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b u l l e t i n m o n u m e n t a l société française d’archéologie 4 72 1 L’église Saint-Liphard et la tour Manassès de Garlande à Meung-sur-Loire par Jean Mesqui Philibert Delorme à l’hôtel d’Angoulême ? Réflexions sur une attribution par Jean Guillaume

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ISBN : 978-2-901837-49-7

L’église Saint-Liphard et la tour Manassès de Garlande à Meung-sur-Loirepar Jean Mesqui

Philibert Delorme à l’hôtel d’Angoulême ? Réflexions sur une attributionpar Jean Guillaume

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© Société Française d’ArchéologieSiège social : Cité de l’Architecture et du Patrimoine, 1, place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75116 Paris.

Bureaux : 5, rue Quinault, 75015 Paris, tél. : 01 42 73 08 07, mail : [email protected]

Revue trimestrielle, t. 172-I, mars 2014ISSN : 0007-4730

CPPAP : 0112 G 86537ISBN : 978-2-901837-49-7

Diffusion : Éditions A. & J. Picard, 82, rue Bonaparte, 75006 ParisTél. librairie 01 43 26 96 73 - Fax 01 43 26 42 64

[email protected]

Toute reproduction de cet ouvrage, autre que celles prévues à l’article L. 122-5 duCode de la propriété intellectuelle, est interdite, sans autorisation expresse de la Sociétéfrançaise d’archéologie et du/des auteur(s) des articles et images d’illustration concernés.Toute reproduction illégale porte atteinte aux droits du/des auteurs(s) des articles, àceux des auteurs ou des institutions de conservation des images d’illustration, nontombées dans le domaine public, pour lesquelles des droits spécifiques de reproductionont été négociés, enfin à ceux de l’éditeur-diffuseur des publications de la Sociétéfrançaise d’archéologie.

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La petite ville épiscopale de Meung-sur-Loire possède un ensemblemonumental remarquable, composépar la collégiale Saint-Liphard, le

clocher et la tour maîtresse épiscopale quiconstituent son massif occidental (fig. 1) ;ils forment un triptyque offrant un contre-point au château bâti un peu plus hautpar l’évêque Manassès de Seignelay.Rapidement étudié avec sa tour par JeanVallery-Radot lors du Congrès archéolo-gique de France en 1931, cet ensemblecomplexe mérite qu’on y consacre une at-tention plus soutenue, d’autant que des in-vestigations archéologiques menées en1991 et en 2000, puis des relevés archéo-logiques et architecturaux détaillés menéspar nos soins les éclairent d’un jour nou-veau 1.

L’HISTORIQUE

Du monastère à l’église collégiale

L’étymologie du lieu, Mag-dunum, nelaisse aucun doute sur son origine proto-historique ; il s’agissait d’un site de traver-sée de la Loire par un faisceau d’itinérairesantiques 2. Si l’on en croit la traditionrapportée par les Acta sanctorum, le site,abandonné après les invasions des« Vandales » (probablement les grandesinvasions du début du Ve siècle), aurait étéchoisi comme refuge par un notablenommé Liphard pour créer un ermitage,probablement au tout début du VIe siècle 3.Cet ermitage était devenu au début duIXe siècle un monastère dont l’église

était dédiée à saint Liphard ; l’empereurCharlemagne en avait investi l’évêqued’Orléans Théodulphe 4.

Après la révolte du roi des LombardsBernard d’Italie en 817, Théodulphe quiavait pris son parti contre Louis le Pieux,fut déposé et relégué dans un monastère,comme d’autres évêques conjurés ; lecomte d’Orléans Matfrid, qui figuraitparmi les plus grands dignitaires du palais,profita sans doute de cette disgrâce épisco-pale pour se faire attribuer le monastèreSaint-Liphard 5. Quelques années plustard, ce fut au tour de Matfrid de tomberen disgrâce, alors que Théodulphe, lui,retrouvait la faveur impériale ; les évêquesd’Orléans récupérèrent alors, de façon défi-nitive, la possession du monastère 6.

La présence de celui-ci ne fit sans douteque renforcer le rôle de point de traverséejoué par Meung, et les rois carolingiens yfaisaient halte de temps à autre : ainsi, en861, Charles le Chauve y passa, en prove-nance d’Oissel (Seine-Maritime), pour yrencontrer le puissant comte de Blois,Robert le Fort, et, l’année suivante, avecson épouse, il y fixa rendez-vous à leur filsCharles pour tenter de le raisonner dans sestentatives de révolte. Plus tard, le roi Eudesséjourna au monastère en 890 ; il y convo-qua un synode épiscopal l’année suivante 7.

Dès les années 1020, ce monastère étaitdevenu un chapitre de chanoines séculiersprébendés dépendant directement del’évêque d’Orléans, puisqu’à cette époquel’évêque Odolric aurait donné aux moinesde Micy, avec l’accord du chapitre deSaint-Liphard, une prébende canoniale 8 ;en tout cas, le chapitre existait en 1068,

puisque cette année-là le roi renonçait àson droit de voirie sur la petite localité deOinville en Beauce, au bénéfice du chapi-tre qui la possédait 9. Comme tous leschapitres séculiers, celui-ci était implantédans un quartier environnant l’église collé-giale, le Cloître (claustrum) que l’on trouvementionné à la charnière des XIe et XIIe

siècles (fig. 2) 10.

Ce dernier était entouré d’un mur etcoïncidait probablement avec le castrummentionné en 1103, lorsque l’évêque Jeandut faire appel au roi Philippe Ier et à sonfils le prince héritier Louis pour en repren-dre le contrôle sur son vassal Léon II deMeung, lointain héritier des avoués de l’ab-baye carolingienne 11. La relation deshauts-faits du prince Louis par Suger meten scène ce vassal rebelle, qui aurait acca-paré également un autre castrum épisco-pal - dont le nom n’est pas donné -, tentantde défendre le castrum magdunois depuisla maison qu’il possédait à l’intérieurde l’enceinte fortifiée au nord de l’église(fig. 2), puis se réfugiant dans le clocher del’église collégiale lorsque l’enceinte eut étéprise par les troupes royales 12. Celles-cimirent le feu à l’église et à son clocher,obligeant les défenseurs à se jeter de sonsommet pour échapper aux flammes etfinalement s’empaler sur les lances enne-mies.

Dès octobre de l’année suivante, l’églisefut solennellement reconsacrée par Raoul,archevêque de Tours, Galon, évêque deParis, Jean, évêque d’Orléans, et Chrétien,abbé de Saint-Mesmin ; les reliques desaint Liphard, qui avaient été transportéesla veille à l’église paroissiale de Saint-Pierrehors les murs, furent alors replacées dans

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L’ÉGLISE SAINT-LIPHARD ET

LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE

À MEUNG-SUR-LOIRE

Jean MESQUI *

Bulletin Monumental Tome 172-1 • 2014

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JEAN MESQUI

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leur caveau originel 13. Cependant, en dépitde cette remise au pas du vassal magdunois,la véritable reprise en main de la seigneuriepar l’évêque n’intervint que sous Manassèsde Garlande (1146-1185) qui imposapacifiquement son pouvoir sur le puissantsuccesseur de Léon II, Bouchard deMeung, seigneur du Chéray et de laFerté-Avrain en Sologne, en mettant souscontrôle ses prétentions fiscales et en repre-nant, au moins partiellement, les préroga-tives banales sur l’agglomération en coursde développement.

De la tour et résidence de Manassès deGarlande aux prisons de l’évêque

Deux actes, l’un de 1162 et l’autre de1171, prouvent que Manassès ne secontenta pas de cette réappropriationseigneuriale ; il bâtit une tour et une rési-dence (mansio) accolée à la tour, à la placede deux maisons appartenant au chapitreet situées dans l’emprise du cloître 14. Dansla tour elle-même, il possédait une chapelledont il institua en 1162 la desserte par un

prêtre doté d’une demi-prébende capitu-laire 15. Cette tour mentionnée par les deuxactes a été identifiée par Marcel Charoyà l’édifice appelé aujourd’hui « tourManassès de Garlande », accolé au clocher ;l’identification, reprise par Jean Vallery-Radot puis l’ensemble des auteurs, mérited’être révisée, comme on y reviendra, maisil ne fait en tout cas aucun doute quel’ensemble résidentiel de Manassès deGarlande formait le massif occidental del’église, comprenant la tour Manassès et leclocher lui-même, en partie ou totalité(fig. 3).

Ceci est confirmé par la donation quefit en 1204 l’évêque Hugues de Garlandeau chapitre. Il lui concéda une maisonsituée dans le Cloître, voisine de « sesmaisons » ; il l’avait achetée des héritièresd’un certain Gilon Morin et le don s’effec-tua sous condition qu’elle soit affectée à vieà son neveu Hugues, chanoine et chevecierdu chapitre, en location annuelle 16. Lepluriel employé pour désigner « les »maisons de l’évêque ne donne aucune indi-cation réelle sur le fait qu’il y en eûtplusieurs : il s’agit, en fait, d’une locutionemployée de façon générique dans la diplo-matique de l’époque pour désigner la rési-dence au sens large d’un prince,ecclésiastique ou laïc.

Dès le début du XIIIe siècle cependant,cet ensemble résidentiel était passé demode ou en tout cas jugé insuffisant parl’évêque Manassès de Seignelay ; durantson épiscopat, entre 1207 et 1221, cetévêque bâtit le château de Meung, quidomine de sa masse la collégiale, le clocheret la tour Manassès de Garlande, et le chro-niqueur justifiait cette décision par le faitque Manassès de Seignelay n’aurait euaucune résidence digne d’un évêque àMeung 17. Dès lors, le destin de la tourManassès de Garlande était probablementscellé mais on ne peut garantir qu’elle aitété abandonnée par l’évêque immédiate-ment 18.

L’époque à partir de laquelle elle fututilisée comme « prisons de l’évêque » n’estpas connue mais un faisceau d’indicesconcourt à penser que cette utilisationremonte au moins à la fin du XIVe siècle,et sans doute même au-delà 19. Il ne fait

Cl. J. Mesqui 2011.Fig. 1 - Meung-sur-Loire, vue du clocher de l’église collégiale Saint-Liphard et de la tour Manassèsde Garlande, avec ses deux tourelles flanquantes, depuis le sud-ouest.

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aucun doute que ce fut en ce lieu que lechancelier Nicolas d’Orgemont, convaincude trahison, fut transféré secrètementpar l’administration royale le 18 juillet1416 ; un chanoine de Notre-Dame deParis fut envoyé par le chapitre pours’enquérir des conditions d’incarcération,et revint en indiquant que d’Orgemontétait dans une prison très dure (« artiorcarcer »). Il ne résista d’ailleurs pas autraitement qui lui était fait et décéda enprison en septembre de cette année 20.C’est ici également que François Villon

passa un été au fond de la « fosse », au painsec et à l’eau, ce dont il se plaignit amè-rement dans ses poèmes, comme on yreviendra. Plus tard, un très intéressantdocument notarié de 1472 met en scènedeux prisonniers qui s’échappèrent de leurprison pour aller dans l’église Saint-Liphard – probablement en passant par lesgrandes baies du clocher – et y trouvèrentasile : ils finirent par s’en échapper nuitam-ment mais seul l’un d’eux réussit à quitterla ville. L’autre y demeura et se réfugia ànouveau dans l’église ; il n’en sortit

qu’après avoir fait appel en la cour deParlement, ce qui suspendait toute appli-cation éventuelle de la question 21.

Un siècle plus tard, en 1579, lechanoine Jacques Binet, cherchant à iden-tifier la tour de Manassès de Garlande,écartait la « tour des prisons », ne conce-vant pas qu’elle ait pu changer de destina-tion depuis sa construction ; il se trompaitsur le premier point mais confirmait ainsisa localisation 22. Enfin, parmi les docu-ments attestant de l’usage de la tourManassès comme prison, on citera ici l’ar-rêt du Conseil d’État du 27 octobre 1594,qui faisait suite aux destructions occasion-nées par les guerres de la Ligue dansl’Orléanais, autorisant l’évêque à utilisercertains fonds levés pour le canal de Loirepour réparer ses possessions, au vu du« procès-verbal de la visitation faicte desruines et desmolitions, brulemens desmaison, escuiries, prisons et autres commo-ditez de la basse-cour du chasteau deMeun » 23. Il est probable que les prisonseurent fort à souffrir ; on ignore si ellesfurent rétablies totalement.

En tout cas, la « Première vue deMeung sur Loire » gravée par CharlesCampion en 1773 24, montre que la tourManassès était dès cette époque dépourvuede toiture externe ; on verra néanmoinsplus loin que des toitures internes enappentis y furent aménagées. Décrétée biennational à la Révolution, elle fit l’objetavant sa vente d’un inventaire par la muni-cipalité en septembre 1790 ; on y trouvaitencore la salle d’audience de la justice del’évêque avec le parquet, l’auditoire et lesbancs scellés aux murs, ainsi que les prisonsavec leurs « fermetures de portes de bois etde fer » et des barreaux de fer aux fenê-tres 25. Le bâtiment fut vendu en mêmetemps que le château, le 28 mars 1791, àJacques-Jean Le Couteulx de Molay,trésorier de la Caisse de l’Extraordinaire àParis, déjà propriétaire du château de laMalmaison à Rueil.

La tour Manassès de Garlande n’étaitplus qu’une dépendance du château del’opulente famille. Si l’on en croit le vicaireDoucheny qui décrivait l’église en 1845,elle servait alors de... porcherie 26. Ellen’a été classée Monument historique que le

L’ÉGLISE SAINT-LIPHARD ET LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE À MEUNG-SUR-LOIRE

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Fig. 2 - Meung-sur-Loire, plan cadastral en 1829. On n’a pas rectifié le tracé du plan du château, nicelui de la tour Manassès de Garlande, malgré leur caractère assez fantaisiste, car ceux-ci ont l’avantagede montrer l’emprise des bâtiments annexes aujourd’hui disparus. La première enceinte coïncidaitprobablement avec le mur du Cloître (J. Mesqui 2013).

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8 septembre 1988 mais elle n’a bénéficiéd’aucun travaux jusqu’aux années 2000-2002, lorsque la commune de Meung arécupéré la propriété et la gestion dumonument 27. Elle est aujourd’hui ferméeau public.

L’église et le chapitre jusqu’à la fin del’Ancien régime

Si l’on revient à l’église elle-même(fig. 4), les sources d’archives sont muettessur tout événement la concernant – àcommencer par sa reconstruction au XIIIe

siècle – jusqu’aux guerres de Religion. Elleavait une double fonction : celle de collé-giale pour le chapitre sous l’invocation desaint Liphard et celle de paroissiale pour leshabitants de la ville intra-muros, sous l’in-vocation de saint Nicolas (patron des bate-liers et des franchissements de rivière).

JEAN MESQUI

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Fig. 3 - Meung-sur-Loire, plan de l’ensemble constitué par l’église Saint-Liphard, le clocher (A) et la tour Manassès de Garlande (B), au niveau du rez-de-chaussée bas de l’église (relevé et dessin J. Mesqui 2013). En a, tombeau de Germain de Guélis ; en b, emplacement d’un ancien autel.

Cl. C. Enlart.Fig. 4 - Meung-sur-Loire, église Saint-Liphard, vue prise depuis le nord-ouest au début duXXe siècle (Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine).

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Aujourd’hui libérée de toute partitioninterne (fig. 28), à l’exception du mur de lapremière chapelle latérale sud-ouest sansdoute ajouté en 1864 28, l’église était sépa-rée en deux parties jusqu’à la Révolution.Le chœur liturgique réservé au chapitrecomprenait l’abside, les deux travéesdroites – dans la première était installé l’au-tel dédié à saint Liphard 29, la croisée dutransept, ainsi que deux chapelles adven-tices situées de part et d’autre du chœuraujourd’hui détruites 30. La croisée étaitisolée des deux bras du transept par desmurs qui ne furent supprimés qu’à laRévolution, de même que le jubé construità la fin du XVIIe siècle qui séparait la croiséedu vaisseau central 31.

Les paroissiens avaient à leur disposi-tion ce vaisseau central et les bas-côtés pourle culte : l’autel paroissial dédié à saintNicolas se trouvait contre la pile sud-ouestde la croisée du transept, alors qu’un auteldédié à saint Genou se trouvait contre lapile nord-ouest ; s’y ajoutaient les chapelleslatérales et les autels annexes, portant autotal le nombre d’autels à quinze 32. Larestauration de la fin du XIXe siècle en arestitué au total huit.

Enfin, une fonction importante étaitcelle du culte des reliques de saint Liphard,qui faisaient l’objet d’un pèlerinage. Il estprobable que c’est pour assurer le circuit devénération des reliques au travers duchœur, sans pénétrer dans le secteur réservéde la croisée du transept, que des passagesfurent percés dans les parois des deuxchapelles latérales du transept ; les pèlerinspouvaient ainsi traverser la première travéedu chœur en longeant la sépulture. Cesdeux passages ont été murés côté chœur(fig. 3) et transformés en placards 33. Lachapelle d’axe nord du transept était dédiéeà saint André (aujourd’hui à saint Joseph),la chapelle sud à la Vierge de Pitié(aujourd’hui à la Vierge).

Si l’on revient à la chronologie de l’édi-fice, il semble qu’à l’occasion des deuxprises d’Orléans et des environs par lesHuguenots – la première en avril 1562conduite par le prince de Condé et laseconde en septembre 1567 sous le com-mandement du capitaine de la Noüe,l’église Saint-Liphard eut à subir les mêmes

outrages que ses voisines. La prise deMeung le 7 mai 1562 s’accompagna d’unsaccage de l’église ; la tombe de saintLiphard fut violée et ses ossements livrés aufeu 34. L’épisode de 1567 fut apparemmentplus destructeur, puisque les voûtes furentendommagées et la toiture totalementdétruite, probablement par les flammes.D’après le Martyrologe de Saint-Liphardcomposé en 1740, les voûtes étaient réparéesen 1570 et la couverture rétablie en 1576,grâce au prêt de 800 livres que fit alors ledoyen du chapitre Augustin Grené 35.

