sur ces facteurs, il est nécessaire de les prendre en compte afin de comprendre les problèmes de sécurité et de gestion qui leur sont imputables.