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De la schizophrénie à Dieu : Des ténèbres à la foi. Par Serviteur44 1

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De la schizophrénieà Dieu :

Des ténèbres à la foi.

Par Serviteur44

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Remerciements :« Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » (Mt 10,8) Merci à lirenligne.net de

m'avoir permis de le faire. Un grand merci aussi à frère Silouane, à Marie-Laure, à Louis d'Avignonpour leur aide précieuse, et à J.F. Kiefer pour sa fraternelle autorisation d'utiliser son illustration en couverture.

Synopsis :

En recherche d’un grand vide intérieur à combler, l'expérience de la dépendance à la

pornographie, à des musiques malsaines, à la violence visuelle des écrans (films et jeux vidéos), à ladrogue et à l'alcool a été quasi quotidien. Fragilisé par un mal-être remontant à la petite enfance et par des mauvaises habitudes en terme de nourriture et de sommeil, le tout a formé une recette explosive favorisant l'entrée dans une schizophrénie. La mort frôlée de très peu à la suite d’une première bouffée délirante, le passage progressif des ténèbres à la foi est ici décrit. Comment Dieu s’est-Il révélé ? Vous le découvrirez au fil de ces quelques pages …

Tous les droits d'auteur de cet ouvrage iront en don pour moitié à l'AED (Aide à l'Eglise en Détresse) en offrande de messe avec pour intention la conversion des persécuteurs de la foi, et pour moitié à l'ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la torture).

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Introduction :

Les êtres humains sont faits pour être aimés, les choses utilisées. La terre marche carrément sur la tête et ne tourne plus rond, car c'est rigoureusement l'inverse qu'on observe. Nous sommes divisés en deux catégories : les serviteurs de Dieu et ceux de l'idole argent. Ce monde pourrait être un véritable paradis, un festin d'action de grâce, cependant elle est réduite majoritairement à une consommation individualiste d'un côté et à une extrême pauvreté de l'autre.. La société tout entière dans son fonctionnement est malade. Comment peut-on penser que ceux qui sont les mieux intégrés sont les plus sains du troupeau ? 20% des français auront un problème d'ordre psychique dans leur vie. Notre pays a le triste record de la plus haute consommation de tranquillisants et autres médicaments psychotropes. L'occident en pleine misère spirituelle, le tiers-monde en pleine misère matérielle, pourtant cette terre pourrait être un véritable paradis ! Qui tombe dans le piège du mal rabaisse l'humanité toute entière, qui se tourne vers le bien l'élève. Le père du mensonge est le prince de ce monde (cf Jn 8,45) si on commence à se plaindre de lui, on n'a pas fini ! Plutôt que Lucifer, qui a su faire en moi son trou, désormais je préfère tourner mon regard vers le Père qui m'en fait sortir. On manque cruellement d'émerveillement, pourtant tout est miracle autour de nous. La clé du bonheur est sûrement dans l'acuité du regard. La foi est une façon d'arriver à voir, à déjà connaître (ou naître avec) le mystère de l'existence. Grâce à elle : le bandeau sur les yeux, puis les œillères tombent. Si le présent est un présent (= cadeau) de chaque jour, qu'en faisons-nous ? Réapprendre à dire simplement merci, car rien ne nous est dû. Cependant, le plus souvent, les moyens d'évasion devant un réel dont la fade routine est si décevante sont monnaie courante : vacances, loisirs, œuvres de fiction, alcools, drogues … Ce genre de vie n'a pas de sens ! Les signes extérieurs de richesse ont toujours été à la mode, le jardin intérieur majoritairement laisser à l'abandon. Découvrir Dieu m'a fait comprendre que je vivais de façon inconsciente et à côté de mes pompes, une existence extérieure à moi-même. Le mettre au centre de ma vie a permis d'enfin trouver la joie. En effet, plus je vieillis plus je suis heureux sur le chemin de ce pèlerinage terrestre. Depuis lors, je m'épanouis exponentiellement Dieu merci ! La gratitude m'a guéri d'être envenimé par la négativité. « Ton Amour vaut mieux que la vie !1 » (Ps 62,4) Oui, car sans cet Amour, Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, la vie n’est pas une vie … « Le premier pas vers la sainteté est lavolonté de le devenir » enseignait Sainte Mère Térésa à ses missionnaires de la charité. Pourquoi nepas y parvenir nous aussi ? C’est la volonté de Dieu : Son plan de vie pour chacun. « Soyez saints car Je suis saint ! » (Lv 20,26 / 1P 1,16 ) Il ne suffirait que de se vider de soi-même et de se remplirde Lui. Une fois le plein débuté la prière peut monter … Sa grâce est immense et le Seigneur, si on sait le Lui demander, « en esprit et en vérité, » (Jn 4,24) nous donne ce qu’Il veut de nous ! Mais avant cela, il faut avoir été, à l'instar du renard du Petit Prince de Saint-Exupéry : très lentement apprivoisé par Lui.

Comparé au règne animal, nous avons cette chance immense de pouvoir bénéficier des expériences de nos semblables. Ainsi, nous pouvons éviter, dans nos différentes trajectoires personnelles, les faux-pas par lesquels ils sont passés, grâce au partage de leurs diverses expériencesvécues. Un jour, une collègue m'a parlé d'une de ses connaissances qui avait plié sa voiture en voulant juste ramasser une simple baguette de pain qui glissait du siège passager. Quelques années plus tard, au retour d'une boulangerie, pareil, la même : le pain qui tombe dans un virage, en me penchant pour le rattraper, quelque chose fait un grand « TILT !!! » Je me redresse et récupère à grand peine le véhicule qui était déjà dans l'herbe et qui se dirigeait tout droit vers un poteau téléphonique. Ouf, j'ai eu très chaud ! Un grand remerciement en pensée (je n'étais pas croyant à cette époque pour avoir le réflexe d'en louer le Seigneur) pour celle qui m'avait sauver la mise sans

1 Toutes les citations bibliques de ce livre sont tirées de la traduction officielle liturgique.

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le savoir et à qui je devais, vraiment, une très fière chandelle. De cette manière, des exemples de Saints, de pécheurs, de convertis et de simples fidèles ont nourri ma foi et m'ont ainsi rapproché peuà peu de Dieu. Sainte Thérèse d'Avila affirmait : « Je donnerai mille vies pour sauver une âme ! » Si seulement ces quelques lignes pouvaient servir à une seule personne et lui faire trouver, ou retrouver, cette lumière intérieure d’amour cachée présente en chacune de nos âmes où le divin est présent. Alors, tous ces efforts de rédaction n'auront pas été vains. La maïeutique a été bien longue et douloureuse pour accoucher de ces quelques pages. Nous avons tous une mission personnelle à accomplir2 sur cette terre, et témoigner ici fait parti de la mienne. « Les enfants des ténèbres sont plus habiles dans leurs affaires que les enfants de la lumière. » (Lc 16,8) Puissions-nous faire mentir l'évangile sur ce point par nos vies ! L'obscurité n'est qu'absence de luminosité, elle ne peut gagner ! « L'heure est venue de sortir de notre sommeil ! » (Rm 13,11) Le réveil spirituel en vivanten toute conscience, en étant toujours présent à ce que l'on fait dans chacune des actions du quotidien. Qui ne désire pas le jour où il trouvera le bonheur ? ( cf Ps 33,13) Avant cela, la vie devient un combat. Car celui qui tombe dans le péché donne prise aux démons (cf Ep 4,26), c'est comme creuser une fosse pour mieux tomber dedans. L'inconscience du mal commis dans notre société des plaisirs immédiats est tout bonnement effroyable ! « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs» (Mc 2,17 / Mt 9,3 / Lc 5,31) Oui, Dieu en soit loué, Il répond toujours présent pour nous guérir de nos misères. Grâce au pardon imploré, du lien coupé par le péché : Il fait un nœud et par Son infinie Miséricorde nous voici encore plus proche de Lui qu'avant la chute. Ainsi est Son Cœur : Il se réjouit dès qu'Il peut faire retrouver aux morts vivant la vraie vie : celle de Son Amour.

Je fais partie des 1% de la population mondiale atteinte de schizophrénie. Attention car ce terme cache une multiplicité dans la gravité et l'expression des symptômes. Même dans cette maladie nous sommes tous différents. Le Seigneur en soit loué, maintenant plusieurs possibilités de traitement existent, pas comme le pauvre Saint Jean de Dieu soigné à son époque par le fouet ! Un des très rares canonisés (le seul à ma connaissance) internés à l'asile. Ceux qui ont passer par l'HP peuvent solliciter son intercession sans modération ! J'espère que cette autobiographie pourra aider d'autres schizophrènes ou peut-être leur famille. Cependant, c'est de l’Éternel que je voudrai rapprocher toutes et tous, car Il est la force qui permet de lutter et contre les fragilités et contre les effets secondaires. Il faut un cœur pour parler aux cœurs. Puisqu'on ne peut offrir que ce que l'on a reçu, voici ma main vide ouvert et tendue. Je t'en prie, ô mon Dieu, donne-moi les mots qu'il faut pour témoigner maintenant efficacement de Ton Amour !

2 Pour aller plus loin sur ce thème, lire « A chacun sa mission » du Père psychologue Jean Monbourquette

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Enfance :

1978 : année de naissance, un dimanche à l'heure de la messe dans le Département du Finistère. La dernière année ayant connue trois papes, une rareté : mort de Saint Paul VI, suivie de celle de Jean-Paul I 33 jours après son intronisation, et l'élection de Saint Jean-Paul II ensuite.

Malgré des parents pratiquants, je suis un enfant du péché, conçu quelques mois avant leur mariage. Ceci comme tant d'autres, la grande majorité même, me diriez-vous. Pourtant, n'est-ce pas là recevoir la marque du mauvais dès le départ ? La chasteté avant le mariage est plus que recommandée chez les chrétiens. La cible principale du démon est désormais de s’attaquer à la famille, et plus on est proche de Dieu, plus il nous hait. Celui-ci a dû beaucoup agir sur eux pour lestenter. Mais, en même temps, impossible de leur en vouloir vraiment, car si je n'avais pas été conçu précisément à ce moment-là, jamais je n'aurai vu le jour … Ma mère, par contre, a soigneusement évité tout ce qui pouvait me faire du mal en sont sein : alcool, cigarettes et autres produits néfastes, une grande chance enviable par un grand nombre !

A la crèche, j'étais toujours le premier nourrisson servi car je hurlais ma faim plus fort que les autres. Un peu plus tard, tenant à peine debout, je piquais de grandes colères et faisais des crises pas possible à tout bout de champ, si l'heure des dessins animés n'arrivait pas assez vite, ou encore capable de m'accrocher à la portière de la voiture de parents de camarades de maternelle pour ne pasles quitter. Capable aussi d'actes violents, comme de casser à grand coup de pierres une paire de lunettes, qui après une courte recherche, n'appartenaient apparemment à personne. Ou encore , aprèsun « qui sera cap ?» de devancer tout le groupe des garçons et de baisser le slip d'une camarade, quicourait sans pantalon. Je suppose que j’ai fini par me faire peur moi-même. D'un excès, je suis passé à un autre en devenant au début de l'école primaire d'une timidité maladive, incapable de pouvoir parler sans avoir formulé les phrases auparavant dans la tête. Cette faiblesse m'a fait devenir rapidement le souffre douleur des autres.

J'ai été atteint d'énurésie pendant plusieurs années, pas toutes les nuits mais assez fréquemment quand même. J'aurai bien aimé qu'à la place des coups et injures parentales, on m'explique simplement qu'il faut aller aux toilettes avant de s'endormir, ceci même si on n'en ressens pas l'envie. Pour un enfant, ce qui va sans dire, va beaucoup mieux en le disant … Un oncle,pendant des vacances chez ma marraine, m'a dit qu’il allait faire un nœud au sexe pour régler ce problème. Cela m’a fait très peur, incapable de comprendre son sens de l’humour un brin limite.

Dans ces premières années, des ganglions se sont formés au niveau de la gorge, de chaque côté. Cela a duré plusieurs mois, sans que les médecins arrivent à en découvrir la cause. Ma grand-mère m'a alors emmené voir un rebouteux du coin. Je m'en rappelle bien : elle m'avait reproché de m'être trop servi en chocolat dans le bol de lait, invité à le faire par ce guérisseur. Par contre, aucun souvenir ce qu'il m'a fait, sauf que les ganglions ont totalement disparu sans revenir. Ces personnes, trop souvent, ne soignent pas vraiment en ne faisant que déplacer la maladie d'un endroità un autre. En quelle mesure cette rencontre a influé sur mon existence, par la suite ?

Mon père est un peu mal vu dans la famille. Il ne souhaitait surtout pas que sa progéniture lui fassent honte, rajoutant encore une couche sur son passif. Peut-être à cause de cela, il est devenu très autoritaire, colérique même, avec une méthode d'éducation qui passait beaucoup par les éclats de voix, les baffes et les fessées. Que se soit les devoirs scolaires ou les tâches domestiques, il me

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faisait toujours avancer à grands coups de pression. En retour, une grande aversion et un dégoût pour ceux-ci s'est développée. « Partisan du moindre effort » comme il me qualifiait. Pour une vie bien équilibrée l'amour du travail est essentiel, cruciale même. Bien plus tard, ma mère m’a tranquillement affirmé que ce qui fonctionnait le plus sur moi était moins les châtiments physiques, que les mots. Toutes ces insultes sont entrées en moi et m’ont persuadé d'être à ce point méprisable. Grandissant sous cette influence parentale, la capacité à avoir et à développer une personnalité a été rendue très difficile, avec le sentiment de mériter ces mots si durs. Je ne savais pas ce qu’est : être aimé et aimer, le but de toute vie. En retour, une attitude de victime était adoptée dans tous les rapports sociaux. « Un authentique amour des autres est impossible sans véritable amour de soi. […]Quand on s’apprécie, on apprécie les autres ; quand on éprouve un sentiment positif pour soi, on en éprouve pour les autres ; si on se sent important, on juge les autres importants. En somme, un sain amour de soi est une base indispensable de toute relation vraie aux autres. » (Laurent Boisvert : Le célibat religieux.) En exutoire, je me vengeais sur les mouches coincées sur les carreaux des portes fenêtres, sur les colonies de fourmis, et sur les abeilles du jardin qui se posaient sur les pommes acides. Passant ainsi mon temps à les exterminer avec un malin plaisir. A l’âge adulte, j’ai confessé ces actes et le prêtre m’a répondu que ce n’était pas grave, que notre religion n'était pas bouddhiste. Ces insectes font partie de la Création, des petites bêtes du Bon Dieu. Il me semble important d’inculquer le respect de toute vie, de ne pas tuer … Je ne supportais pas que l'une de mes trois petites sœurs me manque de respect. J'étais parfois un vrai petit tyran avec elles, et il m'arrivait de les frapper dans ces cas là. Dans la hiérarchie familiale, je les considérais au-dessous de moi, inférieures.

Le premier souvenir de la relation à Dieu remonte à la cinquième année. Je jouais proche dela télévision où passait un film sur la vie du Christ, levant peut-être la tête de temps en temps. Quand arriva le moment de la crucifixion, fixant l’écran, je me suis mis à pleurer sans pouvoir en donner d'explication. A la messe, dès les débuts, je n'appréciais pas ces interminables moments où ilfallait être sage sans rien capter de l'importance ce qui se déroulait. Dieu n'était jamais évoqué en semaine, pas de prière en famille non plus : un grand rien ! Je me sentais exclus de ce monde des adultes car ils recevaient quelque chose, et les enfants en bas âge rien. Depuis, j'ai vu des petits s'avancer vers le prêtre, les bras croisés sur la poitrine, pour avoir simplement la bénédiction avec un signe de croix sur le front. Cela m'aurait bien plu, alors. Je vivais les célébrations comme une perte de temps, l’œil collé à la montre, calculant le temps restant avant la libération pour enfin sortirde ce lieu dont je ne comprenais pas la sainteté. On ne m'avait pas appris le respect de la présence divine. Non, cela ne va pas de soi ! Mes camarades à l'école privée catholique, ne parlaient jamais de Dieu et ils possédaient une force et une énergie qui me manquait, prisonnier de l'inhibition. Comment les autres auraient pu me respecter ? Je ne me respectais pas moi-même, cause de tous mes problèmes de sociabilisation. On se moquait beaucoup de moi en général, de mon nom de famille et de ma couleur de cheveux en particulier. Les roux sont moins de 4% de la population française, minorité visible qui subit les conséquences de cette différence contre laquelle on ne peut rien … Avec mes sœurs, aux célébrations eucharistiques, on était le plus souvent les seuls enfants, et la moyenne d'âge était toujours extrêmement élevée parmi les assemblées. Les nombreux cours de catéchisme n'ont rien éveillé, comme un robot incapable penser par soi-même, si vide à l'intérieur. Comment croire au Dieu le Père tout Amour quand on vit dans la peur et la haine de son père terrestre si aisément colérique ? « La haine disloque la personnalité, l'amour l'unifie. » (Martin Luther King) Au centre, le moi se fragmentait, éclaté …

Vers 1986, j'ai prié pour être celui qui serait désigné pour annoncer au public le titre d'un chant de Noël, lors d'un spectacle de fin d’année. Une de mes seules joies de l'époque est d'avoir étéchoisi et donc exaucé. J'étais aux anges en annonçant : « Il est né le divin enfant » au micro. Puis, en me retournant vers mes camarades mon sourire s'est figé et a vite disparu de mes lèvres. En

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m’entourant sur la scène, ils m'ont vivement reproché d'avoir mal prononcé. J'avais fait la liaison dun, comme elle est faite dans le refrain de ce chant, entre divin et enfant. Peut-être à cause de cela, à chaque sollicitation spirituelle, j'opposais par la suite un vif refus boudeur. On m'a aussi proposé de devenir enfant de cœur, en me vantant le fait que la cérémonie passe plus vite et qu'on a droit à une pièce à la fin. A chaque fois un refus : cela aurait été mentir. A cette même époque, un séminariste est venu passé quelques jours à la maison familiale. Il m'a fortement déplu par les remarques acerbes qu'il me faisait quand on était seul à seul. Par exemple, j'avais le sentiment de m'être bien lavé et il me reprochait d'être crasseux. Il suffit de pas grand chose, à cet âge, pour détourner du divin : « mais si lui est pour Dieu, alors moi je suis contre .» Ces mots n'ont pas été conscients, juste une attitude intérieure. Pour un enfant, souvent tout est tout noir ou tout blanc, un rien peut amener à aimer ou à détester ...

Chez le médecin de famille, pendant une visite, je me suis retrouvé le pantalon et le slip baissés, allongé sur la table de consultation. Ma mère était peut-être restée assise au bureau. Sans me prévenir, le docteur m’a alors décalotté le sexe. J’ai senti comme si mes yeux s’exorbitaient, et mon corps s’est tendu d’un coup. Je me suis senti mal, comme quelque part sali. Pourtant, je n’ai rien dit, le comportement des adultes représentant pour moi la normalité. Ensuite, je suis devenu très pudique, au foot : je faisais tout pour cacher les parties génitales. Un après-midi, après l’entraînement, mon père, s’en est aperçu et s’est moqué devant tous mes camarades. Pour la première fois j’ai goûté à la haine intensément presque de la rage à l'intérieur. J'ai fait ma première communion et la profession de foi en suivant le mouvement, sans trop comprendre les actes que je faisais, ce que je disais, ni Celui que je recevais. Dieu est relation, mais je n’avais aucun échange avec Lui. La seule chose qu'il me semble avoir appris lors de ces célébrations, est de bailler sans faire de bruit … Mes premières années de ma vie se sont ainsi déroulée comme en pilote automatique, sans rêve, sans espoir, sans énergie, presque sans vie.

Je suis parti trois étés durant, dans une colonie de vacances dans les Pyrénées, la colonie notre Dame des Monts. Chaque année, on passait une journée à Lourdes et on allait voir un film sur la vie de Sainte Bernadette. A chaque reprises cela m'a bien édifié. Au point d'avoir même acheté une petite statue de la Vierge, lui vouant un début de dévotion. Cependant, c’était lié à une simple émotion face au vécu de la jeune Bernadette, et ça n’a pas duré très longtemps. Il manquait des racines ... J’étais incapable de m’insérer dans un groupe, toujours tenu à l’écart et bien vite moqué par les autres. Le dernier été là-bas, un ado m’a même mis du sperme sur le visage, qu’il avait placédans un petit récipient. Plus tard au lycée, je me ferai uriner dessus dans les douches. Ceci me laissait sans réaction, comme si c’était normal qu’il m’arrive ce genre de chose, comme si j’étais une personne méprisable à ce point. Même des filles parfois se moquaient de moi, me laissant incapable de réagir. Bref : plus faible qu’une gonzesse, un moins que rien … Mais pourtant pas meilleur qu'eux, car tombant sur des plus faibles, il m'est aussi arrivé d'en enfoncer.

Perdu intérieurement dans cette faiblesse, je me suis identifié à des personnages de garçon ayant un comportement de fille. Par exemple, dans le dessin animé Les chevaliers du Zodiaque avecShun, dans celui du collège Fou-Fou-Fou avec Jim, et aussi dans la bande dessinée Alix avec Énak. Bon, heureusement c'est vite passé, Dieu soit loué ! Cependant, je me demande à quel point ce genre d’exemples peut mal influencer les jeunes en pleine création de leur identité, à l’âge où ils sont aussi malléable que la cire. La télé, les BD, les livres sont devenus mes premières drogues pourm'évader du réel si stressant, et des horreurs du quotidien.

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Adolescence :

La plupart des jeunes de mon âge avaient refusé le Sacrement de la Confirmation. De mon côté, cela aurait été m'opposer à la volonté parentale, et j'en était tout simplement incapable. Pas même capable d'exprimer une simple volonté propre. Il y a eu cependant un grand éclair de lumière intérieure lors de cette célébration. Inexplicablement, j'ai été rayonnant de joie au moment où l'évêque m'a donné le sacrement du saint chrême avec le signe de croix sur le front. Quelque chose d’important s'est passé lors de cette messe, mais je n'en ai pas souvenir. La promesse de ne plus pratiquer l'onanisme a été faite, promesse non tenue, très malheureusement. Enfreinte innombrablement de par la suite. Tout aurait peut-être été si différent ... Dans la voiture ou à d'autresmoments de calme, mes mains se joignaient toutes seules. Cela m'énervait quand je m'en rendais compte, dans un rejet de tout ce qui a trait à la religion.

Depuis les débuts du collège, tous les soirs avant de m'endormir, un autre monde fantasmatique se développait. J’élaborais des scénarios dans lesquelles je devenais tout puissant auprès des filles. C'était un des rares moments, avec le sport et la cleptomanie, où je n'étais plus froid et vide et où je ressentais enfin quelque chose. Je m'identifiais avec ces sentiments, croyant que c'était là mon identité. « La masturbation est le plus souvent attribuable à l’atmosphère érotique du milieu, à la frustration au plan affectif par un manque d’amour ou d’amitié, à l’incapacité ou à la difficulté d’assumer certains échecs. Elle comporte toujours un repli sur soi, ferme la personne sur elle-même au lieu de l’ouvrir à autrui, réduit la sexualité qui est rencontrede l’autre, à une génitalité sans communion. Elle traduit une difficulté ou une incapacité relativeà établir de véritable relations sexuées. D’où la fuite dans l’imaginaire et la recherche de gratifications faciles et immédiates. » (Laurent Boisvert ibid ) Dans les années 80 on pouvait très souvent voir des corps de femmes nues à la télévision, et pas que dans des films : dans des pubs de yaourt, de gel douche, dans le Cocorico Show, le Lido ou le Moulin Rouge au premier de l'an. Le corps féminin a commencé à m'obséder jusqu'à peupler mes rêves, avec des souvenirs remontant même avant la sixième année. Plus tard, une émission de radio résolument perverse : Loving Fun avec Doc et Difool, m'a très mal influencé. Elle parlait de sexualité sans aucun tabou. J'ai commencé, à partir de ce moment, à me nourrir de leurs poisons permissifs sans borne, l'imaginaire débridé par leur très mauvais propos. « Les pulsions sont aveugles et elles cherchent leur satisfaction immédiate, elles deviennent d’autant plus fortes que se multiplient les stimulants érotiques intérieurs et extérieurs. S’abandonner à leur spontanéité équivaudrait à devenir esclave de leur violence et de leur excès, à les laisser parler et décider à sa place. On renoncerait alors à sa liberté et perdrait le contrôle de sa vie. » (Laurent Boisvert Ibid) Le discernement du beau et du laid disparaissait ainsi que le sens des valeurs. L’attrait du mal augmentait en même temps que la déviation des instincts par le vice.

Mes parents avait décidé de tout faire pour empêcher toute attirance entre mon père et mes trois petites-sœurs, à cause de plusieurs cas incestueux dans la lignée familiale dans chacune des ascendances. Cependant, ils n'ont pas mis en garde leur grand-frère et, malheureusement, j'ai eu unefois des attouchements sexuels séparément avec les trois. J'avais environ treize ans lors des faits. Pourtant, je crois qu’il y a eu à plusieurs reprises des signes d’alertes qui sont restés inaperçus auprès d'eux. J’ai très rapidement arrêté ces actes, non par la compréhension du mal commis, mais

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beaucoup plus par la peur de me faire prendre. Quel mauvais grand frère ! Au lieu de les protéger, jeles ai martyrisées. Les petits enfants n’ont pas de génitalité mais, ont une sexualité, nous dit la psychologie. Ce n’est pas bon de faire se laver dans le même bain, tout nu, des enfants de sexe différent. Cette expérience m’a marqué, et même si elle remonte à mes premières années, j’en ai encore des souvenirs précis encore aujourd’hui. Est-ce à cause de ces gestes incestueux, ou par ma fragilité nerveuse ? J'ai toujours été impuissant dans mes rapports avec les différentes partenaires que j'ai fréquentées à l’âge adulte. Là encore, tout aurait été si différent … Plus tard, en confession, j’ai appris ce qu’est un péché par omission. Mes sœurs m'ayant dit que mes deux cousins avaient aussi des attouchements avec elles, je n’ai rien fait pour les en empêcher. J’aurai pu agir mais ma lâcheté a été la plus forte. Quand on se retrouvait loin du regard des adultes, parfois les plus âgés chantaient le générique du : Cocorico Show et notre représentation du monde des grands en était très marqué. La répétition du jeu du papa et de la maman avec chaque couple dans son coin fut arrêté rapidement faute de participantes … Je n'y avais heureusement pas pris part, préférant à chaque fois un autre jeu bien à l'écart. Des années plus tard, j'en ai parlé avec mes sœurs pour m'excuser et avec mon père, puis avec ma mère pour briser le cycle des secrets de famille. Elle craignait les adultes mais pas des enfants entre eux. Elle pense que j'ai été abusé enfant, cependant je n'en ai aucun souvenir.

