Droit Economique Mondialisation

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    Revue Internationale de Droit conomique 2003 pp. 291-311

    LA MONDIALISATION DU DROIT CONOMIQUE :VERS UN NOUVEL ORDRE PUBLIC CONOMIQUE.

    RAPPORT INTRODUCTIF

    Hanns ULLRICH*

    1. Le projet1.1 Un droit conomique mondial ?

    1.1.1. La rglementation internationale des marchs

    1.1.2 Les problmes dun concept hirarchique de la mondialisation du droitconomique1.1.2.1 Le rle des tats, en particulier des tats dominants, et le dficit

    de lgimit du droit conomique mondial1.1.2.2 La transposition de la rglementation internationale des marchs

    sur le plan juridique national1.1.2.3 Frictions et rivalit des systmes

    1.2 La mondialisation du droit conomique national2. Le colloque de Rennes : une approche sectorielle

    2.1 Le choix des domaines du droit conomique examiner2.1.1 Les rgles du march2.1.2 Le statut des acteurs sur le march2.1.3 La rglementation des moyens de la concurrence

    2.2 Le constat2.2.1 Principes, problmes rcurrents et ncessit de plus amples recherches

    2.2.1.1 lments dun ordre juridique international ?2.2.1.2 Rglementation niveaux multiples et rivalit rgulatrice ?

    2.2.2 La mondialisation : des concepts vasifs2.2.2.1 Limitation, libralisation et modernisation de la rglementation

    des marchs2.2.2.2 La multiplicit de la mondialisation

    * Dr. iur., M.C.J. (N.Y. Univ.), professeur lInstitut universitaire europen, Florence.

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    3. Le colloque de Tunis3.1 Les problmes

    3.1.1 Ltablissement des rgles rgissant le march (les niveaux multiples)3.1.2 Les principes de la rglementation des marchs globaliss

    (lorientation mondialiste)3.1.3 La mondialisation conomique par qui et pour qui (les acteurs privs)3.1.4 La mise en uvre de la mondialisation du droit conomique

    3.2 Les perspectivesSummary

    1 LE PROJET

    Un projet de recherche aussi vaste que celui que lAssociation internationale de droitconomique a entrepris pour valuer en deux colloques successifs1 la mondialisa-tion du droit conomique a plusieurs pres et mme plusieurs mres, et une histoiretourmente. Et pourtant, ce nest pas un enfant illgitime, car il a t conu au seinde lAIDE, famille prside par Claude Champaud, puis par Bernard Remiche, et ila t nourri par un grand nombre de membres actifs de cette famille, dont je nennommerai que deux par amiti et respect personnel : Laurence Boy et Maria LeitaoMarques. Je le fais ds le dbut, et sans oublier les autres membres du Comitscientifique des deux colloques, afin de prciser le rle modeste qui revient au

    rapporteur en charge de cette introduction au deuxime colloque, celui de Tunis. Eneffet, tout le long de nos travaux prparatoires, jai pu et jai d modifier, amlioreret approfondir lapproche propose la lumire des discussions que nous avons euesau sein de notre petit comit scientifique.

    1.1 Un droit conomique mondial ?

    1.1.1 La rglementation internationale des marchs

    lorigine, lide tait que la mondialisation conomique est essentiellement unphnomne de lextension des marchs concurrentiels au-del des frontires natio-

    nales une chelle globale. Cette extension serait le rsultat de la libralisation ducommerce international. Elle entranerait une diminution du contrle que ltatnational peut exercer sur les activits conomiques, qui sont lies son marchterritorial. La drglementation et la dterritorialisation se rsumeraient ainsi en une

    1. Voir les contributions dans Mondialisation et droit conomique, Numro spcial 2-3/2002 de laRevue internationale de droit conomique, reproduisant les rapports et commentaires du premierColloque de Rennes tenu sur le mme sujet les 27, 28 et 29 septembre 2001 Rennes.

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    dstatisation.2 Le vide ainsi cr serait rempli soit par laction rglementaire desorganisations internationales ou par les conventions entre tats, soit par lactionautonome des entreprises ou de leurs associations agissant sur le plan international.

    En fait, la richesse de la rglementation internationale des marchs est impres-sionnante. Il y a tout un encadrement de la concurrence internationale par les accordsOMC.3 Ils rglent non seulement laccs aux marchs nationaux, mais encore le jeude la concurrence sur les mmes marchs en limitant lintervention tatique.4 En plus,il y a la rgulation de certains secteurs ou activits conomiques par des accordsinternationaux spcifiques,5 il y a tout un rseau de rgles tablies par les diversesorganisations dintgration rgionale,6 qui pour la plupart ne se limitent pas simple-

    ment crer de simples zones de libre-change, et il y a dinnombrables accordsbilatraux, qui resserrent encore davantage les mailles de ce rseau de rgles. Cesrgles-cadres du march global sont compltes, ft-ce de manire insuffisante, pardes conventions sur la protection de lenvironnement et de la sant, 7 ou par desmcanismes internationaux de normalisation.8 Mme l o des tats gardent leursouverainet, des rgles du droit international public limitent ventuellement laporte de leur pouvoir rglementaire.9

    2. La littrature est abondante, voir F. Ost, Mondialisation, globalisation, universalisation : sarracher,encore et toujours, ltat de nature, in Ch.-A. Morand (sous la direction de), Le droit saisi par lamondialisation, Bruxelles (Bruylant et al.) 2001, 5 et suiv. ; R. Boyer, D. Drache, Introduction to R.Boyer (eds.), States Against Markets, Londres, New York (Routledge) 1996, 1 et suiv. ; R. Boyer,State and Market, ibid. p. 84 et suiv. ; J. L. Mortensen, The Institutional Requirements of the WTOin an Era of Globalisation : Imperfection in the Global Economic Policy, 6 Eur. L. J. 176 (2000).

    3. Voir pour un trait rcent remarquable A. Lowenfeld, International Economic Law, Oxford (OxfordUniversity Press) 2002, 21 et passim ; et les traits classiques de J. H. Jackson, The World TradingSystem, 2e d. Cambridge, Mass. (CMIT Press) 1997 ; D. Carreau, P. Juillard, Droit internationalconomique, 4e d. Paris (LGDJ) 1998.

    4. P. ex. par le Code des subventions ou le Code des marchs publics du GATT, voir pour le premierLowenfeld, loc. cit. supra n. 3, p. 199 et suiv., pour le dernier G. Kunnert, WTO-Vergaberecht Genese und System sowie Einwirkungen auf das EG-Vergaberegime, Baden-Baden (Nomos) 1998 ;A. Drgemller, Vergaberecht und Rechtsschutz Der inter- und supranationale Rahmen und seineAusgestaltung in Deutschland, Berlin (Springer) 1999.

    5. P. ex. en ce qui concerne les investissements internationaux voir Lowenfeld, loc. cit. supra n. 3, p.387 et suiv. ; en ce qui concerne le commerce des matires premires (les mtaux, le ptrole, etc.)et des produits de base agricoles (caf, cacao, etc.), les transports, la poste et les tlcommunications,voir pour une prsentation sommaire M. Herdegen, Internationales Wirtschaftsrecht, 3e d. Munich(Beck) 2002.

    6. Pour les rapports entre la rglementation mondiale des marchs et lintgration rgionale voir P.Demaret, J.-F. Bellis, G. Garcia Jimenez (eds.), Regionalism and Multilateralism after the UruguayRound, Bruxelles (EIP) 1997 ; St. Schirm, Globale Mrkte, nationale Politik und regionaleKooperation, 2e d. Baden-Baden (Nomos) 2001, passim.

    7. P. ex. les deux Conventions sur la biodiversit et sur le changement climatique conclues en 1992 Rio de Janeiro dans le cadre de la confrence des Nations Unies sur le dveloppement etlenvironnement, voir Lowenfeld, loc. cit. supra n. 3, p. 297 et suiv.

