89
Université CLAUDE BERNARD LYON 1 Ecole supérieure du professorat et de l’éducation de l’Académie de Lyon N° d’étudiant : 11508892 LEMAITRE Alice 11509152 TEYSSIER Charlie Membres du Jury : LE BRETON Gwenaële MORIN Olivier OBRIOT Florence Directeur du mémoire : MORIN Olivier MEMOIRE présenté pour l’obtention du Master MEEF (Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) Premier degré professeur des écoles D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans un monde partagé. Par LEMAITRE ALICE TEYSSIER CHARLIE Année universitaire : 2016-2017

D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

Université CLAUDE BERNARD LYON 1

Ecole supérieure du professorat et de

l’éducation de l’Académie de Lyon

N° d’étudiant :

11508892 LEMAITRE Alice

11509152 TEYSSIER Charlie

Membres du Jury :

LE BRETON Gwenaële

MORIN Olivier

OBRIOT Florence

Directeur du mémoire :

MORIN Olivier

MEMOIRE présenté pour l’obtention du Master MEEF (Métiers de

l'enseignement, de l'éducation et de la formation)

Premier degré – professeur des écoles

D’un « être-au-monde » intime à

un « vivre-ensemble » dans un

monde partagé.

Par LEMAITRE ALICE

TEYSSIER CHARLIE

Année universitaire : 2016-2017

Page 2: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

2

RESUME

Ce mémoire est le fruit d’une recherche et de la conduite d’un projet en éducation au

développement durable dans deux classes d’école primaire. Charlie Teyssier et Alice Lemaître

deux professeurs des écoles stagiaires dans une école à Lyon 4e, proposent un dispositif qui tend

à favoriser chez leurs élèves de MS et CP le passage d’un être au monde intime à un vivre

ensemble dans un monde partagé ; à savoir la création d’un cabinet de curiosités.

En effet, partant du postulat que les jeunes enfants ont une certaine sensibilité

environnementale, l’objectif de cette recherche et de la pratique de classe qui en découle est

dans un premier temps de l’exacerber. C’est par la collecte de « trésors de la nature » qui seront

exposés et leur exploration sensorielle que l’enfant tissera des liens et nourrira sa curiosité.

L’enjeu du projet sera, dans un second temps, de lui faire vivre une expérience de création

commune qui, par le recours aux sciences et aux arts, et ce dans une logique de pédagogie de

projet, lui permettra de développer une conscience plus collective ainsi que des compétences

citoyennes de coopération.

MOTS CLES

Education - environnement - nature - pédagogie - sensible - partage

Imaginaire - projet - arts - exposition – curiosité

Page 3: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

3

AVANT-PROPOS ET REMERCIEMENTS

Nous tenons à adresser tout particulièrement nos remerciements à notre directeur de

mémoire, Olivier Morin, pour son écoute, son soutien ainsi que ses précieux conseils. A ces

remerciements nous associons Gwenaële Lebreton qui a également suivi l’avancée du projet.

Nous remercions vivement Florence Obriot pour sa disponibilité et l’aide qu’elle a

apportée à la mise en œuvre de notre projet, ainsi qu’Yvette Lathuiliere pour son écoute et son

intérêt pour le projet.

Merci à Sylvie Boucherat du musée des Confluences de nous avoir transmis de

précieuses ressources sur les cabinets de curiosités et l’institution muséale.

Enfin, nous tenons à remercier l’équipe pédagogique de l’école Joseph Cornier (Lyon

4e) pour avoir donné vie à notre cabinet de curiosité par leurs visites, leurs encouragements et

leur soutien.

Page 4: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

4

SOMMAIRE

Résumé ___________________________________________________________________ 2

Mots clés __________________________________________________________________ 2

Avant-propos et Remerciements _______________________________________________ 3

Sommaire _________________________________________________________________ 4

Introduction _______________________________________________________________ 6

Partie 1 : Partie analytique____________________________________________________ 9

I. Les enjeux de l’éducation à l’environnement et au développement durable ___________ 10 1. Définition et histoire de l’EDD _______________________________________________________ 10

a. Définition _____________________________________________________________________ 10 b. Objectifs à l’école primaire _______________________________________________________ 12 c. Un concept pluriel et complexe ___________________________________________________ 13

2. Qu’entend-on par “environnement”? _________________________________________________ 14 a. Définition de l’environnement ____________________________________________________ 14 b. Des représentations diverses de l’environnement ____________________________________ 14 c. La problématique de l’EDD dans un environnement urbain _____________________________ 15

II. Notre approche de l’éducation à l’environnement _______________________________ 16 1. Un prérequis : l'éducation par l’environnement pour une conscience environnementale _______ 16

a. Le respect et le développement d’un “être au monde” ________________________________ 16 b. Pour une pédagogie du sensible, de l’imaginaire _____________________________________ 18

2. Notre question de recherche : passer d’une pensée individuelle à une conscience collective ____ 20 3. Une piste de travail : la mise en projet ________________________________________________ 21

III. Notre projet : la construction d’un cabinet de curiosités en CP et Moyenne Section ____ 23 1. Pourquoi un cabinet de curiosités ? __________________________________________________ 23

a. La genèse du projet _____________________________________________________________ 23 b. Qu’est-ce qu’un cabinet de curiosités ? _____________________________________________ 24 c. Pourquoi l’adapter en classe ______________________________________________________ 25

2. Ce projet en réponse à notre question de recherche _____________________________________ 26 a. La collecte d’objets : le rapport intime au monde _____________________________________ 26 b. Un projet collectif : vers une vision partagée de l’environnement ________________________ 28 c. Une réflexion pédagogique ; enseigner à la curiosité et la coopération ___________________ 30 d. Une démarche artistique et de partage _____________________________________________ 32

Page 5: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

5

Partie 2 : Mise en œuvre du projet _____________________________________________ 35

I. Séquence et recueil de données ______________________________________________ 36 1. Séance 1 : enrôlement dans le projet _________________________________________________ 36

a. Explication de la séance _________________________________________________________ 36 b. Recueil et analyse des données ___________________________________________________ 37

2. Séances 2 et 3 : découverte sensorielle des objets_______________________________________ 42 a. Explication de la séance _________________________________________________________ 42 b. Recueil et analyse des données ___________________________________________________ 44

3. Séance 4 : la classification __________________________________________________________ 50 a. Explication de la séance _________________________________________________________ 50 b. analyse de données _____________________________________________________________ 52

4. Séance 5 : Echange des valises ______________________________________________________ 53 a. Explication de la séance _________________________________________________________ 53 b. Analyse de données ____________________________________________________________ 54

5. Séances 6 et 7 : la mise en valeur ____________________________________________________ 56 a. Explication de la séance _________________________________________________________ 56 b. Analyse des données ____________________________________________________________ 58

6. Visite de l’exposition ______________________________________________________________ 62 a. Faire vivre l’exposition __________________________________________________________ 62 b. Analyse de données ____________________________________________________________ 63

II. Retour réflexif sur le projet __________________________________________________ 64 1. Le Bilan du projet pour la classe _____________________________________________________ 64

a. Mise en évidence du fort lien entre enfant et nature __________________________________ 64 b. Les effets du projet dans la vie de classe ____________________________________________ 65 c. Un lien renforcé avec les parents __________________________________________________ 66 d. Rayonnement du projet _________________________________________________________ 66

2. Bilan personnel, dans une perspective professionnelle ___________________________________ 67 a. Comparaison moyenne section / CP ________________________________________________ 67 b. Notre expérience par rapport à l’enseignement du développement durable _______________ 67 c. Ce que l’on retient professionnellement ____________________________________________ 68

Conclusion ________________________________________________________________ 69

Bibliographie ______________________________________________________________ 71

ANNEXES _________________________________________________________________ 73

I. Fiches de préparations de la séquence _________________________________________ 73

II. Photographies du projet ____________________________________________________ 79

1. Lettre de Béton et Bitume __________________________________________ 79 2. Un monde sans nature _____________________________________________ 80 3. La valise se remplit _______________________________________________ 81 4. Exemple de proposition de classification _______________________________ 81 5. Idées pour la mise en valeur ________________________________________ 82 6. L’exposition _____________________________________________________ 83 7. Documents d’explications pour l’exposition _____________________________ 87 8. QCM préparé pour les visiteurs de l’exposition __________________________ 88

Page 6: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

6

INTRODUCTION

Face aux problématiques socio-environnementales actuelles, il est d’un enjeu indéniable

pour nos sociétés d’entrer dans une démarche de prévention et de précaution vis à vis de

l’environnement. Cette préoccupation naît dès le 19ème siècle et se généralise aujourd’hui, en

témoignent certaines politiques gouvernementales en faveur de l’environnement, pensons

récemment à la COP 21 et à son dessein d’engagement pour la lutte contre le réchauffement

climatique.

1972 est une date importante dans cette prise en compte des enjeux sociétaux concernant

l’environnement. En effet, lors de la déclaration de Stockholm de cette année, le rapport PNUE-

GEO nous livrait les grands principes de protection de l’environnement. Nous constatons que

les nations unies et, plus largement, les gouvernements s’investissent et partagent peu à peu le

même discours sur la protection de l’environnement donnant à cette recherche de protection

une dimension universelle. La société civile quant à elle, semble également se mobiliser

activement au travers d’associations, ONG et autres biais d’engagements individuels et

collectifs.

En tant que futures enseignantes, nous considérons qu’une des réponses à cette “urgence

climatique” est bel et bien la transmission aux nouvelles générations d’une conscience

environnementale supposant une volonté d’engagement pour la protection de la nature. Ainsi,

naquit notre réflexion autour de cet enseignement au développement durable et notre désir de

nous l’approprier. Un colloque international en 1975 donne le ton pour cet “enseignement à”,

cela nous confirme une volonté plus générale ainsi qu’un certain espoir quant à l’assise de

nouvelles conditions permettant de réduire, à l’avenir, les problèmes environnementaux.

Ce travail de recherche et de mise en situation professionnelle s’appuie sur cette volonté

d’éduquer à l'environnement. Nous partons du principe qu’un lien avec le monde, un lien intime

est indispensable à la volonté de préservation de l’environnement. En effet, avant d’éduquer

aux comportements de prévention, au recyclage ou à la compréhension des enjeux

environnementaux il nous semble pertinent de renforcer ce lien avec la nature, cette

appartenance au monde. De cette dernière, nous pensons, émanera, chez l’enfant un désir de

respect et de protection de l'environnement et donc de recherche des moyens à sa disposition

Page 7: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

7

pour y parvenir. Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons

de campagne, les promenades familiales, les sorties au parc, la présence d’animaux dans la

maison ou un imaginaire découlant de lectures par exemple peut et doit être exacerbé dans

l’école. Lieu où chaque enfant passe le plus clair de son temps.

C’est bien par l'éducation au développement durable, que l’enfant aura l’occasion de se lier

davantage à son environnement, par la découverte, l’exploration et progressivement

l’acquisition de connaissances. Il s’agira principalement de travailler sur l'expérience sensible

du monde par des découvertes sensorielles d’objets naturels ramenés par les enfants au sein de

l'établissement scolaire.

Une fois que ce lien intime avec le monde est écouté et renforcé, il s’agit de le rendre commun.

En effet, la visée est bien d’amener l’enfant à prendre conscience de l’appartenance commune

au monde et de tendre vers une action collective et solidaire de protection. Il est du ressort de

l’école républicaine de se charger de ce passage d’un rapport intime au monde à une vision

partagée de l’environnement, ainsi notre recherche portera sur les moyens qu’elle possède et

qu’elle doit mettre en place pour y parvenir.

La vision de l’environnement que nous défendons ici, et que nous souhaitons partager, est en

effet celle d’une nature, non pas comme objet ou ressource personnelle mais bien comme

richesse collective.

Nous travaillerons donc, dans un premier temps, à mettre en évidence le rapport intime

qu’entretiennent les enfants avec l’environnement. Nous tâcherons d’exacerber dans nos classes

ce lien intime avec le monde par, comme nous l’avons dit, l’exploration, la découverte

sensorielle et sa verbalisation. Puis dans un second temps nous tenterons de développer, chez

nos élèves, une vision partagée de l’environnement. Cette seconde étape passera, entre autres,

par la transmission de connaissances scientifiques ainsi que par le recours aux arts visuels

permettant le développement d’un imaginaire commun et ce dans une logique de projet

collectif, à savoir, la création d’un cabinet de curiosités.

“L’éducation relative à l’environnement est cette dimension essentielle de l’éducation

fondamentale qui concerne notre relation au milieu de vie, à cette “maison de vie” partagée.

Au niveau personnel, l’éducation relative à l’environnement vise à construire une “identité”

Page 8: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

8

environnementale, (...) une appartenance au milieu de vie, une culture de l’engagement. A

l'échelle des communautés, puis à celle des réseaux de solidarité élargis, elle vise à induire des

dynamiques sociales favorisant l’approche collaborative et critique des réalités socio-

écologiques et une prise en charge autonome et créative des problèmes qui se posent et des

projets qui émergent” (Sauvé 2007, p.14).

Afin de rendre lisible cette réflexion et le projet qui en a découlé, nous ferons en premier

lieu un rapide retour sur les travaux théoriques sur le sujet. Il s’agira de présenter les analyses

dont s’est nourri notre travail ainsi que l’avancée de la recherche scientifique sur le sujet. Nous

tâcherons d’expliciter les enjeux de l’EDD et de notre projet pédagogique.

Dans un second temps, ce sera pour nous l’occasion de faire un point sur le travail effectué dans

nos classes autour de cette séquence de création d’un cabinet de curiosités. Nous présenterons

les données recueillies ainsi que notre analyse.

Notre recherche s’est déroulée lors de la troisième période et s’est étalée sur 6 semaines

de classe à travers un échantillon constitué de 2 classes ; 31 élèves de MS et 28 élèves de CP

et ce dans une l’école urbaine, “Joseph Cornier” de la Croix Rousse à Lyon. L’analyse que nous

avons menée est qualitative, elle est composée de l’analyse d’entretiens menés avec les élèves,

de l’analyse de dessins et de retranscriptions d’enregistrements réalisés sur le temps de classe.

Page 9: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

9

PARTIE 1

PARTIE ANALYTIQUE

Page 10: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

10

I. LES ENJEUX DE L’EDUCATION A L’ENVIRONNEMENT ET AU

DEVELOPPEMENT DURABLE

1. Définition et histoire de l’EDD

a. Définition

Education « pour l’environnement humain » ;

Education « pour l’environnement et le développement durable » ;

Education « pour le développement durable » …

Les termes sont multiples et font polémique. L’institution de l’éducation nationale

retient le terme d'Éducation au développement durable (EDD) que nous utiliserons ici. Mais

comment définir cette éducation à un développement durable ?

La définition qui nous sert de référence est celle de l’UNESCO (Cf. Décennie des Nations Unies

pour l’éducation en vue du développement durable 2005-2014) :

« L’éducation pour un développement durable, c’est à apprendre à :

- respecter, reconnaître la valeur et les richesses provenant du passé, tout en les préservant

- apprécier les merveilles de la Terre et de tous les peuples

- vivre dans un monde où chacun ait de quoi se nourrir pour une vie saine et productive

- évaluer, entretenir et améliorer l'état de notre planète

- construire et apprécier un monde meilleur, plus sécurisant, plus équitable

- être des citoyens concernés et responsables, exerçant leurs droits et responsabilités à tous les

niveaux : local, national et global. »

Les problématiques liées aux questions environnementales et au développement durable

apparaissent dans les années 1970. La Conférence des Nations Unies tenue à Stockholm en

1972 avait attiré l’attention de la communauté internationale sur les questions

environnementales, il s’agit du premier “sommet de la terre”.

Arrêtons-nous sur le concept de développement durable, formalisé en 1987 par le rapport de la

CMED (Commission mondiale sur l’environnement et le développement) des Nations Unies

(autrement appelé rapport Brudtland) “notre avenir à tous” il se définit comme "développement

qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de

Page 11: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

11

répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion :

- le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus

démunis, à qui il convient d'accorder la plus grande priorité,

Et

- l'idée des limitations qu’impose l'état de nos techniques et de notre organisation sociale

sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.

Ainsi, les objectifs du développement économique et social sont définis en fonction de la durée,

et ce dans tous les pays - développés ou en développement, à économie de marché ou à

économie planifiée. Les interprétations pourront varier d'un pays à l'autre, mais elles devront

comporter certains éléments communs et s'accorder sur la notion fondamentale de

développement durable et sur un cadre stratégique permettant d'y parvenir."

Le développement durable repose donc sur la solidarité entre les pays et les générations et

l'interdépendance entre environnement, société, économie et culture. Il y a donc à la fois la prise

en compte de la protection de l’environnement, de la croissance économique et de l’égalité

sociale.

De plus, en septembre 2002, suite aux déclarations au sommet mondial du

développement durable de Johannesburg, nous connaissons la naissance de l’éducation à

l'environnement (EDD). En effet, l’assemblée générale des Nations Unis adopte une résolution

proclamant la décennie des nations unies pour l’éducation au service du développement durable

et ce dès janvier 2005.

Cette décision révèle l’enjeu indéniable de former les générations futures à une conception de

la croissance économique raisonnée et respectueuse des impacts environnementaux, à ce projet

de société. L'éducation est devenue un levier dans le changement des comportements et des

mentalités dans le dessein de mieux préparer les générations futures à la préservation de

l’environnement.

Page 12: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

12

b. Objectifs à l’école primaire

« La finalité de l'éducation au développement durable est de donner au futur citoyen les

moyens de faire des choix en menant des raisonnements intégrant les questions complexes du

développement durable qui lui permettront de prendre des décisions, d'agir de manière lucide

et responsable, tant dans sa vie personnelle que dans la sphère publique » Circulaire de 2011.

L’éducation au développement durable a fait son apparition dans le code de l’éducation

; ce dernier stipule qu’elle doit débuter dès l’école primaire afin d'éveiller les enfants aux enjeux

environnementaux par une sensibilisation et une compréhension de l’environnement et des

impacts de l’homme sur ce dernier. Cette démarche manifeste une réelle prise de conscience

qu’un nouveau développement est nécessaire, un développement « qui répond aux besoins du

présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». L’EDD

a dorénavant toute sa place dans la mission éducative de l’école et concerne l’ensemble des

acteurs de la communauté éducative. Son objectif central étant d’éveiller les enfants aux enjeux

environnementaux, multiples et complexes tout en les dotant d’outils pour tendre vers une

attitude plus soucieuse de leur milieu.

