23
DEUXIÈME LEÇON Exposition du plan de ce cours, ou considérationsgénérales sur la hiérarchie des sciences positives PLAN DE LA LEÇON Des ancienneséchelles encyclopédiques..prématurées, parce que les régions à classer ne se trouvaient pas toutes à l'état positif. Guide: la théorie des classifications chez les botanistes et zoologistes, I. Théorie et pratique a) Systèmes pratiques de procédés: prévoyance, action, industrie. Systèmes théoriques de connaissances': besoin de savoir, étonnement. Existense d'un système intermédiaire: classe sociale des ingénieurs. Exemple de la géométrie descriptive, comme théorie générale des arts de construction. Chaque art dépend de plusieurs sciences, voire de toutes (ex. : agriculture). bj Sciences abstraites, générales: lois des phénomènes possibles. Sciences concrètes, particulières, descriptives: lois des phénomènes existants. Exemples. En général: physique dogmatique, histoire naturelle. En particulier: physiologie, zoologie et botanique .. chimie, minéralogie. Chaque section de la physique concrète dépend de plusieurs sciences, voire de toutes (ex. : étude de la terre). Bilan: 1) classer les connaissances spéculatives, non les connaissances d'application. 2) classer les sciences abstraites, non les sciences concrètes. Le filtre dichotomique laisse un résidu : la PHYSIQUE ABSTRAITE. II. La classification Classification naturelle et artificielle. Du cercle vicieux. Exposition historique, exposition dogmatique. Que la seconde remplace lapremière, que l'éducation par manuels remplace l'éducation par les traités originaux. Le dogme est un raccourci de l'histoire. La classification est généralement conforme à l'histoire, mais pas complètement: il reste des cercles. Considérations combinatoires. Deux relations d'ordre: simpliclté, généralité. Les phénomènes les plus simples et les plus généraux sont les plus étrangers à l'homme. Jeux de dichotomie: brut, organisé .. ciel, terre .. extérieur, intérieur .. individu, espèce. D'où la classi- fication. III. Ses propriétés Elle est conforme à l'état de la science, à sonfonctionnement, à son histoire, à la perfection relative de chaque discipline. Elle propose un plan d'éducation rationnelle. Des mathématiques: de leur division en abstraite ou instrumentale et concrète ou naturelle. 42

DEUXIÈME LEÇON

  • Upload
    others

  • View
    34

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: DEUXIÈME LEÇON

DEUXIÈME LEÇON

Exposition du plan de ce cours, ou considérationsgénéralessur la hiérarchie des sciences positives

PLAN DE LA LEÇON

• Des ancienneséchelles encyclopédiques..prématurées, parce que les régions à classer ne se trouvaientpas toutes à l'état positif.• Guide: la théorie des classifications chez les botanistes et zoologistes,I. Théorie et pratique

a) Systèmes pratiques de procédés: prévoyance, action, industrie.Systèmes théoriques de connaissances': besoin de savoir, étonnement.Existense d'un système intermédiaire: classe sociale des ingénieurs.Exemple de la géométrie descriptive, comme théorie générale des arts de construction.Chaque art dépend de plusieurs sciences, voire de toutes (ex. : agriculture).bj Sciences abstraites, générales: lois desphénomènes possibles.Sciences concrètes, particulières, descriptives: lois des phénomènes existants.Exemples. En général: physique dogmatique, histoire naturelle.En particulier: physiologie, zoologie et botanique ..chimie, minéralogie.Chaque section de la physique concrète dépend deplusieurs sciences, voire de toutes (ex. : étude de laterre).Bilan:1) classer les connaissances spéculatives, non les connaissancesd'application.2) classer les sciences abstraites, non les sciences concrètes.Le filtre dichotomique laisse un résidu : la PHYSIQUE ABSTRAITE.

II. La classificationClassification naturelle et artificielle. Du cercle vicieux.

Exposition historique, exposition dogmatique.Que la seconderemplace lapremière, que l'éducation par manuels remplace l'éducation par les traitésoriginaux.Le dogme est un raccourci de l'histoire.La classification est généralement conforme à l'histoire, mais pas complètement: il reste des cercles.

Considérations combinatoires.Deux relations d'ordre: simpliclté,généralité.Les phénomènes les plus simples et lesplus généraux sont lesplus étrangers à l'homme.

Jeux de dichotomie: brut, organisé .. ciel, terre .. extérieur, intérieur .. individu, espèce. D'où la classi-fication.

III. Ses propriétésElle est conforme à l'état de la science, à sonfonctionnement, à son histoire, à laperfection relative dechaque discipline.Elle propose unplan d'éducation rationnelle.

Des mathématiques: de leur division en abstraite ou instrumentale et concrète ou naturelle.

42

Page 2: DEUXIÈME LEÇON

'érations généralesositives

iglons à classer ne se trouvaient

rie construction.'ture).

istants,

ire de toutes (ex. : étude de la

cation.

-lace I'éducation par les traités

ilètement : ilreste des cercles.

~ers à l'homme.

tdividu, espèce. D'où la classi-

oire, à la perfection relative de

concrète OU naturelle.

DEUXIÈME LEÇON 43

A pRÈs avoir caractérisé aussi exactement que possible, dans la leçon précédente, lesconsidérations à présenter dans ce cours sur toutes les branches principales de laphilosophie naturelle, il faut déterminer maintenant le plan que nous devons suivre,c'est-à-dire la classification rationnelle la plus convenable à établir entre les différentessciences positives fondamentales, pour les étudier successivementsous le point de vueque nous avons fixé. Cette seconde discussion générale est indispensable pour acheverde faire connaître dès l'origine le véritable esprit de ce cours.On conçoit aisément d'abord qu'il ne s'agit pas ici de faire la critique, malheureuse-

ment trop facile, des nombreuses classifications qui ont été proposées successivementdepuis deux siècles, pour le système général des connaissances humaines, envisagé danstoute son étendue. On est aujourd'hui bien convaincu que toutes les échelles encyclopé-diques construites, comme celles de Bacon et de d'Alembert, d'après une distinctionquelconque des diverses facultés de l'esprit humain, sont par cela seul radicalementvicieuses,même quand cette distinction n'est pas, comme il arrive souvent, plus subtileque réelle; car, dans chacune de ses sphères d'activité" notre entendement emploiesimultanément toutes ses facultés principales. Quant à toutes les autres classificationsproposées, il suffira d'observer que les différentes discussions élevées à ce sujet ont eupour résultat définitif de montrer dans chacune des vices fondamentaux, tellementqu'aucune n'a pu obtenir un assentiment unanime, et qu'il existe à cet égard presqueautant d'opinions que d'individus. Ces diverses tentatives ont même été, en général, simal conçues, qu'il en est résulté involontairement dans la plupart des bons esprits unepréventiondéfavorablecontre toute entreprise de ce genre 1.Sans nous arrêter davantage sur un fait si bien constaté, il est plus essentiel d'en recher-

cher la cause. Or, on peut aisément s'expliquer la profonde imperfection de ces tenta.tives encyclopédiques,si souvent renouvelées jusqu'ici. Je n'ai pas besoin de faire observerque, depuis le discrédit général dans lequel sont tombés les travaux de cette nature parsuite du peu de solidité des premiers projets, ces classificationsne sont conçues le plussouvent que par des esprits presque entièrement étrangers à la connaissance des objets àclasser2. Sans avoir égard à cette considération personnelle, il en est une beaucoup plusimportante, puisée dans la nature même du sujet, et qui montre clairement pourquoi

1. Essais innombrables depuis deux siècles : Bacon (1605), Naudé (1643), Jean Garnier (1678), IsmaëlBouilleau (1679), Gabriel Martin (1705), Guillaume de Bure (1763), Aleth Frémont (1794), Jacques-Char-les Brunet (1810), Thomas Hartwell Horne (1814). La classification du British Museum (1836) est posté-rieure au Cours (commencé en 1826). Hegel, Précis de l'encyclopédie des sciences philosophiques, (1817),Paris, Vrin, 1952, p. 39, par. 14. Ampère, Essai sur la philosophie des sciences OU exposition analytiqued'une classification naturelle de toutes les connaissances humaines, 2 vol., Paris, 1843, 1856. Ed. Goblot,Essai sur la classification des sciences, Paris, Alcan, 1898. Si la tentative de Comte n'a pas arrêté, comme onle voit, ce mouvement, ilserait bon de se demander pourquoi ils'arrête, visiblement, au début de ce siècle.La question de classer l'ensemble du savoir est devenue technique (Ranganathan, classification à facettes ... ),est passée à l'ethnologie ou à I'histoire des sciences. Elle a déserté la pratique de la philosophie. Et pour-tant des encyclopédies paraissent tous les jours, de nouvelles universités se fondent, des institutions derecherëhe distribuent leurs départements, etc ... Qui présîdeàëeS classements? La crise du savoir porte sur}~sav()ir comme ensemble, et sur la désappropriation du savoir par lui-même, sur son aliénation.2. Lorsque des étrangers accostent une terre, ce peut être comme touristes: alors ils ne comprennent pas,la chose est simplement comique. Ce peut être, et c'est bien souvent, comme conquérants ou colons, c'estun drame. Parler de ce que l'on ignore n'est pas innocent, c'est une prise de pouvoir. On reconnaît l'aliéna-tion du savoir à ceci: qui parle de lui ou se trouve à la tête des institutions qui l'organisent ou l'enseignent~s(Ie~pïUsSOuventun politique ou un militaire.

Page 3: DEUXIÈME LEÇON

44 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

il n'a pas été possible jusqu'ici de s'élever à une conception encyclopédiquevéritablementsatisfaisante. Elle consiste dans le défaut d'homogénéité qui a toujours existé jusqu'à cesderniers temps entre les différentes parties du système intellectuel, les unes étant sucees-sivement devenuespositives, tandis que les autres restaient théologiques ou métaphysiques.Dans un état de choses aussi incohérent, il était évidemment impossible d'établir aucuneclassification rationnelle. Comment parvenir à disposer, dans un système unique, desconceptions aussi profondément contradictoires? C'est une difficulté contre laquelle sontvenus échouer nécessairement tous les classificateurs,sans qu'aucun l'ait aperçue distincte-ment. TIétait bien sensible néanmoins,pour quiconque eût bien connu la véritable situationde l'esprit humain, qu'une telle entreprise était prématurée, et qu'elle ne pourrait êtretentée avec succès que lorsque toutes nos conceptions principales seraient devenuespositives.Cette condition fondamentale pouvant maintenant être regardée comme remplie, d'après

les explications données dans la leçon précédente, il est dès lors possible de procéder àune disposition vraiment rationnelle et durable d'un système dont toutes les parties sontenfin devenueshomogènes.D'un autre côté, la théorie générale des classifications,établie dans ces derniers temps

par les travaux philosophiques des botanistes et des zoologistes, permet d'espérer unsuccès réel dans un semblable travail, en nous offrant un guide certain par le véritableprincipe fondamental de l'art de classer, qui n'avait jamais été conçu distinctementjusqu'alors. Ce principe est une conséquence nécessaire de la seule application directede la méthode positive à la question même des classifications, qui, comme touteautre, doit être traitée par observation, au lieu d'être résolue par des considérationsa priori. Il consiste en ce que la classification doit ressortir de l'étude même desobjets à classer, et être déterminé.e par les affinités réelles et l'enchaînement naturelqu'ils présentent, de telle sorte que cette classification soit elle-même l'expression du faitle plus général, manifesté par la comparaison approfondie des objets qu'elle embrasse3.Appliquant cette règle fondamentale au cas actuel, c'est donc d'après la dépendance

mutuelle qui a lieu effectivement entre les diverses sciences positives, que nous devonsprocéder à leur classification; et cette dépendance, pour être réelle, ne peut résulter quede celle des phénomènescorrespondants.Mais, avant d'exécuter, dans un tel esprit d'observation, cette importante opération

encyclopédique, il est indispensable, pour ne pas nous égarer dans un travail tropétendu, de circonscrire avec plus de précision que nous ne l'avons fait jusqu'ici, le sujetpropre de la classificationproposée.Tous les travaux humains sont, ou de spéculation, ou d'action. Ainsi, la division la

plus générale de nos connaissances réelles consiste à les distinguer en théoriques etpratiques. Si nous considérons d'abord cette première division, il est évident que c'estseulement des connaissances théoriques qu'il doit être question dans un cours de lanature de celui-ci; car il ne s'agit point d'observer le système entier des notions

3. Ce qui est théorie pour le savant est un fait pour le philosophe. Il est le physicien des faits-théories ou desfaits généraux. Comme physicien ilobserve ces grands faits logiques et il en tire des lois logiques. La sciencedes sciences est une physique des théories. Cette situation de l'épistémologie, nommée «logique» depuisComte jusqu'à une date récente, définit le positivisme. Il s'agit de traiter la science comme celle-ci traiteles phénomènes, ni plus ni moins. Le modèle ou guide zoologique ou botanique est donc strictement uneanalogie. La science des sciences est une histoire naturelle des théories. D'où la combinaison, dans le classe-ment, d'une logique dichotomique et d'une histoire. Nous avons donné, dans la Préface, l'ensemble desguides ou analogies, le parcours du modèle sur toute l'aire encyclopédique. Sur les taxinomies, cf. quaran-tième leçon, Considérationsphilosophiques sur l'ensemble de la science biologique.

