6
Méningites lymphomateuses dossier Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n° 1 - janvier-février 2015 25 25 Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse Biological diagnosis of leptomeningeal disease M. Costopoulos*, K. Maloum* RÉSUMÉ Summary » L’atteinte méningée des lymphomes est actuellement définie par la présence de cellules lymphomateuses dans le liquide céphalorachidien (LCR). La prévalence de l’envahissement méningé est incertaine, ce qui peut s’expliquer par la diversité des techniques utilisées et de l’expérience des centres dans la détection de ces cellules. Le LCR est un milieu particulièrement difficile à étudier, en raison de sa fréquente paucicellularité et d’une possible mortalité cellulaire précoce. La technique de référence pour l’analyse du LCR repose encore aujourd’hui sur la cytologie associée à l’immunomarquage. L’interprétation est cependant parfois délicate, du fait de la présence de cellules réactionnelles. L’apport des nouvelles technologies, comme la cytométrie en flux et la biologie moléculaire, est incontestable. Ces techniques fournissent des arguments supplémentaires pour le diagnostic de méningite lymphomateuse. Cette revue présente les intérêts et les limites de ces différentes techniques d’analyse. Mots-clés : Liquide céphalorachidien − Atteinte méningée de lymphome − Cytologie − Cytométrie en flux − Clonalité. Leptomeningeal involvement of lymphomas is defined by the presence of malignant cells in the cerebrospinal fluid (CSF). The prevalence of this affection is uncertain, which may be explained by the various existing techniques and the experience of each hospital center to detect these cells. CSF is a very precious sample with a frequent low cellularity and possible cell mortality. Cytopathological examination of the CSF is considered as the gold standard for the diagnosis of leptomeningeal malignant disease. Due to some limits of this approach, especially interpretation difficulties, a multimodal investigation of CSF is required. Modern technologies, including flow cytometry and molecular analyses, may increase sensitivity and specificity, therefore facilitating the diagnosis of lymphomas. This review provides an overview of the current aspects of CSF analyses in lymphomas. Keywords: Cerebrospinal fluid − Leptomeningeal lym- phoma − Cytology − Flow cytometry − Clonality. * Service d’hématologie biologique, hôpital de la Pitié-Salpêtrière- Charles-Foix, Paris. L a prévalence de l’envahissement méningé, actuel- lement défini par la présence de cellules lym- phomateuses dans le liquide céphalorachidien (LCR), est comprise entre 15 et 42 % des cas selon les séries (1). Cet écart peut s’expliquer par la diversité des techniques utilisées et de l’expérience des centres. Le LCR est un milieu particulièrement difficile à étudier en raison de sa fréquente paucicellularité et d’une possible mortalité cellulaire précoce. À ce jour, le diagnostic des méningites lymphomateuses repose sur la cytologie, qui, parfois, reste d’interprétation difficile en raison de la présence de nombreux lymphocytes réactionnels et de la faible quantité de cellules lymphomateuses. Cela justifie un complément d’analyse par une étude immunocytochimique sur lame utilisant des anticorps monoclonaux (anti-CD20 et anti-CD3). En raison de la faible sensibilité de la cytologie et pour améliorer le diagnostic des localisations méningées des lymphomes, qu’elles soient primitives ou secondaires, il a été néces- saire de développer des techniques complémentaires de cytométrie en flux (CMF) ou de biologie moléculaire et d’étudier les intérêts et les limites de ces différentes techniques d’analyse en complément de la cytologie conventionnelle. Cytologie L’étude cytologique nécessite un prélèvement de LCR en quantité suffisante lorsqu’une localisation lympho- mateuse est suspectée. En effet, selon la numération des éléments préalablement réalisée, la quantité de LCR destinée à être cytocentrifugée pour concentrer les cellules sur une lame est différente. L’échantillon doit parvenir rapidement au laboratoire (idéalement, dans les 2 heures après le prélèvement) et être pris en charge immédiatement. La quantité minimale de LCR nécessaire à la cytologie et à l’immunocytochimie est de 1 mL. Deux lames sont confectionnées en vue de l’étude cytologique, et au moins 4 lames le seront pour