À nouveau, la ville fut prise par force le22 mai 1590, cette fois par les Ligueurs ;la soldatesque se livra à de nouvelles profa-nations, « sacrilèges, meurtres et violle-ments », et les cloches furent descenduespour être fondues, à l’exception de lamaîtresse cloche, appelée la Lipharde, quise trouvait à Orléans pour être refondue 36.

Deux siècles plus tard, après qu’eutéclaté la Révolution, la collégiale fut rame-née au rang de paroissiale sous le vocablede Saint-Nicolas, patron de la paroisseintra muros abritée depuis le Moyen Âgedans sa nef ; le 11 juin 1791, la paroisse futrenommée Saint-Liphard et accueillit lamême année les dépouilles de l’égliseparoissiale Saint-Pierre hors les murs. Pource faire, la municipalité fit détruire le jubédu XVIIe siècle ainsi que les murs quiisolaient la croisée du transept de la nef etdes bras du transept, construits naguèrepour agrandir le chœur 37.

L’église devint en novembre 1793Temple de la Raison, puis, un peu plustard, Temple de l’Être suprême ; durant lespremiers mois de 1794, les objets d’or etd’argent furent inventoriés et enlevés,l’orgue du chapitre disparut 38 et l’autelprincipal fut vendu à condition d’êtredétruit. Mais, dès l’année suivante, le 15juillet 1795, l’église fut réaffectée au cultecatholique. À partir de 1804, le conseilde fabrique tout nouvellement créécommença une remise en état progressive,en parant au plus pressé : pour cela, laressource la plus évidente fut… l’augmen-tation du prix de location des chaises 39.L’un des premiers travaux menés fut l’ob-turation de la tribune de l’orgue du chapi-tre, décidée dès l’une des premières séances

du conseil : il s’agissait en fait de fermer enbriques une grande arcade ménagée dans lemur du premier étage du clocher, alors encommunication directe avec la nef 40.

Selon le vicaire Doucheny, qui écrivaiten 1845, c’est également à cette époquequ’auraient été supprimées les bases despiliers de la nef de chaque côté de celle-ci,afin de permettre de caser plus de chaises 41.Le même vicaire rapporte que l’anciennecollégiale reçut par deux fois un « ignomi-nieux badigeon couleur de citron », lapremière fois entre 1807 et 1815 et laseconde fois vers 1837 42 ; on retrouve lesrestes de cet enduit en partie haute orien-tale de la nef, derrière le grand mur de fondà arcades de 1864 et dans le bras nord dutransept. Il ne signalait pas, en revanche,l’installation en 1843 d’un nouveau buffetd’orgue, probablement dans l’anciennetribune rouverte pour la cause au premierétage du clocher : il semble qu’il ait étéconstruit par le facteur anglais bien connuJohn Abbey qui installa son entreprise àVersailles 43. L’église fut classée Monumenthistorique dès la première liste de 1840.

La grande campagne de restaurationdes années 1862-1880

C’est au curé Lambert (1860-1864)que l’on doit la restauration totale del’église : comme l’exprimait son successeurl’abbé Foucher, « il faut le dire à sa louange,il ne l’entreprit pas à moitié » mais, pourautant, l’église n’ayant été qu’assez margi-nalement modifiée par les époques anté-rieures, les changements qu’il introduisitfurent, en définitive, relativement limités.La restauration débuta l’année 1862 ; deuxdevis, dressés par l’architecte d’OrléansB. Ricard et conservés dans les archivesmunicipales, fournissent le cadre de cetterestauration. Le premier devis, non datémais probablement de la fin 1861, concer-nait la suppression totale de l’ancien enduitet son remplacement par l’enduit gris àfaux-joints qui existe encore aujourd’hui ;l’ensemble des maçonneries devait êtregratté, les parties peintes à l’huile retailléesà la laye ; les chapiteaux devaient êtrerestaurés « en ciment romain », les crochets

L’ÉGLISE SAINT-LIPHARD ET LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE À MEUNG-SUR-LOIRE

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rapportés devant être tenus avec desgoujons en laiton ; les pierres détérioréesde certains piliers devaient être égalementremplacées. Ces travaux furent commencésavec diligence, comme en témoignent lesreçus et leurs attachements ; ceci permità l’architecte d’établir un second devis,

plus ambitieux dans ses objectifs, le 14août 1862 44.

À l’extérieur, il s’agissait d’abord dedégager les bases de la partie nord-ouest ducollatéral, complètement engoncées dansles remblais accumulés depuis le XIIIe siècle

sur la place du Martroy : on projeta alorsde réaliser une tranchée, qui existe encoreaujourd’hui, pour découvrir ces bases etassainir la maçonnerie de l’humidité l’af-fectant. Il s’agissait aussi de raidir la pentedu toit du collatéral nord et de refaire satoiture, puis de réparer les têtes des contre-forts abimées par l’humidité. Selon l’abbéFoucher, c’est aussi en 1862 que l’onsupprima les deux chapelles adventicesaccolées au nord et au sud de la deuxièmetravée de chœur, qui avaient servi d’habi-tations aux servants de l’église après queleur communication avec le chœur eut étémurée, peut-être au début du XIXe siècle 45.

Intérieurement, le devis prévoyait l’as-sainissement et la restauration des chapelleslatérales ; il envisageait également le mêmetraitement pour la face du clocher donnantdans le vaisseau central, ainsi que la resti-tution des colonnes manquantes et detoutes les anciennes bases des piliers, donton a vu qu’elles avaient été mutilées. Enfin,l’architecte prévoyait un dallage de l’en-semble de l’église, pour remplacer ledallage en mauvais état.

Les travaux furent menés bon trainjusqu’en 1864 ; c’est cette année que furentconstruits, devant le clocher, la nouvelletribune de l’orgue et le grand murdiaphragme percé de deux arcadesgothiques qui est venu unifier le fond occi-dental du haut vaisseau et celui des colla-téraux, masquant du même coup la faceorientale du clocher à l’exception de sonporche oriental muré jusqu’au début desannées 1890 (fig. 5) 46. Fut-ce le remplace-ment du curé Lambert par l’abbé Foucher,en 1864, ou le manque de ressources quimit un terme brutal aux finitions des sculp-tures ? Quoi qu’il en soit, les bases refaitesdans la nef furent laissées épannelées,comme celles des colonnes encadrant lesarcades du mur de fond, dont les chapi-teaux furent pour la plupart laissés brutségalement.

Par la suite, les travaux furent essen-tiellement relatifs à la réinstallation devitraux, au réaménagement des diverseschapelles qui furent progressivementdotées d’autels entre 1869 et 1883, à lamodification des stalles qui furent pour-vues de dais, à la mise en place de lustres,

JEAN MESQUI

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Cl. J. Mesqui 2011.Fig. 5 - Meung-sur-Loire, vue du mur-diaphragme à arcades de 1864, pris depuis l’est. On note, àl’intérieur de l’arcade basse, la porte en plein cintre percée dans la face est du clocher-porche, enretrait du mur-diaphragme. Au-dessus, la tribune et le buffet d’orgue restauré par Haerpfer-Ermanen 1971, installé dans une grande arcade percée dans la face est du clocher.

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etc. 47. On notera, parmi d’autres, le vitrailde saint Dominique ornant une fenêtrehaute du sanctuaire, offert par DominiqueIngres en 1865 ; il s’était installé à Meungaprès son mariage avec Delphine Ramel ety demeura jusqu’à son décès en 1867.

Cette campagne de restauration adonné à la collégiale son aspect actuel ;cependant, depuis la fin du XIXe siècle,plusieurs autres campagnes ont été menées.On notera que le 17 juin 1940, l’église futtouchée par plusieurs bombes : les pierresde l’assise nord-ouest du clocher s’écroulè-rent et défoncèrent toitures et voûte, écra-sant même un balustre de la tribune ; lesvoûtes de la chapelle circulaire nord duSacré-Cœur furent également touchées etdétruites, l’ensemble faisant l’objet derestaurations en 1948 48. Plus récemment,d’importantes campagnes de restaurationvisant à réparer charpentes et couvertureset à assainir et remplacer les maçonneries

ont eu lieu entre 1990 et 2005 sous ladirection successive des architectes en chefJacques Moulin et Régis Martin. Le chan-gement majeur introduit alors a été la réou-verture des deux portails du clocher-porcheoriental en 2004, après la fouille menée parle Service régional d’archéologie en 1991 ;cette opération a nécessité le décaissementde la base enterrée dans les remblais d’ap-port accumulés depuis le XIIIe siècle et laréalisation de deux rampes d’escalier pouraccéder à l’étroit parvis ainsi créé.

La tour et la « mansio » de l’évêque

L’ensemble monumental étudié icicomprend les trois édifices fonctionnelle-ment différents, mais structurellementimbriqués, que sont l’église, le clocher et latour Manassès de Garlande (fig. 6). Si,

dans la chronologie historique, l’églisefut assurément la première sur le site, l’ana-lyse architecturale établit un ordre diffé-rent, puisque, des trois édifices, le clocherest certainement le plus anciennementconstruit, suivi par la tour Manassès qui luiest accolée, l’église collégiale fermant leban. On respectera ici cette chronologiedonnée par l’architecture car elle répondaussi à la logique fonctionnelle : comme onl’a déjà dit, le clocher et la tour Manassèsde Garlande ont fonctionné ensemble àl’origine pour constituer l’unité résiden-tielle de l’évêque et méritent d’être étudiésde concert.

Le clocher (fig. 1) est une tour-porchecarrée de 8,50 à 8,70 m de côté, garnie àchacun de ses angles par deux contrefortsperpendiculaires marqués aux deux tiers deleur hauteur par un retrait ; bâtie en appa-reil assisé de petits blocs équarris, la tourest composée par une élévation primitive

L’ÉGLISE SAINT-LIPHARD ET LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE À MEUNG-SUR-LOIRE

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Fig. 6 - Meung-sur-Loire, plan du massif occidental au premier étage et au second étage (J. Mesqui 2013).

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d’environ 24 m au-dessus du sol actuel del’église, comprenant trois niveaux. Cettetour a été surélevée plus tard par l’étage descloches, construit en retrait sur son nu ; lescontreforts se prolongent à ce niveau en netretrait par rapport aux élévations infé-rieures et se terminent en glacis. Ce niveauest couronné par une corniche à modillonsnon sculptés ; au-dessus a été construite laflèche pyramidale encadrée par quatrelanternons aux angles, qui porte la hauteurtotale à quelque 44 m.

C’est à la face sud de cette tour carréeque la tour Manassès vient s’appuyer. Ils’agit d’un bâtiment trapézoïdal irrégulier,flanqué à ses angles sud-ouest et sud-est pardeux tours circulaires de diamètre inégal,peu saillantes ; sa face ouest est marquéepar un contrefort rectangulaire, alors quela face est était raidie par deux contrefortsqui n’existent plus qu’au-dessus des voûtesde l’église (fig. 11). Le raccordement de latour au clocher est très curieux : son muroccidental vient s’appuyer à la face orien-tale du contrefort sud-ouest du clocher,alors que son mur oriental vient littérale-ment s’accrocher aux deux contrefortsperpendiculaires sud-est de la tour descloches en les englobant. Cette dissymétriecurieuse est d’autant moins facile àcomprendre qu’elle eut pour conséquenceun empiètement sur la nef de l’église primi-tive lors de son édification.

La tour Manassès est majoritairementconstruite dans un matériau appareillé defaçon similaire à celui du clocher (fig. 7) ;cependant, à partir de la moitié de lahauteur primitive, l’élévation des tours et dela face sud est marquée par un changementbrutal de module des moellons équarris. Lepetit appareil devient un moyen appareilpresque régulier dans sa mise en œuvre ; cechangement n’a pas son répondant à l’inté-rieur, montrant qu’il s’agit probablementd’une reprise de chantier après un change-ment de fournisseur de pierres.

L’élévation de la tour Manassès étaitcompatible avec la hauteur du clocher danssa première phase : le sommet en a été engrande majorité ruiné mais, lors de l’inter-vention archéologique de 2000, les restesd’un chemin de ronde carrelé et de sonparapet ont été mis au jour à proximité du

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Cl. J. Mesqui 2013.Fig. 7 - Meung-sur-Loire, vue de la façade sud de la tour Manassès. Cette photographie prise àcourte focale permet de voir la totalité de l’élévation de la tour sud-est, qui se trouvait dans lepetit enclos du chapitre et n’a pas été remblayée, à la différence de l’élévation de la tour sud-ouest.

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raccord ouest avec le clocher 49. Le cheminde ronde est doté d’un chéneau d’écoule-ment, permettant ainsi de penser qu’à uneépoque, il était à ciel ouvert, signifiant ainsique la toiture était établie en retrait. Onnote sur la face sud de la surélévation unsolin de toiture dont le symétrique n’estplus visible ; il est néanmoins placé trèshaut par rapport au chemin de ronde, cequi rend problématique la restitution ducouvrement, à moins d’imaginer deuxniveaux en colombage sous la charpente.En tout état de cause, cette toiture hauteétait nécessairement contemporaine oupostérieure à la surélévation du clocher, nepouvant fournir aucune indication sur lacouverture originelle.

Après la construction des deux tours, lanef de l’église du XIIIe siècle est venue secoller à leur face orientale ; tous leurscontreforts visibles, c’est-à-dire le contre-fort nord-est du clocher et les deux contre-forts de la tour Manassès ont été bûchés surtoute leur hauteur jusqu’aux voûtes ducollatéral sud et du vaisseau central.

LE CLOCHER

Le rez-de-chaussée

Le premier niveau est celui du porchede l’église antérieure à l’édifice actuel,voûté en berceau, ouvert tant à l’ouest qu’àl’est par de grands portails plein cintre ; lesarcs sont marqués à leur naissance par descordons d’imposte et la voûte a été percéed’un grand trou circulaire pour le passagedes cloches. Jusqu’en 1991, l’arc d’entréeoccidental était muré et son élévation exté-rieure était en partie cachée par un remblaiadventice ; l’état d’humidité préoccupantde la base des maçonneries intérieuresmotiva un projet de dégagement par l’ar-chitecte en chef des Monuments histo-riques Jacques Moulin (réalisé en 2004seulement) et des sondages préventifsmenés par Jean-François Baratin. Grâce àla fouille sondage menée au droit ducontrefort sud-ouest, on a retrouvé le seuilprimitif extérieur du portail ouest à 2 msous le sol moderne externe.

Dès l’origine, le seuil du portail occi-dental était plus haut que celui du portailoriental d’environ 75 cm, nécessitant laprésence d’un escalier intermédiaire ; cettedénivelée a été restituée, lorsque le porchea été démuré, sous forme d’un emmarche-ment de 1,10 m de hauteur. En outre, leseuil intérieur du portail oriental lui-mêmeest plus haut que le sol de la nef du XIIIe

siècle ; les restaurateurs modernes ont doncrétabli un escalier pour rattraper la diffé-rence de niveau qui est de de 1,10 m.

La fouille de 1991 a montré de façonincontestable que le murage du porche etson remblaiement externe remontent auXIIIe siècle au plus tard et non au XVIIIe

siècle comme on l’a souvent affirmé.L’invention, au droit du passage dans leremblai d’apport, d’un sarcophage méro-vingien, réutilisé à la fin du XIIe ou au XIIIe

siècle pour la sépulture d’un jeune hommed’environ 25 ans, vient le confirmer 50. Lesarchéologues en ont déduit que le porcheextérieur fut muré dès la construction del’église actuelle. Peut-être le sol de l’égliseromane était-il plus haut à cet endroit : sondécaissement lors du chantier gothiquepourrait expliquer qu’on ait abandonné leporche occidental, compte-tenu de la déni-velée totale de 2,20 m entre le sol romanexterne et le sol gothique interne. Mais uneautre raison dut sans doute prévaloir : audébut du XIIIe siècle, la construction duchâteau au sud de l’église entraîna certai-nement la « privatisation », en tant quebasse-cour castrale, de la zone située entrel’église et le nouvel édifice, ainsi que l’amé-nagement d’un chemin d’accès depuis leMartroy jusqu’à la rampe longeant au nordle grand corps de bâtiment à tours bâti parManassès de Seignelay. Il est probable queces travaux entraînèrent la condamnationde l’accès primitif de l’église 51.

Le premier étage : la chapelle hautede Manassès de Garlande

Le premier étage du clocher était indé-pendant du porche. Il consiste en une sallecarrée, dont la paroi orientale a été percéed’une grande arcade brisée pour accueillirle buffet d’orgue qui occupe la presque

totalité de l’ouverture 52 ; la souffleriedébordant sur le volume de la salle a étéisolée en 1969 par un coffrage de parpaingsen brique extrêmement disgracieux. Onpénètre aujourd’hui dans la salle par l’in-tervalle laissé libre au nord entre l’orgue etle piédroit de l’arc ; cet accès est de plain-pied avec la tribune construite en 1864,elle-même accessible par l’escalier en vis duXIIIe siècle desservant les combles de l’église(fig. 6, fig. 27). On peut faire la supposi-tion qu’antérieurement au percement de lagrande arcade et de l’installation d’unorgue, il y eut de ce côté un accès vers unescalier en bois placé entre le clocher et lanef primitive ; le seul autre accès qui est laporte sud venant de la tour Manassèsn’existait pas à l’origine et a été percé unpeu plus tardivement, comme on va le voir.

La salle de la tour est couverte par unevoûte d’arêtes au travers de laquelle estménagé un passage circulaire pour lescloches ; en outre la voûte a été crevée aunord-est pour ménager un second passagede cloche à une époque ancienne, commeen témoigne le bâti en bois qui surmonte letrou au deuxième étage. Ceci permet deconstater qu’elle était seulement colléecontre les murs.

