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MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE
INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES APPLIQUEES
TOULOUSE
Département de Génie Electrique & Informatique
PROJET DE FIN D’ETUDES
OUTIL DE RADIO NETWORK PLANNING
Thales Communications & Security – Vélizy Le Bois (Paris)
Tribhout Rémy
Réseaux et Télécommunications – Innovative Smart Systems Juin 2016
3
RESUME
Dans le cadre de la formation Informatique et Réseaux à l’INSA de Toulouse, je me suis
spécialisé dans les Réseaux et Télécommunications, avec un master en Systèmes Innovants et
Intelligents. C’est pour clore ce parcours que je réalise un projet de fin d’études en stage chez
Thales Communications & Security à Paris. J’intègre le service Systèmes Ferroviaires Intégrés
dans lequel je participe à une montée en compétence sur le lot télécommunications. Afin de
répondre aux exigences de clients internationaux, il est nécessaire de pouvoir concevoir avec une
précision suffisante un dimensionnement puis une couverture radio sur l’ensemble des voies de
chemin de fer, dans la diversité des environnements et des projets en cours. Mon défi est de
m’imprégner des technologies et caractéristiques applicables aux projets à Doha, Lusail (Qatar),
Tel Aviv (Israel), Panama City (Panama), Paris (Ligne 13), afin de sélectionner une solution
logicielle sur le marché qui répond aux besoins que j’ai interprété. Ce rapport présente non
seulement une synthèse des étapes de mon état de l’art, mais aussi mon travail de conception et
définition de réseaux sans fils sur deux projets, ainsi que la rédaction d’un document de
spécifications pour une réponse à un appel d’offres, et d’un condensé de l’expérience acquise sur
les cas particuliers du ferroviaire en radio. Le rapport présente les objectifs en regard du cadre du
stage, puis les réalisations suivant l’état de l’art, les études radio, et la synthèse de connaissance,
avant de conclure sur un bilan et une ouverture sur une expérience imminente chez Thales dans
le cadre d’un VIE.
4
REMERCIEMENTS[RT1]
Le dernier jour de mon précédent stage chez Thales, je suis allé faire mon circuit départ sur le site
de Vélizy-Le-Bois auquel je suis rattaché. Par pur hasard j’ai rencontré Claire Winterhalter qui
m’a très gentiment proposé son aide pour signer mes documents. Il s’est trouvé que Claire est la
responsable relations écoles et mobilité chez TCS. Suite à l’expression de mon souhait de faire
mon stage de fin d’études sur un projet à l’export pour enchainer avec un VIE, Claire s’est tout
de suite renseignée sur ma maîtrise de l’anglais et de l’espagnol. C’est grâce à cette rencontre que
j’ai intégré Thales une seconde fois, dans l’optique d’un départ au Panama en Amérique Centrale,
pour travailler sur l’extension de la seconde ligne de métro de la ville au célèbre canal.
Investissant ainsi l’expérience acquise en sécurité lors de mon premier stage au Ministère de la
Défense Français.
Michel Guillot, le responsable du service Systèmes Ferroviaires Intégrés, à jouer un rôle très
pédagogique depuis ma rencontre avec Claire, m’accompagnant dans ma démarche de stage puis
de VIE. C’est lui qui a rendu possible l’enchainement de ces deux expériences. Je tiens surtout à
souligner son attitude pédagogue, et son souci de m’associer à des missions valorisants la montée
en compétence.
François Montcel a été mon intermédiaire avec Michel, mais avant tout mon tuteur de stage. Il
m’a très vite laissé une grande autonomie et valorisé dans les tâches et la confiance qu’il m’a
données. J’ai toujours pu bénéficier de son support, ou de celui de Vincent Pineau qui est un
passionné de télécommunications et m’a beaucoup apporté sur toutes les questions relatives à
l’architecture des systèmes et sous-systèmes radio. Sans lui j’aurai eu beaucoup plus de difficultés
à cerner les besoins sur chaque projets afin d’y faire correspondre un outil de couverture radio.
Nathalie Martin pour être une amie et une assistante de direction hors pairs, sur qui il est
possible de compter. Ce qui, je m’en suis aperçu, est indispensable dans le monde de l’entreprise.
Merci à Catherine De Blic, dont j’ai apprécié les conseils et l’attention. Son expérience et son
formalisme m’ont tiré de bien des inquiétudes et m’ont aidé à m’adapter aux coutumes de la
maison.
À Paul Duart et Joseph Siu, mes correspondant Thales du Royaume-Uni et du Canada pour le
partage de leurs expériences sur la propagation d’ondes en tunnel.
Enfin, à Julia Thomas et Jean-Pierre Le Bourhis, pour avoir été d’excellents partenaires de
bureau, sans qui ces presque six mois de stage auraient été mien morne et calme.
Mes derniers remerciements vont à Patrick Esquirol, mon tuteur pédagogique à l’INSA de
Toulouse, pour m’avoir aidé à rédiger ce rapport qu’il, je l’espère, appréciera.
5
TABLE DES MATIERES[RT2]
Résume ........................................................................................................................................................... 3
Remerciements.............................................................................................................................................. 4
Table des matières ........................................................................................................................................ 5
Glossaire ........................................................................................................................................................ 7
Chapitre 1. Introduction .............................................................................................................................. 9
Chapitre 2. Cadre et objectifs du stage .................................................................................................... 11
2.1. Le cadre du stage en deux dimensions ................................................................................... 11
2.2. Les objectifs ................................................................................................................................ 12
2.2.1. Comparatif des solutions de RNP .................................................................................. 12
2.2.2. Calibrage et test des solutions logicielles ........................................................................ 12
2.2.3. Recherche d’investisseurs en interne .............................................................................. 12
2.2.4. Réponse à un appel d’offres sur la partie couverture Wifi .......................................... 13
2.2.5. Rédaction d’un guide d’ingénierie radio ......................................................................... 13
2.2.6. Développement d’une interface de collecte de données radio sur site ...................... 13
Chapitre 3. Réalisations ............................................................................................................................. 15
3.1. Comparatif des solutions de RNP ........................................................................................... 15
3.1.1. Les critères de sélection .................................................................................................... 15
3.1.2. Rencontres avec les fournisseurs .................................................................................... 16
3.1.3. Évaluation et calibration sur des projets en cours ........................................................ 18
3.1.4. Conclusion de l’état de l’art .............................................................................................. 19
3.2. Réponse à un appel d’offres ..................................................................................................... 20
3.2.1. Simulation de l’environnement et études de propagation ........................................... 20
3.2.2. Optimisation et collaboration .......................................................................................... 23
3.2.3. Traçage des techniciens par téléphone mobile .............................................................. 24
3.2.4. Conclusion de la réponse à appel d’offres ..................................................................... 26
3.3. Rédaction d’un guide d’ingénierie radio ................................................................................. 27
3.3.1. Les technologies sans fil ................................................................................................... 27
3.3.2. Le plan de fréquences ....................................................................................................... 31
6
3.3.3. Effet guide d’ondes et propagations en extérieur ......................................................... 32
3.3.4. Principes de redondance .................................................................................................. 35
3.3.5. Propagations en intérieur – Le cas particulier du tunnel ............................................. 38
Chapitre 4. Conclusions et perspectives ................................................................................................. 44
Annexes ....................................................................................................................................................... 46
Bibliographie ............................................................................................................................................... 48
Liste des Illustrations ................................................................................................................................. 50
7
GLOSSAIRE[RT3]
AP : Point d’accès
COTS : Composant pris sur étagère
DAR : Document d’aide à la prise de décision
DAS : Système d’Antennes Distribuées
DFS : Sélection Dynamique de Fréquence
LTE : Long Term Evolution (évolution des normes de téléphonie cellulaire)
NMS : Système de gestion de réseaux
RNP : Radio Network Planning
RRH : Remote Radio Head (panneau de contrôle distant pour un réseau radio)
SFI : Systèmes Ferroviaires Intégrés
SNMP : Protocole Simple de Gestion de Réseau
TCS : Thales Communications & Security
TETRA : Terrestrial Trunked Radio
UE : End User (Utilisateur Terminal)
VIE : Volontariat International en Entreprise
VRRP : Protocole de Redondance de Routeur Virtuel
WPM : Work Package Manage (Responsable de lot)
9
CHAPITRE 1. INTRODUCTION[RT4]
Thales est un leader mondial des hautes technologies pour les marchés de l’Aérospatial, du
Transport, de la Défense et de la Sécurité. Il dispose de nombreuses filiales à l’étranger et la filiale
nationale Thales France est elle-même composée de nombreuses entités : on peut citer Thales
Alenia Space, Thales Communications & Security, Thales Avionics, Thales Services… On
compte neuf sites principaux en France pour près de 7 000 salariés. Le tout pour un total de 56
pays et près de 61 000 collaborateurs dans 56 pays. Thales est donc bien implanté à travers le
monde ce qui lui permet d’agir au plus près de ses clients.
Les clients dont j’ai eu connaissance dans le cadre de mon activité sont essentiellement des
gouvernements, ou des consortiums d’entreprises privées ou semi-privées et organisées par ces
gouvernements. Leur situation géographique est très variée. Rien que pour l’activité ferroviaire,
nous avons des clients en République Dominicaine, au Vietnam, Panama, Chili, Venezuela,
Sénégal, en Belgique, Israël, Azerbaïdjan et enfin à Paris.