Diagnostic paraclinique d’une méningite …Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n 1 - janvier-février 2015 2277 Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse

  • Upload
    others

  • View
    8

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Diagnostic paraclinique d’une méningite …Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n 1 - janvier-février 2015 2277 Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse

Méningites lymphomateuses

d o s s i e rN

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n° 1 - janvier-février 2015 2525

Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuseBiological diagnosis of leptomeningeal diseaseM. Costopoulos*, K. Maloum*

SU

Su

mm

ar

y

» L’atteinte méningée des lymphomes est actuellement défi nie par la présence de cellules lymphomateuses dans le liquide céphalorachidien (LCR). La prévalence de l’envahissement méningé est incertaine, ce qui peut s’expliquer par la diversité des techniques utilisées et de l’expérience des centres dans la détection de ces cellules. Le LCR est un milieu particulièrement diffi cile à étudier, en raison de sa fréquente paucicellularité et d’une possible mortalité cellulaire précoce. La technique de référence pour l’analyse du LCR repose encore aujourd’hui sur la cytologie associée à l’immunomarquage. L’interprétation est cependant parfois délicate, du fait de la présence de cellules réactionnelles. L’apport des nouvelles technologies, comme la cytométrie en fl ux et la biologie moléculaire, est incontestable. Ces techniques fournissent des arguments supplémentaires pour le diagnostic de méningite lymphomateuse. Cette revue présente les intérêts et les limites de ces diff érentes techniques d’analyse.

Mots-clés : Liquide céphalorachidien − Atteinte méningée de lymphome − Cytologie − Cytométrie en fl ux − Clonalité.

Leptomeningeal involvement of lymphomas is defi ned by the presence of malignant cells in the cerebrospinal fl uid (CSF). The prevalence of this aff ection is uncertain, which may be explained by the various existing techniques and the experience of each hospital center to detect these cells. CSF is a very precious sample with a frequent low cellularity and possible cell mortality. Cytopathological examination of the CSF is considered as the gold standard for the diagnosis of leptomeningeal malignant disease. Due to some limits of this approach, especially interpretation diffi culties, a multimodal investigation of CSF is required. Modern technologies, including flow cytometry and molecular analyses, may increase sensitivity and specifi city, therefore facilitating the diagnosis of lymphomas. This review provides an overview of the current aspects of CSF analyses in lymphomas.

Keywords: Cerebrospinal fluid − Leptomeningeal lym-phoma − Cytology − Flow cytometry − Clonality.

* Service d’hématologie biologique, hôpital de la Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix, Paris.

L a prévalence de l’envahissement méningé, actuel-lement défi ni par la présence de cellules lym-phomateuses dans le liquide céphalorachidien

(LCR), est comprise entre 15 et 42 % des cas selon les séries (1). Cet écart peut s’expliquer par la diversité des techniques utilisées et de l’expérience des centres. Le LCR est un milieu particulièrement diffi cile à étudier en raison de sa fréquente paucicellularité et d’une possible mortalité cellulaire précoce. À ce jour, le diagnostic des méningites lymphomateuses repose sur la cytologie, qui, parfois, reste d’interprétation diffi cile en raison de la présence de nombreux lymphocytes réactionnels et de la faible quantité de cellules lymphomateuses. Cela justifi e un complément d’analyse par une étude immunocytochimique sur lame utilisant des anticorps monoclonaux (anti-CD20 et anti-CD3). En raison de la faible sensibilité de la cytologie et pour améliorer le diagnostic des localisations méningées des lymphomes, qu’elles soient primitives ou secondaires, il a été néces-saire de développer des techniques complémentaires

de cytométrie en fl ux (CMF) ou de biologie moléculaire et d’étudier les intérêts et les limites de ces diff érentes techniques d’analyse en complément de la cytologie conventionnelle.

