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HAL Id: tel-00576264 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00576264 Submitted on 14 Mar 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Écologie trophique de la tortue verte Chelonia mydas dans les herbiers marins et algueraies du sud-ouest de l’océan Indien Katia Ballorain To cite this version: Katia Ballorain. Écologie trophique de la tortue verte Chelonia mydas dans les herbiers marins et algueraies du sud-ouest de l’océan Indien. Sciences agricoles. Université de la Réunion, 2010. Français. <NNT : 2010LARE0004>. <tel-00576264>

Écologie trophique de la tortue verte Chelonia mydas dans les

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    Submitted on 14 Mar 2011

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestine au dpt et la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publis ou non,manant des tablissements denseignement et derecherche franais ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.

    cologie trophique de la tortue verte Chelonia mydasdans les herbiers marins et algueraies du sud-ouest de

    locan IndienKatia Ballorain

    To cite this version:Katia Ballorain. cologie trophique de la tortue verte Chelonia mydas dans les herbiers marins etalgueraies du sud-ouest de locan Indien. Sciences agricoles. Universit de la Runion, 2010. Franais..

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00576264https://hal.archives-ouvertes.fr

  • UNIVERSITE DE LA REUNION

    ECOLE DOCTORALE INTERDISCIPLINAIRE

    Thse de Doctorat prsente pour obtenir le grade de Docteur

    Discipline : Biologie

    Spcialit : Biologie de lEnvironnement et des Populations, Ecologie

    par Katia BALLORAIN

    Ecologie trophique de la tortue verte Chelonia mydas

    dans les herbiers marins et algueraies

    du sud-ouest de locan Indien

    Soutenue publiquement le 12 Fvrier 2010 devant la commission dexamen constitue de : Jean-Yves GEORGES Co-directeur de thse Charg de recherche, CNRS IPHC, Strasbourg Henri GRIZEL Co-directeur de thse Directeur de recherche, IFREMER, La Runion Herv FRITZ Rapporteur Directeur de recherche, CNRS LBBE, Lyon Charles Franois BOUDOURESQUE Rapporteur Professeur, Centre dOcanologie, Marseille Henrich BRUGGEMANN Examinateur Professeur, ECOMAR, Universit de La Runion Georges HUGHES Examinateur Directeur du KwaZulu-Natal Wildlife, Afrique du Sud Simon BENHAMOU Examinateur Directeur de recherche, CNRS CEFE, Montpellier Stphane CICCIONE Membre invit Directeur de Klonia lobservatoire des tortues marines, La Runion

  • 3

    Rsum

    Les relations interspcifiques sont un indicateur naturel de ltat de sant dun cosystme et de son ventuelle volution. Dans le contexte actuel de changement climatique et dintensification des activits humaines, nous dcrivons, par une approche intgre, les interactions existant entre les tortues vertes et leurs ressources trophiques, afin de comprendre une partie de la dynamique de la biodiversit marine. La tortue verte est la seule tortue marine herbivore aux stades sub-adultes et adultes. Elle se nourrit principalement sur des herbiers et des algueraies en milieu ctier relativement peu profonds et constitue ainsi un modle privilgi pour tudier lcologie trophique et fonctionnelle des tortues marines en conditions naturelles.

    Le travail prsent dans ce manuscrit tudie deux populations de tortues vertes : la premire salimentant de phanrogames marines sur le site de NGouja Mayotte et la seconde dalgues benthiques sur la cte ouest de lIle de La Runion. A ce stade de ltude, le systme tortues vertes-herbier est le mieux connu. Nous pouvons proposer une synthse des relations existant entre le comportement de plonge et dalimentation dindividus sexuellement immatures et matures avec la disponibilit trophique au sein dun herbier marin plurispcifique. Par ailleurs, notre tude nous a permis dengager le monitoring du systme tortues vertes herbier marin de NGouja et den dcrire les premires tendances. Il dcoule galement de notre tude des indicateurs du stade phytodynamique dun herbier plurispcifique et de la pression dherbivorie exerce par les tortues vertes qui nous permettent denvisager les rponses cosystmiques dun systme tel que celui de NGouja sous diffrents scnarii environnementaux. Enfin, dans un cadre plus large, nous posons la question de savoir si lvolution statutaire de Mayotte peut contribuer approfondir et prenniser la protection des tortues marines qui se trouvent sur son territoire. Nous dcrivons la dpartementalisation comme un moyen daccentuer le processus de clarification du droit applicable Mayotte et dassurer des moyens humains, matriels, et financiers ncessaires la protection de lenvironnement.

    Des recensements ariens raliss au dessus de la cte ouest de lle de La Runion rvlent la prsence dindividus sexuellement matures et immatures, dont le nombre augmente depuis 1996. Cette approche nous aura permis didentifier une frquentation prfrentielle des habitats coralliens et de dcrire, partir dobservations sous-marines parallles, la cte ouest de lle comme un site dalimentation dindividus matures et dindividus en phase de croissance.

    Ce travail renforce les bases scientifiques ncessaires la mise en place de stratgies de conservation des tortues marines et de leurs habitats.

    Mots clefs : tortue verte Chelonia mydas, herbier marin, phanrogame, algueraie, Mayotte, Runion, Sud-ouest de lOcan Indien, cologie trophique

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    4

    Abstract

    Sea turtles are long-distance migratory species with a worldwide distribution. Their reproduction primarily relies on body reserves stored during the time spent on foraging grounds prior to the nesting season. Accordingly, the investigation of foraging behaviour of sea turtles is critical for better assessing their biology but also for conservation issues of these endangered species. Green turtles predominantly forage in shallow coastal waters, which are fairly accessible marine ecosystems, providing a unique opportunity to investigate sea turtle ecology.

    The study was conducted in two foraging sites of green turtles located in the south-western Indian Ocean: Mayotte (seagrass meadow) and Reunion Island (algae spots). Thanks to fine-scale sampling of feeding activities, we addressed the lack of research investigating the food requirements and the trophic role of green turtles. To day, feeding activities of green turtles are better known on seagrass. We described the habitat use, the food intake, and the herbivory pressure of green turtles exploiting a multi-sepcies seagrass meadow of Mayotte Island.

    Such results are paramount for the management and conservation of seagrass meadows and endangered sea turtles.

    Key-words: green turtles Chelonia mydas, seagrass, algae, Mayotte, Reunion Island,

    Southwestern Indian Ocean, foraging ecology

  • 5

    Laboratoires et organismes daccueil

    :

    Institut Pluridisciplinaire H. Curien Dpartement Ecologie, Physiologie et

    Ethologie, UDS, CNRS ; 23 rue Becquerel, 67 087 Strasbourg, France

    Kelonia, lObservatoire des tortues marines de La Runion, 46 rue du Gnral de

    Gaulle, 97 436 Saint Leu, La Runion, France

    Institut Franais de Recherche pour lExploitation de la Mer de La Runion, Rue

    Jean Bertho, BP 60, 97 822 Le Port Cedex, La Runion, France

    Universit de La Runion, 15 Avenue Ren Cassin, BP 7151, 97 715 Saint-Denis

    Messag Cedex 9

    Financements et soutiens logistiques

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    6

    Sigles utiliss

    :

    CCL : (pour Curved Carapace Lenght) : longeur courbe de carapace

    CDM : Collectivit Dpartementale de Mayotte

    CEDTM : Centre dEtude et de Dcouvertes des Tortues Marines

    CMR : Capture-Marquage-Recapture

    CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique

    DAF : Direction de lAgriculture et de la Fort

    ICE : Indicateur de Changement Ecologique

    IFREMER : Institut Franais de Recherche pour lExploitation de la Mer

    IPHC : Institut Pluridisciplinaire Hubert-Curien

    SCL : (pour Straight Carapace Lenght) : longeur droite de carapace

    SOOI : su-ouest de lOcan Indien

  • 7

    Table des Matires Table des Matires .................................................................................................................. 7

    1 Introduction gnrale ......................................................................................................... 111.1 CONTEXTE ECOSYSTEMIQUE ............................................................................................................ 12

    1.1.1 Services et processus ................................................................................................................... 121.1.2 Fonctionnement des cosystmes ............................................................................................. 13

    1.1.2.1 Lacquisition des ressources trophiques ...................................................................................... 131.1.2.2 Le rle fonctionnel des espces .................................................................................................... 151.1.2.3 Les indicateurs cologiques ........................................................................................................ 151.1.2.4 Les relations plantes-herbivores ................................................................................................. 16

    1.2 ECOSYSTEMES MARINS LITTORAUX ................................................................................................. 171.2.1 Des cosystmes vgtaux .......................................................................................................... 18

    1.2.1.1 Les herbiers marins .................................................................................................................. 191.2.1.2 Les algueraies ........................................................................................................................... 23

    1.2.2 Des herbivores ............................................................................................................................. 241.3 TORTUES MARINES .............................................................................................................................. 27

    1.3.1 Leurs statuts .................................................................................................................................. 271.3.1.1 Le contexte gnral ................................................................................................................... 271.3.1.2 Des modles dtudes ................................................................................................................. 28

    1.3.2 La tortue verte .............................................................................................................................. 291.3.2.1 Les phases de vie ....................................................................................................................... 301.3.2.2 Un modle dtude pertinent ...................................................................................................... 31

    1.4 PROBLEMATIQUE & OBJECTIFS DE LETUDE .................................................................................. 32

    2 Contexte rgional & Caractristiques stationnelles ........................................................... 352.1 LE SUD-OUEST DE LOCEAN INDIEN ............................................................................................... 37

    2.1.1 Le contexte rgional .................................................................................................................... 372.1.1.1 Les tortues marines ................................................................................................................... 372.1.1.2 La vgtation marine ................................................................................................................ 38

    2.2 LES STATIONS DETUDE ...................................................................................................................... 392.2.1 Mayotte .......................................................................................................................................... 392.2.2 La Runion .................................................................................................................................... 42

    3 Size-related habitat use of green turtles foraging on a multispecific seagrass bed ........... 47

    4 Early assessment of trends in a multispecific seagrass meadow exploited by green turtles at Mayotte Island ................................................................................................................... 71