Cette voûte retombe sur quatre colon-nettes en délit aux chapiteaux délicatementsculptés, dont deux sur trois sont pourvusd’abaques échancrés ; ces chapiteaux àfeuilles lisses lancéolées plus ou moinsincurvées, très classiques dans leur facture,ainsi que les bases des colonnettes, sont depurs produits du premier art gothique etpeuvent être datés du milieu du XIIe siècle.Pour en donner un autre exemple régional,on citera les colonnettes similaires des arca-tures de la Madeleine de Châteaudun maisles caractères en sont assez universels,comme le montrent par exemple les colon-nettes et arcatures de l’abbatiale Saint-Germain-des-Prés 53 (fig. 8 et 9). On lescomparera utilement avec les colonnettesvisibles à Beaugency, en particulier dans leregistre intermédiaire des arcatures situéesau-dessus des arcades du chœur, datées desannées 1140 ; les colonnettes de Meungparaissent plus affinées dans leur mise enforme, ce qui traduit probablement leurpostériorité 54.

L’ÉGLISE SAINT-LIPHARD ET LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE À MEUNG-SUR-LOIRE

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De façon assez curieuse, les colonnetteset leurs bases sont très haut placées,puisqu’elles reposent sur des socles carrésde 1,80 m de hauteur, alors qu’elles-mêmesmesurent environ 2,70 m de hauteur,abaque compris : les tores et leurs griffes setrouvaient donc à hauteur d’homme. Cettedisposition, de même que l’emploi descolonnettes en délit, traduit une certaineréférence antiquisante 55. Par ailleurs, lacontradiction relative entre le caractère unpeu archaïque de la voûte d’arêtes et lemodernisme des chapiteaux gothiquestraduit bien la résilience des traditionsromanes face à l’introduction des nouvellesformes architecturales du premier gothiquequi marqua l’Orléanais de la secondemoitié du XIIe siècle 56.

L’éclairage de la salle était assuré essen-tiellement à l’ouest par une grande baie enplein cintre de 1,5 m de large pour 3,3 mde hauteur, probablement fermée par uneclaire-voie ; plus tard, elle a été en grandepartie murée et remplacée par une fente dejour haut-placée. Cet éclairage étaitcomplété au nord et au sud par deux autresfentes de jour, pourvues de hauts et étroitsébrasements voûtés en plein cintre ; lesdeux ont été murées. Celle du nord l’aété au moment où l’on construisait la

charpente et le toit du bâtiment adventicesitué au nord, probablement à la fin du XVe

ou au début du XVIe siècle 57 ; pour rempla-cer cette source lumineuse, une nouvellebaie en plein cintre fut percée au nord-ouest au-dessus du toit. Large et courte,cette fenêtre est pourvue d’une borduremoulurée d’un cavet, comme les encadre-ments des fenêtres du bâtiment adventice.

Le mur sud de la salle a fait l’objet d’unimportant remaniement, avec l’inclusiond’une grande porte d’accès depuis le sud.Aujourd’hui murée – probablement delongue date – cette porte est reconnaissa-ble à l’intérieur du clocher par son ébrase-ment interne couvert d’un arc segmentairelégèrement surbaissé ; l’enduit postérieur aété volontairement enlevé à l’époquemoderne pour la mettre en évidence, ce quipermet de voir que le passage de la porte aété ménagé a posteriori et qu’il s’est accom-pagné d’une reprise en sous-œuvre dupiédroit ouest de l’ébrasement de la fentede jour sud (fig. 10).

De l’autre côté, cette porte correspon-dait au premier étage de la tour Manassèsde Garlande, dont elle constituait l’accèsau clocher. Il s’agit d’une réalisation debelle facture, résultant probablement de

deux campagnes. Dans la première furentaménagés les piédroits au plan assez sophis-tiqué, presque festonné, constituée pardeux colonnettes principales s’intercalantentre trois plus minces, toutes engagées.Les chapiteaux, presque continus, formentune frise de longues feuilles qui se super-posent comme si elles étaient animées parle vent, jusqu’à former des amorces decrochets ; elle est surmontée d’un tailloiraux profils très accusés. Les tores de basesont assez hauts et dépourvus de griffes.Cette réalisation s’est accompagnée dumurage partiel et de la reprise du piédroitouest du jour primitif du clocher.

Malgré son état déplorable, on recon-naît que l’ensemble sculpté ne doit guèreêtre postérieur aux années 1175-1180,même s’il est plus tardif que les chapiteauxde la tour. En revanche, le linteau trilobéqui se trouve au-dessus de ces piédroitsparaît plus tardif ; il s’agit d’une très bellepièce de sculpture, constitué par sixclaveaux parfaitement assemblés, oùplusieurs moulures viennent souligner lesdeux trilobes centraux, juxtaposés l’underrière l’autre pour créer un systèmed’ombres complexe et accentuer le relief 58.

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Cl. J. Mesqui 2013.

Cl. J. Mesqui 2013.

Fig. 8 - Meung-sur-Loire, chapiteaux et bases du premier étage du clocher.

Fig. 9 - Châteaudun, église de la Madeleine,arcature basse.

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Si cette analyse est juste, cela signifieraitqu’au XIIIe siècle, à une époque où la tourn’était pas encore réaffectée à des prisons,on remplaça le linteau primitif par cetélément ; on notera que, probablement pourréaliser cette inclusion, les pierres supé-rieures de l’encadrement du jour sud ont étécassées afin de laisser place à la sculpture.

En revenant à l’intérieur de la salle del’étage, il faut enfin signaler l’enduit quicouvre l’ensemble des murs intérieurs, ycompris les bouchages divers. Cet enduit,décollé à de nombreux endroits, paraîtrecouvrir une couche de chaux blanche.On peut voir quelques traces de ce quipourrait avoir été des faux-joints roses aunord-ouest ; par ailleurs, les murs étaientdécorés, à intervalles irréguliers, de cerclescolorés remplis en couleur rose, entourésde couronnes dorées, et marqués de croixnoires imitant des ouvrages de serrurerie– ils sont aujourd’hui en partie effacés maison en dénombre encore cinq. Au centre deces cercles, on note la présence de chevillesd’accrochage ; il s’agissait donc probable-ment d’accroches de porte-bougeoirs 59.

En conclusion, ce premier étage a étémodifié pour le percement d’une porte d’ac-cès somptueuse depuis la tour Manassès deGarlande. Il ne fait aucun doute que la posi-tion de la « belle face » de la porte privilégiaitla circulation de la tour Manassès vers la salledu clocher, celle-ci méritant un aménage-ment de qualité. On verra que la pièce dupremier étage de la tour Manassès était lagrande salle épiscopale ; ceci conduit toutnaturellement à faire l’hypothèse que lepremier étage du clocher était cette chapelleépiscopale dont la desserte fut règlementéeen 1162 par l’évêque lui-même, celle où,tous les 2 juin, pour l’anniversaire du décèsde son oncle Étienne de Garlande, le chapi-tre était tenu de venir célébrer la messe engrande pompe (fig. 12) 60.

Le deuxième étage

L’accès au deuxième étage du clocher sepratique aujourd’hui, comme au premier,par l’escalier en vis du XIIIe siècle qui a étéconstruit à son angle nord-est en même

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Fig. 10 - Meung-sur-Loire, portes du clocher. A, B et C : porte du premier étage ; D : porte du secondétage. L’élévation sud A est restituée à partir des éléments subsistants (relevé et dessin J. Mesqui).

Fig. 11 - Meung-sur-Loire, plan du massif occidental au niveau de l’accès haut du deuxième étage duclocher par les combles de la nef (dessin J. Mesqui).

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temps que l’église ; cet escalier dessert unerampe ménagée sur la voûte de la travée deraccord entre le clocher et la premièretravée de la nef. Au sommet de la rampe,un passage a été percé dans le mur, conte-nant un escalier redescendant vers la salle ;celui-ci, sommairement couvert par despièces de bois, doit être contemporain duvoûtement de la nef (fig. 11).

L’accès primitif se trouvait au centre dela face est : il s’agit d’une petite porte(1,35 m de hauteur pour 0,60 m delargeur) dont le linteau est supporté pardeux coussinets assez frustres (fig. 10 et27). Son ébrasement est couvert par unevoûte segmentaire, presque surbaisséecomme la porte de l’étage inférieur, maisparfaitement liaisonnée à la maçonnerie.Elle est aujourd’hui suspendue dans le videau-dessus de la voûte moderne de latribune d’orgue et cachée par le mur-diaphragme construit en 1864 ; avant cettedate, elle devait être visible, tout en hautdu mur de fond, directement sous la voûte,mais elle était certainement inaccessible dèsle XIIIe siècle, ce qui explique le percementdu nouvel accès. Il faut supposer qu’avant

la construction de la nef gothique, un esca-lier la desservait, à moins qu’elle n’aitcommuniqué directement avec les comblesde l’église primitive.

Ce deuxième étage était très haut(9,20 m) ; il comportait en partie basse sixgrande baies couvertes en plein cintre,hautes de près de 4 m pour un mètre delargeur. Elles montaient depuis le sol, lesappuis actuels étant un ajout moderne,comme on peut facilement le voir de l’ex-térieur ; celles du sud pouvaient commu-niquer presque de plain-pied avec ledeuxième étage de la tour Manassès deGarlande, qui était la chambre privée del’évêque. La salle du clocher fut-elle conçuecomme une extension de la chambre oudoit-on plutôt penser qu’elle était isolée ?Son état actuel ne permet par de répondreà cette question.

Le dispositif d’accès au plancher dutroisième étage se compose de deuxéchelles de meunier reliant des plates-formes de charpente dont l’aspect révèleun bricolage pluriséculaire peu rassurant ;il permet d’accéder à un petit escalier de

bois montant au troisième. La structure decharpente formant le plancher de celui-ci,visible du dessous, révèle elle aussi desinterventions multiples pour renforcer lespoutres qui ont à porter le bâti des troiscloches.

Le troisième étage et la flèche

Le troisième étage est entièrementoccupé par les bâtis des cloches ; il estsimplement constitué d’un mur percé surchaque face par trois baies en plein cintre,surmonté d’une corniche à modillons nonsculptés. Au-dessus se trouve la flèche enpyramide octogonale creuse (fig. 7) au planassez complexe : en effet, elle possède, au-dessus de chaque face du clocher, un gableplein en bâtière, percé d’une porte en pleincintre, et, dans chaque angle, un lanternoncouvert d’un pyramidion, primitivementouvert sur ses quatre faces, et permettant àun homme de s’y tenir debout. Ces lanter-nons étaient reliés à la salle centrale par unpassage couvert venant complexifier l’im-brication des volumes ; le seul d’entre euxdont les ouvertures ne soient pas muréesest celui du sud-est.

À la pointe de chacun des gables setrouvait une sculpture d’ange musicien ; ilreste celles de l’ouest, du nord et de l’est,assez érodées. Juste au-dessous de l’angenord, le gable nord est percé d’un quadri-lobe.

Datation

Le clocher est traditionnellement datédu XIe siècle pour ses trois niveaux infé-rieurs et du XIIIe siècle pour l’étage descloches et la flèche ; récemment FlorenceJuin avait suggéré, dans son article sur lestours occidentales de l’Orléanais, que levoûtement du premier étage pourrait êtreune œuvre plus tardive 61. En fait, aucunélément ne vient confirmer une datationhaute pour le clocher lui-même et l’on peutdouter que cette tour soit celle d’où se jetè-rent Léon II de Meung et ses compagnonsen 1103 – plus probablement celle-ci

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Fig. 12 - Meung-sur-Loire, vue 3D en écorché de la tour Manassès et du clocher, prise depuis lenord-est ; l’étage des cloches et la flèche ne sont pas dessinés ici. L’église, non représentée, se trouveraitau premier plan, masquant les faces orientales des deux tours (dessin J. Mesqui 2013).

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devait-elle être en bois. Ce clocher doitdonc être identifié avec la tour désignée en1162 par Manassès de Garlande commeétant « sa tour » contenant sa chapelleprivée ; c’était aussi celle à laquelle il faisaitallusion en 1171 lorsqu’il évoquait la rési-dence qui lui était accolée, constructionspour lesquelles il avait fait détruire deuxmaisons de chanoines.

L’évêque aurait bâti peu après son élec-tion (1146) cette tour-porche carréeaccueillant au premier étage une chapelle ;cette dernière fut mise en communicationavec la grande salle de la nouvelle tour-rési-dence lorsque celle-ci fut construite, doncavant 1171. En revanche, la surélévationpar l’étage des cloches et la flèche n’inter-vint certainement qu’après l’achèvement del’église, sans que l’on puisse proposer unedate précise.

On aura l’occasion de revenir enconclusion sur cette attribution à cetévêque et sur sa signification en termes decirculation des modes artistiques ; dèsmaintenant, on peut retenir que cettechapelle haute de Manassès de Garlandeconstitue un très bel exemple de l’intro-duction du premier art gothique enOrléanais au milieu du XIIe siècle, à uneépoque où il était déjà assez largementrépandu dans la partie nord du Bassin pari-sien.

LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE

L’accès primitif

Bien que l’accès actuel de la tour s’ef-fectue aujourd’hui par une brèche au rez-de-chaussée surélevé, il est préférable decommencer la visite virtuelle comme onl’aurait fait à l’époque de l’évêque, enempruntant l’accès originel. Il faut à vraidire un peu de persévérance, puisqu’il estnécessaire d’accéder aux combles du bas-côté sud de l’église du XIIIe siècle par uneéchelle, en pénétrant par la trappe de visitesituée au-dessus de la première arcade à8 m de hauteur ; c’est ici que l’on trouvel’ancienne porte de la tour, murée, dans le

mur oriental du massif trapézoïdal (fig. 6et 13). Il s’agit d’une porte de belles dimen-sions, puisqu’elle a une largeur de 0,98 m ;elle est couverte d’un linteau en bâtière etpossède intérieurement un ébrasementvoûté en plein cintre légèrement segmen-taire, totalement muré 62. Elle fut condam-née dès la construction de la voûte ducollatéral, bien que le mur gouttereau de lanef ait été implanté à quelques centimètresde son piédroit nord ; on verra que cetteimplantation fut plutôt liée à la présencede la fenêtre située à l’étage supérieur.

La disposition de cette porte étaitévidemment cohérente avec son environne-ment primitif, à commencer par l’église,mais on ne sait rien de celle-ci. Deux solu-tions peuvent avoir existé ; la première eûtété qu’il y ait un escalier, au sud de la nefantérieure à celle qui subsiste aujourd’hui,conduisant à la porte située à 7 m dehauteur ; la seconde aurait pu consister enune galerie continue desservant à la fois cetteporte et celle du premier étage du clocher.

La grande salle du premier étage

La porte était située à proximité ducontrefort sud-est du clocher, au « basbout » de la salle de l’étage ; elle était joux-tée par une niche voûtée en plein cintre,aujourd’hui totalement murée, dont onpeut supposer qu’elle contenait un lavabopour que les visiteurs se lavent les mains,comme il en existait un dans la grande salle

du palais des évêques d’Angers. On entraitdans une grande pièce trapézoïdale trèshaute (8 m de hauteur entre planchers dupremier et du second), dominée par levolume de la cheminée monumentale quioccupait le mur sud entre les deux tourellescirculaires (fig. 12, 15 et 16). Au nord-est,dans l’encoignure du contrefort du clocher,se trouvait le puits, dont la colonnemontait probablement jusqu’à ce niveau,et, un peu plus loin, dans l’angle nord-ouest, était percée la porte donnant sur lepremier étage du clocher, décrite plus haut(fig. 10) ; un petit escalier de bois étaitnécessaire pour y accéder, en raison de ladénivelée de 0,60 m existant entre les plan-chers des deux édifices. Il est assez curieuxde constater que le mur occidental de latour, s’il s’était prolongé intérieurementjusqu’au mur du clocher, aurait caché unepartie des sculptures du piédroit ouest de laporte ; il fallait donc qu’existât une niche ou,à tout le moins, un retrait du mur pour lais-ser visible la totalité de la composition 63.

Trois étroites fenêtres éclairaient direc-tement la salle – une à l’est, deux à l’ouest –constituées de simples ouvertures rectan-gulaires d’une trentaine de centimètres delargeur au plus pour 1,2 m de hauteur,ménagées au fond d‘ébrasements pleincintre haut placés ; deux autres fenêtres dumême type percées à l’est des tourellesapportaient un éclairage supplémentaireindirect. Si l’on excepte ces deux dernières,toutes les autres ont été murées, celles dusud après avoir été modifiées au XVIe siècle,voire même plus tard.

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Fig. 13 - Meung-sur-Loire, vue de la face orientale de la tour dans les combles du collatéral sud. Àgauche, le contrefort sud-est, bûché à l’intérieur de l’église mais laissé au-dessus de la voûte. À droite,la porte d’accès primitive, murée intérieurement et masquée dans sa partie basse par la voûte XIIIe ;son piédroit nord est partiellement caché par le mur de la nef. Les contours des pierres de taille sontsoulignés pour améliorer la compréhension.

Cl. J. Mesqui 2013.

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À ce niveau, les raccords entre la salleet les tourelles montrent clairement qu’au-cune partition n’était prévue à la gorge deces dernières ; en effet, les angles sontarrondis aux intersections des murs afin demarquer la continuité spatiale. La tourelleorientale ne semble avoir accueilli aucunéquipement particulier ; en revanche, latourelle occidentale contenait une latrinetrès curieuse par sa disposition (fig. 16). Levolume intérieur de la tourelle était coupéen deux par le prolongement du murouest ; la partie ouest formait une petite sallevoûtée accessible par une porte latérale, le

dessus du remplissage de sa voûte formantune sorte de tribune à mi-hauteur del’étage – au demeurant sans aucune fonc-tionnalité avant les transformations posté-rieures qui conduisirent à la subdivision dupremier étage en deux niveaux. Leslégendes des figures 16 et 17 évitent d’en-trer dans une trop fastidieuse descriptiondu programme quelque peu compliqué decet élément, d’autant qu’il a été profondé-ment altéré par la disparition de ses maçon-neries orientales et qu’une grande arcadepercée vers le sud, sans doute au XIXe siècle,a oblitéré l’ancien raccordement du mur

ouest de la tour avec l’intérieur de latourelle (fig. 15 et 17) 64. Extérieurement,l’édicule de la latrine, avec ses deuxconsoles, a été totalement bûché au nu dela maçonnerie de la tourelle et l’ébrasementa été obturé à l’exception d’un soupirailpourvu d’une grille. L’ensemble est néan-moins parfaitement reconnaissable à côtéde l’égout de l’urinoir ; on note égalementen façade le petit jour ébrasé permettantl’aération interne de la latrine (fig. 18).