Page 4: DEUXIÈME LEÇON

encyclopédique véritablementa toujours existé jusqu'à cesectuel, les unes étant sucees-iéologiques ou métaphysiques.t impossible d'établir aucunens un système unique, deslifficuIté contre laquelle sont'aucun l'ait aperçue distincte-11 connu la véritable situationet qu'elle ne pourrait être-rincipales seraient devenues

rdée comme remplie, d'aprèslors possible de procéder àdont toutes les parties sont

blie dans ces derniers tempsigistes, permet d'espérer unuide certain par le véritablelis été conçu distinctementla seule application directecations, qui, comme touteolue par des considérationsortir de l'étude même dess et l'enchaînement naturelle-même l'expression du faitss objets qu'elle embrasse a.donc d'après la dépendancepositives, que nous devonsréelle, ne peut résulter que

cette importante opérationarer dans un travail tropavons fait jusqu'ici, le sujet

ction. Ainsi, la division ladistinguer en théoriques etn, il est évident que c'estion dans un cours de laiystème entier des notions

ihysicien des faits-théories ou desI tire des lois logiques. La scienceigie, nommée « logique» depuis, la science comme celle-ci traite:anique est donc strictement uneù la combinaison, dans le classe-dans la Préface, l'ensemble desSur les taxinomies, cf. quaran-igique,

DEUXIÈME LEÇON 45

mais uniquement celui des conceptions fondamentales sur les divers ordresénomènes, qui fournissent une base solide à toutes nos autres combinaisons quel-es, et qui ne sont, à leur tour, fondées sur aucun système intellectuel antécédent.ans un tel travail, c'e~~Ja.spéculation qu'il faut considérer, et non l'application, si ceen tant que celle-ci peut éclaircir la première. C'est là probablement ce qu'entendait, quoique fort imparfaitement, par cette philosophie première qu'il indique commeêtre extraite de l'ensemble des sciences, et qui a été si diversement et toujours siment conçue par les métaphysiciens qui ont entrepris de commenter sa pensée4.s" doute, quand on envisage l'ensemble complet des travaux de tout genre dee humaine, on doit concevoir l'étude de la nature comme destinée à fournir lale, base rationnelle de l'action de l'homme sur la nature, puisque la connais-es lois des phénomènes, dont le résultat constant est de nous les faire prévoir,seule éVidemment nous conduire, dans la vie aètive, à les modifier à notrelige Îes--uns-par les autres. Nos moyens naturels et directs pour agir sur lesqufIïous -entourent sont extrêmement faibles, et tout à fait disproportionnés à nos. Toutes les fois que nous parvenons à exercer une grande, action, c'est seulementue la connaissance des lois naturelles nous permet d'introduire, parmi les circons-dthe;mïnéessous l'influence desquelless'accomplissentles divers phénomènes"quelquesis J!l:()<iifi~a.~t:llrs,qui, quelque faibles qu'ils soient en eux-mêmes, suffisent, danscas, pour faire tourner à notre 'satisfaction les résultats définitifs de l'ensembleses extérieures. En résumé, science, d'où prévoyance,. prévoyance, d'où action:t la formule très simple qui exprime, d'une manière exacte, la relation généralecience et de l'art, en prenant ces deux expressions dans leur acception totale.malgré l'importance capitale de cette relation, qui ne doit jamais être méconnue,it se former des sciences une idée bien imparfaite que de les concevoir seulementles bases des arts, et c'est à quoi malheureusement on n'est que trop enclin deurs. Quels que soient les immenses services rendus à l'industrie par les théoriesques, quoique, suivant l'énergique expression de Bacon, la puissance soit néces-t proportionnée à la connaissance, nous ne devons pas oublier que les sciencesant tout, une destination plus directe et plus élevée, celle de satisfaire au besoinen!~l_qll'ép~ouve notre intelligence de connaître les lois des phénomènes. Pourcombien ce besoin est profond et impérieux, il suffit de penser un instant auxphysiologiques de l'étonnement, et de considérer que la sensation la plus terribleus puissions éprouver est celle qui se produit toutes les fois qu'un phénomènemble s'accomplir contradictoirement aux lois naturelles qui nous sont familières.in de disposer les faits dans un ordre que nous puissions concevoir avec facilitéest l'objet propre de toutes les théories scientifiques)est tellement inhérent à notresation, que, si nous ne parvenions pas à le satisfaire par des conceptions positives,etournerions inévitablementaux explications théologiques et métaphysiques auxquellesrimitivement donné naissance, comme je l'ai exposé dans la dernière leçon.'Cru devoir signaler expressément dès ce moment une considération·qui se reproduirament dans toute la suite de ce cours, afin d'indiquer la nécessité de se prémunirla trop grande influence des habitudes actuelles qui tendent à empêcher qu'on

rme des idées justes et nobles de l'importance et de la destination des sciences.~\liss~nceprépondérante de notre organisation he corrigeait, même involontairement,lespnt des savants, ce qu'il y a sous ce rapport d'incomplet et d'étroit dans lace générale de notre époque, l'intelligence humaine, réduite à ne s'occuper que de

Bacon, De dlgnltate et augmentls scientiarum, III, I, par. 4.

Page 5: DEUXIÈME LEÇON

46 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

recherches susceptibles d'une utilité pratique immédiate, se trouverait par cela seul,comme l'a très justement remarqué Condorcet, tout à fait arrêtée dans ses progrès,même à l'égard de ces applications auxquelles on aurait imprudemment sacrifié lestravaux purement spéculatifs; car les applications les plus importantes dérivent constam-ment de théories formées dans une simple intention scientifique, et qui souvent ontété cultivées pendant plusieurs siècles sans produire aucun résultat pratique. On en peutciter un exemple bied remarquable dans les belles spéculations des géomètres grecs surles sections coniques, qui, après une longue suite de générations, ont servi, en détermi-nant la rénovation de l'astronomie, à conduire finalement l'art de la navigation au degréde perfectionnement qu'il a atteint dans ces derniers temps, et auquel -il ne seraitjamais parvenu sans les travaux si purement théoriques d'Archimède et d'Apollonius;tellement que Condorcet a pu dire avec raison à cet égard : c Le matelot, qu'uneexacte observation de la longitude préserve du naufrage, doit Ia vie à une théorieconçue, deux mille ans auparavant, par des hommes de génie qui avaient en vuede simples spéculationsgéométriques5. »li est donc évident qu'après avoir conçu, d'une manière générale, l'étude de la nature

comme servant de base rationnelle à l'action sur la nature, l'esprit humain doit pro-céder aux recherches théoriques, en faisant complètement abstraction de toute considérationpratique; car nos moyens pour découvrir la vérité sont tellement faibles, que, si nousne les concentrions pas exclusivementvers ce but, et si, en cherchant la vérité, nousnous imposions en même temps la condition étrangère d'y trouver une utilité pratiqueimmédiate, il nous serait presque toujours impossible d'y parvenir.Quoi qu'il en soit, il est certain que l'ensemble de nos connaissances sur la nature,

et celui des procédés que nous en déduisons pour la modifier à notre avantage, formentdeux systèmes essentiellementdistincts par eux-mêmes, qu'il est convenable de concevoiret de cultiver séparément En outre, le premier système étant la base du second,c'est évidemment celui qu'il convient de considérer d'abord dans une étude méthodique,même quand on se proposerait d'embrasser la totalité des connaissances humaines, tantd'application que de spéculation. Ce système théorique me paraît devoir constituer exclu-sivement aujourd'hui le sujet d'un cours vraiment rationnel de philosophie positive; c'estainsi du moins que je le conçois. Sans doute, il serait possible d'imaginer un coursplus étendu, portant à la fois sur les généralités théoriques et sur les généralités pratiques.Mais je ne pense pas qu'une telle entreprise, même indépendanunent de son étendue,puisse être convenablementtentée dans l'état présent de l'esprit humain. Elle me semble,en effet, exiger préalablement un travail très important et d'une nature toute particulière,qui n'a pas encore été fait, celui de' former, d'après Tes théories scientifiques proprementdites, les conceptions spéciales destinée.sà servir de bases directes aux procédés générauxde la pratique.Au degré de développement_déjà atteint par notre intelligence, ce 'n'est pas immé-

diatement que les sciences s'appliquent aux arts, du moins dans les cas les plusparfaits; il existe entre ces deux ordres d'idées un ordre moyen, qui, encore maldéterminé dans son caractère philosophique, est déjà plus sensible quand on considère

5. Notre action pratique est fondée, comme sur une base solide, sur nos spéculations théoriques: elle estune application; mieux, une détermination locale sur la courbe globale de prévision. Or, le savoir entiers'édifie sur nos besoins d'action. Ces deux principes ne s'opposent pas: la spéculation n'est pas formaliste,mais physicaliste. La géométrie d'Apollonius est une science naturelle. Et donc s'applique aux phénomènesparce qu'elle en est issue. Variante du cercle : observer pour la théorie, théoriser pour les observations.Sur Archimède: Condorcet, Tableau historique des progrès de l'esprit humain, 1795, 5e Époque, éd. Prior.Belaval, Paris, Vrin, 1970, p. 63 et sqq. Sur le marin et le naufrage, ibid.,9<Époque, p. 202.

Page 6: DEUXIÈME LEÇON

uurepro-ationnousnousitique

ature,rmentpevoir~cond,dique,, tant.exclu-; c'estcoursitiques,tendue,;emble,culière,'rementinéraux

immé-:s plusre malonsidère

: elleestoir entierormaliste,énomèneservations.éd. Prior.

ul,'ès,lesim-ontieutsurmi-egré.raitius;'uneiorievue

DEUXIÈME LEÇON 47

se sociale qui s'en occupe spécialement. Entre les savants proprement dits et lesteurs effectifs des travaux productifs, il commence à se former de nos jourslasse intermédiaire, celle des ingénieurs, dont la destination spéciale est d'organiserClations de la théorie et de la pratique. Sans avoir aucunement en vue le progrèsconnaissances scien~ifiques, elle les considère d~ns leur état présent p.our en déduirea plications industnelles dont elles sont susceptibles, Telle est du moms la tendancerelle des choses, quoiqu'il y ait encore à cet égard beaucoup de confusion. Leli, de doctrine propre à cette classe nouvelle, et qui doit constituer les véritables'es directes des différents arts, pourrait sans doute donner lieu à des considérationsphiques d'un grand intérêt et d'une importance réelle. Mais un travail qui lessserait conjointement avec celles fondées sur les sciences proprement dites seraitd'hui tout à fait prématuré ; car ces doctrines intermédiaires entre la théorie purepratique directe ne sont point encore formées : il n'en existe jusqu'ici que quelquesnts imparfaits relatifs aux sciences et aux arts les plus avancés, et qui permettentment de concevoir la nature et la possibilité de semblables travaux pour l'ensembleopérations humaines. C'est ainsi, pour en citer ici l'exemple le plus important, qu'onenvisager la belle conception de Monge, relativement à la géométrie descriptive,n'est réellement autre chose qu'une théorie générale des arts de construction. J'auraid'indiquer successivement le petit nombre d'idées analogues déjà .formées et d'enapprécier l'importance, à mesure que le développement naturel de ce cours nousrésentera. Mais il est clair que des conceptions jusqu'à présent aussi incomplètes neent point entrer, comme partie essentielle, dans un cours de philosophie positive

autant que possible, que des doctrines ayant un caractère fixe

concevra d'autant mieux la difficulté de construire ces doctrines intermédiairesje viens d'indiquer, si l'on considère que chaque art dépend non seulement d'une'ne science correspondante, mais à la fois de plusieurs, tellement que les arts lesimportants empruntent des secours directs à presque toutes les diverses sciences prin-es. C'est ainsi que la véritable théorie de l'agriculture, pour me borner au cas leessentiel, exige une intime combinaison de connaissances physiologiques, chimiques,ques et même astronomiques et mathématiques : il en est de même des beaux-arts.perçoit aisément, d'après cette considération, pourquoi ces théories n'ont pu encoreformées, puisqu'elles supposent le développement préalable de toutes les différentesces fondamentales. Il en résulte également un nouveau motif de ne pas comprendretel ordre d'idées dans un cours de philosophie positive, puisque, loin de pouvoirribuer à la formation systématique de cette philosophie, les théories générales propresdifférents arts principaux doivent, au contraire, comme nous le voyons, être vraisem-blement plus tard une des conséquences les plus utiles de sa construction 7.

ux trois états de la sciencethéorique,intermédiaireet pratique, répondent trois états du groupesocial,s, ingénieurs,directeursde travaux. Nous appelonsdésormaisinnovation le chaînon temporel eteentrelerésultatdesrecherchesfondamentaleset l'applicationindustrielle.VoirJ. Lafitte,Réflexionssciencedes machines, Paris, 1932.s arts (au sensdes arts et manufactures)sont éliminésdu tableau, commele seront tout à I'heure lescesconcrètes.En effet, les filtresou critèresdu classementsont tous dichotomiques.Or les arts, iciiculture,et lessciencesconcrètes,iciI'étudespécialedela terre, sontdesrégionsmultiplementconnexes.chappentdoncau fonctionnementdesfiltres.Tout se passecommesi le concret,l'appliqué, seprésen-toujours commecombinaisontotale. Qu'aujourd'hui les sciencesfondamentalessoient, à leur tour,Itiplementconnexes,cela indique-t-il quelque avancéevers le réel? Ou seulementune stratégie plusmplexe?