Cytologie

L’étude cytologique nécessite un prélèvement de LCR en quantité suffi sante lorsqu’une localisation lympho-mateuse est suspectée. En eff et, selon la numération des éléments préalablement réalisée, la quantité de LCR destinée à être cytocentrifugée pour concentrer les cellules sur une lame est diff érente. L’échantillon doit parvenir rapidement au laboratoire (idéalement, dans les 2 heures après le prélèvement) et être pris en charge immédiatement. La quantité minimale de LCR nécessaire à la cytologie et à l’immunocytochimie est de 1 mL. Deux lames sont confectionnées en vue de l’étude cytologique, et au moins 4 lames le seront pour

Page 2: Diagnostic paraclinique d’une méningite …Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n 1 - janvier-février 2015 2277 Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse

Méningites lymphomateuses

d o s s i e r

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n° 1 - janvier-février 20152626

l’immunocytochimie. En eff et, après cytocentrifugation, la répartition des cellules sur chaque lame peut être diff érente, et on choisira les lames les plus riches en cellules (après observation au microscope à l’objectif 10) pour les traiter.

CytocentrifugationTrois à 4 gouttes par cupule (et donc par lame), auxquelles est ajoutée 1 goutte d’albumine (pour concentrer les cellules au centre de la lame), sont centrifugées. Les lames ainsi obtenues sont séchées à l’air libre sur la paillasse pendant environ une demi-heure. Une des lames est traitée à la coloration de May-Grünwald-Giemsa et analysée au microscope par les cytologistes.

Analyse cytologiqueLa lecture au microscope permet de poser le diagnostic cytologique et de guider les examens complémentaires. Si une localisation lymphomateuse est évoquée sur la

morphologie, une étude immunocytochimique vient la compléter. Cette dernière est particulièrement inté-ressante, surtout dans les cas où la quantité de cellules est faible (moins de 10/μL).

ImmunocytochimieAu moins 2 marquages sont réalisés pour la recherche d’une population lymphoïde B : avec un anticorps anti-CD20 (marqueur reconnaissant les cellules lym-phoïdes B) et avec un anticorps anti-CD3 (marqueur reconnaissant les lymphocytes T, généralement réac-tionnels et souvent présents, notamment dans les lym-phomes B à grandes cellules). Dans de très rares cas, il peut s’agir de lymphomes T ; il est alors nécessaire d’ajouter une lame pour la recherche de lymphocytes T CD8+ (en utilisant un anticorps anti-CD8) et une lame pour la mise en évidence de lymphocytes T CD4+ (anticorps anti-CD4). L’extension du phénotypage, en particulier pour les lymphomes T/NK (Natural Killer) ou NK, ne peut s’eff ectuer que par CMF.

Figure 1. Lymphome cérébral primitif B à grandes cellules.A. Cytologie du LCR (objectif × 40) : présence au sein d’une population lymphocytaire réactionnelle d’assez nombreuses grandes cellules nucléolées à noyau, de forme irrégulière et à cytoplasme basophile (fl èches).B. Immunocytochimie : marquage des grandes cellules lymphomateuses B par l’anticorps pan-B anti-CD20.C. Immunomarquage des petits lymphocytes T réactionnels par l’anticorps pan-T anti-CD3.

Marquageanti-CD20

Marquageanti-CD3

A

B C

Page 3: Diagnostic paraclinique d’une méningite …Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n 1 - janvier-février 2015 2277 Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n° 1 - janvier-février 2015 2727

Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse

RésultatsLa plupart des lymphomes peuvent disséminer dans les méninges. Le plus souvent, il s’agit de lymphomes B diff us à grandes cellules, de lymphomes disséminés ou, plus rarement, de lymphomes cérébraux primitifs (fi gure 1). Les localisations méningées de syndromes lympho prolifératifs chroniques sont plus exception-nelles, en particulier dans la maladie de Waldenström (syndrome de Bing-Neel) [fi gure 2], la leucémie lym-phoïde chronique, le lymphome à cellules du manteau, la leucémie à prolymphocytes, etc.