L’élément majeur de ce niveau était sasuperbe cheminée monumentale aménagéedans le mur sud, entre les deux tourelles

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Fig. 14 - Meung-sur-Loire, coupe de la tour Manassès (dessin J. Mesqui). Fig. 15 - Vue intérieure prise depuis le nord au début du XXe siècle, avantla réalisation du plancher béton et de la crypte archéologique (carte postaleancienne, coll. J. Mesqui).

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(fig. 15). Son foyer large de deux mètres,qui a conservé son contrecœur de briquesincurvé, était encadré par deux colonnettesqui ont disparu ; elles supportaient delongs chapiteaux marqués en partie hautepar une frise de petits motifs géométriques,caractéristique également présente auxchapiteaux de la porte nord donnant sur lachapelle. Les chapiteaux portaient eux-mêmes deux énormes consoles supportantla hotte ; on ignore s’il s’agissait d’une hotteconique ou prismatique et l’on ne peutplus juger de l’existence d’une plate-bandepour franchir le foyer. Les arrachements dela hotte sont encore visibles sur toute lahauteur où elle était saillante sur le corps

rectangulaire. Au-dessus du vide laissé parson absence, on remarque un arc dedécharge plein cintre qui permettait derépartir le poids des maçonneries supé-rieures de part et d’autre de la hotte.

Concernant le type de couvrement del’étage, il est assez étonnant de constaterque les constructeurs choisirent de lancerune poutre maîtresse longitudinale poursupporter les solives du plancher. Au sud,cette poutre maîtresse prenait son appuidans le coffre de la cheminée, au-dessus del’arc de décharge précité ; l’inclinaison dutuyau de cheminée permettait de le fairesans risque. Au nord, le trou équivalent a

été comblé mais on en décèle encore laprésence sur le mur du clocher. Quant auxsolives, elles prenaient appui directementdans le mur par des trous de boulins.

En conclusion, cette salle a tous lescaractères d’une grande salle seigneuriale,destinée à la réception et à l’exercice de lajustice et de l’administration. La présenced’un lavabo à l’entrée, d’un puits et d’unelatrine avec urinoir est significative dudegré de confort souhaité et les dimensionsde la cheminée sont à la mesure du luxe del’installation. La structuration répond auprogramme habituel, le bas-bout étantcelui-ci des accès et le haut-bout celui de la

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Fig. 16 - Meung-sur-Loire, vue de l’ancienne latrine de la tour sud-ouest.Complètement à droite, le mur occidental de la tour (G-G) ; il seprolongeait par un mur plein, dans lequel était pratiquée une minusculesalle voûtée accessible par une porte dont subsiste le départ de l’arc (B) etle retrait pour le rabattant (A). Cette porte conduisait par un petit passagecourbe recouvert d’une trompe C dans l’ébrasement de la latrine, voûtéen plein cintre ; au fond de cet ébrasement aujourd’hui muré était le siègeen encorbellement. En D, ouverture de l’urinoir. En E, petit jour biaisd’aération. En F, tableau d’une fente de jour éclairant la petite salle. En H,arrachement de la voûte couvrant la partie de tourelle délimitée par le murG. En J, arcade moderne percée dans le mur et oblitérant l’embrasure F(interprétation J. Mesqui 2013).

Fig. 17 - Meung-sur-Loire, tour Manassès de Garlande et clocher, planrestitué au niveau du premier étage, avec la disposition probable de lalatrine dans la tourelle sud-ouest (dessin J. Mesqui 2013).

Cl. J. Mesqui 2013.

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cheminée ; pour autant, la conformationdes locaux rendait l’utilisation du local deslatrines peu commode pour l’assemblée etvraisemblablement réservé aux occupantsdu « haut bout ».

La chambre épiscopaleau deuxième étage

Il n’existe plus trace d’un dispositif decommunication entre premier et deuxièmeétage ; bien qu’aucun indice n’en demeure,

je ferais volontiers l’hypothèse qu’un esca-lier de bois se trouvait dans la tourelle sud-est. Le plan d’ensemble du deuxième estglobalement équivalent à celui du niveauinférieur, avec un nombre d’ouvertureséquivalent. Celles du côté ouest ont toutesété transformées, puis murées ; de l’autrecôté, celle du sud-est est demeurée fonc-tionnelle mais un de ses tableaux a étérefait, probablement à la fin du MoyenÂge, et celle du nord-est, bien que murée,est la seule à avoir conservé son aspectprimitif (fig. 19).

Il s’agit d’une petite baie géminéecouverte par deux arcs plein cintre dont lesommier commun reposait sur une colon-nette disparue ; la fenêtre possédait descordons d’imposte et une corniche d’ap-pui. Manifestement, les constructeurs de lanef du XIIIe siècle ont reçu pour consigned’éviter la fenêtre pour ne pas l’obturer etils ont rempli – en théorie – leur contratpuisque même les modillons du collatéralsud laissent intouché le piédroit nord de lafenêtre mais le toit déborde, évidemment,ce qui explique sans doute le murageancien de cette baie.

Par ailleurs, la tour sud-ouest aconservé sa baie d’origine, simple fenterectangulaire de largeur identique aux baiesdu niveau inférieur ; il en est de mêmepour la tour sud-est, mais ici la fente s’en-richit d’un ébrasement externe peumarqué, couvert d’un petit arc en pleincintre (fig. 18). Ceci incite à penser quecette tourelle jouait un rôle particulier– peut-être le couchage de l’évêque ? Entout cas, on était proche de la latrine quioccupait l’angle entre le mur ouest et latourelle (fig. 20) ; elle était accessible parun couloir bouché probablement delongue date. Conservé à l’extérieur, sonédicule repose par l’intermédiaire d’un arcplein cintre sur deux consoles saillantesdélicatement sculptées, marquant l’endroitde l’auguste siège…65

On note enfin, parmi les aménage-ments particuliers, l’existence d’un placardau nord-ouest, près de la face sud duclocher 66. Il possédait deux étroites ouver-tures d’un mètre de hauteur pour trente

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Cl. J. Mesqui 2013.

Cl. J. Mesqui 2013.

Fig. 18 - Meung-sur-Loire, vue de la tour Manassès de Garlande, prise depuis le sud-ouest. Noter lesmultiples ouvertures tardives repercées puis murées ; marquée par la flèche bleue, sommet d’unefenêtre originelle du premier étage conservée. Noter la fenêtre chanfreinée et couverte d’un pleincintre à l’étage noble. La flèche rouge marque l’exutoire de l’urinoir. En trame bleue, les deux latrines,celle bûchée du premier étage et celle conservée du deuxième étage. À droite, l’arcade percée à l’époquemoderne et, un peu à gauche, la petite fente d’aération de la latrine. Noter enfin l’encorbellement dûà l’épaississement nécessaire pour faire passer le tuyau de cheminée.

Fig. 19 - Meung-sur-Loire, vue redressée de lafenêtre murée sud du deuxième étage.

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centimètres de largeur, qui auraient dû êtrefermées par des battants de bois tournantdans de profonds encadrements, mais l’ab-sence de dispositifs de fermeture montrequ’ils ne furent jamais mis en place.L’intérieur du placard était vouté enberceau et possédait une large étagère,peut-être en pierre ; on peut penser qu’ils’agissait d’un coffre-fort.

Comme l’étage inférieur, celui-ci étaitchauffé par une cheminée monumentale(fig. 15) ; elle a perdu toute son élévationau-dessus du contrecœur et avait manifes-tement subi, avant même sa destruction,d’importants remaniements de sonpiédroit oriental. En revanche, elle aconservé les deux jambes qui soutenaientle manteau, constituées en frontal par desquarts de colonnettes accolées vers le foyerd’une baguette verticale. Le passage dans lemur des conduits parallèles des deuxcheminées posa problème aux construc-teurs, qui n’avaient pas prévu un mur suffi-samment épais et il fallut l’élargir enencorbellement vers l’extérieur par l’arcbandé entre les deux tourelles.

Il ne fait pour moi aucun doute que cetétage constitue l’ancienne chambre épisco-pale, vraisemblablement articulée en unechambre d’apparat et une chambre priva-

tive (ou une garde-robe avant la lettre)– peut-être au sud-ouest. En revanche, laquestion concernant la relation entre cettesalle et l’étage voisin du clocher reste posée.Il est difficile de penser que les deuxgrandes baies en plein cintre du clocherétaient ouvertes sur la salle ; force est doncde penser qu’il exista une fermeture desarcades lorsque le bâtiment de Manassèsfut accolé.

Le niveau inférieur formant rez-de-chaussée

Au-dessous de l’étage d’accès noble, quise situait, on l’a dit, à environ 7 m dehauteur au-dessus du sol de la nef del’église gothique, se trouvait un niveau decave qui était comblé aux deux tiers de sahauteur jusqu’aux années 2000 (fig. 14, 15,23 et 24). On pouvait, à cette époque,examiner à l’air libre et au grand jour lesmaçonneries émergeant du comblement,puisque le volume intérieur de la tour étaitentièrement vide. Depuis 2000, la dallebéton construite au niveau de l’ancienplancher séparant la cave du premier étagemaintient dans l’obscurité la fouille laisséeà l’abandon, rendant presqu’impossible larestitution de l’état originel de la construc-tion, tant ont été importantes les modifi-cations qui y ont été apportées, comme onva y revenir.

Les murs de ces niveaux étaient plusépais que dans les parties supérieures, ledébord existant entre les deux épaisseursayant servi à asseoir autrefois le plancher dela salle épiscopale. On peut penser que lesdeux tourelles étaient fermées, l’espaceintérieur polygonal ne communiquant pasavec elles dans la partie la plus basse miseau jour ; au-dessus, les murs de séparationont été détruits, de telle sorte qu’on ne peutjuger s’ils contenaient des portes.

Datation de la tour Manassès

Dans son état originel, la tourManassès constitue certainement un bâti-ment exclusivement destiné à la résidence

épiscopale – à l’exception de ses soubasse-ments dont on ne sait rien. Cette tourcommuniquait avec le premier étage duclocher, dont la vocation fut certainementd’être une chapelle. Il paraît donc incon-testable qu’on est en présence de la mansiodésignée par Manassès de Garlande en1171, ce d’autant qu’elle est bien adjointeà la tour – le clocher – comme l’indique letexte.

Pour autant, on l’a vu, les deux édificesne furent pas édifiés de façon strictementcontemporaine. Le clocher fut le premier,probablement dès le début de l’épiscopatde Manassès ; suivit l’aménagement de lachapelle dans le clocher. Puis, quelquesannées plus tard, peut-être dans la décennie1160-1170, la résidence constituée par latour Manassès fut édifiée et l’on perça labelle porte vers le clocher pour établir uneunité résidence – chapelle privative. Il s’agitdonc d’un programme d’une grandequalité et d’une unité remarquable, malgréle léger décalage chronologique.

Ce programme résidentiel n’en fut pasmoins mis en œuvre dans un édifice auxallures militaires, en forme de tourmaîtresse avec tourelles flanquantes, ported’accès dénivelée et chemin de rondesommital ; l’épisode de 1103 n’était pas siloin que Manassès ne souhaite faire preuvede son autorité féodale. Le plan retenupour ce programme mixte est assez origi-nal du fait de l’accrochage au clocher et dela probable coexistence de constructionsaujourd’hui disparues ; il s’insère néan-moins parfaitement dans la série desédifices à tourelles flanquantes qui se fitjour à partir du second tiers du XIIe siècle,tels Houdan, Étampes ou Ambleny dans leSoissonnais. Il partage d’ailleurs avec cesderniers le caractère relativement sommairedes communications verticales, assurées enconsommant de l’espace sur les volumeshabitables ; en revanche, comme àÉtampes, le caractère résidentiel s’y affirmenettement.

Il est un autre édifice qui doit retenirl’attention dans cette évocation desformes : il s’agit de l’ancienne tourmaîtresse épiscopale de Pithiviers, réputéebâtie par Héloïse de Champagne à la findu Xe siècle. Cet édifice est souvent consi-

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Cl. D. Hayot 2013.Fig. 20 - Meung-sur-Loire, vue de dessous del’édicule de latrine du deuxième étage. Noter ladécoration des consoles (la deuxième console dedroite a probablement été buchée ?).

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déré, à juste titre, comme l’origine desgrandes tours maîtresses à chapelle intégréeet flanquante, préfiguratrice de la tourd’Ivry ou de celles d’Avranches et deLondres (fig. 22) 67. Mais, à bien y regarder,l’unique représentation que l’on en aprésente certes une tour rectangulaire flan-quée d’une tour semi-circulaire évoquantun chevet de chapelle ; cependant, auraccord entre cette tour et le massif rectan-gulaire, on note la présence de deux latrinesen encorbellement dont le moins que l’onpuisse dire est qu’elles sont déplacées dansun contexte de chapelle, qui aurait pu être,dès lors, située au niveau dépourvu delatrine. Quoiqu’il en soit, la vue de la tourmaîtresse de Pithiviers ainsi flanquée par satourelle et garnie de ses latrines n’est passans évoquer, d’une certaine façon et avectoutes les réserves liées à la différence deprogramme, la tour que Manassès fit

construire un siècle et demi après Héloïse.Or Pithiviers passa dans le domaine del’église d’Orléans au milieu du XIe siècleaprès les tribulations entre les puissantsdescendants d’Héloïse, à commencer par lefameux Hugues Bardoul, et cette châtelle-nie demeura l’un des fleurons du temporelépiscopal. On ne cherchera évidemmentpas ici une quelconque filiation mais unsimple rapprochement.

La transformation de la tour Manassèsde Garlande en prison

Le bâtiment, comme on a déjà eu l’oc-casion de le dire, a été profondément modi-fié au cours des siècles, après qu’il est devenule siège de la justice seigneuriale et la prisonépiscopale ; tout indique, dans l’examen

sommaire qui peut être fait de ces modifica-tions, que celles-ci ne furent pas limitées àune campagne mais qu’au contraire l’en-semble ne cessa d’évoluer, jusqu’au début duXIXe siècle, où l’on trouvait encore des bâti-ments adventices à l’ouest.

LA CRÉATION D’UN CACHOT DE SÉCURITÉDANS LE SOUBASSEMENT

Malgré l’état d’abandon total aprèsfouilles qui a laissé au soubassement l’as-pect des tranchées de Verdun après laPremière Guerre mondiale, un point posi-tif de ces fouilles a été la révélation dedispositifs inédits probablement liés àl’usage en tant que prison (fig. 21 et 24) 68.

Ceux-ci consistent pour l’essentiel en laréalisation d’une sorte de cuve ou de fosse

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Fig. 21 - Meung-sur-Loire, plan des niveaux de soubassement en 2013 (J. Mesqui).

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dans la moitié nord de la tour, sur unehauteur de 4,4 m par rapport au sol de lanef gothique prise comme référence. Ellefut constituée en chemisant les murspréexistants de la tour et du clocher parune surépaisseur de maçonnerie se refer-mant sur un gros mur de 1,1 m d’épaisseurreliant les deux côtés de la tour Manassès ;ce chemisage permettait en particulierd’isoler totalement le puits de l’intérieur dela fosse. À l’intérieur, les fouilles ont mis aujour à 2 m de hauteur (par rapport à la nef )une sorte de plancher-grille fait de vingtpoutres de pierre au profil pentagonalrectangle ; les poutres sont longues de 2 à3,6 m, posées sur leur base large de 18 cm,et sont espacées les unes des autres d’envi-ron 8 cm, présentant vers le haut leur arêtevive. Comme il était impossible de dispo-ser des pierres aussi longues avec un telprofil, chacune des poutres fut réalisée,suivant sa longueur, en deux ou en troissections liées les unes aux autres par desagrafes métalliques dans le sens longitudi-nal ; ce dispositif ne pouvant supporter unecharge sans fléchir fut posé sur deux mursde refend placés au droit des raccords 69.

L’ensemble est remarquablement conservé,malgré la disparition de certains éléments.Il est cependant laissé sans protection autreque la dalle de béton qui le surmonte.

La grille de pierre sépare verticalementla fosse en deux chambres superposées de1,90 m de hauteur ; celle du dessus étaitprobablement couverte d’un plancher ; entout cas, deux consoles d’angle subsistentà l’ouest pour supporter des poutres – soitdes lambourdes, soit des poutres diago-nales. La chambre du dessous, remplied’un fin remblai, n’a pas été vidée lors desfouilles, si ce n’est au sud-est où a été déga-gée une ouverture couverte d’un double arcpercée dans le gros mur transversal, qui asans doute été un passage mettant encommunication la chambre inférieure avecl’espace situé au sud (fig. 23). On peut voirque le mur formant la paroi orientale de lachambre inférieure avait une orientationdifférente de celle du mur de la chambresupérieure (fig. 21) et qu’il se prolongeaitsans solution de continuité pour former letableau est de l’ouverture 70. Le passage est

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Fig. 22 - Pithiviers, vue de la tour maîtresse vers 1800, avant sa destruction (B.n.F., Est., clichéaimablement communiqué par Chr. Corvisier).

Fig. 23 - Meung-sur-Loire, perspective en écorché du soubassement de la tour. A, porte du premierétage du clocher ; B, porte primitive d’accès à la salle épiscopale ; C : puits de la tour. D : « fosse à lagrille » ; E : porte donnant sur un sous-sol aujourd’hui remblayé ; F : Fragment de mur (dessinJ. Mesqui).

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comblé vers le sud par de la maçonnerieassisée qui n’a pas été dégagée.