Au collège, le visage couvert d'acné, j'ai vite été surnommé : « l'ordinateur » à cause du grand nombre de boutons. Après avoir épuisé la liste des gels et savons habituels pour ces soucis, onm'a fait prendre un traitement oral, le Roaccutane. « Le médicament qui rend fou » peut-on lire dans de très nombreux articles sur la toile du net. Un grand nombre de suicides ou d'entrée dans des pathologies mentales ont été entraînés par ses effets secondaires sur le psychisme. J'ai pris ces gellules tous les jours deux hivers de suite. Des crises de larmes subites et sans cause en souvenir, en plus du mal être habituel.

Accompagnant mes parents à la messe, je communiais seulement pour faire comme tout le monde, sans avoir une once de foi. Au contraire, j'étais revenu dans l'énervement intérieur du sentiment de perdre mon temps, que tout ce qui se passait et se disait étaient faux. Je mangeais assurément ma propre condamnation par ces communions sacrilèges. J'avais remarqué cependant que si je ne chantais pas les hymnes, le temps passait vraiment trop lentement. Alors, je prononçais malgré tout ces paroles adressées au Créateur, mais sans rien y mettre de mon cœur. Le jour du Seigneur a été ainsi profané pendant des années. L'église du bourg ressemblait trop à un vieux musée défraîchit avec ses statues anciennes, les dorures passées omniprésentes, les infiltrations d'eau et les murs verdâtres. Cette religion me semblant vraiment trop être un truc du passé, sans avenir. A la fin de la messe, on allait à la bibliothèque et je volais des livres pervers comme S.A.S, Brigade mondaine, San Antonio ou autres horreurs pire encore, car ne pouvant bien sûr pas les emprunter. Certaines bandes dessinées pour adulte était aussi parfois mal rangées, et les emprunter ne posait aucun problème. Allant ainsi de mal en pis, j'ai commencé à mettre des centimes dans les paniers de quête en gardant les dix francs que ma mère donnait. J'ai même montré à mes sœurs comment faire. Oui, vraiment, quand on commet le mal on en devient contagieux. Plongeant la tête la première dans le cercle vicieux de la communion des démons, très loin de celui vertueux de la communion des saints. J'apprenais aussi le mensonge, entrant parfois dans la mythomanie, ceci de plus en plus facilement. Je volais dans les magasins, en changeant par exemple les étiquettes de prix, aimant l’adrénaline que cela provoquait en moi. Les livres d’horreur, les films gores, les jeux vidéos sanglants, la musique violente (punk, hard-rock, rap) étant le quotidien, attiré par le hardcore qui était un exutoire au mal être. Rapidement la pornographie et le cannabis ont été aussi découvert. Bref, tout ce qu’il ne faut pas faire quand on est fragile psychiquement, une vie de torture continuelle pour l’âme. La philosophe Simone Weil a écrit : «ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est le chemin.» Oui, la vie est dure, et parfois on se la rend encore plus

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dure exprès, mais pour se prouver quoi exactement ? Personne ne me donnera de médailles pour mon vécu. Je me mettais de moi-même en situation de danger, ne m’aimant pas moi-même inconsciemment, adoptant des comportements méprisables car bien au fond, je me méprisais. C’est peut-être ainsi que des personnes peuvent prendre l’autoroute pour l’enfer sans en avoir conscience,simplement par manque d’amour. Amour qu’elles refusent sans savoir vraiment pourquoi.

Au collège toujours, je n'avais pas d'ami ou même de connaissance, pour manger avec moi au self le midi. Alors, je n’y allais pas, passant les récréations à déambuler en faisant interminablement des tours de cour pour tuer le temps. Les nuits se passaient à lire tout et n'importe quoi jusqu'à 2 ou 3 heures du matin, tout pour ne pas penser et me fuir moi-même. Ceci ajouté à unepratique plus que journalière du plaisir solitaire me pompait une grande partie de mon énergie. Ainsi rendu faible face à des camarades qui était eux en pleine forme ! Il faut savoir qu'au niveau psychique, mal manger et mal dormir, c'est le cocktail explosif pour décompenser au niveau psychiatrique. C'est un chemin que j'ai suivi très tôt.

La Bretagne a le taux de suicide le plus élevé par rapport à la moyenne nationale. Peut-être que pour avoir été coupé de notre culture et de notre langue, sacrifié sur l'autel de l'unité nationale, la jeunesse bretonne manque de repères et de racines. C'est aussi la région avec la plus grande consommation d'alcool. Le samedi après-midi, au bourg avec quelques anciens camarades de primaires, on buvait des bières avec parfois du cannabis. Plusieurs personnes que j’ai connues à ces occasions, se sont données plus tard la mort, puissent leurs âmes reposer en paix … Bien d'autres sont passés par la case psychiatrie.

J'étais très moyen en classe, faisant juste le strict minimum pour passer d’année en année au niveau supérieur. L’été 1995, avant mon entrée en terminale, mes parents m'ont annoncé qu'ils ne me paieraient pas trois fois le bac, alors que je n'avais encore jamais redoublé. Ça m'a fait très mal. Devenir aide-soignant a été mon désir, gardant un excellent souvenir d'une hospitalisation, où des employés de cette catégorie du personnel avait été aux petits soins avec moi. En effet, recevant parfois des coups par les camarades, à une occasion j'avais eu la tête projetée violemment contre un mur. J'avais ensuite vomi (ce qui est un mauvais signe) et j'avais passé 48h d'observation à l'hôpital pour surveiller un éventuel traumatisme crânien. Au final plus de peur que de mal heureusement, Dieu merci. Mes parents m'ont poussé à plutôt passer des concours infirmiers en même temps que leBaccalauréat et j'ai été reçu à l'un d'entre eux. 1996 a donc été l’année où j’ai obtenu le Bac, le concours et le permis de conduire, tout cela à 18 ans, tout comme mes sœurs par la suite ( du moins pour elles, le Bac et le permis). Réussir dans la vie ou réussir sa vie ? De mon côté, malgré une apparente réussite : c'était mal parti ...

Vie étudiante :

J'ai donc quitté ma campagne, direction la région parisienne pour ces études dans un institut

de formation en soins infirmiers. La messe dominicale, ressentie comme un passage obligé contraintet forcé, s'est tout de suite conjuguée au passé. Je n’avais jamais réfléchi à l’existence ou non de Dieu, la question ne se posait même pas pour moi : athée naturellement. Peut-être que pour moi, la majorité incroyante avait le monopole de la vérité ... Quelle terrible illusion ! J’ai emménagé dans un logement étudiant sur le site même du lieu de formation, une toute petite chambre, partageant en colocation les parties communes. Le voisin d’en face m’a vite engrainé dans le cannabis quasi

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quotidien, mélangé à de l’alcool régulièrement. J’ai découvert aussi avec lui le : verlan, cette façon de parler en prononçant les mots à l’envers. Quelle n’a pas été ma surprise la première fois que je l’ai entendu dire : « il y a plein de stikmoux ici ! » ( = moustiques) Ça m‘a plu très vite et j’ai commencé à m’exprimer de cette façon bien rebelle de parler. Pourtant, qui aime tant faire les choses à l’envers ? Le diviseur ! Cette manière de faire doit bien lui plaire … « Alors qu'on ne peutservir Dieu, si l'on ne croit en Lui, le diable par contre, n'a pas besoin qu'on croit en lui pour le servir. Au contraire, on ne le sert jamais aussi bien que quand on l'ignore. » (André Gide) Dès mon premier stage, les grandes difficultés ont commencé. Peut-être parce que cet hôpital avait aussiun institut de formation concurrent. Je ne sais pas vraiment. Sûrement à cause de mon manque de maturité et de ma faiblesse si apparente … C’était un stage d’observation et on m’a reproché mon manque d’initiative, pourtant j’avais bien participé aux soins. J’ai ainsi été le seul de la promotion à débuter la formation par une note négative. Plusieurs fois on m’a asséné que je n’avais pas la vocation. Il est vrai que ne savais pas ce que c'était, avouons-le. Un jour, quelques soignants du personnel s’étaient moqués disant que je n’avais pas de culotte ou je ne sais plus quoi ... Avec l’habitude, pas de révolte, c’était peut-être ce qu’ils attendaient. Des camarades m’ont fait part que souvent, si on montrait du caractère en stage, après ça se passait mieux. Rejetant radicalement le tempérament colérique de mon père, j’étais incapable de montrer de l’humeur dans mon comportement. Au fond, redoutant que si je me lâche ça parte trop loin… Je suis peut-être ce qu’on appelle un faux-calme… Je me suis accroché, et j’ai continué vaille que vaille la formation. On soigne les autres et en même temps on se soigne aussi un peu soi-même. J’ai gagné de cette façon, malgré des stages souvent problématiques, un brin d’estime pour moi-même, faisant du bien aux autres, en s’occupant d’eux, en en prenant soin ... Par la découverte de la psychologie et de la psychiatrie, l'analyse de mon éducation a été bien amère. Lui reprochant non seulement l'échec de mon épanouissement, mais aussi cette attitude de victime qui me collait à la peau. A chaque congé dans le Finistère, je conduisais en état d’ébriété. Ceci en en riant, transformant ainsi les paroles d'une publicité de prévention routière : « boire ou choisir : il faut conduire !» Complètement inconscient des risques que je faisaient prendre aux autres. Une fois, je suis passé près d'un contrôle à un rond-point, 3 policiers, 3 voitures arrêtées et moi qui passe l’air de rien. Je dois avoir un très bon ange-gardien ! Sur YouTube, on peut écouter cette chanson : « j’ai pris la route à 4 grammes pour éviter les gendarmes .» C’est presque criminel que de vouloir faire rire avec ce qui fait perdre tant de vies par an, avec un clip aux photographies vraiment pathétiques … La musique est devenuetrès importante, quasi omniprésente, non d'en jouer, je n'en avait ni le goût ni la patience, mais d'en écouter presque constamment, avec les écouteurs du baladeur K7 toujours sur les oreilles au dehors.Une autre sorte encore de fuite de moi-même : tout pour ne pas penser, tout pour ne pas se retrouverface à soi. Mes stages me stressaient fortement et se passaient de mal en pis, alors je fumais de plus en plus de haschich. Je n'étais pas assez mature pour commencer ces études aux responsabilités si exigeantes avec la majorité des 18 ans tout juste acquise. Le THC3 a été la solution pour m'évader de mon mal être. Il m'a fait enfin découvert la vie dans un groupe, amis supposés, parmi d'autres fumeurs qui venaient squatter et jouer à la console de jeux. Je l'ai appris plus tard : ils se moquaient fortement dans mon dos, n'étant présent dans ma chambre que faute de meilleur endroit. Dans les soirées, je prenais aussi beaucoup d'alcool avec la résine et je me rendais, à d’innombrables reprises, malade jusqu'à régurgiter. Incapable de de tirer parti de toutes ces malheureuses expériences, comme quoi il vaut mieux avoir bien mangé avant, et qu’il faut éviter l’enchaînement rapide de verres de boisson forte. Ceci étant vraisemblablement le reflet de mon mal être, inconsciemment : «je suis à vomir» … Dans notre existence : posons nous la question, est-ce Dieu ou le mauvais qui nous mène et nous fait danser …

J’ai fait ma crise d’adolescence bien tard, après la vingtaine, libéré du carcan paternel et enflammé par une drogue soi-disant douce qui m’a gonflé d’un orgueil monstre. J’ai commencé à

3 THC = Tétra hydro cannabinol, principe actif du cannabis.

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m’habiller de façon ethnique, avec des habits venant du Tibet, du Népal ou d’origine africaine. Puis,j’ai découvert une marque : Démoniak et ça me plaisait de choquer, avec par exemple un 666 dans le dos. Je me définissais anarchiste apatride trouvant mes aises avec le slogan : « ni Dieu, ni maître. » Dans la musique et les films, tout ce qui comportait un rejet de la société avec une vie en marge m’attirait. Pourtant, au fond, j’étais un brin ambivalent. Un soir à La Défense, ayant trouvé un gros marqueur rouge laissé à terre devant un tag, je l’ai pris en main, réfléchissant quelques secondes sur l'idée la plus subversive. Puis, j’ai inscrit impulsivement sur le mur du R.E.R. : « Dieuest Amour » (1Jn 4,8) et j’étais très content de moi !

Très souvent et n'importe quand, une phrase enfantine me traversait l'esprit : « je veux rentrer dans ma maison !» Ceci, sans que je sache discerner ni quelle était cette maison ni quelle était cette nostalgie qui me prenait si fortement, un cri intérieur, comme un appel à l'aide. Je savais bien que cela ne consistait pas à un retour à la maison parentale vu la difficulté de mes rapports avecceux-ci. Question sans réponse restant en suspend, insoluble pour l'instant.

Ça a tenu bon jusqu’en redoublement de troisième année. J’ai dû la recommencer, alors qu'ayant les notes pour me présenter au diplôme, à cause du mémoire de fin d’année : incapable de le terminer. Changer de formateurs s’est très mal passé. Puis, certaines de mes nouvelles camarades m'ayant dénoncé comme fumeur de shit, la situation est devenue encore pire. Les squatteurs qui venaient quasi chaque soir avaient eu des altercations avec des co-locatrices en se montrant irrespectueux et violents.

Mon dernier stage s’est déroulé dans un hôpital militaire. Dès le premier jour, on m'a annoncé la couleur : « beaucoup arrêtent leurs études en faisant un stage chez nous ! » On m’a mis la formatrice la plus dure de l’institut pour l’examen pratique. J’ai craqué, fondant en larmes pendant celui-ci, mais pas devant le patient, heureusement. La goutte de nitro qui a fait éclater le vase : je n’en pouvait plus de cette vie de stress. J’ai pris la décision de démissionner de cette formation. Peut-être que quelque chose de pas clair s’est déroulée à ce moment-là, car voulant récupérer mon dossier pour un premier entretien d’embauche, ils ont été incapables de le retrouver.

Vie active :

Début 2000, j'ai donc arrêté ces études qui étaient un véritable échec, me rendant presque

suicidaire. J'ai quand même pu commencer à travailler comme aide-soignant, ayant obtenu le diplôme par équivalence grâce à la validation de la première année. Ce niveau de responsabilité convenait mieux à mes capacités d'attention, limitées par la drogue. En faisant la connaissances de nouvelles personnes, je suis entré dans un autre groupe de fumeurs avec qui je m'entendais beaucoup mieux et qui, eux, me respectaient.

Le soir avant de m'endormir, ce qui ressemblaient à des caresses sur le mur se sont faites entendre. Puis, comme j'étais concentré à fond sur ce phénomène, assez rapidement des voix sont apparues. Des voix féminines qui cherchaient le contact avec moi, si frustré par cette timidité maladive empêchant une première relation. Sûrement le fruit de ces années de fantasmes ininterrompus : je commençais à payer le prix de mes excès … Faisant un déni total, tout ceci

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absent de mes pensées pendant la journée, dans la croyance ferme que j'entendais des personnes réelles derrière le mur. C'était le début d'une schizophrénie, que médicalement on a associé à mes antécédents de prise sans modération de cannabis. Utilisé comme solution en automédication au malêtre, mon état est devenu exponentiellement pire que tous les problèmes antérieurs réunis.

Très attiré par tout ce qui manifestait une rébellion face à la société, ne trouvant de perfection nulle part, dans l'incompréhension totale du sens et du but de la vie, tout est devenu sujet à critiques. Obnubilé par certains côtés historiques négatifs du catholicisme, un rejet et même une haine ont grandi. Tout réjoui en croyant assister à son agonie : mort de la foi, mort du mythe ; seul subsistait à mes yeux une habitude moribonde de personnes âgées. 1978 était la dernière année poureffectuer le service militaire. Travaillant en contrat à durée déterminée, il m'en fallait un indéterminé pour l'éviter. Juste à temps on m'a proposé un de ces postes mais il ne m'a pas intéressé.A la place de travailler en 8h par jour, ma préférence allait pour 12h. Le CDI a donc été refusé, pensant voir du pays et faire de nouvelles rencontres. Profondément anti-militariste, je me disais que, finalement, neuf mois ça pouvait être une expérience unique pour pouvoir en parler en connaissance de cause. Fin 2000, peu après avoir fait ce projet, j'ai rencontré la première jeune fille qui a accepté mes avances. Je suis devenu fou amoureux de ses yeux verts. D'origine algérienne, elle était un peu trouble quand même avec ses histoires de magie. C'est en prenant un risque très téméraire que j'ai entièrement mangé une salade de riz qu'elle m'avait préparé. Rapidement, elle ne quitta plus mes pensées, intimement persuadé d'avoir enfin trouvé l'âme-sœur ! A partir de cette rencontre, tous les phénomènes hallucinatoires ont disparu. Peut-être grâce à mon attention dirigée dans une autre direction. Si on en faisait la demande à l'armée, on pouvait être affecté dans le département d'habitation. Malheureusement ou pas, mon dossier a été refusé, la date limite dépasséede deux jours. Désirant voir du pays j'ai été affecté à Brest. Pourtant aux 3 jours4, j'avais demandé comme affectation tout sauf la Bretagne. Avec la peur de la perdre, je suis devenu excessif dans l'expression des sentiments. Un soir au téléphone, lui disant une fois de plus que je l'aimais, cette fois-ci elle ne m'a pas répondu. Rendu complètement fou, j'ai écrit une carte incohérente parlant de ma flamme et finissant par une histoire de crachat à la gueule... La séparation n'a évidemment pas traînée, me plongeant dans une profonde dépression. Un désir morbide de suicide acide et mordant m'a pris, avec une douleur mentale et physique extrêmement forte. Désir qui avait beaucoup marquémes années de collège, de lycée et d'étudiant mais loin d'atteindre ce degré. La cage thoracique me semblait à vif. Dans ces moments les plus intenses, la seule chose qui m'a retenu est de ne pas faire subir un tel choc à ma mère : la perte de son fils de cette façon. Je suis parti à l'armée en dessous de tout, moi qui voulait tant y faire le fanfaron… Trois semaines de classes à apprendre à marcher au pas, à manipuler le pistolet automatique et le FAMAS (fusil d'assaut français). Les camarades, une douzaine, qui au départ étaient plutôt contre, se sont mis majoritairement à bien aimer cette vie. La musique militaire me rentrait dans la tête et ne finissait pas d'y tourner en boucle. Un camarade de la cession précédente m'a fait remarqué un détail qui n'allait pas dans ma tenue. Il voulait que je lui paye une bière pour la peine, car on pouvait récolter un blâme pour cela. Je l'ai envoyé balader : aucun désir de sociabiliser ! Dur, très dur d'avoir une arme chargée avec des balles réelles et de ressentir un besoin irrépressible d'en finir et / ou de tirer dans le tas … Alors que j'étais dans les meilleurs à la course à pied dans ma période scolaire, maintenant je me traînais en fin de peloton. La cigarette, ça pardonne pas ! J'avais un peu d’afghan aussi, la dernière fois que j'en ai fumé. Je le préférai même à l'herbe. Quels drames ont pu financer l'argent dépensé en fumette? Ça n'est pas si innocent que cela ... J'ai même fait tourner à quelques camarades. Je risquais gros, le tribunal militaire n'est pas tendre pour ce genre de chose, loin de là ! Plus tard, on nous a mis dans une pièceavec une bonbonne de masque à gaz pour deux. Puis, ils ont lâché des lacrymogènes. Tout le mondes'est jeté dessus, j'ai fait le fier à mes dépends, le visage, la bouche et la gorge tout irrités ensuite, étant le dernier a avoir utilisé une des bonbonnes. Quelle idée de dormir en tente mi février ! Les

4 Les trois jours : passage obligatoire pour définir les aptitudes des futurs appelés au service militaire.

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rangers en ont été remplie de gelée matinale. Rigides à m'en provoquer des cloques à force de marches. La toilette à la rivière : discrètement esquivée. Lors de la course d'orientation de nuit, j'ai volé la ration de vin de l'unité. Avec mon binôme, on en a bien profité. Équipé d'une grenade à plâtre pour deux : la voiture de patrouille y a eu droit de ma part ! Un camarade, lors d'une sortie, a copieusement engueulé une enfant qui s'amusait de nos tenues : « quoi ? Ça te fait rire ??? » Des moments étaient quand même comiques, comme la fois où je suis sorti du réfectoire les mains pleines de fruits et de gâteaux. On nous avait appris que si on avait les mains occupées on devait faire un coup de bouc du menton en guise de salut. J'ai croisé un méga gradé et je me marrais presque en lui faisant ce salut réglementaire. Il n'a rien dit pour ce vol de nourriture. Chaque jour, un responsable d'unité était désigné. Quand ce fut mon tour, le groupe en rigolait déjà, mon caractère réfractaire ayant été vite remarqué. « faites ce que vous voulez : moi je ne marche pas aupas ! » Les mains dans les poches entre les différents endroits du casernement, selon le planning, devançant le groupe qui lui, a marché réglementairement. Personne d'autre ne m'a vu faire, et le groupe ne m'a pas dénoncé. Pendant les cours interminables de propagande et de consigne de sécurité, ma feuille se remplissait de tags. Une fois, un enseignant gradé s'est intéressé et l'a regardé.« Un bon militaire est un militaire mort !!! » Il n'a rien dit et a continué à blablater, ouf ! On nous apprenait à monter et démonter rapidement le flingue. A la fin, lors du classement, verdict : bon dernier. Lors d'un nettoyage du fusil-mitrailleur, j'ai plié un goupillon. Il en est devenu inutilisable. Grande peur d'une sanction, mais rien n'a suivi … Pourtant, le soin du matériel à l'armée c'est sacré. Le dernier soir des classes, notre adjudant a dit un petit mot sur chacun. Quand mon tour est venu, ila simplement dit qu'il ne me comprenait pas. Bizarrement, j'en ai été très fier … La rupture récente encore incessamment dans mon esprit, cela va sans dire. Chaque situation qui pouvait me donner la mort était enviable. Malgré tout ce que je vivais, j’étais de plus en plus rempli d’orgueil, bien au fond. On nous avait accordé une soirée télévision avant le départ. Je me suis proposé pour ramener des films : quasiment que des VHS5 d'horreur, juste une de guerre sinon. La décision a été unanime :le film de guerre ! Mais ils ne savaient pas ce pour quoi ils avaient signé ! Après avoir vu ce chef d'œuvre d'anti-militarisme qu'est Full Métal Jacquet de Stanley Kubrick, tout ce petit monde faisait une tête de cent pieds de long ... De ça aussi, j'en ai été très fier. Nostalgique de mon expérience amoureuse, sans espoir de la renouer, cette pensée revenait toujours : « je veux rentrer dans ma maison !»

J'ai donc exercé mon métier d'aide-soignant à l'hôpital des Armées Clermont-Tonnerre, à Brest, où j'ai quand même fait quelques bonnes connaissances . Un réseau de fumeurs a été découvert rapidement, même parmi les militaires. Au début, j'étais seul dans la chambre et les voix sont revenues. Cependant, j'étais certain qu'il n'y avait pas de possibilité de filles derrière le mur. Alors, j'essayais de ne pas les écouter. Elles se manifestaient toujours le soir avant l'endormissement. Puis, un camarade est venu partager la chambre à deux lits, et les hallucinations auditives ont à nouveau totalement cessé. J'ai travaillé aux urgences la nuit et des policiers sont venus une fois se faire soigner après une intervention musclée. Un ceinturon avec un revolver chargé a traîné délaissé quelque temps, me faisant de l’œil. J'ai réussi difficilement à me contrôler. Au bout de plus de six mois cette Ex qui m'obsédait, au point que je ne pouvais penser qu'à elle toutle temps, a fini par être moins présente à mon esprit. Les mauvaises pensées se sont diluées ainsi que l'envie de tirer ma révérence définitivement. Ayant plusieurs livres sur le sujet, j'étais devenu unexpert sur comment avoir le plus d'effets cannabiques. Un soir, à plusieurs, on avait des feuilles fraîchement coupées et on les a préparées en boisson. Elles ont eu un effet lent et progressif au gré de la digestion. Au départ, la décision était de ne pas changer d'endroit. Mais je me suis laissé entraîner par les autres, et finalement on a quitté l'appartement pour un concert. Au retour, le chauffeur, trop alcoolisé, n'arrivait plus à passer les vitesses. Je me suis proposé pour prendre le volant n'ayant pas dépassé la limite autorisée, du moins au niveau alcoolémie. Un quiproquo a

5 Pour les plus jeunes : les K7 VHS sont les ancêtre des DVD.

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éclaté sur l'endroit où on devait finir la soirée : une histoire de planche de surf à récupérer chez quelqu'un. Ceci au beau milieu de la nuit ! Je n'étais moi-même plus très clair pour avoir suivi cet avis. Les passagers ont ensuite commencé à s'embrouiller vertement à propos d'un sombre antécédent de nana entre eux deux. Les insultes échangées ont brisé mon bien être mental du moment et j'ai arrêté la voiture au frein à main, demandant que ça cesse pour pouvoir conduire dans de bonnes conditions. Après une pause, c'est reparti de plus belle et stressé, j'ai commencé à accélérer en ville. Dans un virage, j'ai fait un aquaplaning : le volant à bien tourné mais le véhicule a fait un tout droit dans un mur. La vitesse ne devait pas pourtant être trop excessive car le passageravant qui avait enlever sa ceinture de sécurité pour mieux crier, n'a pas transpercé le pare-brise. Celui-ci a juste été un peu bombé, ne causant heureusement que juste quelques saignements au visage sans séquelle de cicatrice ensuite. L'autre ami a eu une entorse au deux pieds sous le choc. De mon côté, je n'ai eu que l'épaule gauche à vif à cause de la ceinture et je suis sorti en courant de la voiture vers le port en hurlant que je voulais mourir. La première pensée lucide qui m'est venue est : « te jette pas dans l'eau, tu sais nager ! » Quand la police est arrivée, j'ai négocié pour ne pas souffler tout de suite dans le ballon. A l'époque, on avait droit à une demie heure d'attente si on venait de fumer une clope. A mon grand étonnement, ils m'ont dit que ce n'était pas nécessaire. Suite à cet accident, j'ai eu droit à un arrêt à cause d'une radio mal interprétée. Finalement, le médecin du travail à découvert que ce n'était pas un trait de fracture dessus, mais juste un effet reflet sur l’image. J'ai commencé à lui dire que la sangle qu'on m'avait prescrit pour redresser les omoplates m'avaient donné de grandes douleurs au dos, et que le souvenir de cet accident provoquait chez moi un choc post-traumatique … Me coupant la parole avec un air très énervé, il m'a mis en arrêt jusqu'à la fin de mon temps sous les drapeaux. Une libération anticipée : la chance !!!