Page 7: DEUXIÈME LEÇON

48PHILOSOPHIE PREMIBRE

En résumé, nous ne devons donc considérer dans ce cours que les théories scientifiqueset nullement leurs applications. Mais, avant de procéder à la classification méthodiquede ses différentes parties, il me reste à exposer, relativement aux sciences proprementdites, une distinction importante, qui achèvera de circonscrire nettement le sujet proprede l'étude'"quenous entreprenons.Il faut distinguer, par rapport à tous les ordres de phénomènes, deux genres de

sciences naturelles : les unes abstraites, générales, ont pour objet la découverte des loisqui régissent les diverses classes de phénomènes, en considérant tous les cas qu'on peutconcevoir; les autres concrètes, particulières, descriptives, et qu'on désigne quelquefoissous le nom de sciences naturelles proprement dites, consistent dans l'application deces lois à l'histoire effective des différents êtres existants. Les premières sont donc fonda-mentales, c'est sur elles seulement que porteront nos études dans ce cours; les autres,quelle que soit leur importance propre, ne sont réellement que secondaires, et ne doiventpoint, par conséquent, faire partie d'un travail que son extrême étendue naturelle nousobligeà réduire au moindre développementpossible.La distinction précédente ne peut présenter aucune obscurité aux esprits qui ont

quelque connaissance spéciale des différentes sciences positives, puisqu'elle est à peu prèsl'équivalent de celle qu'on énonce ordinairement dans presque tous les traités scientifiques,en comparant la physique dogmatique à l'histoire naturelle proprement dite. Quelquesexemples suffiront d'ailleurs pour rendre sensible cette division, dont l'importance n'estpas encore convenablementappréciée.On pourra d'abord l'apercevoir très nettement en comparant, d'une part, la physiologie

générale, et, d'une autre part, la zoologie et la botanique proprement dites. Ce sontévidemment, en effet, deux travaux d'un caractère fort distinct, que d'étudier, en général,les lois de la vie, ou de déterminer le mode d'existence de chaque corps vivant, enparticulier. Cette seconde étude, en outre, est nécessairement fondée sur la première.Il en est de même de la chimie, par rapport à la minéralogie; la première est

évidemment la base rationnelle de la seconde. Dans la chimie, on considère toutesles combinaisons possibles des molécules, et dans toutes les circonstances imaginables;dans la minéralogie, on considère seulement celles de ces combinaisons qui se trouventréalisées dans la constitution effective du globe terrestre, et sous l'influence des seulescirconstances gui lui sont propres. Ce qui montre clairement la différence du point devue chimique et du point de vue minéralogique, quoique les deux sciences portentsur les mêmes objets, c'est que la plupart des faits envisagés dans la première n'ontqu'une existence artificielle, de telle manière qu'un corps, comme le chlore ou lepotassium, pourra avoir une extrême importance en chimie par l'étendue et l'énergiede ses affinités, tandis qu'il n'en aura presque aucune en minéralogie; et, réciproquement,un composé, tel que le granit ou le quartz, sur lequel porte la majeure partie desconsidérations minéralogiques, n'offrira, sous le rapport chimique, qu'un intérêt trèsmédiocre8.

8. De l'abstrait au concret, la scienceva du possible à l'existant. Ainsi la physique dogmatique (nous l'appel-lerions générale ou théorique) est-elle une physique abstraite, dénomination quasi paradoxale. Les deuxexemples amenés ici ne vont pas sans difficulté. Botanique et zoologie, d'une part, sont éliminées; ellesfournissent pourtant un « guide certain par le véritable principe fondamental de l'art de classer ». La miné-ralogie est également supprimée; cependant, et avant la théorie des réseaux cristallins de Dravais (1850),Pasteur (1848)et Delafosse (1840),Romé de l'Isle et Haüy, à la fin du dix-huitième siècle, avaient indiqué,dans le possible, des modèles de structure pour les cristaux. « Ce travail a produit une théorie mathémati-que que j'ai réduite en formules analytiques qui représentent tous les cas possibles et dont l'application

Page 8: DEUXIÈME LEÇON

eslentre

jetisuttislea·~s,ntus

DEUXIÈME LEÇON

ntès~s,es;st

;ientu,

'e.stesI;ntesdeptntle~eIt,esès

el-uxlesié-

0),aé,.ti-on

49

C qui rend, en général, plus sensible encore la nécessité logique de cette distinction:amentale entre les deux grandes sections de Ia philosophie naturelle, c'est <Jueseulement chaque section de la physique concrète suppose la culture préalable deection correspondante de la physique abstraite, mais qu'elle exige même la connais.ce des lois générales relatives à tous les ordres de phénomènes. Ainsi, par exemple,seulement l'étude spéciale de la terre, considérée sous tous les points de vue

elle peut présenter effectivement, exige la connaissance préalable de la physique et de. mais elle ne peut être faite convenablement, sans y introduire, d'une part,connaissancesastronomiques, et même, d'une autre part, les connaissances physiolo-. en: sorte qu'elle tient au système entier des sciences fondamentales. Il en est de'de chacune des sciences naturelles proprement dites. C'est précisément pour ceque la physique concrète a fait jusqu'à présent si peu de progrès réels, car ellecommencer à être étudiée d'une manière vraiment rationnelle qu'après la physique

abstraite, et lorsque toutes les diverses branches principales de celle-ci eurent pris leurta.ractère définitif, ce qui n'a eu lieu que de nos jours. Jusqu'alors on n'a purecueillirà ce sujet que des matériaux plus ou moins incohérents, qui sont même encorefort incomplets. Les faits connus ne pourront être coordonnés de manière à former devéritablesthéories spéciales des différents êtres de l'univers, que lorsque la distinction fon.damentale rappelée ci-dessus sera plus profondément sentie et plus régulièrement organisee,et que, par suite, les savants particulièrement livrés à l'étude des sciences naturellesproprement dites auront reconnu la nécessité de fonder leurs recherches sur uneconnaissanceapprofondie de toutes les sciences fondamentales, condition qui est encoreaujourd'huifort loin d'être convenablementremplie.L'examen de cette condition confirme nettement pourquoi nous devons, dans ce cours

de philosophie positive, réduire nos considérations à l'étude des sciences générales,sans embrasser en même temps les sciences descriptives ou particulières. On voit naîtreici, en effet, une nouvelle propriété essentielle de cette étude propre des généralitésde la physique abstraite; c'est de fournir la base rationnelle d'une physique concrètevraiment systématique.Ainsi, dans l'état présent de l'esprit humain, il y aurait une sortede contradiction à vouloir réunir, dans un seul et même cours, les deux ordres desciences. On peut dire, de plus, que, quand même la physique concrète aurait déjàatteint le degré de perfectionnement de la physique abstraite, et que, par suite, il seraitpossible,dans un cours de philosophie positive, d'embrasser à la fois l'une et l'autre, iln'en faudrait pas moins évidemment commencer par la section abstraite, qui restera labase invariable de l'autre. Il est clair, d'ailleurs, que la seule étude des généralités dessciences fondamentales est assez vaste par elle-même, pour qu'i! importe d'en écarter,autant que possible, toutes les considérations qui ne sont pas indispensables; or, cellesrelatives aux sciences secondaires seront toujours, quoi qu'il arrive, d'un genre distinct.La philosophie des sciences fondamentales, présentant un système de conceptions positivessur tous nos ordres de connaissances réelles, suffit, par cela même, pour constituercette philosophie première que cherchait Bacon, et qui, étant destinée à servir désormaisde base permanente à toutes les spéculations humaines, doit être soigneusement réduiteà la plus simple expressionpossible.Je n'ai pas besoin d'insister davantage en ce moment sur une telle discussion, que

j'aurai naturellement plusieurs occasions de reproduire dans les diverses parties de ce

aux formes connues conduit à des valeurs d'angle constamment d'accord avec I'observation» (Haüy, 1784).Avant le Cours,minéralogie et cristallographie sont déjà des sciences rationnelles et abstraites, puisqu'ellesconsidèrent « tous les cas qu'on peut concevoir »,

Page 9: DEUXIÈME LEÇON

50 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

cours. L'explication précédente est assez développée pour motiver la manière dont j'aicirconscritle sujet général de nos considérations.Ainsi, en résultat de tout ce qui vient d'être exposé dans cette leçon, nous voyons :

lOque la science humaine se composant, dans son ensemble, de connaissances spécula-tives et de .connaissances d'application, c'est seulement des premières que nous devonsnous occuper ici; 20 que les connaissances théoriques ou les sciences proprement dites,se divisant en sciences générales et sciences particulières, nous devons ne considérer icique le premier ordre, et nous borner à la physique abstraite, quelque intérêt que puissenous présenter la physique concrète.Le sujet propre de ce cours étant par là exactement circonscrit, il est facile main-

tenant de procéder à une classification rationnelle vraiment satisfaisante des sciencesfondamentales, ce qui constitue la question encyclopédique,objet spécial de cette leçon.Il faut, avant tout, commencer par reconnaître que, quelque naturelle que puisse être

une telle classification,elle renferme toujours nécessairementquelque chose, sinon d'arbi-traire, du moins d'artificiel, de manière à présenter une imperfection véritable.En effet, le but principal que l'on doit avoir en vue dans tout travail encyclopédique,

c'est de disposer les sciences dans l'ordre de leur enchaînement naturel, en suivant leurdépendancemutuelle; de telle sorte qu'on puisse les exposer successivement,sans jamaisêtre entraîné dans le moindre cercle vicieux. Or, c'est une condition qu'il me paraîtimpossible d'accomplir d'une manière tout à fait rigoureuse. Qu'il me soit permis dedonner ici quelque développementà cette réflexion, que je .crois importante pour caracté-riser la véritable difficulté de la recherche qui nous occupe actuellement. Cette considé-ration, d'ailleurs, me donnera lieu d'établir, relativement à l'exposition de nos connais-sances, un principe général dont j'aurai plus tard à présenter de fréquentes applications.Toute science peut être exposée suivant deux marches essentiellement distinctes, dont

tout autre mode d'exposition ne saurait être qu'une combinaison, la marche historique,et la marche dogmatique.Par le premier procédé, on expose successivement les connaissances dans le même

ordre effectif suivant lequel l'esprit humain les a réellement obtenues, et en adoptant,autant que possible,les mêmesvoies.Par le second, on présente le système des idées tel qu'il pourrait être conçu aujour-

d'hui par un seul esprit, qui, placé au point de vue convenable, et pourvu des connais-sances suffisantes, s'occuperait à refaire la science dans son ensemble.Le premier mode est évidemment celui par lequel commence, de toute nécessité,

l'étude de chaque science naissante; car il présente cette propriété de n'exiger, pourl'exposition des connaissances,aucun nouveau travail distinct de celui de leur formation,toute la didactique se réduisant alors à étudier successivement,dans l'ordre chronologique,les divers ouvrages originaux qui ont contribué aux progrès de la science.Le mode dogmatique, supposant, au contraire, que tous ces travaux particuliers ont