    5 Seasonal diving behaviour and feeding rhythm of green turtles at Mayotte Island .......... 97

    6 Daily food intake of green turtles foraging in an intertidal seagrass meadow ................ 129

    7 How green turtles contribute to the maintenance of coastal biodiversity ....................... 147

    8 L'volution statutaire de Mayotte et les enjeux environnementaux : l' exemple de la protection des tortues marines ............................................................................................ 173

    9 Ultralight aircraft surveys reveal marine turtle population increases along the west coast of Reunion Island ................................................................................................................ 217

    10 Discussion gnrale & Perspectives ............................................................................... 23310.1 SYNTHESE ........................................................................................................................................ 235

    10.1.1 Systme tortues vertes-herbier marin .................................................................................. 23510.1.1.1 Utilisation de lhabitat et stratgies alimentaires des tortues vertes ......................................... 23510.1.1.2 Dynamique du systme ........................................................................................................ 238

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    8

    10.1.1.3 Bilan ................................................................................................................................... 23810.1.2 Systme tortues vertes-algueraie ........................................................................................... 239

    10.1.2.1 Rpartition spatio-temporelle des tortues vertes ...................................................................... 23910.1.2.2 Structure de la population de tortues vertes ........................................................................... 24010.1.2.3 Comportement alimentaire des tortues vertes ......................................................................... 24210.1.2.4 Les phanrogames marines ................................................................................................... 243

    10.2 ACQUISITION DES RESSOURCES TROPHIQUES .......................................................................... 24410.2.1 La tortue verte : un herbivore ............................................................................................... 245

    10.2.1.1 La valeur nutritionnelle des ressources trophiques ................................................................. 24510.2.1.2 Variation spatiale et temporelle des ressources trophiques ...................................................... 247

    10.2.2 La tortue verte : une tortue marine ...................................................................................... 24910.2.2.1 La phase post-mergence ...................................................................................................... 25010.2.2.2 La phase de dveloppement .................................................................................................. 25110.2.2.3 La phase adulte ................................................................................................................... 253

    10.3 ALLOCATION DES RESSOURCES TROPHIQUES .......................................................................... 25610.3.1 La balance nergtique ........................................................................................................... 25610.3.2 Les contraintes de reproduction ........................................................................................... 258

    10.3.2.1 La qualit de la phase dalimentation .................................................................................. 25910.3.2.2 Lidentification des trajets migratoires .................................................................................. 260

    10.4 APPLICATION A LA CONSERVATION ........................................................................................... 26210.4.1 Le contexte des changements globaux ................................................................................ 262

    10.4.1.1Les tortues marines ............................................................................................................... 26210.4.1.2 Les phanrogames marines ................................................................................................... 26310.4.1.3 Les activits anthropiques .................................................................................................... 264

    10.4.2 Prservation et restauration ................................................................................................... 26410.4.2.1 Les herbiers marins de Mayotte ........................................................................................... 26410.4.2.2 Les outils ............................................................................................................................ 26610.4.2.3 Le site de NGouja ............................................................................................................. 267

    Rfrences bibliographiques ............................................................................................... 269

    Annexes ............................................................................................................................... 289ANNEXE 1 .............................................................................................................................................. 290ANNEXE 2 .............................................................................................................................................. 291ANNEXE 3 .............................................................................................................................................. 293ANNEXE 4 .............................................................................................................................................. 294

    Remerciements .................................................................................................................... 295

  • 9

    Articles prsents dans la thse

    - Ballorain K, Ciccione S, Bourjea J, Grizel H, Enstipp M, Georges J-Y, Size-related habitat use of green turtles foraging on a multispecific seagrass bed. Submitted

    - Ballorain K, Bourjea J, Ciccione S, Grizel H, Enstipp M, Georges J-Y. Early

    assessment of trends in a multispecific seagrass meadow exploited by green turtles at Mayotte Island. In preparation

    - Ballorain K, Bourjea J, Ciccione S, Kato A, Hanuise N, Grizel H, Enstipp M,

    Fossette S, Georges J-Y. Seasonal diving behaviour and feeding rhythm of green turtles at Mayotte Island. Submission process

    - Ballorain K, Bourjea J, Ciccione S, Grizel H, Robin JP, Enstipp M, Georges J-Y.

    Daily food intake of green turtles foraging in an intertidal seagrass meadow. In preparation

    - Ballorain K, Bourjea J, Ciccione S, Grizel H, Enstipp M, Georges J-Y. How green

    turtles contribute to the maintenance of coastal biodiversity. Submission process - Ballorain K, Nivert N (2009) L'volution statutaire de Mayotte et les enjeux

    environnementaux : l'exemple de la protection des tortues marines. Revue Juridique de lOcan Indien 9:107-135

    - Jean C, Ciccione S, Ballorain K, Georges JY, Bourjea J (2009) Ultralight aircraft

    surveys reveal marine turtle population increases along the west coast of Reunion Island. Oryx, in press

    Articles non prsents dans la thse

    - Jean C, Ciccione S, Talma E, Ballorain K, Bourjea J (2009) Photo-identification method for green and hawksbill turtles and first results from Reunion. Indian Ocean Turtle Newsletter, in press

    - Chevallier D, Ballorain K, Bourjea J, Ciccione S, Grizel H, Hanuise N, Fossette S,

    Georges J-Y. Home range size and habitat fidelity of green turtles at Mayotte Island. In preparation

    Communications orales

    - Quillard et al. (2010) Bilan des actions menes Mayotte. Colloque Tortues Marines, Socit Herptologique de France (SHF) et Musum national d'Histoire naturelle, Janvier, Paris

    - Ballorain K, Bourjea J, Ciccione S, Enstipp M, Grizel H, Georges J-Y (2009) Green

    turtles herbivory effect on the seagrass ecosystem functioning at Mayotte Island,

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    10

    Southwestern Indian Ocean. 6th Western Indian Ocean Marine Science Association (WIOMSA) Scientific Symposium, August, St Denis, La Reunion

    - Ballorain K, Ciccione S, Bourjea J, Grizel H, Georges J-Y (2009) Habitat use and

    food intake of green turtles (Chelonia mydas) foraging on a multispecific seagrass bed at Mayotte Island. 29th Symposium on Sea Turtle Biology and Conservation, February, Brisbane, Australia

    - Ballorain K, Ciccione S, Bourjea J, Enstipp

    M, Grizel H, Georges J-Y (2008) Utilisation de lhabitat et prise alimentaire dune population de tortues vertes Chelonia mydas sur un herbier marin plurispcifique Mayotte, Sud-ouest de lOcan Indien. Congrs Annuel de la Socit Herpthologique de France (SHF), Octobre, La Rochelle, France

    - Ballorain K, Ciccione S, Bourjea

    J, Grizel H, Georges J-Y (2007) Tortues vertes et herbiers marins de Mayotte. Les confrences de Kelonia, Novembre, St Leu, La Runion

    Communications affiches

    - Ballorain K, Bourjea J, Ciccione S, Grizel H, Enstipp M, Georges J-Y (2010) Green turtles as multispecific seagrass meadows engineers. Colloque Tortues Marines, Socit Herptologique de France (SHF) et Musum National d'Histoire Naturelle, Janvier, Paris

    - Jean C, Ciccione S, Ballorain K, Bourjea J (2009) Photo-identification of marine

    turtles: an alternative method to mark-recapture studies. 6th Western Indian Ocean Marine Science Association (WIOMSA) Scientific Symposium, August, St Denis, La Reunion

    - Jean C, Ciccione S, Ballorain K, Bourjea J (2009) Photo-identification of marine

    turtles: an alternative method to mark-recapture studies. 29th Symposium on Sea Turtle Biology and Conservation, February 2009, Brisbane, Australia

    - Jean C, Ciccione S, Ballorain K, Georges JY, Bourjea J (2009) Aerial surveys of

    marine turtles in the west coast of Reunion Island. 29th Symposium on Sea Turtle Biology and Conservation, February, Brisbane, Australia

  • 11

    1 Introduction gnrale

    CHAPITRE

    1

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    12

    Dans le contexte actuel des changements globaux, quils soient dorigine climatique

    et/ou anthropique, le fonctionnement des cosystmes est menac par lappauvrissement

    de la diversit biologique (perte de 40-50% de la biodiversit mondiale estime dici 2050,

    Loreau et al. 2002, Thomas et al. 2004, Worm et al. 2006). Or la sauvegarde de la

    biodiversit dpend de notre comprhension du fonctionnement des cosystmes au sein

    desquels les interactions entre espces sont complexes (Cardinale et al. 2000). De

    nombreuses tudes, encore insuffisantes aujourdhui, sattachent comprendre le

    fonctionnement de ces interactions et prdire leur dynamique au cours de diffrents

    scenarii de changements environnementaux (McKee et al. 2003, Neilson et al. 2005, Botkin

    et al. 2007). Bien que les ocans recouvrent 71 % de la surface du globe et possdent un

    rle majeur dans lconomie mondiale (Peterson & Lubchenco 1997, Costanza et al. 1997,

    Beaumont et al. 2007) et dans la rgulation du climat (Ramanathan & Collins 1991,

    Hartmann & Michelsen 1993), la majorit des recherches concernent les cosystmes

    terrestres (Kinzig et al. 2001, Loreau et al. 2002). Aussi, un des objectifs du prsent

    travail est de contribuer au dveloppement dune approche fonctionnelle des

    espces marines afin de mieux comprendre leur rle au sein de leurs cosystmes.

    Lobjectif ultime est daboutir une meilleure comprhension des mcanismes

    sous-jacents de lcologie des populations animales et du fonctionnement de leurs

    cosystmes pour contribuer la mise en place ou lamlioration de plans de

    gestion des espaces et des espces.

    1.1 CONTEXTE ECOSYSTEMIQUE

    1.1.1 Services et processus

    Un cosystme est dfini comme un milieu au sein duquel des organismes vivants

    regroups en communauts (la biocnose) interagissent avec lenvironnement physico-

    chimique (le biotope) dans une relation d'troite interdpendance pour former une unit

    cologique fonctionnelle (Tansley 1935). Le maintien de cette unit rsulte ainsi des

    interactions liant les facteurs biotiques et abiotiques qui constituent cette unit (Fig. 1).