Arrive le 11 septembre 2001, date que j'attendais avec impatience, car c'était le jour prévu dela sortie d’un album de Noir Désir, mon groupe préféré. De retour du magasin, je mets le CD en route et, était-ce pendant la chanson Le Grand Incendie ? Un ami m'appelle , disant de regarder la télévision, qu'il se passait quelque chose de grave à New York. Images terribles d'avions qui s'écrasent dans les tours et de corps qui en tombent. Mais cela ne m'a pas ému, avec ce cœur de pierre qui me faisait penser : « tant mieux pour ces pourris d'américains! » On s'est retrouvé à plusieurs dans un bar et on a parlé des événements de très mauvaise façon. Une de ces choses à redouter quand je vais voir défiler ma vie dans le passage de la mort, avec en face de moi le regard d’Amour du Christ. Quel mépris pour la vie humaine, pour toutes ces victimes, et ces si nombreux pompiers qui sont décédés pour elles !

De retour en région parisienne, j'ai repris mon travail d'aide-soignant, cette fois-ci avec le salaire qui va avec ! La paye de l'armée était loin d'être mirobolante moins de 500 francs par mois. Peu après, Marie-Jo, une cousine, s'est donnée la mort, laissant derrière elle un mari et quatre enfants. Ça m'a bouleversé, me rendant compte du mal que j'aurai pu faire subir à mes proches à succomber à cette terrible tentation radicale. J'ai beaucoup pleuré, peut-être plus sur moi que sur elle … Pour celles et ceux qui le veulent et qui le peuvent, merci de bien vouloir prier pour le repos de son âme … La douleur du deuil, avec le poids du mal être encore plus présent : « je veux rentrerdans ma maison !»

Pendant l'automne, j'ai rencontré une autre fille qui a eu une bonne influence sur moi. Pour elle : arrêt du cannabis et presque entièrement la cigarette et l'alcool. « L'amour n'existe pas, il n'y a que des preuves d'amour. » (Pierre Reverdy) Très vite, je retombais dans le piège de la fusion. Aucollège je m'étais dit que ma vie ne serait réussie que si l'amour avec l'âme sœur était réussi. Je voulais que tout soit parfait. Cependant, ça a été très difficile entre nous, malgré nos sentiments mutuels forts, à cause de mon impuissance. Voir un sexologue n'a rien réglé. Elle m'avait dit : « je te

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veux pour père de mes enfants, » pourtant cela n'a pas duré beaucoup plus qu'un an et demi. Lors de la rupture, elle m'a reproché de dire : « amen à tout. » Une fois cette histoire, qui aurait pu être belle, passée, mise en échec par mes égarements du passé, j'ai très rapidement repris mes très mauvaises habitudes. J'ai aussi recontacté ces amis qui ne m'ont pas tenu rigueur de les avoir abandonnés en me casant. Très mal, je faisais tout pour ne plus penser à elle. Un après-midi, me mettant face à mon mur, les voix ont été appelées pour occuper mon désœuvrement. Elles n'ont pas tardé dès l'invitation prononcée. Désormais elles ont commencé à se manifester aussi parfois pendant la journée. J'étais concentré dessus ne me doutant pas que j'entrais, de plus en plus, dans la folie. A cette même période, j'ai fais aussi plusieurs Rave-Partys en prenant des drogues plus dures encore, comme des extasys, ou du LSD. Jouer avec la mort, en somme, en se mettant dans des états limites, juste pour faire la fête. Mais après la fête, vient la défaite ...

Fin 2003 arriva une semaine de repos compensateur, (RTT), que je n'avais pas prévue. Que faire de tout ce temps libre inattendu ?« Je vais faire comme le font certains amérindiens, je vais arrêter de manger et de dormir pour avoir une hallucination visuelle et obtenir, ainsi, peut-être une direction pour mon avenir. » Me rendant bien compte que j'étais perdu, il me manquait la compréhension du niveau de fragilisation. Le manque de sommeil et de nourriture entraîne un stressnerveux et sont le cocktail idéal pour décompenser. Moins on dort, moins on a envie de dormir, moins on mange, moins on envie de manger, quand on délire. Je n'avais jamais vu une telle brume en région parisienne et je m'imaginais la foule de mes ancêtres venant m'observer dans mon combat contre le mal. D'abord, j'ai ressenti une grande euphorie avec la certitude que j'allais devenir un éminent écrivain, encore plus grand que Stephen King, une de mes malheureuses références. Après coup, en relisant mes notes chaotiques, je n'y ai rien trouvé de potable, pas une ligne. Plus tard, j'ai commencé à avoir la sensation que derrière les voix il y avait des démons, mais sans peur aucune. Dans un sentiment de toute puissance, je pensais pouvoir les dominer. Continuant tout juste à boire de l'eau, j'ai mangé à peine deux ou trois fruits et un plat de riz en deux semaines environ, sans fermer l’œil. Pour prolonger l'expérience, étant incapable de travailler, je me suis mis en arrêt. J'ai mis sans dessus dessous mon appartement, imaginant qu'il allait devenir un lieu saint où d'autres à travers les âges du futur pourraient venir y chercher « La Vérité ». J'ai aussi beaucoup déambulé surParis et dans la région au gré des délires du moment. Comme, par exemple, croire parler en pensée avec des Ex et d'aller à l'aéroport Charles de Gaule pour en retrouver une. Bien sûr une fois sur place, personne ... Dans ces moments, j'alternais de hauts états euphoriques et des crises de larmes très fortes. Des soi-disant amis m'ont donné l'occasion de fumer du cannabis. On m'en a même donné. Ils n'ont pas remarqué que j'étais mal à ce point, ça m'étonne ! Je ne me souviens pas des échanges continuels avec les voix sinon que ça partait dans tous les sens. J'ai commencé à faire un délire mystique, me prenant pour un nouveau messie futur martyr. Celui qui allait rassembler toutes les religions en une seule, pour que l'humanité aille ensuite réunie ensemencer l'espace … Heum, dugrand n'importe quoi !!! Les délires sont un péché très grand car les démons s'appuient dessus et nous font tomber dans un orgueil incroyable ! Peut-être un parmi les pires péchés ! Que sais-je … Commençant à croire que toute la musique parlait de moi, un achat compulsif de l'équivalent en franc de plus de 400 € de CD a été effectué. Sur le moment une excitation mentale extrême, au retour un fort sentiment de mal être extrêmement difficile à supporter. Je croyais parler à l'âme des gens dans le RER et le métro. Même les publicités sur les murs, ou la météo à la fin d'un journal pouvaient alimenter le délire. Un soir, des cris d'effroi semblaient venir de l'appartement d'à côté. Comme si trois personnes étaient bloquées depuis des jours à cause de la force énergétique de ma pensée. Je m'essayais à la magie pour les sauver en empilant, de différentes façons, des objets que jeconsidérais chargés affectivement. « Il essaye de nous sauver ! » Me revient en mémoire. Mais les délires faisant passer d'une chose à l'autre, je les ai vite laissés tomber à leur propre sort. Un dialogue s'est instauré avec une bougie allumée, je ne sais comment. J'ai pris un bain rempli de médicament de toute sortes (par exemple : des antalgiques effervescents ...) des parfums, des sels de

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bain, et de je ne sais plus quoi d'autre encore, m'immergeant dedans pensant devenir par là indestructible. J'avais cherché à écrire sur un cahier le noms des 12 fantastiques qui allaient sauver le monde. Cependant, impossible de trouver le nom de plus de 9 personnes … Ce cahier fut vite rempli de prophéties sur des destructions successives de Paris et d'autres choses encore qui m'ont fait penser que ces pages constituait un pacte avec le diviseur. Je l'ai donc brûlé. La seule hallucination visuelle m'est apparue les yeux fermés. Comme quand le signal de la télévision était en dysfonctionnement dans les années 80 en faisant de la neige. Il y avait une forme au centre qui semblait combattre des points qui se précipitaient sur elle. A l'heure d'aujourd'hui, je me demande si ce n'était pas une représentation de mon Ange Gardien qui se battait pour me soutenir face aux forces démoniaques. Un CD taché sautait en faisant un bruit bizarre, et j'ai eu l'idée de faire un alphabet en recherche de messages cachés. Il y en a eu deux directement, sans faute d'orthographe : « combien sont tes amis? » J'ai répondu nerveusement face au phénomène : « nombreux !» L'histoire des 12 Fantastiques étaient déjà aux oubliettes ... Puis : « Cherche la lune jaune. » Le spiritisme à présent, je ne me suis rien épargné ! Je suis donc sorti dans la rue pour chercher ce signe céleste. Une idée en entraînant une autre, n'ayant même pas fait cent mètres, j'ai croisé une porte d'entrée d'immeuble qui fonctionnait étrangement. Le clic intermittent me semblait définir les locataires qui allaient m'aider dans mon sauvetage mondial. Ensuite, que ma mission était de réparercette porte en tapant sur les touches du digicode. Au bout d'un certains temps, le problème a disparu, de lui-même je suppose. Je suis donc retourné dans mon appartement sans avoir trouvé cette lune. Là, en rentrant, j'ai eu le fort sentiment d'avoir parlé à Dieu, sans avoir aucun souvenir des paroles prononcées ou échangées l'instant d'après. Puis, une voix, m'a dit : « si tu crois en moi saute par la fenêtre.» J'ai répondu : « pourquoi ? » J'aurai dû répondre comme Saint Paul sur le chemin de Damas : « et qui es-tu pour que je croix en toi ? » (cf Ac 26,15) La voix a repris : « quelle est ta plus grande peur ? » C'est le vertige, enfant cette phobie pouvait me provoquer une peur panique. J'avais le fort sentiment interne qu'il n'allait rien m'arriver, qu'un miracle allait se produire. Montant sur la fenêtre, j'ai eu un grand tremblement. J'allais redescendre quand est venue la pensée que je ne pouvais pas désobéir à Dieu, et j'ai sauté. Mon logement était au dernier étage : le cinquième. Je ne voulais pas mourir, au moins consciemment, ce n'est pas une tentative de suicidepour moi. Dans les paroles de certaines musiques de Rap ou de Hard-Rock et / ou dans leurs clips, surtout américain mais aussi français, on peut entendre ou voir des personnes sauter ou tomber de haut. A quel point ça a pu m'influencer, Dieu seul le sait, mais ces personnes auront peut-être à en répondre un jour. Je me souviens de me réveiller par terre, ayant très froid, inexplicablement sans douleur. Ensuite, de me mettre sur le côté en position latérale de sécurité, pensant que j'allais mouriret me rendormir. Au bras droit : fracture ouverte du coude et du poignet, plusieurs côtes droites cassées , fracture du bassin, fémur droit brisé, et j'en passe … L'artère était sectionnée au coude. Une patrouille de police m'a trouvé et sauvé, à quelques secondes près … Plus tard, mon opinion très négative des gardiens de la paix en a été toute changée. Je me suis réveillé, mais ne percevant que les voix des personnes qui s'activent autour de moi, avec une grande douleur au dos. Mes souvenirs visuels ne remontent ensuite qu'en réanimation. Là, un sentiment d'une grande force d'êtreen enfer a émergé, que mon éternité allait d’être cloué à un lit médical. Je me condamnais moi-même par tous les égarements de cette méprisable et minable petite vie auto-centrée sur les plaisirs. Il m'a fallu du temps pour comprendre à quel point je m'étais fait avoir. Depuis, un moine m'a dit que le démon, le tentateur, l'accusateur, le trompeur, l'endormeur, le diviseur, le père du mensonge siffle comme un serpent, « si ceci ... et si cela … » (cf Mt 4,1-11) Bien sûr, il ne faut jamais l'écouter, ne surtout pas lui répondre, et ainsi ne surtout pas entrer dans son jeu. Beaucoup plus tard,au monastère, dans les Conférences de Saint Jean Cassien, un des pères du désert, j'ai lu : « l'orgueil l'égara ; il prit Satan pour un ange de lumière, et il lui obéit avec docilité, en se précipitant dans un puits dont on ne voyait pas le fond. Celui qu'il prenait pour un bon ange, lui avait persuadé qu'il ne lui arriverait aucun mal. » De cette façon, il a même essayé de tenter le Christ. (Mt 4,6)Ceci doit être un de ses tours préférés ! Je dormais toute la journée KO par la

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morphine. Comme la dose était moins forte la nuit, je passais ensuite ce temps réveillé, hurlant face à l'angoisse de mourir et la peur de l'enfer. Parfois, le personnel se moquait de moi en riant très fort et paradoxalement ça me permettait de prendre un peu de recul. Je n'avais plus mes lunettes, perdues dans la chute, et tout était flou autour. A un moment, une sorte de nuage vert au plafond est apparu. Tout angoissé à l'idée que c'était la voisine dans le coma qui tentait de voler mon corps ... Le plus difficile à vivre n'a pas été la douleur physique mais le sentiment d'avoir fait du mal à ceux que, malgré tout j'aimais. Cela n'a été une découvert qu'à ce moment-là. Ces trois semaines de service de réanimation ont été très difficiles, les deux mois de chirurgie orthopédique beaucoup plustranquilles, une fois le traitement anti-psychotique enfin mis en place. Ma rééducation a ensuite duré six mois au centre de Bouffémont. J'y ai rencontré d'autres jeunes qui avaient fait une tentative de suicide en sautant sous le métro, aussi par défenestration ou autre ... Le record parmi nous était un survivant du huitième étage ! C'est très courant, apparemment, chez les schizophrènes. Durant les entretiens familiaux dans ce centre, j'ai pu commencer à enfin comprendre mon père avec la découverte qu'il avait eu une enfance encore pire que la mienne. L’ayant vu pleurer au pied de mon lit en réa (le chirurgien avait réservé son avis), j’ai pu enfin croire en son affection pour moi. Pendant cette rééducation, après quelques courtes semaines d'abstinence, je suis vite retombé dans les mêmes erreurs : masturbation, cigarettes et même cannabis. Des visiteurs peu regardant en apportaient à des camarades de galère. Le temps était si long là-bas, avec l'impression d'être en prison, ça permettait de meubler … Assommé par les prises d'antalgiques et de psychotropes, une petite voix intérieure revenait sans cesse : « je veux rentrer dans ma maison !»

Découverte de la foi :

Après cette hospitalisation, j'ai passé quelques mois chez mes parents, allant en rééducation dans un centre la journée. Ils m'ont ensuite aidé à faire mon déménagement. Comme j'étais encore sous contrat avec la clinique de Trappes en banlieue parisienne, une excellente assistante sociale m'atrouvé un super HLM tout proche du travail. J'y trouvais un F1 plus grand et moins cher qu'avant. Après m'avoir aidé à m'installer, ils m'ont demandé si je désirais venir avec eux à la messedominicale de la paroisse. Rien que pour leur faire plaisir, j'ai accepté. Immense surprise, vivant unevéritable conversion dans une église à l'intérieur moderne toute blanche et très sobre, avec un seul grand Christ en croix derrière l'autel, avec un rétro projecteur pour les chants, avec beaucoup d'enfants, avec une chorale de jeunes, et des gens de toutes origines. A l'opposé des souvenirs des messes de l'enfance. J'ai ressenti un fort bien être, une joie limpide et une grande paix intérieure, ce qui dénotait de tout au tout de mon état psychique délabré du moment. J'y suis retourné de moi-même y trouvant à chaque fois un effet bénéfique. Le tout dans une progression cyclique faite de pauses et d'allant dans cette découverte de la foi. Comme le soleil qui se lève et petit à petit éclaire la terre … « Ne crains pas d'avancer lentement, crains seulement de t'arrêter. » (Proverbe chinois) Nous sommes des graines, grâce à la communion avec Dieu, la plante que nous sommes appelé à être pousse et son potentiel se révèle. C'est un mouvement très lent, imperceptible dans l'instant, mais plusieurs années après, la différence saute aux yeux. « Celui qui déplace la montagne, c'est celui qui commence à enlever les petites pierres. » (Confucius) Guérir

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intérieurement par un total changement de regard. Dieu ne blesse que pour mieux guérir. (cf Jb 5,18) Avec Son aide, le travail de recollage des morceaux pouvait commencer. A cette époque, je ne faisais que pousser sur la porte qui sépare du Ciel sans savoir qu'on doit en premier lieu apprendre às'effacer. Elle ne s'ouvre que de notre côté. Intérieurement, c'était le niveau zéro avec le sentiment d'être lobotomisé. Dés qu'il fallait prendre une toute simple décision, dans un magasin ou faire un choix dans le déroulement des journées, je bloquais avec l'impression d'être une page blanche. Je retrouvais l'impression de vide de l'enfance : plus de caractère, plus d’identité. Mon esprit n'était pasencore accoutumé aux molécules chimiques. J'ai été victime aussi de deux escroqueries m'étant porté caution pour l’achat d'une veste de cuir de luxe et pour un abonnement de de téléphone portable. De même, j'ai prêté beaucoup d'argent sans le revoir. Les personnes qui avaient abusé de ma confiance ont vite disparu de mon entourage : bon débarras ! Cela m'a rendu plus prudent par la suite...

La reprise de mon travail d'aide-soignant a été grandement facilité par un mi-temps thérapeutique. J'ai rapidement arrêté le Rivotril, préférant subir les douleurs nerveuses de la jambe au pied, plutôt que d'être hébété tout le temps. La providence m'a aussi fait trouver un poste dans undes services les plus tranquille de la clinique : en chirurgie générale. Il compte bon nombre de petites interventions en hôpital de jour. Les nouvelles collègues ont été très sympas. Malgré cela, çaa été dur, devant m'isoler quelques minutes de temps en temps aux toilettes pour récupérer. J'ai su plus tard que la majorité du personnel était au courant pour la défenestration. Comment ? Mystère … Peu après, avant une célébration, lors du carême, une personne inconnue m'a donné un hors séried'un missel mensuel, sur lequel on peut voir en couverture la peinture de Rembrandt du Retour du fils prodigue. (cf Lc 15,11-32) Ça m'a beaucoup touché. Je me suis reconnu dans cet éloignement du Père, et dans Son attente patiente de mon retour chez Lui… Pourtant, le sentiment manquait toujours de l'avoir enfin trouvé : cette maison. Lire la Parole de Dieu dans le Nouveau Testament m'a beaucoup aidé. «Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés.» (Lc 6,36-37) «Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres.» (Jn 13,34-35) Voilà les deux paroles qui ont été un tournant dans ma vie pour, enfin, un nouveau départ. J'ai rechuté de très nombreuses fois dans mes erreurs passées, mais à chaque fois relevé, peut-être parce que Dieu, de Son côté, n'a pas lâché l'affaire avec moi. Souvent égaré mais toujours dans la surabondance de Sa grâce.

Au bout de deux ans, la relation avec ma première psychiatre du centre médico-psychologique est devenue tendue après lui avoir prêtée un journal intime. Ma volonté était de faire avancer les échanges plus en profondeur. En retour, elle a présenté mes écrits à un de ses congrès et disait : « vous êtes un cas très typique...» Quelle trahison ! Puisque finalement ça n’avait rien fait avancer du tout, quelque mois après, je décidais d’arrêter le suivi médical, les médicaments et le cannabis en même temps. Quand j’étais sous traitement anti-dépresseur, l’effet me donnait une envie terrible de fumer. Comme si je n'avais pas ma dose. J'ai fait un syndrome de manque à cause de ces anti-dépresseurs avec une difficulté à m'alimenter et du stress. C'est la bien dernière fois que j'en ai avalé ! A cause de cet arrêt du hasch, une très grande partie de mes connaissances que je croyais être des amis se sont rapidement détournés. Peu de choses nous unissaient finalement. Le grand ménage dans mes relations a ainsi été fait et c'est tant mieux ! les mauvaises compagnies tirent trop vers le bas … Des trois amis de longue date avec qui je suis resté en contact, tous ont fait au moins un passage en psychiatrie. Chez des personnes fragiles à la base, la drogue ça n’aide pas, loin de là ...

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« Il est difficile à un homme rassasié de croire qu'un autre a faim. » (Proverbe africain) Une de mes sœurs m’a parlé de l’association : Action Contre la Faim. Moi qui ne donnait jamais rien, j’ai commencé à me pré-occuper de ces personnes qui sont dans un dénuement le plus extrême.Elles évoluent dans le même monde que nous, occidentaux, mais sont sans voix et sans poids, du mauvais côté de la barrière, face au rouleau compresseur du système consommation. Avant, je regardais ailleurs, pensant avoir assez de problème à gérer avec moi-même. Mais là, impossible de se défendre en argumentant l'ignorance. Je me suis rendu compte de ma situation de privilégié et que bon nombre de mes frères et sœurs humains envieraient ma position. Cela donne moins envie de se plaindre et à l'inverse de remercier. « Partager, c'est remettre aux autres ce que Dieu leur destine, et qui nous est que confié. » (St Paul VI) Petit à petit, une association après l’autre, la compassion et l’empathie m’ont gagné. J'ai commencé à donner aussi de mon temps bénévolement pour le Secours Catholique, puis pour E-Graine (éducation au développement durable). « Ne l'oublie pas, tu as été créé pour accomplir des merveilles ! » (Ste Mère Térésa) Se sentir utile en apportant de l'aide aux autres est un fort levier pour se relever.

En 2005, une autre de mes sœurs est partie en voyage au Japon. Cette destination est apparue alors comme m'attirant le plus au monde. Si elle l'a fait, pourquoi pas moi ? Occasion de faire enfin le baptême de l'air. Trouvant dans le métier d'aide soignant une assurance et de la gratification, mais n'y ressentant pas la plénitude de l'épanouissement, j'ai débuté l'apprentissage de la langue japonaise. D'abord pour pouvoir communiquer en vue d'un futur séjour, ensuite pour se re-muscler le cerveau, enfin dans l'espoir indéfini d'une possible nouvelle vie. Fasciné en particulier par l'expression du respect chez ce peuple, le Japon a pris rapidement la dimension d'une passion, semanifestant par une attirance pour sa littérature et ses vieux films en noir et blanc principalement. L'approche d'une culture riche et un début de compréhension d'une mentalité radicalement différente se sont instaurées. Un échange par internet s'est ensuite créé avec une correspondante. A la suite de sa venue en France, j'ai espéré qu'elle devienne ma femme. Le plus beau cadeau qu'elle m'ait offert est la redécouverte du texte de la Bonne Nouvelle selon Saint Matthieu : « Celui qui cherche trouve, qui demande reçoit, à qui frappe on ouvrira. » (7,7) Elle me l'a désigné en 2006, dans l'église de Pont-Aven, et en me demandant de le recopier et de lui envoyer par la suite. Mais cela n'a pas été plus loin et pensant trouver chez elle ma maison, j'ai arrêté toute pratique religieuse. C'est certain, elle ne se serait jamais convertie. A mon tour j’ai été au pays du Soleil Levant, et, devant un temple shintoïste, comme les personnes autour, j'ai jeté une pièce, puis frappé trois fois dans mes mains. Cette prière est montée toute seule : « mon Dieu, je ne comprends rien àla spiritualité, fais-moi comprendre !» Mais j'oubliais bien vite le Seigneur et retombais dans une vie complètement païenne. « Qui n'avance pas recule ! » (St Bernard) Encore plus de temps perdu à manquer la cible dans le péché. Rencontrant ensuite les parents d'Ayako, par la qualité de leur accueil j'ai senti qu'ils m'ouvraient leur cercle familial. Passer quelques jours chez eux en partageantleurs repas, dormir dans la chambre traditionnelle de la grand-mère décédée et visiter le temps d'un week-end la péninsule d'Izu et la région d'Hakkone en leur compagnie, ont été des moments très forts. Oui, très certainement : voilà enfin ma maison ! Les relations à distance sont très difficiles à gérer sur du long terme. Elle avait aussi des soucis psychologiques avec des sautes d'humeurs difficilement gérables. Ceci, en plus de la barrière de la langue empêchant de bien communiquer et se comprendre, a fragilisé la relation. J'y ai mis fin en 2008 après une deuxième excursion là-bas en solitaire. On devait se revoir à cette occasion, mais elle m'a écrit peu avant me demandant de ne pas venir. Le vase débordait déjà avant, trop c'était trop. Depuis, malgré mon ouverture d'esprit à une rencontre dans la volonté renouvelée de mettre Dieu à la première place dans une vie à deux, aucune autre fréquentation n’a suivi. Suite à cette rupture, les voix sont revenues rapidement et j’ai dû reprendre une prise en charge au CMP en ne considérant plus mon psychiatre que comme un prescripteur. Je faisais le yo-yo avec mon traitement, quand ça n’allait pas je le prenais, dès que ça allait un peu mieux : arrêt complet. Je lui reprochais mon manque d’efficacité dans mon nouveau

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service. En effet, me trouvant peu réactif, les collègues faisaient beaucoup de réflexions. Le temps excessif à passer à dormir les jours de repos, de 12 à 14h posait aussi problème. Est-ce que la télépathie existe ? Est-ce possible qu'il se trouve des personnes émettrices et d'autres réceptrices ? Comment faisait-il que les voix dans la tête puissent voir mes actions ? Puisque les voix disparaissent quand je prends un traitement, est-ce vraiment des démons ? Je me posais ainsi beaucoup de questions à ce sujet. J'ai commencé à me moquer de ces voix et puisqu'elles étaient toujours féminines, à les faire entrer dans mes fantasmes. Un soir, les voix m'ont persuadé qu'elles étaient des personnes humaines, mes voisines, et qu'elles avaient les moyens de me faire incarcérer avec tout ce qu'elles avaient écrit sur moi. J'entendais même la voix de leur mère hurler à la fenêtre :« police, police !!! » Leur but était que je me suicide par peur panique de la prison. Après cette crise, je ne leur parlais plus, essayant de ne plus leur accorder aucune attention. Une autre fois, après une nuit d'insomnie à subir les voix, Celui en qui avant je ne croyais pas m'écrasait sous le poids de Sa justice à venir. Le doute était fort de la possibilité d'être pardonné. Puis, il m'a semblé entrer en Sa présence, le Seigneur Jésus-Christ Lui-même ! Devant le peu de repentir, Il m'a alors condamné du seul péché impardonnable : celui contre l'Esprit-Saint. (cf Mt 12,31) A cause du rejet de la tout puissance de Son Amour et de Sa Miséricorde. Ceci m'a accablé dans la croyance d'être définitivement damné. Décidé à en finir, malgré les voix qui me pressaient, j'ai commencé à ranger mon intérieur. L'idée était de ne pas laisser le désordre dans l'appartement quand ils récupéreraient mon corps. Avec la mise en action des comprimés, j'ai retrouvé mes esprit. Non je n'avais pas refuséni son Amour, ni Sa Miséricorde, ce n'était juste qu'un nouveau piège.