    8. Voir M. Royon, Lmergence de systmes nationaux de normalisation-certification et leur con-nexion internationale, RIDE 1999, 107 et rfrences infra n. 14.

    9. P. ex. en ce qui concerne lapplication extraterritoriale du droit de la concurrence, voir M.Waelbroeck, A. Frignani, Concurrence, t. 4 de Le Droit des Communauts europennes (Commen-

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    Puis, les moyens de la concurrence internationale, telle la proprit intellec-tuelle, sont trs largement harmoniss et protgs sur le plan global.10 Il en va demme pour le droit des oprations commerciales internationales : la vente internatio-nale peut sappuyer sur des rgles de droit uniforme.11 Pour dautres transactionsexistent des contrats modles plus ou moins bien accepts, et souvent la pratique suitun modle national dominant.12 En fait, des leges mercatoriae se sont constitues surla base de lautonomie contractuelle que la grande majorit des tats respecte etprotge.13 Il est mme devenu frquent que la lgislation tatique renvoie lautor-gulation.14

    Bref, il y a toute une superstructure de droit conomique international. Elle ne

    se rduit pas un droit international du commerce, mais constitue un droitinternational du march.15 Elle tmoigne de ce que, du fait de llargissement de leurs

    taire J. Megret), 2e d. Bruxelles (ditions Universit de Bruxelles) 1997, 93 et suiv. ; E. Rehbinder,in E.J. Mestmcker, U. Immenga, EG-Wettbewerbsrecht, Munich (Beck) 1997, 71 et suiv. et lesrfrences infra n. 41.

    10. On na qu se rfrer aux grandes conventions administres par lOrganisation mondiale de laProprit intellectuelle (OMPI), telles celles sur la protection de la proprit industrielle (Paris 1883)et sur la protection de la proprit littraire et artistique (Berne 1886) avec leurs complmentsrcents : le Trait mondial du droit dauteur et le Trait mondial sur les interprtations et excutionset les phonogrammes, voir pour ces derniers J. Reinbothe, S. von Lewinski, The WIPO Treaties1996 : Ready to Come into Force, Eur. Int. Prop. Rev. 2002, 199. Puis lAccord ADPIC, conclu dansle cadre de lUruguay Round et qui englobe les conventions internationales susmentionnes tout entablissant un systme propre dune protection adquate de la proprit intellectuelle, a mondialisla protection des uvres de lesprit, voir B. Remiche, Rvolution technologique, mondialisation et

    droit des brevets, RIDE 2002, 83, et pour une vue politique densemble M. L. Check, The Limits ofInformal Regulatory Cooperation in International Affairs : A Review of the Global IntellectualProperty Regime, 33 Geo. Wash. Intl. L. Rev. 277 (2001).

    11. Voir G. Reinhart, Die weltweite Vereinheitlichung des Kaufrechts im 20. Jahrhundert, in P. Mller-Graff (sous la direction de), Recht und Rechtswissenschaft, Ringvorlesung Juristische FakulttHeidelberg, Heidelberg (Mller) 2000, 329 ; P. Winship, Changing Contract Practices in the Lightof the United Nations Sales Convention : A Guide for Practitioners, 29 Intl. Lawyer 525 (1995) ;J.-M. Jacquet, Le droit de la vente internationale de marchandises : le Mlange de sources, MlangesPh. Kahn, Paris (Litec) 2000, 75.

    12. Les exemples sont connus (le contrat de concession de logiciel, la due diligence dans la ventedentreprise, etc.), mais le caractre systmique est controvers, voir : Lamricanisation du droit :mythes ou ralits ?, Colloque de lAssociation franaise de philosophie du droit, Paris, 8 et 9 juin2000, publi dans Arch. phil. droit 2001.

    13. Voir . Loquin, O en est la lex mercatoria, Mlanges Ph. Kahn, Paris (Litec) 2000, 23 ; A. Pellet,La lex mercatoria, tiers ordre juridique ? Remarques ingnues dun internationaliste de droitpublic, ibid.

    14. Pour des exemples, notamment la normalisation, voir L. Boy, Normes, RIDE 1998, 115, 127 avecrfrences ; Kl. Vieweg, Technik und Recht, Festschrift Lukes, Cologne 2000, 199 ; en ce quiconcerne la gestion de lInternet E. Clerc, La gestion semi-prive de linternet, in Ch.-A. Morand(sous la direction de), Le droit saisi par la mondialisation, loc. cit. supra n. 2, p. 333 ; pour lecommerce lectronique P. Trudel, La lex electronica, ibid. p. 221 ; J. Drexl, Le commercelectronique et la protection des consommateurs, RIDE 2002, 405.

    15. Mais qui nest pas pour autant un droit de nature propre, voir Ch.-A. Morand, Le droit saisi par lamondialisation : dfinition, enjeux et transformations dans id., Le droit saisi par la mondialisation,loc. cit. supra n. 2, p. 81, 92 et suiv.

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    marchs territoriaux, les pouvoirs rglementaires des tats sont devenus interdpen-dants et doivent tre complts par ceux dune autorit de nature conventionnelle,cest--dire fonde sur le consentement mutuel des tats. Par ailleurs, les tatsdoivent reconnatre et tolrer, bon gr mal gr, les pouvoirs privs internationaux.

    1.1.2 Les problmes dun concept hirarchique de la mondialisationdu droit conomique

    Dans une telle vision bi-planaire ou hirarchique de la mondialisation du droitconomique, qui oppose le plan rglementaire national au plan rglementaireinternational, il y aura certes assez de problmes juridiques rsoudre.

    1.1.2.1 Dune part, il y a les problmes de lgitimit de limposition dun ordrejuridique conomique international. La dominance conomique et diplomatique destats-Unis,16 mais galement linfluence prpondrante de quelques tats ou grou-pements dtats,17 demandent un encadrement juridique et institutionnel solide. Lesrgles internationales du march, quelles soient de nature libralisatrice ouprotectrice, existantes ou dvelopper, manquent de fondement dmocratique. Laconstitutionnalisation de lordre conomique international, notamment sur basede ltablissement ou du dveloppement de droits fondamentaux, semble cacher unvide plutt que construire une ralit de cohrence politique mondiale.18

    1.1.2.2 Dautre part, il y a les enjeux systmiques. Dans la mesure o les rglesinternationales du march sont susceptibles de produire, directement ou indirecte-

    ment, des effets pour les particuliers, de sorte que ceux-ci peuvent sen prvaloirindividuellement devant la justice nationale, se pose le problme des rapports entrergle internationale et rglementation nationale. Le problme est vieux et com-plexe,19 mais il prend une nouvelle dimension du simple fait de la densit norme dela rglementation internationale des marchs et de son orientation librale. La

    16. Alors que la dominance conomique des tats-Unis sur les marchs globaux est bien connue, sesmoyens de pression diplomatique ont t moins analyss, voir pour le contrle du mandat dengociation du Prsident des tats-Unis par le Snat B. Kerrebaum, The US Debate on TradeNegotiating Authority between 1994 and 1999, 32 J.W. Tr. L. 49 (1999) ; pour la nouvelle stratgiedes USA, voir Wunsch-Vincent, The Digital Trade Agenda of the US : Parallel Tracks of Bilateral,Regional and Multilateral Liberalization, 58 Auenwirtschaft 7 (2003).

    17. Par la conclusion daccords de commerce et de libre-change, lUnion europenne a toujours cherch se crer des zones dinfluence, voire exporter ses concepts de rglementation des marchs, voirp. ex. pour la politique de concurrence dans le cadre de la politique Euromed D. Gradin, N. Petit,Rgles de concurrence et partenariat Euro-Mditerranen : chec ou succs ?, RIDE 2003, 47.

    18. Voir E.U. Petersmann, Constitutional Economics, Human Rights and the Future of the WTO, 48Auenwirtschaft 49 (2003) ; contra Ch.-A. Morand, loc. cit. supra n. 15, p. 86 ; et encore plus critiquemme lgard de la Charte europenne des droits fondamentaux S. Bro, Grundrechte undGrundwerte in Europa, JZ 2003, 429.