Au sud du gros mur transversal, leremblai de comblement, formé d’unamoncellement de débris de destruction etde matériaux de rebut, n’a été dégagé quesur sa partie la plus au sud, jusqu’à 1,50 mau-dessus du sol de la nef (soit 0,50 m sousle niveau de la grille, à peu près au niveaude l’arc inférieur du passage révélé sous lagrille). Ainsi ont été mis au jour les restesd’un sol pavé, au-dessus duquel un enduithydrofuge à base de tuileau assurait uneétanchéité. Cet enduit avait été remontésur les murs de gorge des tours à unehauteur d’environ 1,5 m, ainsi que sur lemur entre deux tours, qui a été percé d’unlarge conduit débouchant à l’extérieur, aulong duquel l’enduit se retournait. Cetespace sud, au revêtement imperméable,était apparemment compartimenté par descloisons dont la fouille a mis au jour lenégatif (fig. 21).

Enfin, dans le fond de la tourelle sud-est, à 2 m au-dessus du niveau du solimperméabilisé de la salle voisine, se trouvel’extrados d’une voûte partiellement éven-trée, postérieure aux murs de la tourelle etcouvrant un espace totalement remblayé.On voyait émerger du remblai en 2000 lesommet de deux murs parallèles semblantsupporter la voûte. Bien que l’analyse del’époque n’ait pas été conclusive, on peutpenser qu’il s’agissait ici d’une fosse delatrines ; l’éventrement de la voûte s’ex-plique probablement par la réutilisation dela fosse à l’époque moderne pour unelatrine de jardin dont on peut voir encorel’édicule en bois sur les cartes postales dudébut du XXe siècle (fig. 15, à gauche).

En l’absence d’un dégagement et d’unefouille complète, il est impossible de déter-miner les relations qui pouvaient existerentre la fosse à grille nord et l’espace imper-méabilisé du sud, séparés par une énormemasse de débris de destruction et dedépôts. Pour moi, la chambre haute à lagrille ne peut avoir été autre chose qu’uncachot, la grille étant couverte de paille 71 ;sa claire-voie pourrait avoir servi prosaï-quement pour l’évacuation des excrémentsdans la chambre inférieure, comme lepurin d’un fumier animal. Mais l’espace

sud imperméabilisé était trop haut pourservir d’évacuation, ce qui laisse ouverte laquestion de son interprétation.

Je n’ai pu trouver que trois documentssur le fonctionnement de la prison. Le

premier est un acte notarié relatant lasuspension de la question infligée à unsuspect en la « geainne » (géhenne), du faitde l’appel immédiatement interjeté par luien Parlement ; il ne nous apprend rien qued’assez banal, à savoir que les prisons

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Cl. E. Lefèvre-Pontalis.Fig. 24 - Meung-sur-Loire, l’angle nord-ouest de la tour au début du XXe siècle. La tour est ici dansl’état qu’elle conserva jusqu’en 2000, avec le niveau bas de soubassement comblé. Les deux ouverturesvisibles sur la gauche sont la niche et la fente de jour du niveau haut de soubassement. Au-dessus, laporte monumentale donnant accès au clocher, à hauteur du premier étage. Voir aussi le solin du toiten appentis qui représente un état XIXe siècle.

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contenaient une salle de la question 72. Unsecond document est la poésie de Villonelle-même, lorsqu’il évoque son incarcéra-tion en 1461. Dans son Testament commedans l’Épître à ses amis, il indique claire-ment qu’il a été incarcéré en une basse-fosse ; il l’appelle même « la grille deMeun » mais on ne peut exclure qu’ils’agisse ici seulement d’un effet littéraire.Implorant sa délivrance, il demande à êtreremonté par un « corbillon », ce qui signi-fie qu’il fut descendu de la même façon 73.Le troisième document date de 1551 : lorsd’une vacance épiscopale, le chapitre fitinspecter le « prétoire » et fit ouvrir à sonreprésentant les prisons. Dans la « foussedu milieu », il trouva quatre prisonnierscondamnés à deux ans de prison pourhérésie ; dans la « fousse du chapitre », setrouvait un autre prisonnier condamnépour hérésie ; enfin, dans un autre cachotpeut-être, il trouva un homme condamnéà un an pour bigamie. Le chanoinecommis à l’inspection n’avait pas lepouvoir de les libérer mais il ordonna quele produit du sceau soit employé à amélio-rer le sort des prisonniers et qu’il leur soitattribué huit sous parisis par jour et sixblancs pour leur procurer des vivres et des« bourrées » 74.

Il n’est pas impossible que la fosse dumilieu, citée en 1551, ait désigné la cham-bre à la grille, alors que la fosse du chapitreaurait pu être le bas de la tourelle sud-est ;mais on est ici dans le domaine de laconjecture. La date de réalisation de cesaménagements est inconnue ; les archéo-logues ont identifié dans le remblai descéramiques et objets allant du XVe au débutdu XIXe siècle.

Il existait, entre le niveau bas et lepremier étage de la tour, un niveau hautqui abritait sans doute des espaces affectésau gardiennage, peut-être même descachots ; ce niveau était à l’air libre, au-dessus du remblai, jusqu’à la réalisation dela dalle béton en 2000 (fig. 24). Il estaujourd’hui presqu’illisible dans l’obscu-rité, compte-tenu de l’état désastreux de lacrypte. La fouille avait révélé le soubasse-ment d’une cloison, encore visible, au-dessus du gros-mur de la fosse, qui devait

séparer l’espace en chambres. On note aunord-ouest une grande niche couverte d’unarc segmentaire dont le fond a été défoncé,puis muré ; un peu au sud se lit un coup desabre, lié à une ouverture comblée, et, plusau sud encore, on trouve un jour qui pour-rait être contemporain de la tour (fig. 21et 24). À l’extérieur, les maçonneries ontété entièrement reprises mais on lit encoreles restes d’un piédroit et d’un linteau quiseraient à mettre en relation avec les tracesintérieures (fig. 18) ; tout ceci est intime-ment lié à l’existence d’un bâtiment accoléjusqu’au XIXe siècle.

On voit encore au sud-est, près du pancoupé de la tourelle, une grande nichevoûtée en arc segmentaire totalementmurée. Enfin, il faut noter qu’à ce niveau,entre les deux tourelles, le mur fut, à uneépoque indéterminée, complètement éven-tré au-dessus du conduit du soubassement.La brèche était murée dès le début du XXe

siècle mais la réparation est encore visibleextérieurement car elle a gardé l’enduitdont on l’a couverte ; intérieurement, onla voyait encore jusqu’en 2000 (fig. 7 et 15)mais elle a été murée depuis à l’intérieur dela crypte archéologique.

LE « PRÉTOIRE » OU SALLE D’AUDIENCE

On n’entrera pas dans une descriptiondétaillée des modifications des étages, quifurent considérables et révèlent plusieursétats successifs. La modification la plusévidemment visible fut la création d’unniveau intermédiaire dans le haut volumedu premier étage ; on voit parfaitement lestraces de ce réaménagement sur le murouest. En effet, outre les lignes de trouslaissés par les solives des nouveaux plan-chers, deux piédroits de porte demeurentsuspendus aujourd’hui dans le vide,marquant précisément les niveaux ainsiréaménagés (fig. 14). Ces traces sont plusdiscrètes sur le mur est mais la présenced’une ligne de corbeaux à mi-hauteur desarcs couvrant les ébrasements desanciennes fenêtres marque bien lessupports du plancher du nouveaudeuxième étage.

Au premier étage, une porte au moinsfut repercée à l’angle nord-est ; elle estcouverte d’une accolade qui la date de lafin du XVe siècle ou du début du sièclesuivant. Peut-être une seconde porte fut-elle percée entre le contrefort et la tourellesud-ouest ; l’autre fenêtre fut refaite, proba-blement très tardivement si l’on en juge parson encadrement sans chanfreins (fig. 18).Il est probable que cette restauration datedes réfections effectuées après la Ligue.

Au nouveau deuxième étage, deuxgrandes fenêtres, probablement à croisée,pourvues d’un encadrement mouluré enquart de rond de la fin du XVe siècle, furentpercées dans le mur ouest ; la tourelle sud-ouest fut percée d’une nouvelle fente dejour (fig. 18). Il n’est pas impossible qu’àl’angle entre la tourelle et le mur descheminées, un minuscule escalier en vis aitété réalisé pour relier le nouveau deuxièmeétage au troisième étage.

Le plancher du troisième étage était unpeu plus bas que celui du plancher préexis-tant (le deuxième étage primitif ) ; on note,dans le piédroit accroché à la muraille, laprésence de plusieurs verrous et d’une barrequi semblent témoigner d’une recherche desécurité importante – à moins que ce ne fûtl’utilisation de la partie sud commecachots. À ce niveau, l’ancienne fenêtreouest fut remplacée par une grande fenêtrerectangulaire à l’encadrement profondé-ment chanfreiné, ménagée au fond d’ungrand ébrasement segmentaire ; elle datemanifestement du début du XVIIe siècle,d’une campagne postérieure à celle desfenêtres inférieures. La fenêtre située à l’est,entre le contrefort et la tourelle, fut reprise,avec un nouvel ébrasement, et, de façonexactement contemporaine, la tourelle sud-est fut recouverte d’une voûte assez plate,probablement pour isoler un pigeonnierdont les traces ont été retrouvées au-dessuslors des travaux de 2000 75.

Tous ces aménagements eurent certai-nement pour but de donner au « prétoire »,comme l’appelait le chanoine commissairedu chapitre Sainte-Croix en 1551, lesespaces et la fonctionnalité nécessaires àl’exercice de la justice épiscopale dans leressort de Meung.

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LES DERNIÈRES MODIFICATIONS

On ignore totalement l’époque àlaquelle furent abandonnés les étages de latour, ni celle où les ouvertures désormaisinutiles furent murées. Le dernier état dela tour comme bâtiment vivant et utiliséest reconnaissable par l’existence d’un solinoblique qui partait du tympan de la portemonumentale du clocher et descendaitjusqu’à rejoindre le mur oriental à deuxmètres au-dessus du sol de comblement dusoubassement (fig. 24). Il existait donc untoit en appentis couvrant au moins unepartie de l’intérieur de la tour ; peut-êtres’agissait-il de la porcherie que le vicaireDoucheny raillait en 1845.

Ce fut le dernier acte pour cette tour,avant que la restauration de l’an 2000intervienne. On ne peut qu’espérer que soitmenée désormais une mise en valeur del’ensemble, clocher et tour Manassès de

Garlande ; en effet, l’un comme l’autreméritent mieux que l’indifférence danslaquelle ils survivent, pourtant à côté d’uneéglise très fréquentée par les touristes et enface d’un château non moins visité.

L’église collégiale et paroissiale Saint-Liphard-Saint-Nicolas

Le dernier élément du triptyque monu-mental est l’église collégiale ; dans son étatactuel, elle n’a de commun avec les précé-dents édifices que sa genèse historique et laface commune qui les lie indissolublementà l’ouest. Comme l’avait parfaitementdémontré en son temps Jean Vallery-Radot, il s’agit d’un monument d’une trèsgrande homogénéité, qui a été construitd’un seul jet dans le premier quart du XIIIe

siècle ; on verra que cette datation peut êtreprécisée et fixée autour des années 1200.

Des édifices antérieurs qui se succédèrentdepuis la fondation de la cella à l’époquemérovingienne, l’on ne sait rien ; les seulesfouilles menées dans l’église sont dessondages réalisés par le comte de Pibracdans le but de retrouver le caveau où futenterré saint Liphard, sondages publiés en1866. L’archéologue mit au jour un caveaucontenant les restes de l’évêque GermainVaillant de Guélis, enterré là en 1587 ; desdéductions quelque peu hasardeuses maisau bout du compte peut-être justifiées,conduisirent Pibrac à faire l’hypothèse quele caveau de l’évêque avait remplacé celuidu saint anachorète, profané et détruit en1562. Selon lui, des ossements carbonisésqu’il retrouva à proximité auraient été lesrestes du saint, exhumés et brûlés par lesHuguenots. Pibrac mit également au jourdes soubassements qu’il positionna dans unplan et une coupe. Cependant, en l’absencede données archéologiques, on ne peut entirer aucune interprétation.

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Fig. 25 - Meung-sur-Loire, plan de l’église au niveau des fenêtres hautes de la nef (levé et dessin J. Mesqui).

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UN ÉDIFICE AUX CHOIX ÉCLECTIQUES

Une église à transept arrondi et chœurà deux niveaux de fenêtres

L’église actuelle est un monument deprès de 56 m de longueur dans œuvre,large de 10 à 11 m pour ce qui concerne lechevet et la nef, dont le haut vaisseau estflanqué par deux bas-côtés légèrementasymétriques, celui-ci du nord étant pluslarge de soixante dix centimètres que celuidu sud qui mesure 4,5 m en œuvre (fig. 3et 25). L’architecte, pour raccorder cetédifice au massif occidental plus ancien,dut s’accommoder de l’angle existant entrele mur est du clocher et la paroi orientalede la tour Manassès de Garlande, malen-contreusement flanquée de deux contre-forts de ce côté. La solution retenue fut dedimensionner les quatre travées de la nefde telle sorte que le premier pilier ouests’appuie contre le mur de la tour Manassès

et que, de l’autre côté, le pilier obtenu parsymétrie laisse la place suffisante pour calerun escalier en vis desservant le clocher etles combles. Ce parti laissait une travée deraccord en retrait, engoncée entre lapremière travée du vaisseau central et lemur du clocher, bordée au nord par l’esca-lier en vis et au sud par l’angle de la tourManassès, et couverte en berceau bombé(fig. 27) 76. Le long du mur du clocher exis-tait une tribune, semble-t-il en bois,donnant accès au premier étage du clocheret plus tard à l’orgue ; cet ensemble a étéremplacé en 1864 par le grand murdiaphragme à deux arcades qui forme lefond de la nef 77 (fig. 5). Il fallut évidem-ment supprimer les anciens contreforts dela tour Manassès : le gros contrefort norddevait laisser place au pilier sud-est de lanef et le petit contrefort sud devait dispa-raître pour la première travée du bas-côtésud. Ils furent donc entièrement bûchésjusqu’au niveau des voûtes du haut vaisseaupour l’une, du bas-côté pour l’autre, maisfurent laissés en place au-dessus. Il est

probable que quelque erreur de calageintervint lors de la mise en œuvre de lanouvelle nef, puisque le mur de la tour lui-même dut être bûché ou amaigri sur uneprofondeur d’une dizaine de centimètres,comme on peut s’en rendre compte ensuperposant les plans de niveau à niveau :sans doute s’aperçut-on de ce décalage enimplantant le pilier sud.

Le plan général est celui d’une croixlatine ; la branche orientale, comprenantdeux travées droites, est hypertrophiée parrapport aux bras du transept. De chaquecôté des travées droites du chœur s’ouvreune chapelle au plan en U, édifiée dansl’axe des bas-côtés de la nef. À l’extérieur, lacoexistence de ces chapelles avec les hautscontreforts altère légèrement la cohérencede l’élévation ; elles possèdent même uncontrefort nord-sud tangent à leur hémi-cycle (fig. 26).

Ce plan serait assez classique s’il neprésentait pas la particularité de posséderun transept dont les bras se terminent en

L’ÉGLISE SAINT-LIPHARD ET LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE À MEUNG-SUR-LOIRE

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Fig. 26 - Meung-sur-Loire, vue de l’église prise depuis le sud-est. À gauche en haut, sommet de la tour Manassès de Garlande. Au premier plan à gauche,le bras sud du transept avec la porte d’accès depuis le Cloître des chanoines ; à droite, le chœur et le chevet. Au centre, la chapelle d’axe du bras sud dutransept.

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hémicycle, faisant de Saint-Liphard uneéglise « à transept arrondi » suivant laterminologie consacrée. Il s’agit d’un plantrès rarement utilisé dans l’architecture tantromane que classique ; on en connaît desexemples remarquables, comme la cathé-drale de Tournai qui l’utilisa dès lapremière moitié du XIIe siècle, puis la cathé-drale de Noyon et celle de Soissons, tousexemples géographiquement éloignés deMeung 78. La raison d’être de ce choix n’apas d’explication fonctionnelle à Saint-Liphard ; on ne peut, certes, exclure qu’ilsoit lié aux caractéristiques de l’édificeantérieur mais probablement l’origine doitplutôt en être recherchée du côté des pres-criptions du maître d’ouvrage.

Le volume intérieur de l’église révèleune architecture d’une très grande unité,remarquablement homogène dans sonexécution : le chantier fut mené sans inter-ruption et dans une durée brève dequelques décennies, même si l’on note uneévolution du décor sculpté et de la modé-nature au cours du chantier, mené d’est en

ouest 79. Le plan en croix latine est pleine-ment révélé par une série de voûtes d’ogivesassez plates, dont les clefs s’établissent à16,20 m de hauteur au-dessus du sol, alorsque les formerets culminent à 15,80 m (fig.27). La verticalité de l’élévation de la nef etdu chœur est soulignée par les demi-colonnes engagées des supports montantd’un seul jet, depuis les bases jusqu’auxchapiteaux recevant la retombée des ogiveset des doubleaux dans la nef et le chœur ;les dosserets rectangulaires sur lesquels elless’adossent sont flanqués de chaque côté pardes colonnettes accueillant les retombéesdes formerets. Dans les parties semicircu-laires (abside, transept), les formerets nais-sent au-dessus des tailloirs des chapiteauxde demi-colonnes plus minces que dans lanef, en léger débord. Les ogives ont, assezclassiquement, un profil en arête entredeux tores circulaires. En revanche, le profildes doubleaux est systématiquement diffé-rent, marquant un attachement aux tradi-tions du XIIe siècle : tous comportent desimples angles abattus, à l’exception du

premier doubleau à l’ouest, traité commeune ogive, et de ceux qui délimitent la croi-sée du transept qui, comme les grandesarcades de la nef, présentent un cavet inter-calé entre les deux tores.

La recherche de verticalité affirmée parles supports se retrouve dans les choix faitsen matière de muralité et de décor (fig.28) : les concepteurs y ont banni toutestructure ou toute modénature qui auraitpu perturber la lecture du monument etarrêter l’œil dans sa progression vers leshauts de l’édifice, suivant la tendance miseau goût du jour dès les années 1160 auchevet de Notre-Dame de Paris. Ceci seretrouve de façon évidente dans le traite-ment des baies. Dans la nef et le transept,l’éclairage est apporté par un registreunique de hautes fenêtres brisées, prolon-gées vers le bas par de grands glacis plon-geants ; la base de ceux-ci se situe au niveaudes chapiteaux des ogives, ne prenant ainsipas en compte les tendances à abaisser lesappuis sous les chapiteaux présentes dansles grands chantiers de la fin du XIIe siècle

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Fig. 27 - Meung-sur-Loire, coupes de la nef, du clocher et de la tour Manassès de Garlande, dans leur état actuel (relevé et dessin J. Mesqui 2013).