A l'occasion d'un stage intensif de karaté en 2009, lors d'une discussion à propos de la société et du monde, un camarade m'a fait découvrir les théories du complot. Une fois rentré, elles m'ont pris énormément de temps, pendant de longs mois de recherches sur le net. On peut y trouver profusion de documents en vidéos ou autres pour lesquels on peut dire comme Coluche qu’ils sont : « pas rano, mais presque ». C’était noir, sans espoir pour la société et l'humanité, avec en définitivecette conclusion en une question : « mais que faire face au mal ? » J'ai eu l'inspiration de me tourner vers les apparitions de la Sainte Vierge Marie, et de ses messages transmis au monde. J'ai été édifié par les témoignages d'enfants surtout ceux de Fatima et de Lourdes. Alors que je ne priais qu'un Notre Père le soir avant de dormir, de fil en aiguille, je faisais un chapelet entier, et parfois ensuite le rosaire complet6. Méditer ces passage de l’Évangile en égrainant les perles m'apaisait. A peine essayé, tout de suite adopté ! J'ai aussi commencé à faire des petits sacrifices avec cette prière des enfants de Fatima : « Mon Dieu, c'est par amour pour Toi, pour la conversion des pécheurs eten réparation des péchés commis contre le cœur Immaculé de Marie, je fais telle chose ou je ne fais pas telle chose. » La Sainte Vierge nous averti : « pénitence, pénitence, pénitence !» Les jours qu'il nous reste à vivre sur cette terre sont des jours de Miséricorde, ensuite viendra le temps terriblede la Justice. « Si vous ne faite pénitence, vous périrez tous ! » (Lc 13,1-8) En nous prévenant, elle appelle à l'urgence de la conversion, qui n'est pas juste un appel à une simple et unique pratique religieuse, mais à un retournement complet du cœur, à une transformation entière de notre être et de notre façon de vivre. Une révolution copernicienne7 : non plus renfermé sur mon nombril mais sur Dieu enfin à Sa juste place : centrale. Le corps tout entier au service de l'âme, où Il est présent, et non plus l'inverse. Vivre l'existence en rendant grâce pour chaque don, ne plus considérer le monde comme une proie. « Mais la Sagesse où la trouver ? Intelligence, quel est son lieu ? [..] La craintedu Seigneur, voilà la Sagesse, s'éloigner du mal, voilà l'Intelligence. » (Jb 28,20 . 28) Ma frayeur initiale de l'enfer s'est changée avec le temps en une peur de faire souffrir davantage le Christ dans Sa rédemption, puis en une crainte de blesser Son Amour. Plus on s'approche de Lui, plus nos indélicatesses le font souffrir. En effet, souffrir de la part d'un étranger, ou de la part d'un fils est totalement différent. Je me suis attaché un chapelet au poignet que je n'enlevais que pour le travail.

6 série de trois chapelets suivant les trois mystères de la vie du Christ.7 Copernic : « C'est la terre qui tourne autour du soleil ! »

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Parfois aussi quand la dépendance au sexe me reprenait. Mais avec le temps et des efforts, j'ai réussià prendre finalement le dessus, en me convainquant que ces jeunes femmes pourraient aussi bien être de ma famille et qu'à chaque fois j'étais adultère. (cf Mt 5,28) C'est Lui qui nous rend fort, et s'Il est là le démon ne peut rien. « Résistez au démon, et il s'enfuira loin de vous ! » (Jq 4,7) Sans notre complicité, il n'est plus rien ! Quand le péché est stoppé, la guérison peut commencer. « Comme le chien revient à son vomissement, le sot retourne à sa folie. » (Pr 26,11) Dommage que j'ai été si long à la détente pour ne plus jamais le commettre dans la vie ! Comprendre ce que je suis par la compréhension des offenses faites au Seigneur ... « J'avais péché, j'avais perverti le droit et je n'ai pas eu ce que je méritais ! Il a épargné mon âme de passer par la fosse, et mon être contemple la lumière ! » (Jb 33,27) Gloire à Son Nom, pour l'éternité !!! C'est de la folie qu'Il a pour nos âmes ! « Plus les âmes sont misérables plus Je les aime. » (Soeur Josefa Menendez) Le monde malade passe sans s'en douter à côté de ce qui lui manque le plus et son antidote : l'Amour. La seule chose qui pourrait le guérir. Malheureusement c'est pas gagné, il faudrait d'abord qu'il reconnaisse son mal. L'argent rend fou, qui veut se soigner ? Le cœur est le parloir pour échanger avec le Seigneur. Heureusement cela n'est pas une exclusivité des monastères. Tout le monde peut y avoir accès, il suffit de s'exprimer en toute sincérité. Cependant dans le bruit et les sollicitations mondaines ininterrompus, la contemplation est bien ardue. La folie de croire sans voir. Je ne crois plus en Dieu, je sais qu'Il existe puisqu'Il est là, présent dans le fond de mon être qui est le cœur. Chercher à faire Sa volonté, c'est se connecter à Sa force et plus l'échange se fait, plus les esclavages disparaissent. Oui, la vie c'est du sérieux ! Il vaut mieux prendre au sérieux cette parole du Sauveur : « ta mesure sera Ma mesure ». (cf Mt 7,2 / Mc 4,24) Tout baptisé porte le Christ en lui et fait partie de Son corps qu'est l’Église. Reste à savoir ce que nous y sommes : une partie du cœur, de muscle, de graisse, un germe infectieux, une gangrène , ou à l’extrême, une cellule maligne et cancéreuse ??? « Pénitence, pénitence, pénitence », ce message résonnait, en me disant que peut-être le fils prodigue, (cf Lc 15,11-32) par rapport à mon passé, n'était juste qu'un petit enfant de cœur … Le Seigneur est notre meilleur médecin. (Mt 9,12 / Lc 5,31 / Mc 2,17) Grâce à Son action réparatrice au travers des sacrements que distribuent Ses représentants, en Lui donnant de la place dans nos vies en Le faisant vivre en nous, on peut espérer jusqu'à la plus grande sainteté : but de toute vie chrétienne. Ne plus être l'allié du mal, ses chaînes ne sont qu'en moi, juste à se protéger de mes propres ruses ... « Celui qui pratique la miséricorde : qu'il ait le sourire ! » (Rm 12,8) Je me suis mis devant ma glace pour tester ma capacité à sourire. Résultat, je croyais en avoir l'expression alors que rien ne bougeait sur mon visage figé. Du jour au lendemain, j'ai vraiment commencé à faire risette et cela a complètement changé mon quotidien. La foi doit être une joie contagieuse ! (cf Ph 4,4-5)

Sur le long terme, cette prise aléatoire du traitement s’est révélée très néfaste, les voix sont devenues plus fortes et de plus en plus angoissantes : me disant que la vraie religion c'est l'islam (sans jamais citer un seul verset du coran), que je suis destiné à l'enfer et que plus je vis, plus mon enfer sera douloureux, me poussant de plus en plus au suicide … Si j'avais le malheur d'obéir aux voix, du genre : « ferme les yeux et ouvre la bouche, » leurs pouvoirs augmentaient. Il ne faut jamais entrer dans leur jeu. Les voix ont un très fort pouvoir de persuasion si on ne s'appuie pas comme le Christ sur les saintes écritures. (cf Mt 4,1-11) J'ai toujours évité les insultes dans la peur de les subir en retour de leur part. (cf Ep 4,31) Ce qui m’aide beaucoup dans ces moments, c'est d'entonner des hymnes religieux en pensée, dans mon cas, ça les bloque. Il m'est ainsi arrivé de travailler toute une journée dans différents services en chantant dans ma tête constamment, sans queles collègues ne se doutent de mon combat intérieur. Quand je parle à des gens aussi elles font silence. Exemple de ce que je pouvais entendre :

« Misérable créature ! »"On pourra témoigner de tout ce que tu as fait."

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«Tu vas mourir dans d’atroces souffrances.»« Tu seras maudit pour l'éternité ! »

« On a essayé de te prévenir. »« Les convertis, c'est les pires ! »

« Ton père va se suicider à cause de toi pendant tes vacances de Noël. »« Si tu crois qu'on va te laisser faire ton pèlerinage en Israël. »« Si tu crois qu'on va te laisser entrer dans la vie monastique. »

[et cetera …]

Avec le temps, comme leurs prévisions ne se réalisaient jamais, une distance par rapport au délire a commencé. J'ai beaucoup de mal à me souvenir après coup des phrases entendue dans la tête. C’est semblable à un filet d’eau qui coule en continu, qui n’arrête pas, sauf pendant le sommeil. Parfois on baisse sa garde et les voix prennent le dessus. Leur mode d'action est de créer le maximum de stress, la situation la plus anxiogène possible dans le but de provoquer un passage à l'acte auto-agressif définitif. A des moments, mon regard se fixait sur chaque mot écrit que je rencontrais (même la marque d’un appareil médical, vraiment toute écriture), comme cherchant unebouée de sauvetage qui pourrait me sauver, ou même comme un asphyxié recherche de l'air. Après coup, je me suis demandé si ça n'était pas mon Ange Gardien qui essayait de me faire trouver secours dans la Parole de Dieu, le seul possible. Dès qu'on commence à dialoguer avec, on a perdu. Je conseille de ne répondre que le plus rarement possible et qu'avec des citations des Saintes Écritures comme le Christ face au démon. (cf Lc 4,3-12) Je n’aime pas dire Satan, préférant sa traduction : l’accusateur. C'est déjà lui rendre hommage que de lui donné un nom, je préfère lui rappeler ce qu'il est. Ça aide aussi beaucoup de se moquer des voix, pour faire baisser la pression. Par exemple de leur rappeler que les démons n'ont même pas le pouvoir d'entrer seul dans des cochons. (cf Mc 5,12) Mais ceci toujours en monologue, sans que cela devienne un échange. Faire le yo-yo, avec les médicaments, est définitivement un très mauvais calcul, d'abord on se met en danger et en plus le traitement au même dosage n'est plus efficace, augmentation du traitement = effets secondaires augmentés. Au bout d'un moment, plusieurs molécules différentes deviennent nécessaires… Il faut se détourner de l'attitude intérieure d'écoute pour gagner de la distance face aux voix. Maintenant, il m'arrive dans certaine situations de les entendre un bref instant mais ça ne m'intéresse plus, et surtout je n'ai plus peur, grâce à Dieu. Dans ces cas-là, par la prière ça passe. « Le Grappin pêche en eau trouble qui se laisse troubler ne voit plus clair. » (Père d'Elbé : Croire à l'Amour). « Le but des démons est de ruiner notre prière en nous troublant. » « Être combattu est le signe que nous faisons la guerre. » « Aussi ne dormons pas. » (St Jean Climaque : L'échelle sainte) La vie spirituelle est comme une dynamo sur la roue d'un vélo, si on ne pédale pas par la prière : pas de lumière pour se guider dans les ténèbres. Au prise avec le mal, la luminosité de la foi est primordiale pour résister !

Règle numéro 1 : ne jamais se laisser troubler.Règle numéro 2 : relire la règle numéro 1 tant qu'elle n'est pas intégrée !

« Il n'est pas bon de se laisser troubler par nos pensées, ni d'y accorder la moindre importance. » (Sainte Thérèse d'Avila) Cette sainte a aussi cette magnifique prière qui m'a beaucoup aidé à tenir dans les moments les plus noirs :

« Que rien ne te trouble, Que rien ne t'effraie,

Tout passe, Dieu ne change pas,

La patience obtiens tout,

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Celui qui a Dieu ne manque de rien, Dieu seul suffit. »

Le chiffre 22h44 sur mon réveil m'a obsédé car en ajoutant les chiffres ça donne 66. Puis,

juste le chiffre 44 tout seul était une prise de tête. Pour contrer ce malaise, je me suis mis à prier mon ange gardien dès qu'il apparaissait. En effet, les anges gardien sont présents dans l’Écriture (cf Mt 18,10) et ils sont nos meilleurs amis. Depuis ça va beaucoup mieux et je me sens même heureux intérieurement quand je rencontre ce nombre et la relation avec mon protecteur s'est enrichie. J'ai fini par lui donner un surnom, puis apprenant ce que ce mot signifie en grec ancien, ça a été encore un autre signe de sa présence. Je l'invoque pour me protéger dans mes trajets, quand je cherche un mot ou un nom précis qui ne me revient pas, et je le prie souvent chaque jour comme ceci :« Ange de Dieu qui est mon gardien, puisque le Ciel dans sa bonté m'a confié à toi : éclaire-moi, dirige-moi et gouverne-moi, ainsi soit-il. Je suis désolé très cher ange de tout ce que je te fais subir, je te demande pardon. Je te remercie pour tout ce que tu fais pour moi et dans l'attente de te voir je te dis que je t'aime très cher ange. Rappelle-moi mes devoirs et aide-moi à lutter contre la tiédeur, la négligence et la médiocrité dans l'amour. Pardon pour toutes les fois où je t'ai donné la nausée et rendu malade, pour toutes les fois où je t'ai attristé et fait pleurer par cette avalanche de péchés, et quelle avalanche de péchés ! Pardon ô très cher ange ! »

Si on se tourne résolument vers Dieu, au bout du tunnel il n'y a pas un nouveau train (contrairement au pessimiste proverbe russe) mais enfin la sortie, avec Lui-même au bout : resplendissant de lumière et éclairant la nouvelle route de notre vie à chaque instant … « Votre pensée vous a égarés loin de Dieu ; une fois convertis, mettez dix fois plus d'ardeur à Le chercher. » (Ba 4,28) L'amour sans mesure entrait dans ma vie pas à pas. J'en avais perdu du temps ! Mais il n'est jamais trop tard pour bien faire, heureusement ! S'abstenir de toute souillure et rechercher la pureté pour mieux communier. « Heureux les invités au repas du Seigneur ! » (liturgie de la messe) Certains dimanche matin, le lit me retenait et malgré le réveil: j' y restais, toujours pris de remords ensuite. A force de le confesser, ce péché d'ingratitude face à l'invitation divine a disparu. L'Amour est si peu aimé ! Constatant la faiblesse de ma flamme, j'essayais de ne rien Lui refuser de ce que je savais être Sa volonté. « Dieu agit en nous mais Il n'agit pas sans nous. […] Ce qui est fait par Dieu en moi est aussi fait en moi par moi-même. » (St Thomas) La bonne volonté, une des armes les plus efficaces contre les tentations du démon. L'amour propre enfin à sa juste place pour servir l'Amour. Lui qui ne cherche que la disponibilité pour se communiquer.

En 2010, le désir d'un changement de vie s'est fait sentir un peu plus précisément, mais restant encore vague, dans un attrait fantasmé de la vie monastique. Une de mes sœurs m'ayant découvrir le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle, quelques mois après, je partais du Puy en Velay. L'autobiographie, (prise au hasard, mais y a t-il vraiment un hasard?) de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face en poche, lisant un chapitre par étape. Au début, pendant les premiers jours, c’était juste une joie de la randonnée mêlée au plaisir d'intéressantes rencontres. Puis, un polonais m’a particulièrement édifié. A la proposition de partager un verre de cidre, il a refusé me disant que ça ne cadrait pas avec sa conception de la route. Il venait de son pays à pied avec peu de moyen, et une moyenne d’une quarantaine de kilomètre par jour ... Depuis ce moment, je n’ai plus bu d’alcool sur le chemin. Avec sa : « petite voie de l’enfance spirituelle », la petite Thérèse m’a littéralement ébloui. J’ai été irrésistiblement attiré sur cette voie où l’enfant court vers le Père. La vie monastique, qu’elle décrit avec tant de beauté, a représenté la porte de ce changement dont ma vie aspirait. Peu à peu, au fil des sentiers, la prière (d'abord d'intercession puis de louanges) a pris de plus en plus de place. Elle remplissait presque totalement la journée, dans unesolitude de la marche vite recherchée. « Viens et suis-Moi ». (citation en couverture de la

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crédentiale) Disciple : qui marche derrière … Pas de voix, ni de mot, mais j’ai ressenti comme une grande poussée intérieure à suivre le Christ et à le mettre à la première place dans ma vie. Un grand appel au changement ! « Ma vocation c'est l'Amour ! » (Thérèse de Lisieux) Jamais je n'avais ressenti une telle sérénité. Plus qu'une chose à faire : aimer. Suivant le conseil du gérant d'un gîte chrétien, le choix de la variante de Rocamadour s'est imposée. Le but était d'avoir la même démarche et parcours que les pèlerins du moyen-âge, qui ne manquaient pas ce site marial d'importance. Sur le chemin, du coup, plus aucune rencontre car cette voie prend plus de temps. Seul dans la nature avec le silence, j'ai ressenti alors le désir irrépressible et irraisonné d'aller jusqu'à Saint Jacques et d'en revenir à pied jusqu'au Puy. De profiter de l'indulgence plénière de l'année jacquaire pour effacer tout mes péchés, et de m'engager ensuite directement dans la vie monastique. La paix de la prière a disparu laissant place au trouble de l'indécision. Devais-je quitter mon travail, laisser le service d'endoscopie dans la désorganisation et abandonner mes collègues dans la difficulté ? (vu qu'il manquait déjà une personne dans l'effectif et que la formation d'un nouveau dure un mois) Finir le pèlerinage en un grand aller-retour et inquiéter la famille ? Me couper de tout en devenant moine et radicalement changer de vie ? L'espérance d'un éclairage extérieur a grandi, en approchant de Rocamadour, grâce aux coordonnées de personnes consacrées indiquées dans mon guide des haltes de prière. Cependant, une fois arrivé, aucun succès pour contacter un prêtre, ne recevant que de l'écoute auprès d'une sœur à l'accueil d'un gîte chrétien. Complètement désemparé, faisant brûler un grand cierge, en prière j'ai demandé un signe. Sur un petit présentoir bien à l'écart, mes yeux sont tombés sur un court dépliant avec ce titre : « écoute ce que le père Kolbe a à te dire ». Les quelques lignes faisaient appel au sens du devoir et de la responsabilité, la paix est revenue en comprenant qu’il n’y avait aucune urgence, et que je pourrai reprendre le pèlerinage ultérieurement.

En revenant ensuite dans les Yvelines, j'ai découvert ce qu'est vraiment la vie monastique parune rapide recherche internet. La clôture stricte, le latin, les longues prières de nuit et le nombre desoffices de la journée m'ont très vite découragé. Cela semblait vraiment au-dessus de mes forces. J'ai réalisé, malgré une affinité, que la vie cloîtrée et contemplative des moines ne correspondait pas à ce à quoi je voulais me consacrer, du moins à cet instant. J'ai appris que la foi est un don de Dieu, très attiré mais avec le sentiment de ne pas posséder ce trésor qu'est la foi. En conséquence j'ai prié avec insistance pour l'obtenir. La parole du carême : « Seigneur que Ton Amour soit sur nous comme notre espoir est en Toi,» (Ps 32,22) qui m'énervait prodigieusement plus jeune m'a interpellé. Je n'avais aucune espérance et si peu d'amour ! Un véritable enfant de Dieu fait la volonté de son Père. J'ai donc commencé à découvrir le sens des différentes fêtes de l'année liturgique, surpris de découvrir que la plus importante est celle de la résurrection à Pâques. J'ai commencé à aller aux laudes et à la messe en semaine, à aimer y participer et ceci parfois jusqu'à trois fois par jour. Paris donne cette possibilité à ceux qui sont motivés. La communion au corps du Christ a alors donné lieu a des tentatives plus impliquées d'accueillir Jésus dans mon cœur. En améliorant la préparation, après en Lui parlant simplement, et à des essais plus actifs de Le faire vivre dans mon quotidien. Une relation personnelle avec le Seigneur a débuté, en m'adressant de plus en plus à Lui, en Le faisant participer au déroulement de mes journées, en se remettant complètement à Lui. « Seigneur ! La seule chose de bien en moi : c'est Toi !!! » Je Lui offrais aussi toutes mes satisfaction : début / fin du travail, repas, rencontres … Le sacrement de pénitence et de réconciliation m'a de même beaucoup aidé et j'ai ressenti comme une renaissance. Je sortais deces moments de confession le sourire jusqu’aux oreilles, au fur et à mesure que les ténèbres me quittaient. Habituellement si froid, vide et que rien ne pouvait toucher, j'avais de nouveau un cœur qui battait, redevenant capable de m'émouvoir avec des larmes qui me venaient aux yeux, des frissons et / ou la chair de poule lors de prières ou de lectures pieuses. « Voici ce que produit l'Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi. » (Ga 5,22) Ne pas éteindre l'Esprit-Saint, ne pas l'attrister par notre conduite pour mieux l’accueillir. Il

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n'attend que cela pour nous fructifier. Si on revient à Lui, Il revient à nous. (cf Za 1,3) Puis tout par Lui est transformé ...

L'année suivante, la flamme allumée lors du pèlerinage, qui m'avait fait conserver une vie de prière forte et rechercher la communion en semaine, s'est petit à petit amenuisée. Ceci jusqu'au point de préférer, au pèlerinage, aller visiter Kyoto et Nara, les anciennes capitales historiques Japonaises. Je me laissais détourner de Dieu par de multiples distractions qui accumulées devenaient un grand obstacle à la vie de foi. Faire sa volonté ou celle de Dieu, entre ces deux directions on a le choix. J’avais dans le cœur le fort sentiment de la nécessité d'y aller urgemment ou d'avoir à abandonner ce projet pour toujours. Peu de temps après, le monde découvrait la catastrophe nucléaire des centrales de Fukushima, suite au terrible tsunami. Le dicton : « jamais deux sans trois » est démenti, plus jamais je n'y mettrai les pieds, cette destination ayant perdu tout intérêt. A cause des inquiétudes familiales, le choix du pèlerinage s'est finalement imposé. Il s'est déroulé sans trouble, avec une vie de prière ranimée, et encore une fois croissante au fil des étapes. Des hymnes de mon enfance et des airs d'alléluia revenaient sans effort ainsi que des paroles des écritures saintes. « Il faut qu'Il croisse en moi et que je diminue. » ( Jn 3,30) Je méditais aussi cette injonction de « mourir à soi-même , » (Mt 16,24-25 / Mc 8, 34-35) de s'oublier, de se vider, pour laisser toute la place au Christ :

« Ô Seigneur doux et humble de cœur, lent à la colère et plein d'amour,

Toi qui est tendresse et pitié, dont le fardeau est léger et le joug facile à porter:

à l'aide au secours ! Je ne sais pas aimer ! Je veux me faire tout enseignable pour Toi,

je T'en prie apprends-moi le bon combat de porter ma croix, Toi : toujours à mes côtés pour m'épauler. » (cf Mt 11,28-31)

Mieux on expérimente cette mort à soi, mieux Dieu vit en nous. Une habitude est venue aussi : demander à Dieu la bénédiction de chaque personne rencontrée sur la route. Une grande paix s'en est suivie et s'est prolongée après mon retour dans la vie active.

En vacances en Bretagne le mois suivant le retour, j'ai ressenti le besoin d'assister à la messe en semaine, comme à Trappes, et ma mère m'a indiqué un monastère. Le matin, peu avant de partir, j'ai mis par écrit une prière faite mentalement quelques jours auparavant, où avec le recul, un sentiment de m'être donné à Dieu était né. Prière de ce don à Dieu :

«Merci mon Dieu pour la vie! Merci mon Dieu pour la vie en moi.

Merci mon Dieu pour la vie partout autour de moi.Merci mon Dieu pour la vie!

Mon Dieu, sans Toi je n'étais rien.Mon Dieu, sans Toi je ne suis rien.Mon Dieu, sans Toi je ne serai rien.

Je Te dois tout, tout ce que je possède T’appartient,Mon Dieu, sans Toi je n'existerais même pas !

Par Ta parole guide-moi vers le bien ,

Vide mon cœur du poids de ce monde et du mal,

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Et remplis-le de Toi,Que libéré par Ta vérité il s'élève vers Toi,

Ne le laisse pas retomber,Mais que par les épreuves,

Il soit fortifié.En tout, qu'il soit fait non point comme je le veux,Mais selon Votre volonté, ô mon Dieu.(cf Mt 26,39)

Initie-moi sur le chemin du portement de la croix,

Dans l'amour, l'humilité et la sainteté,Selon l'exemple de Ton Fils Béni.