    19. Voir les contributions de J. Chevallier, Mondialisation du droit ou droit de la mondialisation, M.Delmas-Marty, Les processus de mondialisation du droit, et de M. G. Kohen, Internationalisme etmondialisation, in Ch.-A. Morand (sous la direction de), loc. cit. supra n. 2, p. 37 et suiv., 63 et suiv.,107 et suiv.

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    sparation systmatique du plan international et du plan national de la rglementationdu march, cest--dire la division entre, dune part, le rglement intertatique desintrts nationaux et, dautre part, la poursuite par les particuliers de leurs intrtsindividuels, nest plus franchie seulement en de rares cas isols, mais risque dtreperdue totalement dans la confusion des deux catgories dintrts et de leur mise envaleur respective.

    1.1.2.3 Un problme connexe rsulte de ce que, mme en labsence dun conflitouvert entre les rgles internationales et les rgles nationales du march, lintroduc-tion dun rgime international spcifique dans lordre juridique interne risque deproduire des frictions additionnelles de systmes, telles que celles qui se font jour deplus en plus dans lapplication du droit communautaire dans lordre interne20 ou lorsde lharmonisation partielle ou spcifique des rgles du droit national.21

    Lapplicabilit directe des rgles internationales du march, mme mdiatise dunefaon ou dune autre,22 ne peut que faire ressortir et renforcer ces frictions.

    Finalement, lexposition des ordres juridiques internes une rglementationinternationale superpose, corrective et complmentaire, et par suite une comparai-son de la position relative des divers cadres de march nationaux par rapport cetterglementation, ne peut que renforcer une rivalit rgulatrice entre systmes natio-naux et systme international et entre les systmes nationaux, rivalit qui est dj laconsquence naturelle de lextension des marchs au-del des limites nationales etde la mobilit des facteurs de production.

    20. Lexemple le mieux connu est la discrimination rebours des entreprises et transactions nationales la suite de lobligation de la reconnaissance mutuelle de la qualit des produits et des servicestrangers sur la base du principe du pays dorigine (voir CJCE du 14 juillet 1994, aff. C-379/92,Peralta, Rec. 1994 I 3453 ; A. Epiney, Umgekehrte Diskriminierungen, Cologne (Heymanns) 1996,passim) ou larticulation difficile du contrle communautaire des subventions avec le droit nationaldu recouvrement des paiements de subventions illgales, voir CJCE du 20 mars 1997, aff. C-24/95,Alcan, Rec. 1997 I 1607 ; S. Zhlke, Durchgriffshaftung im europischen Beihilferecht, EuWiStR2003, 61, 63 et suiv. avec rfrences.

    21. Voir pour une dmonstration M. Franzen, Heininger und die Folgen : ein Lehrstck zumGemeinschaftsprivatrecht, JZ 2003, 321 (discutant CJCE du 13 dc. 2001, aff. C-481/99, Heininger,Rec. 201 I 9945) ; et pour une approche fondamentaliste Chr. Joerges, The Impact of European

    Integration on Private Law : Reductionist Perceptions, True Conflicts and a New ConstitutionalPerspective, 3 Eur. L.J. 378 (1997) ; id., Zur Legitimitt der Europisierung des Privatrechts berlegungen zu einem Recht-Fertigungs-Recht fr das Mehrebenensystem der EU, EU WorkingPaper 2003/2 European Private Law Forum Series (galement disponible sub www.iue.it/PUB/EUJ_WP.html).

    22. Voir pour une exception limite au refus par la CJCE de reconnatre lapplicabilit directe du GATTlvolution de la jurisprudence de la CJCE relative laccord ADPIC, CJCE du 16 juin 1998, aff. C-53/96, Herms International/FHT Marketing Choice, Rec. 1998 I 3603 ; du 14 dcembre 2000, aff.C-300/98 et C-292/98, Parfums Christian Dior/Tuk Consultancy, Rec. 2000 I 11307 ; du 13septembre 2001, aff. C.89/99, Schieving-Nijstad/Groeneveld, Rec. 2001 I 5851.

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    1.2 La mondialisation du droit conomique national

    Bref, plutt que de se contenter dune rglementation nationale du march qui estconforme aux exigences formelles du droit international, et plutt que de se contenterdune mise en uvre correcte et pratique des rgles internationales du march, ltatnational ou les groupements dtats forms en vue dune intgration conomiquergionale est amen ragir de faon offensive la mondialisation par unerorientation plus vaste et plus profonde de sa propre rglementation du march. Ladirection que prendra cette rorientation sera lobjet dun choix politique. Lorien-tation peut tre soit protectionniste, soit libralisatrice , et normalement elle

    reprsentera un mixdes diverses approches politiques. De toute faon, dans la plupartdes cas, cette rorientation visera non seulement les rgles nationales du commerceextrieur, savoir les rgles concernant les importations et les exportations, maisgalement et avant tout les rgles gouvernant le march intrieur mme, et ceci pourau moins deux raisons. Dune part, la raction nationale une globalisation libralisatrice doit chercher viter la discrimination rebours des entreprises etdes transactions. Dautre part, puisque la rorientation de la rglementation dumarch national constitue justement la raction au dfi pos par la globalisation, sonbut sera normalement damnager et de renforcer la position du march national parrapport aux autres marchs nationaux et internationaux. La mondialisation du droitconomique a donc deux faces, une tourne vers lintrieur, lautre tourne verslextrieur. Cependant, comme Janus, elle na quune tte par laquelle passent tous

    ses aspects, et cest prcisment cela qui en rend lanalyse si difficile.

    2 LE COLLOQUE DE RENNES :UNE APPROCHE SECTORIELLE

    2.1 Le choix des domaines du droit conomique examiner

    Plutt que dessayer de faire un encphalogramme de cette tte de Janus, etdexaminer la fois tous les problmes juridiques de la mondialisation, nous noussommes efforcs au colloque de Rennes dexaminer de plus prs comment seprsentent quelques domaines exemplaires du droit conomique aux yeux de ce dieu

    ambivalent.Ces domaines ont t regroups autour de trois thmes-clefs :

    2.1.1 Les rgles du march

    Sous ce chapeau, les rapporteurs et discutants ont trait :

    du contrle de la concentration des entreprises, donc des conflits rsultant delapplication dun rgime de droit territorial la restructuration globale de

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    lindustrie ; 23

    des services rglements24 et des industries de rseau,25 notamment les tlcom-munications, donc des difficults dune ouverture ncessaire des marchsnationaux ;

    des rgles-cadres du march protgeant un intrt public, in casu la sant,26 doncdes limites de la libre concurrence mondiale ou de la ncessit de mondialiser lesprincipes de la protection de lintrt public ;

    de lintervention directe par ltat dans le march par des subventions,27 donc delencadrement incertain de la souverainet de ltat par des rgles de contrleinternationales ou supranationales.

    2.1.2 Le statut des acteurs sur le march

    ce titre, des rapports et des commentaires ont t prsents :

    sur la faon dont se dveloppe, sous la pression des marchs financiers, lastructure de gouvernance des entreprises28 qui se trouvent en concurrence sur demultiples marchs ;

    sur la protection des travailleurs par le dveloppement de principes protecteursde porte internationale29 pour tenir compte de la mobilit des facteurs deproduction, de la ncessit dune galit des conditions de la concurrence et, enmme temps, dune protection suffisante et adquate sur le plan local ;

    sur la condition des consommateurs sur un march qui est globalis au point depermettre non seulement une concurrence internationale, mais encore uneapproche directe au consommateur par une offre globale et lapproche directe duconsommateur cette offre, savoir le march du commerce lectronique.30

    23. L. Idot, Le contrle des concentrations, RIDE 2002, 175 et commentaires par H. Ullrich, ibid. p. 206,et sur un thme connexe par R. Zch, ibid. p. 214 (Cloisonnement vertical un problme deconcurrence pour les petits pays).