  • 13

    Population 1 Population 2

    BIOTOPE

    BIOCENOSE

    Fig. 1 Reprsentation schmatique dun cosystme. Flches en trait plein : interactions directes ; Flches en trait discontinu : interactions indirectes.

    La biodiversit, dfinie comme la varit et la variabilit des organismes vivants,

    constitue une des principales sources des services rendus par les cosystmes. Ces services

    rsultent des relations entretenues par les tres vivants avec leur milieu et sexpriment

    notamment par le traitement des ressources naturelles (biotiques et abiotiques) par les

    organismes vivants. Au sein des rseaux trophiques, les ressources naturelles d'un

    cosystme sont engages dans des processus cycliques qui dcrivent des flux nergtiques

    (Polis & Strong 1996). Les niveaux trophiques sont des tapes stratifies dans le temps et

    dans l'espace, par lesquelles les ressources naturelles intgrent ces processus cycliques.

    Chaque niveau trophique se caractrise par des processus plus ou moins exclusifs qui lui

    sont associs et qui constituent le rgime alimentaire. Ltude du fonctionnement dun

    cosystme permet alors de rendre compte du flux nergtique, ascendant ou descendant,

    dun niveau trophique un autre.

    1.1.2 Fonctionnement des cosystmes

    1.1.2.1 Lacquisition des ressources trophiques

    Au cours de l'volution, le processus de slection naturelle, auquel sont soumis les

    organismes vivants, favorise les individus prsentant la meilleure aptitude biologique

    contribuer aux gnrations futures ( fitness , Stearns 1992). Face aux contraintes

    environnementales (disponibilit alimentaire, prdations), les individus doivent faire face

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    14

    des compromis entre leur survie, leur croissance et leur reproduction. Cest travers

    lexistence de rgles de dcisions bases sur le principe doptimisation, dites stratgies, quils

    supportent ces compromis et maximisent leur valeur slective (Stephen & Krebs 1986).

    L'cologie comportementale est la discipline qui tudie le comportement animal li ces

    compromis en milieu naturel (Krebs & Davies 1997). Elle accorde un intrt particulier

    ltude des stratgies dacquisition des ressources alimentaires. Selon la thorie de

    lapprovisionnement alimentaire optimal (Optimal Foraging Theory, MacArthur & Pianka

    1966, Pyke et al 1977, Pyke 1984) les animaux visent optimiser le temps et l'nergie

    allous aux activits alimentaires, de manire maximiser le gain net d'nergie (Schoener

    1971, Cezilly & Benhamou 1996). Les modles doptimisation ont dans un premier temps

    cibl les relations proies-prdateurs (MacArthur & Pianka 1966), puis ont t adapts aux

    herbivores (Freeland & Janzen 1974, Westoby 1974, Belovsky 1978). Tandis que les

    carnivores se nourrissent de proies de valeur nutritive leve, les herbivores exploitent des

    ressources de valeur nutritive souvent faible qui en ncessite de grandes quantits. Chez ces

    derniers, lallocation du temps consacr lalimentation devient une contrainte importante,

    puisque ce temps est born par celui ncessaire aux autres activits, telles que le repos, la

    surveillance des prdateurs, les interactions sociales et la reproduction. En accord avec les

    prdictions doptimisation, les herbivores slectionnent gnralement les sites

    dalimentation qui leur permettent le plus fort taux dingestion (Black & Kenney 1984, Illius

    et al. 1992). Le taux dingestion dpend de la quantit de ressources disponibles sur le site

    exploit, mais galement de sa facilit de rcolte, laquelle est troitement lie la structure

    du couvert vgtal. Le modle classique dapprovisionnement optimal est le Thorme de

    la Valeur Marginale (Marginal Value Theorem, Charnov 1976) qui prdit que

    lapprovisionnement alimentaire dun individu sera maximis tant que sa vitesse dingestion

    instantane sur le site slectionn est quivalente ou suprieure la valeur moyenne pour

    lhabitat. Dans le cas contraire, la thorie prdit que lindividu quittera le site exploit au

    profit dun autre qui lui assurera un meilleur approvisionnement. Toutefois, lefficacit de

    lapprovisionnement alimentaire dun individu peut tre la fois fonction de la vitesse

    dingestion et dapports nutritifs spcifiques. Aussi, loptimisation du temps consacr

    lalimentation dun individu pourrait se traduire par la prospection rgulire ou

    occasionnelle de diffrents sites dalimentation afin de satisfaire des besoins nutritionnels

    spcifiques (Pulliam 1975, Pyke 1984).

  • 15

    1.1.2.2 Le rle fonctionnel des espces

    Cest travers les adaptations comportementales, dmographiques,

    morphologiques ou encore physiologiques la disponibilit, laccessibilit et la

    qualit de leurs ressources alimentaires que les consommateurs expriment

    notamment leur rle dans le fonctionnement des cosystmes. Le rle fonctionnel

    des espces peut tre ainsi dtermin par les relations liant leurs traits biologiques

    (morphologie, rgime alimentaire, besoins nergtiques, habitats) au fonctionnement de

    leur cosystme.

    La classification des espces dun cosystme a longtemps t base sur des critres

    taxonomiques qui rvlent une description statique de la biodiversit locale, sans rellement

    documenter la dynamique cologique du systme (Candolle 1813). A linverse, une

    classification plus rcente, qualifie de fonctionnelle , est base sur la comprhension du

    rle de la biodiversit dans le fonctionnement des cosystmes (Grime et al. 1988, Solbrig

    1993, Lavorel et al. 1997). Lintrt dune approche fonctionnelle dans lanalyse dun

    cosystme est de pouvoir dcrire les mcanismes de coexistence des espces au sein

    dun mme habitat et didentifier les espces essentielles au fonctionnement de cet

    cosystme.

    1.1.2.3 Les indicateurs cologiques

    En raison de leurs spcificits cologiques, et de leur rle fonctionnel dans

    lcosystme, les espces peuvent constituer des indicateurs prcoces de

    modifications biologiques dorigine anthropique, biotique ou abiotique, de

    lenvironnement. On les qualifie alors de bio-indicateurs de lenvironnement, dont la

    notion peut se distinguer entre les bio-marqueurs et les co-indicateurs (ou indicateurs

    cologiques). Les bio-marqueurs sont des tats ou des modifications rvls lchelle

    molculaire, cellulaire, physiologique ou comportementale, qui indiquent ou non

    lexposition de lorganisme une substance chimique polluante (Rainbow 1995, Lagadic et

    al. 1997). Un indicateur cologique est un taxon ou un ensemble de taxons qui, par ses

    caractristiques qualitatives et/ou quantitatives, tmoigne de ltat dun systme cologique

    et qui, par les variations de ses caractristiques, permet de dtecter dventuelles

    modifications environnementales (Prez et al. 2000). Les indicateurs cologiques sont ainsi

    des outils privilgis dans le cadre des suivis et diagnostics de l'tat des ressources dun

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    16

    systme et permettent didentifier le rle de la diversit biologique dans le fonctionnement

    dun cosystme (Leroux 1989, Pergent 1991, 1995, Bost & Le Maho 1993). Selon leur

    niveau trophique, les espces renseigneront diffrement sur ltat de leur cosystme. Les

    espces appartenant des niveaux trophiques basaux par exemple, tel que le plancton,

    peuvent indiquer le niveau dacidification des ocans (Hays et al. 2005), tandis que des

    niveaux suprieurs, tels que les grands prdateurs marins, peuvent permettent de surveiller

    les effets de la pche sur les niveaux trophiques infrieurs (Rochet & Trenkel 2003).

    Les espces pour lesquelles la disparition ou la diminution des effectifs entrane de

    profondes modifications des processus cologiques au sein de lhabitat quelles occupent

    possdent un rle clef dans le fonctionnement de leur cosystme (Power et al. 1996). Face

    aux difficults lies au recensement exhaustif des populations naturelles sauvages, des

    alternatives ont t proposes afin de suivre lvolution de leur effectif. La notion

    dindicateur de changement cologique (ICE), qui caractrise la relation population-

    environnement, dcoule du concept de densit-dpendance. La densit-dpendance est

    dfinie comme une relation fonctionnelle entre un ou plusieurs paramtres

    dmographiques et des changements deffectif de population. Cette relation est

    couramment observe dans les populations de grands herbivores terrestres (Bonenfant et

    al. 2009). Ainsi, tout paramtre sensible aux changements deffectif dune population pour

    une qualit dhabitat donne peut tre considr comme un potentiel ICE. Cette approche

    est base sur lhypothse que la tendance temporelle observe chez les ICE reflte la

    trajectoire dmographique de la population suivie. Par exemple, trois principales catgories

    dICE ont t dveloppes et valides par le Groupe Chevreuil franais. Celles-ci se basent

    sur la variation 1) de labondance dindividus observs, telle que la densit dindividus

    mesure au cours dun transect (Vincent et al. 1995), 2) de la qualit et de la performance

    des individus de la population, tels que le succs reproducteur (Vincent et al. 1995) et

    lvaluation de paramtres morphologiques des jeunes (Togo et al. 2006, Zannse et al.

    2006), et 3) de limpact de la population sur lhabitat, telle que la pression dherbivorie

    (Morellet et al. 2003).

    1.1.2.4 Les relations plantes-herbivores

    Linfluence des rgimes de perturbation comme lherbivorie sur les communauts

    vgtales est aborde par une approche fonctionnelle, travers les traits biologiques et les

  • 17

    stratgies adaptatives des espces (Mc Intyre et al. 1995, de Mazancourt et al. 1998, Moran

    & Bjorndal 2007).

    La croissance, et par consquent la survie, des plantes sont essentiellement

    dtermines par la disponibilit en nutriments du sol, laccessibilit la lumire et les

    possibles comptitions interspcifiques, auxquelles sajoute la pression dherbivorie

    (Crawley 1997). De nombreuses tudes montrent que les herbivores expriment des

    prfrences entre les diffrentes ressources (espces vgtales, organes vgtaux) et font

    des compromis entre la quantit et la qualit de celles-ci (Westoby 1978, Vourch et al.