Que vive mon âme à Te louer,Maintenant et toujours,

Amen! »

Le premier matin, il faisait encore bien nuit et en me dirigeant vers la voiture pour aller assister aux laudes qui précèdent la messe, j’ai vu une lumière fixe dans le ciel. Elle était sans comparaison avec la luminosité d’une simple étoile, avec des rayons très grands au-dessus et en-dessous, moins grands sur les côtés. Cela m’a beaucoup perturbé, je ne pouvais détacher mon regardde ce phénomène.A la fin, j’ai mis un genou à terre et ces mots sont venus tout seul : «l’Éternel est mon Dieu !» (cf Ps 18,2) Ayant peur d’arriver en retard, j’ai tourné le dos à cette grande lueur, maisvoulant encore une fois vérifier je me suis retourné et là plus rien, le ciel était redevenu normal. Au Carmel de Morlaix, j'ai découvert une très belle chapelle avec une très grande photographie souriante de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, dans l'entrée. A la fin de la célébration, le prêtre passeà côté de moi et une louange me traverse : « merci mon Dieu pour les prêtres ! » Alors que cela m'avait toujours semblé impensable, au dessus de mes capacités, je me suis vu dans ce prêtre. Réalisant que ce bien qu'il m'avait apporté, le procurer aussi aux autres était du domaine du possible. Chaque matin, j'y suis retourné, finissant, le week-end venu, par une retraite spirituelle providentielle sur l'aide au discernement à la vocation, dans ce même Carmel. Le thème était : « le pas de Dieu vers l'homme.» Le slogan engageant :« béatitudes assurées !» . En fait de béatitudes, j'en suis sorti littéralement retourné par une nuit d'insomnie, tourmenté comme rarement, par la tentation de la religion musulmane dans un premier temps, puis plus longuement par le protestantisme, le tout sur une durée approximative de trois mois. La première journée s’est très bien déroulée, seulement deux autres jeunes femmes dans le petit groupe, et avec sœur Jacqueline lecourant passait très bien. Le soir, on a lu un texte de saint Matthieu (23,1-12) et on a été invité à écrire un ou plusieurs mots sur un papier et à les déposer aux pieds d'une statue de maman Marie. « Serviteur » fut mon choix méditant en silence ce qu'il impliquait. Le paradoxe de la grandeur de servir … A la fin de la veillée, j’ai demandé à la supérieure l'autorisation de pouvoir passer la nuit en prière dans la chapelle. Demande peut-être extravagante qui a été refusée. Je me suis réveillé survolté au milieu de la nuit, avec des voix très fortes venues d'un seul coup. Elles reprenaient les passages des écritures rencontrées dans l’après-midi, et les dénaturaient. Notamment ceci : «amen, je vous le dis : avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise.» (Mt 5,18) Au début, j’ai été plongé dans un énorme orgueil en repensant à cette lumière dans le Ciel, m'imaginant que je faisais partie d’un tout petit groupe d’élus qui avaient pu voir l’étoile des mages. Ceci m'avait persuadé que mon avenir serait spirituellement grandiose grâce à ce signe céleste. Puis, j'ai fait une très forte crise d'angoisse et prenant mes affaires, je me suis enfui. Tout devenait prétexte à interprétation, comme j’étais né à Morlaix (mords-les) et j’habitais à Trappes, j’étais l’anté-christ qui allait sortir de sa boîte et mordretoute l’humanité ... Sur ma route en voiture, les panneaux annonçant des villes comme Dinan (= dis nan) ou Quimper (= qu’un père) me faisait penser que c’était les voix qui était dans le vrai et que

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c’était le démon qui cherchait à me détourner de la seule issue pour sauver l’humanité : le suicide. Les panneaux publicitaires aussi était de la partie, je me souviens de cette annonce pour vendre un appareil photo numérique : «je suis : un volcan». Le Nom de Dieu dans l’ancien testament étant : «Je suis celui qui est.» (Ex 3,14) Encore une fois : le feu de mon enfer serait d’autant plus douloureux à chaque seconde supplémentaire de respiration sur cette terre. Plus je roulais, plus une pression physique de plus en plus forte se faisait sentir. D’abord sur mes épaules, puis sur mon cou, ceci pour que je fasse un accident en sortant de la route ou en percutant un autre véhicule. Quoique je fasse, les voix m’enfermaient dans une suite de commentaires des mauvaises décisions que je faisais : retourner au monastère pour m’excuser, rentrer en région parisienne, puis prendre une sortie au hasard et rouler sans but … J’ai finalement arrêté la voiture pour marcher, et même fouler l’herbe devenait une raison de plus pour des futures peines infernales plus terribles. Je suis retourné au volant, et petit à petit je coulais, j’avais de moins en moins de force pour lutter, une emprise sur mon être qui devenait même intérieure avec des images morbides de différentes façons d’en finir qui défilaient. Ma tête se baissant petit à petit vers le volant, ma chaîne en argent est sortie de mon T-shirt et l’a touché faisant un léger bruit. Une force est montée instantanément et s’est manifestée par un cri : «l’argent n’est pas mon maître !!!» (cf Mt 6,24) J’ai alors détaché ma chaîne, la jetant sur le tableau de bord. Est-ce que cette simple citation et ce geste ont été une blessure pour les voix ? Peut-être se sont-elles rappelées l’extrême laideur de leur chef … L'impression avec le tempsest venue qu'elles marchent à la confiance, dès qu'on résiste elles perdent pied automatiquement. D’un coup, plus de pression, ces voix étaient encore présentes mais maintenant à l’état de murmure.Un grand calme se faisant, j’ai décidé de rentrer m’excuser auprès des moniales. J’ai revu la supérieure et elle m’a dit en me prenant peut-être un peu de haut : «ça n’est pas la première fois, n’est-ce pas ?» Ces paroles m’ont bien humilié dans le bon sens. En effet, malgré l’expérience, j’arrivais encore à croire possible tous ces délires comme quoi je serai la cause de la fin du monde ! Bref : à me faire avoir … En effet, j’avais commis l’erreur de partir en vacances sans mon traitement, confiant dans le fait que je n'avais jamais de crise dans ces cas là. Sœur Jacqueline m’a aussi vanté l’homélie d’un prêtre africain que j’estimais beaucoup et qui avait apparemment fait un bel exposé sur le Père. Je regrettais aussi de manquer la deuxième partie de la retraite spirituelle ... Je suis reparti, et au fur et à mesure des 7 heures de route les voix ont recommencé à reprendre de lapuissance. J’avais tellement roulé que mon plein était consommé. Je risquais la panne sèche alors que le porte monnaie était vie de liquide, la réserve de la carte de crédit épuisée. A une station service, j’ai dû faire la manche, je me suis avancé vers un couple en demandant 20 € pour pouvoir rentrer et ils me l’ont donné. Je leur ai demandé leur adresse pour leur envoyer un chèque, mais ils ont refusé. J’étais encore loin du but, 20 € étaient le maximum que je m’étais autorisé à demander. La providence a fait que je n'ai eu à mendier qu'une fois avant d'être exaucé. J’avais le regard fixé sur l’aiguille de la jauge de carburant. S'est-elle bloquée comme j’en ai eu l’impression, ou était-ce dans mon délire ? J’ai eu un petit sentiment de miracle, de protection d'en haut face au danger ... Les voix ont repris avec cette citation en leitmotiv : « qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera.» (Mt 10,39) Seuls étaient sauvé dans le monde que les suicidés, se libérant de fait de lui. Je dis les voix, mais là il n’y en avait plus qu’une. Une mauvaise. A force, ce n’est même plus à cause des arguments qu’on souhaite en finir, mais juste pour que cela cesse. Ayant conduit une partie de la nuit, toute la journée, et la nuit revenant, la pression physique était deplus en plus forte. J’ai garé l'automobile et me suis agenouillé dans un champ. J’ai crié : «tue-moi, car je ne me suiciderai jamais !» Un grand bruit s’est fait entendre derrière, une bouffée d’angoissea rapidement grandi, mais je n’ai pas bougé. Ensuite, me retournant : rien. La voix et sa pression ontquasi disparu, et j’ai pu enfin parvenir à la résidence sans encombre. Dès que j’ai pu, j’ai pris le double de ma dose journalière de médicaments et j’ai commencé à faire le grand ménage, encore obnubilé par la nécessité d’en finir. J'ai eu la gorge et la bouche desséchées et je croyais déjà subir une peine de damné, ne m'hydratant plus dans la peur d'augmenter mes futurs tourments. J'ai compris plus tard en ayant pris une double dose de médicaments par erreur que c'est juste un effet

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secondaire de ceux-ci. Mais quand on délire tout alimente le moulin interprétatif. Au bout d’un longmoment, une grande fatigue m’a pris, et je me suis dit : «la nuit porte conseil.» Au réveil, le lendemain matin, plus de voix et plus de tentations morbides, ouf !

Évangéliser est la mission de tout chrétien mais j'ai du mal à exprimer ma foi. Placé dans la situation de témoigner, sur le moment pas grand chose, c'est bien après que me vient ce que j'aurai dû proclamer ... Prendre un micro et parler de Dieu dans les rues est en France hors la loi, alors quefaire ? Où me tourner pour que ma petite étincelle puisse illuminer des âmes et y faire naître le Christ ? Des vidéos spirituelles sur internet m'ont beaucoup fait avancer. J'ai décidé de me lancer dans cette aventure sur YouTube avec le pseudonyme Serviteur44. Sœur Emmanuel Maillard a été ainsi une révélation de ce que devait devenir ma vie en Dieu. Après quelques recherches, j'ai trouvé un moyen de partager quelques uns de ses enseignements. Avec plus de 700 vidéos, cette chaîne a aujourd'hui plus de 12.000 abonnés et a atteint les 2 millions de vues, dépassant les plus optimistes de mes prédictions. J'ai aussi pu confronter les idées et la solidité de mes convictions sur un forum catholique : Docteur Angélique. L'année suivante de même sur le forum de prière Agapé avec encore le même nom. Au départ j'étais contre le pape, contre la quête pendant la messe, contre les habits de cérémonie des prêtres, contre certaines paroles de la liturgie et bien d'autres détails encore.J'en prenais et j'en laissais. Au fur et à mesure, me rendant compte que c'était moi qui était dans l'erreur, j'ai fini par avancer entièrement confiant dans l’Église, dans un lâcher prise bienfaisant.

Fin 2011, j'ai fait parti du mouvement des indignés pendant l'occupation du parvis de la Défense à Paris. Le restant des barrières de ma timidité passée sont tombées grâce aux échanges avec des passants, qui s'arrêtaient pour lire les citations sur les panneaux en carton. Ces discussions portaient sur le problème central du pouvoir bancaire dans la société et de l'illusion démocratique actuelle face au modèle antique athénien, allant jusqu’à parler du mouvement avec des inconnus dans les transports en commun. Ma réflexion sur la société s'est alors affermie. Prenant conscience de mes responsabilités et de la nécessité d'agir, la télévision et la voiture ont été vendues, bon nombre d’affaires inutiles données à Emmaüs (comme la collection entière de CD), et l'aide financière aux associations humanitaires a été accrue. J'ai aussi changé de banque pour le Crédit Coopératif (correspondant plus à mon éthique car avec eux : pas de spéculation boursière et offrant des livrets solidaires), changé de moteur de recherche sur internet pour Ecosia (80% des profits reversé à la préservation de la forêt amazonienne), commencé à acheter quasi exclusivement des produits issus de l'agriculture biologique ou commerce équitable, préféré les articles d'occasion aux objets neufs, et débuté l'adoption progressive d'un régime végétarien. Des rencontres pour le moins douteuses pouvaient se faire sur le parvis. Le pire : un type avec un terrible accent, peut-être des pays de l'est, a rassemblé cinq ou six personnes en vue du mouvement, et nous proposait tranquillement de fournir des armes et autres explosifs. Était-ce un provocateur ou un indicateur qui cherchait à infiltrer le noyau dur ? Ouvertement, un mouvement prônant la non-violence peut vite basculer par le fait d'une minorité ! Personne n'a marché avec lui, heureusement. Une des personnesavec qui je m'étais lié d'amitié, un soir m'a tranquillement annoncé qu'il était prêt à faire des attentats pour la bonne cause. Lui, je suis quasi certain que ce n'était pas de la provocation … Du coup, il m'est devenu beaucoup moins sympathique ! Les indignés me plaisaient assez, mais pas Anonymous, mais alors là pas du tout, l'amalgame entre les deux a aussi été une des raisons de mon départ. La vie n'est pas un film et je n'aimais pas leurs masques. Les "AG" me soûlaient vite fait, préférant parler aux passants. Le moyen le plus abouti que j'y ai entendu parler pour changer la société ? Un site internet ... Révolution.com quoi ... Cela ne tient pas la route ... Mon enthousiasme du début a entièrement fondu en me rendant compte que jamais on ne rassemblerait l'ensemble de lasociété pour un changement en douceur. La plupart des militants étaient des jeunes en marge. Alors,j'ai laissé tomber tout ce petit monde, qui n'a d'ailleurs pas cherché à me retenir. Je suis retourné vers le seul moyen de changement qui vaille : la conversion du cœur au Christ par la prière. Le

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mouvement a été suivi des USA jusqu'au Japon, un peu partout dans le monde quand même. Il a été le plus fort en Espagne, plus qu'en France largement. Là-bas, une création de parti politique était même en cours avant que je m'arrête de m'informer à ce sujet. Au niveau spirituel, à part une proposition (refusée) d'ailler communier avec la nature de nuit en silence dans la forêt : zéro ! C’était peut-être un genre de populisme, qui engendre si facilement le fascisme, et le pire est que souvent ceux qui font plonger dans le pire peuvent le faire de bonne foi … Dans le genre j'ai testé pour vous : attention au changement, il peut parvenir dans un sens très largement opposé à celui tantdésiré. Encore une fois : le mieux peut devenir l'ennemi du bien ...

Une prise de conscience s'est instaurée du danger et de la gravité de l'erreur de vouloir gagner le Ciel par ses propres forces, de tout chercher à maîtriser, comprendre et rationaliser. Le discernement est enfin venue que la religion ne se limite pas à la recherche pointilleuse de l'observance d'un certain nombre de règles, mais qu'elle consiste à trouver le Seigneur en notre cœur. Bring me to life, chanson du groupe Évanescence, a été l'élément déclencheur d'un cri vers Dieu répété à chaque écoute pour qu'Il me sauve de moi-même :

«Maintenant que je sais ce qui me manqueTu ne peux pas juste me quitter

Respire en moi et rends-moi réelle Ramène-moi à la vie !»

Ceci dit, j'adhère aux paroles, mais pas du tout au clip, où l'on peut voir la chanteuse tomber dans le vide...

La vidéo sur YouTube : l'étonnant secret des âmes du Purgatoire m'a beaucoup touché. Depuis, tout ce qui est frais je l'offre en prière pour pour leur soulagement et pour hâter leur délivrance : « par cette [douche froide, boisson, pluie, eau bénite …] puisse une âme du Purgatoire être durablement rafraîchie (ou désaltérée) et puisse son temps de purification en être d'autant réduit. Au Nom de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, par les mérites infinis de Son très Saint Cœur, et par Son très précieux Sang, amen !» Vivre cette relation au quotidien avec ces âmes bénies me donne un sentiment de protection dans la tentation et le danger. Persuadé qu'elles aussi intercèdent pour moi en retour.

Début 2012, prenant la décision de la confiance, je me suis remis à Dieu dans un nouveau lâché prise. Revenant à la chapelle de la Médaille Miraculeuse et reprenant là-bas le rythme sacrement de pénitence et de réconciliation suivi de la communion qui font tant de bien. Un bien vraiment prodigieux transformant petit à petit mon ordure en Son or pur … « Relève-toi et va : ta foi t'as sauvé. » (Lc 17,19) Jamais je ne m 'étais senti aussi bien, Sa force dans ma faiblesse. J’ai encore arrêté la prise de mon traitement, toujours pour les mêmes raisons : travail et sommeil. J'avais fait la demande de changer de poste pour revenir dans un service de soins car l'endoscopie n'était pas assez dans le relationnel. J'ai donc été muté en médecine où il y avait aussi quelques lits de soin palliatifs. Dans ma carrière, la mort avait déjà été présente à plusieurs reprises, et une fois un patient était décédé devant mes yeux. Là, cela devenait du quotidien face à ces malades en fin devie. Remercier Dieu pour la bonne santé en a été une des conséquences intérieures de ce contact avec l'au-delà. Bien aidé par la qualité des conférences du père François Varillon, les liens se sont faits entre le témoignage d'amour, d'humilité et de sainteté de la vie du Christ et les conséquences que l'on peut en tirer sur la divinité du Père. L’explication de cette parole m’a ainsi bien aidé : « Quime voit, voit le Père !» (Jn 14,9) Le carême, de cette année-là, a été l'occasion de faire une place plus importante à la foi en décidant de limiter drastiquement les réseaux sociaux, en jeûnant au pain et à l'eau le mercredi et le vendredi, en mangeant de la viande ou du poisson presque exclusivement

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le dimanche. Aidé aussi spirituellement par certains sites : le carême de croire, 40 jours de compassion de l'Aide à l’Église en Détresse, les carmes de Paris, retraite dans la ville, les forums catholique déjà cité, la lecture des lettres de Saint Paul et du livre : l'imitation de Jésus Christ. J'y aitrouvé tout plein de pépites spirituelles telle que : « Si ton amour est pur et simple, tu ne deviendras jamais esclave de rien. » Oui, un carême bien vécu fait des prodiges dans la vie intérieure ! Aller du superflu à l'essentiel. Quitter l'avoir pour l'être. Les œuvres de miséricorde spirituelles et matérielles ont été une découverte très riche, essayant ensuite de les mettre en pratique. « Ce qui compte, ce n'est pas ce que l'on donne, mais l'amour avec lequel on donne. » (Ste Mère Térésa) Suivant l'appel de mon cœur, dans la prière et la méditation, un terrain vague de Trappes a vu des amas de détritus disparaître, remplissant de grands sacs poubelle les uns après les autres. Chaque jour ou presque, je passais devant et cela me faisait mal au cœur. Les voix sont revenues mais j’étais tellement bien que je n’y faisais pas attention. C'était comme si elles étaient emprisonnées dans une petite case, elles ne parvenaient plus au premier plan. Même les petites vexations quotidiennes de mes collègues ne m’affligeaient plus. Au niveau relationnel j'appréciais lecontact des patients , mais malgré beaucoup d'efforts, avec le personnel cela coinçait souvent. Ça me faisait plutôt rire quand j’y repensais lors des trajets à pied entre la clinique et le F1. Ma vie spirituelle s'est alors intensifiée jusqu'à me réveiller certaines nuits en prière, que je prolongeais par un nouveau chapelet, me laissant environ trois heures de sommeil. Ceci vécu sans souci aucun, ayant demandé la grâce, heureusement exaucée, d'être opérationnel à l'hôpital privé. Parfois, j’avais des idées à la limite délirantes ou interprétatives mais je m’en rendais tout de suite compte, rectifiant la barre directement. Ceci d'une durée de 5 semaines environ, se déroulant comme une vague légère qui vient et s'en va. Je me suis cru guéri de ma schizophrénie car s’était la première fois que les voix disparaissaient d’elles-mêmes. Ça m’a rendu joyeux mais pas de la manière euphorique qui fait faire n’importe quoi. J’ai appris depuis ce que signifie : effusion de l’Esprit, je me demande si se n’est pas quelque chose de ce genre que j’ai vécu, même sans imposition des mains.

L'habitude de jeûner au pain et à l'eau le mercredi et le vendredi avait donc été prise, suivantles recommandations de maman Marie dans ses apparitions à Medjugorje. Habitude fortifiante mentalement qui m'a grandement aidé à arrêter la cigarette douceur. Un soir, après une journée de boulot, juste avant de rentrer dans mon bâtiment, des jeunes m'ont interpellé, m'invitant à me joindre à eux. Ils avaient installé un barbecue, invisible de la rue, caché par les arbres sur le trajet d'un parcours de remise en forme, petite oasis de verdure dans les rangées de bâtiments du quartier. Ils étaient une douzaine. Je n'ai pas décliné l'offre même si je n'avais pas la moindre envie de casser mon jeûne. Pour être plus précis, pour les catholiques, ce n'est pas un jeûne à proprement dit, mais bien plus une abstinence. Le jeûne étant le fait de reculer l'horaire d'un ou des repas, l’abstinence delimiter l'apport alimentaire. Je leur ai annoncé que je jeûnais mais que je voulais bien accepter de manger un morceau de pain. Ils ont eu l'air très contents, comme si c'était une victoire pour eux d'avoir réussi à me faire avaler quelque chose. Mais entre un chrétien et un musulman, de nombreuxmots sont utilisés mais n'ayant pas la même signification. La notion de martyr par exemple. Pour unchrétien c'est donner sa vie en témoin de sa foi, pour un musulman c'est se tuer avec un maximum d'innocents. L'extrême différence entre ces deux façons de mourir, entre ces deux témoignages, montre qu'il ne peut s'agir du même Dieu, du moins pas celui des extrémistes fondamentalistes. En effet : « ce que je vous commande : c'est de vous aimer les uns les autres.» (Jn 15,17) La discussion est très vite venue sur le terrain de la religion, ils étaient tous musulmans et j'ai apprécié le ton détendu des échanges. Tout d'abord, il y a eu cet argumentaire à propos du téléphone portable,me disant que la dernière génération est la meilleure et la plus puissante. Ils m'ont alors demandé demontrer le mien : un vieux frigo (comme on le disait à l'époque à cause de sa taille) première génération alors que tous arboraient des appareils dernier cri. Je leur ai alors cité de ce passage des Évangiles où il est écrit que : « celui qui a goûté aux vieux vins ne veut plus du vin nouveau .» (Lc

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5,39) L'ambiance était cordiale me permettant de donner mon avis sans crainte aucune. Ils m'ont donc ensuite parlé un long moment de l'islam comme dernière mise à jour divine. J'ai répondu en demandant pourquoi, si les musulmans se réclament fidèles héritiers de la Sainte Bible, ils ont l'obligation de tuer les apostats pour être graciés et pour gracier la victime, alors que dans les dix commandements (cf Ex 34:28 ; Dt 4:13) il est écrit : « tu ne tueras pas. » Ils m'ont répondu que ce genre de chose n'arrive que dans les pays du tiers-monde, pas dans les pays évolués. J'avais le sordide fait divers en tête d'une jeune musulmane, qui s'était faite assassiner par un membre de sa famille car elle fréquentait un chrétien, lui aussi mis à mort. Cependant, je n'ai pas voulu entrer dansune contradiction trop directe. J'ai préféré parler du Dieu Miséricordieux, terme commun à nos deuxreligions, en affirmant que je me sentais plus proche d'un musulman qui priait ce Dieu très Miséricordieux en pleine conscience, qu'une personne athée ou même agnostique. J'ai compris bien plus tard que la miséricorde d'Allah est en fin de compte très restrictive. Oui, Allah n'a pas de dimension universelle dans le salut, loin de là … La discussion a ensuite continué sur ma vocation personnelle. Me sentant appelé par Dieu à l'envoi en mission, j'ai exprimé simplement mon désir de vocation sacerdotale. Ils ne m'ont pas demandé plus de renseignements à ce sujet. Ensuite, j'ai pu enfin regagner mon logement après plus d'une heure et demie de palabres animées mais quand même, dans l'ensemble, assez fraternelles. Bien souvent la haine provient de l'ignorance et de la peur de l'autre. Au moins, à cette occasion, la glace avait pu être rompue et chacun avait pu exprimer ce qu'il est de façon franche et détendue. Par la suite, quatre ou cinq fois, le même argument de l'Islam comme dernière marche menant à Dieu m'a été opposé dans des discussions avec des musulmans. Ceci m'a donné le projet d'un nouveau livre à ce sujet, avec pour titre : l'islam : dernière mise à jour divine ???

Un ami ayant commencé à s’initier à la méditation, je l'ai accompagné sur sa demande dans un centre bouddhiste. D'abord, j'ai apprécié l'esprit multiconfessionnel : « si vous êtes bouddhiste pensez à ça, si vous êtes chrétien pensez plutôt à ça ... » Dans un deuxième temps, une irritation a grandi en écoutant les indications sur le souffle pendant la méditation sur la respiration, souhaitant que le moine enfin se taise ! Peu apprécié aussi la méditation sur le karma trop lointaine des valeurs chrétiennes à mon goût. Finissant par être sourd aux indications sur la lumière, préférant suivre l'inclination de l'instant sur la visualisation d'une croix qui s'incorporait en moi. Avec ce signe de la croix, c'était comme si je revêtais le Christ. (cf Rm 13,14) Le lendemain, retournant de nouveau à larue du Bac, une prière insistante et répétée est venue : « mais que dois-je faire de ma vie ? » La chapelle fermant le temps du ménage à l'heure du déjeuner, quelques mètres après être sorti, croisant un panneau présentant une exposition sur les religions asiatiques, je décide d'entrer. Assez surpris quand même de découvrir ce lieu spirituel inconnu malgré tant de passages presque face à lui. Après avoir admirer des photographies du Japon dans la cour, mes pas ne m'ont pas dirigé vers l'exposition mais dans la salle des martyrs. Le don de soi qui est demandé dans les évangiles a pris tout son sens face à l'exemple de vie des missionnaires présentés. Ma réaction n'a pas été un exercice de réflexion, plus de l'ordre de l'instinct. Le soir, j'écrivais une lettre déposée dès le lendemain matin même à l'accueil. Mon sommeil était redevenu plus calme peu après et depuis le milieu du carême, j'expérimentais un apaisement intérieur, un niveau de paix de l'esprit inconnu auparavant. La simplicité de l'échange lors du premier rendez-vous avec le père responsable des vocations a été positivement impressionnante. Quand il m’a fait visiter les lieux, je suis resté sans voix dans la chapelle face au tableau derrière l’autel présentant la visite des mages à la crèche avec une grande représentation, le surplombant, de l’étoile qui les avait guidé. J’ai tout de suite repensé àla grande étoile que j’avais vu dans le ciel en Bretagne, me disant que c’était un signe d’en haut pour me dire que j’étais parvenu au bon endroit : ma maison. Les quelques rencontres qui ont suivies lors des différentes journées passées dans les bâtiments des Missions Étrangères de Paris (MEP) m'ont, par leur humanitéet leur simplicité, confirmé dans la certitude d'être, enfin, au bon endroit. La maison inconnue et tant cherchée enfin à portée de main.