Ce foisonnement d’activités se traduit par un chiffre d'affaires de 1,8 milliards d'euros et fait de
Thales une référence en matière de systèmes d’information et de communications sécurisés pour
les marchés mondiaux de la défense, de la sécurité et du transport terrestre.
L'activité Systèmes Ferroviaires Intégrés dans laquelle je réalise mon stage, conçoit, fournit et
installe des systèmes de supervision et de signalisation qui garantissent sécurité et efficacité aux
opérateurs ferroviaires de grandes lignes et de réseaux urbains : supervision de l’énergie et des
équipements de stations, supervision du trafic et régulation des trains, contrôle de la vitesse et de
l'acheminement des trains, et commande des aiguillages.
Les personnes avec lesquelles j’ai travaillé au sein de mon service s’occupent de planifier les
réseaux d’urgences TETRA destinés à la police ou aux pompiers le long des voies et de
dimensionner les réseaux LTE pour couvrir les lignes de transport.
11
CHAPITRE 2. CADRE ET OBJECTIFS DU STAGE[RT5]
2.1. Le cadre du stage en deux dimensions
La direction SFI a en charge la réalisation technique de projets de Supervision et Communication
pour des lignes de métro. Jusqu’à maintenant, Thales SFI sous-traite l’activité de planification de
couverture radio. Mon principal rôle est de donner l’opportunité au service de monter en
compétence en ingénierie radio appliquée au ferroviaire pour à terme, se libérer de la contrainte
de sous-traitance externe. L’objectif de mon stage est d’analyser les besoins et apporter une
solution concernant les points suivants :
disposer d’un outil de radio network planning (RNP) permettant de construire la
couverture radio dans le cadre des offres, pour calculer le dimensionnement des
équipements radio (sol : Access Point en WIFI, RRH en LTE, système DAS et radio
embarquée : client WIFI, UE LTE, …)
disposer d’un outil de mesure de la couverture radio déployable sur les sites clients
(tunnels, aérien, indoor, …) pour mesurer/vérifier la couverture radio dans le cadre des
essais sites et valider les modèles de simulation définis lors de la première étape de radio
planning.
Le projet de stage s’articule donc autour de ces deux besoins :
- s’orienter vers une solution du commerce pour le premier point. Il faut donc dans un
premier temps réaliser un comparatif des solutions existantes et dans un second temps
travailler sur l’outil RNP dans le cadre de projets clients (WIFI et/ou LTE).
- il faut également réaliser un état de l’art des outils d’analyse radio existants sur le marché :
comme des outils de trace radio type XCAL/XCAP, systèmes de gestion NMS natifs des
équipements radio (Access Point sol ou radio embarquée) remontant les informations
radio disponibles du réseau radio déployé.
12
2.2. Les objectifs
2.2.1. Comparatif des solutions de RNP
Le comparatif des solutions de RNP existantes doit faire l’objet d’une DAR, qui est un
document d’aide à la décision selon une pondération par critères. Pour alimenter ce document qui
sert de support à l’étude des solutions existantes, il m’est nécessaire de rencontrer chaque
fournisseur, et d’évaluer soit par une démonstration, soit par l’utilisation d’une version d’essai,
chaque outil. Parmi les critères, certains sont inhérents aux activités ferroviaires du département
SFI, d’autres sont à mon appréciation. Il est donc indispensable que je me familiarise avec les
contraintes terrains et matériels utilisées, dès le début du stage. Je peux m’appuyer sur l’expertise
de collègues et les travaux précédemment réalisés sur des projets antérieurs ou en cours.
Ainsi, je dois être volontaire pour aller chercher les bonnes informations auprès des bons
interlocuteurs. Mettre en pratique ma capacité à m’adapter aux variations de contraintes
géographiques, gouvernementales, et de technologies radio. Ce qui me permet de garder à l’esprit
un éventail suffisamment large des projets auxquels il me faut faire correspondre la solution RNP
que je choisirai.
2.2.2. Calibrage et test des solutions logicielles
Il est également requis que je sois autonome et débrouillard. Lors des tests des solutions
logicielles de RNP sur des projets existants menés par Thales, je peux m’attendre à rencontrer
des difficultés en matière de disponibilité et d’exploitation des données en entrée de ses travaux.
Le but étant de calibrer puis valider un outil en comparaison des résultats déjà obtenus sur des
projets précédents. Si les données sont indisponibles, je peux comparer la couverture radio que
j’ai établi sur les outils en évaluation avec l’étude de couverture radio réalisé par un sous-
traitant pour le compte d’un des projets en cours.
2.2.3. Recherche d’investisseurs en interne
Suite à l’étude, les documents du comparatif font l’objet d’une présentation devant les Work
Package Managers (WPM) qui ont la charge du budget propre à leur projet et à leur lot. L’objectif
est de trouver un financement au sein du service SFI, de la part des projets qui sont intéressés
par l’utilisation de la solution logicielle RNP identifiée.
13
2.2.4. Réponse à un appel d’offres sur la partie couverture Wifi
L’objectif subsidiaire est de tirer profit de cette étude et de l’évaluation de solutions logicielles de
simulation de propagation d’ondes pour répondre à un appel d’offres d’un client étranger au
niveau de la couverture du réseau Wifi et LTE entre les voies et les trains. Le livrable étant
prévu pour le courant du mois de juin, cette tâche est effectuée en parallèle de mes actions. Il faut
faire en sorte d’investir les connaissances acquises et les outils identifiés afin de produire un
document de spécifications (SSD) avec une forte valeur ajoutée sur la partie simulation en
environnement virtuel.
2.2.5. Rédaction d’un guide d’ingénierie radio
A travers ces objectifs, j’ai à plusieurs reprises l’occasion d’étudier l’architecture réseau des
solutions de communication radio entre matériels roulant et cœur de réseau, ainsi que la
propagation d’ondes électromagnétiques dans des milieux variés, au niveau micro et macro, en
intérieur comme en extérieur. Afin de capitaliser ces connaissances pour une utilisation ultérieure
par le service, et pour clôturer ce premier besoin, j’ai pour tâche la rédaction d’un guide
d’ingénierie radio. Celui-ci devra être organisé sous forme d’arborescence des risques et
solutions associées afin d’aider les prochains ingénieurs radio à dimensionner et planifier une
couverture radio en fonction des contraintes qu’il est possible de rencontrer dans ce domaine.
2.2.6. Développement d’une interface de collecte de données radio sur site
Concernant le second besoin, et sur la base de l’analyse du marché et des solutions existantes et
en fonction de la disponibilité des fonctionnalités radio supportées par les solutions existantes il
est prévu de développer une solution logicielle « maison » adaptée, en regardant les possibilités
d’interfaçage (par exemple par le protocole SNMP) des équipements radio à déployer en partie à
bord des trains et au sol afin de traiter la fonction.
Dans ce cadre il sera donc éventuellement nécessaire de construire la solution logicielle distribuée
permettant de produire un rapport d’essai de couverture radio. Dans ce cas certaines parties de
logiciels pouvant être pris en charge par d’autres équipes, il faudra assurer la cohérence globale de
la solution.
Des essais seront réalisés sur une plateforme usine (et éventuellement sur des pilotes clients) pour
tester, qualifier le ou les outils d’analyse radio et valider en retour l’outil de radio network
planning.
15
CHAPITRE 3. REALISATIONS[RT6]
3.1. Comparatif des solutions de RNP
3.1.1. Les critères de sélection
Dans un premier temps il faut comprendre le contexte : les communications sans fils dans le
cadre de projets ferroviaires. C’est une mise en situation très riche du point de vue de la
multiplicité des milieux de propagation à prendre en compte. Pour rappel, le premier objectif était
de faire un état de l’art des logiciels d’aides et de simulation à la planification de couverture radio.
J’ai donc croisé les moyens de recherche. Sur les moteurs de recherche, via le COTS center
interne à Thales, mes collègues, et les entités communications et transports terrestres de Thales à
l’étranger. Pour cette première sélection, j’ai dû établir une liste de critères avec une pondération
individuelle :
Figure 1. Liste des critères pour état de l’art
16
Comment établir et pondérer ces critères ?
Un projet ferroviaire type métro, tramway, est composé d’un milieu extérieur et intérieur, et du
passage de l’un à l’autre. Il faut choisir le matériel et la technologie adaptés à ces milieux. La
pondération est affectée en fonction de la différence attendue entre l’expertise actuelle dans mon
service, et la valeur ajoutée que pourra apporter l’outil. J’ai appris que dans les projets ferroviaires,
il faut particulièrement s’attarder sur les courbes, mais qu’en fonction du rayon de courbure,
l’atténuation est plus ou moins impactée. Et cette problématique est directement liée aux choix
techniques qui sont habituellement faits sur les projets ferroviaires. En effet, nous utilisons des
antennes directives à faible ouverture et fort gain pour les lignes droites dégagées. Cela permet de
couvrir plus de distance et de tirer profit de l’effet guide d’onde généré par les bâtiments qui
jalonnent les grandes avenues. Dans le cas d’un virage, les antennes semi-directives à plus large
ouverture et faible gain sont préférées. On épouse ainsi la courbe du virage. Ceci est valable pour
une couverture en extérieur. Pour l’intérieur nous sommes particulièrement intéressés aux espaces
confinés tels que les tunnels. La problématique devient alors plus délicate. Il faut savoir que les
modèles de propagation d’ondes électromagnétiques dans ces milieux doivent inclure d’autres
paramètres et qu’aucun modèle n’est réellement efficace ; ils sont d’ailleurs toujours en
développement et calibration en laboratoire. D’après les informations que j’ai pu obtenir de
Thales Canada en collaboration avec l’Université de Toronto (2.2.5. Rédiger un guide d’ingénierie
radio).