été refondus en un système général, pour être présentés suivant un ordre logique plusnaturel, n'est applicable qu'à une science déjà parvenue à un assez haut degré dedéveloppement.Mais, à mesure que la science fait des progrès, l'ordre historique d'expo-sition devient de plus en plus impraticable, par la trop longue suite d'intermédiaires qu'ilobligerait l'esprit à parcourir; tandis que l'ordre dogmatique devient de plus en plus pos-sible, en même temps que nécessaire, parce que de nouvelles conceptions permettent deprésenter les découvertes antérieures sous un point de vue plus direct.C'est ainsi, par exemple, que l'éducation d'un géomètre de l'antiquité consistait simple-

ment dans l'étude successivedu très petit nombre de traités originaux produits jusqu'alorssur les diverses parties de la géométrie, ce qui se réduisait essentiellement aux écrits

Page 10: DEUXIÈME LEÇON

iotiver la manière dont j'ai

cette leçon, nous voyons :e, de connaissances spécula-premières que nous devons~s sciences proprement dites,IUS devons ne considérer ici~, quelque intérêt que puisse

conscrit, il est facile main-It satisfaisante des sciencesobjet spécial de cette leçon.ue naturelle que puisse êtrequelque chose, sinon d'arbi-imperfection véritable.tout travail encyclopédique,lent naturel, en suivant leursuccessivement,sans jamais~ condition qu'il me paraît:. Qu'il me soit permis de'ois importante pour caracté-actuellement. Cette considé-l'exposition de nos connais-r de fréquentes applications.sentiellement distinctes, dontaison, la marche historique,

onnaissances dans le mêmet obtenues, et en adoptant,

pourrait être conçu aujour-ible, et pourvu des connais-on ensemble.imence, de toute nécessité,propriété de n'exiger, pourde celui de leur formation,, dans l'ordre chronologique,:le la science.ces travaux particuliers ontvant un ordre logique plusI un assez haut degré deès, l'ordre historique d'expo-e suite d'intermédiaires qu'illevient de plus en plus pos-s conceptions permettent dele plus direct.l'antiquité consistait simple-rriginaux produits jusqu'alorst essentiellement aux écrits

DEUXIÈME LEÇON 51

. ède et d'Apollonius; tandis qu'au contraire, un géomètre moderne a communé-miné son éducation, sans avoir lu un seul ouvrage original, excepté relativementr . , '"couvertes les plus récentes, qu on ne peut connaître que par ce moyen 9.ndance constante de l'esprit humain, quant à l'exposition des connaissances, este substituer de plus en plus à l'ordre historique l'ordre dogmatique, qui peutvenir à l'état perfectionnéde notre intelligence.nroblème général de l'éducation intellectuelle consiste à faire parvenir, en peuun seul entendement, le plus souvent médiocre, au même point de développe-

ui a été atteint, dans une longue suite de siècles, par un grand nombrees supérieurs appliquant successivement, pendant leur vie entière, toutes leursà l'étude d'un même sujet. Il est clair, d'après cela, que, quoiqu'il soit infinimentacile et plus court d'apprendre que d'inventer, il serait certainement impossibledre le but proposé, si l'on voulait assujettir chaque esprit individuel à passerivement par les mêmes intermédiaires qu'a dû suivre nécessairement le génieÏ de l'espèce humaine. De là, l'indispensable besoin de l'ordre dogmatique, quirtout si sensible aujourd'hui pour les sciences les plus avancées, dont le modeire d'exposition ne présente presque plus aucune trace de la filiation effective dedétails10.

squ'i1 partageait les sciences en abstraites et concrètes, Auguste Comte proposait cet équivalent,t dans les traités: physique dogmatique, histoire naturelle. Dogme et histoire séparaient des conte-e sens; ils désignent maintenant les modes d'exposition d'une même discipline. Dogme était abstrac-il est ordre logique, ou compendium, ou manuel. Histoire désignait le concret, elle parle de formation.avatars de l'ordre et du progrès.Le termeformation est l'index de ce qui va suivre, au moins en France et peut-être ailleurs. Qu'il soitris de manière chronologique, stadiale, diachronique, voici les travaux de Pierre Duhem, Bruns-g, Cavaillès (Remarques sur laformation de la théorie abstraite des ensembles), Canguilhem (La for-n du conceptde réflexe) ;qu'il soit ravalé d'un semblant de psychanalyse, et voici Bachelard (La forma-de l'esprit scientifique : et le terme esprit passe parle Cours, ou l'esprit positif); que le dogme soitaré à l'histoire, et apparaît l'idée de récurrence, bergsonienne comme l'on sait; que formation passe àysiologie, voici Piaget ou L'épistémologie génétique: les lois de la phylogénie sont toujours parallèles,qu'ici inversées, aux lois de l'ontogénie; que formation passe aux régions de la géologie, voici la tradi-husserlienne de la Krisis et la recherche des formations conditionnelles sous-jacentes; comme les cou-de terrain peuvent se déplacer, voici séismes et coupures, Que formation varie vers le sens socio-poli-,et la formation culturelle baptisée science est éclairée en termes deformations sociales. Que formationuve le terme institutio, ou instruction première des jeunes savants, voici la psychologie sociale, ou lalogledesgroupes de Thomas Kuhn, ici annoncée en trois lignes expresses. Qu'elle vire au grammatical:ation des cas, verbes ou phrases, syntaxe et morphologie, on étudie le discours de la science. Ou bien

'ê! discours logique de la bonne formation, des expressions bien formées. On attend, pour finir, que le tra-soit fait en termes d'information. D'où l'on voit qu'il suffit de balayer complètement l'aire sémantique

formation pour retrouver l'ensemble des traditions techniques pour le traitement de l'histoire desA chacun son assiette au banquet, mais sur la même table. Que si chacun envoie son gobelet sur la

du voisin, ce n'est que scène de ménage.- L'exemple, amené par Comte, des géomètres grecs, est un contre-exemple. D'abord, il est tardif:Éléments d'Euclide, manuel dogmatique et condensé d'histoire, ont servi, dès Alexandrie et jusqu'àclassique, de traité de pédagogie. II est, de plus, de mauvaise foi: le Cours, on le verra plus loin, est

Iotltdlementignorant de la grécité; ilrépugne enfin au formalisme et à l'axiomatique. Tout cela contribuererouiement d'Euclide. Notons enfin que tous les grands traités du temps (Lagrange, Laplace, etc.)

'~""l'1Lulerl{I'histoirede leur science en même temps que ses leçons.Que la formation des savants recouvre et cache la formation de leur savoir. Aliénation, oubli de l'ori-COupuresou trous de mémoire comme Orwellies nommait.

Page 11: DEUXIÈME LEÇON

52 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

Il faut néanmoins ajouter, pour prévenir toute exagération, que tout mode réel d'expo-sition est, inévitablement, une certaine combinaison de l'ordre dogmatique avec l'ordrehistorique, dans laquelle seulement le premier doit dominer constamment et de plus enplus. L'ordre dogmatique ne peut, en effet, être suivi d'une manière tout à faitrigoureuse; car, par cela même qu'il exige une nouvelle élaboration des connaissancesacquises, il n'est point applicable, à chaque époque de la science, aux parties récemmentformées, dont l'étude ne comporte qu'un ordre essentiellement historique, lequel ne pré-sente pas d'ailleurs, dans ce cas, les inconvénients principaux qui le font rejeter engénéral.La seule imperfection fondamentale qu'on pourrait reprocher au mode dogmatique,

c'est de laisser ignorer la manière dont se sont formées les diverses connaissanceshumaines, ce qui, quoique distinct de l'acquisition même de ces connaissances, est,en soi, du plus haut intérêt pour tout esprit philosophique. Cette considération aurait,à mes yeux, beaucoup de poids, si elle était réellement un motif en faveur de l'ordrehistorique. Mais il est aisé de voir qu'il n'y a qu'une relation apparente entre étudierune science en suivant le mode dit historique, et connaître véritablement l'histoire effectivede cette science.En effet, non seulement les diverses parties de chaque science, qu'on est conduit à

séparer dans l'ordre dogmatique, se sont, en réalité, développées simultanément et sousl'influence les unes des autres, ce qui tendrait à faire préférer l'ordre historique :mais, en considérant, dans son ensemble, le développement effectif de l'esprit humain, onvoit de plus que les différentes sciences ont été, dans le fait, perfectionnées en mêmetemps et mutuellement ; on voit même que les progrès des sciences et ceux des arts ontdépendu les uns des autres, par d'innombrables influences réciproques, et enfin quetous ont été étroitement liés au développement général de la société humaine. Ce vasteenchaînement est tellement réel, que souvent, pour concevoir la génération effective d'unethéorie scientifique, l'esprit est conduit à considérer le perfectionnement de quelque artqui n'a avec elle aucune liaison rationnelle, ou même quelque progrès particulier dansl'organisation sociale, sans lequel cette découverte n'eût pu avoir lieu. Nous en verronsdans la suite de nombreux exemples. Il résulte donc de là que l'on ne peut connaîtrela véritable histoire de chaque science, c'est-à-dire la formation réelle des découvertesdont elle se compose, qu'en étudiant, d'une maniere générale et directe, l'histoire del'humanité. C'est pourquoi tous les documents recueillis jusqu'ici sur l'histoire des mathé-matiques, de l'astronomie, de la médecine, etc., quelque précieux qu'ils soient, ne peuventêtre regardés que comme des matériaux.Le prétendu ordre historique d'exposition, même quand il pourrait être suivi rigoureu-

sement pour les détails de chaque science en particulier, serait déjà purement hypothétiqueet abstrait sous le rapport le plus important, en ce qu'il considérerait le développementde cette science comme isolé. Bien loin de mettre en évidence la véritable histoire dela science, il tiendrait à en faire concevoir une opinion très fausse 11.Ainsi, nous sommes certainement convaincus que la connaissance de l'histoire des

11. L'histoire des sciences est, à son tour, multiplement connexe. Une région donnée se forme et se déve-loppe au milieu de toutes, des techniques, des arts, de l'évolution économique et sociale; à quoi il convientd 'ajouter I'histoire des phénomènes religieux et culturels. Ainsi lesmonographies, des disciplines commedes inventeurs, ne sont que découpages arbitraires. Seule une Histoire Générale des Sciences peut être fidèleà son objet. On a déjà vu, en effet, que la multiplicité des connexions croissait à inesure d'approche duconcret. On sait que Guizot a refusé à Auguste Comte la chaire du Collège de France qu'il demandait souscet intitulé.

Page 12: DEUXIÈME LEÇON

lue tout mode réel d'expo-e dogmatique avec l'ordreonstamment et de plus enune manière tout à faitiboration des connaissancesnee, aux parties récemmenthistorique, lequel ne pré-

JX qui le font rejeter en

.her au mode dogmatique,les diverses connaissancesde ces connaissances, est,Cette considération aurait,motif en faveur de l'ordreion apparente entre étudierltablement l'histoire effective

:ience, qu'on est conduit àpées simultanément et sousréférer l'ordre historique :cectif de l'esprit humain, onlit, perfectionnées en même.lences et ceux des arts ontréciproques, et enfin quel société humaine. Ce vastela génération effective d'une:ctionnement de quelque artque progrès particulier dansavoir lieu. Nous en verronsque l'on ne peut connaîtreation réelle des découvertesale et directe, l'histoire de"ici sur l'histoire des mathé-eux qu'ils soient, ne peuvent

pourrait être suivi rigoureu-t déjà purement hypothétiquemsidérerait le développementence la véritable histoire defausse 11.mnaissance de l'histoire des

régiondonnéese formeet se déve-nique et sociale;à quoi il convientnographies,des disciplinescommeénéraledesSciencespeutêtrefidèlecroissaità mesured'approche duège de Francequ'il demandaitsous

DEUXIÈME LEÇON 53

. ces est de la plus haute importance. Je pense même qu'on ne connaît pas complè-SClent une science tant qu'on n'en sait pas l'histoire. Mais cette étude doit être conçuetemen " dozmati dl' I 11e entièrement séparee de l'etude propre et ogmatique e a SCience, sans aque eC()~ cette histoire ne serait pas intelligible. Nous considérerons donc avec beaucoup;emoin l'histoire réelle des sciences fondamentales qui vont être le sujet de nos médi-ers S' mais ce sera seulement dans la dernière partie de ce cours, celle relative àta Ion , " . , 1 ' , I d l'h 't' d tl'étude des phénomenes SOCI~UX,en tra!t~nt du deve .oppement gener~ e. u~a~1 e, onl'histoire des sciences constitue la partie la plus importante, quoique Jusqu ICI la plusé ligée- Dans l'étude de chaque science, les considérations historiques incidentes qui~o~rront se présenter auront un caractère nettement distinct, de manière à ne pas~térer la nature propre de notre travail principal.La discussion précédente, qui doit d'ailleurs, comme on le voit, être spécialement

développée plus tard, tend à préciser davantage, en le présentant sous un nouveau pointde vue, le véritable esprit de ce cours. Mais, surtout, il en résulte, relativement à laquestion actuelle, la détermination exacte des conditions qu'on doit s'imposer, et qu'onpeut justement espérer de remplir dans la construction d'une échelle encyclopédique desdiverses sciences fondaiTIentaies.On voit, en effet, que, quelque parfaite qu'on pût la supposer, cette classification ne

