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La réussite, un enjeu pour tous 1. Fabien Truong 2. Michel Pegon et Pascal Aubert et la ville et la ville l’école l’école 24 novembre 2016 s i la réussite est un enjeu pour tous, les conditions du succès ne sont pas identiques pour tous les jeunes. Pour ceux des quartiers populaires, qui ont à affronter le stigmate de la banlieue et pâtissent souvent des représentations en matière de normes d’excellence scolaire, le parcours est semé d’embûches. Néanmoins, contrairement à une idée très largement répandue, ils ne sont pas tous en rupture scolaire. Comme tous les autres, ils élaborent pour eux-mêmes, dans leur par- cours vers l’âge adulte, le « sens d’un chemin » qui leur est propre, dans lequel s’effectue une rationalisation de leur histoire et de leurs frustrations ou espoirs déçus, et une projection vers l’avenir. Le sociologue Fabien Truong a suivi pendant dix ans une vingtaine d’élèves de la Seine-Saint-Denis, du baccalauréat au début de leur vie professionnelle. Il interroge la capacité de l’école à accompagner ces élèves au-delà des préjugés et stéréotypes qui affectent si souvent l’institution, le plus souvent à son insu. Sur le terrain, dans le quartier Sémard – Delaunay-Belleville, à Saint- Denis, « Mille et un territoires se mobilisent avec les parents pour la réussite de tous les enfants! ». Cette campagne de lutte contre l’inégalité scolaire liée à l’origine sociale mobilise toute la communauté éducative sous la forme d’un réseau engagé auprès des enfants. Fabien Truong est sociologue, enseignant à l’université de Paris VIII (laboratoire Cresppa, équipe Cultures et sociétés urbaines, Csu). Michel Pegon est coordinateur Rep, et Pascal Aubert militant du réseau «Mille et un Territoires», à Saint-Denis.

EDUCATION ET SANCTION - Profession Banlieue

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La réussite, un enjeu pour tous

1. Fabien Truong

2. Michel Pegon et Pascal Aubert

et la villeet la villel’école l’école

24novembre 2016

s i la réussite est un enjeu pour tous, les conditions

du succès ne sont pas identiques pour tous

les jeunes. Pour ceux des quartiers populaires,

qui ont à affronter le stigmate de la banlieue

et pâtissent souvent des représentations en

matière de normes d’excellence scolaire, le

parcours est semé d’embûches. Néanmoins, contrairement à une

idée très largement répandue, ils ne sont pas tous en rupture scolaire.

Comme tous les autres, ils élaborent pour eux-mêmes, dans leur par-

cours vers l’âge adulte, le « sens d’un chemin » qui leur est propre,

dans lequel s’effectue une rationalisation de leur histoire et de leurs

frustrations ou espoirs déçus, et une projection vers l’avenir.

Le sociologue Fabien Truong a suivi pendant dix ans une vingtaine

d’élèves de la Seine-Saint-Denis, du baccalauréat au début de leur

vie professionnelle. Il interroge la capacité de l’école à accompagner

ces élèves au-delà des préjugés et stéréotypes qui affectent si souvent

l’institution, le plus souvent à son insu.

Sur le terrain, dans le quartier Sémard – Delaunay-Belleville, à Saint-

Denis, « Mille et un territoires se mobilisent avec les parents pour la

réussite de tous les enfants ! ». Cette campagne de lutte contre

l’inégalité scolaire liée à l’origine sociale mobilise toute la communauté

éducative sous la forme d’un réseau engagé auprès des enfants.

Fabien Truong

est sociologue, enseignant

à l’université de Paris VIII

(laboratoire Cresppa,

équipe Cultures et sociétés

urbaines, Csu).

Michel Pegon

est coordinateur Rep,

et Pascal Aubert

militant du réseau

«Mille et un Territoires »,

à Saint-Denis.

Page 2: EDUCATION ET SANCTION - Profession Banlieue

E nseignant de scienceséconomiques et sociales(Ses) en Seine-Saint-

Denis en tant que titulaire surzone de remplacement (Tzr)pendant cinq ans, et chan-geant donc d’établissementchaque année, mon désird’enquêter sur mes propresélèves est né de la forte insa-tisfaction que je ressentais entant qu’enseignant confrontéà la récurrence de problèmesémanant d’un même type depopulation. Il m’a semblé né-cessaire d’aborder autrementles difficultés de ces jeunes,pour les comprendre. C’estainsi que ma recherche s’estconstruite autour de trois axesméthodologiques :

• Ne plus se centrer uniquementsur la relation à l’intérieur del’école : ce que je vivais avecmes élèves, ce qu’ils me ra-contaient, était construit surune scène sociale spécifiquequi, pour être bien comprise,demandait à sortir de l’en-ceinte de l’école pour mieuxconnaître ces jeunes hors lesmurs de l’institution ;