Immunophénotypage par cytométrie en fl ux

L’analyse des lymphomes par CMF a commencé dans les années 1970, par l’étude des phases du cycle cellulaire et de la ploïdie. Depuis les années 1980, la CMF s’est considérablement développée. Elle détecte et quantifi e l’expression d’antigènes à la surface et à l’intérieur des

cellules hématopoïétiques normales et pathologiques. Elle permet une évaluation rapide et fi able des sous-populations cellulaires grâce à l’analyse simultanée de l’expression d’antigènes présents à la surface des cellules. Comme pour la très grande majorité des tech-niques utilisées en laboratoire, l’étape préanalytique est essentielle pour assurer un résultat fi able. Les tech-niques de CMF sont applicables à des cellules vivantes. Il est donc primordial de préserver l’intégrité cellulaire. Le recueil sur des milieux de conservation (sérum de veau fœtal ou Transfi x®) [2, 3] et une prise en charge rapide des échantillons sont recommandés.Les laboratoires de routine peuvent avoir accès à des cytomètres en fl ux marqués CE (conformité aux exigences européennes) pouvant analyser simul-tanément 5 à 10 “couleurs”. L’étape préalable est le marquage par des anticorps monoclonaux couplés à des fl uorochromes qui permettent la reconnaissance spécifi que de chaque cellule. Il est indispensable de bien identifi er la population pathologique avant d’étu-dier les marqueurs diagnostiques. Concernant le LCR,

Figure 2. Syndrome de Bing-Neel (localisation méningée d’une maladie de Waldenström).A et B. Cytologie du LCR : présence d’une population lymphoïde pléomorphe lymphoplasmocytaire.C. Immunocytochimie : marquage par l’anticorps anti-CD20. Tous les lymphocytes sont positifs, affi rmant l’origine B de l’infi l-tration lymphoïde.

Objectif × 40 Objectif × 100A B

C

Page 4: Diagnostic paraclinique d’une méningite …Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n 1 - janvier-février 2015 2277 Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse

Méningites lymphomateuses

d o s s i e r

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n° 1 - janvier-février 20152828

une stratégie d’analyse en 2 étapes a été proposée par J. Kraan et al. (4). Elle consiste à tester un tiers de l’échantillon initial avec un panel de dépistage permet-tant d’identifi er les sous-populations lymphoïdes. En fonction du résultat de cette analyse, un complément est réalisé avec des marqueurs supplémentaires spé-cifi ques de la lignée d’intérêt (lignée B, T ou NK). Une expression aberrante ou la perte d’expression d’un marqueur à la surface des cellules sont des éléments permettant d’orienter vers le diagnostic de lymphome. À titre d’exemple, la perte du CD7 sur les populations

lymphoïdes T ou l’expression du CD5 sur les popula-tions lymphoïdes B sont des éléments en faveur d’une hémopathie. L’intérêt de la CMF est particulièrement marqué dans les cas où la morphologie de la popula-tion pathologique est proche de celle d’une population normale, notamment dans les cas de lymphomes B à petites cellules. L’analyse de l’expression des chaînes légères κ et λ (restriction isotypique) s’avère particu-lièrement utile (fi gure 3). Elle peut en eff et mettre en évidence une population monotypique en quantité proportionnellement faible dans un prélèvement

Figure 3. Exemples de détection de populations lymphoïdes B pathologiques dans le LCR. Les cellules lymphoïdes sont identifi ées par leur forte expression du CD45 (marqueur panleucocytaire), leur taille (forward scatter [FSC]) et leur structure (side scatter [SSC]) faibles.A. Détection de lymphocytes B polytypiques (en vert).B. Détection de lymphocytes monotypiques lambda (en rouge) sur fond de cellules résiduelles normales polytypiques (en vert).C. Détection de lymphocytes monotypiques kappa (en rouge).