La liste a été constituée selon ces paramètres d’entrée (figure 1). Pour approfondir et m’assurer
que mon interprétation est correcte entre nos besoins et ce que l’outil prétend faire je suis passé à
une seconde phase plus commerciale.
3.1.2. Rencontres avec les fournisseurs
J’ai contacté par téléphone un par un l’ensemble des vendeurs et revendeurs des solutions
logicielles en France, Allemagne, Finlande, et États-Unis. L’objectif de ces appels est triple :
vérifier la correspondance entre nos besoins et leur solution
établir un premier devis
planifier une rencontre ou une démonstration en ligne
Pour les fournisseurs locaux, j’ai invité les commerciaux et ingénieurs d’affaires dans les locaux de
Thales et ai mené les réunions en totale autonomie. Les rencontres furent orientées sur les
correspondances avec nos besoins et sur des démonstrations en direct du logiciel sur un exemple
en lien direct avec nos attentes.
17
Certaines réunions ou démonstrations en ligne ont été convaincantes, d’autres décevantes par
manque de préparation de la part des commerciaux. La difficulté de mon côté est de prendre en
considération l’ensemble des paramètres spécifiques à nos projets, tout en étant une jeune recrue.
De plus, il faut savoir prendre du recul. Je me suis par exemple demandé pourquoi le Wifi avait
été choisi comme technologie de communication sans fils alors que le LTE semble plus indiqué.
C’est une question difficile à défendre devant un commercial. C’est aux cours de réunions que j’ai
découvert des solutions comme le LTE-U (Unlicensed) qui permet d’associer les technologies
sans fils Wifi et LTE pour répartir le contrôle et les données. Il s’avère que le LTE n’a pas été
retenu chez nous pour des questions de maturité et de coût.
A l’issue de ces rencontres, j’ai établi une DAR. Il s’agit d’une feuille de calcul pour la synthèse et
l’aide à la décision en interne. On y décrit les solutions envisagées, définit des critères d’évaluation
avec pondération, puis on attribue des notes :
Figure 2. DAR sur les outils de RNP
Ce document a ensuite fait partie d’un document de synthèse avec évaluation approfondie des
outils les mieux notés en regard de nos besoins. Je l’ai également accompagné de témoignages de
collègues d’autres entités de Thales à l’étranger (Angleterre, Canada), et de commentaires
personnels suite à l’évaluation individuelle de ces outils.
18
3.1.3. Évaluation et calibration sur des projets en cours
Une fois les outils évalués par critères, il restait à les calibrer puis à les évaluer sur des projets en
cours ou antérieurs.
Pour le calibrage, le souhait était qu’il se fasse sur la base d’un projet ferroviaire déjà réalisé : je
devais prendre les mêmes données, nourrir le logiciel à partir de ces données, et comparer les
résultats obtenus de la simulation. Typiquement, les distances entre les points d’accès Wifi
doivent être sensiblement les mêmes. Dans le cas contraire il est nécessaire d’affiner le
paramétrage de l’outil, de le calibrer, afin de se rapprocher des mesures faites en terrain. Il s’agit
de choisir le bon modèle de propagation en fonction du milieu, de le paramétrer avec un nombre
cohérent de réflexions, transmissions, diffractions, ou de traçage de rays. Ce calibrage devait se
faire à partir des données de mesure sur la Ligne 13 à Paris, précédemment réalisé par Thales. Les
données étant indisponibles, j’ai trouvé grâce aux contacts précédemment acquis, une
opportunité pour obtenir les relevés 3D de la structure d’une section de tunnel dans le métro
londonien, associés aux mesures radio effectuée sur ladite section. Les données étant trop
volumineuses et dans un format propriétaire, je n’ai pu en tirer avantage. C’est un des points que
j’ai notés et que je développe plus tard : la disponibilité et l’accessibilité des ressources matérielles
ou numériques chez un grand industriel tel que Thales, est très compliquée. La dernière solution
qui a alors été trouvée est de comparer mon travail à partir d’un outil, avec celui effectué par un
autre outil chez un sous-traitant.
Sur un de ses projets en cours au Qatar, le service SFI sous-traite l’activité de planification de
couverture radio. L’outil de simulation utilisé par le sous-traitant est iBwave, que j’ai moi-même
retenu dans ma liste. Celui que j’utilise pour la comparaison est Wireless Insite. Le sous-traitant a
été mandaté pour simuler la couverture radio dans la section tunnel du projet ferroviaire, à partir
des positions de points d’accès et d’antennes fournies en entrée par Thales. A partir des mêmes
données, j’ai réalisé de mon côté la simulation puis comparé les résultats à l’occasion d’une
réunion avec le sous-traitant. Nous avons alors observé de grandes différences entre les résultats.
La couverture définie ne permettait pas de couvrir l’ensemble du tunnel. Puis je me suis aperçu
qu’avec des paramètres plus fins, tel qu’un plus grand nombre de réflexions et un plus petit
espacement entre les lancers de rayons, les résultats obtenus depuis mon logiciel de simulation
correspondaient à celui prévu par Thales et simulé par le sous-traitant. Cette causalité est tout à
fait logique : plus on simule d’interactions, plus loin le signal se propage, avec une atténuation
calculée plus réaliste. Le seul bémol est le temps requis pour un tel calcul.
19
Puisque iBwave est en bonne position dans ma DAR, et que le sous-traitant l’utilise pour ses
simulations, j’ai également évalué ce logiciel. Ce fut une évaluation très ramassée dans le temps,
mais très instructive en terme de connaissances et expérience RNP. En effet, un ingénieur de
l’entreprise iBwave que j’avais rencontré chez Thales à l’occasion des réunions de présentation
que j’avais organisées, m’a suivi pendant l’évaluation. Il m’a fait part de son expérience du terrain
en matière de mesures de couverture radio et conseillé sur les fenêtres de déviation standard à
considérer, en particulier en matière d’étalonnage du matériel de mesure, et de marge d’erreur
entre la mesure et la réalité. Il m’a également recommandé des outils de mesure d’ondes
électromagnétiques, au cas où j’en aurais besoin pour la seconde partie de mon stage.
3.1.4. Conclusion de l’état de l’art
Notre besoin est principalement axé sur la couverture en tunnel. C’est le point névralgique de nos
projets, pour le lot télécommunications. Ce que je retiens de cet état de l’art est que le marché est
trop petit et compliqué sur les outils de couverture en tunnel, et qu’il vaut mieux établir son
raisonnement à partir de mesures sur site pour obtenir le meilleur résultat. Je pense surtout que
dans notre cas particulier, Thales utilise des antennes Wifi en extérieur comme en extérieur pour
ses communications sans fils. D’une part le Wifi n’est pas fait pour la mobilité et la propagation
en extérieur, même si la norme 802.11 évolue en ce sens, à mon avis rien ne vaudra le
remplacement par la technologie LTE. D’autre part dans un tunnel il est moins contraignant
d’utiliser un câble rayonnant. Cela règle la question du plan de couverture.
D’après mes échanges avec les fournisseurs de solutions RNP et mes recherches, le marché de
l’indoor va évoluer progressivement vers la couverture sur de petites cellules pour une plus
grande capacité (plus grands débits), pour tirer parti des nouveaux protocoles qui utilisent la
respiration de cellules et les réseaux intelligents afin de s’auto-optimiser pour répondre
dynamiquement aux besoins des terminaux utilisateurs. Le besoin de planifier la couverture d’un
réseau va tendre à disparaître. Mais le marché n’est pas encore assez mature pour cette
technologie. Actuellement le marché est plutôt centré sur le débit maximum par utilisateur dans
les réseaux cellulaires, moins sur la puissance du signal reçue par un équipement particulier.
Pour le secteur de l’outdoor, les fournisseurs promettent de couvrir tous les milieux, mais ne
permettent pas en réalité d’adapter l’outil à des besoins au-delà de ceux habituellement exprimés
par les opérateurs téléphoniques.
20
3.2. Réponse à un appel d’offres
3.2.1. Simulation de l’environnement et études de propagation
En parallèle de mon état de l’art, je me suis également essayé à la planification radio en conditions
réelles. Mon tuteur de stage est en charge de coordonner les différents lots (Tetra, LTE, Caméra,
…etc.) sur la réponse à un appel d’offres sur un projet ferroviaire en Israël. Il m’a attribué
plusieurs tâches autour de la couverture Wifi :
choisir le matériel de points d’accès et les antennes à utiliser,
établir la distance entre points d’accès en tunnel, plateformes souterraines, et extérieur,
positionner les points d’accès et antennes le long des voies,
positionner les points d’accès et antennes en dépôts et stations,
établir un plan de fréquences,
simuler la propagation radio pour valider la conception.