Saurait [amais être rigoureusement conforme à l'enchaînement historique des sciences.Quoi qu'on fasse, on ne peut éviter entièrement de présenter comme antérieure telleSl:ience qni aura cependant besoin, sous quelques rapports particuliers plus ou moinsimportants, d'emprunter des notions à une autre science classée dans un rang postérieur.n> faut tâcher seulement qu'un tel inconvénient n'ait lieu relativement aux conceptionséâractéristiques de chaque science, car alors la classification serait tout à' fait vicieuse.Ainsi, par exemple, il me semble incontestable que, dans le système général des

sciences, l'astronomie doit être placée avant la physique proprement dite, et néanmoinsplusieurs branches de celle-ci, surtout l'optique, sont indispensables à l'exposition complètedé la première 12.De tels défauts secondaires, qui sont strictement inévitables, ne sauraient prévaloir

contre une classification, qui remplirait d'ailleurs convenablement les conditions princi-pales. Ils tiennent à ce qu'il y a nécessairement d'artificiel dans notre division dutravail intellectuel.Néanmoins, quoique, d'après les explications précédentes, nous ne devions pas prendre

l'ordre historique pour base de notre classification, je ne dois pas négliger d'indiquerd'avance, comme une propriété essentielle de l'échelle encyclopédique que je vais proposer,sa conformité générale avec l'ensemble de l'histoire scientifique; en ce sens, que, malgréla simultanéité réelle et continue du développement des différentes sciences, celles quiSeront classées comme antérieures seront, en effet, plus anciennes et constamment plusavancées que celles présentées comme postérieures. C'est ce qui doit avoir lieu inévita-blement si, en réalité, nous prenons, comme cela doit être, pour principe de classification,l'enchaînement logique naturel des diverses sciences, le point de départ de l'espèce ayantdû nécessairement être le même que celui de l'individu.Pour achever de déterminer avec toute la précision possible la difficulté exacte de la

question encyclopédique que nous avons à résoudre, je crois utile d'introduire une consi-

II~~i

12. Sur les cerclesrésiduelset fondamentauxdu classement,voirPréface. L'exemplede l'astronomieestd'une pertinencecroissanteavec le.temps : dès que l'astrophysique,interditepar Comte, est au relais, laphysiqueentièreestconcernée.L'ordre du Cours n'est cependantpasmal formépour son temps: l'optiquey est,pour l'essentiel,une géométrie,et l'astronomie,une mécanique.

Page 13: DEUXIÈME LEÇON

54 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

dération mathématique fort simple qui résumera rigoureusement l'ensemble des raisonne-ments exposés jusqu'ici dans cette leçon. Voici en quoi elle consiste.Nous nous proposons de classer les sciences fondamentales. Or nous verrons bientôt

que, tout bien considéré, il n'est pas possible d'en distinguer moins de six; la plupart dessavants en admettraient même vraisemblablementun plus grand nombre. Cela posé, onsait que six objets comportent 720 dispositions différentes. Les sciences fondamentalespourraient donc donner lieu à 720 classifications distinctes, parmi lesquelles il s'agit dechoisir la classification nécessairement unique, qui satisfait le mieux aux principalesconditions du problème. On voit que, malgré le grand nombre d'échelles encyclopédiquessuccessivementproposées jusqu'à présent, la discussion n'a porté encore que sur unebien faible partie des dispositions possibles; et, néanmoins, je crois pouvoir dire, sansexagération, qu'en examinant chacune de ces 720 classifications, il n'en serait peut-êtrepas une seule en faveur de laquelle on ne pût faire valoir quelques motifs plausibles;car, en observant les diverses dispositionsqui ont été effectivement proposées, on remarqueentre elles les plus extrêmes différences; les sciences, qui sont placées par les unsà la tête du système encyclopédique,étant renvoyées par d'autres à l'extrémité opposée,et réciproquement. C'est donc dans ce choix d'un seul ordre vraiment rationnel, parmile nombre très considérable des systèmespossibles, que consiste la difficulté précise de laquestion que nous avons posée.Abordant maintenant d'une manière directe cette grande question, rappelons-nousd'abord

que, pour obtenir une classification naturelle et positive des sciences fondamentales, c'estdans la comparaison des divers ordres de phénomènes dont elles ont pour objet dedécouvrir les lois que nous devons en chercher le principe. Ce que nous voulonsdéterminer, c'est la dépendance réelle des diverses études scientifiques. Or cette dépen-dance ne peut résulter que de celle des phénomènes correspondants.En considérant sous ce point de vue tous les phénomènes observables, nous allons

voir qu'il est possible de les classer en un petit nombre de catégories naturelles, dispo-sées d'une telle manière que l'étude rationnelle de chaque catégorie soit fondée sur laconnaissance des lois principales de la catégorie précédente, et devienne le fondementde l'étude de la suivante. Cet ordre est déterminé par le degré de simplicité, ou, ce quirevient au même, par le degré de généralité des phénomènes, d'où résulte leur dépendancesuccessive, et, en conséquence, la facilité plus ou moins grande de leur étude.Il est clair, en effet, a priori, que les phénomènes les plus simples, ceux qui se

compliquent le moins des autres, sont nécessairementaussi les plus généraux ; car ce quis'observe dans le plus grand nombre de cas est, par cela même, dégagé le pluspossible des circonstances propres à chaque cas séparé. C'est donc par l'étu<:}e__desphénomènes les plus généraux ou les plus simples qu'il faut commencer, en procédantensuite successivementjusqu'aux phénomènes les plus particuliers oUTëSPlus compliqués,si l'on veut concevoir la philosophfenalurelle· d'une manière vr-aimentméthodique;· carcet ordre de généralité ou de simplicité, déterminant nécessairementl'enchaînement ration-nel des diverses sciences fondamentalespar la dépendance successivede leurs phénomènes,fixe ainsi leur degré de facilité 13.En même temps, par une considération auxiliaire que je crois important de noter ici,

et qui converge exactement avec toutes les précédentes, les phénomènes les plus générauxou les plus simples, se trouvant nécessairement les plus étrangers à l'homme, doivent,

13. Simple, néanmoins, n'est pas toujours facile. La mathématique est simple parce que les éléments deson langage sont monosémiques. Or, ce qui rend facile et fluide le langage courant, c'est, au contraire, sapolysémie, donc sa complexité.

Page 14: DEUXIÈME LEÇON

rt l'ensemble des raisonne-~ consiste.. Or nous verrons bientôtloins de six; la plupart desnd nombre. Cela posé, onLes sciences fondamentalesarmi lesquelles il s'agit dele mieux aux principalese d'échelles encyclopédiquesporté encore que sur uneje crois pouvoir dire, sansms, il n'en serait peut-êtrequelques motifs plausibles;lent proposées, on remarquesont placées par les unslitres à l'extrémité opposée,: vraiment rationnel, parmie la difficulté précise de la

.tion, rappelons-nous d'abordsciences fondamentales, c'estt elles ont pour objet depe. Ce que nous voulonsientifiques. Or cette dépen-espondants.es observables, nous allonscatégories naturelles, dispo-:atégorie soit fondée sur laet devienne le fondementré de simplicité, ou, ce quid'où résulte leur dépendanceinde de leur étude.plus simples, ceux qui sei plus généraux ; car ce quiela même, dégagé le plus::;'est donc par l'étud~._deslt commencer;-e;;:-procédantiers ou les plus compliqués,; vraiment méthodique; carement l'enchaînement ration-cessive de leurs phénomènes,

:rois important de noter ici,hénomènes les plus générauxrangers à l'homme, doivent,

simpleparcequelesélémentsdegecourant,c'est,au contraire,sa

DEUXIÈME LEÇON 55

par cela même, être étudiés dans une disposition d'esprit· plus calme, plus rationnelle,ce qui constitue un nouveau motif pour que les sciences correspondantes se développentplus rapidement.Ayant ainsi indiqué la règle fondamentale qui doit présider à la classification des

sciences, je puis passer immédiatement à la construction de l'échelle encyclopédiqued'après laquelle le plan de ce cours doit être déterminé, et que chacun pourra aisémentapprécierà l'aide des considérationsprécédentes.Une première contemplation de l'ensemble des phénomènes naturels nous porte à les

diviser d'abord, conformément au principe que nous venons d'établir, en deux grandescl;lsses principales, la première comprenant tous les phénomènes des corps bruts, lasecondetous ceux des corps organisés.Ces d~rni~fs sont évidemment, en effet, plus compliqués et plus particuliers que les

autres; ils dépendent des précédents, qui, au contraire, n'en dépendent nullement. De làla nécessité de n'étudier les phénomènes physiologiques qu'après ceux des corps inorga-niques. De quelque manière qu'on explique les différences de ces deux sortes d'êtres,il. est certain qu'on observe dans les corps vivants tous les phénomènes, soit mécaniques,spit chimiques,qui ont lieu dans les corps bruts, plus un ordre tout spécial de phéno-mènes, .les phénomènes vitaux proprement dits, ceux qui tiennent à l'organisation.Il ne s'agit pas ici d'examiner si les deux classes de corps sont ou ne sont pasde la même nature, question insoluble qu'on agite encore beaucoup trop de nos jours,par un reste d'influence des habitudes théologiques et métaphysiques; une telle questionn'est pas du domaine de la philosophie positive, qui fait formellement profession d'ignorer!lhsolumentla nature intime d'un corps quelconque. Mais il n'est nullement indispensableqç. considérerles corps bruts et les corps vivants comme étant d'une nature essentiellementdifférente pour reconnaître la nécessité de la séparation de leurs études.Sans doute, les idées ne sont pas encore suffisamment fixées sur la manière générale

de concevoir les phénomènes des corps vivants. Mais, quelque parti qu'on puisse prendre~.,cet égard par suite des progrès ultérieurs de la philosophie naturelle, la classificationque nous établissons n'en saurait être aucunement affectée. En effet, regardât-on commeg~montré, ce que permet à peine d'entrevoir l'état présent de la physiologie, que lesphénomènes physiologiquessont toujours de simples phénomènes mécaniques, électriqueset chimiques,modifiés par la structure et la composition propres aux corps organisés,notre division fondamentale n'en subsisterait pas moins. Car il reste toujours vrai,même dans cette hypothèse, que les phénomènes généraux doivent être étudiés avantde procéder à l'examen des modifications spéciales qu'ils éprouvent dans certains êtresde l'univers, par suite d'une disposition particulière des molécules. Ainsi, la division,qui est aujourd'hui fondée dans la plupart des esprits éclairés sur la diversité des lois,est de nature à se maintenir indéfiniment à cause de la subordination des phénomèneset. par suite des études, quelque rapprochement qu'on puisse jamais établir solidemententre les deux classes de corps.~e n'est pas ici le lieu de développer, dans ses diverses parties essentielles, la compa-

raison générale entre les corps bruts et les corps vivants, qui sera le sujet spécialWun examen approfondi dans la section physiologique de ce cours. Il suffit, quant à.présent,d'avoir reconnu, en principe, la nécessité logique de séparer la science relativeaux premiers de celle relative aux seconds, et de ne procéder à l'étude de la physiqueorganique qu'après avoir établi les lois générales de la physique inorganique.. Passons maintenant à la détermination de la sous-divisionprincipale dont est suscep-tIble, d'après la même règle, chacune de ces deux grandes moitiés de la philosophienaturelle.