• Suivre des trajectoires indivi-duelles et se centrer sur desindividus, pour aller au-delà

– ou en deçà – de la méca-nique implacable de la repro-duction sociale ;

• Changer d’échelle temporellepour dépasser les préjugés.L’institution scolaire établit defait des verdicts scolaires,mais aussi des verdicts so-ciaux. L’image du « jeune debanlieue », devenue centraledans l’imaginaire national, par-ticipe de ses jugements. Plu-sieurs stigmates y sont à l’œu-vre, qui constituent ensembleun tableau complexe. Un pre-mier stigmate est d’ordre ter-ritorial ; il recouvre le fait derésider dans un département,un quartier, une rue, une tour.Il y a ensuite le fait d’être issud’une famille où les parentsn’ont pas fait d’études, dansune société qui valorise etsurvalorise le diplôme. Un au-tre stigmate est attaché à lacouleur de la peau, il est liéau racisme. Un autre, plus ré-cent, renvoie à la pratique dela religion musulmane et à laphobie qu’elle peut déclen-cher. On note enfin la persis-tance d’un phénomène quis’apparente à un mépris declasse quand le seul fait d’ap-partenir aux classes popu-laires fait rupture.

Pour casser ce tableau – etvoir ce qu’en faisaient mes an-ciens élèves –, il fallait observerleurs trajectoires dans la durée,sur cinq, six, huit ans, en pre-nant appui sur mes erreurs deperception en tant que profes-seur.

Mon premier livre, Des capucheset des hommes1, retrace la tra-jectoire de jeunes garçons debanlieue passés par la délin-quance. L’idée était de décons-truire la question de la délin-quance juvénile masculine àtravers le prisme des trajec-toires, pour tenter de compren-dre pourquoi on entre dans ladélinquance, et comment onen sort. J’y dresse le portraitde trois de mes anciens élèves,engagés dans des formes dedélinquance juvénile multiples,qui donnaient pourtant en classedes signes de bonne volonté :ils étaient plutôt assis au premierrang et posaient fréquemmentdes questions. Or l’un était dea-ler et gagnait beaucoup d’ar-gent; l’autre, alors qu’il comptaitavec beaucoup d’attention sespoints lors de la remise descopies, passait ses vendredissoir à fracturer les voitures poury voler des Gps. C’est en me-nant l’enquête que je découvre

et la villeet la villel’école l’école

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La réussite, un enjeu pour tous •1. FABIEN TRUONG. 2.MICHEL PEGON ET PASCAL AUBERT

1 Des capuches et des hommes.

Trajectoires de « jeunesde banlieue »,Buchet-Chastel,

coll. « Essai », 2013.

I. Les jeunes des milieux populaires et l’ascension scolaire

FABIEN TRUONG, sociologue

Un enseignant a toujours une « petite idée » de ce que vont devenir ses élèves. Cela le conduit à prononcer des verdicts, notamment lors des conseils de classe. Or, le plus souvent, malgré la bonne volonté, la bienveillance, l’outillage conceptuel et théorique, ces verdicts ne se réalisent pas complètement : les bonnes comme les mauvaises surprises sont nombreuses. Prendre cette question de la surprise au sérieux, sans tenir un discours naïf du « tout est possible », c’est ce que fait le sociologueFabien Truong en suivant les parcours de ses anciens élèves pour tenter de comprendre les écarts, les questions de singularité, de retournement et de renversement qui affectent leurs trajectoires scolaires.

Page 3: EDUCATION ET SANCTION - Profession Banlieue

ces pratiques et essaie dès lorsde comprendre les choses au-trement. Le point de départ dulivre est donc une « surprise ».

Dans mon second livre, Jeu-nesses françaises. Bac + 5,made in banlieue2, l’enquêtesuit des jeunes des quartierspopulaires qui décident, aprèsleur baccalauréat, de poursuivreleurs études, avec un bac + 5pour point de mire. L’intérêtpour ces trajectoires ascen-dantes permet de renverser laperspective et de s’intéresserà des cas de réussite scolaireégalement surprenants au re-gard des attendus courants del’institution scolaire.

Poursuivre ses études : un parcours semé d’embûches

Les jeunes des milieux popu-laires qui s’engagent dans desétudes supérieures appartien-nent à une génération qui n’ajamais eu autant d’atouts, ob-jectivement, pour y parvenir.Les chiffres sur la massificationde l’enseignement supérieur etsa pénétration par les classespopulaires montrent que les en-fants des classes populairesfont de plus en plus souventdes études, et des études deplus en plus longues. Mais celane signifie pas pour autant qu’ilsréussissent.