Afin de cerner les contraintes et limites spécifiques à ce projet, j’ai d’abord utilisé le logiciel libre
Radio Mobile utilisé dans le cadre du module RNP proposé à l’INSA de Toulouse. Prenant en
compte les niveaux de terrains depuis des sources externes j’ai assez facilement pu adapter l’outil
au projet.
Figure 3. Couverture radio sur 400m à Tel Aviv
21
Cette première étape a pour objectif de valider les calculs en bilan de liaison que j’avais réalisés
sur feuille de calcul en amont. La figure 3 représente le positionnement de stations de tramway,
de points d’accès avec leurs antennes, et d’un matériel roulant fixe. En fonction du diagramme de
rayonnement des antennes choisies, des puissances d’émissions, seuils en réceptions et autres
caractéristiques radio ainsi que la topographie du terrain, je confirme qu’une distance d’entre 400
et 600 mètres doit être respectée entre deux points d’accès. Cela pour assurer un débit suffisant
pour permettre aux équipements à bord du train de transférer toutes leurs données en temps réel.
frequency 5,80E+09
Track to train
Emiter
Tx Power (dBm) 13
Loss
Cable lmr600 10m (-23,8dB/100m @ 5,8 GHz) -2,7
Connectors -0,6
Coupler Divider -4
antenna (dBi) 19
EIRP 24,7
fading -5
Receptor
antenna (dBi) 12
Loss Cable lmr400 2m (-35,5dB/100m @ 5,8 GHz) -0,9
Connectors -0,3
link margin -4
Rx nominal sensitivity (dBm) -74
Allowance Loss (dB) 100,5
distance (m) 433
Figure 4. Bilan de liaison en 5.8 GHz
La figure 4 présente un bilan de liaison type que j’utilise pour dimensionner mon réseau en
téléchargement. La même chose est calculée pour le lien en téléversement. Il faut noter que le
seuil de sensibilité choisi en réception provient d’un croisement entre les spécifications du
fournisseur du matériel de point d’accès, en MIMO 2x2, pour un débit de 26 Mbits/s (index
MCS 11), et les mesures effectuées en site via notre entité Thales Portugal.
22
Le défi sur ces tâches est de
pouvoir exploiter le logiciel que
j’avais retenu à l’issue de mon état
de l’art. Cet outil requiert plusieurs
données en entrée qu’il est difficile
à reconstituer ou à trouver si les
sources initiales ne sont pas
disponibles. Justement, en avant-
vente tout comme en conception, il
est rarement possible d’obtenir les bonnes données. Le logiciel charge des fichiers 3D des
niveaux de terrain, que j’ai dû télécharger depuis des sources libres en ligne de cartographie tel
qu’USGS. Il faut ensuite ajouter une représentation 3D des bâtiments, que j’ai également exporté
puis converti et retravaillé depuis Openstreetmap. Pour certaines parties il m’a fallu concevoir à
l’aide de logiciels CAO et d’après des plans 2D, les structures 3D qui servent à la simulation de
propagation des ondes.
Figure 6. Procédure de planification radio assistée par ordinateur
La figure 6 décrit la procédure de planification radio que j’ai établie dans le cadre de mon stage.
On y retrouve la phase de construction de l’environnement de simulation, celle de calculs de
prédiction sous format Excel, puis une phase itérative d’optimisation du réseau, sachant que
l’ensemble est complexifié par le paramètre redondance (3.3.4. Principes de redondance).
Figure 5. Représentation 3D de Tel Aviv (Israeil)
23
3.2.2. Optimisation et collaboration
Je me suis ensuite mis en contact avec la personne en charge du positionnement des
équipements. Dans l’optique de diminuer les coûts et gagner en compétitivité sur la réponse à
appel d’offres, nous avons pensé à mutualiser les équipements le long des voies avec les autres
industriels qui déploient également du matériel de communication sans fils, celui pour le contrôle
et la signalisation. L’idée est donc de partager les caténaires qui servent à l’alimentation des trains,
plutôt que de faire poser des mâts. Il m’a donc fallu affiner le placement de mes points d’accès
avec leurs antennes à la dizaine de mètres prêts le long de la totalité de la ligne, tout en trouvant
un compromis entre ma couverture et la position des caténaires qui apparaissent tous les 45
mètres environ. Mon document est ensuite remis aux équipementiers afin qu’ils complètent mon
fichier avec leurs propres points kilométriques. Je devrai ensuite écrire une règle pour fusionner
les positions d’équipements sur les caténaires en fonction de la distance entre deux points
kilométriques (PK).
Le but final est de fournir ce document aux équipementiers, afin qu’ils positionnent également le
long des voies leurs moyens de transmission sans fils. Le second compromis qu’il faudra faire
permettra de mutualiser les supports si ceux-ci sont positionnés assez proches les uns des autres.
J’ai procédé de même pour la partie en tunnel, car il faut savoir que sur ce projet la majeure partie
du tunnel est séparé en deux tubes, avec des couloirs techniques de l’un à l’autre, à intervalles
réguliers. Vu la faible largeur du tunnel nous tirerons parti de la présence de ces espaces pour y
positionner nos équipements.
Name PK (km) Catenary Mast AP WWRS Antenna Cable (km)
Bat Yam Depot 5 12 12 20 2
track aerial 5 1
1 2 TTR2
Bat Yam Stop 5,18
1 1 2 TTR1
TTR1 5,22 2,65
Ha Amal Stop 5,62
1 1 2 TTR2
Ha Amal Stop 5,7
1 1 2 TTR1
track aerial 6,15 1
1 2 TTR2
Kaf Tet Stop 6,27
1 1 2 TTR1
Joseftal Stop 6,78
1 1 2 TTR2
TTR2 6,82 3,02
Joseftal Stop 6,86
1 1 2 TTR3
track aerial 7,04 1
1 2 TTR2 Figure 7. Points kilométrique des équipements et alimentation
24
3.2.3. Traçage des techniciens par téléphone mobile
Une dernière exigence a retenu mon attention, plus dans la manière dont nous avons décidé d’y
répondre que pour l’exigence elle-même. Il s’agit de traçage de mobiles. Le client souhaite
pouvoir localiser ses techniciens le long de la ligne en utilisant leur téléphone mobile. La première
proposition est de déployer des bornes Bluetooth tous les dix mètres, chacune étant associée à un
identifiant sur une carte. Pour diminuer les coûts il m’a donc été demandé s’il est possible
d’utiliser la couverture wifi entre les trains et le sol pour localiser les mobiles des techniciens. La
figure 8 illustre la problématique qui s’impose alors, dans le meilleur et pire cas envisagés, c’est-à-
dire 800m de distance entre points d’accès dans le pire des cas et 400m dans le meilleur :
Figure 8. Traçage de mobiles, meilleur et pire des cas, en tunnel
25
Il est question de trous dans la zone de couverture. J’ai contacté les services techniques de chez
Samsung pour obtenir les caractéristiques standards des cartes radio embarquées dans leurs
téléphones. Après un rapide bilan de liaison il s’avère qu’avec les caractéristiques radios de la
couverture que je déploie pour le train, je peux détecter en tunnel un mobile jusqu’à 250m. En
effet, le débit ici n’est absolument pas prioritaire, une simple authentification est nécessaire. Je
prends également en considération l’angle d’ouverture des antennes en voies, avec un diagramme
de rayonnement très fermé, ce qui implique un trou dans la couverture en dessous de chaque
point d’accès. Ainsi c’est le point d’accès suivant ou précédent qui va potentiellement couvrir ce
trou, en supposant qu’on puisse émettre et recevoir vers le mobile au-delà de 250 m. Dans tous
les cas la zone d’incertitude impacte la précision de la localisation. Un technicien sera localisé en
fonction de sa dernière zone connue, jusqu’à la prochaine zone de couverture où il sera détecté. Il
faut évidemment prendre en considération le protocole de mobilité utilisé par le téléphone, et les
caractéristiques techniques réelles des appareils. Je n’ai pas eu d’informations concernant la
précision requise par le client. Ici je présente le cas optimal envisagé. Mon avis sur ce choix
technique est qu’il est judicieux sur le plan pécuniaire, et qu’il permet un niveau de précision
suffisant pour localiser le technicien, plus de précision ne me parait pas primordiale le but n’étant
pas de localiser le technicien au mètre prêt mais d’avoir une idée de sa proximité avec les stations
environnantes.