A l’image du problème environnemental elle est complexe et nécessite une approche

systémique. Elle ne constitue pas une discipline à part entière, elle nécessite évidemment de

faire appel à d’autres processus pédagogiques, d’autres disciplines se nourrissant de

pluridisciplinarité, d'interdisciplinarité et de transversalité. En effet, les problèmes

environnementaux sont constitués d’un nombre d’éléments interdépendants importants, afin de

mieux comprendre les interactions entre ces derniers et la complexité qu’ils supposent il faut

développer, dans le cadre de l’EDD, une analyse pluridisciplinaire.

Elle peut donc être intégrée au sein de chaque discipline, faire appel à des partenariats, et ce,

dans une logique de décloisonnement des acteurs et des champs. Elle est associée à l’éducation

à la citoyenneté ou EMC mais également à l’éducation à la santé et aux risques domestiques.

Plus clairement et synthétiquement, L’EDD a pour objet central d’améliorer notre

rapport au monde, en lui donnant du sens et de l’importance. Elle a pour objectif le

développement de citoyens responsables et soucieux de leur environnement en s’appuyant sur

5 piliers :

Page 13: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

13

- apprendre à savoir

- apprendre à être

- apprendre à vivre ensemble

- apprendre à faire

- apprendre à se transformer soi-même ainsi que la société.

c. Un concept pluriel et complexe

L’EDD est plurielle, complexe à appréhender en terme de choix, d’appropriation ; il en

est de même quant à son enseignement et à la pédagogie à mettre en œuvre. En effet, enseigner

l’éducation relative à l‘environnement peut se faire par le biais de différentes approches. La

typologie de Lucas (1980-1981) nous éclaire sur ces dernières :

D’une part, transmettre un enseignement sur « l’environnement » : il s’agit ici de faire acquérir

à l’apprenant des connaissances, l’objet central étant le savoir.

Deuxièmement, « une éducation pour l’environnement » dont l’objectif principal serait de

changer les comportements et pratiques sociales, faisant adopter des gestes plus soucieux à

l’égard de l’environnement.

Et enfin une éducation « par et dans l’environnement » qui a pour objectif de construire un lien

d’appartenance entre la personne et son environnement, favoriser une certaine empathie à

l’égard du vivant et ainsi développer de réelles valeurs environnementales.

Cette dernière, l’approche interprétative selon Robottom et Hart (1993), centrée sur les

relations et les rapports entre l’individu et son environnement, désireuse de créer un lien étroit

entre ces deux entités, a attiré notre attention. En effet, dans notre société, caractérisée par une

forte urbanisation, des populations majoritairement citadines et sédentaires, le rapport à la

nature se pose. Cette dernière, est souvent oubliée dans nos villes, ou restreinte dans de simples

espaces verts ou étalages de supermarchés. Un « retour » à la nature, un contact direct avec le

monde du vivant semble important voire indispensable à l’émergence d’une conscience

environnementale chez les individus.

Page 14: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

14

2. Qu’entend-on par “environnement”?

a. Définition de l’environnement

Nous parlons de “l'environnement des élèves” mais c’est là un concept assez ambiguë

qui n’a pas trouvé “une” définition auprès des auteurs et praticiens. Il s’agit d’une réalité très

générale qui se voit modifiée en fonction de son contexte. L’environnement se réfère à ce qui

nous entoure.

Il peut être défini comme l’ensemble des aspects physiques, chimiques, biologiques et

des facteurs sociaux et économiques susceptibles d’avoir un effet sur les êtres vivants et

activités humaines. L’environnement est donc ce qui constitue le milieu ainsi que les conditions

de vie pour l’homme. Sauvé (1994) nous donne une typologie non exhaustive mais malgré tout

intéressante de cette notion dans le cadre de l’EDD :

- L’environnement problème (à prévenir, à résoudre) fait appel au développement

d’habiletés d’investigation critique des réalités du milieu de vie et de diagnostic des problèmes

qui s’y posent.

- L’environnement système (à comprendre, pour mieux décider) peut être appréhendé

par l’exercice de la pensée systémique.

- L’environnement biosphère (où vivre ensemble et à long terme) nous amène à prendre

en compte l’interdépendance des réalités socio-environnementales à l’échelle de la planète.

- L’environnement projet communautaire (où s’engager) est un lieu de coopération et

de partenariat pour réaliser les changements souhaités au sein d’une collectivité. Il importe

d’apprendre à vivre et à travailler ensemble, en « communautés d’apprentissage et de pratique”.

b. Des représentations diverses de l’environnement

A cela, s’ajoute les différentes représentations de l’environnement. De nombreuses typologies

de ces représentations ont été proposées par différents auteurs (Sauvé en 1997 ; Goffinen 1993

; Theysen 1993, Boilloit Grenon en 1996)

Page 15: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

15

Le biocentrisme, tout d’abord, l’environnement est assimilé à la nature et ses éléments vivant,

il se réduit donc à “des systèmes d’objets naturels en interaction” (Theysen 1993).

Dans l’anthropocentrisme, la nature n’a pas de valeur en soi. Elle la trouve dans la relation

qu’elle entretient avec les sociétés qui l’habitent, l’exploitent. L’environnement est centré sur

le besoins des hommes.

Quant à l’écocentrisme, il nous livre une vision de l’environnement comme système hybride,

constitué d’éléments naturels et d’éléments sociaux. Il y a donc une part de naturel et une part

de culturel. Dans cette perspective, l’écocentrisme intègre l’homme, le social et ses interactions

avec les éléments naturels. Cela fait écho à la représentation d’environnement système décrite

par Sauvé, l’environnement à comprendre pour mieux décider.

Enfin dans le sociocentrisme il s'agit davantage de s'intéresser aux phénomènes sociaux

impactant et impactés par l’environnement, les processus sociaux affectant l’environnement,

qu’ils soient politiques, culturels ou économiques. L’environnement est un objet social.

Il n’y a pas une meilleure représentation de l’environnement, chacune nous aide à avoir un

regard global sur l’environnement.

c. La problématique de l’EDD dans un environnement urbain

L’EDD peut prendre différentes formes, en effet, elle peut s’exercer en milieu urbain,

rural ou naturel. Etant jeunes enseignantes à Lyon, nous nous intéresserons particulièrement à

l’EDD en contexte urbain. De plus, la conjoncture actuelle, à savoir 80% de la population des

régions développées et la moitié de la population mondiale est urbaine, nous pousse à nous

interroger sur l'éducation au développement durable auprès d’enfants citadins.

Peu à peu l’homme a perdu le contact avec la nature en quittant l’environnement rural. Les

questions environnementales auxquelles nous sommes confrontées nous rappellent que nous

sommes le fruit de la nature et qu’il faut la protéger, l’EDD témoigne de cette prise de

conscience.

Il est donc du ressort de l’école que de permettre aux enfants de développer une conscience

environnementale. Nous l’avons dit, nous défendons une éducation par l’environnement, or

cette dernière semble plus compliquée dans un contexte urbain étant donné que la nature, à

causes des contraintes pratiques inhérentes, a du mal à rentrer dans les classes.

Or il est d’un enjeu indéniable de mettre l’enfant citadin en contact avec la nature car son lien

Page 16: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

16

avec cette dernière est plus abstrait, il est moins en contact direct avec la nature, ses découvertes

sensorielles et motrices ainsi que son exploration libre s’en voient limitées. Vivre dans la ville

a une influence différente dans la construction de l’être au monde, qu’une enfance à la

montagne, près de l’océan…

Cette observation reste tout de même à nuancer. En effet nous avons mené notre recherche dans

un contexte urbain mais qui demeure très favorisé. Les enfants que nous avons en classe

évoluent dans un quotidien certes urbain mais, dans leur grande majorité, bénéficient de

“weekends à la campagne” et ont une expérience significative d’environnements différents, ce

qui, pour eux, permet un lien d’attachement à la nature.

II. NOTRE APPROCHE DE L'ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT

1. Un prérequis : l'éducation par l’environnement pour une

conscience environnementale

a. Le respect et le développement d’un “être au monde”

« Il nous faut apprendre à ré-habiter collectivement nos milieux de vie, de façon

responsable, en fonction de valeurs sans cesse clarifiées et affirmées : apprendre à vivre ici,

ensemble – entre nous, humains, et aussi avec les autres formes de vie qui partagent et

composent notre environnement. » nous dit SAUVE dans la première page de son article publié

en 2009 (Vivre ensemble, sur Terre : Enjeux contemporains d’une éducation relative à

l’environnement)

Retisser notre lien avec la nature, pour nous permettre de nous engager pour elle ; voilà

l’hypothèse de cette recherche. Ce travail tentera de montrer que l’éducation par et dans

l’environnement est un prérequis au développement d’une conscience écologique chez les

apprenants, pour à terme, espérer un changement des pratiques sociales, plus soucieuses de la

nature. Idée partagée par Sauvé (2006, p. 5) :

Page 17: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

17

« L’apprentissage dans/par/pour le milieu, l’accent est souvent mis sur le

développement d’un sentiment d’appartenance au milieu, condition d’émergence d’un sens de

la responsabilité à l’égard de ce dernier »

Pellaud, quant à elle, nous donne les « 4 principes » de l’EDD ; adopter une démarche

systémique, se projeter dans l’avenir, mobiliser ses savoirs autour d’une action et enfin travailler

sur les représentations et valeurs. C’est bien sur ce dernier aspect, que le travail portera.

L’objectif étant une fois de plus, de modifier les représentations et valeurs des jeunes, afin

qu’une réelle curiosité naisse chez les apprenants à l’égard des savoirs, ainsi qu’une réelle

volonté de les mobiliser autour d’une action concrète et projetée dans le futur.

Cette évolution des représentations des individus, objectif de l’EDD, les rendant

responsables et désireux de protéger l’environnement, peut s’avérer être un réel combat dans

une société dont les intérêts poussent souvent à le détruire, à l’exploiter. Tout combat nécessite

courage, convictions et passion. L’idée serait que cette « passion » relevant de l’affecte,

indispensable à l’engagement, doit faire l’objet d’un travail, d’un apprentissage.

D’autant plus que des travaux de sciences cognitives ont montré que de nombreux processus

d’apprentissages s’expliquent par des paramètres d’ordre affectif et émotionnel. La relation

affective aux objets est donc à prendre en compte dans l’apprentissage.

L’EDD aurait son rôle à jouer dans l’émergence de cette « passion » qui naîtrait d’un

attachement affectif et émotionnel à la nature. C’est dans le contact direct, physique que

l’individu se lierait avec son environnement. Il faudrait donc travailler avec les enfants par

l’exploration libre, l’imaginaire, mais aussi le jeu, l’art. Il faut leur faire ressentir la nature, leur

permettre de l’explorer, de se sentir appartenir à elle, de se sentir petit en elle. Travailler sur

leurs ressentis, leurs souvenirs, leur donner le goût de cette nature, créer une certaine empathie

à l’égard de celle-ci, pour espérer, à terme, une fois un travail intellectuel et une maturation

effectués, un engagement de leur part. Il s’agirait donc bien de travailler sur l’imaginaire, la

sensibilité, l’expérience concrète et sensible du monde. Cette volonté part d’une réflexion :

L’exploration du monde est nécessaire au développement et à l’épanouissement de

Page 18: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

18

l’enfant. En effet, cette période est caractérisée par une réelle recherche d’autonomie, l’enfant

se sépare progressivement de sa famille, en particulier de sa mère, pour explorer le monde,

tester ses capacités motrices et apprendre à se sentir bien dans son milieu.

« Dès le plus jeune âge, la personnalité de l'enfant se construit dans la relation au

monde qui l'entoure. Par toutes ses expériences motrices et sensorielles, il incorpore lentement

les données du réel dans lequel il baigne » Cottereau (2007, p. 1)

La relation avec le non humain permet, le développement du sujet, elle favorise

l’expérimentation et la prise de conscience de ses possibilités et de ses limites. L'expérience de

la nature permet donc à l’enfant de peu à peu s’autonomiser.

Cette idée a fait l’objet d’un travail important du chercheur Berryman (2003, p. 58), qui

a développé le concept d’éco-ontogenèse, sur lequel, la présente recherche repose beaucoup :

« L’éducation relative à l’environnement, dans une perspective d’éco-ontogenèse, est une

dimension intégrante du développement des personnes et de la dynamique des groupes sociaux,

qui concerne les relations avec l’environnement et particulièrement les relations à la nature

dans l’éco-ontogenèse. Ce processus permanent a pour objectif global de favoriser, chez la

personne, l’apparentement avec l’environnement et avec la nature, afin de contribuer à

l’identité et au bien-être personnels et collectifs et afin de préserver la nature et les liens avec

la nature. Ce processus a aussi comme objectif de contribuer à connaître, à préserver, à

restaurer ou à améliorer les qualités du milieu de vie. »

b. Pour une pédagogie du sensible, de l’imaginaire

Pour développer cet “être au monde” nous rentrons dans une démarche mésologique,

soit, approcher l’environnement comme milieu de vie. Ce dernier s’intéresse à la dimension

humaine de l’environnement, construit à la jonction entre nature et culture, prenant en compte

ses dimensions historiques, culturelles, politiques, économiques, affectives, symboliques afin

de créer une réelle appartenance au monde, à l’environnement. Il s’agirait donc d’amener les

enfants à mieux connaître leur environnement proche. Nous comprenons que le champ est vaste

pour créer un lien et sentiment d’appartenance aux lieux de vies (qu’ils soient citadins ou

Page 19: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

19

ruraux). Bien évidemment, le contact avec la nature est à privilégier, par des sorties en plein

air, des classes vertes. Mais ce contact peut se faire de manière indirecte, par l’art par exemple.

Il est clairement énoncé que nous partirons sur des pistes de travail relevant du courant

humaniste faisant appel à sensorialité, à la sensibilité affective et à la créativité. Nous nous

inspirerons également de la pédagogie de l’imaginaire de Cottereau dont les activités se puisent

dans « l'expression artistique au sens large : la poésie, la peinture, la sculpture, le théâtre, la

musique, la danse, le mime, l'expression corporelle, la photographie, l'affiche publicitaire »

mais également des « activités comme l'artisanat, le jardinage, la pêche, le sport de pleine

nature, la balade du dimanche, la rêverie, le jeu libre de l’enfant sont des moments privilégiés

aussi importants dans un processus d’éducation environnementale » (Cottereau, 2005, p. 5).

Aussi nous avons énoncé en première partie l’enjeu d’enseigner au développement

durable en milieu urbain. C’est en écho à cela, afin de permettre aux enfants des villes, moins

en contact avec la nature, qu’une approche par l’art et l’imaginaire nous semble pertinente. En

effet, étant en incapacité de travailler sur le réel par l’exploration libre dans la nature nous nous

servirons des arts visuels afin de nourrir le monde intérieur de nos élèves. Selon nous cet univers

intérieur a toute sa place dans ce rapport “intime” au monde. Je peux ressentir la nature, entrer

en lien avec elle par le biais de l’art, de la musique, de la peinture, de la méditation.

L’art notamment, car il a trait au sensible, nous semble être un médiateur privilégié pour

aborder la question de l’éducation à l’environnement, tel que nous aimerions la transmettre.

L’expression artistique fait appel à notre monde intérieur le plus enfoui, à notre individualité, à

notre créativité personnelle. L’art a pour finalité de révéler l’artiste, de donner à voir son monde

intérieur, et à travers l’artiste il a pour but de dire le vrai, de rapprocher les hommes en révélant

leur universalité. Une éducation de l’imaginaire et du sensible passe ainsi par l’art en ceci qu’il

permet de s’exprimer, en dehors de soi, de rapprocher, de questionner, de faire prendre

conscience tout en parlant à l’affect et aux émotions.

L’art est intrinsèquement engagé, les artistes n’ont jamais été les derniers pour interroger les

sociétés, remettre en cause les ordres établis. Il semble ainsi que l’art ait son rôle à jouer dans

l’émergence d’une prise de conscience écologique. L’expression artistique c’est avoir un

Page 20: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

20

discours sur le monde, c’est parler à la fois à l’individualité et à l’universalité qui est en chacun

de nous.

2. Notre question de recherche : passer d’une pensée individuelle à une

conscience collective

Nous venons de voir qu’il semble nécessaire de travailler sur un rapport à la nature,

permettre un « être au monde », une « sensibilité environnementale » pour reprendre les termes

de Chawla (1992, 63-86). Le fait est qu’en questionnant le lien d’un individu à son

environnement, c’est également son rapport aux autres que l’on interroge. Ces « autres » ont

une influence non négligeable sur mon environnement, et sur ma relation avec ce dernier. Aussi,

je construis mon identité grâce à l’environnement mais également par rapport à l’autre. « Mon »

milieu de vie est partagé avec les autres, je suis lié à eux, par lui.

Aussi, Berryman, auteur dont s’inspire beaucoup ce travail, nous éclaire sur la question.

En effet, il passe d’une éco-onto-genèse à une socio-éco-onto-genèse. Cette évolution de

concept est liée à la prise de conscience d’une réalité construite socialement et reflétant des

intérêts particuliers. Il reprend le modèle de Berger et Luckmann de la dialectique du monde

social. « La première lecture serait celle de l’être humain qui produit la société. La seconde

lecture serait celle de la société qui produit l’être humain. La troisième lecture est alors celle

de la relation entre l’individuel et le collectif. »

Il faut se pencher sur la co-construction environnement/individu. Mettre en évidence

l’impact des différents acteurs, dispositifs et organisations.

Aussi, le dessein de l’EDD étant de rendre des individus responsables et soucieux de

l’environnement partagé, s’engageant en collectivité dans la protection de l’environnement, il

paraît indispensable de porter notre attention sur l’aspect collectif de l’engagement.

L’apprentissage du vivre ensemble, favorisé par la socialisation au sein d’un groupe classe,

d’une école semble être un terreau intéressant pour faire naître une vision partagée de ce monde.

Page 21: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

21

L’objet central de cette recherche sera donc de mettre en place les conditions pour

permettre aux élèves de passer d’un rapport intime et personnel au monde à une

représentation commune et collective de ce dernier et des enjeux qu’il suppose. Tendre à

un sentiment d’appartenance partagé au monde et à un désir de contribuer « ensemble » à sa

préservation. En définitive, passer d’une vision auto-centrique à une vision davantage

allocentrique ou « communautaire » de l’environnement.