On parle beaucoup aujourd’huides étudiants engagés dansles filières sélectives commecelles de Sciences Po, lesgrandes écoles ayant intérêt àmédiatiser sur la diversité, leurouverture sociale, etc. Or lesclasses populaires entrent demoins en moins dans ces filièresélitistes, la massification du sys-tème consécutive à la démo-cratisation scolaire ayant en-

traîné une fragmentation per-mettant, de fait, la sélection. Siles grandes écoles n’avaientpas mis en place des systèmesd’ouverture pour que les jeunesdes milieux populaires aient ac-cès à ces écoles, les taux d’ad-mission seraient tellement fai-bles que le discours méritocra-tique sur lequel se fonde leurlégitimité n’aurait plus aucunpoint d’appui.

En France, le système desétudes supérieures est trèsfragmenté. Les jeunes sontdonc dans des configurationsétudiantes très différentes etne sont pas confrontés auxmêmes problèmes et difficultés.Ce ne sont ni les mêmes res-sources qui sont activées, niles mêmes trajectoires qui seconstruisent. Ainsi, un grouped’étudiants se dirigeant versl’université n’aura pas lesmêmes problématiques s’ils’agit d’une université de ban-lieue ou d’une université pari-sienne. Un autre groupe d’étu-diants faisant le choix d’un Btsou d’un Dut, dans l’optique de« viser petit » (un bac + 2, bac+ 3), développe a contrario uneautre façon d’entrer dans lesétudes supérieures. Enfin, existeun autre groupe d’étudiants quis’orientera vers les filières éli-tistes comme Sciences Po, lesécoles de commerce, lesclasses préparatoires auxgrandes écoles, etc. Et, là en-core, intégrer une « classeprépa » à Paris ou dans un ly-cée de banlieue ne renvoie pasaux mêmes expériences.

Ce qui est avant tout structurantpour tous ces jeunes est le faitde penser qu’ils sont en trainde réussir. En quoi consistecette réussite? Plus que le choixde telle ou telle orientation, ils’agit avant tout pour euxd’échapper au stigmate du

quartier populaire (du «9-3»)en valorisant par exemple unefilière les conduisant à Paris in-tra-muros.

Pourtant, une chose est biencommune à tous les jeunesenquêtés : travailler efficace-ment et satisfaire aux attentesdes différentes formations qu’ilsont intégrées nécessitent depasser par une série d’épreu -ves sociales et de parvenir àse penser soi-même par rap-port au regard des autres. Pourtrouver progressivement saplace, il faut apprendre à gérerces différentes épreuves. Etcela n’a rien d’évident – ce quien dit long sur la force et lapuissance du stigmate pesantsur ces jeunes.

Dans les années 1950-1960existait dans les milieux po-pulaires une « culture anti-école ». Les enfants desclasses populaires pouvaientse construire et se projetercontre l’école, ce qui était déjàse projeter dans la classe ou-vrière, qui existait encorecomme telle, et leur donnaitle sentiment d’avoir une placeet une légitimité. Il y avait lafierté des luttes sociales, l’in-tégration par le mouvementouvrier, l’assurance d’avoir untravail… Avoir une place leurpermettait de s’opposer à l’ins-tituteur, à l’école, sans quecela hypothèque leur placedans la société, leur procurantmême une certaine fierté.

Ce monde-là n’existe plus,toutes les familles souhaitentaujourd’hui que leurs enfantsréussissent à l’école. Et lesjeunes qui sont dans la rue etont enfourché des parcours dedélinquance disent tous, sansexception, que leur plus grandregret est d’avoir délaissél’école.

2 La Découverte, coll. « L’envers des faits »,2015.

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1. FABIEN TRUONG. 2.MICHEL PEGON ET PASCAL AUBERT•La réussite, un enjeu pour tous

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Depuis les années 1990, lesétudes supérieures constituentpour ces jeunes une forte ex-périence de confrontation à lamixité sociale, les lycées debanlieue étant désormais trèshomogènes du point de vue dela composition sociologique desélèves, beaucoup plus qu’ilsne l’étaient dans le passé. Lesenfants des classes populairesacquéraient auparavant au lycéede nouvelles expériences aucontact des jeunes d’autres mi-lieux sociaux qu’ils côtoyaient.Cette mixité leur permettait dedéplacer leur subjectivité, la fa-çon d’appréhender le monde,de percevoir « l’autre », de sedépartir des fantasmes so-ciaux, etc. Mais ce lycée décritpar le sociologue François Du-bet3 dans les années 1990 n’estplus.