Page 15: DEUXIÈME LEÇON

56 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

Pour la physique inorganique, nous voyons d'abord, en nous conformant toujours àl'ordre de généralité et de dépendance des phénomènes, qu'elle doit être partagée endeux sections distinctes suivant qu'elle considère les phénomènes généraux de l'univers,ou, en particulier, ceux que présentent les corps terrestres. D'où la physique céleste,ou l'astronomie, soit géométrique, soit mécanique; et la physique terrestre. La nécessitéde cette division est exactement semblable à celle de la précédente 14.Les phénomènes astronomiques étant les plus généraux, les plus simples, les plus

abstraits de tous, c'est évidemment par leur étude que doit commencer la philosophicnaturelle, puisque les lois auxquelles ils sont assujettis influent sur celles de tous lesautres phénomènes, dont elles-mêmes sont, au contraire, essentiellement indépendantes.Dans tous les phénomènes de la physique terrestre, on observe d'abord les effetsgénéraux de la gravitation universelle, plus quelques autres effets qui leur sont propres,et qui modifient les preml~~ Il s'ensuit que, lorsqu'on analyse le phénomène terrestrele plus simple, non seulement en prenant un phénomène chimique, mais en choisissantmême un phénomène purement mécanique, on le trouve constamment plus composé quele phénomène céleste le plus compliqué. C'est ainsi, par exemple, que le simple mou-vement d'un corps pesant, même quand il ne s'agit que d'un solide, présente réellement,lorsqu'on veut tenir compte de toutes les circonstances déterminantes, un sujet de recher-ches plus compliqué que la question astronomique la plus difficile. Une telle considé-ration montre clairement combien il est indispensable de séparer nettement la physiquecéleste et la physique terrestre, et de ne procéder à l'étude de la seconde qu'aprèscelle de la première, qui en est la base rationnelle 15.La physique terrestre, à son tour, se sous-divise, d'après le même principe, en deux

portions très distinctes, selon qu'elle envisage les corps sous le point de vue mécanique,ou sous le point de vue chimique. D'où la physique proprement dite, et la chimie,Celle-ci, pour être conçue d'une manière vraiment méthodique, suppose évidemment laconnaissance préalable de l'autre. Car tous les phénomènes chimiques sont nécessairementplus compliqués que les phénomènes physiques; ils en dépendent sans influer sureux. Chacun sait, en effet, que toute action chimique est soumise d'abord à l'influencede la pesanteur, de la chaleur, de l'électricité, etc., et présente, en outre, quelque chosede propre qui modifie l'action des agents précédents. Cette considération, qui montreévidemment la chimie comme ne pouvant marcher qu'après la physique, la présente enmême temps comme une science distincte. Car, quelque opinion qu'on adopte relativementaux affinités chimiques, et quand même on ne verrait en elles, ainsi qu'on peut leconcevoir, que des modifications de la gravitation générale produites par la figure et

14, Sur lescritèresdu classementet la répétitionde celui-cien toute régionclassée,voir laPréface.15. Le critèrede complexité,repris de Comtepar Bachelard,est, en fait, malaiséà évaluer.Peut-ondirevraimentqu'un problèmede balistiqueest plus compliqué,plus composéque la questiondesn corps? Aconsidérerleséquationset solutions,on est tenté de répondrepar la négative: nous dominonsà peu près,le premier,nous ne dominonspas, à beaucoupprès, le second.Ce que le Cours entendpar complexitéoucomposition,c'est l'interaction plus ou moins forte d'une questionavecdes élémentsd'une autre région.Le problèmedesn corpsest purementdemécaniquecéleste,la questionde balistiquefait intervenir,outrela mécanique,des conditionsphysico-chimiques.Donc le derniersembleplus composé.Mais l'évaluationrecommencedèsqu'on introduit des considérationsphysico-chimiquesen astronomie.En fait, une tenta-tivede classementfondésur le critèrede complexitémontreraitaujourd'hui de tels recouvrementsrécipro-ques de région à régionqu'il faudrait abandonner toute échelle,toute structure d'ordre, On obtiendraitdes constellationsen nuageset non une classificationlinéaire.La crise du savoirvient pour partie de cequ'il est encoreorganisé,à tous niveaux,par desstructuresd'ordre, alorsqu'en véritéildébordecomplète-menttoute « hiérarchie»concevable.

Page 16: DEUXIÈME LEÇON

eus conformant toujours à'elle doit être partagée enènes généraux de l'univers,D'où la physique céleste,sique terrestre. La nécessitée 14.les plus simples, les pluscommencer la philosophielent sur celles de tous lesrsentiellement indépendantes.observe d'abord les effets£fets qui leur sont propres,lyse le phénomène terrestreimique, mais en choisissant,tamment plus composé queernple, que le simple mou-solide, présente réellement,iinantes, un sujet de recher-difficile. Une telle considé-oarer nettement la physiquede de la seconde qu'après

le même principe, en deuxle point de vue mécanique,xement dite, et la chimie.lue, suppose évidemment larimiques sont nécessairementdépendent sans influer surnimise d'abord à l'influencerte, en outre, quelque chose: considération, qui montrela physique, la présente enln qu'on adopte relativementelles, ainsi qu'on peut leproduites par la figure et

onclassée,voirlaPréface.t, malaiséà évaluer.Peut-ondireisé quela questiondesn corps?A.ative: nousdominonsà peuprèse Cours entendpar complexitéou; desélémentsd'une autre région.de balistiquefait intervenir,outre: pluscomposé.Maisl'évaluationen astronomie.En fait, une tenta-huidetelsrecouvrementsrécipro-structured'ordre. On obtiendraitdu savoirvientpour partiede ce, qu'envéritéildébordecomplète-

DEUXIÈME LEÇON 57

la disposition mutuelle des atomes, il demeurerait incontestable que la nécessitécontinuellement égard à ces conditions spéciales ne permettrait point de traiter

chimie comme un simple appendice de la physique. On serait donc obligé, dans tousne fût-ce que pour la facilité de l'étude, de maintenir la division et l'enchaînement

l'on regarde aujourd'hui comme tenant à l'hétérogénéité des phénomènes.est donc la distribution rationnelle des principales branches de la sciencedes corps bruts. Une division analogue s'établit, de la même manière, dans lagénérale des corps organisés.les êtres vivants présentent deux ordres de phénomènes essentiellement distincts,

relatifs à l'individu, et ceux qui concernent l'espèce, surtout quand elle est sociable.prinCipalement par rapport à l'homme, que cette distinction est fondamentale. Leordre de phénomènes est évidemment plus compliqué et plus particulier que

l¢ premier; il en dépend sans influer sur lui. De là, deux grandes sections dans lajj.hysique organique, la physiologie proprement dite, et la physique sociale, qui estfondée sur la première.Dans tous les phénomènes sociaux, on observe d'abord l'influence des lois physio-

!pgiques de l'individu, et, en outre, quelque chose de particulier qui en modifie les~,fféts, et qui tient à l'action des individus les uns sur les autres, singulièrementcompliquée,dans l'espèce humaine, par l'action de chaque génération sur celle qui la suit.

donc évident que, pour étudier convenablement les phénomènes sociaux, il fautpartir d'une connaissance approfondie des lois relatives à la vie individuelle.

autre côté, cette subordination nécessaire entre les deux études ne prescrit nullement,quelques physiologistes du premier ordre ont été portés à le croire, de voir

la physique sociale un simple appendice de la physiologie16. Quoique les phénomènessoient certainement homogènes, ils· ne sont point identiques, et la séparation des deuxsciencesest d'une importance vraiment fondamentale. Car il serait impossible de traiterrétude collective de l'espèce comme une pure déduction de l'étude de l'individu, puisqueles conditions sociales, qui modifient l'action des lois physiologiques, sont précisémentalors la considération la plus essentielle. Ainsi, la physique sociale doit être fondée surun c0IJ>~.. ~'observations directes qui lui soit propre, tout en ayant égard, comme ilconvient, à son intime relation nécessaire avec la physiologie proprement dite.•On pourrait aisément établir une symétrie parfaite entre la division de la physiqueorganique et celle ci-dessus exposée pour la physique inorganique, en rappelant la dis-tinction vulgaire de la physiologie proprement dite en végétale et animale. Il seraitfacile, en effet, de rattacher cette sous-division au principe de classification que nousavons constamment suivi, puisque les phénomènes de la vie animale se présentent, engénéral du moins, comme plus compliqués et plus spéciaux que ceux de la vie végétale.Mais la recherche de cette symétrie précise aurait quelque chose de puéril, si elle entraînaità méconnaître ou à exagérer les analogies réelles ou les différences affectives des phéno-mènes. Or il est certain que la distinction entre la physiologie végétale et la physiologieanimale, qui a une grande importance dans ce que j'ai appelé la physique concrète,n'en a presque aucune dans la physique abstraite, la seule dont il s'agisse ici. Laconnaissance des lois générales de la vie, qui doit être à nos yeux le véritable objetde la physiologie, exige la considération simultanée de toute la série organique sansdistinction de végétaux et d'animaux, distinction qui, d'ailleurs, s'efface de jour enjour, à mesure que les phénomènes sont étudiés d'une manière approfondie.

16. Cabanis,Rapports du physique et du moral de l'homme, 1796-1802. Voir aussila quarante-neuvièrreleçon.

Page 17: DEUXIÈME LEÇON

58 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

Nous persisterons donc à ne considérer qu'une seule division dans la physique orga-nique, quoique nous ayons cru devoir en établir deux successives dans la physiqueinorganique.En résultat de cette discussion, la philosophie positive se trouve donc naturellement

partagée en cinq sciences fondamentales, dont la succession est déterminée par unesubordination nécessaire et invariable, fondée, indépendammentde toute opinion hypothé-tique, sur la simple comparaison approfondie des phénomènes correspondants : c'estl'astronomie, la physique, la chimie, la physiologie et enfin la physique sociale. Lapremière considère les phénomènes les plus généraux, les plus simples, les plus abstraitset les plus éloignés de l'humanité ; ils influent sur tous les autres, sans être influencéspar eux. Les phénomènes considérés par la dernière sont, au contraire, les plus parti-culiers, les plus compliqués, les plus concrets et les plus directement intéressants pourl'homme; ils dépendent, plus ou moins, de tous les précédents, sans exercer sur euxaucune influence17. Entre ces deux extrêmes, les degrés de spécialité, de complicationet de personnalité des phénomènes vont graduellement en augmentant, ainsi que leurdépendance successive.Telle est l'intime relation générale que la véritable observationphilosophique, convenablement employée, et non de vaines distinctions arbitraires, nousconduit à établir entre les diverses sciences fondamentales. Tel doit donc être le plande ce cours.Je n'ai pu ici qu'esquisser l'exposition des considérations principales sur lesquelles

repose cette classification.Pour la concevoir complètement, il faudrait maintenant, aprèsl'avoir envisagée d'un point de vue général, l'examiner relativement à chaque sciencefondamentale en particulier. C'est ce que nous ferons soigneusement en commençantl'étude spéciale de chaque partie de ce cours. La construction de cette échelle encyclo-pédique, reprise ainsi successivementen partant de chacune des cinq grandes sciences,lui fera acquérir plus d'exactitude, et surtout mettra pleinement en évidence sa solidité.Ces avantages seront d'autant plus sensibles, que nous verrons alors la distributionintérieure de chaque science s'établir naturellement d'après le même principe, ce quiprésentera tout le système des connaissanceshumaines décomposé, jusque dans ses détailssecondaires,d'après une considérationunique constamment suivie, celle du degré d'abstrac-tion plus ou moins grand des conceptions correspondantes. Mais des travaux de cegenre, outre qu'ils nous entraîneraient maintenant beaucoup trop loin, seraient certainementdéplacés dans cette leçon, où notre esprit doit se maintenir au point de vue leplus général de la philosophiepositive.Néanmoins, pour faire apprécier aussi complètement que possible, dès ce moment,

l'importance de cette hiérarchie fondamentale, dont je ferai, dans toute la suite de cecours, des applicationscontinuelles,je dois signaler rapidement ici ses propriétés généralesles plus essentielles.Il faut d'abord remarquer, comme une vérification très décisive de l'exactitude de

cette classification, sa conformité essentielle avec la coordination, en quelque sorte,spontanée, qui se trouve en effet implicitement admise par les savants livrés à l'étudedes diversesbranchesde la philosophienaturelle.C'est une condition ordinairement fort négligée par les constructeurs d'échelles ency-

clopédiques, que de présenter comme distinctes les sciences que la marche effectivede l'esprit humain a conduit, sans dessein prémédité, à cultiver séparément, et d'établir

17. Si on fait dire au texte que les formations socio-politiques n'ont aucune influence sur les sciences quiprécèdent la sociologie, on comprend que le positivisme ait tant vieilli. Mais le texte parle des phénomèneset non du savoir qu'on en tire. Il est cependant vrai que ce savoir prévoit et ne transforme pas.

Page 18: DEUXIÈME LEÇON

ion dans la physique orga-ccessives dans la physique

trouve donc naturellementn est déterminée par unet de toute opinion hypothé-ènes correspondants : c'estin la physique sociale. LaIS simples, les plus abstraitsautres, sans être influencéslU contraire, les plus parti-lirectement intéressants pourlents, sans exercer sur eux: spécialité, de complicationaugmentant, ainsi que leurlue la véritable observationdistinctions arbitraires, nousTel doit donc être le plan

IS principales sur lesquellesil faudrait maintenant, après.ativement à chaque sciencegneusement en commençanton de cette échelle encyclo-: des cinq grandes sciences,lent en évidence sa solidité.'errons alors la distributionle même principe, ce quiposé, jusque dans ses détailsivie, celle du degré d'abstrac-s, Mais des travaux de ceop loin, seraient certainementntenir au point de vue le

e possible, dès ce moment,, dans toute la suite de ceI1tici ses propriétés générales

décisive de l'exactitude de-rdination, en quelque sorte. les savants livrés à l'étude

constructeurs d'échelles ency-.es que la marche effectiveltiver séparément, et d'établir

ucuneinfluencesur lessciencesquiMaisle texteparledesphénomènesiit et ne transforme pas.