26
3.2.4. Conclusion de la réponse à appel d’offres
Le travail que j’ai mené autour de la réponse à appel d’offres pour le projet ferroviaire en Israël
s’est conclu avec la rédaction d’un document de spécifications. Chaque lot à un document de ce
type à rédiger pour ce projet. Mon tuteur étant responsable de la partie système radio à large
bande, j’ai donc été assigné par extension à la rédaction de ce document. C’est un travail
intéressant car il synthétise et créé du lien entre les études que j’ai mené sur mon lot. Il intègre
également mon travail à celui des autres responsables de lots. La confrontation à des exigences
clients pas toujours bien définies, ou dont la solution est difficilement réalisable par défaut
d’accès aux informations est formateur. J’apprends à accomplir mes tâches parfois en
m’affranchissant volontairement de certaines contraintes, et à d’autres occasions en allant prendre
l’information auprès d’autres acteurs. J’observe cependant un bémol dans l’organisation de la
réponse formelle à l’appel d’offre. Il m’est arrivé de me retrouver avec des informations à traiter
dont je ne connaissais ni les tenants ou les aboutissants. Je surmonte ce genre d’obstacles, mais
non sans une certaine amertume lorsque je ressens que la qualité de ma production n’est pas aussi
bonne que je l’aurai souhaité. Le processus que j’ai observé pour la réponse à l’appel d’offres est
stimulant et une excellente occasion de se sentir investit dans une démarche officielle.
Cette activité est intervenue tout au long de mon stage. Elle m’a permis de mettre en application
les notions que j’ai apprises au fur et à mesure sur une situation réelle. Ce sont ces notions que j’ai
synthétisées en parallèle dans un guide à destination de mon service.
27
3.3. Rédaction d’un guide d’ingénierie radio
Ce chapitre condense les observations que j’ai pu enregistrer lors de mes études sur les projets
évoqués dans les parties précédentes. Le but est de prendre du recul sur les projets eux même, et
d’interpréter les conclusions afin de venir consolider mes connaissances théoriques. Dans le cadre
de mon stage, ces réflexions ont faits l’objet de la rédaction d’un guide orienté bonnes pratiques
en ingénierie radio. Ainsi l’expérience que j’ai pu accumuler sur les nombreux cas particuliers
rencontrés pourra resservir en interne pour de futurs projets, afin d’éliminer la nécessité d’avoir
recours à un instrument de simulation coûteux et dont la précision n’est pas forcément nécessaire
pour le résultat attendu.
3.3.1. Les technologies sans fil
La première question que j’ai posée à mes collègues lorsqu’il m’a fallu dimensionner un réseau,
concernait le type de matériel qui est habituellement utilisé sur les projets radio. C’est une
problématique d’autant plus intéressante qu’elle est transverse d’un sous-système à un autre. Le
dispositif de point d’accès doit être équipé d’un minimum de quatre entrées/sorties afin de
pouvoir y relier deux antennes MIMO 2x2, à raison de deux entrées par antenne MIMO, il doit
donc pouvoir gérer en émission comme en réception les flux multiples. Il faut garder à l’esprit
que cet équipement est utilisé en voie comme à bord du train. A bord du train, il doit pouvoir
prendre en charge le protocole VRRP pour l’adressage virtuel au niveau des équipements
embarqués, et SNMP pour la supervision à distance. D’où la transversalité de la question, qui
s’illustre aussi par le point suivant. En effet, le temps de commutation entre deux connexions doit
être vérifié auprès du constructeur. La mobilité du matériel roulant induit une commutation
fréquente, un temps inférieur ou égal à 2 secondes est nécessaire pour ne pas altérer le débit. Pour
exemple, avec un débit de 13 Mbits/s une commutation provoque une mise en file d’attente de
26 Mbits de données qui seront évacués lors des prochains pics de débit. Dans la seconde partie
de cette section, je mène une réflexion plus complète sur le sujet de la technologie sans fil.
Une fois le modèle de point d’accès choisi, vient celui des antennes. Sur l’ensemble de mes sujets,
j’ai noté que trois types d’antennes sont considérés pour la couverture en voie, toutes provenant
du constructeur Huber & Suhner. Toutes ont en commun une bande de fréquences entre 5-6
GHz, attention au coefficient VSWR qui doit rester inférieur à 2 pour garantir une réflexion
minimale de la puissance émise.
28
Antenne à bord du train :
Le train embarque sur son toit un transmetteur relié à un point d’accès situé idéalement dans son
plafond, le couple étant répété en tête et en queue de train. Le modèle d’antenne choisi est SISO.
Pour chaque point d’accès il faut donc y associer deux antennes SISO positionnées avec un angle
de 45 degrés de sorte que les signaux émis soient orthogonaux.
Le diagramme de l’antenne doit présenter une ouverture d’au moins 42° à -3 dB. Une antenne à
bord n’a pas besoin d’émettre sur de longues distances, la couverture étant assurée par les
antennes en voie. Un gain de 12 dBi est donc suffisant.
Figure 9. Diagramme de rayonnement antenne à bord
29
Antenne le long des lignes droites :
Le long des voies en ligne droite sans obstacle, il faut placer une antenne avec un fort gain
d’environ 19 dBi et une faible ouverture, cela dans le but que le signal parcoure plus de distance
et se disperse moins. Typiquement une ouverture de 17° à -3 dB est adéquate.
Figure 10. Diagramme de rayonnement antenne ligne droite
La directivité de l’antenne est aussi un bon moyen pour minimiser les interférences inter-canaux.
Là encore une antenne MIMO 2x2 assure une meilleure résistance du lien face aux effets
d’atténuation et de chemins multiples. Deux flux sont émis au même instant puis combinés au
niveau du récepteur avec sélection du meilleur signal en tirant avantage du gain de diversité.
30
Antenne le long des courbes :
Pour couvrir les virages il faut augmenter le rayonnement de l’antenne au détriment de son gain,
cela afin de couvrir certes moins loin mais sur une zone plus large telle qu’une courbe. On passe
donc à une ouverture de 60° à -3 dB pour un gain de 9 dBi, également en MIMO 2x2.
Figure 11. Diagramme de rayonnement antenne en courbe
La résolution du type d’antenne m’a permis de découvrir le marché des dispositifs rayonnants,
avec ce constructeur Huber & Suhner, mais aussi Kathrein qui est assez répandu. Tout comme
pour le point d’accès, un industriel comme Thales fait finalement appel à une multitude de
fabricants pour les équipements qu’il intègre dans la solution finale livrée au client. Je m’attendais
à ce que les solutions soient « maison », étant donné le nombre de projets ferroviaires sur
lesquels Thales travaille. Néanmoins opter pour une solution du marché nécessite une étude par
des ingénieurs en interne. Il faut même aller plus loin, jusqu’à déployer ces équipements en
plateforme de test afin de vérifier leur caractéristiques en fonction de nos besoins, ou pour tenter
de s’interfacer avec eux comme dans le cas de la supervision à distance.
31
Comme annoncé en début de cette section, la technologie sans fils fait l’objet d’un débat. Dans le
ferroviaire chez Thales, cette technologie pour communiquer du bord au sol peut être soit du
Wifi 802.11n, soit du LTE. Le premier est moins onéreux à déployer et suffisamment mature en
2016 pour s’y fier. Cependant il n’est pas fait pour la mobilité. LTE est certes plus coûteux et plus
jeune, mais garantit des débits supérieurs et surtout permet de gérer le handover entre les points
d’accès. De plus, elle permet de faire un pont avec les technologies de téléphonie moderne. Ceci
peut être intéressant par exemple dans le cadre du déploiement d’une connexion internet pour les
usagers. Enfin, entre les deux, le LTE-U permet d’associer le Wifi pour le contrôle, au LTE pour
la data ou d’utiliser uniquement LTE pour la data avec une bande non licenciée LTE pour le
contrôle. Je ne connaissais pas l’utilité du LTE-U. Il s’avère être intéressant pour un industriel
comme Thales afin d’encourager la transition du Wifi vers le LTE. Dans les deux cas, j’ai
remarqué qu’il faut être vigilant sur les bandes de fréquences utilisables, dont les bandes ISM, car
elles différent d’un pays à l’autre. Leur disponibilité dans le pays d’accueil va également impacter
sur la répartition des canaux dans le plan de fréquences.
3.3.2. Le plan de fréquences
Ce point ma marqué car je reste indécis et n’ai pu obtenir de réponse que je puisse relier à la
théorie vue en école. La question n’est pas celle des interférences co-canal car elle ne s’applique
pas en 802.11n 5.8 GHz, mais de l’interférence entre deux canaux de même fréquence avec au
maximum de deux utilisateurs terminaux. Ci-dessous, les deux plans de fréquences utilisés dans le
cadre des projets ferroviaires :
- « 1-2 | 1-2 » :
- « 1-1 | 2-2 » :
Le plan 1-2 | 1-2 est le plus souvent préféré. Cependant j’ai observé que dans le cas d’un
recouvrement pour assurer une redondance de la connexion en cas de perte d’un point d’accès au
sol, le 1-2 | 1-2 perturbe un signal plus fort que lui :
- « 1-2 | 1-2 » :
- « 1-1 | 2-2 » :
32
Alors que le 1-1 | 2-2 induit des perturbations sur un signal faible ce qui peut provoquer un
bagotement lors du passage d’un point d’accès à l’autre. C’est pourquoi il faut prévoir le plus de
fréquences possibles. J’ai noté qu’il vaut mieux prévoir à minima trois fréquences pour le Wifi 5.8
GHz. Car cela inclut une fréquence de secours au cas où un canal serait réquisitionné pour un
usage militaire ou météorologique (DFS), ou encore si l’un des canaux est trop perturbé. En effet,
certains canaux aux alentours de 5.8 GHz peuvent être réservés par des systèmes de
communication militaires et météorologiques. Et dans le cas où les canaux choisis ne sont pas
soumis au DFS, on peut choisir le plan suivant : « 1-2 | 3-4 ».