    24. P. Demaret, Laccs au march des services rglements : la libralisation du commerce des servicesdans le cadre du Trait CE, RIDE 2002, 259.

    25. T. Pnard, Laccs au march dans des industries de rseau : enjeux concurrentiels et rglementaires,RIDE 2002, 293.

    26. E. Vos, Le principe de prcaution et le droit alimentaire de lUnion europenne, RIDE 2002, 219,et le commentaire par L. Boy, ibid. p. 253.

    27. J. Ziller, Du contrle juridictionnel de lintervention publique lencadrement juridique parlintgration conomique rgionale ou globale : aides publiques et fiscalit quelques pistes pourun programme de recherche, RIDE 2002, 313 et commentaires L. Cartelier, ibid. p. 329, B. Br-Bouyssire, ibid. p. 333.

    28. A. Couret, La structure juridique des entreprises (corporate governance), RIDE 2002, 339 etcommentaires J. Paillusseau, ibid. p. 368, P. Behrens, ibid. p. 376.

    29. M.-A. Moreau, Mondialisation et droit social : quelques observations sur les volutions juridiques,RIDE 2002, 383 et commentaire S. Hennion-Moreau, ibid. p. 401.

    30. J. Drexl, Le commerce lectronique et la protection des consommateurs, RIDE 2002, 405 etcommentaires D. Mldo-Briand, ibid. p. 445, . Balate, ibid. p. 450.

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    2.1.3 La rglementation des moyens de la concurrence

    cet gard, les dbats du colloque de Rennes ont port sur :

    le caractre appropri des instruments juridiques de la concurrence qui sont mis la disposition des entreprises non plus seulement par les droits nationaux, maisde faon uniforme par le droit international, notamment les droits de propritintellectuelle tels que fixs par lAccord OMC sur les aspects commerciaux desdroits de proprit intellectuelle (ADPIC) ;31

    la nature adquate de lorganisation autonome du contrle prudentiel desinstitutions des marchs financiers dont dpendent les entreprises pour leur

    financement ;32 la porte limite de la poursuite pnale des pratiques frauduleuses des entreprises

    par les tats nationaux et de leur coopration.33

    2.2 Le constat

    2.2.1 Principes, problmes rcurrents et ncessit de plus amples recherches

    Il nest pas question de rsumer ici les rapports du colloque de Rennes ou de prsenterles conclusions personnelles de leurs auteurs. Tout effort dune telle synthse devrait

    tre port un niveau dabstraction qui le rendrait infructueux. Toutefois, on peutnoter quelques problmes et principes rcurrents travers les domaines de droitexamins. Il sagit moins de rpter les principes dynamiques bien connus de lalibralisation des marchs, en particulier ceux rglant laccs au march, tels lesprincipes de la non-discrimination, de labrogation des entraves la libre circulationdes produits, des services, des personnes et des capitaux, de la protection contre desdistorsions de la concurrence par les pouvoirs publics ou le principe de la proportion-nalit de la sauvegarde des intrts publics, etc. Tous ces principes relvent delarsenal maintenant classique de lordre conomique international existant. Ilfaudrait plutt faire ressortir les principes et problmes de ltablissement et de lastabilisation ventuels dun ordre juridique international qui fixerait le cadre et leniveau de la rglementation des marchs, de ses acteurs et des moyens de laconcurrence.

    31. J. Reichman, Database Protection in a Global Economy, RIDE 2002, 455 et commentaire Th. Dreier,ibid. p. 505.

    32. J.-V. Louis, Mondialisation et contrle prudentiel : centralisation ou dcentralisation ?, RIDE 2002,529 et commentaire L. Dabin, ibid. p. 558.

    33. . Ruelle, Dfinition des dlits conomiques internationaux : rgles de fond et poursuites, RIDE2002, 513 et commentaire N. Rontchevsky, ibid. p. 523.

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    2.2.1.1 Ce dbut de dveloppement dlments communs de la rglementation-cadre des marchs est peut-tre le plus vident pour ce qui pourrait devenir un ordreprotecteur international, alors mme que ce devoir de protection est traditionnelle-ment celui de ltat national. Tant dans le droit social que dans le domaine de laprotection de la sant ou celui de la protection des consommateurs, on peut constaterque se dveloppent des concepts et des principes de protection communs quiconstituent la transformation et la transposition sur le plan international de conceptset de principes nationaux. Bien sr, en passant du niveau national au niveauinternational, ces principes peuvent subir une adaptation ou une mutation desubstance, et on peut discuter sur le point de savoir sils continuent tre adquatspar rapport aux problmes quils sont censs rgler. Mais il ne semble pas que cesoient toujours des standards minimum refltant le dnominateur commun le pluspetit.34

    2.2.1.2 Un autre thme rcurrent est la dtermination du niveau adquat de larglementation du march, sujet bien connu de lintgration rgionale. Cest ainsique, dans le droit antitrustde la concentration des entreprises, le conflit entre, dunepart, la rduction des cots de transactions et la porte conomique et territorialedune opration de concentration, et, dautre part, lintrt des tats de conserver leurpouvoir de contrle pour des motifs de politique de concurrence ou de politiqueindustrielle, tend tre rsolu par un compromis ambigu. Celui-ci risque pourtant dedevenir le modle gnral :35 la rduction des cots par des procdures harmonises,tout en maintenant le principe du contrle national.

    Cependant, en dautres domaines, la rivalit rgulatrice36 entre tats semble soitsuffisante elle-mme pour la production de rgles nationales quivalentes etsatisfaisantes,37 soit ncessaire comme prcurseur ou promoteur dune rglementa-

    34. Voir les rapports Vos, Moreau, et Drexl, supra n. 26, 29, 30.35. Voir ltablissement dun Global Competition Forum et dun rseau des autorit nationales de la

    concurrence pour pallier le manque de volont de crer un droit de la concurrence sur le plan delOMC, lui-mme rsultat des rivalits nationales, comp. W. Berg, S. Nachtsheim, S. Kronberger,Zusammenschlsse zwischen multinationalen Unternehmen und Fusionskontrolle, RIW 2003, 15 ;H. First, Evolving toward what ? The Development of International Antitrust, in J. Drexl (sous ladirection de), The Future of Transnational Antitrust Law, Berne (Staempfli) 2003, 23 ; U. Bge, S.Kijewski, Auf dem Weg zu einer vertieften internationalen Zusammenarbeit in derWettbewerbspolitik, RIW 2001, 401 ; M. E. Janow, C. R. Lewis, International Antitrust and the

    Global Economy, Perspectives on the Final Report and Recommendations of the InternationalCompetition Policy Advisory Committee to the Attorney General for Antitrust, 11 WorldCompetition 3 (2001), pour le Global Competition Forum voir sa homepage http//internationalcompetitionnetwork.org/index.html ; pour la coopration internationale voir P.Lampert, International Co-operation Among Competition Authorities, Eur. Comp. L. Rev. 1999,214 ; L. Idot, loc. cit. supra n. 23, p. 192 et suiv. ; E. Fox, Competition Law, in A. Lowenfeld, loc.cit. supra n. 3, p. 340, 377 et suiv.

    36. Voir H. Ullrich, Rapport de synthse, in L. Boy (sous la direction de), Lordre concurrentiel Mlanges en honneur de A. Pirovano, Paris (LHarmattan) 2003, 507 et suiv. avec rfrences.