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Au travail, j’avais parlé aux collègues de mon désir de vocation. J’avais été chargé de

réflexions du genre : «un vrai homme doit aimer les femmes !» et compagnie, elles se sont même mises à parler de film X, peut-être pour tester mes réactions. L’une d’elle a quand même été touchée, et je lui ai prêtée une Bible pensant pouvoir lancer un échange autour de la Parole de Dieu.Malheureusement, elle me l’a bien vite rendue sans un mot. Une autre, dont le mari était d’origine portugaise m’a demandé ce qui s’était passé là-bas. Lui faisant un résumé je lui ait offert le livre : Lucie raconte Fatima, que j’avais en double, mais ici aussi sans retour par la suite ...

Je suis parti en Terre-Sainte, pèlerinage organisé par la paroisse, qui malgré les prédictions des voix, encore une fois révélées fausses, s’est très bien passé. C'est le désert qui m'a le plus touché. Ça me paraissait l’endroit le plus authentique de toutes les visites. En effet, depuis le temps du Seigneur Jésus-Christ : il n'a pas changé. Cependant, l’important n’est pas le lieu où l’on est, même le plus riche au niveau spirituel, mais ce que l’on vit à l’intérieur. Ainsi, certains pèlerins se plaignaient de ne pas avoir de café après les repas, avaient des paroles vaines dans les files d’attentes, et le pire à une veillée : la moitié des quarante personnes a déclaré ne pas croire en la Résurrection. Tout simplement incroyable !!! Nous avons, un soir, partagé l’hôtel avec un congrès de palestiniens musulmans organisé par le Croissant Rouge. Nos deux buffets étaient séparés et nous avons été plusieurs à aller nous servir chez eux, ne comprenant pas cette mise à l’écart, permettant un échange malgré la différence des langues respectives. Plus tard, avec le prêtre, nous avons été voir ce qui se passait en entendant du bruit et de la musique. Nous avons été très bien accueilli. Je me suis débrouillé avec mes restes d'anglais. Là, j’ai reçu une très grande leçon. Nous avons été admis dans le cercle sans un seul regard de travers avec mon curé d'origine rwandaise. Je me suis figuré comment ça se serait passé en France ... J’ai apprécié voir la joie de ces personnes diabétiques (d’où sûrement le buffet séparé, moi qui criait direct à l’apartheid, j’ai encore jugé trop vite) qui passaient un bon moment animé par des sketchs et des chants. Un soir, marchant seul dans les rues, invité à Nazareth par un arabe à venir chez lui, je n’ai pas hésité ne voulant pas faire affront à son hospitalité. Dans son appartement, des images pieuses chrétiennes bien en évidence. Dans les rues, on peut voir des statues de la Vierge un peu partout, des chapelets aux rétroviseurs .. Les palestiniens chrétiens sont une faible minorité mais ils n’ont pas peur de se montrer. Une leçon de plus pour moi qui bien souvent en France étais un chrétien : «chut, chut !» comme le disait souvent dans ses homélies le père accompagnateur. Depuis, j'ai mis un patch thermocollant représentant une croix sur le sac qui m'accompagne un peu partout. J'affiche aussi une croix au cou sur mon vêtement. De jeunes musulmans m'ont insulté quelques fois de loin en région parisienne mais sans plus de tracas. Cela ma réjouis ! (cf Mt 5,11) Je regrettais de ne pas avoir rencontrer de personnes juives. Le dernier jour arrivé, alors en prière pour que la montagne se déplace, une étudiante a engagé la conversation. Elle m’a demandé en anglais si je savais que Jésus-Christ était juif, et j’ai apprécié notre échange de quelques minutes. Ma relation au Seigneur s’est intensifiée et chaque jour, je Lui offrais ma vie. En prière, j’avais aussi essayé de marcher sur le lac de galilée, sans réussite ... A la citadelle de Massada, quelque chose sortait du sable et j’ai ramassé un bout de poterie. Par la suite, j'ai ramassé beaucoup de petits bouts de poteries ou de tuiles oranges qui abondent un peu partout, notamment dans les parterres de fleur. Au moment du retour, arrivé à la douane, de loin j’ai vu que pour certains les valises étaient contrôlées. Un ami s’était fait chopé avec de la résine en allant en Angleterre, et je savais que les comportements trop visiblement fébriles sont tout de suite repérés. Trop tard pour ouvrir la valise et jeter mes prises, alors faisant une prière d’abandon, j’ai avancé tranquillement dans la file. Ils ouvraient une valise sur deux, et ilsm’ont laissé passé, Dieu soit loué ! Ils ne doivent pas être tendre avec ce genre de chose, je ne sais pas trop exactement ce que j’ai risqué ... En revenant de ce pèlerinage, dans une salle d’attente des MEP, je suis tombé sur un

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prospectus qui demandait des dons pour un monastère de moniales sur Paris. La remise aux normes des bâtiments sont des vrais casse-tête financier pour les congrégations religieuses. J’ai encore vidé mon appartement de nombreuses choses inutiles. Ce qu’on possède finit par nous posséder. Je me suis donc senti tout léger du coup. La dernière fois, très fier, j’ai sonné à l’interphone comme d'habitude, mais là, la porte ne s’ouvrait pas. La sœur m’a alors affirmé: «c’est le sac qui bloque le système d’ouverture !» Parallèle avec le Ciel, où l’on ne peut entrer par la porte étroite (cf Lc 13,24-29) si on est trop gonflé par l'orgueil des bonnes actions ... Lettre de motivation, trois lettres testimoniales de deux prêtres et d’une religieuse, un texte d’une dizaine de pages explicitant mon parcours, puis les sept rendez-vous avec les membres du conseil terminés, des scrupules m'ont assailli. En effet, je m’étais bien gardé d’évoquer tous ces problèmes de santé psychique, sentant bien que cela coincerait. A la rue du Bac, le confesseur m’a dit de ne pas laisser cela sous silence. Tout de suite à l'entretien suivant, l'entrée qui semblait grande ouverte, s’est refermée. Puis j’ai reçu une invitation pour une ordination de trois séminaristes. Là-bas, lors d’une entrevue avec le supérieur, celui-ci m’a annoncé que ma demande était refusée. Dans la lettre qu’il m’avait adressé, j’avais cru comprendre qu’après une ou deux années d’attente ça aurait été possible vu qu'on me reprochait surtout une conversion trop récente. Je suis retourné dans la chapelle des MEP redevenuevide et seul face à l’étoile les larmes ont coulées quelques temps. Mon orgueil en a pris un grand coup. «Nul vent est favorable à celui qui ne sait pas où il va .» (Sénèque) J’avais cru enfin découvrir la grande orientation de ma vie : ma maison, et je me retrouvais sur le carreau, à ramasserà la petite cuillère tellement la désillusion était grande, encore plus perdu qu’avant.

En médecine, les collègues ne m’adressaient plus la parole depuis mon retour de Jérusalem. Une de mes amies m’a dit qu’elles s’étaient tellement lâchées à me casser du sucre sur le dos, que face aux autres elles ne pouvaient plus me parler. Ça m’a beaucoup déçu. Un an d'efforts et de compromis avec des collègues difficiles pour rien. Je commençais à devenir euphorique, avec encore un sentiment de toute puissance qui montait. Alors, sur un coup de tête, j’ai démissionné. Désormais, j’allais travailler en vacation juste ce qu’il fallait pour vivre et payer le loyer.

La vie monastique a recommencé à être envisagée sérieusement. Aux MEP, on m’avait parléde la fraternité belge de Tibériade. C'est une nouvelle communauté religieuse de frères et de sœurs dans la spiritualité de saint François d'Assise et de sainte Thérèse de Lisieux. Là-bas, il y aurait peut-être une chance. Leur apostolat est tourné vers les jeunes. Je me suis dit que passer mon brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur et repasser mon attestation de formation aux premiers secours était une bonne idée, que cela allait favoriser mon acceptation. La partie théorique du BAFAaux Apprentis d’Auteuil, s’est passé sans problèmes avec une appréciation élogieuse. Du côté de la pratique, mon camp scout à vélo, de Reims au jamboree8 de Jambville, s’est formidablement déroulé avec les jeunes, beaucoup moins avec le chef responsable. Je lui ai reproché de ne pas avoir prévu de GPS, étant responsable des courses et du fourgon et pour le retour j’ai eu près de deux heures de retard à cause de grandes difficultés à s’orienter. J’ai aussi poqué à deux endroits ce véhicule de location et ma veillée théâtre a été une petite catastrophe, ayant du improviser au dernier moment. La demande du chef était de faire une soirée Cluédo. Produire seul un scénario capable de tenir la route avait été impossible. Sans surprise, dans le compte rendu, il m’a littéralement incendié avec trois laconiques «dois apprendre à ...» Je pouvais tirer une croix sur le brevet, au moins pour ce camp. Content quand même du témoignage aux jeunes de mon rapport à ladrogue et de leur avoir donné un exemple de joie dans la foi pendant deux semaines. Plusieurs m’ont demandé pourquoi je voulais devenir moine alors que j’étais si drôle avec eux. Je leur ai répondu que c’était ma relation au Seigneur qui me rendais si joyeux. Le thème du jamboree, où 18000 scouts avaient été rassemblés, était : vis tes rêves. Mon euphorie avait grandi encore d’un cran. « A fond ou pas du tout ! » Je le répétais souvent et le pensais encore plus ...

8 Rassemblement de scouts, ici au niveau national avec quelques tribus de l'étranger invitées.

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Le projet de finir mon pèlerinage de Compostelle est venu, avant de commencer les

vacations et de chercher à entrer à Tibériade. J’ai décidé de ne pas repartir de Saint Jean Pied de Port, ma dernière étape de l’année précédente, mais de Bayonne, voulant prendre le camino del norte. Il est moins fréquenté et réputé plus difficile. Dès le premier jour, ayant décidé de partir sans guide de poche, ( avec seulement : parler l’espagnol en voyage et un missel mensuel pour avoir les textes de la liturgie jour), je me suis complètement paumé. Dans un super-marché, la conversion s’est engagée, à cause du sac à dos, avec un couple. Ils m’ont très gentiment ramené sur la bonne route. Une nouvelle fois un grand merci à la providence ! Le soir suivant l'inspiration, j’ai décidé dene pas choisir de gîte mais de dormir à la belle étoile. Ça m’a tellement plu qu’à chaque étape, je mechoisissais mon petit coin de repos champêtre. Je portais aussi ma nourriture, les rapports étaient très limités avec les autres pèlerins, exprès. Ils ont l’habitude de parler de tel hébergement, dans telle ville, de telle nourriture, de telle personne qui a fait ci ou ça … De mon côté, je ne prêtais aucune attention aux localités que je traversais, entièrement tourné vers la vie intérieure. Quel formidable sentiment de liberté ! S’arrêter où on veut, partir quand on veut ... Mon meilleur souvenir de voyage, supérieur au Japon ou même à Jérusalem. Dans une localité, les marques disparaissaient dans la direction suivie, elles étaient par contre abondantes dans un autre sens. Aprèsquelques temps de recherches infructueuses, j’ai choisi de suivre les marques qui m’ont finalement fait retrouver le camino del frances, l’autoroute à pèlerins que je souhaitais éviter. Les nuits sont trèsfraîches, même au mois d’août, en Espagne, et j’ai rapidement eu les lèvres gercées. Providentiellement, j’ai trouvé un baume sur le chemin. A un endroit particulier, l'habitude est de faire un vœu et de laisser quelque chose au pied d'une grande croix. J'ai laissé un objet du Japon qui était toujours dans mon porte-feuille et j'ai fait la promesse du célibat pour le restant de mes jours. Depuis, quand la tentation guette, je prie pour avoir la chasteté du cœur et la circoncision de l'esprit.Cela n'est pas venu tout seul, mais à force de répéter et de répéter encore et toujours, les obsessions ne m'ont plus tourmenté. De plus en plus euphorique et dans la toute puissance, j’ai offert au Seigneur un jeûne : celui de ne plus manger que ce que je trouverais sur le chemin ou dans les poubelles, bref : ce qu'Il voudra bien m’apporter. J’ai eu la chance de ne pas tomber malade en y repensant, l'intoxication alimentaire ça ne pardonne pas... Je faisais des étapes de plus en plus longues, commençant à marcher au lever du soleil et ne m’arrêtant qu’à la nuit tombée. L'exaltation montait et j'ai ensuite fait un autre vœu : arriver à Compostelle pour la messe du dimanche matin. Toute la journée du samedi, puis toute la nuit à la lampe frontale, quasi non-stop. Résultat : une grande ampoule sous la plante du pied. Bien pire : les voix sont revenues au moment où j'entrais dans les faubourgs de la ville, vers les 5h du matin. Plusieurs fêtards sont venus vers moi, mais la communication est restée limité, ne connaissant que quelques mots d'Espagnol. Pour la première fois , j'ai entendu une voix intérieure qui ne m'a pas semblé démoniaque. Elle conseillait : « tu dois contrôler tes pensées ! » Je l'ai entendu en boucle pendant un temps qui m'a paru assez long. Par la suite, comme d'habitude, les chants religieux ont bloqué les mauvaises voix. Devant la cathédrale, j'ai rejoint un groupe de dormeur sous un long porche d'un bâtiment officiel. Exténué, mais impossible de fermer l’œil. J'attendais que la porte principale s'ouvre pour participer à l'eucharistie. Le temps passe, rien ne bouge. En faisant un tour, je découvre que c'est par une porte de côté qu'on peut y entrer. Je ne suis pas fan des dorures, là il en avait tellement, que cela me faisait penser au carnaval … Le baroque n'est définitivement pas mon truc. J'ai commencé à pleurer longuement pendant la cérémonie sans savoir pourquoi. Quand je suis sorti, les gens autour était dans la joie, très souriant, certains sont venu vers moi essayant de me faire parler dans leur téléphone portable, sans que je comprenne quelque chose. Je me suis assis et les voix ont commencé à me submerger et j'ai pensé : « messieurs les anglais, tirez les premiers !»9 A ce moment précis il y eu un premier coup de canon. C'était un jour de grande fête, sans savoir laquelle. Cette synchronisation m'a fait tremblé de haut en bas. Puis, j'ai fait l'erreur de communiquer avec les voix pensant qu'en allant

9 Citation tirée de la bataille de Fontenoy, sous le règne de Louis XV, les français furent vainqueur.

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assez loin dans le combat, je pourrais les vaincre définitivement. Suivant ce qu'elles me disaient, je me suis délesté de mes papiers et moyens de paiement. Comprenant qu'elles ne voulaient que mon suicide en sautant d'une falaise au cap Finisterra, je me suis ravisé. Retournant sur mes pas, j'ai cherché à retrouver ma pochette. Elle a disparu devant mes yeux, prise par des jeunes skateurs qui ont eu peur de ma venue. Sur le moment, je n'ai pas compris l'importance de ce qui venait de se passer. Impossible de quitter le pays, ni de se nourrir. J'ai essayé frauder le train, j'ai été descendu par un contrôleur à l'arrêt suivant. Le contact avec l'ambassade infructueux : ils n'ont pas voulu m'aider. Faire du stop sur l'autoroute : elle était en travaux ! J'ai eu peur de me faire repérer par les ouvriers alors un tracé parallèle a été suivi un bon moment avant que les hallucinations et les déliresne prennent le dessus et que je retourne à Santiago. Évitant d'écouter les voix, j'ai commencé à me croire dans un jeu vidéo, m'imaginant passant les niveaux au fur et à mesure de mes élucubrations mentales. La vie de foi totalement éclipsée par les délires, je suis redevenu en un rien de temps pirequ'un païen. A un moment donné, ne contrôlant plus mon corps, j'ai cru que j'avais réveillé Dieu. Il était en moi et Il était désagréablement surpris de ce qu'Il voyait par mes yeux : lignes hautes tension, avions dans le ciel, voitures sur la route … Il était très intéressé par ce que j'avais dans mes poches, on a discuté et puis Il m'a envoyé comme Son Élu qui allait enfin sauver le monde de tout mal. Passant d'une idée à l'autre je me suis cru entrant en contact avec une race extra terrestre de reptiliens et que de mon union avec l'Élue de la planète X, nous allions fonder un nouveau règne planétaire. Puis, je me croyais en contact avec ma première relation amoureuse, et que j'allais la libérer des mauvais liens de ses expériences magiques. Je me prenais ensuite comme dans un film. D'abord : The Truman Show : j'allais finir ma vie comme routard vagabond observé de loin par l'ensemble des extra-terrestres qui n'arrêtaient pas de dire : « c'est un nouveau prophète ! » Pour finir : dans Matrix : la vraie réalité à portée de main pour quitter le royaume de l'illusion. J'avais un sentiment de toute puissance incroyable et j'ai cru que je devais me dépouiller de tout, rejoindre le parvis de la cathédrale et connaître une nouvelle ascension aux yeux du monde entier. J'ai couru nu, sautant sur les lignes des bandes d'arrêt d'urgence d'une autoroute en essayant d'entrer en apnée, insensible aux cailloux sur mes plantes de pied toutes écorchées. J'avais même jeté mes lunettes. Les lumières des feux de position arrière des voitures au lever du jour étaient toutes en forme de triangle rouge, signe pour moi de ma prochaine union avec Dieu. Une voiture de police m'a rejoins et ils se sont moqués de moi mais sans agressivité. J'ai tendu les mains pour les menottes, et ça aussiça les a fait rire. Ils m'ont donné des habits et au poste de police j'ai eu l'impression d'être testé, comme pour savoir si j'allais prendre peur en descendant toujours plus bas dans le bâtiment, devant des cachots. Accablé par mon échec, j'étais vide de pensées, insensible à tout ce qui se jouait autour.Finalement, ils m'ont fait signe de remonter après m'avoir simplement demander de se laver les mains. Après un court interrogatoire, ils m'ont même redonné mon sac à dos largué plusieurs jours auparavant, en cela très efficaces. Dans la salle d'attente, croisant un français, je l'ai pris pour Dieu le Père. Il m'a demandé de réconforter quelqu'un de déprimé, (à cause de mon échec évidemment) que j'ai pris pour l'Esprit-Saint. Ils ont pris ma défense et j'ai rapidement été mis à la porte du poste de police. Jetant le sac dans la première poubelle venue, j'ai déambulé en déprimant très fortement. Les voix prenaient le dessus : je n'étais pas un élu mais un antéchrist. Me crever l’œil gauche pour commencer les prophéties des fins des temps : une obligation. Sinon personne n'allait survivre, sauf des scorpions et des poules lors d'un hiver nucléaire. J'ai pris une branche pointue et pendant un temps qui m'a paru très long, j'ai essayé de m'énucléer. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi monbras se bloquait tout seul. Au final, après de grands efforts, l'orbite a juste été un brin écorchée. Assommé par cette nouvelle défaite, j'ai marché en ligne droite, passant de terribles mauvais moments qui me confirmaient comme le pire élu de tout l'univers. A la fin, je croyais que des machines d'une autre dimension cherchaient à tuer toute trace d'existence. Par le biais de mes pensées elles trouvaient des éléments pour détruire l'humanité et l'univers tout entier. Cela a duré une journée entière. Tard le soir, une patrouille de sécurité m'a interpellé vu mon comportement étrange. Quand je me suis mis à courir ils m'ont frappé à la matraque. C'était comme si les

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machines, par ce que j'avais en tête, effaçaient notre histoire commune. J'étais incapable de maîtriser le phénomène. Au moment où ils m'ont plaqué au sol, je me suis évanoui de terreur. Bizarrement, c'est comme si j'étais encore conscient dans un espace gris qui bougeait comme une toupie. Je suis réveillé bien plus tard, allongé sur un brancard avec dans le dos les menottes serrées à fond, provoquant une intense douleur. Les vigiles m'insultaient en espagnol. Mes pensées ont repris leurs cours et au moment où j'ai fini par penser au Big Bang, je me suis à nouveau évanoui, cette fois-ci complètement. J'ai rouvert les yeux attaché à un lit d'hôpital et mon transfert s'est rapidement fait en psychiatrie. Avec la reprise du Zyprexa, je suis revenu sur terre rapidement. Ici, contrairement à Bouffémont, les soignants n'agissaient pas comme des gardiens de prison et l'atmosphère était très cordiale avec eux. J'étais vraiment extrêmement surpris de cette différence d'ambiance. On m'a demandé en anglais: « êtes vous ici de votre pleine volonté ou contraint et forcé ? » Connaissant le système, j'ai affirmé que c'était ma volonté d'être là. Au contraire, je voulais partir le plus rapidement possible. Je me suis félicité d'avoir investi depuis quelques année dans une mutuelle, tous les frais ont été pris en charge. Mes parents m'ont envoyé de l'argent et des billets pour partir, mais leur réception a été faite après le départ prévu. Sortant enfin de l'hôpital au bout de 8 jours, grâce à l'argent j'ai pu avancer un peu sur le trajet. Cependant, j'ai dû coucher dehors deux nuits souffrant du froid et de la faim avant de réussir à trouver un système pour un nouveau billet numérique cette fois-ci. Une dame française assise dans le wagon près de moi m'a offert 20 € après un succinct résumé de mes déboires. Mon retour à pu se faire ensuite dans de meilleures conditions.

Il a fallu deux ans ensuite pour retrouver un équilibre psychique, après des essais infructueux de nouvelles molécules. Je continuais à entendre des murmures indistincts, plus rarement des paroles intelligibles restreintes uniquement à l'endormissement. Oui, vraiment chaque crise fragilise. Depuis 2012, je n'ai plus arrêté mon traitement et j'ai découvert que l'effet de sédation qui rend somnolent diminue avec le temps tout en restant efficace sur les voix. La prise de poids par la sensation accrue de l’appétit est aussi de mieux en mieux gérable. Seul l'effet secondaire de mort subite inscrite sur la notice me plaît beaucoup moins ! J'ai pris un rendez-vous avec le responsable des vocations de mon diocèse. Arrivé en avance et faisant un tour, je lis ce nom d'une voie transversale : rue de l'espérance. Justement le nom de la congrégation dont j'ambitionnaisl'entrée ! Mais ça s'est très mal passé. J'avais fait l'erreur de ne rien préparer. Complètement à l'inverse des entretiens avec les membres du conseil des Missions Étrangères de Paris, impossible d'exprimer mes idées. Le prêtre m'a répété de nombreuses fois : « je ne sens pas une vocation religieuse chez vous ... » Les médicaments bloquent les pensées et c'est dur de s'exprimer. Au tout début de la prise en charge en 2004, j'avais aussi parfois l'impression qu'ils me faisaient perdre la foi, même de couper ma relation à Dieu. Bien obligé, je me suis accroché et finalement cette sensation a disparu. En 2014, je suis parti en pèlerinage, cette fois-ci à Medjugorje avec une association de bénévoles y ayant vécu : les éclaireurs de paix. Ils connaissant vraiment bien leur sujet et le prix est modique. Les visites étaient très spirituelles. Monseigneur Laurentin (paix à son âme) a présidé plusieurs messes et nous avons eu aussi la chance d'un second exposé des apparitions en particulier, après celui général, par la voyante Vicka. Par contre, j'ai bien regretté de manquer Sœur Emmanuel Maillard, alors en déplacement. Un pèlerin m'a édifié, il parlait de son alcoolisme avec tant d'humilité qu'il en devenait très sympathique. J'ai commencé à me reconnaître schizophrène dans le groupe à son exemple. Depuis ce jour, la honte a disparu. La foi des personnesrencontrées a de même été porteuse et j'ai réussi à mieux l'exprimer. La Vierge évoque l'accusateur de nombreuse fois dans ses messages. Elle donne même les 5 pierres nécessaires pour le vaincre : 1/la Communion au moins chaque dimanche, 2/ la lecture quotidienne de la Bible, 3/ la prière quotidienne en général, du Rosaire en particulier, 4/ la confession au moins mensuelle, 5/ le jeûne, si possible au pain et à l'eau. Mettre en pratique ces conseils m'a beaucoup aidé. Quelle bonheur

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d'avoir une mère pour reine ! La Reine des mères, la Mère des reines !10 Le désir d'une vie entièrement consacrée au Seigneur est aussi revenu. Au retour, comme le départ en bus était prévu à3h du matin, je n'ai pas dormi. Priant à plusieurs endroits spirituels du site, j'ai fait une confession générale de toute ma vie, et dans le même temps une amnistie totale, un pardon universel pour tout ceux qui m'ont fait ou qui font du mal. La haine ou même les ressentiments rancuniers sont des poisons. De quel poids je me suis libéré à ce moment là ! Comme saint Paul (cf Ac 9,9) et comme lafemme de Joseph Fadelle11, j'ai jeûné au retour complètement 3 jours et 3 nuits en ne buvant de l'eauque pour prendre le traitement. Même si cela n'a pas entraîné de communication divine, aucune déception. Heureusement, pas de crise cette fois-ci. Sur le site internet de la Congrégation Notre Dame d'Espérance, est indiqué que pour pouvoir être accepté, il faut être stabilisé par un traitement en cas de trouble psychique. C'est la seule congrégation au monde et de tous les temps qui permet à des hommes handicapés mentaux de vivre une vie monastique. La seule porte en ce cas ouverte pour un avenir consacré. Peu après, mon psychiatre m'a annoncé : « vous êtes stabilisé .» Alors, j'ai contacté le prieur général en m'étant, cette fois-ci, beaucoup mieux préparé à l'avance.