A

B

C

SSC

SSC

SSC κ

SSC

SSC

SSC κ

SSC

SSC

SSC κ

Tous événements Tous événements Tous événements CD19+

CD45 FSC CD19 λ

CD45 FSC CD19 λ

CD45 FSC CD19 λ

Tous événements Tous événements Tous événements CD19+

Tous événements Tous événements Tous événements CD19+

Page 5: Diagnostic paraclinique d’une méningite …Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n 1 - janvier-février 2015 2277 Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n° 1 - janvier-février 2015 2929

Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse

contenant des lymphocytes T ou B réactionnels. Les études rapportent une sensibilité et une spécifi cité bien meilleures que celles de la cytologie (5-7). Peu de cas de faux positifs sont décrits dans la littérature. Il s’agit alors essentiellement de lymphomes B à grandes cellules asymptomatiques.La diffi culté majeure de l’analyse du LCR réside dans le fait que le volume pouvant être prélevé est limité. Cependant, un nombre minimal de cellules (“événe-ments”) est requis pour former une population homo-gène (“cluster”) signifi cative par CMF. En fonction des études, ce chiff re varie entre 10 et 30 événements (5-7). À noter également que certains protocoles techniques employés, en particulier ceux nécessitant des centri-fugations répétées (8), peuvent fragiliser les cellules, accentuer la mortalité cellulaire, voire induire une perte d’expression (9).

Étude de la clonalité par biologie moléculaire

Pour obtenir une grande diversité et une spécifi cité antigénique importante des récepteurs à l’antigène, les chaînes des récepteurs d’antigènes des lympho-cytes B et T sont remaniées pendant le processus de maturation lymphocytaire. Les gènes discontinus V (variabilité), D (diversité) et J ( jonction) dans leur confi guration germinale sont associés au hasard, par l’intermédiaire de signaux de recombinaison (diversité combinatoire). À ces combinaisons VDJ, des insertions ou délétions aléatoires de séquences permettent, d’une part, de générer une région hautement variable CDR3 (Complementary Determining Region) propre à chaque

lymphocyte et, d’autre part, d’augmenter la spécifi cité du récepteur à l’antigène (diversité jonctionnelle). La méthode la plus répandue actuellement pour l’étude de la clonalité lymphocytaire est fondée sur l’utilisation d’amorces fl uorescentes et la détection des produits de PCR (Polymerase Chain Reaction) par analyseur de fragments (électrophorèse capillaire de haute résolu-tion). Cette technique assure la standardisation des procédés analytiques. Elle permet de connaître la taille exacte du réarrangement amplifi é. Dans une popula-tion de lymphocytes polyclonaux, une multitude de réarrangements diff érents se sont produits. Lors d’une prolifération clonale, toutes les cellules sont porteuses de la même séquence (fi gure 4). La mise en évidence d’une population clonale est un argument fort pour affirmer la nature maligne d’une prolifération. De nombreuses études ont évalué les performances de la PCR dans le diagnostic de dissémination méningée des hémopathies (10, 11). À noter cependant le risque de détection de faux positifs, notamment lorsque le répertoire étudié est restreint ou peu utilisé et nécessite une interprétation prudente des résultats. En eff et, des populations clonales peuvent être associées à certaines conditions dont l’évolution clinique ne correspond pas à celle d’un processus malin. À titre d’exemple, des popu-lations réactionnelles clonales peuvent proliférer en réponse à un antigène (par exemple, les Large Granular Lymphocytes [LGL]). Les valeurs de sensibilité retrouvées sont similaires à celles de la cytologie (12). Cependant, certaines discordances sont rapportées, qui peuvent s’expliquer par la paucicellularité du prélèvement et par la survenue des mutations inhérentes à la physiopatho-logie du lymphome perturbant la fi xation des amorces. Il est donc recommandé de répéter l’analyse (13).

Figure 4. Étude de la clonalité B par biologie moléculaire. La fl uorescence des amorces fi xées est représentée en ordonnée. La taille des réarrangements des gènes des immunoglobulines est représentée en abscisse.A. Profi l polyclonal : la répartition des tailles des réarrangements géniques respecte une gaussienne.B. Profi l monoclonal : tous les lymphocytes présentent la même taille de réarrangement (pic unique).