    37. Voir A. Couret, loc. cit. supra n. 28 RIDE 2002, p. 361 et suiv.

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    tion internationale complmentaire.38 Tout cela signifierait que, mme dans lordrejuridique libral des marchs mondialiss, la rgle de la rglementation de cesmarchs est celle de la rglementation par les tats nationaux ou les groupesrgionaux dtats, et lexception celle de la rglementation internationale propre-ment parler. Cette sorte de bottom-up approach est maintenue mme danslhypothse dun paralllisme entre rglementation nationale et rglementationinternationale, comme cest le cas pour la protection de la proprit intellectuelle oupour le droit des transactions commerciales internationales, car la rglementationinternationale trouve toujours sa source dinspiration substantielle dans les droitsnationaux. cet gard, il est certes vrai que quelques droits nationaux dominent ledveloppement du droit conomique mondialis. Mais en tant que juriste dsabusdu droit de la concurrence, on se contentera de constater quil reste galement uneconcurrence rsiduelle effective.39

    2.2.2 La mondialisation : des concepts vasifs

    Avec ces quelques principes et ides rudimentaires, on est encore loin dunecomprhension et dune systmatisation concrtes de la mondialisation du droitconomique. Il nous manque des critres prcis dattribution des matires rgleraux diffrents niveaux de rglementation. De mme, larticulation exacte entre lesdivers niveaux rglementaires est encore au dbut de son dveloppement, notammentla problmatique de lapplicabilit directe du droit conventionnel international.40

    Puis, il nous manque des rgles de compatibilit entre les diverses rglementations

    nationales des marchs, le droit international priv ne pouvant rgler que les conflitsindividuels entre particuliers, pas les conflits systmiques, notamment les conflitsentre ordres publics protecteurs.41 En plus, lorientation dfinitive du dveloppementdes principes substantiels du droit conomique mondialis est encore ouverte, et ilreste, bien sr, les problmes de lgitimit de ce nouvel ordre conomique mondialen volution.

    38. Voir P. Demaret, loc. cit. supra n. 24, p. 286, 288 et suiv. ; J. Reichman, loc cit. supra n. 31, p. 491et suiv.

    39. Pour une illustration voir A. Couret, loc. cit. supra n. 28 RIDE 2002, p. 339 et suiv.40. Voir supra n. 19 et pour une approche par chelons suivant laccomplissement de lordre juridique

    mondial par linstitution dune garantie globale et uniforme de la libert de la concurrence, donc dunordre juridique priv mondial, J. Drexl, WTO und Privatrecht, in U. Ott, H.-B. Schfer (sous ladirection de), Vereinheitlichung und Diversitt des Zivilrechts in transnationalenWirtschaftsrumen, Tbingen (Mohr Siebeck) 2002, 333.

    41. On prendra pour exemple les conflits entre les systmes nationaux du droit de la concurrence, voirE. Fox in A. Lowenfeld, loc. cit. supra n. 3, p. 345 et suiv. ; J. Basedow, Weltkartellrecht, Tbingen(Mohr Siebeck) 1998, 11 et suiv. ; pour une analyse gnrale voir Chr. Koenig, J.-D. Braun, R.Capito, Europischer Systemwettbewerb durch Wahl der Rechtsregeln in einem Binnenmarkt frmitgliedstaatliche Regulierungen ? EuWistR 1999, 401 ; pour une vue plus optimiste P. Behrens,Die Bedeutung des Kollisionsrechts fr die Globalisierung der Wirtschaft, in J. Basedow (sous ladirection de), Aufbruch nach Europa, Festschrift Max-Planck-Institut fr Privatrecht, Tbingen2001, 381 ; id., Rechtliche Strukturen der Weltwirtschaft in konstitutionenkonomischerPerspektive, 18 Jhb. NP 9 (1999).

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    toutes ces incertitudes, que nous ne pouvions point carter dans le cadre denotre projet limit, sajoutent encore de multiples difficults danalyse.

    2.2.2.1 Une premire difficult danalyse rsulte des conditions dans lesquellesltat national (ou les groupements rgionaux dtats) doit entamer une rorientationde sa rglementation du march national en vue de la mondialisation.

    Dune part, ltat national ne peut ni se limiter un simple protectionnismeterritorial ni se concentrer seulement sur le renforcement de la position de sonindustrie nationale (ou inversement sur le renforcement de la protection de sesconsommateurs ou de ses intrts publics nationaux). La mondialisation

    libraliste fait que tous les marchs sont ouverts, que lindustrie locale na plus proprement parler un caractre national, mais international, car elle est en partiedorigine trangre et pour une autre partie oriente vers ltranger. De mme, lesconsommateurs peuvent aussi bien acheter ltranger qutre domicilis ltran-ger, et les risques pour les intrts publics, telle la protection de la sant ou delenvironnement, ne sont plus localisables. Ce nest donc plus pour son peuple oupour son industrie que ltat peut dfinir sa rglementation du march. Il doitplutt rgler le march en tant que tel. Plus prcisment, il lui faut trouver unerglementation qui fait dun march territorialement ouvert un march qui, par sesconditions conomiques et rglementaires, devient son march particulier et propre.Par consquent, le fait que les limites des marchs ne sont plus dtermines par leslimites territoriales de la porte de leurs rglementations, mais par la particularit desconditions conomiques rsultant de telles rglementations conduit ncessairement la prfrence dune approche de rgulation indirecte grce une dfinition adquatedes conditions-cadres du march, plutt quau maintien dun interventionnismedirect inefficace, car non contrlable quant ses destinataires et bnficiaires. Cecisera dautant plus vrai que lintervention directe est place sous contrle internatio-nal. Ltat est donc, en fait et en droit, contraint un certain libralisme. Dans ce sens,sa souverainet est limite.

    Toutefois, ce libralisme peut tre de nature plus ou moins claire, et lasouverainet limite nest pas quivalente une soi-disant dstatisation. De mme,la transformation des conomies planifies en conomies de march ne signifienullement une convergence totale des ordres conomiques. Seulement, la distinctiondes diffrents styles conomiques devient plus difficile, car plus subtile.42 Maiselle devient galement plus importante si lon veut viter que la rorientation, au lieude mener une innovation dans la rglementation du march national, spuise danslimitation par un tat de la rglementation du march dun autre tat ou dautrestats dominants.

    42. Voir pour une approche politico-conomique populaire M. Albert, Capitalisme contre capitalisme,Paris (Seuil) 1991 ; et pour une analyse socioconomique plus pousse H. Leibholz, Die kulturelleEinstellung der Wirtschaftsordnungen, in B. Wentzel, D. Wentzel, (sous la direction de),Wirtschaftlicher Systemvergleich Deutschland/USA, Stuttgart (Lucius, Lucius) 2000, 1.

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    Dautre part, la rorientation de la rglementation du march national ne secontentera justement pas dune raction aux pressions de la mondialisation. Lamondialisation servira plutt de justification additionnelle pour une modernisationou une adaptation gnrale du systme conomique existant, laquelle sera devenuencessaire pour des raisons de nature purement interne, tels les changements sociaux,technologiques, dmographiques, etc. Nombre de ces changements ont galementtendance entraner une libralisation de la rglementation des marchs.43 Commentalors distinguer la mondialisation du droit conomique national de sa modernisa-tion ? Voil une des grandes difficults danalyse de la mondialisation du droitconomique.

    2.2.2.2 La deuxime difficult danalyse de la mondialisation du droit conomiqueest que le phnomne mme de la mondialisation conomique est trop complexe pourtre ramen une seule cause de lvolution du droit conomique national ouinternational. Dabord, ce nest pas un phnomne rcent.44 Plutt est-ce unenouvelle phase de linternationalisation de lconomie, laquelle a commenc aprsla guerre avec ltablissement des socits multi-, puis transnationales. Cette inter-nationalisation de lconomie prit de lenvergure au fur et mesure que lesngociations commerciales multilatrales au sein du GATT donnrent comme rsultatla rduction des obstacles tarifaires et quantitatifs la libre circulation des produits,car cette premire libralisation ne fit que faire ressortir les autres obstacles aucommerce moins visibles. cette phase de laccroissement du commerce extrieur,qui tait galement d la prosprit croissante des conomies en voie dindustria-

    lisation, et donc lintrt des industries nationales dveloppes de profiter de leurpouvoir dachat croissant, se sont superposs, avant et surtout aprs lUruguayRound, dune part, une phase de libralisation des services et, dautre part, unapprofondissement de la division internationale du travail. Ces deux phnomnes ontt favoriss par linformatisation de lconomie et par le dveloppement technolo-gique, et puis, en plus, par la libralisation des services de tlcommunications.45

    Le rsultat consiste en plusieurs mondialisations partielles : celle du commerceet celle surtout de la production par la fragmentation de la chane de cration deplus-values,46 laquelle entrane une forte interconnexion des marchs gographiquement

    43. Lexemple le plus vident est sans doute celui des tlcommunications o linnovation technologi-que a permis de transformer un monopole naturel en un march concurrentiel, et une volution

    analogue a eu lieu, pour des raisons technologiques connexes, dans le secteur de la tlvision(admission des chanes prives la suite du dveloppement de la transmission par cble et parsatellite).