L’expérience de la confrontationà l’altérité sociale est ainsi au-jourd’hui de plus en plus tardive.C’est l’entrée dans les étudessupérieures qui permet désor-mais à ces jeunes la confron-tation à un univers dans lequelils ressentent leur infériorisationculturelle et sociale, le méprisde classe, auxquels s’ajoutentla stigmatisation des quartiersdans lesquels ils vivent, le faitd’être arabe, de pratiquer la re-ligion musulmane, etc.

Dans cette confrontation à l’al-térité sociale se jouent des phé-nomènes d’une grande vio-lence, difficiles à surmonter. Unétudiant explique ainsi : « Dansmon quartier, j’étais vu d’unecertaine façon et, tout d’uncoup, je suis vu d’une autre fa-çon. J’ai eu mon bac, je croyaisêtre un élu, et je suis undamné. » Youssef, un autre étu-diant, ajoute : « Le problème,pour nous, c’est qu’on est fran-çais, mais on n’est pas fran-çais-français.»

L’importance des configurations individuelles dans la confrontation à l’altérité

Plusieurs manières de gérer cettesituation existent, qui dépendentde configurations indi viduelles.Deux cas particuliers relatés ci-dessous illustrent ce point.

• SARAH

Le cas de Sarah est presqueextrême, puisque Sarah entreà Sciences Po Paris. Sarah estune très bonne élève de lycée,qui a toujours été parmi lesmeilleurs de sa classe. Cetteposition est confortée par samention au baccalauréat, sonentrée à Sciences Po et sa cé-lébration, par sa famille maisaussi son quartier. Elle est doncportée par cette dynamique deréussite (il y aurait égalementbeaucoup à dire ici sur la so-cialisation genrée des jeunes,et le rapport particulier au lycéequi est celui de Sarah en tantque fille). À Sciences Po, leplus difficile pour Sarah est defaire partie d’une minorité so-ciale, de le ressentir à chaqueinstant et dès les premierscours : « On ne rigole pas desmêmes blagues, je ne com-prends pas. » Sarah se sentseule et vit très difficilementsa première année. À son retourchez elle, elle pleure, elle nese sent pas bien. Alors que saréussite scolaire devait réglerson « problème avec la ban-lieue », qu’elle pense « en êtresortie », le nouveau contextedans lequel elle évolue, les dis-cussions qu’elle a avec ses ca-marades… tout la renvoie à labanlieue, y compris la pratiquede l’islam par laquelle elle seconstruit une identité nouvellepour s’affirmer ; à Sciences Po,cette pratique est mal perçue

et jugée menaçante lors dessoirées étudiantes.

Une observation de la trajectoirede Sarah limitée à un oudeux ans aurait mis au jour laviolence sociale, le désespoirde la jeune fille et l’épreuvequasi insurmontable à laquelleelle est alors confrontée. Or, ensix années, Sarah trouvera desressources pour dépasser cesépreuves, avancer dans sonparcours scolaire comme dansson rapport à la religion, et seconstruire.

• IRFAN

Irfan est dans une situation sco-laire difficile, puisqu’il passe pourla troisième fois le baccalauréat.C’est sa dernière chance. Il dé-cide de quitter l’établissementde banlieue dans lequel il estscolarisé pour aller dans unétablissement privé à Paris, unétablissement religieux juif. Ilse retrouve alors avec des en-fants de milieu plutôt bourgeoiset de confession juive. Au dé-part, il a le sentiment qu’il doitse couper d’un certain nombred’attaches pour avancer. Mais,lors d’un cours de philosophie,se déroule un débat sur la ban-lieue, les quartiers, durant lequelressortent tous les stéréotypes,nourris par la quasi-totalité del’audience et le professeur. Irfanprend alors la parole et argu-mente pour démonter les pro-pos tenus (alors que Sarah ren-trait chez elle et pleurait…). Cetépisode sera un élément fon-dateur pour la trajectoire d’Irfan,qui obtiendra son baccalauréatcette année-là. Il sera égalementperçu dans son lycée commeune « grande gueule » et de-viendra une personne de réfé-rence lorsqu’il aura révélé qu’ila redoublé deux fois, les autresélèves lui demandant alors desconseils.

3 Les Lycéens,Le Seuil, 1991.

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La réussite, un enjeu pour tous •1. FABIEN TRUONG. 2.MICHEL PEGON ET PASCAL AUBERT

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Pourquoi Irfan réagit-il commeil le fait? C’est un garçon qui aredoublé, qui est donc plus âgéque les autres. Il possède éga-lement une voiture et conduitses amis dans le quartier où ilhabite, il est donc aussi celuiqui est le plus souvent contrôlépar les policiers. Il a une expé-rience consistante de la gestiondu stigmate et du rapport exis-tant dans les micro-interactionssusceptibles de dégénérer oud’être vécues sous le prismedu drame. D’une certaine ma-nière, il réactive cette expériencesur une autre scène dans sondernier lycée, et vit alors leschoses de manière différente.

