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1 ECOULEMENT D’UN FLUIDE I] Description cinématique de l’écoulement d’un fluide 1) Description lagrangienne a) Rappel : repérage adopté pour la mécanique du point . Soit un objet ponctuel P, parfaitement identifiable : par exemple, un petit bateau flottant sur une rivière. L’origine du repère ayant été précisée, le vecteur position de P est défini à la date t par , fonction de la seule variable t , et la vitesse de P est : = P(t=0) P(t) Situation initiale Situation à la date t b) la particule de fluide (pdf) Le premier problème qui se pose quand on observe s’écouler un fluide, c’est qu’il n’y a plus de point matériels clairement identifiés … On peut cependant imaginer isoler au sein du fluide un petit système fermé , qui ne se mélangerait pas (ou très lentement) au reste du fluide environnant, et qu’on suivrait au cours de son mouvement : c’est ce qu’on appelle une particule de fluide. c) Proposition du repérage lagrangien du fluide . En théorie, c’est simple : on choisit à la date t = 0 un très grand nombre N de particules de fluide P 1 , P 2 , .. P k , .. P N , puis on les suit individuellement dans leurs mouvements, comme autant de points matériels. La description du mouvement du fluide sera complète quand on connaîtra la loi horaire de toutes les particules de fluide du fluide. P 1 (t=0) P 2 (t=0) P 3 (t=0) P 4 (t=0) P 1 (t) P 2 (t) P 3 (t) P 4 (t) trajectoire de P 1 C’est évidemment impensable ! De plus : • cette description privilégie le comportement individuel de chaque particule de fluide … alors qu’elles sont indiscernables les unes des autres. • le destin d’une particule donnée du fluide nous importe peu : que la particule P 1 qui se trouvait à la date t=0 au pied du roseau de gauche se retrouve à la date t au pied du roseau de droite, on s’en moque. Au contraire, quand on regarde couler un ruisseau, ce qui est frappant, c’est de constater qu’il ne coule pas de façon uniforme : il y a des endroits où il coule rapidement, d’autres où il stagne, il se forme des tourbillons en certains points, etc, autant d’aspects qui ne sont pas décrits par la description lagrangienne. Conclusion : il faut abandonner en mécanique des fluides la description cinématique lagrangienne utilisée en mécanique du point.

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ECOULEMENT D’UN FLUIDE I] Description cinématique de l’écoulement d’un fluide 1) Description lagrangienne a) Rappel : repérage adopté pour la mécanique du point. Soit un objet ponctuel P, parfaitement identifiable : par exemple, un petit bateau flottant sur une rivière. L’origine du repère ayant été précisée,

le vecteur position de P est défini à la date t

par , fonction de la seule variable t,

et la vitesse de P est : =

P(t=0)

P(t)

Situation initiale

Situation à la date t

b) la particule de fluide (pdf) Le premier problème qui se pose quand on observe s’écouler un fluide, c’est qu’il n’y a plus de point matériels clairement identifiés … On peut cependant imaginer isoler au sein du fluide un petit système fermé , qui ne se mélangerait pas (ou très lentement) au reste du fluide environnant, et qu’on suivrait au cours de son mouvement : c’est ce qu’on appelle une particule de fluide. c) Proposition du repérage lagrangien du fluide. En théorie, c’est simple : on choisit à la date t = 0 un très grand nombre N de particules de fluide P1, P2, .. Pk, .. PN , puis on les suit individuellement dans leurs mouvements, comme autant de points matériels. La description du mouvement du fluide sera complète quand on connaîtra la loi

horaire de toutes les particules de fluide du fluide.

P1(t=0)

P2(t=0)

P3(t=0)

P4(t=0)

P1(t)

P2(t)

P3(t)

P4(t)

trajectoire de P1

C’est évidemment impensable ! De plus :

• cette description privilégie le comportement individuel de chaque particule de fluide … alors qu’elles sont indiscernables les unes des autres.

• le destin d’une particule donnée du fluide nous importe peu : que la particule P1 qui se trouvait à la date t=0 au pied du roseau de gauche se retrouve à la date t au pied du roseau de droite, on s’en moque.

Au contraire, quand on regarde couler un ruisseau, ce qui est frappant, c’est de constater qu’il ne coule pas de façon uniforme : il y a des endroits où il coule rapidement, d’autres où il stagne, il se forme des tourbillons en certains points, etc, autant d’aspects qui ne sont pas décrits par la description lagrangienne.

Conclusion : il faut abandonner en mécanique des fluides la description cinématique lagrangienne utilisée en mécanique du point.

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2) La description eulérienne : champ eulérien des vitesses On peut définir et observer la vitesse locale d’écoulement d’un fluide, en un point M, à une date t.