3. Une piste de travail : la mise en projet

Il nous a semblé intéressant de nous pencher sur la pédagogie de projet pour répondre

à ce besoin de “faire ensemble” de promouvoir une réelle démarche collective. Le fond des

apprentissages est en effet indissociable de la forme. La prise de conscience d’un

environnement partagé, résultant du collectif, ne pouvait se faire par des dispositifs individuels.

Si nous voulons que les élèves, futurs citoyens de demain, soient les acteurs du changement, il

faut également les mettre dans l’action, collective qui plus est, dès le plus jeune âge.

La pédagogie de projet promet de favoriser des apprentissages à travers une réalisation

concrète, une production collective et, souvent, ouverte au public. Elle permet en effet, la

mobilisation de connaissances déjà acquises et la construction de nouvelles. La démarche

inductive qu’elle suppose, par des situations qui poussent à se questionner et nécessite

l’acquisition de savoirs et compétences, permet également la différenciation.

Elle offre la possibilité de faire appel à plusieurs disciplines, de faire des liens entre elle, et de

tirer profit de situations transversales pour sensibiliser à la complexité du monde.

Historiquement cette pédagogie a été théorisée par John Dewey, puis par William H.

Kilpatrick au début du XXe siècle. C’est une pédagogie dite active, le maître mot “learning by

doing”, elle promet de décentrer l’école, autrefois focalisée sur l’enseignant pour la centrer sur

l’élève. Catherine Reverdy nous indique que deux points sont essentiels dans cette pédagogie

par le projet : “un problème ou une question doit servir de fil directeur aux activités réalisées

Page 22: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

22

dans le projet, et ces activités doivent aboutir à un produit final qui apporte la solution au

problème. “. (Reverdy, 2013 p.5)

La motivation

Cette vision de l’éducation interroge tout d’abord la motivation des élèves. La perspective de

réaliser une production concrète et collective donne un sens et une finalité aux élèves. Pour

Michel Huber :

“ C’est un mode de finalisation de l’acte d’apprentissage. l’élève se mobilise et trouve du sens

à ses apprentissages dans une production à visée sociale qui le valorise” (Huber 2005, p.18).

Ainsi, la perspective de réaliser une œuvre collective, concrète, qui sera donnée à voir, tout en

répondant à des problèmes et en se questionnant permet de sortir du schéma selon lequel l’élève

apprend pour lui, pour avoir de bonnes notes, sans donner de sens à ses apprentissages.

Le projet comme facteur de coopération

Cette pédagogie fait appelle au socio-constructivisme, puisque les élèves travaillent ensemble,

confrontent leurs représentations, leurs points de vue. Elle encourage en ce sens la coopération

comme mode de travail. Catherine Reverdy nous dit ainsi “ le fait (est) qu’ils doivent rester

concentrés sur la seule réalisation du projet, et non sur une éventuelle compétition avec les

autres élèves, ce qui pourrait les dévier de leur objectif premier d’apprentissage”. (Reverdy

2013, p.9) Il s’agit bien ici de construire ensemble, de faire ensemble, dans le respect des talents

et des intérêts de chacun, vers un projet à dimension collective. P. Meirieu nous dit en ce sens

: “Il n’y a pas d’EDD sans mise en œuvre obstinée d’une pédagogie coopérative, apprentissage

commun où on ne réussit pas au détriment de l’autre mais avec lui (...) où l’on découvre le

plaisir d’apprendre ensemble.” (Meirieu, 2002, p.4)

Cette pédagogie semble alors correspondre à la vision que nous défendons de l’EDD, où il s’agit

de faire avec les autres, de prendre conscience que notre monde est partagé, tout en respectant

l’individualité de chacun.

Page 23: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

23

III. NOTRE PROJET : LA CONSTRUCTION D’UN CABINET DE CURIOSITES EN CP

ET MOYENNE SECTION

Afin de répondre à l’enjeu que nous nous sommes fixé, nous avons décidé de mettre en

place un projet de création d’un cabinet de curiosités auprès de nos classes de MS et de CP.

Cette démarche répond à nos deux attentes à savoir, respecter et développer le rapport intime à

la nature tout en mettant en place un dispositif de coopération afin que nos élèves puissent

développer une vision collective de leur environnement. Enfin elle a pour but de susciter une

attitude de curiosité à l’égard de notre environnement proche et plus généralement, pour les

productions artistiques, les institutions muséales, les autres pays et cultures, etc.

1. Pourquoi un cabinet de curiosités ?

a. La genèse du projet

Ce projet s’inspire de l’exposition temporaire du musée des confluences nommée “la chambre

des merveilles” Cette dernière, dont Eve-Marine Basuyaux et de Florence Reibell sont à la

scénographie remet au goût du jour le cabinet de curiosités.

Cette exposition veut notamment en effet rendre hommage aux cabinets de curiosités lyonnais,

dont le musée des Confluences est le digne héritier.

De cette visite, l’année dernière, une première et réelle réflexion professionnelle a émané. En

effet, pour la première fois nous nous sommes mises dans la peau d’enseignantes en imaginant

une sortie de classe au musée. Alors jeunes lauréates du concours de professorat des écoles,

l’aspect merveilleux et curieux de ces objets naturels nous faisant voyager dans un autre univers,

des lieux exotiques et des temps passés nous avait semblé être une activité riche pour susciter

l'intérêt de nos futurs élèves. En effet, c’était beau, cela suscitait curiosité et goût d’en savoir

davantage. Ce lieu plein de surprises et de beauté nous semblait un terreau intéressant pour

amener l’élève à vouloir en savoir plus sur son histoire, sa culture, celle des autres et sur la

nature. L’exposition vient réveiller cette curiosité qui anime les enfants. Elle sensibilise ses

visiteurs à l’origine des collections d’un musée et à la nécessité de les conserver et de les

inventorier.

Page 24: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

24

b. Qu’est-ce qu’un cabinet de curiosités ?

Apparus à la renaissance, les cabinets de curiosités sont les ancêtres des musées actuels

et ont joué un rôle important dans l’essor de la science moderne. Favorisés par les grandes

découvertes maritimes, les notables se mettent alors à collectionner toute sorte d’objets

exotiques et insolites. Les collectionneurs se servaient alors de leurs objets pour “comprendre

l’organisation du monde et de la nature” (Rivalain, 2001, p.18).

Ce qu’on appelle alors les “chambre de merveilles” sont un vecteur de connaissance du monde

et notamment de la nature. A Schnapper (1988, p.9.) présente ces “chambres de merveilles”

comme “ un microcosme... au sens de résumé du monde, où prennent place des objets de la

terre, des mers et des airs, ou des trois règnes, minéral, végétal et animal, à côté des

productions de l'homme” en un mot “un abrégé de la nature entière”. Ces lieux sont ainsi un

condensé de la nature d’ici et d’ailleurs, un endroit pour éveiller la curiosité, se questionner,

s’informer. Se côtoient dans les cabinets de curiosités deux catégories d’objets : les naturalia,

éléments purement naturels, et les artificalia éléments de la culture, transformés par les hommes

et toujours insolites.

Le terme “cabinet de curiosités” définit également le meuble qui servait de support à

l’exposition de ces objets. A. Rivalain nous le décrit ainsi : “Le cabinet est souvent un meuble

à tiroirs. Chez les plus riches, le cabinet devient un meuble en bois précieux, généralement en

ébène (...). Parfois chez les collectionneurs, les objets débordent du meuble, sont accrochés au

mur et jusqu'au plafond”. (Rivalain, 2001, p.23) Nous aurons ainsi pour souci de respecter

cette scénographie propre aux cabinets d’autrefois.

Les cabinets de curiosités dont nous tirons particulièrement notre inspiration, dans cette

démarche de “connexion” à la nature et de compréhension du monde, sont ceux du XVe,

exposant exclusivement des “naturalia”, objets de la nature. Ces cabinets étaient l’œuvre de

naturalistes, parmi lesquels Ulisse Aldrovandi de Bologne dont le cabinet de curiosités répond

au souci d’observation et de connaissance de la nature. Il comptait des milliers d’animaux, de

fruits et de minéraux, chacun accompagné d’un texte explicatif “afin de donner un portrait

exact du réel” (Rivalain 2001, p.20).

Page 25: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

25

c. Pourquoi l’adapter en classe

Nous partons du principe que loin d’être un défaut malsain la curiosité serait davantage un

moyen permettant l’exploration et le questionnement de notre monde, qu’il soit proche, lointain,

imaginaire ou réel. Ainsi, par la découverte, l’imagination, la recherche, l’accumulation, le tri,

la classification, l’organisation, la transformation et finalement l'exposition, les élèves auront la

possibilité d’assouvir ce désir de connaissances et de compréhension du monde.

Par l’esprit de collecte que l’exposition suppose, nous pensons leur permettre d’être plus

observateurs et présents au monde mais aussi de rentrer dans une logique de collection où il y

a toujours un objet manquant et donc par là, pérenniser cette observation du monde qui

m’entoure. De plus, tous les éléments qui la composent appartiennent à la classe, il nous semble

donc que cela peut avoir un impact fédérateur sur la classe.

Enfin, cette volonté fait écho aux programmes, par exemple ceux de 2002 disait ;

Au cycle 1, « l’école doit donner à l’enfant l’occasion de se familiariser avec les images et les

objets qui présentent une dimension affective ou esthétique. Cette fréquentation s’appuie

d’abord sur les motivations réelles de l’enfant pour conserver des images, des objets, les traces

d’un événement etc. L’enseignant doit lui fournir les supports et les moyens qui lui permettent

de commencer une collection personnelle et de l’enrichir. Il l’encourage à exprimer ce qui

motive son choix et son envie de conserver » (BO H.S. n° 1 du 14 février 2002)

Au cycle 2 ; « le musée de classe (collection collective) et le musée personnel (collection

individuelle) sont des moyens d’aider les élèves à établir des relations entre ce qu’il

collectionne par goût et par intérêt et ses propres productions. Encourageant le penchant

naturel des enfants à conserver et à rassembler, l’enseignant propose des reproductions

d’œuvres, des réserves d’images. Il peut proposer de constituer un magasin de curiosités,

véritable cabinet de merveilles qui réunit des objets collectés et classés faisant écho aux

recherches de la classe » (BO H.S. n° 1 du 14 février 2002)

Les programmes de 2016 vont à nouveau dans ce sens. Pour le cycle 1, il est dit : “ Autant que

Page 26: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

26

possible, les enfants sont initiés à la fréquentation d'espaces d'expositions”. Pour le cycle 2 le

“donner à voir” est inscrit dans les programmes : “des projets de réalisation artistique aboutis

permettent le passage de la production à l'exposition. Ce faisant, ils permettent aux élèves de

prendre conscience de l'importance du récepteur, des spectateurs.”(BO du 26 mars 2015)

Une notion essentielle qui apparaît dès le cycle 1 dans les programmes d’arts plastiques est celle

des choix esthétiques à effectuer. Or, la collection individuelle devient musée personnel dès

lors qu’un choix et une mise en scène ont été opérés pour qu’elle soit portée au regard d’un

éventuel spectateur. “Ce qui est en jeu dans ce passage de la collection à la production

plastique est, dans un premier temps, une façon de s’identifier et de se situer par rapport au

monde dans lequel on vit et d’autre part un moyen d’être reconnu en tant qu’individu”

(Giraudeau, 2007, p12).

Ainsi, le projet nous permettra de faire appel à beaucoup de compétences et ce dans des

disciplines variées. En arts visuels, par exemple, de travailler sur la mise en valeur et en histoire

des arts sur les institutions muséales. En sciences, d’explorer le domaine du vivant et la

classification scientifique. De manière transversale seront également abordés l’EMC à travers

ce travail de coopération, d’investissement dans un projet, de respect d’autrui ; mais également

le français par le langage oral, le graphisme et l’écrit.

L’objectif est d’exploiter des compétences déjà existantes tout en faisant acquérir de nouvelles

connaissances, des savoirs mobilisables et développer des pratiques de coopération et de souci

de l’environnement. Il s’agit de sensibiliser à la collection et à la préservation.

2. Ce projet en réponse à notre question de recherche

a. La collecte d’objets : le rapport intime au monde

Nous avons donc décidé de faire créer, à nos élèves, leur propre cabinet de curiosités.

Il sera demandé aux enfants de nos classes respectives, à savoir MS et CP, de ramener des

éléments, des « choses », des « merveilles » de leur environnement afin de les exposer dans

notre « exposition» ; dans notre « cabinet de curiosités ».

Page 27: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

27

A partir de la période 3, au retour des vacances de février donc, chaque mardi, chaque enfant

pourra ramener un objet de son choix. En atelier et en regroupement il présentera au groupe sa

trouvaille. Une recherche scientifique pourra être envisagée si des questions surgissent lors des

échanges spontanés entre les enfants.

Un travail important sur la découverte sensorielle des objets sera effectuée, les sentir, les

toucher afin de permettre à nos élèves de construire une réelle curiosité sensorielle à l’égard de

la nature et de tisser un vrai lien avec celle-ci.

Progressivement nous amènerons l’enfant à s’interroger sur le “donner à voir” en découlera une

interrogation sur la classification des objets pour que l’exposition prenne sens aux yeux des

spectateurs mais également sur l’aspect artistique avec un travail sur leur mise en valeur.

Comme explicité plus haut, nous partons du principe qu’un rapport intime à notre

environnement est un prérequis à l’émergence d’une volonté de le préserver, c’est donc dans

un souci de prendre en compte ce rapport intime que nous avons pensé ce projet. En effet, d’une

part cette recherche d’un élément de la nature se fera dans la sphère privée, en dehors de l’école

et de manière individuelle. Cela suppose que l’enfant aura le temps de le manipuler, le sentir,

le toucher. Cette découverte sensorielle lui permettra de s’en imprégner et de se l’approprier.

Aussi l’aspect personnel de l’objet implique évidemment un rapport intime avec lui.

Les élèves vont être amenés à opérer des choix, pourquoi tel objet ? A nous d’analyser les

raisons qui ont portées vers ce choix ; souvenir, esthétique, curiosité. Et donc de mettre en

évidence des rapports différenciés à la nature selon chaque enfant.

D’autre part, nous pensons qu’un tel projet amène l’enfant à être plus observateur de son

environnement. Dans la démarche de recherche de l’objet, de la trouvaille, l’enfant sera plus

alerte, plus à l’écoute, plus attentif et présent au monde. C’est dans le respect de cet « être au

monde » de cette présence au monde, que nous avons créé ce projet. En effet, l’enfant aura le

temps, extrascolaire, non coercitif, non communautaire, d’entrer en relation avec le monde qui

l’entoure, monde qui devient ainsi un partenaire, un donneur de « merveilles ». Cette nouvelle

vision de l’environnement, ce nouveau rapport à lui, permettra également, nous l’espérons,

d’aiguiser leur regard mais également d’attiser leur curiosité.

Page 28: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

28

b. Un projet collectif : vers une vision partagée de l’environnement

Ce dispositif permettra, comme nous venons de le montrer, de prendre en compte voire

de renforcer le rapport intime à l’environnement de tous nos élèves. La question est comment

tendre d’un rapport intime à une vision partagée du monde ? Et c’est bien dans la seconde phase,

scolaire cette fois que nous comptons répondre à cet objectif.

Nous émettons l’hypothèse, que cette organisation de cabinet de curiosités dans l’enceinte de

l’établissement scolaire va permettre à nos classes d’être sensibilisées à un environnement qui

serait partagé par tous.

Le fait d'amener à l’école l’objet personnel choisi par chacun de nos élèves représente

symboliquement ce passage de l’intime à la communauté, du personnel au partagé. Les objets

seront tous dans la même valise en classe, puis dans la même armoire lors de l’exposition. Cela

représente bien le passage de l’égo à l’allocentrique. L’objet représentant en effet ici l’intime

car il a été trouvé hors de l’école dans la sphère privée et a une dimension affective pour l’élève.

A l’inverse, la valise, et plus tard dans le projet l’armoire, représentent le collectif,

l’aboutissement du projet commun. .

Nous sommes bien ici dans la lignée de la pensée de Cottereau ; « Pour qu'une conscience

écologique se développe, une autre réversibilité est nécessaire : la réversibilité externe, celle

qui autorise les allers retours entre son monde personnel et le monde social » (2004, p. 4)

Un travail sera effectué, de la part de l’enseignant, pour expliquer aux élèves que ces objets

deviennent communs à partir du moment où ils sont entrés dans la classe, qu’ils sont là pour un

objectif commun : l’exposition. Entrer dans une dynamique de partage des objets qui permettra

une vision partagée de l’environnement, la mise en projet ; approche participative et

communautaire.

Ce projet promeut une vision commune de l’environnement aussi de par son aspect scientifique.

“L’être au monde” passe par l’exploration sensible du monde mais elle passe également par une

connaissance et une compréhension du monde.

Meirieu nous dit ainsi, qu’il faut faire “exister le monde”, selon lui “les psychologues montrent

Page 29: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

29

que pour l’enfant, le monde n’existe pas. Il vit dans l’égo-centrisme initial, et quand des nuages

qui cachent le soleil passent au-dessus de sa tête, il imagine que c’est parce qu’il vient de faire

une bêtise. Tout est ramené à lui, à sa subjectivité, à la toute-puissance de son imaginaire”.

(Meirieu, 2002, p.2)

Pour Meirieu, l’EDD passe donc par cette prise de conscience de “l’objectalité” du monde, c’est

à dire par l’idée que le monde existe en dehors de nous-même, qu’il faut faire avec cette réalité.

Nous rejoignons en effet cette hypothèse que pour vouloir “agir dans le monde” il faut d’abord

sortir de l’obscurantisme, avoir une conscience du monde et de sa complexité pour y habiter

pleinement, y trouver sa place, interagir et ne plus subir.

Ce projet est donc également centré autour de cette connaissance commune de la nature.

Aussi, ce projet mettant en participation active deux classes à niveaux différents, à savoir CP et

MS, semble intéressant pour engager les enfants dans une démarche collective. Leur permettre

de tendre à une vision partagée de l’environnement. En effet, il fait écho à cette logique du

développement durable, une logique de solidarité entre les peuples et les générations. Nous ne

sommes pas en contact direct avec nos futurs enfants/petits-enfants, avec les pays du sud mais

avons conscience de leurs intérêts et voulons leur donner leurs moyens d’y accéder.