    2002, Bergvall & Lemar 2005). Face la pression slective quexercent les herbivores sur

    les plantes, celles-ci ont dvelopp des adaptations structurales et mtaboliques

    remarquables de faon pouvoir lutter (via le dveloppement dorganes ou de substances

    de dfense, Tollrian & Harvell 1999) et survivre (via des taux de croissance levs

    compensatoires au taux de broutage, une activit photosynthtique accrue, ou encore

    lutilisation de produits de rserves, Duffy & Hay 2001, McNaughton 1983, Lindroth 1989,

    Davidson 1993, Tiffin 2000). Les relations plantes-herbivores rsultent ainsi de sries

    dadaptations spcialises, dcrites sous le terme de covolution (Ehrlich & Raven 1964).

    Parmi les tudes portant sur les processus mis en jeu par les espces vgtales en rponse

    l'herbivorie, certaines sattachent dmontrer la notion d'optimisation de la vgtation par

    les herbivores, suggre par McNaughton (1979). Une pression dherbivorie quilibre (par

    opposition une surexploitation des ressources) favoriserait la production primaire, la

    diversit spcifique, le recyclage des nutriments limitants et la teneur en nutriments tel que

    lazote (de Mazancourt et al. 1998,

    Olff & Ritchie 1998, Olofsson et al. 2004, Moran &

    Bjorndal 2007). Enfin, par cette slectivit alimentaire, les herbivores modulent la

    composition et les processus cologiques des cosystmes vgtaux tels que les patrons de

    successions des espces. Ces phnomnes ont largement t dmontrs en milieu terrestre

    chez les onguls (Marquis 1992, Hobbs 1996, Olff & Ritchie 1998, Hester et al. 2000,

    Horsley et al. 2003, Tremblay 2005) et dans une moindre mesure en milieu marin

    (Lubchenco & Gaines 1981, Andrew 1991, Hay & Steinberg 1992).

    1.2 ECOSYSTEMES MARINS LITTORAUX

    A l'interface entre le milieu terrestre et ocanique, les cosystmes marins littoraux

    constituent des cotones diversifis et un capital cologique fragile sur lequel

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    18

    reposent le maintien et la survie dune large part de la biodiversit mondiale et des

    services associs (Angel 1993, Gray 1997). Cette grande biodiversit est responsable de la

    forte productivit des cosystmes littoraux, au sein dun milieu ocanique tropical pauvre

    en nutriments (Hutchings et al. 1994). Parmi les cosystmes tropicaux, on recense

    classiquement cinq types principaux dhabitats marins littoraux : les substrats nus (meubles

    ou rocheux), les herbiers de phanrogames marines, les algueraies, les communauts

    coralliennes (bioconstructrices et non bioconstructrices) et les mangroves. La plupart des

    espces marines dpendent du fonctionnement de ces cosystmes littoraux, notamment

    via des interactions trophiques.

    1.2.1 Des cosystmes vgtaux

    La vgtation marine benthique se prsente sous deux formes : les algues et les

    phanrogames marines qui possdent un rle cologique primordial en termes de

    production primaire (Charpy-Roubaud & Sournia 1990). Les algues pluricellulaires (ou

    macro-algues) vivent gnralement fixes au substrat et constituent la majorit des algues

    benthiques, que l'on oppose aux formes unicellulaires libres du plancton. Contrairement

    aux phanrogames marines qui prsentent une structure vascularise et des tissus nettement

    individualiss, les macro-algues sont des vgtaux thallophytes, avasculaires, sans fleur ni

    fruit et ne prsentent pas de diffrenciation tissulaire marque (bien quil existe une

    spcialisation fonctionnelle des diffrentes parties du plant, tels que le crampon de fixation

    et les lames foliaces).

    Des adaptations morpho-physiologiques permettent aux espces de coloniser des

    aires favorables leurs fonctions mtaboliques et cologiques. En zone intertidale, le

    rythme des mares entrane des conditions de vie extrmement variables quaccentue la

    variation de facteurs physiques (substrat, temprature, lumire), chimiques (salinit, pH,

    oxygne, sels nutritifs) et biotiques (comptition, synergie, piphytie, prdation). Cet

    quilibre entre loptimum cologique et la concurrence entre espces entrane, de ltage

    supra littoral ltage infra littoral, une zonation des espces particulirement visible chez

    les organismes fixs comme les algues benthiques ou les phanrogames marines. Par

    ailleurs, par leur position basale au sein des rseaux trophiques, mais galement par leur

    statut dorganismes autotrophes fixs, les vgtaux marins benthiques fournissent des

  • 19

    informations uniques sur le fonctionnement des cosystmes, en comparaison la

    majorit des espces animales.

    1.2.1.1 Les herbiers marins

    o Leur distribution

    Les phanrogames marines sont des plantes angiospermes monocotyldones

    formant des prairies sous-marines appeles herbiers marins. Elles regroupent moins de 60

    espces appartenant 12 genres et figurent parmi les taxa marins les plus pauvres en

    nombre despces (Duarte 2000, Kuo & Hartog 2001) ; pour comparaison, on dnombre

    prs de 30 000 espces dalgues et 234 000 espces dangiospermes, Lecointre & Le

    Guyader 2001). Cette faible diversit spcifique explique que prs de la moiti des herbiers

    marins dcrits dans la littrature soient monospcifiques (Duarte 2000). La majorit des

    herbiers plurispcifiques ne sont composs que de 2 ou 3 espces et lherbier marin le plus

    riche recens ce jour regroupe 14 espces (Philippines, Green & Short 2003) (Fig. 2).

    Toutefois, les herbiers marins se distribuent des eaux tempres aux eaux quatoriales et

    sont parmi les cosystmes ctiers les plus rpandus au monde (recouvrement de 0.1

    0.2% du fond des ocans, Duarte 2002). A lchelle des cosystmes ctiers, bien que la

    composition et le dveloppement des communauts de phanrogames marines soient

    influencs par lensemble des facteurs physico-chimiques du milieu, la lumire reste le

    facteur le plus limitant de la distribution verticale des prairies sous-marines (Duarte 1991,

    Dennison et al. 1993, Albal & Dennison 1996). Laccessibilit la lumire est alors rgule

    par la profondeur, la charge en particules de la colonne deau et le taux dpiphytie foliaire.

    La profondeur peut tre soumise au rgime des mares et la charge en particules (turbidit)

    et en piphytes est, quant elle, fonction de lhydrodynamisme et du niveau dapports

    extrieurs en substances nutritives. La majorit des herbiers recenss se dveloppe en zones

    intertidales et infralittorales infrieures 30 m, bien que des profondeurs de prs de 90 m

    aient t rapportes (Duarte 1991).

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    20

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    7)

  • 21

    o Leur rle

    A lchelle mondiale, les herbiers marins figurent parmi les systmes biologiques les

    plus productifs (1% de la production primaire nette ocanique et 500 1000 gC m- an-1

    ,

    Duarte & Cebrin 1996, Duarte & Chiscano 1999) et sont les seuls possder la

    particularit de juxtaposer une production primaire issue des phanrogames marines et une

    production primaire issue de leurs piphytes (Boudouresque 1996). Leur contribution

    significative dans les flux dnergie lchelle des ocans explique limportante diversit

    biologique et la complexit du rseau trophique qui leur sont associes (Hemminga &

    Duarte 2000, Beck et al. 2001). Leur biomasse reprsente un habitat refuge et une source

    dalimentation directe pour de nombreuses espces animales (dont certaines possdent une

    valeur commerciale directe, Duarte et al. 2000) et leur systme racinaire dense stabilise les

    sdiments (Gacia et al. 2003, Green & Short 2003, Larkum et al. 2006). A linterface entre

    la colonne deau et le sdiment, les phanrogames marines permettent galement un

    recyclage efficace des nutriments (Fig. 3, exemple de lazote et du phosphore, Gobert

    2002). En milieu tropical, de fortes interactions relient les herbiers marins aux rcifs

    coralliens et aux mangroves : chacun des systmes fournit aux autres un support physique

    (p. ex. retenue de sdiments) et biologique (p. ex. nurserie, habitats nourriciers, refuges,

    Green & Short 2003, Gillander 2006).

    Fig. 3 Dynamique de lazote et du phosphore au sein dun herbier Posidonia oceanica (Godert 2002)

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    22

    o Leur qualit de bio-indicateur

    Les herbiers marins jouent un rle fondamental dans lquilibre cologique des

    zones ctires et sont particulirement sensibles aux variations environnementales.

    Ils constituent par consquent des tmoins potentiels des effets des changements affectant

    leur environnement (Hemminga & Duarte 2000, Fourqurean et al. 2002). Les phnomnes

    deutrophisation par exemple, induisent de nombreuses modifications physiologiques

    (teneur des tissus en nutriments, composition en acides amins, diminution des rserves en

    carbone) et morphologiques (diminution de la longueur de feuille, augmentation de

    lpiphytie (Short et al. 1995, Tomasko et al. 1996, Frankovich & Fourqurean 1997, van

    Katwijk et al. 1997, Udy & Dennison 1997, Wear et al. 1999, Invers et al. 2004). Les ratios

    des isotopes stables carbone, azote et sulfure au niveau des tissus de phanrogames marines

    sont galement des outils efficaces pour valuer des changements dintensit lumineuse

    (Grice et al. 1996), des modifications dapport en produits azots (Udy & Dennison 1997,

    Yamamuro et al. 2003), ou encore le degr danoxie du milieu (Chambers et al. 2001, Oakes

    & Conolly 2004). Particulirement, certaines espces sont dcrites comme des outils

    pertinents dvaluation du statut cosystmique telle lespce Posidonia oceanica, endmique

    du Bassin Mditerranen (Delgado et al. 1999, Ruiz et al. 2001, Ruiz & Romero 2003, den

    Hartog & Kuo 2006). Toutefois, des variations de structure des communauts de

    phanrogames marines, tels que la densit et le recouvrement vgtal, ne fournissent pas

    dindication spcifique sur lorigine des perturbations environnementales, qui peuvent tre

    simultanment ou sparment mcaniques, biologiques, et/ou chimiques (Pergent et al.