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(fig. 27). Dans le haut vaisseau, on a volon-tairement renoncé à un registre intermé-diaire pour privilégier ces baies avec leursglacis et insister encore plus sur la vertica-lité de l’édifice. Pour autant, il n’est pasimpossible que les concepteurs aient penséun temps à construire une coursière enencorbellement au niveau des appuis desbaies, puisque des étroits passages furentménagés derrière les colonnes engagées(fig. 25) 80 ; ces passages sont à mettre enrelation avec les portes de visite descombles, dont trois sont encore visibles etutilisables 81 (fig. 40). Cette coursière, sansdoute jamais exécutée, aurait été accessiblepar la porte murée visible dans la premièretravée des combles du bas-côté nord etdesservie par l’escalier en vis occidental del’église.

Ce parti d’un registre unique de baieshautes sans niveau intermédiaire, particu-lièrement adapté au vaisseau central, a étéégalement mis en œuvre dans les hémicy-cles des deux bras du transept – la série desfenêtres hautes du chœur s’y prolongeantau-dessus de la chapelle axiale et du bas-côté. La muralité y est plus affirmée quedans la nef, la hauteur des baies ne parve-nant pas à contrebalancer le mur plein quiest au-dessous ; on s’étonne de cette rela-tive maladresse qui souligne l’absence defonctionnalité réelle des hémicycles – àmoins qu’elle n’ait été voulue pour utiliserles murs à d’autres fins, par exemple déco-rative. D’ailleurs, c’est bien pour remplirces grandes surfaces murales qu’une trèshaute peinture représentant saintChristophe portant l’Enfant fut exécutéesur le mur nord-ouest du bras septentrionaldu transept au XVIe siècle ; plus récemment,on a « meublé » le mur du bras sud par despeintures de saint Liphard 82.

Dans l’abside, le concepteur a choisiune solution originale dans le contexterégional, consistant en une double rangéede fenêtres brisées superposées, sans regis-tre intermédiaire (fig. 26, fig. 28) ; si un telparti est fréquent à l’époque romane enNormandie, son utilisation dans le premierart gothique est demeurée relativementmarginale. Le corpus des églises gothiquesprésentant des chœurs à double rangée defenêtres en Île-de-France et à la périphérie

directe comprend des édifices situés tant aunord, dans le Soissonnais, à l’est dans laBrie, ainsi que dans le Gâtinais. La mise enforme très épurée que cette formule prendà Meung peut être comparée aux deux casprobablement plus anciens que sont lacollégiale Notre-Dame de Melun et l’égliseSaint-Clair et Sainte-Marie de Souppes-sur-Loing, dans le Gâtinais ; la première,certainement la plus ancienne des trois,pourrait avoir été une source d’inspirationpour les deux autres 83. Il est d’ailleurs inté-ressant de constater que tout se passecomme si Saint-Liphard avait repris lesmeilleurs traits de chacune des deux : lacollégiale magdunoise utilise ainsi dessupports limités à des colonnes engagéesdans le mur, comme à Melun, plutôt quedes colonnes engagées sur des dosserets flan-qués de colonnettes, comme à Souppes. Enrevanche, les ogives prennent leur naissanceau niveau des appuis des fenêtres dudeuxième registre, comme à Souppes, plutôtqu’à celui des départs d’arcs du premierétage comme à Melun. Du fait des dimen-sions plus imposantes du chœur de Meung,la double rangée de fenêtres donne uneampleur et un volume évidemment inéga-lés par rapport aux deux autres églises.

Seul le registre haut des fenêtres de l’ab-side se prolonge dans les deux travées

droites, ce qui s’explique à l’ouest à causede la toiture des chapelles axiales mais il estprobable également que les murs latérauxde ces deux travées étaient cachés – peut-être par les stalles –, faute de quoi l’absencede fenêtre basse dans la travée droite orien-tale ne s’expliquerait pas.

Comme on l’a dit, la cohérence d’en-semble est remarquable, même si des chan-gements de détail furent apportés en coursde travaux. Il en est ainsi de l’asymétrieentre les supports orientaux de la croiséedu transept et les supports occidentaux,justifiée par la présence d’un arc supplé-mentaire côté nef et par le souci de donnerplus d’emphase à l’ouverture de celle-cidans la croisée (fig. 29) ; de même, l’ab-sence, du côté des bras du transept, decolonnettes montant de fond pour repren-dre les ogives a conduit à un repentir aumoment du voûtement consistant à fairenaître une colonnette courte en haut desdosserets (fig. 40). On notera enfin la diffé-rence entre les bases des supports dans lebras nord, constituées de simples cylindres,et celles du bras sud, plus classiquementrectangulaires. Toutes les bases encoredotées de griffes d’angle présentent lemême profil ; elles sont strictement iden-tiques et parfaitement cohérentes avec unedatation des années 1200 (fig. 30 et 31) 84.

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Cl. J. Mesqui 2013.Fig. 28 - Meung-sur-Loire, vue intérieure de l’église, prise depuis l’ouest.

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Notons enfin, en ce qui concerne lesparticularités de l’église, que le vicaireDoucheny, qui la connaissait bien, écrivaiten 1845 : « Les murs contiennent à peuprès une centaine de bouteilles en terre, dela forme et de la capacité des cruchons àbière. On prétend que ces bouteilles necontribuent pas peu à donner à l’église unesonorité excessive et très difficile à maîtri-ser par ceux qui parlent. Je ne sais si, eninsérant ces bouteilles, on a eu d’autre butque de produire un effet acoustique » 85.

L’insertion du portail (fig. 32 et 33)

L’édifice fut conçu originellement avecun accès central par la tour-porche, mêmesi le sol de la nef gothique fut établi plusbas d’un mètre environ que celui de la nefantérieure, comme en témoigne son ancienseuil ; un emmarchement est aujourd’huinécessaire pour relier cet ancien seuil aupavage intérieur, reprenant probablementla disposition d’origine. Les fouilles menéesà l’extérieur ont montré que, dès le XIIIe

siècle, cet accès fut condamné et qu’ilaccueillit même devant son seuil extérieurune sépulture 86 ; ceci obligea à aménagerun nouveau portail entre les deux contre-forts du bras nord du transept, avec leproblème complexe posé par le raccordentre le plan vertical du portail, le plansemi-circulaire du transept et les facesbiaises des contreforts. Ce déplacement del’entrée principale de l’église fut certaine-ment l’effet de la création de l’accès dunouveau château de Manassès de Seignelay,réalisé entre 1207 et 1221, et de la privati-sation de l’espace situé à l’ouest de l’égliseet du clocher.

Ce portail de Saint-Liphard a étésouvent commenté, du fait de son carac-tère hybride mêlant les traditions romaneset les usages plus récents du gothique.L’œuvre a été insérée après la constructiondu bras du transept, comme le montrentles raccords de sa partie inférieure planeavec les maçonneries des contreforts. Ilfallait un massif assez épais (1,10 m) pouraccueillir la profondeur de la compositionsculptée. Aussi la stéréotomie de sa partie

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Cl. J. Mesqui 2013.

Fig. 30 - Meung-sur-Loire, base de pilier composé dans la chapelle du bras nord du transept.

Fig. 31 - Meung-sur-Loire, base de pilier composé de la nef, côté collatéral.

Fig. 29 - Meung-sur-Loire, plans des piliers composés de la nef et de la croisée (dessin J. Mesqui ; lenord-est est en haut du dessin).

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supérieure, au-dessus de l’imposte, est-elleassez savante, puisque la surface devaitse raccorder en bas à l’imposte linéaire,en haut à l’arc de cercle du transept, touten épousant le contour extérieur de lamoulure externe de l’archivolte ; pourautant, le résultat n’est pas esthétiquementdes plus réussis – on ne pouvait cependantattendre des merveilles d’une telle situa-tion.

Les ébrasements sont occupés par troisfortes colonnettes en délit entre lesquelless’intercalent deux éléments plus minces ;les colonnettes extérieures ont disparu.Toutes prennent place au-dessus de basesextrêmement érodées, où l’on reconnaîtcependant les profils présents à l’intérieurde l’église. Les chapiteaux présentent descorbeilles évasées décorées de feuilles platesà la découpe évoquant des feuilles de chêne– les colonnettes minces portent égalementdes chapiteaux ; le tailloir, décoré de mêmefaçon, forme une frise continue au-dessusdes chapiteaux et se prolonge en frise d’im-poste de chaque côté.

Au-dessus prend place une archivoltedélimitée par une moulure en saillie, dontl’arc extérieur présente un motif de bâtonsbrisés ; il encadre de nombreuses et finesmoulures concentriques, la pluparttoriques, à l’exception de l’une d’entre ellesdécorée d’un motif en dents de scie. Si l’onconnaît, évidemment, les décors à bâtonsbrisés à l’époque romane dans la régionorléanaise, à commencer par la cathédraleSainte-Croix 87 ou encore l’église deBellegarde-du-Loiret 88, ou en d’autres sitesencore comme à Lion-en-Sullias, il est biensûr moins fréquent de les voir associés à deséléments sculptés d’un gothique plusaffirmé ; il existe cependant d’autres exem-ples d’une telle coexistence. Dans leDunois voisin, on trouve cette associationau portail ouest de l’église Saint-Valériende Châteaudun (fig. 34), même si, dans cedernier cas, la mouluration de la voussureest un peu moins riche 89. On connaît d’au-tres cas où le décor à bâtons brisés prendplace sur un arc brisé, comme à l’Hôtel-Dieu de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) au tout début du XIIIe siècle 90 ouencore à Taverny (Val-d’Oise) à la mêmeépoque.

Les commentateurs du XIXe sièclepensaient que l’ensemble du portail avaitété déplacé depuis la tour-porche jusqu’autransept mais cette hypothèse n’est évidem-ment pas recevable, puisque jamais la tour-porche ne put posséder un portail de ce

type. Le remploi de l’archivolte en prove-nance d’un autre portail de l’église anté-rieure n’est probablement guère plus réa-liste ; il s’agit donc bien à Meung et àChâteaudun, comme l’avait avancé Vallery-Radot, de deux réalisations contemporaines

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Cl. J. Mesqui 2013.Fig. 33 - Meung-sur-Loire, vue des chapiteaux de l’ébrasement gauche du portail.

Fig. 32 - Meung-sur-Loire, vue du portail nord, prise depuis le nord.

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illustrant la rémanence des traditionsanciennes dans le gothique orléanais.

Il est probable qu’à Meung un tympanoccupait l’intérieur de l’archivolte : on voitencore, de part et d’autre de la porte, auniveau de la corniche d’imposte, les arra-chements des encorbellements qui auraientpu le supporter 91. D’après l’abbé Foucher,ce tympan était gravé d’un quatrain enlatin célébrant le miracle du serpent abattupar le bâton de Liphard mais cette affir-mation, reprise d’un recueil de vie de saintsdu XVIIe siècle, est certainement fausse 92.

Le transfert de l’accès principal dansl’hémicycle du bras nord eut pour effet dedécaler cet accès public depuis la place duMartroy jusqu’à la rue du Cloître, où elle setrouva dès lors en face de l’hôtel noble duChéray 93 ; il avait le désavantage d’obliger

les paroissiens à emprunter le bas-côté nordpour pénétrer dans le vaisseau central. Onretiendra qu’un autre accès était ménagédans le bras sud, par une porte simplepercée au sud-est ; il s’agissait peut-être dela porte réservée aux chanoines, depuis lesmaisons du Cloître situées à l’est de l’église(fig. 26).

Les chapelles

Durant le chantier de construction, lesconstructeurs procédèrent à l’ajout, dans ladernière travée du bas-côté nord de la nef,d’une chapelle de plan semi-circulaire. Ellen’était pas prévue à l’origine car le transeptétait flanqué de ce côté par un grandcontrefort ; son insertion fut cependant

envisagée dès l’achèvement de celui-ci,puisque le pilier situé à l’angle sud-ouestdu bras nord est pourvu d’une demi-colonne à l’ouest pour supporter l’arctriomphal de la chapelle. Le voûtement dela chapelle par des ogives retombant sur desculots sculptés de têtes humaines intervintun peu plus tard, en cohérence avec lenivellement du bas-côté, occasionnant undécalage d’une demi-douzaine de centimè-tres entre les bases et chapiteaux des colon-nettes supportant les ogives, et ceux de lademi-colonne engagée ; l’abside de lachapelle fut raccordée par simple collage aucontrefort ouest du portail. Quant à l’an-cien contrefort nord-ouest de l’hémicycledu transept, il fut entièrement bûché, àl’exception d’une partie encore visible deson glacis supérieur, et remplacé par unarc-boutant venant s’appuyer perpendicu-lairement sur la culée de la troisième pile(fig. 4 et 25). Tout semble indiquer que cesmodifications, qui intervinrent dans untemps très bref, résultèrent d’un change-ment de parti en cours de chantier, si l’onen juge par la parfaite homogénéité de lasculpture de part et d’autre du raccord ; onnote d’ailleurs que la piscine ménagée dansle mur, qui est couverte d’un arc en pleincintre, est de même dessin que les piscinesdes chapelles axiales du transept, et aussi decelles de l’abside 94.

La construction des autres chapelleslatérales intervint plus tardivement, endétruisant les murs gouttereaux pris entreles contreforts 95. Au nord, il en existedeux, voûtées en berceau brisé surbaisséd’axe perpendiculaire à la nef. Le mur defond était occupé primitivement par unegrande fenêtre – probablement un triplet –,ménagée dans un encadrement occupanttoute la largeur de la chapelle, au-dessusd’un mur épais de deux mètres de hauteurdans lequel sont ménagés une piscinecouverte d’un arc brisé très aigu et unplacard liturgique associé. Les grandesarcades ont été murées, sans doute à laRévolution, mais on les reconnaît facile-ment à l’extérieur ; les anciens triplets ontété remplacés par de petites baies en arcbrisé dont les encadrements réutilisentcertains éléments des triplets (ils sontremontés tête bêche dans la deuxièmechapelle). On note que les arcades de fond,

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Cl. J. Mesqui 2013.Fig. 34 - Châteaudun, église Saint-Valérien, portail.

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au dessin en arc brisé, n’épousaient pas leprofil de la voûte qui se trouvait un peuplus haut. Elles sont généralement datéesde façon indifférenciée du XIVe siècle et l’onne cherchera pas à préciser, tant leséléments font défaut.

Les trois chapelles du sud sont diffé-rentes d’abord en ce que leur mur de fondest continu sur toute la longueur ; elles ontdonc été réalisées de façon simultanée. Parailleurs, elles sont couvertes de voûtes enberceau dans lesquelles les grandes baies en

triplet s’insèrent parfaitement, sans solu-tion de continuité comme au nord. Ellespossèdent, dans leur mur latéral, piscine etplacard liturgique mais les piscines sontdans des niches surbaissées et non briséescomme au nord. Enfin, les triplets sontmieux conservés au sud (fig. 35), même sicelui de la troisième chapelle N3 a étépartiellement muré par la sacristie (les deuxlancettes obturées sont néanmoins visiblesdans l’escalier de cette dernière).

La première chapelle (N1) est particu-lière car elle venait buter sur la tourelle sud-est de la tour Manassès, ce qui réduisaitconsidérablement la longueur disponible.Afin de donner plus d’espace, on amaigritles murs de la tourelle mais on creusa aussien sous-œuvre la face ouest du contrefortde l’église, en bandant un arc brisé au-dessus du vide ainsi pratiqué (fig. 3). L’arcbrisé, très pointu, allait retomber sur unélément décoratif inséré dans le premierpilier du bas-côté, consistant en une tête àcôté d’un motif végétal, surmontées d’unecorniche à larmier, comme si l’élémentavait pendant un temps été à l’air libre(fig. 36) ; le style de cet élément accuseplutôt le XVe siècle, qui pourrait êtrel’époque des chapelles sud.

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Cl. J. Mesqui 2013.

Cl. J. Mesqui 2013.

Fig. 35 - Meung-sur-Loire, vue de la deuxième chapelle latérale sud. Les vitraux ont été posés en2000 : il s’agit d’une œuvre des ateliers Michel Petit, en collaboration avec le peintre François Legrand.

Fig. 36 - Meung-sur-Loire, vue de la retombéede l’arc allongeant la chapelle S1, prise depuisle sud. À gauche, mur de 1864 fermant lachapelle.

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La chapelle fut isolée de la nef par unmur seulement en 1864 96 ; précédemmentexistait seulement un départ, à l’ouest, quirecevait la console à trois têtes de lapremière voûte du bas-côté sud. Ce murfut raccordé en se collant à la retombée del’arcade, cachant dès lors de façon trèsmalheureuse l’ancienne retombée dans unretrait (fig. 36) 97. Il est percé d’une grandeporte à l’encadrement chanfreiné, au linteausupporté par deux coussinets moulurés ;malgré son aspect assez authentique, cetteporte est moderne, comme en témoigne sonarrière-voussure, réalisée avec une simpleplanche de bois suivant la technique utiliséelors du chantier de restauration.

Bien plus tard, deux chapelles supplé-mentaires furent ajoutées symétriquementde part et d’autre du chœur, en prolonge-ment des deux chapelles d’axes donnant

sur le transept. Ces deux chapelles, suppri-mées en 1862, servaient alors de logementspour le personnel de l’église ; elles étaientde plan rectangulaire, voûtées d’arêtes, etcommuniquaient par un passage avec lechœur. On en reconnaît facilement lestraces aujourd’hui, d’autant que les mursextérieurs de l’église et des contrefortsfurent modifiés pour insérer les voûtes etménager des piscines ou des placards dansla face externe du mur oriental des chapellesd’axe primitives ; les fenêtres de celles-cifurent d’ailleurs modifiées et surélevéespour émerger de la toiture des nouvelleschapelles 98. On peut penser que les deuxchapelles furent construites antérieurementaux guerres de Religion, puisqu’après celles-ci, la contraction des ressources du chapitrefit supprimer les offices de chapelains nour-riers ; les vingt chapelains titulaires furentsupprimés en 1681 99.