Les CP et MS n’auront pas beaucoup de contacts, ils se verront d’ailleurs très peu permettant

ainsi de les rendre plus soucieux et conscients que l’on peut s’engager collectivement, s’engager

avec/pour les autres. Les deux classes, travaillent pour un intérêt commun même si elles ne

travaillent pas souvent “ensemble”, de manière regroupée sur le projet. Ce dispositif amène

ainsi à apprendre à accepter l’altérité, au sein de la classe déjà, mais également en dehors de la

classe (ce qui est d’autant plus difficile). En effet les élèves sont amenés à travailler ensemble

sans que les deux classes ne se voient, notamment lors du choix des objets, ou de la mise en

valeur de l’exposition. Il faudra alors apprendre à accepter les objets que les autres ont choisis

de montrer, à laisser de la place à l’autre classe dans l’armoire et à accepter les choix esthétiques

des autres dans la mise en valeur, tout en affirmant ses propres choix.

L’intérêt d’un projet inter-classe est également de s’appuyer sur les capacités et spécificités de

chacun dans une logique de tutorat. Les CP pourront peut-être apporter un certain regard et

certaines connaissances que n’ont pas encore acquises les moyennes section, notamment pour

ce qui est de l’écriture. Les moyennes sections à l’inverse amènent notamment un foisonnement

Page 30: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

30

de matériel dédié aux arts plastiques dont manque cruellement les classes d’élémentaire.

Aussi, le fait de travailler avec des classes de niveaux différents nous permet d’analyser

la réception de ce projet, en effet, cette volonté d’une vision plus partagée de l’environnement

semble difficile chez des enfants de si jeune âge, période de fort égocentrisme.

L’aspect intime du rapport au monde est très prégnant à cet âge-là, les enfants se construisent

aussi grâce au contact de la nature, ils se comparent à elle, découvrent leurs possibilités en elle.

Aussi, ils la découvrent et donc l’explorent de manière intense.

Il nous semblait donc intéressant de mettre en place cette séquence auprès de classes à niveaux

différents afin de comparer leur rapport au monde, voir si l’avancée dans ce stade intime presque

égocentrique évolue avec l'âge et est ou non un obstacle à la vision partagée de l'environnement.

Nous partons ainsi du postulat que les moyennes sections sont dans une phase plus

égocentrique, ils sont en pleine découverte de l’altérité et de la collectivité. Tandis que les CP

ont une expérience plus significative de l’école et donc de la conscience du groupe.

Le fait de travailler ensemble sur l’environnement permet également d’élargir les perspectives

des élèves. L’écologie s’intéresse au territoire, dans le sens d’un monde commun. Il semble

intéressant alors de regarder la provenance de l’objet (cette feuille vient de mon jardin / la mairie

/ la plage) pour permettre également à l’enfant d’exprimer l’environnement dans lequel il

évolue. Ces lieux peuvent pour certains élèves se recouper ou permettre d’aborder des territoires

inconnus par d’autres enfants.

c. Une réflexion pédagogique ; enseigner à la curiosité et la coopération

Le cabinet de curiosités dans une démarche de pédagogie de projet ;

Nous favorisons bien entendu l’approche coopérative « qui implique une communauté d’élèves

et d’adultes, et ses objectifs ne sont pas centrés uniquement sur les connaissances et les

comportements. Par ailleurs, en privilégiant une représentation communautaire de

l’environnement, elle constitue une démarche concrète basée sur l’environnement proche des

élèves, ce qui est largement recommandé par différents auteurs qui se sont intéressés à

l’éducation relative à l’environnement destinée aux élèves de primaire » (Fortin-Debart, 2005

Page 31: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

31

p.20)

Nous travaillons ici selon les principes de la pédagogie de projet, dont nous retenons la

définition donnée par Perrenoud (2002), pour qui une « démarche de projet (est):

- est une entreprise collective gérée par le groupe classe […] ;

- s’oriente vers une production concrète ;

- induit un ensemble de tâches dans lesquelles tous les élèves peuvent s’impliquer et jouer un

rôle actif, qui peut varier en fonction de leurs moyens et intérêts ;

- suscite l’apprentissage de savoirs et de savoir-faire de gestion de projet (décider, planifier,

coordonner, etc.) ;

- favorise en même temps des apprentissages identifiables (au moins après-coup) figurant au

programme d’une ou plusieurs disciplines ».

Ce projet est donc en effet pensé avant tout comme une entreprise collective qui vise une

réalisation concrète : l’exposition. Car il est avant tout transversal, ce projet vise à toucher tous

les élèves en faisant appel à leurs intelligences multiples, il ne s’adresse pas qu’aux élèves qui

auraient ramené un objet. Tous sont amenés à avoir un rôle à jouer, notamment grâce à cet

aspect transversal qui fait appel à différentes disciplines: les arts visuels, le français, les

sciences.

L’enfant est dans une situation où l’acquisition de nouvelles connaissances et compétences est

indispensable à la résolution ou à l’avancée dans le projet. Il s’agit d’une première approche de

la complexité du réel, du monde qui nous entoure : redonner à la nature sa complexité aux yeux

des élèves.

Le projet est aussi l’occasion de faire un travail sur l’ambiance du groupe-classe. Il est parfois

difficile de mettre en place de réels dispositifs coopératifs dans les classes, le projet amène cette

volonté de les faire travailler ensemble dans un dessein commun. Loin d’une logique de mise

en compétition des élèves, les enfants sont ici amenés à collaborer réellement avec chacun leur

intimité, leurs intérêts et leurs talents.

On l’a dit, l’EDD a pour objectif de former des jeunes responsables, mus par une volonté

d’engagement individuel et collectif pour la nature. Or, les mettre en action, les habituer, dès le

plus jeune âge à fonctionner au sein d’un groupe, à faire des choix, des compromis nous semble

Page 32: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

32

être un prisme intéressant en réponse à ce dessein. Ils sont alors décideurs, penseurs de

l’exposition, ils ont une prise sur les choses, l’organisation, la scénographie, les objets qu’ils

ramènent, l’invitation des parents, les lettres écrites aux classes, aux personnages fictifs, etc.

Le cabinet de curiosités pour s’interroger, découvrir et apprendre ensemble

La spontanéité est inhérente au projet, en effet, nous, enseignantes n’avons aucune prise

sur les objets ramenés par les enfants et les questions qui émaneront de leur présentation. Il

s’agit ici donc bien de retourner cette situation de l’enseignant comme “transmetteur de

savoirs”. Les recherches se feront ensemble, ou d’une semaine sur l’autre. Attisant la curiosité

tout en changeant de regard sur la relation élève-enseignant ou plus largement élève-école.

L'enseignant et l’élève sont engagés ensemble dans le même processus de compréhension du

monde, d’engagement pour autrui, de construction de projet commun. L’élève est transmetteur

de savoir, l’enseignant est à l’écoute de ses choix, de ses désirs et idées. Il propose, explique,

imagine. L’enseignant quant à lui a pour objectif de l’enrôler, le rendre curieux et assouvir sa

soif d’apprendre.

L’hypothèse que nous formulons est également que l’enseignant prend alors plus de plaisir dans

sa pratique professionnelle. Il découvre avec ses élèves, apprend et découvre à leur contact,

grâce à eux. De plus cela semble également un biais pour l’enseignant de mieux connaître ses

élèves. En effet, ramené un objet de sa sphère personnelle permet à l’enfant de faire le lien entre

son monde intime et l’école, mais cela permet aussi à l’enseignant de découvrir les élèves hors

du cadre purement scolaire.

d. Une démarche artistique et de partage

Ces objets une fois amassés, observés, analysés à travers leur aspect sensitif et “intellectuel”

seront donnés à voir. Cette dimension artistique, inhérente aux cabinets de curiosités est une

partie importante de notre projet. Les cabinets de curiosités tels qu’on les conçoit et tels qu’ils

ont été dévoilés dans l’exposition du Musée des Confluences ont en effet vocation à faire

s’émerveiller et à être le reflet d’une réelle expression artistique. Car il s’agit d’une expérience

Page 33: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

33

d’abord artistique et donc sensible, ce projet interroge le rapport de chacun à la nature, dans

son individualité, le versant collectif, de l’exposition permet une réelle expérience partagée de

notre rapport au monde.

Ainsi, les objets de notre collection amenés en classe par les élèves, dont nous avons parlé, que

nous avons côtoyé, exploré pendant plusieurs semaines en classe, et auxquels le groupe a fini

par s’attacher de manière collective doivent ainsi être mis en valeur, sublimés, classés,

regroupés pour être montrés, partagés à un public extérieur.

Ce travail sur la mise en valeur nous semble intéressant dans une démarche de protection de la

nature, les élèves dans une logique de sublimation de l’objet prennent ainsi conscience de leur

possibilité d’action sur l’environnement. Par cet impact qu’auront les enfants sur les objets dans

le cadre du travail en arts-visuels nous voyons une manière d’amener l’enfant à se sentir acteur

sur son environnement. De plus il permet de travailler sur la représentation mentale,

l’imaginaire et donc d’approfondir le rapport intime et d’exacerber le lien homme-nature.

La classification et les choix plastiques seront à effectuer dans l’armoire. Les élèves subliment,

ils rangent, organisent ; c’est une redécouverte de leur objets au travers de ces choix opérés, de

ces catégories effectuées et cela permet donc de prendre du recul par rapport à leur objet initial :

“J'appréhende maintenant ces objets comme un tout, mon objet appartient à un tout.” Cela

suppose donc une certaine mise à distance de son objet, sortir progressivement de son rapport

intime à l’objet, à se décentrer pour aller vers une vision plus commune de l’exposition. Non

plus appréhender l’objet en tant que tel mais la collection dans son ensemble.

Comme nous le dit Dimitris Daskalopoulos “collectionner, c’est créer un tout dans lequel les

œuvres d’art peuvent nouer un dialogue et ainsi en dire plus que ce qu’elles diraient de façon

individuelle”. Il souligne également que le mot “collection” provient des mots grecs “parler” et

“ensemble”1.

Cet esprit artistique, dont la finalité est d’être vu et partagé grâce à l’art est l’aboutissement du

projet. Cette exposition qui sera la “production concrète et finale” de notre projet donne un sens

1. Dimitris Daskalopoulos, cité dans Organizando una galería en mi mente : Dimitris

Daskalopoulos con Nancy Spector. In : El intervalo luminoso.

Page 34: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

34

et une motivation pour les élèves. Montrer leur travail à leurs proches valorise grandement leur

travail. Enfin cette exposition est également l’occasion pour les élèves de devenir médiateurs

du projet, d’expliquer les choix opérés, les découvertes faites aux autres, ils sont bel et bien

encore acteurs de leur projets. C’est également pour nous l’occasion d’appréhender la “réussite”

de notre expérience, nous regarderons ainsi si les élèves arrivent à se décentrer de leur objet

personnel et bien de présenter le cabinet de curiosités comme le fruit d’un travail collectif entre

les deux classes.

Page 35: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

35

PARTIE 2

MISE EN ŒUVRE DU PROJET

Page 36: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

36

I. SEQUENCE ET RECUEIL DE DONNEES

Nous avons pensé ce projet au travers d’une séance qui a été mise en place chaque mardi sur

un peu plus d’une période scolaire, du 14 février au 2 mai 2017.

Voilà un plan de la séquence à partir duquel nous détaillerons chaque séance :

Séance Titre

1 Un monde sans nature

2 Découverte des objets (1)

3 Découverte des objets (2)

4 Classification (1)

5 Classification (2)

6 Mise en valeur (1)

7 Mise en valeur (2)

8 Mise en valeur/ Exposition

(3)

Le recueil de données au cours de ces séances s’est fait par plusieurs moyens, notamment

par la récolte des productions élèves, mais également par le rapport écrit et les

enregistrements vocaux des échanges qui ont eu lieu pendant la classe.

1. Séance 1 : enrôlement dans le projet

a. Explication de la séance

L’élément initiateur du projet a été la réception d’une lettre d’une lettre dans chacune de nos

deux classes. A la veille des vacances de février nous avons en effet reçu une lettre (voir

annexe) que deux personnages imaginaires, Béton et Bitume, auraient envoyée à nos élèves.

Dans cette lettre, Béton et Bitume expliquent qu’ils vivent dans un monde sans nature et

qu’ils souhaiteraient découvrir la nature de la terre à travers une exposition.

Page 37: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

37

Cette lettre avait plusieurs fonctions. Tout d’abord nous voulions que les enfants se plongent

dans un monde inconnu où la nature n’existerait pas afin de se questionner sur ce qu’est la

nature. Pour initier cette réflexion nous avons choisi d’écrire cette lettre au marqueur sur du

papier aluminium. Cela a eu pour effet de susciter la curiosité des élèves mais nous avons

pu également leur demander pourquoi cette lettre avait cette forme pour le moins étrange.

Les moyenne sections ont tout d’abord recueilli les représentations de ce monde sans nature

à l’oral, puis sont passés par un biais non verbal, le dessin, tandis que les CP sont passés

directement par le dessin et ont ensuite expliqué leurs productions à la classe.

La deuxième fonction de la lettre était de passer commande auprès des élèves. Béton et

Bitume leur ont en effet demandé de mettre en place une exposition pour découvrir la nature.

Cela a permis d’entamer une discussion sur les expositions, les musées, leur rôles,

l’expérience des élèves par rapports aux musées, etc. et de les enrôler dans ce projet.

Nous avons terminé cette séance par une liste d’exemples d’objets qu’il était possible de

ramener afin de les exposer dans notre exposition.

Cette séance a eu lieu juste avant les vacances de février, les élèves sont donc partis en

vacances avec la consigne de ramener pour le mardi de la rentrée un objet appartenant à la

nature qu’ils avaient envie d’intégrer dans notre future exposition. Cette consigne, et le projet

ont été expliqués aux parents par un mot dans le cahier de liaison (voir annexe).

b. Recueil et analyse des données

Accueil des élèves par rapport à la lettre

L’inducteur, à savoir, la lettre en aluminium envoyée par les deux personnages que sont

Béton et Bitume a très bien fonctionné. En effet, les élèves étaient particulièrement attentifs.

De plus, nous avons constaté un enrôlement dans l’activité presque immédiat car à la suite

de la lecture, des questions spontanées ont émergées ; “c’est quoi une exposition?” “Est-ce

que c’est des vrais hommes ?” “Ils existent vraiment ?” “Ils viennent quand ? je n’ai pas

compris” “Bitume c’est une fille ou un garçon ?”

Page 38: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

38

L’utilisation de personnages imaginaires semble également avoir été une bonne idée. En

effet, cela a permis à nos élèves de mettre une personne derrière ce projet, l’objectif semblait

plus clair. L’avantage de cet inducteur a été qu’il posait une question que les élèves auraient

pour tâche de résoudre.

Tout au long de la séquence, les références à Béton et Bitume étaient incessantes. Les

enfants, lorsqu’ils ramenaient un objet expliquaient que ces derniers seraient curieux de les

découvrir. Quand lors de lectures offertes ou autre activité, la discussion s’engageait autour

de la nature, la référence au monde sans nature de Béton et Bitume ne se faisait pas attendre.

Aussi, et pour insister sur le fait que les enfants se sont attachés à ses personnages, même les

parents faisaient appel à ces deux êtres, souvent de manière comique ; “alors quand viennent

ils ces fameux Béton et Bitume ?”

Ces deux personnages ont donc bien permis à l’enfant de rendre plus concret le travail

d’exposition, l’objectif étant d’aider Béton et Bitume à visualiser un monde naturel.

Représentation de ce monde sans nature

Suite à la lecture de la lettre de Béton et Bitume, l’enseignant demande aux enfants de fermer

les yeux et de se représenter silencieusement un monde sans nature pendant une trentaine de

secondes. Il s’agit ici pour l’enseignant de susciter l’élaboration d’une image mentale chez

l’enfant, lui faisant ainsi construire un monde mental, un objet sans sa présence à partir de

données extérieures, dépassant ainsi la perception immédiate. C’est donc un travail

intermédiaire entre le concret et l’abstrait.

A la suite de cette représentation mentale une discussion dirigée autour de la question d’un

monde sans nature permet de faire émerger quelques représentations des élèves.

L’enseignant (MS) demande aux enfants de les verbaliser :

“Pouvez-vous me décrire le monde que vous avez imaginé dans vos têtes ? ”

Moyenne section

-“Il y avait des immeubles avec des fenêtres et Béton et Bitume ils se

baladent”

Page 39: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

39

- “Ils tuent des animaux pour les manger”

- “Bah non les animaux c’est la nature”

On constate que la représentation d’un monde sans nature s’apparente à un monde urbain

pour les élèves. Cela se confirmera dans leurs dessins.

Les descriptions du monde imaginée par les élèves laissent rapidement la place à des

interrogations relevant ainsi la difficulté de ce travail.

- “Est ce qu’il y a des maisons dans un monde sans nature ?”

- “ Est ce qu’ils ont des arbres ? De l’air ? Des poissons ? Des voitures ?”

Une discussion intéressante émane de cet échange ;

- “Est ce qu’il y a des cailloux ?

- Oui leurs cailloux ils sont brillants

- Bah non ils ont que de l’herbe.

- L’herbe elle pousse de la terre donc c’est la nature

- Non le sol sort des pelleteuses c’est pas la nature”

“Avant c’était de la pierre mais il y a un camion qui vient pour mettre du

gravier sur la route alors ça devient du gravier. “

“...”

“Maitresse quand je disais du gravier c’était du gravier de travaux”

Cet élève met en évidence l’action de l’homme sur la nature qu’il altère. Il pointe à ses

camarades que tout ce qui n’est pas la nature est le fait de l’homme. Cette activité de

l’homme comme destructrice de nature revient également dans le dessin de ce même enfant,

en effet il insiste lors de la dictée à l’adulte sur le fait que les immeubles en carton ont été

fabriqués par les hommes.

Nous avons été confrontées à une difficulté dans l’échange et sa qualité du fait de l’effectif

important de nos deux classes. En effet, ces temps ont été organisés en regroupement

collectif. Les élèves avaient peu d’espace de parole, souvent les élèves oubliaient ce qu’ils

voulaient dire pour répondre aux affirmations ou questions des autres lorsque nous les

Page 40: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

40

interrogions. Aussi, nous n’avons pas pu interroger tous les élèves.