    1995, Ruiz et al. 2001, Ruiz & Romero 2003, mais voir Leriche 2004). Aujourdhui, les

    herbiers marins sont soumis de fortes pressions dorigines climatique et anthropique et

    sont menacs de disparition lchelle mondiale (Short & Wyllie-Echeverria 1996,

    Orth et al. 2006). Ils sont notamment soumis aux effets destructeurs des cyclones et de

    lamnagement du littoral, et aux pollutions lies au dveloppement des activits humaines

    (Short & Neckles 1999, Duarte 2002). Lie la perte de biens et de services cologiques

    procurs par les herbiers marins, la destruction des ces cosystmes provoque galement

    des impacts conomiques et sociaux importants (Costanza et al. 1997, Duarte et al. 2000).

  • 23

    1.2.1.2 Les algueraies

    o Leur distribution

    Les algueraies, ou communauts de macro-algues marines, possdent une large

    distribution (~30 000 espces, des ples lquateur), toutefois la rpartition bathymtrique

    des espces reste limite par leur quipement pigmentaire qui dtermine leur capacit

    photosynthtique. Le spectre dabsorption de la lumire des pigments photosynthtiques

    contenus dans les cellules vgtales est la base de la classification des algues et permet de

    diffrencier les algues vertes (Chlorophyceae) contenant uniquement de la chlorophylle A, des

    algues rouges (Rodophyceae) contenant de la chlorophylle A et des phycorythrines, des

    algues brunes (Phaeophyceae) contenant de la chlorophylle A et des fucoxanthines. Dans les

    zones tropicales, certaines algues rouges, de la famille des Corallinaceae, ont t rcoltes

    jusqu' 268 mtres de profondeur (Bahamas) ; toutefois, les plus grandes abondances et

    diversits algales se trouvent dans les profondeurs infrieures 30 mtres. La nature du

    substrat, dfinie par sa structure et sa texture, intervient galement dans la rpartition des

    espces. On distingue ainsi des espces de substrats durs, c'est--dire se fixant sur les

    roches compactes, et des algues de substrats meubles ou colonisant les accumulations

    sdimentaires. De plus, le degr de cohsion du substrat joue un rle fondamental dans la

    dure de la fixation des algues (Heijs 1985) et explique pourquoi la flore algale reste

    relativement pauvre et peu diversifie en zones frangeantes peu profondes de substrats

    meubles soumis un fort hydrodynamisme.

    o Leur rle

    Outre leur contribution directe la production primaire, au recyclage des

    nutriments et aux rseaux trophiques, certaines formes calcifies confrent aux algues un

    rle clef dans la calcification des rcifs. La bioconstruction est essentiellement le fait des

    algues rouges Corallinaceae, tandis que la formation des sables revient principalement aux

    Halimeda (algues vertes). De plus, lchelle des populations humaines, les algues

    reprsentent une valeur conomique importante, puisque prs de 221 espces dalgues sont

    consommes directement ou utilises comme glifiants ou mulsifiants alimentaires (par

    exemple, les codes E 401 E 407 apposs sur les tiquettes de produits alimentaires

    commercialiss correspondent des extraits d'algues) (Zemke-White & Ohno 1999).

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    24

    o Leur qualit de bio-indicateur

    A limage des herbiers marins, les algueraies sont soumises de nouvelles

    contraintes majeures, climatiques (El Nio, cyclones) et anthropiques (amnagement des

    zones ctires, exploitation de la ressource) pouvant affecter leur survie, leur distribution et

    la biodiversit des communauts associes (North & al. 1990, Dayton et al. 1992, Tegner &

    Dayton 2000). Les mesures de croissance, productivit, biomasse et de reproduction ou de

    valeur dadaptation sont particulirement utilises comme bio-indicateurs du niveau de

    pollution (Levine 1984). Les algues accumulent directement les composs prsents dans la

    mer des concentrations dpassant de plusieurs ordres de grandeur celles de leau de mer

    ambiante (Levine 1984). Ainsi en agissent comme bio-accumulateurs de micropolluants,

    lanalyse du tissu algal fournit un indicateur fiable de la qualit de leau (Levine 1984,

    Pavoni et al. 2003). Notons que contrairement aux phanrogames marines, les algues

    tendent prolifrer lors dvnements deutrophisation du milieu (Schramm &

    Nienhuis 1996, Lyngby et al. 1999, Fabriciusa et al. 2005).

    1.2.2 Des herbivores

    Parmi les consommateurs de macro-algues et ceux de phanrogames marines, les

    premiers ont davantage t tudis (Strong 1992) car considrs comme plus nombreux et

    dont le rle cologique tait le plus important (notamment au regard du recyclage des

    nutriments, Cebrian 2002). Ces conclusions se sont longtemps bases sur les grandes

    abondances observes de phanrogames marines en dcomposition (Fenchel 1970),

    suggrant leur faible consommation. Dautres tudes montreront par la suite la grande

    variabilit spatio-temporelle de consommation de phanrogames marines (Valiela 1995,

    Fig. 4). Les proprits non-apptantes (taux de lignine et phnols, Cebrian 1999) des

    phanrogames marines expliquent la faible diversit despces qui en consomment les tissus

    vivants (par opposition aux dtritivores, Thayer et al. 1984, Mazzella et al. 1992) : les

    oursins (Klumpp et al. 1993, Heck & Valentine 1995), les poissons (Phillips & McRoy

    1980, Kirsch et al. 2002), les oiseaux deau (Baldwin & Loworn 1994, Michot & Chadwick

    1994, Bortulus et al. 1998), les tortues vertes (Bjorndal 1997) et les sirniens (Packard 1984,

    Preen 1995) sont considrs comme les principaux consommateurs et peuvent prsenter

    http://www.sciencedirect.com/science?_ob=ArticleURL&_udi=B6V6N-4DSPYY3-3&_user=10&_rdoc=1&_fmt=&_orig=search&_sort=d&_docanchor=&view=c&_searchStrId=1104645345&_rerunOrigin=scholar.google&_acct=C000050221&_version=1&_urlVersion=0&_userid=10&md5=915184be2f8c7bb424c1acf29a5ed39c#aff1#aff1

  • 25

    une importante pression dherbivorie (Fig. 5). Cependant, la faible abondance dherbivores

    au sein des herbiers marins peut tre le fait de leur prlvement excessif (Dayton et al.

    1995, Madsen 1998, Jackson et al. 2001).

    Fig. 4 Frquence de distribution de la proportion de production vgtale nette consomme par les herbivores : chez les plantes vasculaires, les macro-algues et le phytoplancton (Valiela 1995)

    A ce jour, une disparit importante apparat dans le nombre dtudes consacres

    aux diffrents brouteurs de phanrogames marines (Fig. 6) ou dalgues benthiques : les

    poissons (principalement reprsents par les Acanthuridae et les Scaridae) prsentent une

    importante diversit spcifique et ont fait lobjet principal des tudes portant sur

    lherbivorie marine (Lubchenco & Gaines 1981, Bruggemann 1995). Les tortues marines,

    espces menaces lchelle mondiale, comptent parmi les taxa les moins

    reprsents.

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    26

    a) Surexploitation dun herbier Syringodiumfiliforme par une population doursins variables Lytechinus variegatus, Floride, USA (B. Sharp, Florida Department of Natural Resources, dans Heck & Valentine 2006)

    b) Exploitation rpte dun herbier Thalassiatestudinum par des tortues vertes Chelonia mydas, Cte de Quintana Roo, Mexico (S. I. Aptekar, dans Moran & Bjorndal 2005)

    c) Sillon de broutage dun dugong Dugong dugondans un herbier Halophila ovalis, Moreton Bay, Queensland, Australie (Preen 1995)

    d) Surexploitation dun herbier Halophila ovalispar une population de dugongs Dugong dugon, Moreton Bay, Queensland, Australie (Preen1995)

    Fig. 5 Illustration de pressions dherbivorie sur phanrogames marines

    Fig. 6 Frquence de distribution des tudes portant sur lherbivore de phanrogames marines, au regard des diffrents consommateurs (Heck & Valentine 2006, suite Valiela 1995)

  • 27

    1.3 TORTUES MARINES

    1.3.1 Leurs statuts

    1.3.1.1 Le contexte gnral

    Prsentes dans tous les ocans, lexception des eaux polaires, les tortues marines

    comptent sept espces appartenant la super-famille des Chelonioidea : la tortue luth

    (Dermochelys coriacea), la tortue imbrique (Eretmochelys imbricata), la tortue olivtre (Lepidochelys

    olivacea), la tortue de Kemp (Lepidochelys kempii), la tortue caouanne (Caretta caretta), la tortue

    verte (Chelonia mydas) et la tortue dos plat (Natator depressus). Les constats alarmistes de

    diminution des populations de tortues marines lchelle mondiale ont pouss les instances

    internationales les considrer en danger dextinction. Classes en Annexe 1 de la

    Convention de Washington et sur la Liste Rouge de lUnion Internationale pour la

    Conservation de la Nature (UICN 2009, Red list of threatened species,

    www.iucnredlist.org, Seminoff & Shanker 2008), les tortues marines font lobjet de mesures

    de conservation internationales. Le dveloppement des activits humaines est la principale

    cause du dclin important des populations de tortues marines. Croissance dmographique,

    pche et pollution contribuent directement ou indirectement, par laltration des habitats

    naturels, la rduction et parfois la disparition de certaines populations (Hughes 1974a,b,

    Bjorndal 1995, Lutz et al. 2003). Le braconnage svit galement encore dans de nombreux

    pays et touche principalement les femelles venant pondre sur les plages, provoquant ainsi

    un impact aigu sur la dynamique des populations. Toutefois, les programmes de

    conservation se sont multiplis ou cours des dernires dcennies et certaines populations

    tendent crotre nouveau (Hays 2004, Broderick et al. 2006). Par ailleurs, en raison de

    leur satut dectotherme (dont le mtabolisme est directement dpendant de la temprature

    ambiante), les tortues marines, comme la majorit des animaux marins, sont directement

    exposes aux effets des variations de tempratures atmosphriques et ocaniques

    (Mrosovsky 1980, Spotila et al. 1997, Seebacher & Franklin 2005). Dans le contexte du

    rchauffement global, diffrentes tudes rapportent un impact du rchauffement climatique

    sur la biologie et la dynamique des populations de tortues marines (tels que la sex-ratio en

    faveur des femelles ou la modification du pattern de reproduction, Davenport 1997, Hays

    et al. 2003, Weishampel & Dean 2004, Hawkes et al. 2007, Chaloupka et al. 2008). De plus,

    si les dpenses nergtiques, et par corollaire leurs besoins alimentaires, augmentent avec la

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    28

    temprature, les tortues marines devraient lavenir exploiter des quantits croissantes de

    ressources sous linfluence des conditions climatiques.