Entrer à l’université…

Dans la configuration de l’uni-versité, une des problématiquesprincipales, pour les garçonsen particulier, est l’organisationdes implicites sur lesquels repose le travail demandé, entermes de gestion du temps,de suivi des cours… L’institutionoffre peu de réponses pour relever ces défis (les sectionsde techniciens supérieurs, lesinstituts universitaires de tech-nologie ou les « classes prépa »fonctionnent différemment etaccompagnent davantage lesélèves). Les garçons qui réus-sissent à trouver leur place àl’université recourent à des« collectifs d’alliés » réunissantun petit nombre d’« inconnussimilaires » : ce ne sont pas descopains du quartier (ce qui ren-verrait à un passif commun etdonc risquerait de les éloignerde l’université), mais des jeunesrencontrés sur les bancs del’université et ayant comme euxl’objectif d’obtenir un diplôme,des jeunes partageant avec euxdes caractéristiques com-munes : être issus des milieuxpopulaires, venir de quartiers

de grands ensembles, etc. Cescollectifs d’alliés permettent untravail de socialisation aidant àtenir en tant que groupe dansun univers dans lequel il paraîtdifficile de décoder seul tousles implicites. Ils aident aussi àdédramatiser de nombreusessituations. Si, par exemple, unprofesseur utilise un mot ignoré,un mot technique, complexe,le jeune ne vivra pas ce momentde la même façon s’il est seulou s’il fait partie d’un groupe. Ilpeut rire de la situation avecses copains, ce qui permet dedédramatiser, il n’est pas seul.Le groupe lui permet aussid’exister devant les enseignants,car il n’est pas non plus facilede prendre la parole ou de poserdes questions.

Construire sa trajectoiredans le temps

Ces jeunes qui passent les fron-tières sociales pour parvenir àvivre en cohérence et à trouverleur place doivent apprendre àmonter un « cheval à bascule »dans une mécanique de l’aller-retour permanent : afin de gérerla question de la trahison declasse, il leur faut apprendre àse couper de leur milieu d’ori-gine tout en étant reconnus parles leurs. Ils doivent aussi ap-prendre à se penser dans leursingularité et à rationaliser leurparcours. Cela se construit dansle temps.

Tous ces jeunes rationnalisentleur trajectoire en constituantce qui pourrait s’appeler le« sens d’un chemin » qui leurpermet de s’accrocher à la tra-jectoire qu’ils sont en train deconstruire et de rationaliser lamécanique des frustrations etdes espoirs déçus. Ce travailde construction de trajectoireest permanent et n’est pas spé-

cifique à la banlieue. Il renvoieà un travail de rationalisationbiographique consistant à réhabiliter le passé tout enconfirmant le présent, pour seprojeter dans le futur, ce quiimplique une plasticité des comportements, afin de dépas-ser les barrières de la défianceet du manque de confiance ensoi. �

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1. FABIEN TRUONG. 2.MICHEL PEGON ET PASCAL AUBERT•La réussite, un enjeu pour tous

Page 6: EDUCATION ET SANCTION - Profession Banlieue

1 Cette dynamiquecollective s’inscrit dans

la continuité du chantier-projet d’action-recherche« En associant les parents,tous leurs enfants peuvent

réussir », connu sous le nom de «Chantier

des 21 quartiers », finaliséle 11 avril 2015 lors

de rencontres nationalesà l’université de Paris VIII

– Saint-Denis. Pour ce nouveau projet

des « Mille et Unterritoires » lançé

en septembre 2015, il s’agit d’essaimer

et de rendre visiblestoutes les bonnes idées

et pratiques d’une éducation

partagée, de mutualiserles expériences,

de bénéficier des ressources des uns

et des autres, etc.

www.atd-quartmonde.fr/mille-territoires-se-mobilisent-parents-reussite-de-enfants

et www.en-associant-les-parents.org/le-chantier-

projet-devient2 Issu du regroupement

de la Délégation à l’aménagement

du territoire et à l’attractivité régionale(Datar), du Secrétariat

général du comitéinterministériel des villes(Sg-civ) et de l’Agence

nationale pour la cohésion sociale etl’égalité des chances

(Acsé), le Commissariatgénéral à l’égalité

des territoires (Cget) est

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L a démarche en réseaude « Mille et un terri-toires » se concrétise de-

puis plusieurs mois dans lequartier Delaunay – Belleville-Sémard, à Saint-Denis. Ce quar-tier d’habitat social, dans lequella moitié de la population résidedepuis plus de dix ans, accueilleun nombre important de famillesmonoparentales (dont 90 % defemmes cheffes de famille). Letaux de chômage y est légère-ment supérieur à celui de laville dans son ensemble, parti-culièrement dans le nord duquartier, plus pauvre, quicompte 55 % de personnessans qualification.