Dessins du monde sans nature

De ces dessins ressortent plusieurs représentations du monde sans nature :

Un espace urbain

Le monde sans nature est assimilé à un espace urbain :

Nous remarquons dans leurs dessins beaucoup d’immeubles, de maisons. Ces derniers sont

grands, l’un d’eux appuie sur le fait qu’il y a beaucoup de fenêtres. Ils sont étranges,

originaux, l’un les fait marcher par exemple.

MS

ULYSSE : Un immeuble fait de pierres en carton (des gens les ont

fabriquées) ; la ville est à l'intérieur

MILAN : des maisons qui marchent

GWEN : Béton et Bitume ont deux maisons avec plein de fenêtres

TIMEO : il pleut, c’est une maison, un immeuble

CP

ALEXANDRE: “ Béton et Bitume je les ai fait tout petits, parce qu’on peut

pas grandir si on n’a pas de nature. C’est le monde des contraires, c’est un

monde très grand mais il n’y a que 3 urbanoïdes”

SIRINE :”Est-ce que je peux dessiner un soleil ? Ça fait partie de la nature

?”

SANAE: “J’ai dessiné un oiseau. il peut y avoir des oiseaux quand même

dans leur monde ?”

JULES : “Ces nuages c’est des nuages de fumée des maisons”

PAUL : “Le noyau de la planète c’est un immeuble”

Nous retrouvons également beaucoup de moyens de transports spécifiques aux grandes villes

tels que le train, le bateau par la présence d’un port, la voiture ou le 4x4. La présence de ces

Page 41: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

41

moyens de transport est à analyser dans le sens de la pollution qu’ils produisent et qui est

assimilée à une destruction de l’environnement.

JOSEPH : “Il y a un garage et une maison, ils sont dans leur voiture. Ils

rentrent chez eux. ”

PABLO : “Un 4x4 , une maison, un arbre et une branche d’arbre”

Certains enfants dessinent un environnement qui peut paraître familier : une ville avec des

bâtiments sur lesquels sont écrits “école” ou “cinéma”.

Aussi, 4 enfants dessinent des sources de lumière comme le réverbère, assez associables à la

ville.

ADELE H : Lanterne, branche qui tombe, des cailloux.”

MATHEIS : “Une lampe torche, des roches, des vagues de la mer, une fusée,

une voiture de course, un 4X4, une porte, un arbre, une maison.”

NAEL : “Des escaliers et une lanterne pour la nuit”

Ces réverbères nous permettent de soulever un autre aspect intéressant qui ressort, à savoir,

un aspect plus noir, “triste”.

Ville morte, maussade, triste

La présence de lampe torche, de réverbère, de lanterne soulève un caractère sombre, un

monde où il y aurait besoin de lumière. Un endroit peu rassurant.

Cela se confirme par la météo, plutôt maussade ; il pleut dans plusieurs dessins. Un enfant

décrit un orage, un autre dit qu’il pleut fort alors Béton et Bitume décident de rentrer chez

eux, l’autre remplit le ciel de nuages. Ici nous constatons le lien étroit avec le caractère

émotionnel de la relation à l’environnement.

COLOMBE : “Il y a un volcan, il pleut, un train qui passe sur le port”

LOUISA : “Maison et nuages, rien par terre parce que pas de nature”

Page 42: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

42

Lieu apocalyptique

Enfin il faut aussi faire remarquer qu’un aspect apocalyptique ressort de leurs travaux : des

volcans, des météorites, une boule de feu et une fusée nous peignent un monde détruit.

GWEN : “Une météorite ; des voitures ; du vent ; une lampe ; des cailloux.

Béton et Bitume ont deux maisons avec plein de fenêtres”

LOU : “C’est une ville un petit peu pauvre. Il n’y a rien pour se nourrir parce

qu’il n’y a rien pour fabriquer”

ADELE. D : “Des nuages et un soleil qui brille”

Ce qui ressort des représentations du monde sans nature de nos élèves est donc un milieu

assez urbain nous l’avons dit, mais ce qui semble intéressant est qu’il se mêle à des éléments

plutôt négatifs ; une météo maussade, de la pluie, de l’orage et des éléments de destruction

massive comme la météorite ou le volcan. En cela nous pouvons dire que le manque de

nature est donc perçu comme un mal pour l’homme, quelque chose qui le conduirait à sa

perte. Par la présence de voitures, de béton, nous constatons également que l’enfant citadin

fait l'expérience d’un environnement destructeur où l’homme par son impact altère la nature.

2. Séances 2 et 3 : découverte sensorielle des objets

a. Explication de la séance

Lors de cette séance en début de période 3 les élèves commencent à ramener leurs

premiers objets. Ils découvrent la valise à curiosités dans laquelle ils déposeront seuls leurs

trouvailles. Cette autonomie dans l’action est importante, en effet elle représente un acte

symbolique de détachement à son objet.

L’usage de cette valise permet à l’enseignant et à la classe de bien identifier la collection

d’objets naturels. Elle sera en accès libre tout au long de la journée, et de la semaine. Elle

participe, par sa présence, à la conscientisation et à la matérialisation du projet d’exposition

pour Béton et Bitume. Elle met en évidence l’accumulation d’objets, en effet, de semaine en

semaine elle se remplit.

Page 43: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

43

La valise restant ouverte, les élèves peuvent découvrir librement tous les objets. Un travail

important de la part de l’enseignant sera effectué sur le soin à apporter à ses objets, à la

protection de ces choses fragiles auxquels chaque enfant tient. Afin de ne rien détruire et

donc de respecter l’attachement des enfants à leurs objets mais également, et plus

généralement, de les sensibiliser à la protection de la nature.

Puis, en petits groupes, les élèves seront amenés à découvrir les objets de manière plus

approfondie et sensorielle. Il sera alors l’occasion de travailler sur les 5 sens, dont

particulièrement, le toucher, la vue et l’odorat. Ce travail de perception est une activité

mentale intéressante permettant d'appréhender notre environnement grâce à nos différents

sens. Très présent dans la pédagogie de Montessori, il permet à l’enfant de développer sa

capacité d’abstraction, en effet elle nous indique que le développement des sens et celui de

l’intellect sont liés.

« L’enfant est (..) un observateur qui enregistre activement les images au moyen de ses

sens.»

(Maria Montessori, l’enfant, 1936)

Chaque objet fera l’objet d’une expertise afin de travailler des compétences langagières et

d’affiner leur perception des objets naturels. Ce travail sur le langage participera à une

meilleure attention du monde, en effet, mettre des mots sur ses ressentis permettra aux

enfants de mieux les écouter, percevoir et analyser à l’avenir. Cette découverte sensorielle

permet également aux enfants de s’attacher aux objets, de rentrer en lien plus intime avec

eux, de s’en imprégner. Cette partie du projet fait écho à “l'être au monde”. Il s’agit bien ici

de faire rentrer les enfants en contact direct avec la nature, de les faire explorer les objets

avec leur corps, leurs sens et ce de manière individuelle.

Ces derniers étant sortis de leur contexte il s’agira aussi de faire un travail imaginaire, de

représentation mentale pour deviner ou imaginer son lieu d’origine (coquillage, branche,

pierre etc.). Un aspect plus rêveur/méditatif de la séquence, qui répond également à l’objectif

de lier l’enfant de manière affective aux objets de la classe.

Page 44: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

44

De plus, dans le cadre de cette recherche nous nous sommes intéressées aux choix opérés

par l’enfant, nous avons donc amené certains de nos élèves à nous les expliciter en leur

demandant : “Pourquoi as-tu choisi cet objet?”

La troisième séance est similaire à la seconde, les élèves qui n’avaient pas ramené d’objets

la semaine d’avant présentent les leurs, s'ensuit une découverte sensorielle.

b. Recueil et analyse des données

En CP, sur 28 élèves, 18 ont ramené un objet au cours des deux séances.

En MS, sur 31 élèves 24 ont ramené un/des objets au cours de la séquence.

Découverte sensorielle

Inaya : “on entend le bruit de la plage dans les coquillages”

Les élèves sont très sensibles au toucher : le piquant du corail et la douceur de certaines

feuilles. Ils remarquent que la cire d’abeille a la même odeur que le miel, écoutent également

le bruit de la mer dans les coquillages. Ils manifestent un grand intérêt pour les objets, les

enfants ont envie de tout toucher, de tout sentir. Les remarques “laisse-moi sentir ; fais

toucher” sont incessants dans ce temps, les enfants sont désireux d'être en contact physique

avec l’objet, de se l’approprier à l’aide de leurs sens.

Choix opéré : Pourquoi as-tu choisi cet objet?

Nous constatons plusieurs critères de choix des objets ; esthétique, lié à l’intime, au

sensoriel :

Page 45: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

45

CHOIX ESTHÉTIQUE :

MS

JOSEPH : « Parce qu’elle est toute noire… qu’elle est très belle et parce

qu’elle est verte dessus. »

LOUISE : « Il y en avait plein d’autres mais elles étaient toutes moches. Elle,

elle est belle parce qu’elle est lisse »

TIMEO : « Parce que c’était doux, et puis c’est beau »

LOU : « J’aimais bien, ça ressemblait à un chapeau.

CP

ALIENOR : “J’ai pris cette petite pomme de pin parce que c’est la plus petite

que j’ai vu dans ma vie, je l’ai trouvée mignonne”

Le critère de la beauté revient souvent, les enfants expriment ce rapport d'émerveillement

qu’ils ont à la nature. Ils sont touchés par ce qui est beau.

RAPPORT INTIME / LIEN AFFECTIF

Lié aux parents :

MS

LOU : « Parce que c’était dans mon jardin. Papa il a déraciné un arbre, on

a arraché une branche. J’habite au RDC »

ZELIE : « C’est une pierre que mon papa m’a achetée. Si on fait tomber ça

casse. Je l’aime parce qu’il est tout noir. »

KAHYLA : « Je l’ai trouvé dans les bois, avec maman et papa quand ils

étaient amoureux. Ils se sont disputés. Elle était dans ma petite boîte en

plastique, dedans y a aussi des pierres et des bonbons. »

JOSEPH : « Je l’ai trouvé dans une petite forêt, pas trop loin de Lyon. Sur

une petite montagne. On peut faire du cerf-volant seulement quand il y a du

vent. » « Maman elle m’a dit ce que c’était, ça c’est les gris j’ai pas ramené

les jaune, ah non ça c’est les jaunes mais il y aussi des gris »

Page 46: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

46

CP

JULES : “ J’ai pris ces bouts de bois parce que c’est mon papi qui m’a appris

à compter avec”

CLEMENT : “J’ai ramené ce coquillage parce que c’est ma babysitter qui

me l’a ramené du Mexique, je l’aime beaucoup”

TERENCE : “J’ai ramené un coquillage. c’est mon père qui l’a trouvé. ça

s’appelle un Nautile, il l’a trouvé en nouvelle Calédonie.

MANOLAY : “C’est un nid de guêpe. on l’a trouvé à la campagne. Il n’y

avait plus de guêpe dedans.”

ROMANE : “C’est une pousse de pépin de pomme, j’ai planté un pépin avec

mon père et ça a poussé”

Lié à soi, davantage égocentrique :

GAELLE : « C’est les fleurs de mon jardin » « des cailloux dans les parcs »

ANDREA : “C’est une feuille, la forêt elle était froide et il y avait pas de

loups. J’ai un dernier truc à présenter, ça ressemble à une pomme de pin je

l’ai trouvé dans le parc popy, j’avais ma trottinette. Je l’ai trouvé moi juste

à côté, là ou y a des arbres, je l’ai trouvé. Ça s’est comme une pomme de

pin.”

VIOLETTE : “J’ai pris cette branche que j’ai chez moi. Je l’ai trouvée en

jouant dans le jardin d’une copine de mon ancienne école. On a joué toute la

journée avec parce qu'elle a une forme marrante”

Le lien intime avec l’objet, qui nous renvoie à un moment apprécié est souvent évoqué, un

moment partagé avec un proche, les parents principalement. Cet objet renvoie à ce moment

d’où un certain attachement affectif à ce dernier. La nature, ses objets (et les ressentis qu’elle

suppose ; les odeurs, les matières) renvoient à un instant passé/présent, à des émotions, à des

souvenirs.

Page 47: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

47

SENSORIEL :

GAELLE : « J’ai choisi parce que les fleurs sentaient très bon »

LOUISA : « Elle, elle est belle parce qu’elle est lisse »

TIMEO : « Parce que c’était doux, et puis c’est beau »

Rapport sensoriel au monde qui nous entoure, d’où le travail sur les 5 sens. Attiser et

développer ce rapport sensoriel qui nous lie au monde, lien indispensable pour une future

protection de cet environnement.

DÉMARCHE DE PARTAGE :

MS

ULYSSE : « Parce que j’avais envie. Je voulais vous montrer. Oui je l’aime

bien. Parce que ça pousse dans le désert et j’y suis jamais allé mais j’aime

bien.»

CP

SANAE : “Je l’ai prise parce que c’est original, j’ai pensé que vous n’en

aviez peut-être jamais vu”.

Ce stade semble plus avancé dans le rapport au monde partagé : “j’aime cet objet car il me

renvoie à quelque chose qui me fascine (intime) je veux faire partager ca à autrui”.

Certains élèves n’ont pas ramené d’objet, d’autres disent avoir ramené tel objet car leurs

parents leur ont dit que ce serait bien pour l’exposition.

OBJET NON RETENU :

En classe de CP, un élève a ramené une petite perle faite en plâtre et peinte en bleue :

“Je l’ai ramenée car je l’ai trouvée pendant une randonnée avec mon père

Page 48: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

48

dans la montagne, c’est une pierre précieuse”.

“- Mais non c’est pas une pierre ! ça a été peint c’est bleu”

“ c’est une perle, y’a un trou pour faire un collier”

Suite à une discussion avec la classe, nous concluons que la perle a été fabriquée par

l’homme et que même si elle a été trouvée dans la nature, ce n’est pas vraiment un élément

de la nature. On décide de ne pas la mettre dans la valise.

DIFFICILE DÉTACHEMENT :

Nous avons tâché de savoir si l’enfant avait des difficultés à se détacher de l’objet, à évaluer

ce rapport intime à l’objet. Voir s’il était incompatible avec une mise en commun. Nous

avons donc demandé à nos élèves :

“Tu es contente de le montrer à Béton et Bitume ? / de le prêter à la classe pour l’exposition?”

MS

ZELIE : « non parce que moi je voulais le garder »

ADRIEN « Je vais un peu les laisser à la classe puis je les ramènerai »

LOU : “Faudra bien à un moment que je le reprenne »

ADRIEN : “Ça c’est un caillou mais il faut le mettre dans cette boite pour

eux. En fait quand je vais repartir moi de l’école, et bah moi je vais prendre

les deux cailloux d’accord, par contre personne doit y toucher à ces cailloux

si on veut toucher on peut le toucher mais faut en prendre soin parce que si

on fait le fou avec il va se casser”

“Parce que si je voulais, c’est parce que, c’est pas juste pour vous montrer,

c’est pas pour vous le donner. En fait c’est à papa et maman. Quand ça sera

fini avec Béton et Bitume je vous le laissera”

CP

VICTOR : “J’ai ramené un caillou que j’ai trouvé sur la plage de Nice, mais

Page 49: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

49

en fait je vais en ramener un autre et je l’échangerai comme ça je peux

récupérer celui-là.”

MAGUY : “Je l’ai (un papillon sous verre) ramené pour vous le montrer,

mais c’est très précieux, je vais le ramener chez moi et puis je le prendrai

pour le jour de l’exposition.”

Les enfants nous l’avons évoqué précédemment montrent un réel attachement à leurs objets,

et ce pour des raisons d’ordre intime. Les différents objets ramenés leur évoquent un moment

privilégié de leur jeune existence. Cela peut également les renvoyer à leur propre identité, à

leur vie ou à la relation qu’ils entretiennent avec un proche Le lien tissé entre eux et l’objet

est très personnel, il renvoie à mon vécu, à ma sensibilité à “ma” personne.

Leur détachement à cet objet est donc difficile, il se matérialise par une volonté de

conservation de l’objet et d’un prêt conditionnel à la classe.

“Vous devez en prendre soin, je le reprendrai après”

JENNA : C’est un caillou

GWEN : C’est celui de Colombe

ANDREA :Non non c’est celui de Jenna

Ici nous constatons que l’objet est souvent mis en lien avec son possesseur, en début de

projet les enfants appréhendent l’objet en fonction de celui qui l’a ramené et non comme

possession commune. Ceci évolue au fil de la séquence, plus on découvre les objets plus on

les appelle par leur nom, on ne les qualifie plus d’“objet de Léa / Caillou de Lou” mais bien

“pomme de cèdre/cabosse” Ici on remarque l'intérêt spécifique à porter à la transmission de

connaissances scientifiques.

JOSEPH : (Il sent) “oh beurk”

ANDREA : “moi j’avais pas senti en vrai”

LOU : “ça sent le caca”

ANDREA : “arrête de toucher à mes choses”

CHARLIE (Maîtresse) : “On range”

LOU : “j’ai jamais senti de choses comme ça”

Page 50: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

50

JOSEPH ; “ça sent le vomi”

ANDREA : “elle est où ma feuille??… ah elle est là”

Ici on constate un attachement à l’objet très fort : “je ne veux pas qu’on juge/critique mon

objet. Cela m’affecte que tu n'apprécies pas mon objet”.

Les élèves semblent très contents de présenter leur objet au reste de la classe. Ils semblent

prendre beaucoup de plaisir et se montrent fiers de le présenter. Cela leur permet de raconter

quelque chose de leur vie au reste de la classe, d'impressionner leurs camarades grâce à ces

objets originaux. Ils sont plus réticents à le laisser dans la valise et s’inquiètent de savoir

quand ils pourront le récupérer.

Pendant la découverte sensorielle les enfants viennent en petits groupes autour de la valise

pour découvrir les objets pendant que les autres travaillent en autonomie. Un enfant refuse

de s’éloigner de la valise car il désire surveiller son objet pour être sûr que les autres ne

l'abîment pas.