A B

Inte

nsité

de

fluor

esce

nce

Taille

Page 6: Diagnostic paraclinique d’une méningite …Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n 1 - janvier-février 2015 2277 Diagnostic paraclinique d’une méningite lymphomateuse

Méningites lymphomateuses

d o s s i e r

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. X - n° 1 - janvier-février 20153030

1. DeAngelis LM, Boutros D. Leptomeningeal metastasis. Cancer Invest 2005;23(2):145-54.

2. De Jongste AH, Kraan J, van den Broek PD et al. Use of TransFix™ cerebrospinal fl uid storage tubes prevents cellular loss and enhances fl ow cytometric detection of malignant hematological cells after 18 hours of storage. Cytometry B Clin Cytom 2014;86(4):272-9.

3. De Graaf MT, van den Broek PD, Kraan J et al. Addition of serum-containing medium to cerebrospinal fl uid prevents cellular loss over time. J Neurol 2011;258(8):1507-12.

4. Kraan J, Gratama JW, Haioun C et al. Flow cytometric immunophenotyping of cerebrospinal fl uid. Curr Protoc Cytom 2008;Chapter 6:Unit 6.25.

5. Quijano S, Lopez A, Manuel Sancho J et al. Identifi cation of leptomeningeal disease in aggressive B-cell non-Hodgkin’s lymphoma: improved sensitivity of fl ow cytometry. J Clin Oncol 2009;27(9):1462-9.

6. Stacchini A, Aliberti S, Demurtas A et al. Ten antibodies, six colors, twelve parameters: a multiparameter fl ow cyto-metric approach to evaluate leptomeningeal disease in B-cell non-Hodgkin’s lymphomas. Cytometry B Clin Cytom 2012;82(3):139-44.

7. Benevolo G, Stacchini A, Spina M et al. Final results of a multicenter trial addressing role of CSF fl ow cytometric ana-lysis in NHL patients at high risk for CNS dissemination. Blood 2012;120(16):3222-8.

8. Dux R, Kindler-Röhrborn A, Annas M et al. A standardized protocol for fl ow cytometric analysis of cells isolated from cerebrospinal fl uid. J Neurol Sci 1994;121(1):74-8.

9. Hegde U, Filie A, Little RF et al. High incidence of occult leptomeningeal disease detected by fl ow cytometry in newly diagnosed aggressive B-cell lymphomas at risk for central nervous system involvement: the role of fl ow cytometry versus cytology. Blood 2005;105(2):496-502.

10. Jahnke K, Hummel M, Korfel A et al. Detection of subclinical systemic disease in primary CNS lymphoma by polymerase chain reaction of the rearranged immunoglobulin heavy-chain genes. J Clin Oncol 2006;24(29):4754-7.

11. Fischer L, Martus P, Weller M et al. Meningeal dissemina-tion in primary CNS lymphoma: prospective evaluation of 282 patients. Neurology 2008;71(14):1102-8.

12. Baehring JM, Hochberg FH, Betensky RA et al. Immunoglobulin gene rearrangement analysis in cerebrospinal fl uid of patients with lymphoproliferative processes. J Neurol Sci 2006;247(2):208-16.

13. Ekstein D, Ben-Yehuda D, Slyusarevsky E et al. CSF analysis of IgH gene rearrangement in CNS lymphoma: relationship to the disease course. J Neurol Sci 2006;247(1):39-46.

14. Chan CC, Whitcup SM, Solomon D et al. Interleukin-10 in the vitreous of patients with primary intraocular lymphoma. Am J Ophthalmol 1995;120(5):671-3.

15. Sasayama T, Nakamizo S, Nishihara M et al. Cerebrospinal fl uid interleukin-10 is a potentially useful biomarker in immu-nocompetent primary central nervous system lymphoma (PCNSL). Neur Oncol 2012;14(3):368-80.

16. Rubenstein JL, Wong VS, Kadoch C et al. CXCL13 plus interleukin 10 is highly specifi c for the diagnosis of CNS lym-phoma. Blood 2013;121(23):4740-8.