    1.3.1.2 Des modles dtudes

    Les tortues marines sont des espces migratrices qui acquirent leurs rserves

    corporelles au cours de migrations pluriannuelles avant de les allouer la reproduction

    (Fig. 7, Miller 1997). Ansi, le statut danimaux ectothermes, plongeurs ( respiration

    pulmone) et migrateurs procure aux tortues marines dimportantes contraintes

    physiologiques et cologiques, qui leur imposent une sgrgation spatiotemporelle des

    pisodes alimentaires diffrentes chelles : lchelle de la plonge, de la journe et du

    cycle de vie. Les tortues marines reprsentent alors des modles dtude pertinents pour

    identifier les stratgies comportementales mises en place par les individus pour

    rpondre leurs besoins nergtiques. Par ailleurs, par leur position au sein de

    diffrents rseaux trophiques, chaque espce de tortue marine occupe une niche cologique

    particulire (Bjorndal 1997) et est anisi susceptible de fournir des informations

    spcifiques sur le milieu marin : les tortues luths sont planctonophages (plancton

    glatineux), les tortues caouannes, olivtres, et de Kemp sont carnivores (poissons,

    crustaces, invertbrs), les tortues imbriques sont omnivores (algues, ponges, coraux

    mous) et les tortues vertes sont essentiellement herbivores. Outre leur contribution de

    consommateurs dans le fonctionnement des cosystmes, les tortues marines assurent le

    transport de nutriments et dnergie au sein de leurs habitats travers leur statut de proies

    et leur production de matire organique (Bouchard & Bjorndal 2000, Heithaus et al. 2007).

    Les tortues marines prsentent, comme les oiseaux de mer et certains mammifres

    marins (Le Buf & Laws 1994, Descamps et al. 2002), la particularit de dpendre la fois

    du milieu terrestre, o elles se reproduisent en pondant sur des plages de sable, et du milieu

    marin, o elles salimentent (Fig. 7). Cette particularit constitue une contrainte volutive

    majeure pour ces espces, mais reprsente galement un avantage pour les scientifiques : il

    est en effet possible de profiter de leurs brves incursions terre pour tudier ces animaux

    avec des contraintes logistiques minimes compares des tudes en mer. Par consquent,

    les phases de reproduction terre sont davantage renseignes chez les tortues marines que

    la phase dalimentation en mer. Pourtant, la phase dalimentation constitue une tape

    dterminante la fois pour la survie et pour le succs de la reproduction des individus. A ce

    jour, la comprhension de lcologie trophique des tortues marines reste trs

  • 29

    incomplte du fait de la difficult dtudier des animaux marins. Grce aux progrs de la

    micro-lectronique, des systmes miniaturiss, automatiss et programmables (tlmtrie et

    bio-logging) permettent dtudier lcologie trophique des tortues marines dans des milieux

    difficilement accessibles par lhomme (exemples chez la tortue imbrique : van Dam &

    Diez 1997 ; la tortue caouanne : Houghton et al. 2000, Okuyama in press ; la tortue

    olivtre : McMahon et al. 2007 ; la tortue luth : Jonsen et al. 2007, Fossette 2008 ; et la

    tortue verte : Makowski et al. 2006, Seminoff et al. 2006, Hazel et al. 2009).

    Fig. 7 Cycle de vie gnralis des tortues marines (daprs Miller 1997)

    1.3.2 La tortue verte

    Espce classe en danger par lUICN, la tortue verte Chelonia mydas possde une

    large rpartition spatiale (telles que les tortues luth, imbriques, caouannes et olivtres, Fig.

    8) et se diffrencie des autres espces de totues marines par son rgime alimentaire

    majoritairement herbivore aux ges sub-adultes et adultes.

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    30

    Fig. 8 Aire de rpartition des tortues vertes Chelonia mydas (daprs RITMO, Rseau dInformation des Tortues Marines dOutremer)

    1.3.2.1 Les phases de vie

    A limage des autres espces ( lexception peut-tre de la tortue dos plat, Walker

    & Parmenter 1990), la tortue verte occupe diffrents habitats, hauturiers et nritiques, au

    cours de sa vie (Bolten 2003, Fig. 7). Aprs avoir quitt leur plage de naissance et durant

    les premires annes, les jeunes tortues vertes ont une vie pi-ocanique et se nourrissent

    principalement dorganismes planctoniques et dinvertbrs (Hughes 1974a,b, Frick 1976,

    Carr 1987, Bolten & Bjorndal 1992, Walker 1994). Toutefois, cette phase, qualifie de lost

    years (Witham 1980), reste mconnue. Les tortues vertes ne se rapprocheront des ctes

    quaprs avoir atteint une taille leur assurant une vulnrabilit moindre face aux prdateurs

    (Limpus & al. 1994). A titre dexemples, les premires longueurs courbes (CCL pour

    curved carapace lenght) ou droites (SCL pour staight carapace lenght) de carapace

    mesures prs des ctes sont : 35 cm CCL Hawa (Balazs 1980), 35 cm CCL dans le

    Queensland (Limpus et al. 1994), 39 cm CCL Mayotte (Ballorain et al. donnes non

    publies) et 39 cm CCL Europa (Bourjea et al. 2006b), 20 cm SCL aux Bahamas

    (Bjorndal & Bolten 1988), 26 cm SCL en Mauritanie (Cardona et al. 2009) et 35 cm SCL en

    Basse Californie (Brooks 2005). Les jeunes tortues vertes achvent alors leur croissance au

    sein dcosystmes nritiques tels que les rcifs coralliens, les herbiers marins ou les

    mangroves, et adoptent progressivement un rgime majoritairement herbivore (Mortimer

    1981, 1982a, Bjorndal 1985, 1997, Limpus & Limpus 2000). Aux ges sub-adultes et

    adultes, la base de leur alimentation est faite dalgues et de phanrogames marines dont

  • 31

    elles digrent la cellulose par laction de bactries intestinales symbiotiques (Bjorndal 1979,

    Fenchel 1979) ; bien que diffrentes tudes rapportent un rgime alimentaire parfois

    opportuniste compos de matire animale (Bjorndal 1990, Hatase et al. 2006, Seminoff et

    al. 2006, 2008).

    1.3.2.2 Un modle dtude pertinent

    Les sites dalimentation sont majoritairement localiss prs des ctes, dans des

    milieux peu profonds o la lumire garantit la production primaire benthique. Ils

    constituent par consquent des cosystmes marins relativement accessibles et confrent

    aux systmes tortues vertes-herbiers/algueraies un rle privilgi dans 1) ltude

    qualitative et quantitative directe du comportement alimentaire chez les tortues

    marines et 2) dans llaboration de modles trophiques de terrain centrs sur les

    tortues marines, outil indispensable la gestion et la conservation de ces espces

    et des cosystmes quelles exploitent. Par ailleurs, en consommant dimportantes

    quantits de phanrogames marines et de macro-algues benthiques (Bjorndal 1997), la

    variation des effectifs des populations de tortues vertes peut reprsenter un bon

    indicateur des changements de qualit et de quantit des ressources marines (Fig.

    9). En effet, quelques tudes rapportent le rle clef des tortues vertes au sein des herbiers

    marins comme des agents favorisant leur production primaire et leur valeur nutritive, telle

    que la teneur en azote (Thayer et al. 1982, Aragones et al. 2006, Kuiper-Linley 2007, Moran

    & Bjorndal 2007, Fig. 10).

    Nesting beach deforestation

    Harvest

    Fishing

    Fig. 9 Diagramme conceptuel dune population de tortues vertes dans son cosystme (daprs M. Chaloupka dans Mast et al. 2007)

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    32

    Fig. 10 Diagramme illustrant le cycle de dcomposition de feuilles de Thalassia testudinum et le rle potentiel des tortues vertes dans le dtournement de ce cycle (Thayer et al. 1982)

    1.4 PROBLEMATIQUE & OBJECTIFS DE LETUDE

    Les interactions interspcifiques sont un indicateur naturel de ltat de sant dun

    cosystme et de ses ventuelles volutions. Aussi, dans le contexte actuel de changement

    climatique et dintensification des activits humaines, nous proposons de dcrire, par une

    approche intgre, les interactions existant entre les tortues vertes et leurs habitats

    trophiques, afin de comprendre une partie de la dynamique de la biodiversit marine. Il

    sagit, au terme de ltude, de renforcer les bases scientifiques ncessaires la mise en place

    de stratgies de conservation de ces cosystmes.

    La comprhension de lcologie trophique des tortues vertes, espce au niveau de

    conservation mondial, dans le fonctionnement des cosystmes littoraux, habitats forte

    productivit et diversit biologiques, ncessite deux chelles : 1) celle de lindividu et de ses

  • 33

    rponses comportementales face aux conditions environnementales et trophiques et 2) celle

    de la population et de son intgration sur lensemble de lhabitat. Plusieurs interrogations

    ont ainsi motiv la tenue de la prsente tude :

    Quels sont les mcanismes cologiques qui alimentent la dynamique des ressources

    alimentaires des tortues vertes ?

    Comment les tortues vertes ajustent-elles leur comportement alimentaire en

    fonction des conditions environnementales et de leurs besoins spcifiques ?

    Quel est le rle fonctionnel des tortues vertes au sein de leur habitat trophique ?

    Afin dy rpondre, une approche fonctionnelle de lcologie trophique des tortues vertes a

    t dveloppe au cours des CHAPITRES 3 9 (Fig. 11) de ce manuscrit et deux sites

    dtude possdant des conditions environnementales contrastes ont t slectionns :

    - un herbier marin plurispcifique situ sur le rcif frangeant de Mayotte

    - des algueraies plurispcifiques situes sur le rcif frangeant de lIle de La Runion

    Dans loptique dtablir le schma le plus complet des relations liant les tortues vertes

    leurs ressources alimentaires, le systme herbier marin tortues vertes a t privilgi au

    cours de ltude pour des raisons logistiques.