3. Séance 4 : la classification

a. Explication de la séance

Il s’agit lors de cette séance de passer de l’accumulation d’objets à la collection. Cela permet

une transversalité inhérente à la pédagogie de projet, ici c’est bien des compétences en

sciences qui sont en jeu. En effet, en amenant l’enfant à comparer, à trier, classer et ranger

il accède à de nouveaux savoirs tout en développant des capacités d’abstraction qui lui

serviront plus tard à la résolution de problèmes mathématiques.

Page 51: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

51

De plus, permettre à l’enfant de mieux connaître les objets, sa nature lui donne l’occasion de

se décentrer, de se détacher du lien affectif à l’objet pour entrer dans une démarche plus

scientifique, où la connaissance prend progressivement le pas sur l’affect.

Ces compétences sont indispensables à l'émergence d’un engagement et d’une volonté de

préservation de l'environnement. Par exemple en s’intéressant au miel qu’un élève a ramené,

on apprend sur les abeilles, on découvre ce qu’elles apportent à la nature. L’enfant finit par

comprendre leur vulnérabilité et donc émerge la volonté de les protéger.

Enfin, connaitre la nature et ses composantes nous relie à elle, c’est donc bien nécessaire à

la liaison de l’enfant et de la nature que la compréhension de son fonctionnement. De plus,

la vision partagée de l’environnement passe par la conscience collective du monde et donc

par une compréhension commune du monde.

La séance 4 commence par le rappel de la commande de Béton et Bitume, à savoir, la

création d’une exposition sur la nature. C’est l’occasion de demander aux élèves ce qu’ils

savent des expositions et de raconter leur expérience, leur connaissance des musées et des

expositions. Une discussion dirigée autour des questions “Qu’est-ce qu’un musée?” “Qu’est-

ce qu’une exposition?” et “Que signifie mise en valeur selon vous?”

L’enseignant projette ensuite des photographies de la salle « la maille du vivant » présente

au musée des confluences. La classe observe les images et les commente. On s’intéresse à

la scénographie et au rangement des objets, à la manière dont ils sont regroupés. On pointe

les choix opérés pour regrouper les objets. Prenons l’exemple de l’exposition au musée des

confluences, les enfants constatent que tous les papillons sont ensemble, qu’un des critères

de rangement a été la couleur.

Progressivement l’enseignante amène la classe à ressentir le besoin de classer les objets, les

choisir et les regrouper. Principalement en vue de faire comprendre la nature à Béton et

Bitume. “Si on met les pommes de pin avec les coquillages ils vont penser qu’on trouve les

pommes de pin dans la mer”

Page 52: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

52

Les élèves sont donc invités à rejoindre la valise en petits groupes et à regrouper les objets

qui “vont ensemble”. L’enseignante prend ensuite le classement en photo, qui sera analysé

en classe entière.

b. Analyse de données

MS

Cette tâche abstraite reste difficile pour les élèves de moyenne section.

Ils rangent les pommes de pin avec les pommes de pin, les branches avec branches, les glands

avec glands, les fleurs avec les fleurs, mais ne vont pas plus loin dans le regroupement. Les

glands et les pommes de pins ne seront pas rapprochés par exemple.

Les trois règnes, minéral végétal animal ne sont pas réellement abordés. Cette classification

sera plus aisée pour les CP qui apporteront leur aide aux MS à la séance suivante.

CP

Les élèves mettent tous ensemble les objets similaires (les coquillages avec les coquillages,

les branches avec les branches, les feuilles avec les feuilles), un groupe va un peu plus loin

en faisant des regroupements plus larges (feuilles à côté des branches). Il y a des classements

qui suivent des critères explicites. Plusieurs groupes par exemple ont mis les bois de

chevreuil avec les branches, car cela s’appelle un bois ou bien car cela a la même forme

qu’une branche. Certains élèvent commencent par eux même à travailler la mise en valeur

en des objets (ils organisent les coquillages de façon esthétique).

Une fois que tous les élèves ont trié, l’enseignante projette la photo des classements, les

élèves viennent par groupe expliquer leur choix. On va ensuite plus loin avec l’aide de

l’enseignante, dans ce qui peut être mis ensemble et on fait émerger trois grands domaines :

minéral - végétal et animal.

Dans chaque élément on peut également aller plus loin : par exemple dans le domaine

“animal” il y a ce qui a appartenu à des animaux (coquillages / bois du chevreuil) et ce qui

a été fabriqué par des animaux (cire d’abeille / nid de guêpe).

Cette séance est l’occasion de se poser de nombreuses questions sur les objets ramenés: d’où

Page 53: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

53

viennent-ils ? Quel est le nom de ce coquillage ? À quoi sert la cire d’abeille ? Les escargots

fabriquent-ils leurs coquilles? etc. Nous nous sommes intéressés par exemple à ce que nous

croyons être un coquillage. Les élèves ont observé qu’à la différence des autres coquillages

il n’y avait pas de place pour abriter un animal. Après des recherches nous avons appris qu’il

s’agissait d’un squelette de corail.

4. Séance 5 : Echange des valises

a. Explication de la séance

Lors de la séance 5, les classes de CP et de MS s’échangent leurs valises et s’envoient

les photos de leur classement, ainsi qu’une photo de la classe. C’est ainsi l’occasion de mettre

des visages sur cette classe avec laquelle nous partageons ce projet ainsi que celle de

découvrir les objets de l’autre classe et d’analyser leur classement. Les CP proposeront,

quant à eux, un nouveau classement aux Moyennes sections.

Cette séance est primordiale dans le projet, en effet elle fait prendre conscience aux élèves

l’investissement de l’autre classe dans l’exposition, l’investissement d’un autre dans un

projet qui nous semblait personnel, propre à la classe. Les élèves sont confrontés à de

nouveaux objets, récoltés par d’autres. Ces objets apparaissent plus abstraits, car ils ne sont

pas reliés à un enfant connu, on se détache du personnel, de l’intime. On ne connaît pas

l’histoire de l’objet, en effet, les élèves dans leurs classes respectives étaient amenés à

expliquer les raisons de leurs choix, l’histoire de leur objet, son origine, sa description etc.

Nous souhaitons qu’ils s’approprient ces objets ou du moins les intègrent dans “notre”

exposition bien que le rapport intime soit moins présent.

Cette séance sert à mettre en évidence la prise de conscience de notre but commun : la

conception de l’exposition. Elle a pour but de créer un sentiment d’appartenance commun

au projet. On apprend à faire avec une autre classe que nous n’avons pas vraiment rencontrée

Page 54: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

54

et qui nous impose ses choix d’objets. C’est amener de manière plus concrète nos élèves à

cette “vision partagée” du monde.

b. Analyse de données

Réception de la valise

MS :

Lors du temps d’accueil les enfants ont découvert sur l'îlot contenant normalement la valise

à curiosités de la classe, celle des CP. Un enthousiasme fort s’est fait ressentir, les élèves

étaient davantage bruyants, ils sont restés plus longtemps auprès des objets, en groupe

participant à un échange intéressant. J’ai pu constater un réel intérêt chez mes élèves, entre

autres par le temps passé autour de la valise. En effet, lors du temps d’accueil relativement

long, à savoir 40 minutes, la valise était toujours en présence d’un groupe d’élèves.

Il a été l’occasion de constater les influences des séances de découverte sensorielle. En effet,

je remarque qu’ils sont beaucoup passés par leurs sens afin de découvrir ces nouveaux objets,

les sentir, les toucher etc. Cela a également été l’occasion de réinvestir le vocabulaire

travaillé en atelier pour les décrire (piquant/ doux etc.).

CP :

Les élèves manifestent également un vif intérêt pour les objets de Moyenne section. Nous

découvrons les objets avec le groupe classe, ce qui permet moins de découverte sensorielle.

Les élèves font des liens avec les objets déjà ramenés par eux. Nous observons le classement

effectué par les maternelles et nous réinvestissons ce que nous avons appris à la séance

précédente en proposant un classement plus poussé de leurs objets aux MS.

SENSORIEL

“Ca sent l’odeur des gerbilles”

“Sens sens sens !”

“Ca sent l’odeur de la mer”

Page 55: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

55

“C’est un peu doux”

“Mais non ça pique”

“Ah ça pique, ça pique”

Ici on constate l’influence de la découverte sensorielle, les enfants s'imprègnent de ces

nouveaux objets par leur sens par l’exploration sensorielle. Ils ont des mots à mettre sur leurs

ressentis et les caractéristiques des objets de par le travail effectué au préalable sur nos

propres objets.

CURIOSITÉ ET PARTAGE

“Oh c’est quoi ça ? aie aie aie”

“Oh regarde ce que j’ai”

“Je suis cap de porter ça”

“Regarde il y a un caillou avec.”

“Oh mais regardez une corne de renne”

“Regardez”

“Ouyouyou y’a des abeilles dedans”

“Oh regarde Nael une toute petite pomme de pin”

Les enfants font preuve d’une grande curiosité à l'égard de ces nouveaux objets, comme nous

l’avons vu ils passent par plusieurs sens lors de la découverte, en particulier le toucher et

l’odorat. L’on constate qu’ils verbalisent beaucoup leur ressentis, nous pouvons en conclure

leur intérêt. Leur propension à l'émerveillement ressort et ce en lien certainement avec

l’aspect très ludique et extraordinaire des objets des CP ; bois de rennes, abeilles.

Mais on observe également la volonté de partager leurs ressentis, de les exprimer à un tiers.

Page 56: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

56

L’injonction “Regarde, sens!” confirme cette idée. En effet, les enfants sont dans une

démarche de partage de leurs émotions.

Nous ne sommes plus dans une démarche personnelle de découverte mais bien dans quelque

chose de partagé.

VISION PARTAGÉE

C’est aux CP ça, c’est aux CP!!

Le petit truc qu’on a dans notre valise on dirait

Les parallèles et les correspondances établies avec nos propres objets montrent que si on a

bien un rapport intime, la vision partagée est plus importante. En travaillant avec nos élèves

sur la découverte sensorielle, sur la verbalisation de ses émotions, des ressentis,

l’explicitation des choix opérés, sur l’histoire de leur propre objet, l’appropriation de l’objet

d’un autre devient plus aisée. Ce partage des émotions contribue à la création d’une

empathie qui est propice à la solidarité entre les peuples prônée par le développement

durable.

CLASSIFICATION

Les propositions de classification proposées par les CP aux MS permettent de revenir dessus

en classe et servent de séance de remédiation. Les MS visualisent les choix opérés grâce aux

photos envoyées par les CP.

5. Séances 6 et 7 : la mise en valeur

a. Explication de la séance

Comme nous l’avons vu, les arts plastiques permettent de travailler sur l’imaginaire des

élèves, ils leur permettent de renforcer et d’exprimer leur monde intérieur. Il nous a semblé

Page 57: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

57

d’autant plus pertinent de travailler à travers ce biais dans un contexte urbain où la nature

n’est que peu ou pas présente.

De plus, permettre aux élèves d’avoir une prise sur l’objet et sa mise en valeur est à mettre

en parallèle avec l’engagement :”j’ai une influence sur le monde qui m’entoure. J’opère des

choix et je prends conscience du fruit de mon action. Je constate que mon action concrète a

une influence directe sur l’exposition.”

Tout en se détachant progressivement de son objet, le fait de préparer cette exposition amène

l’enfant à prendre de la distance avec l’objet, à se préparer au fait que béton et bitume, entre

autres, vont venir voir l’exposition; en un sens, à se soumettre au regard d’autrui, parfois,

d’un inconnu. L’enfant se met alors en position de valoriser le travail qui a été fait en classe

et à travers cela de se valoriser lui-même.

Enfin, le travail sur l'esthétisme, le beau, permet d’exacerber le sentiment d'émerveillement

à la vue de l’exposition. Ce rapport esthétique à l’environnement, nous l’avons vu avec les

différents critères de choix d’objets est indéniable. La nature nous émerveille et nous fascine,

par cette exposition nous voulons rendre à la nature son caractère splendide.

Ainsi, une fois le classement des objets établi, nous nous intéressons à la mise en valeur des

objets. Nous avions une contrainte matérielle : l’armoire de l’école (voir en annexe)

Pour la séance 6, après avoir observé plusieurs photographies d’installations d’expositions,

nous nous sommes intéressés à la scénographie, au rangement des objets ainsi qu’à la

manière dont ils sont regroupés. Nous avons pointé les choix opérés pour sublimer chaque

objet, choix de la couleur par exemple, le fait que les objets soient étiquetés, qu’ils soient

sous verre etc.

Les élèves ont choisi l’objet ou les objets sur lesquels ils voulaient travailler par groupe.

Nous leur avons montré une liste de matériels qu’il était possible d’utiliser pour l’exposition

(ficelle / bocaux / boîtes / vernis etc.) puis nous avons listé les verbes d’actions possibles

(suspendre, coller, vernir, entourer etc.).

Il a ensuite été demandé à nos élèves de représenter par un dessin une installation mettant en

valeur un objet. L’objectif étant de travailler le “donner à voir”, d’amener les élèves à

travailler sur la mise en valeur, d’opérer des choix esthétiques et procéder à des opérations

Page 58: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

58

plastiques.

En parallèle les élèves ont également réalisé des cartels pour les objets sur lesquels ils

travaillaient. La dernière séance a consisté à aller mettre par petit groupe notre installation

dans l’armoire, qui s’est progressivement remplie par les objets des MS et des CP.

b. Analyse des données

Si des élèves ont eu du mal à se détacher de leurs objets, et voulaient absolument travailler

la mise en valeur de ce qu’ils avaient ramené, certains élèves ont d’eux même émis le souhait

de travailler sur un objet qui n’était pas le leur révélant ainsi la décentration progressive de

l’enfant au cours de la séquence.

“Moi je veux travailler sur le bois du cerfs parce que j’adore cet objet”.

Ce dispositif de travail en groupe a été l’occasion de valoriser les enfants qui n’avaient pas

ramené d’objets et d’engager leur rapport intime aux objets de la classe. On a pu en effet

observer que les élèves lors de la visite à l’exposition disaient à leurs parents :

“Ça c’est moi qui ai eu l’idée de le mettre comme ça”

“Moi j’ai travaillé sur cet objet-là, c’est Héloïse qui l’a ramené”

LES PRODUCTIONS D'ÉLÈVES

MS

Proposition des élèves ;

AJOUT MATÉRIEL

→ mettre une table dans l’armoire

→ ramener de nouveaux objets (des plantes carnivores)

→ mettre de l’herbe sur l’armoire

→ cailloux avec des paillettes dessus

Page 59: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

59

→ des cadres

PUREMENT NATUREL (avec et sans ajout)

→ des fils qui suspendent des objets

→ barrière de cailloux

LUMIÈRE ;

→ mettre des guirlandes sur les plantes/branches

→ des fleurs avec des lumières dedans (pas son objet)

L’exercice est difficile pour les moyens car très abstrait. Les enfants ont du mal à se

représenter le fruit de leurs actions. Nous sommes donc confrontées à beaucoup de reprises

d’idées énoncées en regroupement et à des propositions verbalisées lors de l’analyse des

expositions au tableau.

Malgré tout dans cette phase de création, plusieurs pistes nous semblent intéressantes ; d’une

part les élèves font avec ce qu’ils ont sans ajout de matériels uniquement en utilisant les

objets ; créer une barrière de cailloux ou en les suspendant par exemple.

Quant au recours à l’ajout de matériel il est bien là pour sublimer l’objet ; le vernir, l’éclairer.

L’idée du cadre, plus stéréotypée, montre le désir de focalisation sur un objet. Enfin on

constate la volonté de créer une certaine forme à l’exposition en lien avec le thème de

l’exposition ; mettre des feuilles et de l’herbe sur les parois de l’armoire.

CP

SUSPENSION

Le groupe travaillant sur les coquilles d’escargot proposent de les suspendre au plafond de

l’armoire via une ficelle (on retrouve alors la scénographie des cabinets de curiosités dans

lesquels les objets étaient accrochés jusqu’au plafond).

Les élèves qui travaillent sur les feuilles et les branches ont également pour idée de les

suspendre mais cette fois si en utilisant des pinces à linges.

Les élèves qui travaillent sur les pommes de pins conçoivent également une installation toute

Page 60: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

60

en suspension.

BOCAUX / SOCLES

Les élèves qui travaillent sur des objets plus précieux (par exemple les cornes de cerfs)

réclament des matériaux pour mettre en valeur tout en protégeant les objets : des socles pour

poser dessus ou des vitres pour protéger.

CRÉATION DE PORTRAIT AVEC LES OBJETS

Un groupe a réinvesti un travail précédent que nous avions fait sur le portrait et a choisi

d’agencer les cailloux afin qu’ils forment un visage.

ACCUMULATION

Le groupe qui a travaillé sur les coquillages a choisi une installation qui rappelle celle des

coquillages du musée des confluences.

MISE EN PLACE DANS L’EXPOSITION : RENCONTRE INFORMELLE ENTRE

CERTAINS DES ÉLÈVES DE CP ET MS

Lors d’une séance dans l'après-midi pour les moyens et d’un temps pendant les récréations

du mardi, nous avons, avec nos classes respectives mis en place les objets dans l’armoire. Il

était primordial que les enfants participent à ce moment, et qu’ils mettent seuls leur ou les

objets dans l’armoire. Ce passage de l’intime à la valise s’exacerbe dans le passage de la

valise (entre soi) à l’armoire qui vise à être vu par béton et bitume mais également par les

parents et nounous.

Lors de la mise en place de l’exposition le projet prend tout son sens aux yeux des élèves

qui voient la concrétisation de ce sur quoi ils ont travaillé pendant plusieurs semaines.

On remarque un soin tout particulier apporté aux objets lors de ce temps chez les MS et les

CP. En effet, ils disposent les objets du bout des doigts. Le silence règne, les enfants

accroupis chuchotent. Plus les groupes passent dans l’après-midi, plus l’armoire se remplit

Page 61: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

61

et plus les enfants sont émerveillés par cette concrétisation du projet. Ils relèvent les

dispositifs énoncés :

“Ah c’est Joseph qui avait dit qu’on pouvait suspendre”

“Ah et là ils ont mis les cailloux en barrière”

“Oh tu as vu c’est les marrons qu’on a vernis maîtresse”

Les MS découvrent également les choix des CP :

“Oh leur corne de renne ils l’ont mis sur un carré noir”

“T‘as vu c’est leur écorce, ils l’ont mis sur le fil c’est beau”

MS

Je constate que mes élèves prennent plus part au projet qu’auparavant. En effet, en rentrant

ils ne parlent plus que de l’exposition pour Béton et Bitume. Il paraît donc regrettable de ne

pas avoir permis ces temps avant, au cours de la séquence. Ces derniers rendent plus concret

le dessein final, les enfants se représentent davantage l’avancée du projet, la leur mais

également celle des CP.