    44. Voir P. Bernholz, Globalisierung : Ein neues Phnomen ?, in Th. Theurl, Chr. Smekal (sous ladirection de), Globalisierung, Tbingen (Mohr Siebeck) 2001, 2 ; A. Freytag, R. Sally, Globalisationand Trade Policy : 1900 and 2000 Compared, 19 Jhb. NP 191 (2000).

    45. Voir pour une analyse empirique sommaire H. Klodt, Globalisierung : Phnomen und empirischeRelevanz, 17. Jhb. NP 7 (1998).

    46. Pour rfrences voir H. Ullrich, Des changes internationaux la globalisation de la production etla concurrence des systmes, RIDE 2002, 206.

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    spars. Cest une mondialisation des activits conomiques visibles qui est large-ment fonde sur la ralisation du principe de lavantage compar des nations, doncsur lexistence dune grande diversit des marchs et de leurs conditions. En plus, ily a une mondialisation des activits conomiques invisibles, savoir des prestationsde services immatriels, surtout des services informatiques ou des services rendus enforme informatique, et des services de tlcommunication. Lorigine de cettemondialisation se trouve dans le progrs technologique, lequel a une tendance transformer les marchs territoriaux en un seul et vritable march global, surtout lemarch on-line et le march des tlcommunications, bien que la diffrenciationnationale des prix ne soit nullement exclue par cette transformation.

    ces mondialisations conomiques sajoute la mondialisation des risquesrsultant de la libre circulation des produits et services et de la mobilit du capital etdes personnes, savoir les risques sanitaires et sociaux. Il faut y ajouter encore lamondialisation du fait des risques de la pollution de lenvironnement, lesquels, pourune grande partie, sont globaux par nature, et qui, tous, demandent dtre pris encompte par la rglementation des marchs.

    Le problme de tous ces aspects de la mondialisation conomique en gnral estquils suscitent tous des difficults propres, quils sont tous lis et interdpendants,que les causes technologiques et sociales ou socitales de la mondialisation seprsentent galement et souvent de la mme faon sur le plan national, o elles sont lorigine de la modernisation de la rglementation des marchs, et que ceparalllisme renforce une interdpendance des marchs nationaux entre eux et avec

    le march mondial, qui sest dj fortement dveloppe sous les pressions de lamondialisation commerciale. Bref, mme si, au cas par cas, on peut trs bienidentifier et isoler thoriquement les facteurs de la mondialisation conomique, surle plan systmique, ils constituent un amalgame inextricable qui permet peine desparer la mondialisation du droit conomique de sa modernisation.

    Par consquent, la similitude des orientations de la rglementation nationale desmarchs territoriaux et de la rglementation internationale des marchs ne sembletre ni le fait seulement dune dominance par un ou par quelques tats, ni, a fortiori,le rsultat simplement de limposition dune superstructure rglementaire internatio-nale, bien quil y ait des exemples dmontrant le contraire.47 Cette similitude parattre plutt, au moins pour une bonne part, le fruit dune convergence et duneinterdpendance des intrts et des besoins de la rglementation.48

    47. Voir pour laccord ADPIC P. Drahos, J. Braithwaite, Information Feudalism, New York (New Press)2003, 10 et suiv., 108 et suiv. ; H. Ullrich, Industrial Property Protection, Fair Trade, andDevelopment, in F.-K. Beier, G. Schricker (eds.), GATT or WIPO ? New Ways in the InternationalProtection of Intellectual Property, Weinheim (Verlag Chemie) 1989, 127.

    48. Pour une analyse de la complexit et de la varit des causes et influences de la rglementationmondialiste, voir P. Drahos, J. Braithwaite, The Globalisation of Regulation, 9 J. Pol. Phil. 103(2001) rsumant en partie ltude monographique des auteurs Global Business Regulation, Cam-bridge (Cambridge University Press) 2000.

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    3 LE COLLOQUE DE TUNIS :UNE APPROCHE TRANSVERSALE

    3.1 Les problmes

    Ce constat du colloque de Rennes, qui est tout fait sommaire et personnel, nest pascomplet. Lors des discussions Rennes, beaucoup dautres aspects de la mondiali-sation du droit conomique ont t voqus, telle la grande divergence existant entreles conomies nationales et entre leur rglementation, ou les problmes rsultant dela diversit des organisations internationales de rglementation du march, et de la

    spcialit de leurs comptences.49 De mme, la transposition de principes derglementation, et plus particulirement les principes de protection, dans dautrescontextes socio-gographiques que ceux o ils ont pris naissance peut engendrer deseffets pervers qui ont t maintes fois souligns.

    Quoi quil en soit, une leon tirer du colloque de Rennes est que la rgle du droitconomique, mme si elle est encore de nature territoriale, nest plus nationale danssa substance, mais mondialiste ou, tout au moins, elle nest plus introvertie, maisextravertie (et en cela, elle est soit agressive, soit dfensive50). La nouvellergulation conomique cherche ou bien intgrer un march national dans unmarch plus large (rgional ou mondial) en autorisant laccs au march national, oubien tendre le rgime national aux transactions internationales, ou encore ellesintgre dans un systme de droit supranational ou de droit internationalement

    harmonis. Bref, les rgles du droit conomique mondialis refltent toujours unchoix politique pris diffrents niveaux de gouvernance nationale et internatio-nale. Loin dtre un phnomne de pur fait conomique, la mondialisation estpromue, soutenue et oriente par le droit autant que le droit est conu, model etrform en vue de ces fonctions de direction, ft-elle trs librale et indirecte. Cestcette normativit de la mondialisation conomique qui sera lobjet des rapportstransversaux du colloque de Tunis.

    3.1.1 Ltablissement des rgles rgissant le march (les niveaux multiples)

    Le cadre de cette analyse transversale est trs simple. Il sagissait dabord dexaminerltablissement des rgles rgissant les marchs, et plus particulirement les institu-

    tions fixant le cadre juridique des marchs. cet gard, il ne pouvait pas tre question

    49. Voir Ch. A. Morand, loc. cit. supra n. 15, p. 89 et suiv. ; le danger rsultant de cette spcialisationest non seulement la perte dune vue densemble et lexagration de ses objectifs propres par touteorganisation internationale, mais galement lignorance du contexte et des effets indirects delactivit de lorganisation spcialise.

    50. Le dveloppement des principes de lpuisement international des droits de proprit intellectuelle,qui, par leur nature, confrent au titulaire une exclusivit territoriale, est cet gard paradigmatique,voir H. Ullrich, International Exhaustion of Intellectual Property Rights : Lessons from EuropeanEconomic Integration, Mlanges M. Waelbroeck, Bruxelles (Bruylant) 1999, 205.