Lors de l’élaboration du projetde réseau, les relations sontbonnes entre enseignants etparents, même s’il semble auxprofessionnels que de plus enplus de parents ont tendanceà moins s’occuper de leurs en-fants au fil de la scolarité. Lecollège Fabien, alimenté parquatre écoles maternelles etquatre écoles élémentaires, esttête de réseau.

Des activités pédagogiquescomplémentaires, dont un

temps scolaire ouvert aux pa-rents après la classe, proposantdes situations d’apprentissage,existent déjà dans ces écoles.Une « Fête des écrits », à la-quelle participe la majorité desécoles maternelles et élémen-taires, permet de montrer auxparents, très nombreux – prèsde 95 % d’entre eux y prennentpart – tout ce que leurs enfantsont réalisé au cours de l’année.Des actions plus modestescomme des petits déjeunersavec les parents sont égale-ment programmés ponctuelle-ment.

La maison de quartier organisede son côté des temps autourde la parentalité3. Des actionssont par ailleurs menées avecle collège autour du cyber- harcèlement.

Mobiliser l’ensemble de la communauté éducative

La démarche « Mille et un ter-ritoires… » consiste en unecampagne de mobilisation desacteurs éducatifs de proximitéen partant de la conviction que

tout adulte qu’un enfant croisede manière récurrente est po-tentiellement un co-éducateurde cet enfant. Ce sont biensûr les parents et les ensei-gnants, mais ce sont aussi unanimateur de centre de loisirs,un éducateur sportif, un agentterritorial spécialisé d’écolematernelle (Atsem), un gardiend’immeuble, un professeur desport dans un club, etc. ; au-trement dit, tout adulte quipeut jouer un rôle d’accompa-gnement et d’encadrementpour l’enfant jusqu’au débutdu collège.

La campagne s’est beaucoupinspirée des méthodes d’inter-vention anglo-saxonnes decommunity organizing4, recon-nues comme très performantesen matière de mobilisation, dontune des clés de réussite estnotamment de cibler un objectifprécis. Pour cette campagne,le choix s’est porté sur uneparticularité du système éducatiffrançais qui consiste à opérer« insidieusement », de manièreforte et très précoce, une sé-lection des enfants en fonctionde leur origine sociale. Il s’agitpour le réseau de vérifier que

La réussite, un enjeu pour tous •1. FABIEN TRUONG. 2.MICHEL PEGON ET PASCAL AUBERT

II. SUR LE TERRAIN. « Mille et un territoires se mobilisent avec les parents pour la réussite de tous les enfants ! »

MICHEL PEGON, coordinateur Rep, et PASCAL AUBERT, militant « 1001 territoires », Saint-Denis.

Le réseau « Mille et un territoires1 » est composé de différents acteursde l’éducation populaire (Ligue de l’enseignement, Cemea, Francas, etc.), de chercheurs de divers courants pédagogiques, de professionnels des centres sociaux,d’animateurs, d’éducateurs, de parents… qui, tous, de leur lieu d’expérience, appartiennent à la communauté éducative et jouent ainsi un rôle dans la réussite des enfants. Le réseau, informel, a monté le dispositif de campagne du même nom pour déclencher, à des échelles micro-locales, partout où cela est possible, une dynamique de mobilisation. Il est fortement soutenu dans sa démarche par le Commissariat général à l’égalité des territoires (Cget)2, et accompagné par le ministère de l’Éducation nationale et la Caisse nationale d’allocations familiales.

Page 7: EDUCATION ET SANCTION - Profession Banlieue

l’on gagne du terrain sur cettesélection sociale dans les par-cours de réussite scolaire.

Dans le cadre de la recherche-action nationale portée depuissix ans par un collectif d’asso-ciations (Les fédérations de pa-rents d’élèves Pep et Fcpe, laFédération des centres sociauxet socioculturels de France, lesassociations Cerise et Prisme,l’Inter-réseaux des profession-nels du développement socialurbain…) à l’invitation d’AtdQuart Monde, intitulée « En as-sociant les parents, tous lesenfants peuvent réussir », dif-férentes actions ont été expé-rimentées sur une quinzainede sites dans le but d’allerchercher les parents les pluséloignés de l’école. Car il n’estplus à démontrer que les pa-rents, quel que soit leur niveauscolaire, jouent un rôle déter-minant dans l’accompagne-ment des parcours de réussitedes enfants. Après que ces pa-rents se sentent autorisés àjouer ce rôle d’accompagne-ment – et sont donc reconnuspar les acteurs éducatifs insti-tutionnels, et revalorisés dansle regard de leurs enfants –, unréseau d’adultes soutenant laréussite de tous les enfantspeut se constituer.