DEUXIÈME LEÇON 59

entre elles une subordination conforme aux relations positives que manifeste leur dévelop-pement journalier. Un tel accord est néanmoins évidemment le plus sûr indice d'unebonne classification; car les divisions qui se sont introduites spontanément dans lesystème scientifique n'ont pu être déterminées que par le sentiment longtemps éprouvédes véritables besoins de l'esprit humain, sans qu'on ait pu être égaré par des généralitésvicieuses.Mais, quoique la classification ci-dessus proposée remplisse entièrement cette condition,

ce qu'il serait superflu de prouver, il n'en faudrait pas conclure que les habitudesgénéralement établies aujourd'hui par expérience chez les savants rendraient inutile letravail encyclopédique que nous venons d'exécuter. Elles ont seulement rendu possibleune telle opération, qui présente la différence fondamentale d'une conception rationnelleà une classification purement empirique. Il s'en faut d'ailleurs que cette classificationsoit ordinairement conçue et surtout suivie avec toute la précision nécessaire, et que sonimportance soit convenablement appréciée; il suffirait, pour s'en convaincre, de considérerles graves infractions qui sont commises tous les jours contre cette loi encyclopédique, augrand préjudicede l'esprit humain.Un second caractère très essentiel de notre classification, c'est d'être nécessairement

conforme à l'ordre effectif du développement de la philosophie naturelle. C'est ce quevérifie--tout ce qu'on sait de l'histoire des sciences, particulièrement dans les deuxderniers siècles, où nous pouvons suivre leur marche avec plus d'exactitude.On conçoit, en effet, que l'étude rationnelle de chaque science fondamentale, exigeant

la culture préalable de toutes celles qui la précèdent dans notre hiérarchie encyclopédique,n'a pu faire de progrès réels et prendre son véritable caractère, qu'après un granddéveloppementdes sciences antérieures relatives à des phénomènes plus généraux, plusabstraits,moins compliqués et indépendants des autres. C'est donc dans cet ordre que laprogression.quoique simultanée, a dû avoir lieu.Cette considération me semble d'une telle importance, que je ne crois pas possible de

comprendre réellement, sans y avoir égard, l'histoire de l'esprit humain. La loi généralequi domine toute cette histoire, et que j'ai exposée dans la leçon précédente, ne peutêtre convenablement entendue, si on ne la combine point dans l'application avec laformule encyclopédiqueque nous venons d'établir. Car, c'est suivant l'ordre énoncé parcette formule que les différentes théories humaines ont atteint successivement, d'abordl'état théologique, ensuite l'état métaphysique, et enfin l'état positif. Si l'on ne tientpas compte dans l'usage de la loi de cette progression nécessaire, on rencontrera souventdes difficultés qui paraîtront insurmontables, car il est clair que l'état théologique oumétaphysique de .certaines théories fondamentales a dû temporairement coïncider et aquelquefois coïncidé en effet avec l'état positif de celles qui leur sont antérieures dansnotre système encyclopédique, ce qui tend à jeter sur la vérification de la loi généraleune obscuritéqu'on ne peut dissiperque par la classificationprécédente 18.En troisième lieu, cette classification présente la propriété très remarquable de marquer

exactement la perfection relative des différentes sciences, laquelle consiste essentiellement~a~s le degré de précision des connaissances, et dans leur coordination plus ou moinsmtime,Il est aisé de sentir, en effet, que plus des phénomènes sont généraux, simples et

abstraits, moins ils dépendent des autres, et plus les connaissances qui s'y rapportentpeuvent être précises, en même temps que leur coordination peut être plus complète.

18. Cf. premièreleçon,note7. Toutelignehorizontale,surledeuxièmetableau,représenteunecoïncidencedecegenre.

Page 19: DEUXIÈME LEÇON

60 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

Ainsi les phénomènes organiques ne comportent qu'une étude à la fois moins exacte etmoins systématique que les phénomènes des corps bruts. De même, dans la physiqueinorganique, les phénomènes célestes, vu leur plus grande généralité et leur indépendancede tous les autres, ont donné lieu à une science bien plus précise et beaucoup plusliée que celle des phénomènesterrestres.Cette observation, qui est si frappante dans l'étude effective des sciences, et qui a

souvent donné lieu à des espérances chimériques ou à d'injustes comparaisons, se trouvedonc complètement expliquée par l'ordre encyclopédiqueque j'ai établi. J'aurai naturelle-ment occasion de lui donner toute son extension dans la leçon prochaine, en montrantque la possibilité d'appliquer à l'étude des divers phénomènes l'analyse mathématique,ce qui est le moyen de procurer à cette étude le plus haut degré possible de précisionet de coordination, se trouve exactement déterminée par le rang qu'occupent ces phéno-mènes dans mon échelle encyclopédique.Je ne dois point passer à une autre considération, sans mettre le lecteur en garde

à ce sujet contre une erreur fort grave, et qui, bien que très grossière, est encoreextrêmement commune. Elle consiste à confondre le degré de précision que comportentnos différentes connaissances avec leur degré de certitude, d'où est résulté le préjugétrès dangereux que, le premier étant évidemment fort inégal, il en doit être ainsi dusecond. Aussi parle-t-on souvent encore, quoique moins que jadis, de l'inégale certitudedes diverses sciences, ce qui tend directement à décourager la culture des sciences lesplus difficiles. Il est clair, néanmoins, que la précision et la certitude sont deux qualitésen elles-mêmesfort différentes. Une proposition tout à fait absurde peut être extrêmementprécise, comme si l'on disait, par exemple, que la somme des angles d'un triangle estégale à trois angles droits : et une proposition très certaine peut ne comporter qu'uneprécision fort médiocre, comme lorsqu'on affirme, par exemple, que tout homme mourra.Si, d'après l'explication précédente, les diverses sciences doivent nécessairement présenterune précision très inégale, il n'en est nullement ainsi de leur certitude. Chacune peutoffrir des résultats aussi certains que ceux de toute autre, pourvu qu'elle sache renfermerses conclusions dans le degré de précision que comportent les phénomènes correspondants,condition qui peut n'être pas toujours très facile à remplir. Dans une science quelconque,tout ce qui est simplement conjectural n'est que plus ou moins probable, et ce n'estpas là ce qui compose son domaine essentiel; tout ce qui est positif, c'est-à-dire fondésur des faits bien constatés, est certain : il n'y a pas de distinctionà cet égard 19.Enfin, la propriété la plus intéressante de notre formule encyclopédique, à cause de

l'importance et de la multiplicité des applications immédiates qu'on en peut faire, c'estde déterminer directement le véritable plan général d'une éducation scientifique entièrementrationnelle. C'est ce qui résulte sur-le-champ de la seule composition de la formule.Il est sensible, en effet, qu'avant d'entreprendre l'étude méthodique de quelqu'une des

sciences fondamentales, il faut nécessairement s'être préparé par l'examen de celles rela-tives aux phénomènes antérieurs dans notre échelle encyclopédique, puisque ceux-ciinfluent toujours d'une manière prépondérante sur ceux dont on se propose de connaître'les lois. Cette considération est tellement frappante, que, malgré son extrême importancepratique, je n'ai pas besoin d'insister davantage en ce moment sur un principe qui" plustard, se reproduira d'ailleurs inévitablement, par rapport à chaque science fondamentale.

19. Dogmatisme grandiose et naif: le positif, c'est le certain. Il n'y a de vérité que le positivisme. Derrièrecet aveu, finalement si ordinaire, le physicalisme est présent. La certitude vient de la constatation des faits,donc de l'observation. Et le mot précision, qui désigne une coupure dans une stratégie de la mesure, estusité en lieu et place de rigueur. Au bilan, mesure et observation définissent la science. Elle est une physique.

Page 20: DEUXIÈME LEÇON

le à la fois moins exacte etDe même, dans la physiqueinéralité et leur indépendanceus précise et beaucoup plus

ctive des sciences, et qui austes comparaisons, se trouvej'ai établi. J'aurai naturelle-eçon prochaine, en montrantènes l'analyse mathématique,t degré possible de précisionrang qu'occupent ces phéno-

mettre le lecteur en gardele très grossière, est encorede précision que comportentd'où est résulté le préjugéal, il en doit être ainsi dujadis, de l'inégale certitude

. la culture des sciences lescertitude sont deux qualitésbsurde peut être extrêmementdes angles d'un triangle este peut ne comporter qu'une,le, que tout homme mourra.vent nécessairement présenterleur certitude. Chacune peutiurvu qu'elle sache renfermer, phénomènes correspondants,)ans une science quelconque,moins probable, et ce n'estest positif, c'est-à-dire fondéIn à cet égard 19.encyclopédique, à cause de:s qu'on en peut faire, c'estcation scientifique entièrementomposition de la formule.iéthodique de quelqu'une despar l'examen de celles rela-vclopédique, puisque ceux-cion se propose de connaître.lgré son extrême importancent sur un principe qui" pluschaque science fondamentale.

véritéque le positivisme.Derrière:vient de la constatationdes faits,msune stratégiede la mesure,estItla science.Elleest une physique.

DEUXIÈME LEÇON 61

Je me bornerai seulement à faire observer que, s'il est éminemment applicable àl'éducation générale, il l'est aussi particulièrement à l'éducation spéciale des savants.Ainsi, les physiciens qui n'ont pas d'abord étudié l'astronomie, au moins sous un point

de vue général; les chimistes qui, avant de s'occuper de leur science propre, n'ont pasétudié préalablement l'astronomie et ensuite la physique; les physiologistes qui ne sesont pas préparés à leurs travaux spéciaux par une étude préliminaire de l'astronomie, dela physique et de la chimie, ont manqué à l'une des conditions fondamentales de leurdéveloppement intellectuel. TI en est encore plus évidemment de même pour les espritsqui veulent se livrer à l'étude positive des phénomènes sociaux, sans avoir d'abord acquisnne connaissance générale de l'astronomie, de la physique, de la chimie et de laphysiologie.Comme de telles conditions sont bien rarement remplies de nos jours, et qu'aucune

institution régulière n'est organisée pour les accomplir, nous pouvons dire qu'il n'existepas encore, pour les savants, d'éducation vraiment rationnelle. Cette considération est,à mes yeux, d'une si grande importance, que je ne crains pas d'attribuer en partie à cevice de nos éducations actuelles l'état d'imperfection extrême où nous voyons encorell~s sciences les plus difficiles, état véritablement inférieur à ce que prescrit en effet Ianature plus compliquée des phénomènes correspondants.Relativement à l'éducation générale, cette condition est encore bien plus nécessaire.

Je la crois tellement indispensable, que je regarde l'enseignement scientifique commeincapable de réaliser les résultats généraux les plus essentiels qu'il est destiné à produiredans la société pour la rénovation du système intellectuel, si les diverses branchesprincipales de la philosophie naturelle ne sont pas étudiées dans l'ordre convenable.,N'oublions pas que, dans presque toutes les intelligences, même les plus élevées, lesidées restent ordinairement enchaînées suivant l'ordre de leur acquisition première; et(fiLe,par conséquent, c'est un mal le plus souvent irrémédiable que de n'avoir pas'commencé par le commencement. Chaque siècle ne compte qu'un bien petit nombred.¢ penseurs capables, à l'époque de leur virilité, comme Bacon, Descartes et Leibnitz,de 'faire véritablement table rase pour reconstruire de fond en comble le système entier¢ leurs idées acquises.'importance de notre loi encyclopédique pour servir de base à l'éducation scientifiquepeut être convenablement appréciée qu'en la considérant aussi par rapport à laode, au lieu de l'envisager seulement, comme nous venons de le faire, relativement

a doctrine.Sous ce nouveau point de vue, unè exécution convenable du plan général d'études queus avons déterminé doit avoir pour résultat nécessaire de nous procurer une connais-e parfaite de la méthode positive, qui ne pourrait être obtenue d'aucune autrereoeffet, les phénomènes naturels ayant été classés de telle sorte que ceux qui sont

ement homogènes restent toujours compris dans une même étude, tandis que ceuxont été affectés à des études différentes sont effectivement hétérogènes, il doitirement en résulter que la méthode positive générale sera constamment modifiéemanière uniforme dans l'étendue d'une même science fondamentale, et qu'ellevera sans cesse des modifications différentes et de plus en plus composées, ent d'une science à une autre 20. Nous aurons donc ainsi la certitude de la considérertoutes les variétés réelles dont elle est susceptible, ce qui n'aurait pu avoir lieu,

es remarques,cellesqui précèdent,commeles critèresde classement,prennent la formed'une fonc-ontla ou lesvariablesparcourentl'échelleencyclopédique.