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    dtudier le systme des institutions conomiques internationales dans son ensemble,mais seulement de prciser, par une approche fonctionnaliste, les rles, fonctionset finalits politiques de ces institutions, et donc celles des rgles quelles produisent.L encore, il fallait choisir et, dans un premier temps, focaliser lexamen sur le rlede promoteur, de protecteur et dintermdiaire que joue si souvent, bien que nonexclusivement, lintgration rgionale par rapport aux tats en perte du contrlesouverain des marchs territoriaux ouverts. Il sagissait donc moins dexaminer endtail la substance des rgles du droit des marchs intgrs que de voir comment lestats et les organisations dintgration rgionale redfinissent leurs positions dans unsystme de marchs globaliss quelle libert lintrieur, quelles politiquescommunes, quelle protection vers lextrieur, quel renforcement de leurs positionsinternationales et comment les pouvoirs de rgulation des marchs sont partagsentre les tats, et entre les tats et lorganisation dintgration rgionale. La faondont les deux rapports51 traitent de ces questions et de celle de la porte et dumcanisme dintgration en dit long sur les diffrences fondamentales dapproche delintgration rgionale.

    Ensuite, il ntait pas question non plus de traiterin extenso de ltablissementdes rgles du march mondial et de dmontrer en dtail comment, de principesdouverture des marchs territoriaux, elles se sont changes et se changent encore enrgles communes des marchs globaliss. La panoplie des organisations conomi-ques mondiales et la varit de leur mode de fonctionnement sont la fois trop bienconnues et trop grandes pour tre prsentes utilement dans un rapport. Mais larationalit des rgles internationales du march mondial et la fonctionnalit desorganisations internationales, qui produisent et contrlent une large part de cesrgles, peuvent tre values par rapport la thorie conomique et lvolution relledes marchs. Il fallait donc sassurer des outils analytiques ncessaires.52

    3.1.2 Les principes de la rglementation des marchs globaliss(lorientation mondialiste)

    Sur le plan des principes de la rglementation des marchs globaliss, lintrt delexamen est double. Dune part, il y a les rgles douverture des marchs nationauxqui sont gnralement reconnues et mises en uvre. cet gard, il est donc moinspressant de rexaminer leurs bases lgales, leur porte et leur application pratique.Par contre, il est plus important danalyser leurs raisons dtre et leurs fonctions, car,

    du fait de leur reconnaissance en principe, elles semblent subir une transformation,

    51. Voir pour lUnion europenne : I. Govaere, Ltablissement des rgles des marchs nationaux ourgionaux : de ltat rgulateur souverain aux organisations dintgration rgionale promotrices,protectrices et intermdiaires, infra p. 313 ; pour la Communaut andine : T. Uribe Mosquera, Ledroit de lintgration dans la Communaut andine : le systme andin dintgration face aux dfis dela dcennie actuelle (prsentation non entirement disponible en version franaise).

    52. P. Behrens, Ltablissement des rgles du march mondial : de louverture des marchs territoriauxaux rgles communes des marchs globaliss, infra p. 339.

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    passant de rgles dun processus douverture des marchs en rgles garantissantlacquis dune ouverture accomplie, entranant par l mme la fois une adaptation libraliste , mais hsitante, de la rglementation interne des marchs53 et lancessit dun rgime de sauvegarde de la libre concurrence entre entreprises.Dautre part, il est ncessaire de faire ressortir les principes qui, en face dunemutation ventuelle de lordre public international en un ordre public mondial,54 eten contrepied dun ordre concurrentiel trop strictement libral, se font jour pourprotger les intrts publics. La question a dj t pose par rapport quelquessecteurs spcifiques Rennes,55 de sorte que, Tunis, il fallait en faire une analyseplus synthtique, et essayer dintgrer, par une approche diffrencie, notamment laprotection des intrts diffus et des biens collectifs dans le cadre dun ordreconcurrentiel niveaux multiples national et mondial.56 Finalement, il est rappelerque, faute de la reconnaissance ou dune renaissance des ides dun nouvel ordreconomique international,57 le respect de la situation particulire et des besoinsspcifiques des pays en voie de dveloppement, qui est inscrit dans un grand nombrede rgles spcifiques, ne sest toujours pas concrtis en un principe cohrent etcontraignant du droit public conomique international.58

    3.1.3 La mondialisation conomique par qui et pour qui (les acteurs privs)

    La mondialisation conomique nest pas le rsultat de changements de la rglemen-tation internationale du commence et des marchs, mais de lactivit des entrepriseset consommateurs qui cherchent profiter de nouvelles opportunits technologiques

    ou conomiques. Cela est bien connu pour les entreprises multinationales, mais leursmodes dorganisation et daction, et les effets normatifs de leurs oprations traversles frontires, mritent un rexamen tant ils constituent des lments cruciaux dudroit conomique mondialiste. Cest ainsi que les rseaux contractuels par lesquelsles entreprises, notamment les multinationales, grent une production mondialementfragmente ou la distribution internationale, tendent constituer de vritables ordres

    53. U. Ehricke, Les principes de libration et de libralisation : de louverture des marchs ladaptationaux conditions de la concurrence globale. Lexemple de la CE, infra p. 357. La question complmen-taire de savoir dans quelle mesure la diversit des rgles nationales du march demande uneharmonisation internationale ou, au contraire, permet une concurrence des systmes fructueuse,qui a dj t aborde lors du colloque de Rennes (voir supra n. 37-39), na pas pu tre approfondie

    dans le cadre du colloque de Tunis.54. M. M. Mohamed Salah, De lordre public international lordre public mondial ?, paratre dans un

    numro ultrieur de cette revue.55. Voir supra n. 26, 29, 30.56. J. Drexl, Les principes de protection des intrts diffus et des biens collectifs : quel ordre public pour

    les marchs globaliss ?, infra p. 387.57. Voir P. Verloren Van Themaat, The Changing Structure of International Economic Law, La Hague

    (Nijhoff) 1981.58. R.G. David, Le principe du respect de la situation particulire des pays en dveloppement et de

    lassistance au dveloppement, infra p. 373.

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    juridiques autonomes intra-ou mme extra-groupes,59 et que le traitement fiscal destransactions intra-groupes semble tre juridiquement prform par les socitscontribuables ou mme ngoci avec le fisc receveur.60 Alors que la lgitimit de cetordre juridique priv promoteur de la mondialisation de lconomie et du droitconomique nest pas douteuse en soi, mais seulement en son caractre prdominant,la rglementation des marchs par les organisations et les conventions intertatiquessouffre dun dficit dmocratique gnralement reconnu, dont souvent les autresacteurs du march, savoir les consommateurs, supportent les frais. La constitution,en tant que contre-pouvoir, dune socit civile dfensive de ses intrts61 et laconstitutionnalisation dun ordre juridique international travers, dune part, lajuridicisation des rgles conomiques des changes internationaux et, dautre part,la reconnaissance de principes de protection des intrts non conomiques prsententdonc un champ vaste dinvestigation, dont au moins les grandes axes peuvent djtre dfinis.62

    3.1.4 La mise en uvre de la mondialisation du droit conomique

    La problmatique de toutes les questions prcdentes se rvle sur le plan de la miseen uvre du droit conomique mondialiste lorsque les acteurs du march rclamentdevant la justice nationale ou devant une justice internationale encore in statunascendi, sinon dfaillante les liberts et la protection qui leur ont t promises parune rglementation internationale ou nationale (mais dorigine internationale ou vocation internationale). Les mots-clefs sont connus : droits subjectifs, invocabilit

    directe ou non des conventions internationales, recours indirects et mdiation desintrts privs par ltat, etc. Mais la question sous-jacente fondamentale est celle desavoir si et comment les liberts concdes la suite de ngociations commercialesfondes sur la rciprocit des concessions et comment les principes servant soit debase la politique commerciale des tats soit leur contrle ou leur encadrement,pourraient, par une transformation miraculeuse, se rclamer de la lgitimit des droitsfondamentaux qui se justifient par leurs valeurs propres,63 et si une telle transforma-tion est vraiment compatible avec les besoins de flexibilit et de soubassementtatique de lordre conomique mondialiste. cet gard, lexamen des instrumentsjuridiques de la protection des intrts diffus et des bien collectifs est particulire-ment rvlateur dans la mesure o la distribution des rles des pouvoirs publics et des

    59. M. Leitao Marques, Du commerce international aux changes intra-groupes et entre membresdassociations de coopration. Lentreprise poly-locale et les rseaux, infra p. 411.