Enfin, le point sensible dans mes plans de fréquences est l’intersection. Et dans ce cas j’ai utilisé
trois fréquences au lieu de deux :
Figure 12. Plan de fréquences en intersection de voies
L’avantage sur un projet ferroviaire est que le plus souvent on utilise des antennes hautement
directives. Ce qui limite les interférences avec le voisinage. D’autant plus que le 5.8 GHz est
beaucoup moins congestionné que le 2.4 GHz. Et c’est un argument de poids lorsque les
responsables négocient la réservation de bandes de fréquences avec le régulateur local.
3.3.3. Effet guide d’ondes et propagations en extérieur
Dans le cadre de la réponse à appel d’offres en Israël, j’ai été amené à étudier la propagation des
signaux dans une reconstitution en trois dimensions de Tel Aviv. Le plus souvent, et c’est le cas
sur ce projet, les lignes de transports en commun passent par les grandes avenues et boulevards.
Il est intéressant de tirer avantage d’un phénomène de guide d’onde que va générer un
environnement en ligne droite ou presque droite, entouré de part et d’autre de bâtiments
(h>10m). Le signal va être réfléchi par les bâtiments et le sol en fonction de son revêtement. Je
ne pensais pas que l’effet soit aussi important que celui qu’on peut observer dans le cas d’un
tunnel en ligne droite, craignant une fuite des ondes entre les bâtiments.
Note : Les figures ci-dessous ne présentent pas toutes la force du signal en fonction de la distance. Sur certaines
seulement un tracé en pointillés rouge indique le tracé des voies. On ne présente pas un résultat d’étude de couverture
radio mais une série d’architectures de transmetteurs radio. Les pointillés représentent la position de récepteurs, les
encadrés blancs les émetteurs.
33
Figure 13. Planification en faible courbe
En courbe faible, le signal d’une antenne directive à faible ouverture et fort gain placée 100m
avant et après la courbe va se propager jusqu’aux trois quarts du virage. Il est donc préférable de
positionner un point d’accès avec deux antennes directives à forte ouverture en milieu de virage
pour couvrir l’avant et l’arrière du virage (figure 13).
Figure 14. Planification en forte courbe
En courbe forte, le signal d’une antenne directive à faible ouverture et fort gain placée 100m
avant et après la courbe va se propager jusqu’au premier tiers du virage (figure 15). Il faut donc le
supporter avec une antenne à forte ouverture à l’entrée, au milieu, et à la sortie du virage (figure
14). J’ai notamment utilisé cette configuration pour assurer une redondance de la connexion en
cas de perte d’un point d’accès.
Figure 15. Propagation en forte courbe [violet < 80 dBm]
34
Je me suis également penché sur le cas d’un milieu de propagation typique du projet sur lequel je
vais travailler ensuite chez Thales. Un rail va être déployé sur un viaduc qui parcourt la ville, ou
traverser un obstacle sur un pont. Dans le cas le plus favorable d’un pont plein, sans structures de
soutien mon sentiment est que le placement des antennes ne varie pas en comparaison de la ligne
droite en champ dégagé, ou d’une courbe, comme démontrée plus haut. Dans le cas d’un pont
dont le tablier n’est pas plein, et d’après ma compréhension de la propagation des ondes grâce
aux simulations, il existe un risque de réflexion sur et sous le pont avec des chemins de
propagation différents. La structure du pont peut également réfléchir ou absorber le signal selon
le matériau de construction utilisé. Lorsque je travaillerai sur ce projet dès la fin de l’année, je
prendrai ces prédictions en compte pour réduire légèrement la distance entre les points d’accès.
Comme je n’ai pas pu simuler cet environnement, faute de données, je profiterai d’être sur le
terrain en fin d’année pour faire des mesures sur site afin de combler cette lacune sur les voies
aériennes.
A mon sens, les stations et arrêts constituent le facteur le plus dimensionnant pour un réseau de
communication sans fils en ferroviaire. D’après l’expérience de mes collègues, et mes premières
tentatives, j’ai conclu que pour planifier un réseau en intérieur comme en extérieur, il vaut mieux
commencer par positionner ses antennes d’abord en stations, et ensuite compléter le reste de la
voie. En extérieur, une station représente un obstacle de 3 mètres de hauteur à la propagation
d’un signal. Il est cependant possible que le signal
recouvre de la puissance 30m après la station grâce
aux chemins multiples de propagation en provenance
des réflexions sur les bâtiments alentours. Mais ce
recouvrement se fait au détriment de la puissance et
sur une faible distance. Cette observation est valable
pour une antenne positionnée avant une station.
Figure 16. Encadrement d'une station
35
J’ai cependant gardé en tête que l’objectif est de
soit remporter l’appel d’offres, soit diminuer les
coûts. S’il est possible d’économiser plusieurs
points d’accès dans la couverture il faut le faire.
Dans ce sens, j’ai lancé des simulations pour
vérifier que le positionnement représenté à la
Figure 17 permette une aussi bonne couverture.
Deux trains en stations doivent être couverts à l’avant comme à l’arrière. Ainsi, on économise un
point d’accès puisqu’il couvre à la fois la voie et est assez proche pour couvrir un côté de la
station. Il faut ajouter que j’applique cette pratique sur un côté à la fois, pour des besoins de
redondance de transmetteurs en cas de panne (3.3.4. Principes de redondance).
3.3.4. Principes de redondance
Certaines exigences contractuelles décrivent un besoin de redondance matérielle sur les points
d’accès le long des voies comme ceux situés sur les matériels roulants. La perte d’un point d’accès
le long d’une voie ne doit pas provoquer une perte de la connexion, il est cependant possible que
le débit en soit réduit. Il est aussi possible de considérer la perte d’un point d’accès à bord d’un
train. Il existe plusieurs points de vue selon lesquels considérer la redondance, qui va impacter le
plan de couverture. Cela dépend des demandes du client, directement reliées au contexte
géopolitique, tel que c’est le cas en Israël.
Dans mes études de couverture j’ai été confronté à deux points de vue, actif/actif et actif/passif.
Lorsqu’on planifie une couverture, contrairement au cellulaire, on ne recherche pas un niveau de
signal suffisant sur une zone donnée. Point d’accès après point d’accès, on cherche la distance
maximale couverte dans une seule direction à la fois sur la voie.
Figure 17. Encadrement de moitié
36
Figure 18. APs à bord en Actif/Actif
Actif/Actif : on considère que le débit total requis par le matériel roulant est réparti entre le point
d’accès avant et arrière. Dans ce cas le seuil de réception peut être abaissé. La distance entre
points d’accès au sol augmente donc proportionnellement au seuil de sensibilité. Toutefois dans
le cas de la perte d’un des points d’accès à bord, le débit nominal ne sera plus garanti. Certains
clients acceptent de passer alors en mode dégradé, d’autres souhaitent le maintien d’une
connectivité optimale. J’utilise alors le modèle ci-dessous pour dimensionner mon réseau.
Figure 19. APs à bord en Actif/Passif
Actif/Passif : on considère que le débit total requis par le matériel roulant est concentré sur le
point d’accès avant. Ainsi le seuil de réception doit être augmenté. La distance entre points
d’accès au sol diminue donc proportionnellement au seuil de sensibilité. Le positionnement des
antennes au sol se fait en considérant uniquement l’antenne avant ou arrière à bord du matériel
roulant. On fait ensuite progresser cette antenne le long du tracé de la ligne, de la fin vers le début
de ligne si l’antenne avant a été choisie. On place un nouveau point d’accès dès que l’on perd le
signal.
Ces deux définitions permettent de comprendre la politique que j’applique pour la répartition des
points d’accès le long des voies. De manière simplifiée, un niveau de réception correspond à un
certain débit de données. Un niveau de réception est garanti en fonction d’une distance
maximale. Par transitivité, la distance entre les points d’accès varie selon le débit requis pour les
équipements à bord du train. Les figures suivantes illustrent les cas que j’ai rencontrés pendant
mon stage. Cependant, il faut noter que ces deux définitions ne s’appliquent normalement pas au
dimensionnement. Elles servent donc également à décrire les exigences client en matière de débit
en mode nominal et dégradé, certains acceptent une dégradation de la qualité du service si une
panne du matériel de transmission survient, d’autres pas.
37
Certaines exigences contractuelles requièrent qu’en cas de perte d’un transmetteur au sol ou à
bord, le débit nominal soit maintenu : 20 Mbits garantis
Dans ce cas, je fais en sorte que sur trois antennes, la première fournisse le débit nominal jusqu’à
la troisième. De sorte que la perte (en jaune) d’un point d’accès n’impacte pas les transmissions.