    Interactions ConsommateursRessources

    Fig. 11 Illustration schmatique des 3 compartiments abords dans ce manuscrit

    Suite la prsentation du contexte rgional et des caractristiques stationnelles des

    sites dtude (CHAPITRE 2), 8 articles scientifiques constituent la base de ce manuscrit et

    sarticulent autour des trois compartiments illustrs par la Fig. 11 :

    CHAPITRE 3 : Size-related habitat use of green turtles foraging on a multispecific seagrass

    bed

    CHAPITRE 4 : Early assessment of trends in a multispecific seagrass meadow exploited by

    green turtles at Mayotte Island

    CHAPITRE 5 : Seasonal diving behaviour and feeding rhythm of green turtles at Mayotte

    Island

    CHAPITRE 6 : Daily food intake of green turtles foraging in an intertidal seagrass meadow

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    34

    CHAPITRE 7 : How green turtles contribute to the maintenance of coastal biodiversity

    CHAPITRE 8 : L'volution statutaire de Mayotte et les enjeux environnementaux :

    l'exemple de la protection des tortues marines

    CHAPITRE 9 : Ultralight aircraft surveys reveal marine turtle population increases along the

    west coast of Reunion Island

  • 35

    2 Contexte rgional &

    Caractristiques stationnelles

    CHAPITRE

    2

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    36

    Fig.

    12

    Hot

    spot

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    la b

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    yers

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    00)

  • 37

    2.1 LE SUD-OUEST DE LOCEAN INDIEN

    2.1.1 Le contexte rgional

    Classes parmi les hotspots mondiaux de la biodiversit (Fig. 12, Myers 2000,

    Cleveland 2008), les les du sud-ouest de lOcan Indien (SOOI) reprsentent un

    laboratoire et un observatoire idal de la diversit biologique. Linfluence du Courant Sud

    Equatorial sur les caractristiques hydrologiques, lisolement gographique et la

    morphologie des les coralliennes et granitiques ont favoris lmergence dune forte

    diversit de milieux ctiers et marins, et un taux dendmicit lev. Seulement cette

    biodiversit remarquable et les cosystmes qui lui sont associs sont, comme lchelle de

    la plante, de plus en plus soumis limpact des changements climatiques et de

    lintensification des activits humaines.

    2.1.1.1 Les tortues marines

    Cette rgion ocanique accueille cinq des sept espces de tortues marines : la tortue

    luth, la tortue olivtre, la tortue caouanne, la tortue imbrique et la tortue verte ; la tortue

    verte tant la plus commune, notamment sur les les de Tromelin, Glorieuses, Mayotte et

    Mohli (Archipel des Comores), Juan de Nova et Europa (Fig. 13).

    a b

    Fig. 13 Sites de ponte (a) et dalimentation (b) de la tortue verte Chelonia mydas dans la rgion du Sud-ouest de lOcan Indien (daprs Bourjea 2009)

    Les populations de tortues marines du SOOI (essentiellement reprsentes par les tortues

    vertes, imbriques et caouannes) ont fait lobjet de nombreuses tudes qui portent sur la

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    38

    biologie de reproduction (Frazier 1971, 1975, Hughes 1974b, Servan 1976, Mortimer

    1982b, Le Gall et al. 1984, 1985a,b, 1988, Mortimer 1985, 1988, Bosc & Le Gall 1986, Le

    Gall 1988, Bourjea et al. 2006a, Ciccione & Bourjea 2006, Bourjea et al. 2007a, Lauret-

    Stepler et al. 2007), les comportements migratoires (Le Gall & Hughes 1987, Girard et al.

    2006, Luschi et al. 2007), la gntique des populations (Mortimer & Broderick 1999,

    Bourjea et al. 2007b, Taquet 2007), le statut de conservation et la distribution spatiale

    (Hughes 1973, 1974a, Frazier 1980, Mortimer 1984, Rakotonirina & Cooke 1994, Fretey &

    Fourmy 1996, Mohadji et al. 1996, Ren & Roos 1996, Costa et al. 2007, Metcalf et al.

    2007) et enfin la croissance et lcologie trophique (Rakotonirina 1987 , Mortimer 2002,

    Ballorain 2003, 2005, 2006, Roos et al. 2005, Fontaine & Sinapayel 2006, Taquet et al. 2006,

    Jean et al. 2009a). Toutefois, lcologie trophique des tortues marines sur site dalimentation

    (dont les sites de dveloppement) reste trs peu renseigne ce jour du fait de la difficult

    de capture et dobservation des tortues marines en mer.

    Ainsi, contrairement aux sites de ponte, les sites dalimentation des tortues

    vertes, sont encore trs faiblement tudis (Fig. 13). Il sagit de rcifs frangeants ou

    barrires sur lesquels se dveloppent des herbiers marins et algueraies (comme Moheli,

    Mayotte, Madagascar ou La Runion) ou de mangroves (comme Europa). La plupart de

    ces sites sont connus pour accueillir des populations mixtes dindividus sexuellement

    matures et des individus immatures. La mangrove dEuropa, par contre, constitue

    principalement un habitat de dveloppement pour les stades juvniles de tortues vertes

    (CCL variant de 39 68 cm, Bourjea & Ciccione 2009).

    2.1.1.2 La vgtation marine

    La rgion du SOOI supporte une grande diversit de phanrogames

    marines, dimportance mondiale (Fig. 2, Annexe 1). Les herbiers reprsentent des

    ressources importantes pour la pche de subsistance (poissons et invertbrs) qui contribue

    aux apports alimentaires quotidiens des populations locales, mais aussi pour les pches

    dexportation lchelle rgionale (de la Torre Castro & Rnnbck 2004). Il sagit

    essentiellement dherbiers plurispcifiques dont les principaux brouteurs sont les oursins

    (tel que Tripneustes gratilla), les poissons (tel que Leptoscarus vaigiensis), les tortues vertes

    (Chelonia mydas) et les dugongs (Dugong dugon) (de Troch et al. 1996, Wamukoya et al. 1997,

    Alcoverro & Mariani 2002, Muir et al. 2003, Eklf et al. 2005, 2008, Roos et al. 2005,

    Metcalf et al. 2007, Mamboya et al. 2009). En contraste avec les pays dAfrique de lest, les

  • 39

    herbiers marins des les du SOOI sont trs faiblement reprsents dans la littrature publie

    (Aleem 1984, Kalugina-Gutnik et al. 1992, Ingram & Dawson 2001, Gllstrm 2002) et

    concernent souvent des rapports de mission (Gravier 1970, Bigot 1991, Guerniou & Nicet

    2001, Ballorain 2005, Beudard 2005, Ciccione et al. 2005, Loricourt 2005).

    Quant la flore algale benthique, celle-ci prsente une grande diversit lchelle de

    la rgion du SOOI et de nombreuses espces prsentent un intrt conomique potentiel

    ou avr (Delepine date inconnue, Bolton et al. 2004). Les tudes portant sur lherbivorie des

    algues benthiques concernent ce jour principalement les poissons (Chabanet 1994,

    McClanahan et al. 2002, Ledlie et al. 2007).

    2.2 LES STATIONS DETUDE

    Les deux stations slectionnes pour notre tude sont les les de Mayotte et de La

    Runion (Fig. 14) : Mayotte tant connue pour accueilir une importante population de

    tortues vertes salimentant de phanrogames marines et La Runion tant connue pour

    accueillir une population croissante de tortues vertes salimentant dalgues benthiques.

    OCEAN

    INDIEN

    Madagascar

    AFRIQUE

    MAYOTTE

    LA REUNION

    Canal

    du

    Mozambique

    Fig. 14 Localisation gographique des sites dtude Mayotte et La Runion lchelle du Sud-ouest de lOcan Indien.

    2.2.1 Mayotte

    Lle de Mayotte, composante principale par ses dimensions de lArchipel

    gographique des Comores, est situe lentre Nord du canal du Mozambique, mi-

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    40

    distance entre Madagascar et la cte est africaine (Fig. 14). Dorigine volcanique, Mayotte

    comprend deux les principales, la Grande Terre (364 km) et la Petite Terre (10 km), ainsi

    quune vingtaine dlots rpartis dans un lagon de 1 100 km (Fig. 15).

    a)

    NGouja

    b)

    Fig. 15 a) Complexe rcifo-lagonaire de Mayotte (en bleu : zones rcifo-lagonaires, Thomassin 1996) ; b) Localisation des herbiers de Mayotte (en vert : zones dherbier, Loricourt 2005)

    o Contexte local

    Le climat mahorais est de type tropical humide avec des tempratures moyennes

    annuelles comprises entre 21C et 28C et une pluviomtrie moyenne de 1 500 1 700 mm

    par an, dont plus de 60% est effective de dcembre mars. La temprature moyenne varie

    de 24C en hiver 28C en t. Le climat est rgi par la Zone de Convergence Inter

    Tropicale. Bien que Mayotte soit situe sur une branche du Courant Sud Equatorial,

    lhydrodynamisme du lagon ne serait pas influenc par les circulations deaux ocaniques,

    mais par les vents, la mare et les diffrences de pression baromtrique, principalement en

    priodes dpressionnaires voire cycloniques (Gourbesville & Thomassin 2000, Porcher et

    al. 2002, Idier et al. 2008). La dynamique du vent dpend essentiellement du rgime

  • 41

    saisonnier altern aliz-mousson (Raunet 1992). Lors de la saison des pluies, ou mousson,

    de septembre mars, les vents (le Kaskasi et le Miombeni ) qui soufflent du nord-

    nord-ouest induisent de trs fortes houles lagonaires sur la partie Nord de lle. Au cours de

    la saison sche ou aliz de mars septembre, les vents (le Koussi et le Matoula )

    provoquent une houle lagonaire sur le secteur sud de lle. Les courants de drive lis aux

    vents affectent la couche deau suprieure du lagon et sont fonction de la vitesse du vent et

    de limportance du fetch (Porcher et al. 2002). Le rgime des mares est principalement

    semi-diurne, avec un marnage de 4 m en mare de vives-eaux.