UNE SCULPTURE À LA CHARNIÈRE DUPREMIER ART GOTHIQUE ET DU

GOTHIQUE DES ANNÉES 1200

L’église de Meung comprend unensemble très important de chapiteauxsuperbement conservés – certains d’entreeux ont été restaurés dans les années 1860mais uniquement pour remplacer descrochets manquants. Dans cet ensemble,les chapiteaux de l’abside et des deuxtravées droites se distinguent par leurfacture encore marquée des traditionspropres au premier art gothique, attestantla marche du chantier d’est en ouest. Surles quatre chapiteaux qui couronnent lescolonnes minces de l’abside, trois présen-tent sous le tailloir polygonal un abaqueéchancré et un décor stylisé de feuillesenroulées se faisant face symétriquement

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Cl. J. Mesqui 2013.Fig. 37 - Meung-sur-Loire, chapiteaux du chœur et de l’abside. En haut, les chapiteaux de l’abside en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre degauche à droite. En bas, les chapiteaux du chœur : à gauche les chapiteaux du nord, à droite les chapiteaux du sud (à l’exclusion des chapiteaux du premierpilier).

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en deux registres superposés ; les deuxpremiers chapiteaux qui suivent dans latravée droite sont eux aussi sculptés avecdes motifs équivalents, sous un abaqueéchancré (fig. 37). Ces sculptures, encoretrès marquées par un corinthien stylisé,sont indicatrices de l’attachement dessculpteurs de l’Orléanais du dernier quartdu XIIe siècle à des styles déjà dépassés enÎle-de-France ; elles se situent dans l’exactelignée des chapiteaux du chœur de l’égliseSaint-Euverte d’Orléans, l’un des premiersgrands édifices gothiques de la région,rebâti après 1169 sous l’impulsion del’abbé Étienne (fig. 44) 100. Les restesappréciables de ces chapiteaux sculptéspermettent de la situer dans un courantproche de celui récemment mis en exerguepar Éliane Vergnolle à Saint-Benoît-sur-Loire 101.

Si l’on revient au chevet à doublerangée de fenêtres de Notre-Dame deMelun, possible source d’inspiration duprogramme du chevet de Saint-Liphard,on y trouve également des chapiteauxsous abaque échancré et tailloir polygonal :à Melun, ces chapiteaux permettent depostuler que le chœur était achevé avantl’interruption de chantier des années 1180.Mais il serait trop rapide d’en déduire quele chœur de Saint-Liphard remonte auxannées 1180 : au milieu de ces chapiteauxantiquisants prend en effet place, sur l’unedes colonnes de l’abside, un chapiteau àcrochets de la meilleure facture. De même,entre la première et la seconde travéedroite, se font face deux chapiteaux àabaque droit, dont la corbeille est ornée decrochets très stylisés au nord, alors qu’aucontraire celle du sud porte un décor floraltrès expressif d’arums avec leurs spadices.Il paraît évident que les sculpteurs qui ontréalisé ces chapiteaux se sont nourri à desinspirations diverses, conservant dans leurrépertoire des modèles antiquisants quin’étaient plus vraiment de mode dans lesannées 1200 ; probablement aussi, lareprise de modèles présents à Saint-Euvertetémoigne de l’étroitesse des relations entreles deux chantiers.

Le reste de la sculpture des chapiteauxest remarquablement homogène, voiremême quelque peu répétitif : les corbeilles

sont décorées de vigoureux crochets, desfeuilles plates à multiples lobes ou folioless’intercalant entre eux ou se superposant àleur intersection (fig. 38). Dans le transept,les chapiteaux des hémicycles usent d’unrépertoire végétal de feuilles assez variéessuperposées sur deux rangées ; ces feuillesincisées, finement sculptées et découpéesd’œillets d’ombre, se recourbent en généralau niveau supérieur (fig. 39 et 40).

Les sculptures non végétales sont rares.Dans la travée droite occidentale duchœur, au niveau des supports ouest, lesdeux demi-colonnes se faisant face nepartent pas de la base du pilier mais ellessont lancées en encorbellement sur degrandes figures sculptées, au nord celled’un bœuf, au sud celle d’un homme auxcheveux longs, aux yeux rapprochés etsourcils jointifs, portant un collier de

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Fig. 38 - Meung-sur-Loire, chapiteaux du premier pilier nord, vus du côté nord-ouest.

Fig. 39 - Meung-sur-Loire, chapiteau du brasnord du transept.

Fig. 40 - Meung-sur-Loire, vue du pilier sud-est de la croisée, pris vers l’est. On voit la portede visite des combles.

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barbe, peut-être censées symboliser lesévangélistes Luc et Mathieu 102. On trouveégalement des figures humaines sous lescorbeilles, dès lors que celles-ci sont endébord et ne reposent pas sur des colon-nettes : double visage masculin au premierdemi pilier sud, triple visage masculin àl’angle sud-ouest du bas-côté sud, visage decouple au quatrième pilier du bas-côté sud(fig. 41) et deux visages masculins à lachapelle semi-circulaire du bas-côté nord.

Enfin, on compte seulement deuxchapiteaux historiés parmi tous ceuxprésents dans la nef – ou plutôt dans le bas-côté nord ; leur présence à cet endroitmontre qu’ils furent réalisés après l’inser-tion du portail septentrional et qu’ilsétaient placés là à l’intention des fidèles sedirigeant vers l’entrée du vaisseau central.Dans un chapiteau de l’arcade de la troi-sième travée, regardant l’est, se trouve lascène connue de la dispute des deuxhommes, souvent interprétée comme unelutte pour une grappe de raisin qu’on voità terre (fig. 42). Plus loin, sur un petitchapiteau du premier pilier nord, unjongleur tient de ses bras écartés deux balles

qui tiennent lieu de crochets (fig. 38). Lareprésentation des personnages dans ceschapiteaux, tout particulièrement lepremier, conserve une facture assezromane, avec un écrasement des corps dû à

la hauteur de la corbeille et une naïvetécertaine dans l’expression des mouvementsautour de la corde que se disputent les deuxhommes ; on songe ainsi à la représentationde David et Goliath dans un des chapiteauxdu déambulatoire de Beaugency, à tout lemoins en ce qui concerne la dynamiqueexprimée 103. On peut, ici encore, illustrer larésistance du milieu orléanais aux nouveauxcanons venant d’Île-de-France.

On terminera en évoquant d’un motles clefs de voûtes. Dans l’abside, le chœur,la nef et le transept, les clefs des hautesvoûtes sont simplement percées d’orificesdestinés à faire passer les câbles des lumi-naires ; les claveaux des ogives proches de laclef ont été mis en peinture, formant des Xdans des couleurs vert et rouge restauréesassez récemment, le disque central étanttraité par des motifs arrangés circulaire-ment. Le tout était surchargé de petitsmotifs peints en noir et gris, représentantdes feuillages ou de petits décors géomé-triques 104. Les voûtes des bas-côtés étaientornées de véritables clefs sculptées, formantde grands anneaux évidés décorés defleurs ; la chapelle nord possède une clefornée d’une fleur en son centre, conservantdes restes de peinture rouge. Toutes cespeintures sont certainement postérieures àla restauration des voûtes de l’église, aprèsles événements de 1570.

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Fig. 41 - Meung-sur-Loire, nef, vue du quatrième pilier du bas-côté sud, au raccordement avec letransept. Une probable erreur d’implantation obligea à supprimer la colonnette recevant l’ogive dela quatrième travée et à aménager le chapiteau en fort débord sur une console sculptée des têtes d’unhomme et de son épouse.

Fig. 42 - Meung-sur-Loire, nef, chapiteau du deuxième pilier nord, vu du côté est.

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UNE ARCHITECTURE REMARQUABLEMENTHOMOGÈNE, COMMANDÉE PARHUGUES DE GARLANDE

Du portail nord, on regagne la place duMartroy pour un coup d’œil final sur l’ar-chitecture de cette église, malheureusementengoncée au nord-ouest, du côté de laplace justement, dans un remblai accumulédepuis le XIIIe siècle pour combler lesmouvements de terrain naturels et aplanirl’accès au château. L’aménagement d’unetranchée en 1864 pour dégager les basesdes chapelles, si elle a assaini celles-ci, n’amalheureusement pas suffi à redonner àl’angle de cette église le dégagement qu’ilavait à l’origine.

Il faut, en fait, aller vers l’est, le côté duCloître, pour apprécier les volumes de lacollégiale et leur simplicité, les seulséléments de décor sculpté étant lesmodillons supportant la toiture, aux motifshumoristiques, truculents ou réalistessouvent considérés comme romans – aupoint que les guides les attribuent à l’an-cienne église, comme s’ils étaient desremplois. On voit de ce côté un anciencadran solaire sculpté sur une pierre enforme de coquille Saint-Jacques, placé surle fronton du contrefort sud de l’abside.

On n’hésitera pas ici à répéter que lacollégiale frappe par l’homogénéité de sonarchitecture, dont les caractères pointentsans aucun doute sur le tout début du XIIIe

siècle. Pour dater le début du chantier, ilsemble que l’on peut faire valoir l’acte del’évêque Henri de Dreux († 1198), daté de1197, où ce dernier indiquait avoir trouvél’église « endommagée à de nombreuxégards, et en grave danger de déchoir, tantde l’intérieur que de l’extérieur » 105. Cediagnostic appela de sa part, comme uniquemesure corrective, la création d’un office desous-chantre rémunéré par une prébendede 100 sous dont la moitié serait prise surses revenus et l’autre moitié serait fourniepar le chapitre ; Hugues de Garlande,encore doyen du chapitre Sainte-Croixd’Orléans à cette date, donna son accordpuisque les revenus de l’évêché étaient encause. Mais ce remède était de nature àguérir seulement le mal « intrinsèque »,

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Fig. 43 - Superposition du plan de Saint-Liphard (Meung-sur-Loire), en rouge, à Saint-Euverte(Orléans) [plan de Masson dans Congr. arch. de France. Orléans, 1931, vérifié d’après cadastre.

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puisque le sous-chantre était supposéentraîner, par l’exemple de ses chants indé-fectibles, toute la communauté vers laprière ; le mal « extrinsèque » était proba-blement l’état de l’église elle-même, expli-quant la mise en chantier qui suivit. C’estdonc à son successeur Hugues de Garlande(1198-1206) que l’on doit probablementle lancement du chantier. Rappelons qu’ennovembre 1201, le roi Philippe Augustedonna l’autorisation au doyen et au chapi-tre de Saint-Liphard de vendre leur bois deBucy-Saint-Liphard en trois ans, la moitiédu prix de vente étant retenue au profitdu roi de la volonté des chanoines 106. Cecitraduit-il que le roi avait fait l’avance d’unecertaine somme au chapitre ? La questionest posée ; quoi qu’il en soit, cette venteavait certainement pour objet de contri-buer au financement d’une dépense sortantde l’ordinaire. Quatre ans plus tard, en mai1205, le roi autorisait cette fois le chapitreà affranchir les serfs et serves où il ledésirait ; peut-être était-ce-là un moyensupplémentaire de trouver du numéraire 107.Par ailleurs, la décision de Manassès deSeignelay de lancer la construction duchâteau neuf fut liée à l’existence d’unchantier déjà entamé, qui mettait en causele concept même de la résidence épiscopalede son antécesseur.

Saint-Liphard traduit ainsi parfaite-ment l’achèvement du processus d’appro-priation assez lent qui fut nécessaire àl’Orléanais pour intégrer l’art gothique. J’aidéjà signalé les similitudes remarquablesentre la sculpture des chapiteaux du chœurde Saint-Liphard et ceux de Saint-Euverted’Orléans ; la ressemblance entre lesdeux édifices ne se limite pas au décorsculpté. Le plan de Saint-Euverte présenteen effet des proportions semblables àcelles de Meung pour les dimensions destravées (fig. 43) ; de plus, l’église présentaitle même type d’élévation à deux niveaux.Dans le vaisseau central se trouvent déjà lessupports à demi-colonnes engagées, ados-sées sur des dosserets encadrés par les demi-colonnettes supportant les formerets ; dansles bas-côtés, les demi-colonnes latéralessont appareillées sur des dosserets à arêtesabattues, disposition reprise aussi à Meung.En un mot toutes les composantes du partiarchitectural retenu à Meung se trouvent

déjà à Saint-Euverte, même si dans cettedernière les pleins dominent les vides,imposant une plus grande muralité. Lamise en forme des bases frappe égalementpar ses ressemblances (fig. 45) ; seuls leschapiteaux du transept et de la nef deMeung, résolument orientés vers lesnouvelles tendances imposant le crochet,viennent attester du décalage chronolo-gique par rapport à ceux de la nef de Saint-Euverte, encore entièrement empreintsd’une tradition dans laquelle les feuilleslisses lancéolées disposées en deux registresdominaient largement, selon de multiplesvariantes 108.

Or Saint-Euverte avait une significa-tion toute particulière dans l’Orléanais, etnécessairement pour Meung, ville épisco-pale : elle avait été bâtie sur la tombe dupremier évêque d’Orléans et tout nouvelévêque devait en partir pour faire son

entrée solennelle à Orléans. Il est tentantd’expliquer cette filiation architecturaleentre Meung et Saint-Euverte en termes demaîtrise d’ouvrage.

L’église de Saint-Euverte avait été miseen chantier par l’abbé Étienne (1167-1176), après un incendie survenu en 1169,et la construction s’étendit probablementsur le quart de siècle suivant 109. Cet abbé,natif d’Orléans, avait fait des études dansla ville, puis à Bologne ; il était devenuchanoine régulier de Saint-Euverte àOrléans vers 1155, puis abbé en 1168 ; ilconnaissait évidemment Hugues deGarlande, sous-doyen de Sainte-Croix dès1163, nommé par son oncle Manassèsdoyen en 1168 après le décès du titulaireJean. En tant que doyen de Sainte-Croix,Hugues donna d’ailleurs plusieurs chartesen faveur de Saint-Euverte, entre 1170 et1195 110.

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Cl. J. Mesqui 2013.Fig. 44 - À gauche, chapiteau du chœur de Saint-Euverte (Orléans) ; à droite chapiteau de l’absidede Saint-Liphard (Meung-sur-Loire).

Fig. 45 - À gauche, base d’un pilier de la nef de Saint-Liphard, vu depuis le bas-côté nord. À droite,base d’un pilier de la croisée du transept de Saint-Euverte.

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En 1176, Étienne fut élu abbé deSainte-Geneviève à Paris ; cette année-là,c’est à sa demande et sur les prières deHugues et de son frère Manassès, chevecierde Sainte-Croix, que leur oncle Manassèsfit un don de vignes à l’abbaye 111. Plustard, en 1179, Hugues indiquait que c’étaitafin « d’entourer l’église d’une particulièreaffection » qu’il consentait à la donation del’église Saint-Donatien 112. Lorsqu’en1198, Hugues fut élu évêque d’Orléans,Étienne, alors évêque de Tournai, luienvoya une lettre pour le féliciter, luirappelant ses devoirs à l’égard de saintEuverte, son prédécesseur premier évêqued’Orléans, et de l’abbaye du même nom oùManassès de Garlande son oncle avaitchoisi de se faire inhumer. Dans deuxlettres postérieures adressées à l’évêque et àl’abbé Bertier de Saint-Euverte, il dénon-çait les manquements à la règle dans lechapitre régulier, demandant à Hugues defaire respecter celle-ci 113. Hugues choisitd’y être enterré près de son oncle, ce quiadvint en 1206.

Cette proximité des deux hommes, liéeà l’attachement de Hugues à Saint-Euverte,pourrait expliquer le lien architectural exis-tant entre les deux églises. Ceci d’autantque le doyen de Saint-Liphard était unprotégé d’Hugues de Garlande, placé parlui à la tête du chapitre, donc probable-ment à ses ordres : il s’agissait d’Étienne,frère de Mathieu de Touquin, vassal etproche du propre père de Hugues, Guy deGarlande, seigneur de Tournan-en-Brie 114.Guy était le propre frère de Manassès, lefondateur de la tour et du clocher deMeung.

Le lien entre Hugues de Garlande etÉtienne, abbé de Saint-Euverte puis deSainte-Geneviève, put avoir d’autres impli-cations que les ressemblances entre Saint-Euverte et Saint-Liphard. En 1191,Étienne devint évêque de Tournai, ce qu’ildemeura jusqu’à son décès en 1203. Or lacathédrale de Tournai présente l’un desplus beaux et plus anciens exemples detransept arrondi qui soit en Europe– Meung étant, on le rappelle, un autreexemple à bien plus petite échelle. On alongtemps considéré que le voûtement dela croisée et des travées limitrophes du

transept arrondi de Tournai avait été réalisésous l’épiscopat d’Étienne, en raison d’unedonation de 1199 qui semblait caractériserle projet. Les résultats les plus récents del’archéologie ont montré que, du temps del’évêque originaire d’Orléans, ces voûtesétaient terminées depuis un demi-siècle etqu’Étienne ne fut pour rien dans leprogramme de ce transept particulier ;pour autant, l’évêque s’intéressait de suffi-samment près au chantier pour y faireconstruire à côté de la cathédrale unechapelle gothique encore subsistante, lachapelle Saint-Vincent, voûtée d’ogives 115.Bien sûr, l’on ne peut accorder plus devaleur à ce rapprochement qu’il n’en a : leséglises à transept arrondi forment unefamille assez hétérogène dans le temps etdans l’espace et l’on n’a jamais pu mettreen évidence d’inspirations communesmanifestes 116. De plus, les « transeptsarrondis » de Tournai, ou encore deCambrai et de Soissons, sont pourvus dedéambulatoires ; en plan, l’exemple le plusproche de Meung est certainement celui dela cathédrale de Noyon, bien que, avec sescinq niveaux comprenant une rangée defenêtres basses, l’élévation de cette dernièren’ait rien de comparable avec celle deMeung, qui ne comprend qu’une rangée defenêtres hautes.