Figure 20. Mode redondé – Inter AP 400m
Dans d’autres cas, il est spécifié qu’en cas de perte d’un équipement au sol ou à bord, la
connexion ne doit pas être interrompue, au détriment de la qualité du service. Un régime de
priorité est appliqué dans ce cas : 10 Mbits garantis
Figure 21. Mode dégradé – Inter AP 600m
Enfin, pour réduire le nombre de transmetteurs au sol, il est toujours possible de positionner ses
équipements de manière à garantir une simple couverture nominale non redondée : 0 Mbit
garanti
Figure 22. Mode redondé – Inter AP 800m
Afin de bien comprendre ces principes, la Figure 23 présente le débit que je garantis au client qui
exige une redondance complète à 100% sur l’ensemble de la ligne, en cas de perte d’un point
d’accès suite à une attaque ou une défaillance du matériel :
Figure 23. Design RNP sur Tel Aviv – Mode redondé
38
Le client dans ce cas est exigeant, cela s’explique par le contexte géopolitique comme je le
mentionne plus haut. Ici il faut qu’en cas de croisement de trains (deux au maximum) et de perte
d’un point d’accès en voie ou à bord (une seule panne à la fois), 13 Mbits au minimum soient
maintenus (deux voitures composent un train, ce qui donne avec les équipements des deux trains
réunis un débit d’environ 13-14 Mbits). Dans le pire des cas prenons l’exemple où A2 est perdu,
A1 garantit 26 Mbits de débit depuis A3. Ainsi, si deux trains se croisent au niveau d’A3, ils ont
toujours respectivement accès à 13 Mbits de bande passante par antenne.
Ces principes sont déployables en extérieur. J’ai remarqué qu’ils le sont moins en intérieur, et
notamment dans les tunnels. S’il fallait appliquer ces principes en tunnel, il faudrait doubler le
nombre total de points d’accès pour avoir une couverture redondée à 100%. Lorsque j’ai fait ma
planification en tunnel, j’ai donc décidé de trouver un compromis entre la garantie de service et le
coût pour atteindre un taux de redondance de 70%.
3.3.5. Propagations en intérieur – Le cas particulier du tunnel
Tout comme l’extérieur, je commence à positionner mes antennes en station avant de déployer le
reste des équipements en voie. Cependant je me suis laissé moins de libertés qu’en extérieur, à
savoir que tous les points d’accès sont situés aux entrées/sorties des plateformes, c’est-à-dire au
niveau sur lequel circulent les trains. Je n’ai pas pu confirmer cette intuition en simulation par
manque de détails sur l’architecture des stations. Un signal émis dans un tunnel en amont d’une
station peut rayonner à travers le 80-100m de longueur de la plateforme et continuer sa course
au-delà. Cependant, la propagation dépend de la structure de la station, si par exemple il existe ou
pas des barrières le long de la voie. L’effet guide d’onde sera alors impacté. De même, la hauteur
du train par rapport au plafond du tunnel rentre en ligne de compte. Ainsi il faut garantir la
couverture des antennes situées sur le toit du matériel roulant de son entrée à sa sortie de la
station.
Figure 24. Placement d'antennes et plan de fréquences en station tunnel
39
Une fois les stations couvertes, je complète le reste du tracé. Cependant, je me suis rendu compte
qu’en tunnel il faut être beaucoup plus attentif à la moindre courbure, déviation, faire attention
aux grandes distances qui bénéficient du guide d’onde, et couvrir avec précaution les
intersections. La propagation des ondes électromagnétiques dans un tunnel peut être très
capricieuse et variable. Pour l’approximer au mieux, il faut éviter la formule du Free-path-loss,
que nous utilisons dans le service pour des prédictions en extérieur, et plutôt se tourner vers le
traçage de rays et l’équation de vecteur parabolique. Jospeh SIU Architecte Systèmes de
communication de données chez Thales Canada utilise des scripts Matlab pour résoudre ces
formules. Leurs modèles de propagation prennent en compte les arches, les sections irrégulières
en rectangle, ou des sections récurrentes avec ouverture au plafond. Cependant ces modèles ne
sont valides qu’à 100 mètres et sont toujours en cours de calibration avec l’Université de Toronto
et Thales UK. Pour les tunnels nous avons besoin de calculer sur des distances supérieures à 100
mètres. C’est pourquoi il vaut mieux utiliser un logiciel de RNP. D’où, à mon sens, l’utilité de
mon état de l’art dans ce secteur.
C’est justement grâce à une simulation faite sur un de ces logiciels que j’ai rencontré une situation
particulièrement intéressante en termes de transmission du signal, la « régénération de signal ».
Pour m’éclairer sur le sujet j’ai donc fais appel à mon collègue de Thales Canada avec qui j’ai
souvent échangé.
Figure 25. Positionnement des antennes dans l'intersection étudiée – Tunnel de Lusail
40
La figure 25 présente l’installation de transmetteurs (en bleu) et une série de potentielles positions
de récepteur (en vert), sur laquelle le phénomène a été observé. La régénération du signal peut
apparaître dans un virage, peu importe le rayon de courbure de celui-ci. Le phénomène appelé «
reflection nulls » est causé par des interférences destructives. Ici il se produit en sortie de courbe,
au moment où les rays issus des multiples réflexions entre en opposition de phase (au pire 180°)
et s’annulent mutuellement. Cette perte de signal n’est pas définitive et constitue un « trou » dans
la couverture, suffisamment bref pour être négligée.
Figure 26. Résultat de simulation de propagation en courbe – Tunnel de Lusail
Le signal n’est pas à proprement parler régénéré, ce qui est impossible sans équipement tiers, car
il n’est tout simplement pas perdu. Le phénomène est visible en rouge sur la figure 26. En analyse
de propagation par traçage de rays, la force du signal reçu est calculée sur la base de la somme de
tous les rays reçus depuis les différentes réflexions depuis le transmetteur. Une opposition de
phase apparaît comme un signal très faible, même s’ils ont respectivement beaucoup de
puissance, mais pas perdu. Il est donc possible qu’un peu plus loin, le signal ne subisse pas les
mêmes interférences destructives et soit perçu avec une puissance supérieure, et cela même si
respectivement leur puissance est faible. Tout dépend du niveau d’interférences.
Figure 27. Échelle de puissance de signal reçu, max : -65 dBm ; min : -90 dBm
100 m
100 m
80 m
41
Figure 28. Signal Level Testing Results (London, August 28, 2014)
Les relevés de la figure 28 ont été réalisés dans un des tunnels qui constituent le métro à Londres.
On remarque que ce phénomène apparait fréquemment, par exemple entre -240m et -280m le
signal est annulé, mais recouvre de la puissance à -300m. Le scénario se répète à -350m, -760m et
ainsi de suite.
Ces relevés ont été réalisés sur site. J’ai moi-même réalisé des relevés à partir d’une simulation
dans des conditions proches (figure 29). Bien que la granularité des relevés ne soit pas aussi
élevée que dans la figure précédente, on note le même phénomène où le signal s’écroule en
dessous de -80 dBm à 230m, 495m, 710m, 810m...
42
Figure 29. Puissance reçu (dBm) en fonction de la distance (m) en simulation tunnel
Pour minimiser l’impact de « reflection nulls » il
faut en général procéder à des ajustements sur la
position et l’orientation de l’antenne en fonction
de la courbe. Le plus efficace est de faire ces
ajustements sur site, en parallèles des mesures.
L’étude de l’intersection ci-contre a également
soulevé une autre question. Est-ce que la
séparation en deux tunnels distincts au niveau du
« Y » induit un affaiblissement du signal dû à la
division de la voie ? D’après les simulations que
j’ai effectuées la puissance du signal n’est pas
impactée. Je ne suis pas pour autant convaincu
par ce résultat. C’est un point que je n’ai pas
réussi à élucider au cours de mon stage.
En dehors de ce cas particulier, habituellement en faible courbe (entre 600m et 1000m de rayon
de courbure) le signal va se propager jusqu’au milieu du virage, début de courbe pour une forte
courbe (300m à 600m). Le schéma de propagation ressemble un peu à celui en extérieur, à la
différence près qu’en tunnel le signal va s’atténuer beaucoup plus rapidement une fois le point de
rupture atteint. Un signal propagé depuis une section antérieure au virage devra être soutenu par
un point d’accès situé en milieu de virage à cause de cette atténuation exponentielle. Pour les
grands virages (>1000m) il peut être nécessaire d’ajouter un point d’accès tous les 200-300m étant
donné que la propagation est fortement atténuée dans la courbe.
Figure 30. Intersection dans le tunnel de Lusail
43
J’en conclus donc que le virage impacte beaucoup plus en milieu confiné qu’en extérieur. Avant
de m’attaquer à ce sujet j’avais l’intuition que l’effet guide d’ondes était puissant en tunnel, et qu’il
se propageait sur toute la longueur d’un tunnel, courbes incluses. Le niveau scientifique de mon
investigation ne m’a cependant pas permis de comprendre pleinement les causes des atténuations
en virage.
Mon sentiment est qu’une courbe ajoute une surface de réflexion, diffraction, absorption
supplémentaires, avec une surface d’incidence évoluant avec la courbe, contrairement à la
constance des lignes droites, ce qui peut augmenter la diversité des chemins empruntés par le
signal et donc provoquer plus d’interférences.