    La Collectivit Dpartementale de Mayotte a connu ces dernires annes des

    volutions majeures qui interrogent trs fortement sa dynamique de

    dveloppement. Une forte croissance dmographique et lintroduction dun modle

    conomique et social franais, due lancrage de Mayotte la France et lEurope,

    bouleversent la vie traditionnelle mahoraise. Face cette situation, les risques

    environnementaux sont devenus normes, particulirement pour le lagon. Vritable

    rservoir de biodiversit (283 espces vgtales marines et 1 775 espces animales marines,

    Rolland & Boullet 2005), le lagon de lle est alors soumis une dgradation progressive,

    cause principalement par les activits humaines (apports terrignes lis la destruction du

    couvert vgtal ctier, pche destructrice, pollution par les dchets mnagers) et par les

    phnomnes climatiques pisodiques de blanchiment des coraux (1983 et 1998).

    o Un observatoire privilgi

    Comptant 170 plages (dont ~80 plages de pontes de tortues marines), 1 500 km de

    complexe rcifo-lagonaire, 760 hectares dherbiers marins (Fig. 15), Mayotte reprsente un

    site important de reproduction et dalimentation pour les tortues vertes lchelle

    du SOOI (Ciccione et al. 2003, 2004, Roos et al. 2005, Bourjea et al. 2007a), et reprsente

    un site privilgi pour leur tude sur site dalimentation (Ciccione et al. 2005, Ballorain

    2003, 2005, 2006, Roos et al. 2005, Taquet et al. 2006). Des tortues imbriques sont

    galement rgulirement observes en ponte sur les plages et en phase dalimentation sur

    les rcifs coralliens. Parmi les grands vertbrs marins peuplant le lagon, les tortues vertes

    reprsentent les principaux consommateurs de phanrogames marines (seuls quelques

    dugongs sont sont recenss, Kiszka et al. 2003).

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    42

    Rcemment identifi comme tant un site majeur dalimentation pour les tortues

    vertes lchelle de lle (Roos et al. 2005), lherbier marin du site de NGouja situ au sud-

    ouest de lle (Fig. 15), est un lieu privilgi pour lobservation de cette espce (Ballorain

    2003, 2005, 2006, Taquet et al. 2006). La baie de NGouja, classe comme Zone de

    Protection par lArrte Prfectoral N42/DAF-2001 (Annexe 2), accueille une importante

    population mixte de tortues vertes et une population rduite de tortues imbriques. Depuis

    prs de 30 ans, plusieurs tmoignages rapportent la prsence de nombreuses tortues vertes

    salimentant sur lherbier de NGouja. Cependant, les tudes nont dbut quen 1998, date

    laquelle la Cellule de Gestion des Terrains du Conservatoire du Littoral (ex-Brigade

    Tortue) de la Direction de lAgriculture et de la Fort (DAF) de Mayotte (mais aujourdhui

    rattache la Collectivit Dpartementale de Mayotte, CDM) a dbut un programme de

    suivi individuel des tortues de NGouja laide de bagues Monel places sur les nageoires

    antrieures. Cette mthode de capture-marquage-recapture a permis didentifier et de suivre

    de nombreux individus depuis 2003, anne partir de laquelle le suivi de la population est

    devenu plus rgulier grce aux missions menes par Kelonia, IFREMER-Runion, CNRS-

    IPHC, en collaboration avec la DAF et la CDM de Mayotte. Une partie de la logistique de

    ces missions tait assure par lHtel Le Jardin Maor, situ en arrire plage du site de

    NGouja.

    2.2.2 La Runion

    Composante de lArchipel des Mascareignes, lle de La Runion stend sur une

    superficie de 2 512 km (Fig. 14). Lle, volcanique et montagneuse, est borde dun littoral

    de 207 km sur lequel seulement 40 km de plage alternent avec les falaises basaltiques.

    o Contexte local

    Le climat de lle est de type tropical. Il est rgi par la Zone de Convergence Inter

    Tropicale et est conditionn par le rgime des vents (principalement d'est-sud-est). Sur la

    cte, les tempratures schelonnent de 18C 31oC et la pluviomtrie annuelle varie de

    900 mm l'ouest pratiquement 2 mtres l'est. De mai octobre, lhiver austral se

    caractrise par de rares pluies et des tempratures moins leves. De novembre avril, lt

  • 43

    austral se caractrise par des pluies torrentielles de courte dure et des tempratures plus

    leves (priode cyclonique de dcembre mars). La temprature moyenne de l'eau varie de

    26C de novembre avril prs de 23C de mai octobre.

    La diversit des habitats marins ctiers (rcifs frangeants, tombants basaltiques,

    grottes sous-marines) est lorigine dune importante diversit biologique (>3 500 espces).

    Bien que les surfaces rcifales runionnaises soient trs rduites (12 km environ), la

    biodiversit quelles hbergent nen constitue pas moins un patrimoine naturel

    exceptionnel puisque les eaux runionnaises renferment presque autant despces de

    coraux que lensemble de la Polynsie Franaise dont les surfaces rcifo-lagonaires sont

    1000 fois plus importantes. Cependant, la pression dune urbanisation croissante en zone

    littorale (82% de la population rsidente) engendre notamment lappauvrissement de la

    diversit spcifique des platiers rcifaux (DIREN Runion 2006). Trs frquents pour

    des activits de loisir dont les impacts cumuls peuvent tre importants, soumis un effort

    de pche excessif, supportant des flux de pollution importants du fait des nombreuses

    activits et infrastructures implantes sur les bassins versants, ces rcifs sont aujourdhui

    considrs 30% dgrads et 50% menacs (DIREN Runion 2006). Les phnomnes

    deutrophisation rduisent notamment labondance des surfaces coralliennes et favorisent le

    dveloppement algal (Cuet et al. 1988, Naim 1993). Afin de concilier les activits humaines

    et la prservation des rcifs, de nouvelles rgles dusage ont t dictes par le dcret de

    cration dune rserve naturelle et par divers arrts prfectoraux. Cre en 2007, la

    Rserve Naturelle Marine de La Runion stend sur 40 km de ctes du Cap La Houssaye

    Saint-Paul, la Roche aux oiseaux lEtang Sal (Fig. 16).

    o Un nouvel observatoire

    Lle de La Runion tait, avant larrive de lhomme, un site de ponte important

    pour les tortues marines comme en tmoignaient les premiers navigateurs qui dbarqurent

    sur ses plages (Lougnon 1992). Depuis, la capture intensive, lintroduction de prdateurs

    des ufs et juvniles et lurbanisation du littoral ont entran la quasi-disparition des tortues

    marines sur les ctes runionnaises. Suite ce bilan, un programme de dnombrement

    arien OTOMAR (Observatoire des Tortues MArines de la Runion) a dbut en 1996.

    Son objectif est de recenser les habitats favorables (plages et rcifs) la prsence des

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

    44

    Fig. 16 Primtre gnral de la Rserve Naturelle Marine (RNM) de lle de La Runion (Dcret ministriel n 2007-236 du 21 f vrier 2007, D irection Rgionale de l Environnement DIREN-Runion).Dune superficie de 35 km, l a rserve sarticule autour de t rois types de zones : un primtre gnral, des zones de protection renforce (45%) et des zones de protection intgrale (5%). La rserve se si tue sur le Domaine Public Maritime, partir du rivage, sur une largeur moyenne de 1 000 m ( de 300 1 600 m) e t une pr ofondeur de 15 m 100 m. C e t erritoire comporte des ctes rocheuses basaltiques et lensemble des rcifs coralliens de la cte ouest de lle (20 km de rcif frangeants et embryonnaires).

  • 45

    tortues marines sur la cte ouest de lle et dintgrer ces rsultats dans les politiques de

    gestion et damnagement du littoral (Ciccione et al. 1999). Suite une politique de

    prservation des ressources marines de lle, la cte ouest du littoral runionnais reprsente

    dsormais un site dalimentation et de dveloppement pour une population croissante de

    tortues vertes (survols ariens 1996-2006, Michalowski 2007). Par ailleurs, suite un

    programme de rhabilitation de certaines plages de ponte mene par Kelonia/Rgion

    Runion/Mairie de St Leu/Office National des Forts, 13 pontes de tortues vertes ont eu

    lieu depuis 2004 (Ciccione & Bourjea 2006, 2009) alors que lactivit tait relictuelle (3

    traces de montes au cours de la seconde moiti du 20ime

    sicle). Plusieurs individus

    immatures de tortues imbriques sont rgulirement observs salimentant sur le rcif

    frangeant mais aucune ponte na encore t recense.

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

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  • 47

    3 Size-related habitat use of green turtles foraging on a multispecific seagrass bed

    Katia Ballorain

    Stphane Ciccione

    Jrme Bourjea

    Manfred Enstipp

    Henri Grizel

    Jean-Yves Georges

    (Submitted)

    CHAPITRE

    3

  • Ballorain 2010 - Ecologie trophique de la tortue verte

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    Size-related habitat use of green turtles foraging on a multispecific seagrass bed

    Katia Ballorain1,2, Stphane Ciccione3, Jrme Bourjea4, Manfred Enstipp1, Henri Grizel4,

    Jean-Yves Georges1

    *

    1 Institut Pluridisciplinaire Hubert Curien, Dpartement Ecologie, Physiologie et Ethologie,

    Centre National de la Recherche Scientifique, Unit Mixte de Recherche 7178 CNRS-

    Universit de Strasbourg, 23 rue Becquerel, 67 087 Strasbourg, France. 2 Ecole Doctorale Interdisciplinaire, Universit de La Runion, 15 Avenue Ren Cassin, BP

    7151, 97 715 Saint-Denis Messag Cedex 9. 3 KELONIA, lObservatoire des tortues marines de La Runion, 48 Rue du Gnral de

    Gaulle, 97 898 Saint Leu Cedex, La Runion, France. 4

    Institut Franais de Recherche pour lExploitation de la Mer de La Runion, Rue Jean

    Bertho, BP 60, 97 822 Le Port Cedex, La Runion, France.

    * Corresponding author: Katia Ballorain

    Email: [email protected]

    mailto:katia.ballorain@c-stras