Malgré tout, je constate que mes élèves avant de poser leurs objets me regardent beaucoup

comme pour avoir mon approbation. L’aspect personnel et individuel de l’action est à

relativiser.

La rencontre informelle avec les CP:

Lors de ces temps de rangement dans l’armoire, un groupe de 6 élèves de MS a été amené à

rencontrer des élèves de CP qui disposaient leurs objets en présence de leur maîtresse. Cette

dernière les présente donc. Les enfants sont timides, hormis par lettres interposées, c’est la

première fois qu’ils échangent et se voient.

Nous constatons une certaine timidité chez les moyens qui restent en retrait.

Quant aux CP ils sont plus calmes comme grandis par une volonté de montrer l’exemple aux

petits.

Lors du retour en classe, je surprendrai un de mes élèves dire à son camarade :

“On a mis les objets dans l’armoire y’avait les CP”

Page 62: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

62

6. Visite de l’exposition

a. Faire vivre l’exposition

La visite a été organisée un mercredi afin qu’enfants et parents puissent venir avant et après

la matinée et ce en notre présence. Nous avions informé parents et nounous grâce à des mots

sur le cahier de liaison ainsi qu’une affiche à l’entrée de la classe de MS.

Un problème que nous n’avions pas anticipé s’est posé à savoir l’impossibilité de laisser

l’exposition ouverte en permanence. En raison de la forte valeur sentimentale pour l’objet

de certains de nos élèves, il était délicat de laisser l’armoire ouverte de peur qu’un objet soit

dérobé ou cassé. Nous avons donc choisi de n’ouvrir l’armoire que lorsque nous étions à

proximité. Pour les jours de la semaine où nous n’étions pas à l’école, nous avons caché les

clés pour que les enseignants puissent venir à leur convenance visiter l’exposition avec leurs

classes. C’était une réelle inquiétude des enfants de vouloir “préserver” leur exposition, un

réel attachement à la collection était né.

Afin de rendre la visite plus active et pour informer les visiteurs de l’origine et des objectifs

de ce projet nous avons créé un QCM avec des informations sur certains des objets présents

dans l’exposition ainsi qu’un texte présentant le travail de nos classes.

Suite aux retours très positifs de la direction il nous a été demandé d’écrire un petit texte

accompagné d’une photo dans le blog de l’école ainsi que de mettre à disposition

l’exposition pour l'équipe éducative. Beaucoup d’enseignants de l’école ont fait la démarche

d’emmener leurs classes voir l’exposition. Les retours ont été très positifs “on a adoré” “ma

classe a trouvé ça super” beaucoup de mails de félicitations et de remerciements nous ont

touchés et nous ont rendues fières de notre investissement.

Une enseignante qui a visité le cabinet avec sa classe a émis le souhait de faire un projet

similaire avec sa classe de CE2. Il a aussi été proposé par certains membres de l’équipe

éducative de pérenniser l’exposition.

Page 63: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

63

b. Analyse de données

EMERVEILLEMENT: / CURIOSITE

Beaucoup de : “comme c’est beau”, “maman regarde le papillon”.

Le cabinet attise la curiosité des enfants qui passent par là, les gens s’arrêtent, les yeux

s’ouvrent. Les dents de chat, la salamandre séchée et autres objets curieux attirent les

regards.

Les questions fusent, de la part des enfants mais également des parents ;

“Qu’est-ce que c’est? c’est quel arbre?”

Les enfants qui ont travaillé sur le projet deviennent les médiateurs de l’exposition et

expliquent de manière informelle à leurs parents ou frères et sœurs ce qu’ils ont appris. Un

réel moment de partage nait.

“C’est un bois pas une corne ! on dit que c’est un bois parce que ça tombe!”

“Ça c’est de la cire d’abeille, ça sert à faire le miel”

BEAUTÉ / ESTHÉTISME:

“Comme c’est beau” “Il est trop beau le coquillage” “C’est joliiii”

Même dans les remerciements de la part des parents “beau projet” revient souvent, on appuie

sur la beauté de l’exposition, en soi sur la beauté des objets de la nature, la beauté de notre

environnement et de la ressemblance avec les cabinets de curiosités d’antan. Cela nous

conforte dans l’idée de travailler sur sa mise en valeur pour éduquer au développement

durable. Ce qui émeut prend de la valeur aux yeux du spectateur, touche sa sensibilité, et le

rend plus sensible à l’environnement.

COLLECTIF / MONDE PARTAGE

Mamie : alors c’est l’exposition que tu as faite avec ta classe?

CP : oui et avec les moyens

Page 64: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

64

On remarque par cet échange succinct entre une grand-mère et une élève de CP le sentiment

d’appartenance au groupe de travail, au groupe de projet. Par la conscience que ce projet ne

revient pas qu’à ma classe, il est commun avec les petits, cet enfant nous montre qu’il a une

vision plus globale de ce projet. Il transmet à sa grand-mère que l’engagement de sa classe

dans ce travail n’a pas suffi à lui-même. Il sort d’une pensée de classe pour aller vers une

pensée plus collective.

II. RETOUR REFLEXIF SUR LE PROJET

1. Le Bilan du projet pour la classe

a. Mise en évidence du fort lien entre enfant et nature

Ce que nous retenons principalement de ce projet est le grand intérêt et l‘attachement qu’ont

les élèves pour la nature. Nous en avions l’intuition et notre recherche nous a permis de

confirmer cette idée que les jeunes enfants sont émerveillés par la nature et désireux de la

découvrir davantage. Ce constat personnel est bien sûr à nuancer en fonction du milieu

socioculturel des élèves avec lesquels nous avons mené ce projet, mais nous avons pu

constater un réel engouement des enfants pour tout ce qui concerne la nature, les animaux,

les plantes, les roches. Nos élèves étaient avides de savoirs et avaient déjà de nombreuses

connaissances que nous avons pu exploitées.

Durant la période de recherche de l’objet à ramener pour la collection, les parents nous ont

rapporté que les élèves se montraient très attentifs au monde extérieur, qu’ils les

questionnaient beaucoup et qu’ils remarquaient davantage de choses, des plantes à l’allure

originale, des coquilles d’escargot, etc. Lors d’une rencontre informelle avec une maman de

MS, celle-ci m’a confiée ;

“J’avoue que lors des vacances j’avais complètement oublié qu’il fallait ramener un objet

de la nature. Adèle n’a pas cessé de me le rappeler. C’est sa grand-mère et elle qui ont

trouvé la salamandre pendant une balade, elle a directement dit qu’il fallait la prendre pour

l’emmener à l’école.”

Page 65: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

65

Nous partageons ce constat, en effet, nous étions nous même davantage à l’écoute de notre

environnement pendant cette période de recherche d’objets pour l’exposition, et cette

attention particulière à la nature dure encore aujourd’hui, nous n’avons pas fini cette

recherche de beauté, d’originalité dans la nature qui nous entoure.

Ce lien enfant / nature a également été observé lors de d’autres séquences en lien, notamment

en maternelle. Dans un esprit de projet pour la classe de travailler le sensible et la nature, les

élèves ont également appris davantage sur la germination et ont, par exemple, accueilli un

couple de gerbilles. Ils ont ainsi eu l’occasion de développer ce lien en classe tout au long

de l’année et non pas seulement sur une période.

b. Les effets du projet dans la vie de classe

Nous avons pu expérimenter que la coopération dans la classe fait l’objet d’un réel

apprentissage à part entière. “Faire ensemble” s’apprend et se travaille grâce à ce genre de

projet. Le projet a instauré une réelle dynamique dans nos deux classes et a suscité la

motivation des élèves, cela a permis d’instaurer une nouvelle relation et une certaine

complicité élèves-enseignant qui est difficile à construire en étant en classe un jour par

semaine.

MS

Lors de certains temps j’ai été amenée à perdre ma classe par trop de spontanéité, les enfants

ne comprenaient pas toujours les objectifs des apprentissages ce qui a pu susciter de l’ennui

et donc une plus difficile gestion de classe. Les temps ritualisés rassuraient au contraire mes

élèves : la valise en libre accès en temps d’accueil, la présentation d’un ou plusieurs objets

en regroupement. Mes élèves étaient demandeurs de ces moments, ce qui montre leur

investissement et leur enthousiasme.

CP

Il a été assez fastidieux de mener ce projet en étant dans la classe un jour par semaine. La

conduite du projet a demandé beaucoup de temps et a donc empiéter sur d’autres matières

Page 66: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

66

que je devais enseigner les autres jours, créant parfois stress et précipitation. De n’avoir

aucune prise sur les objets ramenés par les élèves et les questions soulevées par les objets a

pu être assez déstabilisant.

De manière générale, le fait que le projet ne soit travaillé qu’une fois par semaine a pu faire

perdre aux élèves le fil de du projet et perdre de vue la réalisation finale, ce qui a pu conduire

à une certaine incertitude chez les élèves qui ne comprenaient pas toujours où nous voulions

aller. De manière générale, les objectifs d’apprentissages n’étaient pas clairement établis

pour les élèves. Ce problème de clarification des objectifs nous semble être, d’une certaine

manière, une question inhérente à l’EDD : on ne peut pas en effet dire à notre classe

“l’objectif est d’apprendre à protéger la nature”.

c. Un lien renforcé avec les parents

Ce projet a également eu l’impact positif d’approfondir la relation que nous avions avec les

parents d’élèves de nos classes. Notamment pour la classe de CP, les enseignants ne rentrent

plus dans l’école pour l’accueil du matin, ce qui ne favorise pas les contacts école-parents.

L’exposition a ainsi été l’occasion de faire entrer les parents dans l’école et de discuter avec

eux. En maternelle, on constate beaucoup plus de contacts et d’échanges pendant cette

séquence, les parents amusés parlent de Béton et Bitume, ils demandent des informations

supplémentaires. Ils passent du temps auprès de la valise avec leurs enfants, faisant souvent

preuve du même enthousiasme et de la même curiosité que les enfants à la vue de certains

objets. Il y a un réel échange qui s’instaure entre les enfants et les parents pendant le temps

d’accueil, les parents découvrent avec les enfants. Les parents se sont sentis mis à

contribution. Une idée intéressante à laquelle nous n’avions pas pensé serait d’intégrer

davantage les parents, leur proposer devenir présenter une de leur curiosité, expliquer son

origine, quand et où ils l’ont trouvé, leur poser, en soi, les mêmes questions qu’à leurs

enfants.

d. Rayonnement du projet

Dans une démarche de pédagogie de projet, la réalisation finale du projet a pour vocation

Page 67: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

67

d’être vue du plus grand nombre, d’être partagée. L’exposition de notre cabinet de curiosités

a été un succès, il a été vu par les parents d’élèves, nos collègues de l’école l’ont également

visités avec leurs classes respectives. Il a été émis la volonté de pérenniser cette démarche.

Quel projet d’école merveilleux que de ramener la nature au sein de l’école, en créant une

exposition dans une plus grande étagère, protégée par des vitres où chaque classe pourraient

venir au fil de l’année déposer un objet, et chaque élève, quotidiennement, venir

s'émerveiller.

2. Bilan personnel, dans une perspective professionnelle

a. Comparaison moyenne section / CP

Il a été intéressant pour nous, dans une perspective professionnelle, de travailler avec un

niveau de classe différent du nôtre et notamment de travailler entre maternelle et élémentaire.

Cela a été l’occasion pour nous de “découvrir” davantage comment l’autre classe travaille

en fonction de son niveau et de rencontrer des élèves d’âges et de niveaux différents. On a

ainsi pu travailler avec des fonctionnements complètement variés entre la maternelle et

l’élémentaire, et adapter notre séquence en fonction. En CP notamment il n’y a pas d’espace

de regroupements, ni dans cette classe de dispositifs en atelier. Cela a été un vrai

apprentissage de travailler avec des groupes en autonomie.

b. Notre expérience par rapport à l’enseignement du développement durable

Ce que nous retenons de notre projet par rapport à l’EDD c’est que la volonté de travailler

sur ce sujet répond à une demande sociétale mais également à un besoin de l’enfant qui

entretient une réelle passion pour le monde du vivant. Suite à cette expérience, nous avons

la réelle conviction que l'éducation PAR l’environnement est le point de départ de l’EDD :

l’enfant a besoin de toucher, de sentir, d’explorer avant de comprendre, pour avoir envie de

comprendre. Il a besoin de ressentir, d’éprouver pour pouvoir questionner, réfléchir et entrer

Page 68: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

68

dans une démarche d'engagement. L’écueil à ne pas faire est de ne pas perdre ce caractère

fascinant de la nature aux yeux de l’enfant en le rendant injonctif ou transmissif.

Cette volonté de travailler sur la nature et l’EDD doit idéalement se faire dans le cadre d’un

projet de classe, et mieux encore d’un projet d’école. Une séquence déconnectée a moins

d’intérêt qu’un projet conçu dans un tout plus global. L’idéal est donc de créer une véritable

dynamique autour de ce thème qui suivra l’enfant tout au long de sa scolarité.

c. Ce que l’on retient professionnellement

La conduite de ce projet nous a beaucoup apporté pour notre enrichissement professionnel.

Nous avons apprécié les intérêts de travailler en projet, la dynamique que cela crée dans la

classe, l’enthousiasme des élèves. L’intérêt est grand également pour la transversalité dans

les apprentissages. Nous retenons également l’implication et le plaisir que cela peut susciter

pour les enseignants de travailler avec ce type de projet.

L’intérêt de faire ce genre de projet est également le travail en équipe. Pour les enseignants

c’est motivant, il y a une certaine émulation qui se crée et nous avons moins eu le sentiment

d’être seule dans sa classe. L’intérêt est que cela permet de mutualiser les ressources et les

idées. On partage nos réussites et nos échecs, cela créée une atmosphère de travail

conviviale, on est amené à se voir souvent, à partager, à tisser des liens professionnels et

amicaux.

Nous avons trouvé intéressant de laisser les élèves ramener des choses personnelles de chez

eux. C’est très valorisant pour eux et cela permet de mieux se connaître dans une classe.

Nous avons toutefois éprouvé plusieurs difficultés dans la mise en place du projet ;

notamment la difficulté à créer des dispositifs de coopération dans la classe, le projet tend

vers cela mais c’est une pratique de classe à mettre en place de manière systématique et sur

le long terme.

De la même manière, nous n’avions parfois pas le temps d’approfondir, et certains

apprentissages n'étaient pas acquis mais il fallait passer à autre chose.

Page 69: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

69

CONCLUSION

L’un des desseins principaux de ce projet a bel et bien été le développement de l’être

au monde de nos élèves par la rencontre sensorielle des objets. Cette dernière les amène à

une liaison et une connaissance du monde qui les entoure ; un rapport individuel et intime à

celui-ci. En effet, nous l’avons constaté, et nos élèves l’ont verbalisé, les objets qu’ils ont

ramenés les renvoient à des expériences, à des souvenirs intimes ; une promenade familiale,

un dimanche de jardinage, un après-midi au parc ou un désir de découvrir des paysages

encore inconnus.

Ce travail autour des sens exacerbe ce lien au monde. Par la répétition de cette expérience

sensible, l’enfant devient plus attentif, il met des mots sur ce qu’il ressent se liant ainsi

davantage au monde. Les objets ramenés la deuxième semaine étaient plus abondants, les

enfants étaient plus réceptifs à la valise, aux objets des autres, les échanges plus fournis.

L’enfant se crée ainsi une banque d’images, de ressentis, d’émotions et de représentations.

Cette dernière est un terreau intéressant pour le partage avec les autres.

En effet, nous l’avons remarqué, le fait d’avoir effectué ce travail sensoriel et langagier sur

nos valises respectives a permis à nos élèves d'appréhender plus facilement la valise de

l’autre classe. La verbalisation des émotions et des choix opérés a permis à l’enfant de

conscientiser certains ressentis et de les garder en mémoire mais surtout de tendre à un

partage. Par le langage nait l’interaction avec l’autre. Par l’écoute de l’autre, l’enfant a été

amené se décentrer de son rapport intime à l’objet.

Aussi, le caractère collectif et mutuel du projet renforce cette mise en relation et cette

décentralisation. Les enfants insisteront d’ailleurs tout au long de la séquence sur le caractère

commun du projet aux deux classes. Ainsi, pensons à cet élève qui corrige sa grand-mère en

lui disant que ce n’est pas uniquement sa classe qui a monté l’exposition mais bien la sienne

en collaboration avec celle des moyennes sections. Cette action et cet engagement collectifs

Page 70: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

70

dans le projet ont permis à nos élèves de développer de réelles compétences sociales d’écoute

et respect de l’autre mais surtout de coopération.

Par la médiation scientifique et artistique, permise par la pédagogie de projet, les enfants ont

pu assouvir leur désir de connaissances et développer une démarche de création le tout dans

la curiosité et l'émerveillement que suppose le cabinet de curiosités.

Se décentrer, tel était l’objectif du passage de la valise à curiosités à l’armoire pour

l'exposition finale. Cette dernière permet également à la classe et plus largement aux

visiteurs de reconsidérer la nature, non plus comme un bien de consommation, un objet ou

une ressource mais bien comme une richesse esthétique, un objet de contemplation et de

questionnements.

Un enfant de MS, lors de l’évocation du monde sans nature de Béton et Bitume, en début de

séquence, avait spontanément dit :

“Un jour, j’ai vu un monde plein de nature.”

Espérons que ce projet lui ait permis de prendre conscience que ce monde plein de nature

est bel et bien le sien, ou devrions dire, le “nôtre”. Qu’il l’ait incité à “voir” la richesse et la

beauté de cette “nature”. Qu’il l’ait sensibilisé à l’écouter, la sentir, la toucher. Qu’il lui ait

donné l’envie de comprendre davantage sa complexité et d’en partager les secrets.

Espérons que cette prise de conscience soit la prémisse d’une responsabilité à l’égard de

l’environnement, d’un sentiment d’appartenir à ce “monde” collectivement et, qui sait, “un

jour”, d’une volonté de s’engager pour le protéger.

Page 71: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

71

BIBLIOGRAPHIE

Bachelart, D. (2006). Le développement durable bouscule l’éducation à l’environnement

N°466. Territoires.