17. Baraniskin A, Kuhnhenn J, Schlegel U et al. MicroRNAs in cerebrospinal fl uid as biomarker for disease course monitoring in primary central nervous system lymphoma. J Neurooncol 2012;109(2):239-44.

18. Muniz C, Martin-Martin L, Lopez A et al. Contribution of cerebrospinal fl uid sCD19 levels to the detection of CNS lymphoma and its impact on disease outcome. Blood 2014;123(12):1864-9.

19. Kara IO, Sahin B, Gunesacar R. Levels of serum and cere-brospinal fl uid soluble CD27 in the diagnosis of leptomenin-geal involvement of hematolymphoid malignancies. Adv Ther 2007;24(4):741-7.

20. Schroers R, Baraniskin A, Heute C et al. Detection of free immunoglobulin light chains in cerebrospinal fl uids of patients with central nervous system lymphomas. Eur J Haematol 2010;85(3):236-42.

R é f é r e n c e s

Ainsi, la PCR constitue un outil complémentaire dans l’analyse du LCR à visée diagnostique.

Nouveaux biomarqueurs

Plusieurs équipes ont proposé des approches “non cellulaires” comme outil diagnostique. En particulier, certains biomarqueurs solubles semblent prometteurs. L’augmentation de l’interleukine 10 (IL-10), sécrétée par les cellules lymphomateuses, a été initialement décrite dans les lymphomes oculaires (14), tandis que l’IL-6 est augmentée dans les processus infl ammatoires ou infectieux. L’intérêt diagnostique et pronostique du dosage de l’IL-10 a été confi rmé dans le LCR (15, 16) ; la détermination des seuils décisifs est actuellement en cours. Les méthodes de dosage le plus couramment employées sont l’ELISA (Enzyme-Linked Immunosorbent Assay) ou la cytométrie en fl ux (Cytometric Bead Array [CBA]). De manière similaire, l’utilité pour le diagnos-tic du CXCL13, chimioattractant des lymphocytes B, a également été rapportée (15). D’autre part, l’intérêt de l’analyse du profi l d’expression de courtes séquences d’ARN (micro-ARN) dans le LCR a été montré. Les micro-ARN sont de petites molécules inhibant l’expression des gènes (régulation post-transcriptionnelle) dont le rôle est connu dans la diff érenciation, l’apoptose et la prolifération. L’étude de A. Baraniskin et al. (17) a révélé une signature d’expression particulière concernant notamment les micro-ARN 19, 21 et 92a au diagnos-

tic, mais sans valeur pronostique. Peu de travaux ont été jusqu’ici publiés sur l’apport des micro-ARN dans le diagnostic du lymphome du SNC, en raison de la faible fréquence de cette pathologie, mais également de la diffi culté d’obtenir des quantités suffi santes de matériel. D’autres biomarqueurs sont à l’étude mais doivent encore être confi rmés avant une application en routine hospitalière : CD19 soluble (18), CD27 soluble (19), antithrombine III, chaînes légères libres (20).

Conclusion

Le diagnostic et le suivi des méningites lymphoma-teuses dans le LCR reposent sur la technique de réfé-rence : l’analyse cytologique. Lorsque le prélèvement est acellulaire, il n’est pas indispensable de poursuivre l’exploration par les autres techniques. Dans un nombre non négligeable de cas, la cytologie et l’immuno-cytochimie suffi sent. Cependant, en raison de sa faible sensibilité, des cas d’interprétation morphologique diffi cile et des cas peu riches en cellules persistent. L’apport de la CMF est capital, en raison de son seuil de sensibilité très bas, ainsi que de sa spécifi cité et de sa reproductibilité élevées. La biologie moléculaire peut également apporter un argument supplémentaire pour les diagnostics diffi ciles. Ces techniques spécialisées sont très utiles en pratique courante dans le diagnostic des méningites lymphomateuses, et ce toujours en complément de la cytologie. ■

M. Costopoulos et K. Maloum déclarent

ne pas avoir de liens d’intérêts.