La démarche s’est égalementfortement inspirée de la mé-thode du croisement des sa-voirs rodée par Atd QuartMonde5. Dans un premiertemps, pour favoriser la ren-contre entre parents, ensei-gnants et éducateurs, chaquegroupe réfléchit de son côtépour s’accorder sur des ob-jectifs communs. Les groupesse rassemblent ensuite pourconfronter leurs choix et déci-der d’actions communes. Pa-rallèlement, les centres de loi-sirs animent un groupe d’en-

fants âgés de 9 à 11 ans sur lamême thématique, celle de laréussite.

Trois rencontres ont eu lieu de-puis octobre 2016, une pargroupe (parents, enseignants,éducateurs), pour que chacund’eux puisse formuler l’idée qu’ilse fait de la réussite, les causesde l’échec scolaire de trop d’enfants et les solutions à mettre en œuvre. Elles ontconcerné les quatre écoles maternelles et les quatre écolesélémentaires, et doivent s’élar-gir prochainement au collège.Dans des ateliers d’une dizainede personnes au maximum,chacun a dix minutes pour ré-fléchir à la question choisie,chaque atelier présentant en-suite ses réponses à l’ensembledu groupe.

Dans les ateliers, les projectionssur l’idée de réussite se sontavérées très diverses. Pour cer-tains, réussir, c’est avoir un mé-tier et gagner de l’argent ; pourd’autres, c’est s’épanouir, êtreheureux, être bien dans sapeau ; pour d’autres encore,c’est la capacité d’être en so-ciété, de pouvoir échanger, detrouver sa place dans ungroupe ; d’autres évoquent lesoutils, pour s’autonomiser ouconcrétiser ses rêves, choisirson avenir. Il n’y a bien sûr pasde bonnes ou de mauvaisesréponses. Ce qui importe estque tous ces acteurs se mettentensuite d’accord pour agir en-semble.

Les trois groupes se sont en-suite retrouvés au collège Fabien pour partager leurs dif-férentes représentations. La pre-mière question portait sur l’idéequ’ils se faisaient de la réussite,la seconde sur les raisons del’échec des enfants de ces quar-tiers. La capacité à choisir, à

être autonome, responsable,tout comme la question desdevoirs, du rôle d’accompa-gnement des parents, du rôleperturbateur que peut jouerl’environnement – les fréquen-tations dans le quartier, l’em-prise des médias – ont été despoints de convergence entreles trois groupes. Une réunions’est tenue par la suite pour affiner un regard commun, unereconnaissance mutuelle desco-éducateurs. Le simple faitque ces trois groupes aient ac-cepté d’entrer dans cette dé-marche collective a permis unchangement de regard des unssur les autres.

Tous les professionnels duquartier sont mobilisés, en co-construction avec les directeurset directrices d’école, la maisonde quartier, le coordonnateurde quartier, la directrice del’enfance, qui coordonne lescentres de loisirs, une asso-ciation qui fait du soutien sco-laire, etc. Ce sont potentielle-ment une centaine d’adultesqui croisent ces enfants tousles jours et peuvent être desressources pour les aider àréussir (alors que, bien souvent,chacun reste seul dans sondomaine de compétence). Onpeut penser qu’une étape aété franchie quand chacun seconsidère comme prenant partà la communauté éducative.

Cette démarche redonne del’ambition collective, du respectmutuel ; en considérant que cesenfants n’ont pas choisi de naître et de vivre là où ils viventet que les adultes doivent pren-dre leurs responsabilités pours’organiser collectivement afinde leur donner une chance deconstruire leur vie. Tels sontl’utopie, le rêve de cette dé-marche qui souhaite s’étendrepartout où cela est possible.

rattaché au Premierministre. Il est chargé de concevoir et de mettre en œuvre la politique nationaled’égalité des territoires et d’en assurer le suivi et la coordinationinterministérielle.3 Ont été invitées par exemple JanetNelson, vice-présidented’Atd Quart Monde, ou Séverine Kakpo,chercheuse à l’universitéde Paris VIII, spécialistedes devoirs et du travailpersonnel de l’élève dans les milieuxpopulaires.4 L’expression« community organizing »désigne une grandevariété de formesd’organisationscollectives à l’échellelocale, visant la participation des citoyens à la vie de leur communauté.5 Voir notamment le filmde Delphine Duquesnepublié en Dvd par Atd Quart Monde : De la participation au croisement des savoirs. Faire grandir la démocratie, 2015.