C’est donc aussi la vitesse de la particule de fluide P qui se trouve au point M de l’espace à la date t. Notons t la date et (x,y,z) les coordonnées du point M de l’espace.

Il s’agit de connaître ),,( , zyxt la vitesse (x, y, z, t) de l’écoulement

Un tel objet mathématique s’appelle un champ vectoriel : c’est le champ eulérien des vitesses du fluide.

Rem 1 : la description eulérienne donne une vision globale à chaque instant de l’écoulement ; mais elle se désintéresse totalement du destin des particules de fluides. Rem 2 : il existe d’autres champs associés au fluide qui à un point M du fluide (et une date t) associent des grandeurs intensives scalaires locales, appelées champs scalaires :

3) Lignes de courant

a) Visualisation des écoulements Il existe de multiples façons de visualiser un écoulement , citons le traçage par micro-billes, fumée (dans des gaz) ou colorants (dans des liquides).

Prenons l’exemple d’une microbille photographiée avec un temps de pose : si une microbille se trouve à la date t du

début de prise de la photo en un point M, où la vitesse d’écoulement est (M, t), pendant la durée de prise de la

photo elle parcourt un petit segment partant de M (M, t) (M, t) Ce segment apparaitra comme un petit trait sur la photo

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b) définitions

On appelle ligne de courant une courbe, définie de façon instantanée à la date t, qui est tangente en tout point à la vitesse de l’écoulement en ce point.

Une ligne de courant est orientée par le sens de l’écoulement.

L’intensité de la vitesse varie en général le long de la ligne de courant.

Si l’écoulement est stationnaire, c'est-à-dire que le fluide s’écoule toujours de la même façon, et que donc le champ des vitesses est indépendant du temps les lignes de courants et les trajectoires sont alors confondues, ces courbes sont invariantes dans le temps.

L’écoulement est stationnaire (M, t) indépendant du temps

=

On appelle tube de courant un ensemble de lignes de courant s’appuyant sur un contour fermé

Si un obstacle fixe (et imperméable au fluide) se trouve dans l’écoulement, le fluide doit rester en contact

avec cet obstacle, mais ne peut pas le pénétrer

Les lignes de courant sont

Point d’arrêt : 4) Différents régimes d’écoulements On peut faire chez soi une expérience très simple : il suffit de disposer d’un robinet (de préférence, sans brise-jet). Ouvrir très progressivement le robinet. Au fur et à mesure que le débit augmente, on voit l’écoulement changer de nature :

1) Le jet d’eau coule parfaitement régulièrement en un genre de cylindre qui va en s’amincissant : dans le jet, le champ des vitesses (M, t) est parfaitement défini, il varie de façon douce, et il ne dépend d’ailleurs pas du temps (il est stationnaire) : cet écoulement est laminaire. 2) Le débit augmentant, le jet se met à former des genres de tresses, en tourbillonnant : le champ des vitesses (M, t) est encore bien défini, mais il fluctue : l’écoulement est devenu turbulent. 3) Quand on ouvre en grand le robinet, l’eau jaillit si violemment qu’on ne peut plus distinguer la moindre régularité dans l’écoulement : l’écoulement est devenu chaotique, à tel point qu’il ait vain d’espérer connaître son champ des vitesses (M, t).

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On retrouve ces régimes quand on étudie la façon dont un liquide s’écoule autour d’une sphère :

Fig .1 : écoulement laminaire Fig.2 : écoulement turbulent Fig.3 : écoulement chaotique dans le sillage

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II Débit d’un écoulement

1. Vecteur densité de courant de masse

a) On cherche à calculer la masse élémentaire m de fluide traversant une surface dS orientée, pendant une durée élémentaire dt

1er cas : vitesse orthogonale à la surface

Considérons un élément de surface dS ,

le fluide traversant dS pendant dt se trouve

à l'instant t dans le cylindre de base

de génératrices parallèles à , de longueur

ce cylindre a pour volume dV=

On en déduit la masse de fluide contenue dans le cylindre

m = µ étant la masse volumique du fluide

2ème cas : angle ( , ) =

Considérons un élément de surface dS ,

le fluide traversant dS pendant dt

se trouve à l'instant t dans le cylindre de base

de génératrices parallèles à , de longueur

ce cylindre a pour volume dV=

On en déduit la masse de fluide contenue dans le cylindre

m = µ étant la masse volumique du fluide

b) Expression du vecteur densité de courant de masse

Par définition on appelle masse (M,t) le vecteur densité de courant de masse,

caractérise le mouvement d'ensemble des particules de fluide : la norme de représente la masse traversant une surface unité par unité de temps, la direction et le sens de sont ceux associés au mouvement local du fluide

2. Débit massique

Soit S une surface orientée.