    60. M. Snoussi, Les stratgies juridiques des socits transnationales : lexemple des prix de transfert,infra p. 443.

    61. . Balate, Les contre-pouvoirs : lexemple de la reprsentation internationale des consommateurs, paratre dans un numro ultrieur de cette revue.

    62. L. Boy, Le dficit dmocratique de la mondialisation du droit conomique et le rle de la socitcivile, infra p. 471.

    63. W. Bourdon, Les instruments juridiques de la libration et de la libralisation des marchsglobaliss : de la libert concde la libert fondamentale, paratre dans un numro ultrieur decette revue.

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    particuliers est en train de changer. Ltat partagera son rle de protecteur des intrtspublics diffus avec les organisations non gouvernementales des niveaux multiplesde la mondialisation, tout en voyant la fois ses devoirs accrus, du fait de lareconnaissance croissante de principes internationaux protecteurs dintrts publics,et ses pouvoirs soumis un contrle toujours mieux dfini et subtile. Les particuliersaccderont, individuellement ou en association, des droits de contrle juridique au-del du niveau de ltat, mais ceci peut-tre plus souvent dans le cadre de leursintrts conomiques individuels que dans lintrt dun bien collectif.64

    3.2 Les perspectivesCe nest pas au rapport dintroduction, mais au rapport de synthse65 douvrir lesperspectives du dveloppement du droit conomique mondialis. Nanmoins, leconstat du colloque de Rennes et la prparation de celui de Tunis en une priode quisemble annoncer un changement de direction dans lvolution du droit conomiquemondialiste66 mincitent me permettre une constatation personnelle. On a souventtendance voir la mondialisation du droit conomique comme si ctait un principematriel du droit conomique ou, pour le moins, comme si ctait une orientationsubstantielle et stable de son dveloppement. Il me semble, cependant, quelle estplutt le rsultat dune attitude vis--vis de la rglementation des marchs ou uneapproche de politique lgislative et dinterprtation jurisprudentielle aux problmesnon seulement de transposition sur le plan national des rgles internationales daccs

    aux marchs et de non-discrimination sur les marchs, mais encore et surtout dedfinition et dapplication de la rglementation interne des marchs territoriaux.Cette approche se fonde sur un esprit douverture des marchs territoriaux et de leurintgration dans un rseau de marchs constituant lconomie mondiale. Lobjectifdirecteur est dassurer linterconnexion des marchs et la compatibilit de leursrglementations tout en sauvegardant la varit et la diversit des choix politiquesspcifiques lors de la dtermination de lquilibre entre ordre juridique libral etordre juridique protecteur. Les tats tabliront cet quilibre en conformit de leursintrts et de leurs besoins propres. Sur le plan mondial, lquilibre nest pas encoretrouv, et il sera dautant plus difficile dterminer que la diversit des intrts enjeu tend toucher aux extrmes, que les intrts des acteurs sur les marchs sontsouvent mdiatiss et rorients par les intrts propres des tats et des organisationsinternationales, et que les principes juridiques de la rglementation nont pas encorepu smanciper suffisamment de la raison de lavantage commercial immdiat.

    64. J. Ziller, Les instruments juridiques de la protection des intrts diffus et des biens collectifs : le rledes pouvoirs privs et la rentre des pouvoirs publics, infra p. 495.

    65. G. Farjat, Propos critiques et utopiques sur lvolution du droit conomique et la mondialisation,infra p. 511.

    66. Voir pour les objectifs et espoirs associs lagenda de Doha pour un nouveauroundde ngociationscommerciales multilatrales, World Trade Organisation, The fourth WTO Ministerial Conference,Ministerial Declarations and Decisions, disponible sub. http ://www.wto.org/english/tratop_e/dda_e.htm, et pour les rsultats au demeurant dcevants.

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    Cest pourquoi lobjectif du colloque de Tunis, comme, bien sr, celui ducolloque de Rennes, tait et est de contribuer, ft-ce de faon trs modeste, lanalysejuridique de la mondialisation conomique.

    SUMMARY: GLOBALISATION OF ECONOMIC LAW:TOWARDS A NEW ORDRE PUBLIC CONOMIQUE.INTRODUCTORY REPORT

    The introductory report to the second AIDE-colloquium on Globalisation of

    Economic Law, which was subtitled Towards a New ordre public conomique,presents, first, economic globalisation as a process of market opening and extensiongoverned by a tight network of international legal rules of different nature. However,such a hierarchical view of globalisation of economic law is faced with conceptualdifficulties resulting from the continued dominance of globalisation by (some major)States, from the problems of transposing international rules on to the nationalterritorial level, and from systems frictions and rivalries. In fact, much of legal-economic globalisation is due not so much to States revising the international tradelaws, but to their reorientating internal market law with a view to enhance theattractiveness of domestic markets and competitiveness of domestic (rather thannational) industry.

    At the preceeding colloquium in Rennes (see Rev. int. dr. con. 2002, No. 2-3) these

    legal developments had been examined with respect to specific areas of the law, withrespect to changes of the law on corporate governance, on the protection ofemployees and of consumers and with respect to the ways and means of competition.Among the legal concepts emerging from that examination are not only principles ofliberalisation and non-discrimination, but also international standards of protectionand rules on the distribution of regulatory authority between States, regionalorganisations of economic integration and global organisations, with the basicauthority and political weight still laying with the nation-state. As a result, regulatorycompetition is widespread and, both a source of sufficient and of innovative marketrules.

    However, as there are no generally accepted legal rules on how to determine thelevels of regulation or on how to resolve conflicts between regulatory systems, and

    as the development of the principles of globalised economic law lacks democraticlegitimacy, the concept of globalised economic law still is an elusive one. Thus, onlysome features of the overall development could be examined and characterized moreclosely, such as the way States reorientate domestic regulation in view of their lossof territorial control. The necessity of such reorientation, however, is not only dueto globalisation, but to many factors (such as societal changes, technologicalprogress, etc.), so that it is difficult to isolate the influence of globalisation, quiteapart from the fact that globalisation itself is a complex phenomenon with its own

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    history. Consequently, globalisation evolves on both the national and the internatio-nal level as a multi-faceted, concomitant, if non parallel development of the law, oneof its features being the redirection of national law towards a globalist perspec-tive.

    The objective of the Colloquium of Tunis was to complement the vertical, problem-specific approach of Rennes by an analysis of the horizontal principles of globaleconomic law. To this effect, four general topics had been defined as a matter ofstructuring the legal framework of economic globalisation. These were :

    the establishment of the rules governing the markets, a topic that was approachedon both a general theoretic level (Behrens) and with a view to determine the role

    of the various national, regional and international levels of regulation(Govaere) ;

    the principles of regulating globalised markets, in particular the role of the ruleson market access (Ehricke), the respect of the situation of less developed countries(David), and the protection of diffuse interests and of collective goods (Drexl) ;

    the status, roles and modes of operation of the actors of globalisation, inparticular, on the one hand, those of multinational enterprises as regards the legalimplication of fragmented production and distribution (Leitao Marques), and oftheir transfer pricing policies (Snoussi), and, on the other, those of the membersof a civil society with its claim to fill in democratic deficits of globalisation(Boy) ;

    the implementation and activation of globalisation of economic law, in particularthe problems of transforming principles of market liberalisation that result fromtrade negotiations (i.e. from reciprocal dealings) into normative principles ofconstitutional value (Bourdon),67as well as the problem of redefining the role ofpublic authorities as guardians of diffuse and/or collective interests, and ofguaranteeing adequate access to the court system (Ziller).

    67. To be published in a subsequent issue of RIDE.