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1. FABIEN TRUONG. 2.MICHEL PEGON ET PASCAL AUBERT•La réussite, un enjeu pour tous

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La méthode utilisée s’appuiesur deux temps forts :– une période de deux moispour s’assurer que les diffé-rents groupes peuvent fonc-tionner ensemble et que lesservices de la ville et ceux del’Éducation nationale libèrerontdu temps afin que les profes-sionnels participent à cestemps de croisement (car ladémarche ne peut se péren-niser sur la seule base d’unmilitantisme reposant sur quel -ques personnes) ;

– une phase opérationnelle,également de deux mois, pourla rencontre et l’échange entreles groupes de pairs.

Un des objectifs est d’abordde renforcer les actions exis-tantes – il en existe beaucoupdans le cadre du dispositif deréussite éducative –, puis deles élargir et d’en mettre éven-tuellement d’autres en route.

Cette action, qui vise avant toutà aller chercher les parents lesplus en difficulté, ceux que lesassociations de parents d’élèvesne touchent jamais, ne peuts’envisager que sur la durée.La maison de quartier, les centresde loisirs, les associations ont

diffusé l’information; des standsde rue, des sorties d’école ontété organisés pour entrer encontact avec les parents et dis-cuter, en s’appuyant sur les ré-seaux et les passeurs, multiples,qu’ils connaissent, avec lesquelsils sont en confiance. Desfemmes ont, par exemple, invitéleurs voisines chez elles autourd’un thé pour présenter le projet.Les initiatives de ce type sonten général bien accueillies etsuivies d’effets, car ce n’est plusl’institution, parfois redoutée, qui

propose. Des enseignants ontégalement signalé les famillesavec lesquelles ils ne parvenaientpas à entrer en contact. La dé-marche est ancrée dans le col-lectif du réseau, elle est perma-nente et s’appuie avant tout surla dynamique collective et la no-tion d’empathie.

À terme, l’objectif est que legroupe de parents se structureet devienne un réseau perma-nent, y compris d’entraide entreles parents. �

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A V E C L E S O U T I E N D E

L’École et la Ville n°24

�Directeur de publication:

Mustapha Boudjemai.

�Texte établi par

Nicole Fraysse et Olivia Maire.

Pour aller plus loin…

En finir avec les fatalismes éducatifs!, BABLET Marc, BERRABAHHakima, BERTHET Jean-Marc, CARDOT Jackie, HUGUETJérôme, KOUIDI Nabil, LACROIX Agnès, MEIRIEU Philippe,MESSICA Fabienne, ROCHEX Jean-Yves, SOULERIN Blandine,TLEMSANI Faïza, TRUONG Fabien, Centre de ressources po-litique de la ville en Essonne, Pôle ressources politique de laville de Paris, Pôle de ressources départemental Ville et Déve-loppement social Val-d’Oise, Profession Banlieue, 2017.

Les Avatars de la politique d’éducation prioritaire en France eten Europe, ROCHEX Jean-Yves, coll. L’école et la ville, n°18,Profession Banlieue, 2015.

Les Politiques éducatives locales. Les acquis de dix annéesde réussite éducative, LAFORETS Véronique, coll. L’écoleet la ville, n° 20, Profession Banlieue, 2015.

Éducation et territoires, BERTHET Jean-Marc, DUTERCQ Yves,GOIRAND Stéphanie, KUS Stéphane, LAFORETS Véronique,MOREL Stéphanie, coll. Les Actes des Rencontres, ProfessionBanlieue, 2014.

L’École au défi de la diversité. De l’état des lieux aux pistesd’action, LORCERIE Françoise, coll. L’école et la ville, n° 12,Profession Banlieue, 2012.

Excellence et Politiques éducatives, AMGHAR Aïcha, BLOCHMarie-Cécile, BROUX Nathalie, CRINON Monique, FOUCAM-BERT Jean, ROCHEX Jean-Yves, coll. Les Actes des Ren-contres, Profession Banlieue, 2012.

École et familles populaires. Définir des règles d’échange ex-plicites et partagées, PÉRIER Pierre, coll. L’école et la ville,n° 9, Profession Banlieue, 2011.

Familles populaires: quelles mobilisations pour l’école?, KAKPOSéverine, coll. L’école et la ville, n°7, Profession Banlieue, 2011.

Des écoles, des familles, des stratégies…, ESTERLE-HEDIBELMaryse, MARTINE Paul, OBERTI Marco, RINGARD Jean-Charles, RHEIN Catherine, ROCHEX Jean-Yves, coll. Les Cahiers,Profession Banlieue, 2004.