Le débit massique de fluide à travers une surface S , noté Dm, est la quantité de masse de fluide qui traverse S par

unité de temps, dans le sens d’orientation de S.

Unité

Dm = . = Remarque Si Dm > 0 Si Dm < 0

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3. Débit volumique

Soit S une surface orientée.

Le débit volumique de fluide à travers une surface S , noté Dv , est le volume de fluide qui traverse S par unité de

temps, dans le sens d’orientation de S.

Dv = Unité

III Equation de conservation de la masse Cas d’un écoulement unidimensionnel = j(x,t) On considère un tube de courant de section S, de génératrices parallèles à Ox La variation de la masse contenue dans le cylindre est due au transfert de masse à travers la paroi du

tube : la masse est une grandeur conservative

Equation locale traduisant la conservation de la masse

+

= 0

Ecoulement stationnaire : Définition

Conséquence j indépendant de x ou = 0 Le débit massique est conservé le long d’un tube de courant Loi des nœuds

Ecoulement homogène et incompressible (liquide ou gaz à des vitesses subsoniques): Définition

Conséquence v indépendant de x ou . = 0 Le débit volumique est conservé le long d’un tube de courant Loi des noeuds

Exercices d’application directe

a) On considère un écoulement incompressible d’air dans une conduite cylindrique de 20 cm de diamètre, à une pression de 3 bars et une vitesse de 3 m/s.

Sachant que cet air, à une température de 293K, peut être considéré comme parfait, calculer le débit massique. b) Dans une conduite de 7,5 cm de diamètre circule du pétrole (incompressible) de débit volumique 100 L/s. Le diamètre

de la conduite passe ensuite à 15 cm. Calculer la vitesse dans chaque partie de la conduite

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Annexe : quelques vues d’écoulements

La mécanique des fluides est une science actuelle, dans le sens où (à l’inverse de la mécanique classique, ou de la

thermodynamique classique, par exemple) tout n’est pas élucidé.

Un des plus gros souci est l’apparition et la maîtrise de la turbulence. Quand on s’intéresse à l’aérodynamisme d’un

objet (automobile, avion …), il est nécessaire de maîtriser le plus possible les turbulences de l’air provoquées par le

passage de cet objet : en règle général, plus le sillage est turbulent, plus la résistance de l’air est élevée, elle serait

moins élevée si l’écoulement était laminaire.

De très nombreux facteurs provoquent la turbulence (voir la notion de nombre de Reynolds dans la suite du cours). Le

facteur principal est cependant la vitesse de l’écoulement : en gros, plus il est rapide, plus l’écoulement est turbulent.

Les quelques photos suivantes illustrent ce phénomène.

• écoulement autour d’un cylindre de section elliptique :

(1) (2) (3)

L’écoulement lent (1) (qui va de gauche à droite) est laminaire : les ldc (égales aux lignes d’émission car l’écoulement

est stationnaire) sont bien régulières et stables, et se referment derrière le cylindre.

Les écoulements (2) et (3) sont plus rapides ; on voit que les lignes d’émission créées symétriquement se mettent à

tourbillonner (sans se refermer derrière le cylindre). La photo (3) a été prise peu de temps après la photo (2) : on

remarque que les tourbillons naissent alternativement d’un côté puis de l’autre du cylindre et tournent en sens

inverses.

• écoulement autour d’ailes d’avion et le phénomène de décrochement.

Voici des photos prises en soufflerie d’écoulements autour d’une aile d’avion, avec une vitesse de l’air constante, mais

en inclinant de plus en plus l’aile :

(1) : inclinaison nulle (2) : inclinaison de 10° (3) : inclinaison de 30 °

Dans (1), les ldc collent à l’aile, le sillage, bien que turbulent, est très fin.

Dans (2), les ldc continuent à coller à l’aile, le sillage est plus étendu mais reste localisé. La dissymétrie de

l’écoulement entre le bas et le haut de l’aile fait apparaître une importante portance (force dirigée vers le haut) : c’est

la situation normale pour un avion en vol.

Dans (3), les ldc ne collent plus à la face supérieure de l’aile : il y a décrochement. Le sillage chaotique débute dès le

bord d’attaque, il devient très étendu (une prise de vue à plus grande échelle laisserait voir une allée de tourbillon de

Karman). Quand ce décrochement se produit, la portance diminue d’un coup (et ne peut plus supporter le poids de

l’avion), la traînée augmente brutalement : c’est la catastrophe, l’avion décroche … et chute.