Vie monastique :

La découverte de la congrégation Notre Dame d'Espérance s'est faite au prieuré Saint Benoît

de Chérence en deux séjours successifs. Elle est affiliée aux bénédictins. Tout de suite à l'aise, accepté rapidement, ils se sont parfaitement déroulés. Ensuite, le 25 mars 2015, jour de la fête de l'Annonciation, je suis arrivé au prieuré d'Evian-les-Bains. J'y ai vu un signe, Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face étant aussi entrée au Carmel de Lisieux lors du jour souvenir de cette Annonciation. A table, derrière-moi, il y avait une photographie d'elle et quasi chaque soir je mangeais dans une assiette avec un motif de roses. Je me confie beaucoup à cette sainte que j'appelle : « ma petite grande sœur du Ciel ». Tout chrétien est appelé à la sainteté, dans mon euphorie j'étais persuadé d'y parvenir à son exemple ! Le postulat est la première étape pour les nouveaux aspirants à la vie monastique et contemplative. Le Prieuré Saint-François de Sales, étant sur les hauteurs de la ville, a une vue imprenable sur le lac Léman et sur Lausanne en face, sur la rive Suisse. Il est composé d'une quinzaine de moines ayant déjà fait, au moins, leurs premiers vœux et des regardants (faisant un premier temps de découverte de quelques jours ou leur mois d'essai), des pré-postulants (faisant un deuxième temps d'observation plus ou moins long selon les cas) et des postulants (admis pour une année , après avoir reçu la croix en bois des mains du maître des novices, en attente de la remise de la tunique lors de l'entrée au noviciat dans un autre prieuré). Je n'oublierai jamais le sourire d'accueil jusqu'aux oreilles d'un frère âgé en fauteuil roulant. Là aussi, je me suis très vite senti à l'aise, avec la certitude encore renouvelée que j'avais enfin trouver ma maison. Une toute nouvelle vie de combat spirituel pouvait commencer. Celui de devenir pleinement présent à chaque instant luttant contre les pensées parasites des souvenirs, des projets, du travail ou du repas à venir … Ceci en premier pendant les offices puis durant le reste de la journée. Après une observation de quelques jours passés au prieuré, il m'est venu l'idée récurrente etincoercible que j'allais devenir prêtre dans la congrégation et que je finirait bien par devenir prieur général, poste le plus élevé. Pris par l'orgueil, on a beau s'en rendre compte, difficile de s'en

10 Cf les Annexes avec mon essai sur maman Marie du même titre.11 Son livre : le prix à payer est un exemple de conversion de musulman très intéressant.

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dépatouiller. « Dans le royaume des aveugles, les borgnes sont rois... » Un fort complexe de supériorité m'est venu face à des frères qui me semblaient beaucoup plus atteint que moi. Dans sa Règle, Saint Benoît conseille : « le cinquième échelon de l'humilité est de ne pas cacher mais de confesser humblement à son abbé toutes les pensées mauvaises qui surgissent dans le cœur. » (7,44) Une grande lutte s'est déroulée avant de parvenir à l'exprimer au maître des postulants en entretien individuel. La peur de se faire mettre à la porte était grande. Il m'a dit que la défenestrationétait, malgré tout, considérée comme une tentative de suicide et que s'était une clause canonique empêchant l'accès à la prêtrise. Puisque les prieurs généraux sont tous, sauf grande exception, revêtu des pouvoirs sacerdotaux, mes chances de le devenir étaient très, très maigres. Tout cela annoncé avec le sourire détendu de celui qui en a entendu de bien pires que ça. « Dieu s'oppose auxorgueilleux, aux humbles Il accorde Sa grâce. » (1 P 5,6) Savoir n'est pas forcément pouvoir … Plus tard, je me suis cru appelé à évangéliser l'enfer après cette vie, en pensant qu'il y avait peut-êtredes malgré-nous damnés, et qu'il fallait aller chercher les âmes où elles étaient. Dieu ne peut-Il pas tout, Lui l'Amour tout-puissant ? Après hésitations, je me suis ouvert à lui, et ce projet dès qu'il a étédévoilé à tout de suite perdu toute sa force. Soulagé encore une fois d'un grand poids, l'habitude a été prise de ne rien lui caché des aléas de ma vie intérieure. « Les plus grands saints aux yeux de Dieu sont petits à leurs propres yeux, et plus leur gloire est grande, plus ils sont humbles. » (Imitation de Jésus Christ) Apprendre le détachement de l'esprit du monde, celui-la même qui s'oppose à l'ouverture du Royaume seulement aux pauvres de cœur. A la suite de Saint Paul j'ai commencé à me considérer comme le premier des pécheurs. (cf 1 Tm 1,14) Le combat spirituel est devenu aussi une observance continuelle, en ne se laissant rien passer. Prière personnelle :

« Pitié Seigneur, je pourris dans mon autosatisfaction !

Je péris d’égoïsme, Tu m'as comblé de grâces, je me les appropries.

Pitié Seigneur, je péris d'orgueil ! Je T'en prie donne-moi plus de lumière sur ma misère

que je n'oublie plus ce que je suis … Le plus misérable des misérables …

Je veux renaître qu'à Toi pour n'être qu'à Toi seul, tout enseignable pour Toi ! »

Et pourtant : Il nous aime ! Malgré l'avalanche de péchés : Il nous aime ! Le moine est avanttout un chercheur de Dieu dont la mission principale est d'intercéder pour le monde. Comme l'eau creuse la pierre, creuser son âme par la ferveur de la prière. Toujours être priant, et ceci sans cesse. « Tout est possible à celui qui croit !» (Mc 9,23) En fait, c'est Sa volonté pour nos vies qui est désirable et rien d'autre que cette quête. Libérer l'Esprit-Saint et le laisser agir, que Dieu puisse enfin être Dieu en Le faisant central. « Qui regarde vers Lui resplendira, sans ombre ni trouble auvisage. » (Ps 33,6) Je me suis lancé dans la prière et dans une ascèse de l'alimentation et du sommeilbien monastique, mais très dangereuse pour une personne de santé psychique fragile. On ne le répétera jamais assez, pour nous : mal manger et mal dormir est le cocktail explosif pour vite décompenser. « La règle du jeûne est de rejeter toute recherche de soi au plan spirituel comme auplan matériel. » (Théophane le Reclus) Semblant surpasser les frères l'auto-satisfaction était omniprésente. Je me suis mis à avoir des frissons et la chair de poule, même en été, face à certaines prières ou citations spirituelles. Moi qui me sentais il y a quelques années auparavant si mort intérieurement, c'était une renaissance ! « Il vous faut naître d'en haut. L'Esprit souffle où Il veut ; et Sa voix tu l'entends, mais tu ne sais d'où Il vient ni où Il va : ainsi en est-il de quiconqueest né de l'Esprit. » (Jn 3,3) Une force et une paix toute nouvelle m'animaient. Tout juste avant que le réveil ne sonne je pouvais entendre de temps à autre :

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_ « Réveille-toi douceur du soir !» DRING !!! (après la fin du chapelet : dernier exercice communautaire, je passais 1h30 de plus en prière avant de tomber de sommeil, me réveillant seulement environ 6h plus tard)

_ « Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur !»DRING !!! _« Sans Moi tu ne peux rien ! » DRING !!!

_ «Top chrono, top chrono, top chrono !» DRING !!! (peut être en réponse à mon leitmotiv : « à fond ou pas du tout! »)

_ « Merci !» DRING !!!_ « Le Christ a pris sur Lui le péché des multitudes, même ...» DRING !!!

_ « Louange à Toi Seigneur Jésus !» DRING !!! _ « Au Nom du Père du Fils et du Saint-Esprit !» DRING !!!

Plusieurs fois aussi je me suis réveillé en prière, avec souvent le Notre Père ou le réjouis-toi Marie en esprit. Au lever du lit, je tentais d'avoir pour première parole un élan d'amour pour le Seigneur :

« Ô mon Amour, Mon doux mon bel mon merveilleux amour,

Ô mon Amour, mon doux mon bel mon suprême amour,

Je T'aime !!! »

(cf Jacques Brel : la chanson des vieux amants) En effet : « il faut prendre Dieu par le cœur ! » (Ste Elisabeth de la Trinité) Plus on Lui dit son amour, plus on a envie de le Lui prouver. Enfin j'avais trouvé mon cercle vertueux étranglant inexorablement la perversité de l'esprit vicieux du passé. « Jésus doux et humble de cœur, rends mon cœur semblable au Tien ! » (La petite Thérèse) Les deux pas du chrétien pour être inarrêtable : Amour et Humilité, Humilité et Amour … Plus l'ego s'efface plus Dieu a de la place. « Celui qui veut conserver son âme la perdra, mais qui perdra volontairement son âme à cause de Moi la sauvera. » Cette citation est la clé pour comprendre l'enseignement du Christ car on la retrouve dans les 4 évangiles 5 fois : Mt 10,39 / Mt 16,25 / Mc 8,35 / Lc 9,24 / Jn 12,25. Hostie signifie victime. La messe est l'offrande de l’agneau de Dieu et pour que ce sacrifice soit complet il faut se faire soi-même victime. Non seulement nous sommes inachevés, mais notre être, en constant renouvellement, ne traduit pas ce que nous sommes vraiment potentiellement : saint comme Il est Saint ! ( cf Lv 20,26 / 1 P 1,16)

2 heures le matin, 2 heures l'après-midi de travail 6 jours sur 7. J'ai fait tous les postes possibles, mais j'étais le plus souvent à l'atelier de confection de panier : les paniers Notre Dame. Sinon, les occupations sont : le jardin potager, l'hôtellerie, le ménage, la cuisine, conduire des frères en voiture, vendeur au magasin … Ma préférence : les paniers ! Plus compliqué, cependant une fois la confection intégrée et le moule installé, j'étais moins dissipé, mieux uni à Dieu. Un des frères répétait souvent : pour tressé (les paniers) il ne faut pas stressé. En effet, c'était bien reposant pour l'esprit. Le reste du temps, il y avait les 6 offices de louange journalières, la messe, la lectio divina, la récréation d'après repas, la préparation des chants pour les fêtes ou pour l'eucharistie dominicale, et cetera ... Au départ, je me mettais la pression car beaucoup de paroles lors des offices sont dites par cœur. Avec l'expérience, c'est venu, et j'essayais de ne les prononcer qu'avec le cœur. Le temps n'a jamais passer aussi vite que là-bas, toujours occupé. Je ne voyais pas les semaines passer, elles s'enchaînaient à un rythme presque effrayant.

Comme chaque pré-postulant, j'ai eu droit comme examen de passage au bilan de

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personnalité avec deux psychologues. 4 tests : un questionnaire de plus de 350 questions, des images à commenter en faisant une histoire, des taches noires et rouges à décrire et pour finir un entretien d'une heure. J'ai fait ce bilan sans stress, mais un peu trop relâché dans un esprit : « prenez-moi comme je suis !» Résultat : « avis très réservé ! » J'ai été gardé malgré tout grâce à mon point fort : l'adaptation. Ça m'a fait le plus grand bien, un reste de déni de la maladie demeurait. De temps en temps, je relisais le compte rendu pour ne plus oublier ma fragilité de cocote minute, et faire plus attention à sa pression. Après ceci, j'ai mieux géré l'apport en nourriture et le temps de sommeil, avec la prise régulière du traitement : la base pour ne pas rechuter. J'aimais beaucoup l'office des vigiles pour bien débuter la journée, mais on m'a fortement conseillé d'en fairemoins et de ne plus y assister.

En lectio divina (lecture spirituelle), un matin je lis dans la Règle de Saint Benoît : « recherche la paix et poursuis-là. » Citation qui me marque. Après l'office de none, avant le chapitre pour la distribution des tâches de l'après-midi, on lis en boucle cette Règle et le prieur lit le même passage ce jour là : « recherche la paix et poursuis-là. » Le soir, à l'office des complies, on chante le psaume 34 avec encore ce même extrait : « recherche la paix et poursuis-là ! » Bon, le message est passé !

En passant dans la bibliothèque, juste avant le déjeuner, sur la table mon œil est attiré par un livre grand format sur la vénérable Marthe Robin, alors que je suis presque au bout de son journal. D'un seul coup, en le feuilletant, que de frissons ! Les saintes et saints de Dieu devenaient mes amis et je m'adressais souvent à eux pour m'aider à intensifier ma relation à Dieu. J'ai ainsi demandé en prière la grâce à Sainte Jeanne d'Arc d'aimer mon pays et de lui pardonner tout le mal fait à la Bretagne. J'ai pu réussir à prier pour la France et quand on a fait un Rosaire d'une semaine avec des textes sur la Pucelle de Domremy, l'épiderme a encore réagi.

Les 3 vœux de la profession perpétuelle étaient souvent dans mes pensées. Par eux, tendre à la perfection dans le sacrifice de ne plus faire que Sa volonté. (cf Mt 26,39) Se polir chaque jour en cherchant à correspondre à Son Amour. Revivre le oui de Marie (cf Lc 1,38) et à son exemple servirle Seigneur. Consacrer mon cœur par l'obéissance, consacrer mon corps par la chasteté, consacrer mes moyens par la pauvreté. Ceci dans le souvenir constant du Seigneur en marchant devant Sa face. « Tout ce que tu feras sera dérisoire, mais il est essentiel que tu le fasses. » (Gandhi) La vie monastique : un sacrifice de chaque instant, par l'entrée en Son Amour de plus en plus facilement , dans un libérateur consentement. Par la foi voir la fin des inquiétudes, plus que Sa volonté en tout etpour tout. La méditation des passages de la Règle de Saint Benoît m'ont beaucoup aidé, notamment les chapitres des instruments pour les bonnes œuvres, de l'obéissance et les degrés de l'humilité. « La perfection consiste à faire les actions communes et ordinaires en intime union avec Moi. » (Soeur Josefa Menendez) J'ai recommencé à offrir au Seigneur les satisfactions de la journée, habitude que j'avais délaissé. Dans la simplicité, je Lui parlais.

Un frère, lors d'une discussion, m'a annoncé qu'il se comparait beaucoup aux autres et que c'était son moteur. Cela m'a fait réfléchir. Il m'est revenu en mémoire le cas d'une étudiante en école préparatoire supérieure qui était tombée dans une grave dépression. Toute sa vie, du primaire au lycée, elle avait été la première de la classe et elle n'avait pas pu supporter le fait de se retrouver dans les derniers de sa promotion. « De toute perfection j'ai vu la limite, Tes volontés sont d'une ampleur infinie .» (Psaume 118, ) J'ai l'impression, pour ma part, que si je me cale sur le ressenti dece que sont, ou que font les autres, je me satisferais de peu alors que nous sommes appelés aux plus hauts sommets mystiques possible à notre petite personne. « Il comble de biens les affamés » (Lc 1, 53) Le commencement est donc en notre faim de Lui. Seigneur qu'entre-nous : ce ne soit plus du donnant / donnant, mais du aimant / aimant. Seigneur, ma liberté c'est de t'être fidèle. Chaque jour

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refaire les gammes pour à mon tour parvenir à devenir une vengeance d'amour, une revanche de miséricorde. Je T'en prie fait de moi un de tes effacés12 pour qu'il n'y ait plus rien en moi que Ta signature. Aujourd'hui plus qu'hier, demain plus qu'aujourd'hui. « Mon âme, tu es capable de Dieu, malheur à toi si tu te contentes de moins que Dieu ! » (Saint François de Sales) A table, je me suis rendu compte que je devenait mesquin en regrettant parfois les parts plus grandes que mes voisins semblaient avoir. Je me suis donc fait cette réflexion : « regarde ton assiette !!! » Finalement cette pensée a vite dépassé le cadre du réfectoire, et dès que je commençais à jalouser un frère en quelquechose, je me reprenais : « regarde ton assiette !!! » La providence m'a donné une place en face du frère le plus silencieux de la communauté, merci mon Dieu ! « Si l'homme se souvenait de la parole de l'écriture : C'est d'après tes paroles que tu seras justifié, et d'après tes paroles que tu seras condamné, (Mt 12,37) il choisirait plutôt de se taire. » (Apophtegme) Se méfier de sa boucheest aussi en bonne place dans la Règle où la sagesse est mesurée à la capacité de peu parler. (cf 6 en entier et 7,61) « Dans l'âme silencieuse, Dieu agit sans rencontrer d'obstacle. » (Ste Fautine) Qu'espérer de mieux ? Quand on me demandait comment ça allait je répétais : mieux, c'est le Ciel ! Et en effet, cette vie m'équilibrait comme jamais.

Le psaume 4 est mon préféré13. Selon lui, le bonheur est que le visage du Seigneur s'illuminesur nous. Celui qui nous écoute et nous libère, grâce à qui nous avons paix et confiance si nous méditons dans le silence. Celui qui offre l'insurpassable joie dans le cœur. Le chanter me rend heureux. Simplifié par la Parole un rien fait du bien. Dieu est lumière, Il éclipse mes ténèbres. (cf 1 JN 1,5 ) Gloire à Son Nom ! Ne vivant que pour Lui, ce n'est plus moi qui vit, c'est Lui qui vit en moi. (cf Ga 2,19) Appelé à la liberté les hommes vivent majoritairement dans l'insulte à Sa gloire, dans l'amour du néant et la course au mensonge. Pourtant, un seul fait voir le bonheur, Celui qui metà part Ses fidèles. Pour moi : plus de choix : avec mon passé c'est la fidélité ou la mort de l'âme.

Parfois il pouvait y avoir des tensions, la réponse est toujours et encore la prière. D'abord offrir le trouble au Seigneur puis, intercéder pour le ou les frères concernés. Ceci m'a beaucoup aidéà garder la sérénité, la paix indispensable à la relation divine. Le passé me revenait régulièrement et grâce à Sa lumière, je me suis rendu compte jusqu'où je suis tombé, de mon haut grade dans les choses dégradantes. Si personne n'est innocent, je suis coupable parmi les coupables ! Troublé par l'orgueil dans mes rapports avec mes frères, pourtant il n'y a pas de mérite à n'être rien, à n'être que Son rien … « On devient ce que l'on contemple, » enseignaient les Pères du désert. Mon recueillement a été souvent dérangé par des passages de films violents qui revenaient au premier plan de mon attention. Je me suis rendu compte qu'à ce sujet je suis comme une éponge. Une penséeen entraîne une autre, facilement distrait au début. Surtout pendant les 30 minutes d'adoration après les vêpres passées en silence, en oraison, en louanges et en chants d'action de grâce intérieurs...

Plusieurs frères ont été désignés pour sonner la cloche les uns à la suite des autres, selon les départs. Je ne pouvais m'empêcher de mépriser cette tâche et ceux qui la faisaient. Cela surtout parce qu'il fallait sortir de la chapelle pour les 3 fois 3 coups de l'angélus aux Vêpres, et que je jugeais les frères désignés comme les moins doués. Le Seigneur a travaillé mon cœur quand le prieur m'a donné cette tâche, et a ainsi châtié durement mon orgueil. « Ne t'imagine pas avoir accompli quelques progrès si tu te crois encore supérieur à ton prochain. » (Imitation de Jésus-Christ) Que mon règne vienne ! Croyant servir Dieu, je ne faisais qu'exalter mon ego. Subtilement, je travaillais pour mon élévation au lieu d’œuvrer à la Sienne... Découverte de ce que signifie :

12 Cf le film After Earth très intéressant sur le thème de la gestion de la peur malgré beaucoup de longueurs.« La peur n'a rien de réel. Le seul endroit où cette peur existe c'est dans notre pensée et notre vision de l'avenir. C'est une

production de notre imagination qui induit en nous la peur de choses qui n'existent pas sur le moment et qui pourraient d'ailleurs ne jamais exister. Ce qui s'apparente à de la démence. Mais attention, comprends-moi bien, le danger est bien réel mais la peur est un choix. »

13 Ce paragraphe est truffé de termes glosés de ce psaume.

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abnégation. « Quand vous serez repris, faites plus que vous soumettre, entrez dans la joie et dites : merci ! » (Sainte Élisabeth de la Trinité) Bon à rien et indigne de tout, je ne suis que par Toi. A Ton Nom toujours la gloire, surtout pas à moi ! (cf Règle St Benoît Prologue 30) La grâce se noie dans l'orgueil, elle émerge par la petitesse. « Ce n'est pas à la première place, mais à la dernière que je m'élance ! » (La petite Thérèse) Cette place est déjà prise par le Christ qui s'est fait esclave de toute l'humanité en souffrant pour les milliers de billions14 (sic) de nos péchés accumulés. A mon tour de tenter de devenir un esclave d'amour dans la spontanéité spirituelle de l'esprit d'enfance, seule porte ouverte pour accéder au Royaume des Cieux. (cf Mt 18,3)

A l’hôtellerie, une personne âgée qui était parfois incohérente dans ses propos avait pris ses habitudes au prieuré. Prévenu de son départ, j'ai ouvert la porte fermée à double tour avec mon passe. Surprise : devant le néon allumé de la salle de bain, un pot avec une plante de chanvre de taille moyenne ! Que faire ? Son fils unique qui avait fait la guerre de 1991 en Irak s'était suicidé, souffrant des symptômes du syndrome la guerre du Golfe. C'est sans doute lui qui l'avait initié au cannabis. Dilemme, la dénoncer au prieur ou non ? Dans ce genre de situation où règne l'indécision,je me demande ce qu'aurait fait Notre Seigneur Jésus-Christ. Pensant qu'Il n'aurait fait que Son devoir, j'ai montré une feuille de ce pot au responsable du monastère. La personne s'est faite signifier que ce n'était plus la peine de revenir, sans que la cause première soit exprimée. Plus tard, un hiver, des patients d'un hôpital de jour psychiatrique ont passé quelque temps au prieuré, pour prier et faire du ski. Après leur départ, j'ai trouvé un pochon de résine avec quelques fragments encore à l'intérieur dans une des chambres. Les deux fois, cela ne m'a pas tenté. Le sachet a été jeté sans regret. Un passé que je ne souhaite plus revivre pour tout l'or du monde.

Comme le demande Sainte Faustine dans son Petit Journal, je faisais dès que possible un chemin de croix à 15h. Heure de la divine Miséricorde où le Christ est mort asphyxié par les contractions musculaires cumulées de Ses bras et de Sa cage thoracique. J'essayais de me mettre à Sa place et de méditer Sa Passion grâce aux différentes stations. Suivent quelques pensées paradoxales venues à ces moment-là. Condamné à mort comme blasphémateur par ceux-la même qui annonçaient Sa venue. Torturé à mort par les hommes qu'Il venait sauver. La pire des défaites est devenue la plus éclatante des victoires15 … Ce genre d’exercice est indispensable. L'amour est conditionnel à la reconnaissance, on entre par là dans le pardon. (cf Lc 7,47) L'effort est primordial,mais c'est instrumentaliser Dieu que de croire que Sa grâce y est subordonnée. Avec Lui, tout n'est que gratuité. Il faut juste coopérer avec et par l'Amour dans l'union en la même volonté. Comme Il est à l'intérieur, la vie doit être aussi toute intérieure. Écouter en prêtant l'oreille et tout oublier pour irrésistiblement attirer le Roi. (cf Ps 44,11) Prière personnelle :

Ô mon Maître,Un moins que rien ne peut Te servir !

Ô Seigneur,Un plus que rien ne peut Te servir !

Ô mon Sauveur,Fais de moi Ton rien !

Ainsi, enfin Tu seras toutEt chacun aura sa juste place ...

« Observez vos Règles et vous deviendrez un saint, car elles sont saintes par elles-mêmes, elles peuvent donc vous rendre saint. » (Saint Vincent) Quand j'observais les frères face à l’exigence de perfection monastique, intérieurement je me plaignais de leurs défauts dans

14 Après milliard il y a billion.15 Cf mon chemin de croix personnel en annexe.

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l'application de la Règle et du Livre de Vie. « Comment l'âme acquiert-elle l'humilité ? En étant attentive qu'à ses propres fautes. » (Apophtegmes) En effet, dans le même temps, et sans m'en rendre compte, j'étais rempli de complaisance envers mes propres défauts. Ô Maître et Seigneur, retire de mon œil la poutre du jugement sur autrui ! (cf Mt 7,3-5) Car il n'y a que les imparfaits qui reprochent l'imperfection, signe de leur manque de charité. Dieu a été si patient avec moi, des dizaines d'année ! Pourtant, à peine un brin de patience envers certains frères … Aimer le prochain du même amour que Tu as pour moi est rigoureusement impossible ! (cf Jn 15,12) Seigneur pour se faire : prête-moi ton cœur ! « Soyez miséricordieux comme le Père est miséricordieux. » (Lc 6,36) Plus une âme est misérablement imparfaite, plus elle est aimée de Lui. Je me dois donc d'agir de même. Ceci en ne copiant pas les plus grands saints, mais en n'imitant que le Père. Quelle exigence ! Je suis indigne pourtant parfois encore offensé, troublé, je n'ai toujours pas atteint le point de connaissance de ma bassesse pécheresse. Tendre l'autre joue (cf Mt 5,39) est loin d'être facile à la nature. L'argent affiné 7 fois par le fondeur (cf Ps 12,6) a pour signe de purification complète que celui-ci voit son visage quand il se penche au-dessus. Puisse Dieu par Sa puissance miséricordieuse me rendre pur pour qu'Il puisse enfin reconnaître Sa sainte Face en moi … « Seigneur, j'ai confiance en Toi ! » (Sainte Faustine) Plus de peine ni de trouble devant mon incorrigible orgueil, le mettant dans Ses mains : tout ira bien.