Le phénomène de « reflection nulls » n’est pas la seule chose surprenante que j’ai rencontrée lors
des planifications de couverture en sous-sol. Au cours de mes échanges avec mes collègues chez
Thales UK, j’ai pris connaissance d’une situation difficilement prévisible. Lors des mesures sur le
site du tunnel sous La Manche, les équipes ont relevé une discontinuité dans la propagation du
signal à partir du point où le tunnel passe du sous-sol à la mer. Il semble que la propagation
empire nettement lorsque l’extérieur du tunnel est imbibé d’eau salée. Cela n’a apparemment
jamais été prouvé mais les spéculations vont dans le sens ou l’eau salée a des coefficients
d’absorption et de réflexion différents. Le point qui m’a donc semblé falloir retenir est qu’il faut
non seulement prendre en compte le matériau du mur qui compose un tunnel, mais également le
matériau qui compose l’environnement direct du tunnel. J’ai donc exploité cette anecdote pour
mes simulations. Au lieu de modéliser en 3D uniquement le tunnel, j’ai également modélisé une
épaisseur de matière autour. Je ne suis cependant pas sûr que les effets sur le modèle de
propagation du logiciel aient été significatifs.
Un tunnel est cependant composé d’éléments plus communs tels que les portails qui font la
jointure entre le milieu extérieur et intérieur. Un portail est souvent situé en bout de station
extérieure qui plonge progressivement sous le sol. En plus de positionner un point d’accès en fin
de station juste avant la descente vers le tunnel, il faut mettre une antenne au niveau du portail,
dans la partie tunnel de manière à ce qu’une antenne orientée vers le dénivelé et une autre vers le
tunnel puisse couvrir le changement de milieu. En effet, l’antenne située en station, aussi directive
soit-elle, ne va pas focaliser son signal sur l’entrée. Au contraire, le portail va agir comme un
goulot d’étranglement. J’ai souvent eu affaire à des tunnels qui commencent ou se termine en
bitube. C’est-à-dire deux voies distinctement séparées en deux tunnels. Dans le cas particulier du
bitube il faut ajouter un point d’accès par portail et par tube. Je n’ai pas pu simuler cet
environnement mais concernant le point d’accès en station il n’est pas nécessaire de le doubler
puisqu’il devrait couvrir la descente pour les voies.
44
CHAPITRE 4. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES[RT7]
Le travail que j’ai effectué autour de mon PFE chez Thales se conclut selon deux axes. L’étude de
marché et l’utilisation des outils résultants de mes recherches, sur un bon éventail de projets
ferroviaires à travers le monde, pour d’importants clients, m’ont donné une bonne formation. J’ai
pu prendre connaissance des problématiques de planification de réseaux sans fil. J’ai également
fait un inventaire et établi la situation du marché et côtoyé des experts du domaine grâce à mes
rencontres avec les commerciaux et ingénieurs des fournisseurs de solutions logiciels radio. Grâce
à la richesse et la diversité des projets sur lesquels j’ai travaillé, j’ai été confronté à de nombreux
cas particuliers en matière de propagation d’ondes électromagnétiques, d’exigences en termes de
redondance du réseau, d’architecture, de contraintes gouvernementales. J’en tire un avantage qui
me permet aujourd’hui d’être prêt à apporter des conseils et un avis assumé si je suis confronté à
de nouveaux projets. L’avantage se traduit également en une ouverture sur les travaux de
propagations d’ondes dans des milieux particuliers tels que les tunnels sous milieu aqueux, menés
par des universitaires Canadiens et des groupes de discussions mêlant des experts Britanniques,
Japonais, Chinois, Français.
L’objectif pour le service SFI était de monter en compétence dans le domaine de l’ingénierie
radio, qu’ils sous-traitaient jusqu’ici. Mes recherches et le travail que je laisse derrière moi
permettent désormais au service de savoir s’orienter et prendre les bonnes décisions en matière
de planification de couverture radio. Mon travail viendra appuyer les experts du département.
Pour clore ce premier axe de conclusion, l’envergure des projets et l’organisation d’une société
comme Thales constituent une opportunité rare en sortie d’école, celle de se frotter aux rouages
complexes de la hiérarchie entre sous-traitants et commanditaires, entre les différents lots au sein
des services qui se partagent un projet et aux contraintes budgétaires qu’induisent une telle
répartition des ressources, ce qui force à devoir argumenter ses choix techniques et demandes
d’investissement par exemple sur l’outil de simulation radio. Mais aussi, c’est l’opportunité de
relever un défi, celui de devoir suivre des processus et appliquer des technologies à l’échelle de
projets nationaux.
45
Ce projet professionnel en entreprise pour mon cas, s’exprime également dans un contexte
particulier. En effet, il a été convenu depuis plusieurs mois avant le début de mon stage, que cette
expérience serait formatrice dans le cadre de ma poursuite en VIE, toujours au sein de Thales
Communications & Security, sur le site de Panama City au Panama, pour la construction de la
seconde ligne de métro. Grâce à mon expérience de six mois en stage j’ai donc pu entamer une
formation sur le long terme en télécommunications. Associée à l’expérience que j’ai acquise l’été
dernier toujours chez Thales dans la sécurité au nouveau Ministère de la Défense, je dispose
maintenant de deux compétences, éprouvées professionnellement. Et puisqu’il se trouve que ces
deux domaines sont partie intégrante de mon VIE, je me sens prêt à affronter les défis en
perspective et à monter en compétences.
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BIBLIOGRAPHIE[RT9]
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[2] ATDI, ICS Telecom – http://www.atdi.com/ics-telecom/
[3] Forsk, Atoll – http://www.forsk.com/web/EN/126-atoll-32-general-features.php
[4] AWE, Winprop – http://www.awe-communications.com/Propagation/Tunnel/index.htm
[5] iBwave – http://www.ibwave.com/fr/ibwave-design.aspx
[6] Teoco, ASSET – http://www.teoco.com/solutions/network/network-planning/
[7] Radio Mobile – http://www.cplus.org/rmw/
[8] Remcom, Wireless InSite – http://www.remcom.com/wireless-insite
[9] Ekahau – http://www.ekahau.com/wifidesign/ekahau-site-survey
[10] (Interne) – Lusail Light Rail Transit System / Sub-System Design Document (SSDD) BBRS
[11] (Interne) – Description Technique de l’offre Solution Audio/Vidéo avec système de communication Pour les métros automatiques VAL & NEOVAL
[12] IEEE 802.11n-2009 – https://en.wikipedia.org/wiki/IEEE_802.11n-2009
[13] IEEE 802.11-2007 Annex J modified by amendments k, y and n. – https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_WLAN_channels
[14] Alexandre Boyer, 4IR BE dimensionnement interface radio 2014 – http://www.alexandre-boyer.fr/alex/enseignement/4IR-BE_dimensionnement_interface_radio_2014.pdf
[15] Jukka Lempiäinen, UMTS Radio Network Planning, Optimization and QoS Management – http://www.cs.tut.fi/kurssit/ELT-45206/ELT-45206exercises.html
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LISTE DES ILLUSTRATIONS
Doit commencer sur une page recto
Figure 1. Liste des critères pour état de l’art .......................................................................................... 15
Figure 2. DAR sur les outils de RNP ...................................................................................................... 17
Figure 3. Couverture radio sur 400m à Tel Aviv ................................................................................... 20
Figure 4. Bilan de liaison en 5.8 GHz ..................................................................................................... 21
Figure 5. Représentation 3D de Tel Aviv (Israeil) ................................................................................. 22
Figure 6. Procédure de planification radio assistée par ordinateur ..................................................... 22
Figure 7. Points kilométrique des équipements et alimentation .......................................................... 23
Figure 8. Traçage de mobiles, meilleur et pire des cas, en tunnel ....................................................... 24
Figure 9. Diagramme de rayonnement antenne à bord ........................................................................ 28
Figure 10. Diagramme de rayonnement antenne ligne droite .............................................................. 29
Figure 11. Diagramme de rayonnement antenne en courbe ................................................................ 30
Figure 12. Plan de fréquences en intersection de voies ........................................................................ 32
Figure 13. Planification en faible courbe ................................................................................................ 33
Figure 14. Planification en forte courbe.................................................................................................. 33
Figure 15. Propagation en forte courbe [violet < 80 dBm].................................................................. 33
Figure 16. Encadrement d'une station..................................................................................................... 34
Figure 17. Encadrement de moitié ........................................................................................................... 35
Figure 18. APs à bord en Actif/Actif ...................................................................................................... 36
Figure 19. APs à bord en Actif/Passif .................................................................................................... 36
Figure 20. Mode redondé – Inter AP 400m .......................................................................................... 37
Figure 21. Mode dégradé – Inter AP 600m ........................................................................................... 37
Figure 22. Mode redondé – Inter AP 800m .......................................................................................... 37
Figure 23. Design RNP sur Tel Aviv – Mode redondé ........................................................................ 37
Figure 24. Placement d'antennes et plan de fréquences en station tunnel ......................................... 38
Figure 25. Positionnement des antennes dans l'intersection étudiée – Tunnel de Lusail ................ 39
Figure 26. Résultat de simulation de propagation en courbe – Tunnel de Lusail ............................. 40
Figure 27. Échelle de puissance de signal reçu, max : -65 dBm ; min : -90 dBm ............................. 40
Figure 28. Signal Level Testing Results (London, August 28, 2014) .................................................. 41
Figure 29. Puissance reçu (dBm) en fonction de la distance (m) en simulation tunnel ................... 42
Figure 30. Intersection dans le tunnel de Lusail .................................................................................... 42