Berryman, T. (2002). Éco-ontogenèse et éducation : les relations à l’environnement dans le

développement humain et leur prise en compte en éducation relative à l’environnement

durant la petite enfance, l’enfance et l’adolescence. Mémoire de maîtrise en sciences de

l’éducation, Université du Québec à Montréal. .

Berryman, T. (2003). L’éco-ontogenèse : les relations à l’environnement dans le développement

humain – d’autres rapports au monde pour d’autres développements Recherches.

Education Relative à l’Environnement – Recherches - Réflexions, 4, pp. 207-230.

Chawla, L. ( 1992). Childhood Place Attachment. New York: Plenum Press. pp. 63-86.

Comité interministériel pour le développement durable. (2003). Stratégie nationale de

développement durable (2003-2008). Paris.

Cottereau, D. (2004). Construction dialectique d'une écoformation responsable, Du jardin de

l'enfance à la ferme urbaine. Habiter la terre, Paris, L'Harmattan, collection Écologie et

Formation.

Cottereau, D. (2005). L’imaginaire anthropologique et l’éducation à l’environnement. Chemin

de Traverse n°1, solstice d’été, Les Amis de Circée.

Cottereau, D. (2007). Les leçons du jardin. Education enfantine n°1, Editions Nathan.

Fortin-Debart, & Girault. (s.d.). Pour une approche coopérative de l’environnement à l’école

primaire. Recherche exploratoire auprès d’enseignants du primaire. Education Relative

à l’Environnement, Regards, pp. Recherches - Réflexions, 6. 97-117.

Fortin-Debart, Girault, Lange, Fortin-Debart, Simmoneaux, & Lebeaume. (2006-2007). La

formation des enseignants dans le cadre de l’éducation à l’environnement pour un

développement durable : problèmes didactiques. Education relative à l'environnement.

Giraudeau, A. (2007), Arts visuels et collections, cycle 1, 2 et 3, CRDP de Poitou-Charentes.

Huber, M. (2005). Apprendre en projet : la pédagogie du projet-élèves, Chronique Sociale.

Leininger-Frézal, C. (2010). Le développement durable et ses enjeux éducatifs. Acteurs, savoirs

et stratégies territoriales. Université Lyon 2: Thèse.

Meirieu, P. (2002). Éducation vers un développement durable : DU MONDE-OBJET AU

MONDE-PROJET. Conférence donnée lors du 2ème sommet francophone d’éducation

à l’environnement, PLANET’ERE 2, Unesco, Paris.

Ministère de l’Éducation nationale, d. l. (s.d.). Bulletin officiel no. 28 du 15 juillet 2004 :

Page 72: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

72

Généralisation d’une éducation à l’environnement pour un développement durable

(EEDD) – Rentrée 2004. Paris : Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement

supérieur et de la Recherche.

Ministère de l’Éducation nationale, d. l. (s.d.). Éducation à l’environnement pour un

développement durable. Bilan national de l’expérimentation année 2003-2004. Paris :

Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Ministère de l'éducation nationale (2002). B.O. hors série n° 1 du 14 février 2002, HORAIRES

ET PROGRAMMES D'ENSEIGNEMENT DE L'ECOLE PRIMAIRE. Paris .

Ministère de l'éducation nationale (2015). BO spécial du 26 mars 2015 : programme

d'enseignement de l'école maternelle. Paris.

Ministère de l'éducation nationale (2015). Bulletin officiel spécial n°11 du 26 novembre 2015

: Programmes d'enseignement du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2), du

cycle de consolidation (cycle 3) et du cycle des approfondissements (cycle 4) . Paris.

Rivallain J. 2001. « Cabinets de curiosité, aux origines des musées », p. 17-35, in Revue

française d’histoire d’outre-mer, « Collectes et collections ethnologiques ».

Reverdy C. (2013) Des projets pour mieux Apprendre ?, Institut français de l’éducation. Dossier

d’actualité veille et analyses, n° 82.

Sauvé, L. ((2002). L'éducation relative à l'environnement: possibilités et contraintes.

Connexion, La revue d'éducation scientifique, technologique et environnementale de

l'UNESCO, pp. Vol. XXV11, no 1/2, p. 1-4.

Sauvé, L. (1994). Pour une éducation relative à l'environnement. Guerin, Eska.

Sauvé, L. (2006). Complexité et diversité du champ de l’éducation relative à l’environnement.

Chemin de Traverse, Solstice d’été 2006, pp. 51-62.

Sauvé, L. (Automne 2009). Vivre ensemble, sur Terre : Enjeux contemporains d’une éducation

relative à l’environnement. Revue de l’Association Canadienne d’éducation de langue

française, 37, pp. 1-10.

Sauvé, L., & Girault. (2008). L'éducation scientifique, l'éducation à l'environnement et

l'éducation pour le développement durable.

Schnapper A. 1988. Le géant, la licorne, la tulipe. Collections françaises dans la France du

XVIIe siècle, Paris, Flammarion.

Page 73: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

73

ANNEXES

I. FICHES DE PREPARATIONS DE LA SEQUENCE

Ces documents de préparation sont ici à titre indicatif. Ils ont servi de base de travail pour les

deux classes mais ont été modifiés et complétés en fonction de l’organisation et spécificités de

chaque classe (organisation en rituels / ateliers, activités différentes / etc.).

Séquence : réalisation d’un cabinet de curiosités

Niveaux de classes : Moyenne section et CP

Nombre de séances : 7 Période de l’année : période 4

Compétences visées :

« Coopérer dans un projet artistique. » / « coopérer en vue d’un objectif commun »

Domaines :

CP : Arts plastiques / Questionner le monde / Français (langage oral) MS : AGIR, S'EXPRIMER, COMPRENDRE A TRAVERS LES ACTIVITES ARTISTIQUES MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS EXPLORER LE MONDE DU VIVANT, DES OBJETS ET DE LA MATIERE

Séance 1 : Un monde sans nature

Domaine : CP : Arts plastiques / Questionner le monde / Français (langage oral) MS : AGIR, S'EXPRIMER, COMPRENDRE A TRAVERS LES ACTIVITES ARTISTIQUES MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS

CP Cycle 2 – MS Cycle 1

Objectif : Lancer la séquence / créer enrôlement des élèves

Compétences visées : CP : - Mobiliser des références culturelles nécessaires à la compréhension du message ou du texte. - Utiliser le dessin dans toute sa diversité comme moyen d’expression - Organiser un propos et maitriser les moyens de l'expression (vocabulaire, syntaxe, enchainements...). MS : Comprendre un texte court proche de l’oral Produire des phrases simples Dessiner des éléments simples

Page 74: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

74

Durée 60’

Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel

5 ‘ Lecture de la lettre Faire passer la lettre aux élèves / explication vocabulaire

Ecoute Discussion sur la lettre

Coll. Lettre papier alu

2’ C : Fermez les yeux et représentez-vous ce monde dans votre tête

Représentation mentale ind.

5’ C : dessinez ce monde comme vous l’avez imaginé dans votre tête

Dessin de ce monde comme ils se l’imaginent

ind. Feuille blanche

15’ Bilan « qu’est-ce qu’un monde sans nature ?» Afficher les productions

Décrire son dessin / observer celui des autres

Coll.

10’ Expliciter la consigne Vous allez choisir un « trésor » qui vient de la nature et il faudra nous expliquer pourquoi vous avez choisi cet objet. Avec notre collection d’objets on fera une exposition dans une armoire de l’école (Montrer photographie de l’armoire)

Inventaire des idées Nuages de propositions

Coll.

5’ Ecrire liste d’idées à ramener Propose des objets à ramener Coll.

Coller mot parents :

Chers élèves, chers parents,

Les classes de Moyenne section 6 et de CP S commencent un projet autour des collections et de l'environnement. Nous avons reçu une lettre de créatures venant d'un monde sans nature. Les deux classes auront donc pour objectif de construire une mini-galerie afin de la faire découvrir à nos « correspondants ». Il sera demandé aux élèves de ramener un élément appartenant au monde naturel, qu'ils veulent faire partager à leur camarade. Nous vous inviterons prochainement à l'exposition de leurs « trouvailles ».

Charlie Teyssier et Alice Lemaître

Page 75: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

75

Séance 2 et 3 Découverte des objets

Deux séance identiques (séance 2 : nouveaux objets)

Domaine : CP : Questionner le monde / Français (langage oral) MS : MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS

EXPLORER LE MONDE DU VIVANT, DES OBJETS ET DE LA MATIERE

CP Cycle 2 – MS Cycle 1

Objectif : Présentation / découverte sensorielle des objets

Compétences visées : CP : - Organiser un propos et maitriser les moyens de l'expression (vocabulaire, syntaxe, enchainements...). MS : - Connaitre et utiliser ses 5 sens - Faire des phrases simples - Echanger et réfléchir avec les autres

Durée

Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel

2-3’(par élève)

Pourquoi tu as choisi cet objet ?

Explique choix de l’objet ramené Ecoute camarades (de manière ponctuelle au cours de la journée)

Déposent leur objet dans la valise

coll.

Consigne : Nous allons découvrir les objets de chacun, pour ça nous allons utiliser nos 5 sens

- Lister les 5 sens - Mettre en lien avec les objets

Coll.

6’ (par groupe)

Jeux sensoriels Vous allez les sentir, les toucher, les regarder et les écouter et vous me direz ce que vous avez observé

Explorer les objets en liens avec les sens

Objets disposés par ilots dans la classe

15’ Bilan Qu’as-tu observé ? (en lien avec le sens)

Apporte et note le vocabulaire nouveau

Prise de parole Expriment leur ressenti

Coll. cahier de vocabulaire de la classe

Page 76: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

76

Séance 4 : classer les objets

Domaine : CP : Questionner le monde / français (langage oral) MS : MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS EXPLORER LE MONDE DU VIVANT, DES OBJETS ET DE LA MATIERE

CP Cycle 2 – MS Cycle 1

Objectif : classer les objets pour l’exposition

Compétences visées

CP : Identifier ce qui est animal, végétal, minéral ou élaboré par des êtres vivants.

- Organiser un propos et maitriser les moyens de l'expression (vocabulaire, syntaxe,

enchainements...).

MS : - Evaluer et comparer des collections d’objets

- Classer des objets selon des critères

- échanger avec les autres

Durée

Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel

5’ Apport culturel Qu’est-ce qu’une exposition ? Comment elle est organisée Montrer des images

Discussion autour des collections Racontent leur expérience en musées etc. Commentent les photos d’exposition

Coll. Photographies personnelles –

musée des confluences, expositions

diverses

Consigne : Béton et Bitume nous ont demandé une exposition pour découvrir la nature. On va donc essayer de faire de comme dans un musée. Nous aussi il va falloir qu’on regroupe nos objets. On va donc les ranger comme quand on range notre chambre. On va essayer de ne pas laisser d’objet tous seuls Il faudra pour vous avez choisi ce classement. On mettra en commun à la fin de la journée.

10’ par groupes

Prend en photo une fois le classement fini Elèves viennent par groupe de 4 effectuer un classement.

Par groupe de 4 Appareil photo

20’ Projette les photos au TBI Comparer les classements

Chaque groupe vient expliquer / argumenter son classement

Coll.

10’ CP : « Correction » : Propose d’aller plus loin dans le classement des objets

Font de nouvelles propositions Viennent mettre objets ensemble un par un Prenne une nouvelle photo du classement

Coll.

Page 77: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

77

Séance 5 : Echange de valises

Domaine : CP : Arts plastiques / Questionner le monde MS : MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS EXPLORER LE MONDE DU VIVANT, DES OBJETS ET DE LA MATIERE

CP Cycle 2 – MS Cycle 1

Objectif : découvrir objets de l’autre classe / classer à nouveau

Compétences visées :

CP :- Identifier ce qui est animal, végétal, minéral ou élaboré par des êtres vivants.

- Organiser un propos et maitriser les moyens de l'expression (vocabulaire, syntaxe,

enchainements...).

MS : - Connaitre et utiliser ses 5 sens - Faire des phrases simples - Echanger et réfléchir avec les autres

Durée

Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel

5 ‘ Réception valise / lecture du mot adressé à l’autre classe

Ecoute lecture

Coll.

Temps libre : découverte sensorielle de la valise de l’autre classe

20’ CP : proposition de classification des objets MS Guide élèves dans classement

Prend en photo le résultat

Viennent mettre objets qui vont ensemble à côté / font propositions

Coll.

Séance 6 Mise en valeur

Domaine : CP : Arts plastiques / Questionner le monde MS : MOBILISER LE LANGAGE DANS TOUTES SES DIMENSIONS AGIR, S'EXPRIMER, COMPRENDRE A TRAVERS LES ACTIVITES ARTISTIQUES

CP Cycle 2 – MS Cycle 1

Objectif : Préparer la mise en place de l’exposition

Compétences visées :

CP : - Réaliser et donner à voir, individuellement ou collectivement, des

productions plastiques de natures diverses.

Réaliser et donner à voir, individuellement ou collectivement, des productions

plastiques de natures diverses.

MS : - Dessiner des éléments simples - Réaliser des compositions plastiques, seul ou en petit groupe, en choisissant

et combinant des matériaux - Echanger avec les autres

Durée

Rôle enseignant Activité élève Org. Classe / matériel

Page 78: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

78

5’ C : Nous allons maintenant mettre en valeur nos objets pour l’exposition. Je vous mets à disposition du matériel pour mettre vos objets dans l’armoire, vous allez dessiner une idée d’installation que vous avez. Mise à disposition du matériel : ficelle ; pate à fixe ; carton ; feuilles ; peinture ; papier kraft ; sparadrap ; pinces à linge ; fleurs séchées ;

(prérequis : composition des groupes en fonction des objets sur lesquels les enfants ont voulu travailler)

5’ Ecrit au tableau propositions des élèves

Liste opérations plastiques (suspendre / mettre sous cadre /etc. )

Coll.

30’ Guide Encourage à faire des choix (trop de

pommes de pin) Met à disposition matériel

Par groupe réalise le croquis d’une installation pour l’exposition dans l’armoire

Par groupes - Objets

travaillés - Feuille

blanche

Séance 7 (suite de la séance 6) : Mise en place matérielle de l’installation conçue en séance 6 par les groupes.

Les élèves viennent un groupe par un groupe mettre les objets dans l’armoire.

Page 79: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

79

II. PHOTOGRAPHIES DU PROJET

1. Lettre de Béton et Bitume

« Chers enfants,

Nous sommes des Urbanoïdes, nous vous envoyons une lettre depuis notre monde sans nature ! Nous sommes drôlement curieux de découvrir le vôtre, mais surtout la nature ! Nous vous regardons depuis chez nous et savons que vous avez beaucoup de choses à nous faire découvrir sur la nature de la Terre. Nous avons choisi vos deux classes de Moyenne section et de CP S et vous proposons de nous montrer les trésors de votre nature dans une exposition que nous viendrons voir à l’école Joseph Cornier ! Signé : Béton et Bitume, les Urbanoïdes »

Page 80: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

80

2. Un monde sans nature

Moyennes sections :

CP

CP

Page 81: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

81

3. La valise se remplit

CP

4. Exemple de proposition de classification

CP MS

Page 82: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

82

5. Idées pour la mise en valeur

Moyennes sections

CP

CP

Page 83: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

83

6. L’exposition

Page 84: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

84

Page 85: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

85

Page 86: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

86

Page 87: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

87

7. Documents d’explications pour l’exposition

Les classes de Moyenne section 6 et CP s vous présentent : leur

cabinet de curiosités !

Mais un cabinet de curiosités qu’est-ce que c’est ? Apparus à la Renaissance en Europe, les cabinets de curiosités sont des ancêtres des musées. Ils ont joué un rôle essentiel dans le développement de la science moderne. Les cabinets de curiosités étaient des lieux où étaient exposées des collections d'objets avec un certain goût pour l'étrange et l'inédit.

Ils constituaient une reconstruction de la nature à une échelle réduite. C’est dans cet esprit, et dans une volonté d’éducation au développement durable que nos deux classes ont mené ce projet d’exposition.

La consigne était de donner à voir la nature à deux créatures imaginaires qui vivent dans un monde sans nature. Les enfants ont donc été amenés à prendre des objets de leur environnement pour dévoiler la diversité infinie de notre nature.

Page 88: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

88

8. QCM préparé pour les visiteurs de l’exposition

Page 89: D’un « être-au-monde » intime à un « vivre-ensemble » dans ... · Ce lien avec le monde, purement intime et personnel ; les vacances, les maisons de campagne, les promenades

89

Charlie TEYSSIER Alice LEMAITRE

D’UN « ETRE-AU-MONDE » INTIME A UN « VIVRE-ENSEMBLE » DANS UN MONDE PARTAGE.

89 Pages

Chapitre 1 : 24 pages - Chapitre 2 : 31 pages

Mémoire de MEEF PE M2A - Université Claude Bernard Lyon 1 - ESPE 2016-2017

RESUME

Ce mémoire est le fruit d’une recherche et de la conduite d’un projet en éducation au

développement durable dans deux classes d’école primaire. Charlie Teyssier et Alice Lemaître

deux professeurs des écoles stagiaires dans une école à Lyon 4e, proposent un dispositif qui tend

à favoriser chez leurs élèves de MS et CP le passage d’un être au monde intime à un vivre

ensemble dans un monde partagé ; à savoir la création d’un cabinet de curiosités.

En effet, partant du postulat que les jeunes enfants ont une certaine sensibilité

environnementale, l’objectif de cette recherche et de la pratique de classe qui en découle est

dans un premier temps de l’exacerber. C’est par la collecte de « trésors de la nature » qui seront

exposés et leur exploration sensorielle que l’enfant tissera des liens et nourrira sa curiosité.

L’enjeu du projet sera, dans un second temps, de lui faire vivre une expérience de création

commune qui, par le recours aux sciences et aux arts, et ce dans une logique de pédagogie de

projet, lui permettra de développer une conscience davantage collective ainsi que des

compétences citoyennes de coopération.

MOTS-CLES

Education - environnement - nature - pédagogie - sensible - partage - imaginaire - projet - arts

- exposition – curiosité

DIRECTEUR DE RECHERCHE

Olivier Morin

MEMBRES DU JURY

Lebreton Gwenaële

Morin Olivier

Obriot Florence

DATE DE SOUTENANCE

15/06/2017