Lors d'un documentaire sur la vie monastique, un abbé a fait cette réflexion : « il faut tout une vie pour faire un moine, et parfois ça ne suffit pas !» Dans les Évangiles, le Christ déclare queles sadducéens et les pharisiens n'ont pas la foi, que ses disciples en ont peu (cf Mc 4,40), étrangement se sont des pécheurs qui font Son admiration. Les professionnels de la spiritualité doivent donc se tenir sur leur garde ! Entré à 37 ans, j'avais déjà du retard, donc plus un instant à perdre. « Le temps c'est de l'argent, » dans la vie spirituelle bien employé il devient le plus précieux des alliés pour prouver sa fidélité. Folie pour le monde qui ne sait que jurer par des résultats palpables. La sagesse sublime de la gratuité du don lui est étranger. Comment peut-on perdre autant son temps à prier ? Pour le moine le monde cherche à taire la nostalgie de la perfection présente dans l'âme à grand coup de divertissements. Comment peut-on perdre autant sontemps en futilités ? « Je vous le déclare : on donnera à celui qui a ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a. » (Lc 19,26) La prière est le miroir de la vie intérieur monastique etle don de prier est donné à celui qui prie. Elle est au delà des mots qui ne sont que son expression. Si on a des difficultés à se mettre en présence du Seigneur, à Lui parler, une seule solution : redoubler de prières. « La prière est elle-même l'arme de son propre combat . » (Livre de vie de la congrégation) Comme les mots sont incomplets, le silence en dit beaucoup plus. Au début, ce silence me paraissait indifférence, à force de persévérance il est devenu habité par Sa présence. Le but est uniquement de se rapprocher de Dieu, le piège est de tomber dans des paroles stériles de pharisien qui s'ignore. Plus on est tourné vers Lui, plus le mal perd de son emprise. Toujours joyeux(cf 1 Th 5,16) toujours content (cf Règle de St Benoît 7, 49), remerciant Dieu pour la vie. Après avoir vu la mort de près tant de fois, je me sentais ingrat d'oublier de rendre grâce. « Rien que Dieuet l'âme, voilà la vie vie d'un moine. […] Nul ne se fait moine par une force qui ne vient pas de Lui. » (Théophane le Reclus) Je suis entraîné par l'amour vers Lui, comme une pierre qui prend de la vitesse au fur et à mesure de l'augmentation de la pente. Le secret est simple comme une présence : « Ton seul regard fait ma béatitude !» (Ste Thérèse de Lisieux) Je ne suis plus moi, je deviens Toi. La perte de l'ego pour retrouver l'état béni d'Adam et Eve d'avant la chute. Apprendre àécouter Son unique parole : aimer. « Que les autres agissent comme ils le veulent, toi, conduis-toi comme Je te le demande. » (Ste Faustine) Les frères ayant fait profession religieuse sont invités à faire une sorte de rapport sur les nouveaux. J'ai mis ma confiance qu'en Dieu cherchant à appliquer la Règle au plus près, même si souvent cela dénotait. Ne pas parler d'autre chose que le travail pendant celui-ci par exemple était un véritable combat. Mais être zélé est un piège puisque si on juge de haut les négligents, Dieu nous a en horreur plus que ceux-ci ...

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En faisant le ménage dans le prieuré, je trouvais des insectes volant morts devant les grandesbaies vitrées. Cela m'a rappelé mon enfance, où j'avais pour jeu d'arracher leurs ailes et de tuer les mouches piégées dans les portes fenêtres de la maison familiale. J'ai à présent beaucoup plus de compassion pour elles qu'à cette époque. La petite Thérèse , dans son lit de mourante à l'infirmerie du Carmel, refusait qu'on les tue devant elle. J'ai à présent, aussi, un grand respect envers toute la Création. Rapidement l'habitude est venue d'essayer de faire sortir à l'air libre ces petits amis ailés. Les fenêtres du prieuré, à l'étage dans la clôture, sont à pivot au niveau du centre et pour les libérer j'essayais de les faire passer par le bas. Elles, elles n'étaient pas d'accord et tentaient plus tôt de sortir par le haut. Une sortie était possible là aussi, mais sans aide, impossible pour elles. Impossiblepour moi aussi n'étant pas assez grand. J'y ai vu une parabole de la vie spirituelle : on est collé à la vitre de notre vie essayant de parvenir à l'union des saints avec Dieu. Cette vitre est ouverte et malgré les efforts divins de nous faire passer par l'ouverture du bas, par orgueil nous cherchons plutôt à monter par le haut grâces à nos propres efforts … « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire. » ( Jn 15,5) J'en vois certaines s'énerver contre la vitre transparente, ne comprenant apparemment pas la nature de l'obstacle qui les empêche de traverser. Quand je réussissais à en faire sortir une, cela me donnait le sourire et je me représentais la joie du Seigneur quand Il arrive à sauver l'un de nous. J'ai vu une vidéo sur internet d'un ours qui repêche un corbeau, en le faisant sortir d'un coup de pattebien placé du bassin où il était en train de se noyer. Si même les animaux sont capables d’empathie, ô combien nous aussi ! Et peu importe leur taille, à mon avis …

Enfin, en 2016, la permission de retourner à Trappes pour vider mon HLM a été donnée. Une fois le tout effectué, au moment du départ, mon père pour la première fois m'a donné la bénédiction en traçant le signe de croix sur mon front. Voyant qu'il était ému, je l'ai pris dans mes bras, chose totalement inédite ! Le pardon avait été donné longtemps auparavant. Commençant aussi à prier pour lui qui se fait une spiritualité à la carte, en laissant beaucoup de choses de côté.

Les voix sous forme de murmures et plus rarement intelligibles sont revenues. J'ai dû faire augmenter la dose quotidienne deux fois. Toujours la même chanson : suicide et damnation, avec le rappel de cette phrase que je leur avais dite : « je suis mortellement sérieux. » Pour elles ça semblait peut-être déjà gagné. Mais si tout est perdu d'avance, pourquoi se fatiguent-elles ? Même plus peur, lassé, plus aucun intérêt. Pour elles s'étaient la fête, elles goûtent à leur tour à la défaite.

Lors d'une confession, quelques années auparavant, je m'étais plaint au prêtre que Dieu me semblait à des millions d'année lumière de moi. Il m'avait répondu que lui aussi. Quand j'ai découvert Saint Augustin et son : « Dieu est plus intime à moi-même que je ne le suis à moi-même,» cela a été une révélation. Dieu plus moi que moi ! Avec quand même un grand regret de tout ce temps passé à chercher ailleurs...

La Communion Eucharistique est devenue centrale dans mes journées16. L'Un se donne à tous et ainsi tous deviennent un : rassemblés en un seul corps … Au long des journées, j'associais des citations les unes aux autres. Par exemple : « Je suis tout entier dans chacune de ces hosties, mais l'homme doit avoir la foi pour que Je puisse agir. (cf Ste Faustine) Seigneur, que veux-tu que je fasse ? Laisse-Moi agir ! » ( Ste Marguerite Marie Alacoque ) « Le mérite c'est de recevoir. » (Ste Thérèse de Lisieux) « Seigneur, je crois mais je T'en prie affermi ma foi ! » (Mc 9,24) « Car sans Toi je ne suis rien, sans Toi je ne peux rien ! » ( Jn 15,5)« Fais-toi capacité, Je Me ferais torrent ! » (Ste Catherine de Sienne) 33 mois à recevoir le corps du Christ sans aucune interruption, le changement a été imperceptible jour après jour, mais sur la durée, la différence s'est clairement ressentie. Les célébrations eucharistiques où comment apprendre la gratitude. Car

16 Se conférer à «l'Oraison après Communion » dans les annexes.

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eucharistie signifie simplement rendre grâce. La contemplation du mystère dans une démarche d'émerveillement ininterrompue, vivant en communion, ensemble, en apprenant aussi à le vivre en communauté.

Début 2017, J'ai été averti de l'acceptation au postulat par la remise de la croix le lendemain.Un peu court pour bien se préparer. Ça a été un soulagement, un an assuré de présence supplémentaire au prieuré. Voici le texte que j'avais personnalisé lors de la courte cérémonie intégrée dans l'office des vêpres :[Paragraphe en travaux------------------------------------------]

Le serviteur de Dieu Marcel Van a été une très belle découverte. A son exemple et par l'amour devenir une atmosphère respirable pour l'Amour, dans ce monde tant vicié par le péché. Ainsi, sa façon simple d'être avec le Seigneur m'a guidé vers la toute simple prière du cœur, à l'intimité avec le Christ, à lui parler le plus simplement possible de tout ce qui me touche. C'est le Christ qui est devenu mon centre et mon tout. La sainteté dans les banales activités du quotidien sanctifié par l'union avec Lui. «Il m'a aimé, il s'est livré pour moi.» (Ga 2,19) Son précieux Sang sur moi, mes fautes sur Lui ... Malgré l'horrible pécheur que je suis, Il m'aime d'une ardeur et d'une tendresse toute surnaturelle … La plus grande gloire que je peux Lui rendre c'est de croire, malgré cette grande avalanche de péchés, qu'Il est l'Amour infini.

J'appréciais beaucoup les jours de solennité chômés pour souffler un petit peu. Pour pouvoir avoir du temps pour lire et prier à ma façon. Au déjeuner de la fête de l'Ascension, un frère semblaitavoir un malaise mais restait mutique. Il était coutumier du fait. Pourtant, finalement à la question siil voulait aller à l'hôpital, après un temps assez long il a répondu que : « oui, aux urgences. » J'ai pensé : « pourvu que je ne sois pas désigné ! » Je n'avais pas saisi le drame qui se jouait. Ensuite, comme il avait des difficultés à se déplacer, j'ai pensé : « pourvu que je ne sois pas obligé de lui faire du bouche à bouche. » C'est dans ces situation que l'on peut mesurer sa charité … Je me rendais bien compte que ça n'allait pas, que ce n'était pas là être serviteur (cf Mc 9,35) mais je ne pouvais pas m'en empêcher. De travers sur sa chaise, j'ai vu les lèvres cyanosées et je l'ai allongé. Comme il ne respirait plus, j'ai enchaîné les massages cardiaques et les insufflations. Ceci pour la première fois en condition réelle. Il a recommencé à respirer, je l'ai mis en position latérale de sécurité. Gonflé d'orgueil devant ce succès. Mais rapidement j'ai du recommencer la réanimation. Quand les pompiers sont arrivés, j'ai été incapable de dire combien de temps il était resté en arrêt cardiaque. Oubliant même de dire qu'il avait recommencé à respirer entre temps. De retour dans ma cellule, j'ai prié un chapelet de la divine Miséricorde pour lui, le son irrégulier des battements cardiaques de l'appareil de monitoring aux oreilles. Finalement, il n'a pas survécu. Paix à ton âme frère George ...

Le 5 janvier 2018, le Prieur Général, en entretien particulier, suite au délibération du ConseilGénéralis, m'a annoncé que je n'étais pas accepté au noviciat, car jugé trop fragile psychiquement. L'attente a été longue devant le bureau, où il était aussi en train de dire non à l'un de mes condisciples. Sur trois postulants, finalement, aucun n'a été gardé. Est-ce mon ange-gardien qui essayait de me préparer à cette mauvaise nouvelle ? J'avais un fort sentiment de tristesse en attendant mon tour, presque les larmes aux yeux. Le Prieur d'Évian, le Maître des Postulants, le Maître des Novice, la psychologue étaient favorables à ma prise d'habit. Le problème était que plusieurs frères fragiles avaient décompensé récemment (même un Prieur) et que l'évêque qui suit lacongrégation avait réclamé des critères précis d'acceptation. Je représentais un risque trop grand, pas à cause de mon comportement, car mon point fort était mon intégration pendant ces trente-trois mois d'apprentissage de la contemplation, mais à cause de mon passé, la défenestration surtout. Lorsdes offices, le passage où l'on chante dans chaque office : « Seigneur écoute ma prière et que mon

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cri parvienne jusqu'à Toi ! » (Ps 101,1) et la prière du bienheureux Charles de Foucault après l'adoration quotidienne: « mon Père je m'abandonne à Toi, fais de moi ce qu'il Te plaira […] ont résonné de façon beaucoup plus aiguë. La vie monastique est avant tout une vocation, un appel de Dieu, l'action de l'Esprit Saint était donc à reconnaître dans cette décision. Le deuil de mon engagement religieux s'est fait assez rapidement. Un brin dans les larmes tout de même pendant unemesse, lorsque j'ai vraiment réalisé en recevant une accolade d'un membre du Conseil, que fini, c'était vraiment fini pour moi cette vie qui m’épanouissait tellement. Finalement, une fois de plus : là non plus n'était pas ma maison … Cette fois-ci, pourtant, je me sentais bien, le Christ pour soutien. Ce temps de postulat m'avait donné un nouvel équilibre Que la congrégation qui me l'a apporté en soit louée ! Trop fragile pour la congrégation alors : « Que ma maladie soit l'amour ! » (Vble Marthe Robin)

Un nouveau départ : LOURDES

A peine une semaine après, recommandé par la congrégation, je faisais mon entrée à Lourdes dans une des demeures de l'association des Sources Vives. Elle a le charisme d'accueillir enson sein des personnes de santé psychique fragile ayant plus ou moins la foi. Trois hommes (en me comptant) et six femmes vivant ensemble et partageant le quotidien avec les tâches du matin organisées par une membre de Soutien salariée : cuisine, ménage, course, espace-vert. Les ateliers de l'après-midi sont facultatifs, tous les jours différents et aux goûts de chacun : modelage, reprisage, tricot, ping-pong, cours de langue, de chant, de piano, gym douce et autres encore, animé par des résidents et des bénévoles. Pour ma part, je n'y participe presque jamais, préférant exploiter les possibilités spirituelles enthousiasmantes du sanctuaire. Selon le souhait de maman Marie, la grotte est un devenue un rendez-vous pour boire et se laver à la fontaine.(cf message de l'apparition du 25/02/1858)Souvent je me passais de l'eau sur le visage et les mains, de façon plus exceptionnelle le bain. J'ai fait un stage chez les hospitaliers qui s'occupent des pèlerins malades, devenant aussi Pilote quelques temps pour orienter les arrivants néophytes du lieu. Assez rapidement, j'ai fait aussi la découverte de l'Association Missionnaire de la Sainte Famille. Je suis devenu vendeur dans la boutique solidaire, responsable de la communication puis président. Le fonctionnement est similaire aux boutiques Emmaüs : récupération de don et revente à petit prix. Auniveau spirituel, j'ai vite pris mes habitudes à l'adoration au Sanctuaire, et au Carmel en participant aux offices un maximum la première année, unissant ma voix à celles, si belles, des moniales. Cependant, comme la contemplation n'est plus ma vocation, cette habitude a cessée complètement. Lourdes : au début rien qu'un deuxième choix, cependant vraiment pas si mal au final ! A mon arrivée, j'avais une petite interrogation intérieure en me demandant comment cela se passerait avec la partie féminine des locataires. Finalement, mon vœu de célibat effectué sur le Chemin de Compostelle n'a pas été remis en cause, et la co-habitation se fait sans malaise. Voyant le bonheur de couples d'amis chrétiens, le jour du baptême de mon nouveau filleul, un peu pris par l'ambiance de la fête, j'ai obtenu le numéro de téléphone d'une jeune femme célibataire. J'ai beaucoup prié pourconnaître la volonté du Seigneur dans cette situation. Ne voulant pas construire quelque chose sans avoir les moyens de le terminer. (cf Lc 14,28-32) Après avoir pris un café ensemble dans une brasserie, je me suis rendu compte que je ne prenais aucun plaisir à la rencontre et qu'au contraire, l'ennui était présent. Plus tard, elle m'a dit aussi ne pas être attirée et nous sommes restés amis. J'ai redécouvert 1 Co 7,32 et cela m'a persuadé d'avoir pris la bonne décision. Je suis resté en contact avec le Maître des Postulants et j'ai découvert un autre Prieuré de la congrégation à Montaut, 15 kilomètres de Lourdes seulement . J'y ai vite été apprécié par les frères, appréciant de mon côté ces petites retraites relançant efficacement la vie de prière, nettement moins riche quand même qu'à

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Évian. En effet, j'ai l'impression d'oublier le Seigneur à longueur de journée et de retomber bien vitedans une sorte de fade routine ronronnante que je ne connaissais plus dans la vie monastique. Je me rends compte après coup à quel point la vie en communauté est porteuse. Depuis, j'oublie plus que là-bas ma longue liste de péchés et, se faisant, je l'allonge sans y penser. En vacances chez mes parents, un soir j'ai vu une faible lumière dans la nuit au niveau de ce que j'avais pris pour l'étoile des mages. Une fois le jour venu, je me suis rendu compte que cela correspondait au sommet d'une haute colline éloignée. J'avais sûrement été le jouet d'une illusion d'optique ... Lors des élections européenne de 2019, Nicolas Dupont-Aignant m'a attiré. L'islamisation de la France était une inquiétude ainsi que l'afflux très important de migrants en règle ou non. J'ai voté pour lui et après avoir lu plusieurs de ses livres, je me suis rendu compte qu'au niveau local ça pouvait être viable mais pas pour la nation. Il demande l'arrêt des soins pour les sans papiers et ça va à l'encontre de mes convictions de ne pas les maltraiter. (cf Jr 22,3) Ne pas se faire justice soi-même, mais laisser agir la colère de Dieu. (cf Ro 12,19) Comme lors de la surprise de la chute du communisme, Dieu peut faire en sorte que l'impossible aux simples yeux humains arrive. La vénérable Marthe Robin a prédit que la France tomberait bien bas à cause des mauvais gouvernants qu'elle se sera choisie, mais qu'elle se relèverait comme une balle rebondissante. Je me suis donc mis à plus prier pour la conversion des ennemis de la foi selon le commandement d'aimer ses ennemis. (cf Mt 5,43) Le terme d'ennemi est impropre, c'est juste qu'ils ne savent pas ce qu'ils font. Pourvu qu'un maximum d'entre eux parviennent au Royaume des Cieux ! J'ai accepté la proposition de devenir sacristain remplaçant deux à trois fois par semaine à la paroisse. Après l'avoir refusé enfant, je suis devenu en même temps servant d'autel. J'aurai bien ri si on me l'avais dit à l'époque. La providence m'a fait trouvé un travail d'auxiliaire de vie après une discussion avec une personne que j'aidais à déménager. 10 minutes à pied de mon domicile, à 5 minutes à pied de la paroisse chez des catholiques pratiquants, l'idéal ! J'aurai bien ri aussi si on m'avait dit un jour que je serai payé à fairedu repassage, vu mon niveau de capacité très bas en ce domaine. Ayant souvent en tête : « Mementomori ,» (souviens-toi que tu dois mourir) j'ai souscrit une assurance vie. « Quand on aime, on ne compte pas ! » En effet, tel un panier percé, mes finances partaient en œuvre de bienfaisance. La décision est venue de ne pas faire porter le poids du paiement des frais d'enterrement à mes proches.La vie n'est qu'un véhicule, elle n'est pas notre maison définitive. 6 mois plus tard mon meilleur amid'enfance est décédé dans son sommeil à seulement 41 ans, apparemment d'une crise d'épilepsie. Lamort faisant partie de la vie, la tristesse a été évitée, dans l'espérance de le revoir bientôt dans la Royaume des Cieux. « Quotidie morior » (je meurs un peu plus chaque jour) Quand l'idée de la mort est acceptée, plus besoin de travail de deuil car vivant d'espérance. Après tant d'année, je me rapproche enfin de l'état d'impassibilité si cher au Pères du désert, le piège de l'illusion orgueilleuse insensible de moins en moins présente. « L'homme de bien […] ne craint pas l'annonce d'un malheur : le cœur ferme il s'appuie sur le Seigneur. » ( Ps 111,5-7) A force de méditer ce passage encore et encore, il est entré en moi. Avec dans mon âme le Tout-Puissant, son union fait ma force. L'Amour vrai est intransigeance envers tout ce qui lui est étranger, le poursuivre est mon soutien. Aimer est notre vocation, la mission de chacun, j'en suis persuadé. Lors d'une messe dans la paroisse du Sacré-cœur, le curé dans son homélie a prêché sur le thème de notre maison commune. Il l'a définie comme n'étant pas un lieu terrestre, mais le Cœur de notre Dieu dans la Patrie Céleste. La quête n'est pas finie, elle vient tout juste à peine de vraiment commencer, mais au moins maintenant j'en connais la bonne direction … « Heureux les cœurs purs ils verront Dieu. » (Mt 5,8) Ça faisait des années qu'en voyant une étoile filante, ou quand on me disait : à tes souhaits, ou au moment de souffler les bougies des gâteaux d'anniversaires je faisais toujours le même vœu : voir Dieu. Grâce à ce fil d'Ariane je ne peux plus me perdre dans les labyrinthites de la vie. Le vieil homme abandonné, l'homme nouveau (cf Ep 4,22-24) peut enfin s'exprimer, me laissant habiter par Son regard. Une éternité de mercis pour Toi Seigneur, je glorifierai Ta Miséricorde éternellement ! Alléluia joie jusqu'au grand rendez-vous !

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Conclusion :

Est-ce que l'humanité va se sortir de ce syndrome de l'île de Pâques avant de percuter le mur ? L'argent ne se mange pas … Je rêve d'un monde plus solidaire dans la compréhension que : « la vraie liberté : c'est de se mettre au service de son prochain. » ( Benoît XVI) Notre autre nous-même. (cf doctrine sociale de l’Église) La charité évangélique du serviteur est si épanouissante. Nous sommes notre premier prochain mais quel bonheur de s'oublier ensuite en faisant de l'autre la priorité. On n'est humain qu'à la condition d'humaniser son périmètre d'action. Laisser transformer au fur et à mesure notre cœur de pierre en cœur de chair. Donner c'est bien, donner de quoi donner c'est encore mieux. On n'a pas participé à notre création reçue passivement, cependant on doit coopérer activement à notre salut. « Seul est digne d'exister celui qui est digne d'être aimé. » (Platon) Si je n'avais eu que la philosophie comme appui, je serais vite tombé dans le désespoir, moisi indigne de tout. Heureusement, j'ai eu Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ sur ma route, qui m'a relevé du plus profond du fond de ma déchéance. Grâce à Lui, je suis entrer dans la compréhension que : « seul est digne d'exister celui qui aime, » (Père François Varillon Joie de croire, joie de vivre p98) car « Dieu est Amour. » (1 Jean 4,7) Nous sommes tous sur des rayons dans un cercle, expliquait le Père du désert Dorothée de Gaza, et plus nous nous rapprochons du centre du cercle qui n'est autre que Dieu, plus nous nous rapprochons de notre prochain. De même, ce que je fais au plus petit de mes sœurs ou de mes frères en humanité par amour, c'est à Dieu que jele fais ! Tout est simplifié à force d'avancer avec et vers Lui.

« Une chose fait connaître qui est le Christ : c'est de vivre Sa Passion. » (St Jean Paul II )Aucun regret pour ce chemin de souffrances et d'humiliations, j'en suis même maintenant reconnaissant ! Lui seul donnant l'élan suffisant pour projeter son poids. « La nature a horreur du vide, » (Aristote) au contraire Dieu le recherche en nous pour mieux nous combler de Lui. La douleur ouvre des espace intérieurs. Sans cela, j'aurai sûrement été un type commun de mort-vivant.« L'âme est comme la terre elle doit être déchirée pour être féconde. » (Vble Marthe Robin) La soif et la faim de Dieu viennent de ce passé pour mieux L'avoir pour unique quête et quitter l'inertie.« C'est par ouï-dire que je Te connaissais, mais maintenant mes yeux T'ont vu. » (Jb 42,5) Des yeux du cœur, du fond de l'être Te reconnaître apprenant à satisfaire les besoin de Ton regard. L'univers est comme une grande symphonie, plus je me rapproche du Seigneur, plus ma note par Lui et avec Lui devient de plus en plus juste, même si les dissonances restent encore possibles. Petits enfants que nous sommes, cueillir des fruits n'est possible que si de l'autre main nous tenons Sa Main. Dès que nous cherchons à les cueillir des deux mains nous tombons, car sans Lui, nous ne pouvons rien faire. (cf Jn 5,15) Mon ultime rébellion au monde est devenu de ne chercher qu'à faire Sa volonté, luttant pour le bien : avec les moyens du bien, ceci en n'étant tourné que vers Lui, sans chercher à combattre le mal. « Au soir de votre vie, vous serez examiné sur l'amour. Apprenez donc à aimer Dieu, comme Il veut l'être et à vous détacher de vous-même. » (St Jean de la Croix) Se détacher de soi-même pour Dieu à travers l’amour du prochain, voilà comment je comprends la vie à présent. Souvenons-nous continuellement de ce que le Christ nous demandera quand nous le rencontrerons dans ce passage de la mort : « Qu'as-tu fait de ta vie ? » « Qu'as-tu fait pour tes frères et sœurs ?» « Comment as-tu aimé ? » J'ai bien peur d'être humilié devant l'Amour du peu de charité de mon existence. Tout ce mal commis, tout le bien omis. A présent, tout donner pour ne rien regretter ...

Petit rappel : toutes les fins sont proches quand on considère l'éternité, donc n'attendez plus :

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« convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle !» (Mc 1,15) L'Évangile est synonyme de Bonne Nouvelle, et pleinement vécu quelle joie ! Une conversion : non pas par une conformité aux rites dans leurs formes, mais par un retournement du cœur, une transformation de l'être tout entier au contact de l'Amour infini, incapable de nous rassasier complètement, donnant une faim toujours plus grande d'être uni à la Sainte Trinité et de Le posséder. Une démarche intérieure de décentrage, une manière de vivre dans la gratuité. Enfin, à la fin du passage de notre pèlerinage terrestre, Le voir Face à face et en Lui devenant ainsi semblable : le bonheur surpassant tout désir ! (1 Jn 3,2) Tout pour le règne de l'Amour, tout à la puissance de l'humilité, tout à la gloire de la sainteté !!!

Alors : divan bonheur devant nos écrans ou divin bonheur faisant le bien ? Car on a qu'une vie pour être gentil. Pour le Ciel nous sommes tous des migrants sans papier et c'est la bonté qui nous naturalise. « La meilleure preuve de l'existence de Dieu est notre union avec Lui. » ( Père Anthony de Mello) Bon … y a plus qu'à ! Sans Lui la vie est ténèbres et grâce Lui, avec le temps, tout s'éclaire. Profitons bien de ce premier jour du reste de notre vie ... Un conseil pour terminer en beauté : ayez des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue. Pour ma part, un seul suffit : voirDieu.

Voilà, c'est enfin fini, merci de m'avoir suivi jusqu'au bout, que le Seigneur vous bénisse, vous garde dans Sa Paix, et que Son visage s'illumine sur vous toutes et tous, en union de prières,

Serviteur44.

ANNEXES :Sur le site lirenligne.net vous pourrez trouver toutes les œuvres que je désirais vous faire

partager dans les annexes à cette adresse :https://lirenligne.net/auteur-a-decouvrir/informations-auteur/Serviteur44

1: Oraison après Communion.2: La Reine des mères, la Mère des reines.3: Commentaire des mystères douloureux du Rosaire.4: Chemin de Croix médité.

La dernière n'est pas de moi, je l'ai publié de façon anonyme :5: « Aime-Moi comme tu es ».A découvrir ici : https://tinyurl.com/u77vkfw(l'URL étant trop longue je l'ai raccourcie)

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