Page 21: DEUXIÈME LEÇON

62 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

si nous avions adopté une formule encyclopédique qui ne remplît pas les conditionsessentielles posées ci-dessus.Cette nouvelle considération est d'une importance vraiment fondamentale ; car, si nous

avons vu en général, dans la dernière leçon, qu'il est impossible de connaître la méthodepositive, quand on veut l'étudier séparément de son emploi, nous devons ajouteraujourd'hui qu'on ne peut s'en former une idée nette et exacte qu'en étudiant successive-ment, et dans l'ordre convenable, son application à toutes les diverses classes principalesdes phénomènes naturels. Une seule science ne suffirait point pour atteindre ce but,même en la choisissant le plus judicieusement possible. Car, quoique la méthode soitessentiellement identique dans toutes, chaque science développe spécialement tel ou telde ses procédés caractéristiques, dont l'influence, trop peu prononcée dans les autressciences, demeurerait inaperçue. Ainsi, par exemple, dans certaines branches de laphilosophie, c'est l'observation proprement dite; dans d'autres, c'est l'expérience, et telleou telle nature d'expériences, qui constitue le principal moyen d'exploration. De même,tel précepte général, qui fait partie intégrante de la méthode, a été fourni primitivementpar une certaine science; et, bien qu'il ait pu être ensuite transporté dans d'autres,c'est à sa source qu'il faut l'étudier pour le bien connaître; comme, par exemple, lathéorie des classifications 21.En se bornant à l'étude d'une science unique, il faudrait sans doute choisir la plus

parfaite pour avoir un sentiment plus profond de la méthode positive. Or, la plusparfaite étant en même temps la plus simple, on n'aurait ainsi qu'une connaissance bienincomplète de la méthode, puisqu'on n'apprendrait pas quelles modifications essentielleselle doit subir pour s'adapter à des phénomènes plus compliqués. Chaque sciencefondamentale a donc, sous ce rapport, des avantages qui lui sont propres; ce quiprouve clairement la nécessité de les considérer toutes, sous peine de ne se former quedes conceptions trop étroites et des habitudes insuffisantes. Cette considération devantse reproduire fréquemment dans la suite, il est inutile de la développer davantage ence moment.Je dois néanmoins ici, toujours sous le rapport de la méthode, insister spécialement

sur le besoin, pour la bien connaître, non seulement d'étudier philosophiquement toutesles diverses sciences fondamentales, mais de les étudier suivant l'ordre encyclopédiqueétabli dans cette leçon. Que peut produire de rationnel, à moins d'une extrême supé-riorité naturelle, un esprit qui s'occupe de prime abord de l'étude des phénomènes lesplus compliqués, sans avoir préalablement appris à connaître, par l'examen des phéno-mènes les plus simples, ce que c'est qu'une loi, ce que c'est qu'observer, ce que c'estqu'une conception positive, ce que c'est même qu'un raisonnement suivi? Telle estpourtant encore aujourd'hui la marche ordinaire de nos jeunes physiologistes, qui abordentimmédiatement l'étude des corps vivants, sans avoir le plus souvent été préparés autre-ment que par une éducation préliminaire réduite à l'étude d'une ou de deux languesmortes, et n'ayant, tout au plus, qu'une connaissance très superficielle de la physiqueet de la chimie, connaissance presque nulle sous le rapport de la méthode, puisqu'ellen'a pas été obtenue communément d'une manière rationnelle, et en partant du véritablepoint de départ de la philosophie naturelle. On conçoit combien il importe de réformerun plan d'études aussi vicieux. De même, relativement aux phénomènes sociaux, quisont encore plus compliqués, ne serait-ce point avoir fait un grand pas vers le retourdes sociétés modernes à un état vraiment normal, que d'avoir reconnu la nécessité

21. Le positivisme prévoit une théorie du transport des concepts le long de I'échelle. Le terme importation,d'origine kantienne, a pourtant prévalu.

Page 22: DEUXIÈME LEÇON

e remplît pas les conditions

It fondamentale; car, si noussible de connaître la méthode:mploi, nous devons ajouteracte qu'en étudiant successive-les diverses classes principalespoint pour atteindre ce but,'ar, quoique la méthode soitoppe spécialement tel ou telII prononcée dans les autresIS certaines branches de lares, c'est l'expérience, et telleiyen d'exploration. De même,le, a été fourni primitivementuite transporté dans d'autres,tre; comme, par exemple, la

it sans doute choisir la plusiéthode positive. Or, la plusiinsi qu'une connaissance bienelles modifications essentiellescompliqués. Chaque scienceli lui sont propres; ce quis peine de ne se former ques. Cette considération devant: la développer davantage en

méthode, insister spécialementidier philosophiquement toutessuivant l'ordre encyclopédiqueà moins d'une extrême supé-e l'étude des phénomènes lestre, par l'examen des phéno-;'est qu'observer, ce que c'estaisonnement suivi? Telle estles physiologistes, qui abordentLS souvent été préparés autre-e d'une ou de deux langues• superficielle de la physiqueut de la méthode, puisqu'ellele, et en partant du véritablembien il importe de réformeraux phénomènes sociaux, quiun grand pas vers le retourd'avoir reconnu la nécessité

gdel'échelle.Letermeimportation,

DEUXIÈME LEÇON 63

logique de ne procéder à l'étude de ce,s phén?mènes qu'aprè~ avoir dressé succe~sive~entl' rgane intellectuel par l'examen philosophique approfondi "de tous les phenomenes~térieurs? On peut même dire avec précision que c'est là toute la difficulté principale.~ar il est peu de bons esprits qui ne soient convaincus aujourd'hui qu'il faut étudierles phénomènes sociaux d'après la méthode positive. Seulement, ceux qui s'occupentde) cette étude, ne sachant pas et ne pouvant pas savoir exactement en quoi consiste'cette méthode, faute de l'avoir examinée dans ses applications antérieures, cette maximejusqu'à présent demeurée stérile pour la rénovation des théories sociales, qui ne sontencore sorties de l'état théologique ou de l'état métaphysique, malgré les effortsprétendus réformateurs positifs. Cette considération sera, plus tard, spécialementeloppée ; je dois ici me borner à l'indiquer, uniquement pour faire apercevoir touteportée de la conception encyclopédiqueque j'ai proposée dans cette leçon.Tels sont donc les quatre points de vue principaux, sous lesquels j'ai dû m'attacherfair~ ressortir l'importance générale de la classification rationnelle et positive, établie+dessuspour les sciencesfondamentales.Afin de compléter l'exposition générale du plan de ce cours, il me reste maintenantconsidérer une lacune immense et capitale, que j'ai laissée à dessein dans ma formule¢:yclopédique~et que le lecteur a sans doute déjà remarquée. En effet, nous n'avonst marqué dans notre système scientifique le rang de la sciencemathématique.motif de cette omission volontaire est dans l'importance même de cette science,aste et si fondamentale. Car la leçon prochaine sera entièrement consacrée à laination exacte de son véritable caractère général, et par suite à la fixation précise

son rang encyclopédique. Mais, pour ne pas laisser incomplet, sous un rapport. capital, le grand tableau que j'ai tâché d'esquisser dans cette leçon, je doisuer ici sommairement, par anticipation; les résultats généraux de l'examen ques entreprendronsdans la leçon suivante.ans l'état actuel du développement de nos connaissances positives, il convient, jeis; de regarder la science mathématique, moins comme une partie constituante dehilosophie naturelle proprement dite, que comme étant, depuis Descartes et Newton,aie base fondamentale de toute cette philosophie, quoique, à parler exactement, ellela-"fols l'Une et l'autre. Aujourd'hui, en effet, la science mathématique est bien

s importante par les connaissances, très réelles et très précieuses néanmoins, quiomposent directement, que comme constituant l'instrument le plus puissant quent hlllD:liin,Jmisse employer dans la recherche des lois des phénomènes naturels 22.ur présenter à cet égard une conception parfaitement nette et rigoureusementte, nous verrons qu'il faut diviser la science mathématique en deux grandes sciences,t le caractère est essentiellement distinct : la mathématique abstraite, ou le calcul, ennant ce mot dans sa plus grande extension, et la mathématique concrète, qui se

e, d'une part de la géométrie générale, d'une autre part de la mécaniquennelle. La partie concrète est nécessairement fondée sur la partie abstraite, etnt à son tour la base directe de toute la philosophie naturelle, en considérant,

n sesouvientdespossibilitésdemathématiserlessciences,calculéesd'après leur rangdansla série.éorie instrumentalistedesmathématiques,poséescommepremiertermede la série,permetcettenou-fonctionsurI'espaceencyclopédique.Tout à l'heure,l'expressionphysique abstraite paraissaitpara-le;unpeuplusloin,Comtedit du calculqu'il estpurement instrumental, nouveauparadoxe.Leposi-e acclimatecesdeuxoxymorons,commeun cerclerésulteraitde deuxcouples.Enfin,géométrieet

. iquesontditessciencesphysiques:leplusfort estquela choseestencorevraie,à l'heuredu Cours,IS certespaspourlesraisonsqu'il amène.

Page 23: DEUXIÈME LEÇON

64 PHILOSOPHIE PREMIÈRE

autant que possible, tous les phénomènes de l'univers comme géométriques ou commemécaniques.La partie abstraite est la seule qui soit purement instrumentale, n'étant autre chose

qu'une immense extension admirable de la logique naturelle à un certain ordre dedéductions. La géométrie et la mécanique doivent, au contraire, être envisagées commede véritables sciences naturelles, fondées, ainsi que toutes les autres, sur l'observation,quoique, par l'extrême simplicité de leurs phénomènes, elles comportent un degré infi-niment plus parfait de systématisation, qui a pu quelquefois faire méconnaître le carac-tère expérimental de leurs premiers principes. Mais ces deux sciences physiques ontcela de particulier, que, dans l'état présent de l'esprit humain, elles sont déjà et seronttoujours davantage employées comme méthode, beaucoup plus que comme doctrinedirecte.Il est, du reste, évident qu'en plaçant ainsi la science.mathématique à la tête de la

philosophie positive, nous ne faisons qu'étendre davantage l'application de ce mêmeprincipe de classification, fondé sur la dépendance successive des sciences en résultatdu degré d'abstraction de leurs phénomènes respectifs, qui nous a fourni la série ency-clopédique, établie dans cette leçon. Nous ne faisons maintenant que restituer à cettesérie son véritable premier terme, dont l'importance propre exigeait un examen spécialplus développé. On voit, en effet, que les phénomènes géométriques et mécaniques sont,de tous, les plus généraux, les plus simples, les plus abstraits, les plus irréductibles etles plus indépendants de tous les autres, dont ils sont, au contraire, la base. On conçoitpareillement que leur étude est un préliminaire indispensable à celle de tous les autresordres de phénomènes. C'est donc la science mathématique qui doit constituer le véri-table point de départ de toute éducation scientifique rationnelle, soit générale, soitspéciale, ce qui explique l'usage universel qui s'est établi depuis longtemps à ce sujet,d'une manière empirique, quoiqu'il n'ait eu primitivement d'autre cause que la plusgrande ancienneté relative de la science mathématique. Je dois me borner en ce momentà une indication très rapide de ces diverses considérations, qui vont être l'objet spécialde la leçon suivante.Nous avons donc exactement déterminé dans cette leçon, non d'après de vaines

spéculations arbitraires, mais en le regardant comme le sujet d'un véritable problèmephilosophique, le plan rationnel qui doit nous guider constamment dans l'étude de laphilosophie positive. En résultat définitif, la mathématique, l'astronomie, la physique,la chimie, la physiologie et la physique sociale : telle est la formule encyclopédiquequi, parmi le très grand nombre de classifications que comportent les six sciencesfondamentales, est seule logiquement conforme à la hiérarchie naturelle et invariabledes phénomènes. Je n'ai pas besoin de rappeler l'importance de ce résultat, que lelecteur doit se rendre éminemment familier, pour en faire dans toute l'étendue de cecours une applicationcontinuelle.La conséquence finale de cette leçon, exprimée sous la forme la plus simple, consiste

donc dans l'application et la justification du grand tableau synoptique placé au commen-cement de cet ouvrage, et dans la construction duquel je me suis efforcé de suivre,aussi rigoureusement que possible, pour la distribution intérieure de chaque sciencefondamentale, le même principe de classification qui vient de nous fournir la sériegénérale des sciences23.

23. Même ordre dans le local et le global. Voir Préface. En d'autres termes, les fonctions sur l'échelle sontdifférenciées.