La coïncidence mérite cependant d’êtrenotée ; peut-être est-elle plus efficace quel’explication de Vallery-Radot qui évoquaitle culte rendu à des saints picards dans lalocalité voisine de Beaugency pour suppo-ser des rapports entre le nord de la Franceet le Val-de-Loire et justifier ainsi uneparenté avec les grands édifices de Noyonet Soissons 117.

Enfin, l’origine briarde de Hugues deGarlande et du doyen qu’il fit nommer àSaint-Liphard pourrait apporter un nouveléclairage sur une autre particularité del’église, son abside à double niveau debaies. On a cité plus haut deux églises quiauraient pu être sources d’inspiration pourMeung, celles de Notre-Dame de Melun etde Souppes-sur-Loing. Il existe d’autreséglises présentant ce type de parti enÎle-de-France, dont les dispositions archi-tecturales ne justifient pas la mise encomparaison approfondie avec Meung 118 ;

cependant, il est intéressant d’en trouverdeux très significatives dans la Brie, cellesde Voulton et de Rozay-en-Brie, toutesdeux sensiblement contemporaines deSaint-Liphard – notons que Rozay-en-Brie est situé à moins d’une vingtaine dekilomètres de Tournan, dont Guy deGarlande, père de Hugues, était seigneur,et à moins d’une dizaine de Touquin dontétait originaire Étienne, le doyen de Saint-Liphard.

Si l’on s’en tient à Rozay-en-Brie,certainement élevée dans les années 1200,il n’y a certes rien de commun entre la miseen scène des deux rangées de fenêtres etcelle de Saint-Liphard. En effet, les ébrase-ments des baies sont encadrés par des toresbrisés retombant sur des colonnettes qui,accolées aux colonnettes des formerets,viennent alourdir le jaillissement descolonnes supportant les ogives, en créantdes faisceaux de colonnettes occupant latotalité de l’intervalle entre les fenêtres ; deplus, les horizontales sont soulignées pardes bandeaux marquant les naissances desarcs du premier rang, prolongeant lestailloirs des chapiteaux des supports, ainsique par d’autres bandeaux marquant lesappuis des fenêtres hautes 119.

On est loin ici de la sévère verticalité del’élévation du chœur de Meung et l’on nepeut certainement pas penser à la moindreparenté dans la maîtrise d’œuvre des deuxédifices. Pour autant, malgré les différencesdans l’expression architecturale, le parti debase est le même ; ici, comme pour la ques-tion des transepts arrondis, on doit secontenter de souligner la coïncidence, sanspouvoir lui attribuer une valeur de preuve.

D’Étienne à Hugues de Garlande : l’introduction du gothique dans

l’Orléanais

En définitive, le triptyque monumentalconstitué par le clocher, la tour et la collé-giale de Meung met en valeur le rôle jouépar les deux Garlande qui furent évêquesd’Orléans, Manassès et son neveu Hugues.Comment ne pas associer à ces deuxpersonnages celui de l’oncle qui fut à l’ori-

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La travée de raccord avec le clocher etl’escalier en vis

On a déjà eu l’occasion de dire à plusieursreprises que le mur de fond actuel, avec ses deuxarcades gothiques, est une création de 1864cachant la travée de raccord entre le haut vais-seau et le clocher. Celle-ci était prise entre leretour nord de la tour Manassès, la façade estdu clocher et la cage de l’escalier en vis du XIIIe

siècle ; elle était couverte d’un berceau bombéculminant à la hauteur du doubleau de ladernière travée. Le nouveau mur de fond de1864 a définitivement oblitéré l’ensemble, luidonnant une homogénéité factice qu’il n’avaitpas précédemment (fig. 5). On ne décrira pascette réalisation de 1864, réalisée à l’économie,ce qui lui vaut de respecter pleinement, avant lalettre, la charte de Venise : toutes les maçonne-ries de la restauration pourraient être démon-tées sans dommage pour les structures. Audemeurant, pas plus que dans la nef, on netermina le chantier de sculpture, puisque lesbases et les chapiteaux de l’arcade inférieure

furent laissés épannelés, à l’exception de l’und’entre eux.

L’aspect d’avant 1864 est encore appréhen-dable, avec de l’imagination, au deuxième étagedu clocher, dans l’intervalle situé entre le murdiaphragme à arcades de 1864 et la face est duclocher, au-dessus de la voûte de la tribune del’orgue réalisée en 1864 et juste au-dessous duberceau bombé de la travée de raccord.

L’unique escalier en vis de l’église était doncménagé derrière le demi-pilier est de la nef,mordant légèrement sur les contreforts de l’an-gle nord-est du clocher. Sa porte, située latéra-lement dans la travée de raccord, eût étébouchée par le mur diaphragme de 1864 si lesrestaurateurs n’avaient pas créé, à l’extrémité dumur, un passage coudé sous un simple linteaude bois afin de laisser libre l’accès à la porte – lamême solution de fortune fut adoptée pour l’ac-cès à la tribune de l’orgue.

Les portes d’accès à la vis sont simplementrectangulaires, sans chanfrein ; celle du rez-de-chaussée est bordée par une plinthe moulurée

qui garantit l’authenticité de l’ouverture.L’escalier lui-même est une vis à voûte hélicoï-dale portant les marches, disposition qui permetde le situer chronologiquement dans le premierquart du XIIIe siècle au plus tard, avec une préfé-rence pour la première décennie comme termi-nus 122. À l’exception de sa voûte réalisée enbéton de mortier, les murs sont nus et dépour-vus d’enduit.

L’escalier était éclairé, à partir de ladeuxième révolution seulement, par des fentesde jour très évasées ; la première et la secondeont été bouchées par la construction du loge-ment du concierge, au nord du clocher. À 6 menviron au-dessus du sol de la nef, une porteancienne s’ouvre vers la tribune, quelquesmarches escaladant l’extrados de la premièrevoûte de 1864 pour rejoindre l’orgue ; cetteporte se situe à près de 1,60 m au-dessous dusol intérieur du clocher, ce qui prouve que, dèsle Moyen Âge, existait un dispositif comprenantun emmarchement pour la relier à l’étage de lachapelle épiscopale.

gine de l’importance de la famille, Étiennede Garlande, le « rival » de Suger ? Cetteassociation prend tout son sens lorsque l’onsait qu’il occupa la fonction de doyen duchapitre cathédral dès 1113, qu’il cumulaitavec les doyennés de Saint-Samson et deSaint-Aignan, et que, malgré son évictiondéfinitive du poste de chancelier royal parle roi Louis VI à la fin de sa vie et son éloi-gnement de la cour sous Louis VII, sesréseaux fonctionnaient encore pleinementlorsqu’il fit nommer son neveu Manassèsau siège d’Orléans en 1146.

Or Étienne de Garlande joua un rôlemajeur dans l’introduction du premier artgothique à la cathédrale de Sens dans lesannées 1130-1140, comme l’a proposéJacques Henriet dans sa magistrale étudesur l’édifice 120 ; il en était le prévôt aumoment où il fit élire son cousin HenriSanglier au siège archiépiscopal et contri-bua probablement au choix du parti monu-mental de cette cathédrale. Pour autant,c’est durant le long épiscopat de son neveuManassès que le gothique fit son introduc-tion dans l’Orléanais – on citera les deuxtrès grands chantiers de Saint-Benoît-sur-Loire et de Saint-Euverte d’Orléans,

lancés de son temps ; l’influence propre del’évêque est cependant moins évidente enmatière d’architecture qu’elle ne l’est dansl’administration temporelle de son diocèse,tout particulièrement de Meung. Laconstruction du clocher avec sa chapellehaute, suivi quelques années plus tard parla construction de la tour-résidence au planinnovant, accolée au clocher, traduit cepen-dant une évolution assez nette. La chapellerévèle des inspirations encore empreintesde style roman, même si les colonnettespuisent aux nouveaux registres : voûted’arêtes, colonnettes en délit sur de hautesbases sont autant de signes de l’attache-ment des artisans pour les modes de lapremière moitié du XIIe siècle. De façonplus ténue, car les détails d’architecture n’ysont pas nombreux, la tour Manassèsmontre que, à l’échelle de la décennie, lesformes s’affinent, même si tout est encoreroman, qu’il s’agisse du décor de la chemi-née, de la fenêtre géminée ou de l’étroitebaie éclairant la chambre privée. Or il s’agitincontestablement d’un témoin précieuxd’une mise en décor recherchée du milieude XIIe siècle : la chapelle haute de Manassèsétait à son usage mais elle devait égale-ment servir à la célébration solennelle des

anniversaires d’Étienne, certainement consi-déré comme l’un des plus importants per-sonnages du royaume et de l’Orléanais.

Un peu plus d’une quinzaine d’annéesaprès le décès de son oncle mais un quartde siècle après ses chantiers, Hugues deGarlande, le troisième de la lignée « népo-tique », lança pour sa part la reconstructionde l’église de Meung 121. Il la plaça – ou àtout le moins la fit placer par son architecte– délibérément dans le sillage de Saint-Euverte mais, si l’on excepte quelques« chapiteaux-témoins » de cette filiation,l’art gothique avait dépassé désormais lestade du retour au corinthien, même enOrléanais, pour imposer un style plusépuré et standardisé dans la sculpture.Hugues, ou le doyen de Saint-Liphard, ouencore leur architecte, fit référence à d’au-tres sources d’inspiration : le plan à tran-sept arrondi, en hommage à Étienne deTournai, ou le parti de la double rangée defenêtres de l’abside, comme un clin d’œil àleurs origines peut-être. Tout ceci fait del’ensemble madgunois un témoignage atta-chant de la transition vers le gothique dansl’Orléanais, succédant à la nef de Saint-Benoît comme à l’église de Saint-Euverte.

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ANNEXE

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L’ÉGLISE SAINT-LIPHARD ET LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE À MEUNG-SUR-LOIRE

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SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

De retour dans l’escalier, quelques marchesmènent à la porte conduisant aux combles dubas-côté nord. À 12,5 m au-dessus du sol de lanef, la vis maçonnée laisse place à une vis de bois,qui finalement s’arrête à 14,80 m, alors qu’exté-rieurement la cage carrée prend un plan polygo-nal par le moyen de pans coupés à ses angles. Sur

le dernier palier, une porte donnait sur un esca-lier escaladant la voûte en berceau de la travée deraccord, pour gagner la porte contemporainepercée au deuxième étage du clocher. Vers l’est,on accède aux combles, sur l’extrados des voûtes ;c’est à ce niveau seulement qu’on peut voirencore les dispositions originelles de la tour

Manassès, avec son gros contrefort nord-est. Lacharpente, assez sommaire dans sa structure, datede la restauration postérieure aux destructions de1562 et 1567 – elle était achevée en 1576 – ; ellea subi d’importantes déformations par le fléchis-sement des entraits de ses fermes et a été restau-rée à plusieurs reprises.

Sources manuscrites

Binet ‒ DialoguesJacques Binet, Trois colloques sur l’antiquité

de Meung-sur-Loire, suivis de Trois dialogues surl’antiquité de Meung-sur-Loire, suivis de Responseà la demande que l’on m’a faicte sur un passagedes Annales de Me Nicole Gilles, ouquel est escriptque le roy Loys le Gros donna à Philippe son frèrebastard la seigneurie de Meung-sur-Loire, datésdu 26 juin 1579, B.n.F., fr. 5408 (une copie dela Response et fragment d’un dialogue à la biblio-thèque de l’Arsenal, ms. 3942).

Le manuscrit du chanoine Jacques Binet,chantre du chapitre Saint-Liphard, terminé le26 juin 1579, est un très curieux ensemble oùl’auteur expose son analyse historique de lafondation et du développement de la ville deMeung jusqu’au XIIIe siècle. Il fait usage d’unremarquable discernement et d’une clair-voyance exceptionnelle pour son interprétationdes sources et leur utilisation.

Cart. chap. St-Liphard ICartulaire du chapitre Saint-Liphard de

Meung-sur-Loire, Arch. dép. Loiret, G130(2Mi539) (copie de Polluche au XVIIIe siècle).

Cart. chap. St-Liphard IIExtraits de chartes du cartulaire du chapitre

Saint-Liphard de Meung, B.n.F., CollectionBaluze, t. 78, fol. 162-192.

Notitia seu series dignitatumNotitia seu series dignitatum et canonicorum

ecclesiæ Magdunensis : notice rédigée vers 1740par un chanoine anonyme à la fin duMartyrologe de Saint-Liphard et complétéejusqu’à la Révolution, conservée aux Archivesdépartementales du Loiret, G 132. Ce manus-crit a été utilisé par le chanoine Foucher.

Foucher ‒ Saint-LiphardAbbé Foucher, Saint-Liphard, manuscrit

écrit après 1882, conservé aux Archives muni-cipales de Meung, 7J 18 (voir ci-dessous).

Sources conservées à Meung-sur-Loire

Meung, Arch. mun. : Archives municipalesde Meung, série 7 J.

7J 1. « Conseil de fabrique : délibérations(registre). 1803-1896 ».

7J 3. « Comptabilité de la Fabrique : livre-journal (registre), 1805-1906 ».

7J 16. « Collégiale Saint-Liphard ». Dossiercomprenant des pièces diverses sur les travauxmenés à l’église (en particulier devis, factures etreçus concernant les travaux de 1860-64, de1949 ; articles de presse concernant la restaura-tion du clocher en 1969 ; article concernant larestauration de 1985).

7J 18. « Saint-Liphard et établissementsreligieux ». Dossier contenant des pièces histo-riques diverses sur l’église de Saint-Liphard. Cedossier contient en particulier un livre manus-crit de l’abbé Foucher sur la vie de saint Liphardet sur l’histoire de l’église collégiale. Ce prêtre aété curé de Meung à partir de 1865, puischanoine honoraire d’Orléans. Érudit magdu-nois, membre résidant de la Société archéolo-gique et historique de l’Orléanais, il avait,semble-t-il, amassé une considérable documen-tation sur l’histoire de la ville : AugusteLongnon le consulta pour son livre Étudebiographique sur François Villon, paru en 1877(voir p. 89). Il décéda en 1896, et son hommagefut déclamé en la cathédrale par l’abbé Bellet(Bulletin de la société archéologique et historiquede l’Orléanais, t. XI, n°157, p. 197-188). MarcelCharoy le cite dans son livre (Charoy 1908,p. 260), en regrettant que ses archives demeu-rent cachées aux mains de ses héritiers. Oril n’en était rien car l’abbé Foucher a lui-mêmebrûlé toutes ses archives, à l’exception d’unlivre manuscrit consacré à l’histoire desaint Liphard et de deux plans, égalementmanuscrits, conservés tous deux dans lesarchives communales (voir ci-après, 7J 20).Voici ce qu’il écrivait dans une petite noteplacée en exergue de son livre manuscrit :« Nota : Ne point chercher mon Histoire deMeung. Convaincu que je ne pourrais jamaiscombler certaines lacunes et que, par consé-quent, je ne pourrais jamais faire quelque chosede complet, j’ai brulé tout ce que j’avais rédigésur ce sujet. Alex Foucher ».

Ce dossier comprend également, parmid’autres, le texte manuscrit de la description del’église par le vicaire Doucheny, établi le 19 août1845 pour la présentation de l’église à uncomité non précisé.

7J 20. « Histoire : plans de la ville, 17ème-18ème s. ». Ces deux plans non signés surcalque de la fin du XIXe siècle (mal datés par letitre de l’inventaire des archives) sont de façoncertaine des dessins autographes de l’abbéFoucher. Tous deux sont des restitutions, faitespar l’abbé, de la topographie de la villesous l’Ancien Régime ; l’un donne une vuegénérale de la ville incluant ses faubourgsjusqu’au pont, l’autre une vue de l’intérieur dela ville. Ils ont été heureusement publiés dans lelivre collectif Meung-sur-Loire. La belle histoire,p. 47 et 66, mais, de façon très regrettable, leslégendes qui sont fournies sont totalementfantaisistes (pour la vue générale : « plande la ville au XIVe siècle avec ses chapelles » etpour la vue intérieure : « plan présumé deMeung en 1600 »). La qualité de l’éruditionde l’abbé Foucher permet de considérer les loca-lisations topographiques comme fiables –nous l’avons vérifié à de multiples reprises.Néanmoins, on ne doit en aucun cas consi-dérer ces plans comme des copies de documentsoriginels, ce qui est malheureusement tropsouvent le cas ; en particulier, les figurationsd’éléments comme les tours, tourelles, barba-canes et autres fortifications sont de puresinventions…

Arch. HD-LéproserieLes archives anciennes de l’Hôtel-Dieu et

de la léproserie Saint-Lazare, fusionnés depuis1667, étaient conservées jusqu’en 2013 dansune cave de la maison de retraite LeChampgarnier à Meung. Nous avons pu lesconsulter librement sur les lieux ; après cetteconsultation, et sur notre recommandation, untransfert vers les archives municipales de Meunga été envisagé.

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JEAN MESQUI

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JEAN MESQUI

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* Ingénieur général des Ponts et Chaussées, docteur èsLettres. Je remercie la mairie de Meung et ses servicestechniques pour l’aide qui m’a été apportée pour visi-ter la tour Manassès ainsi que les parties hautes de lacollégiale. Mme Christine Brisson, archiviste, m’aaimablement donné accès aux documents ; je remerciela paroisse de Meung pour l’accès au clocher et à lasalle de l’orgue. Je remercie également FabienneAudebrand pour l’accès aux documents conservés à laDRAC Centre. J’ai bénéficié des avis toujours précieuxde Christian Corvisier. Enfin, je suis particulièrementreconnaissant à Éliane Vergnolle pour les trésors depédagogie qu’elle a bien voulu déployer pour m’initierau premier art gothique orléanais et pour la relectureattentive qu’elle a faite du projet d’article en l’amélio-rant notablement par bien des aspects ; je remercieégalement Philippe Plagnieux pour ses conseils expertset sa relecture.

1. On citera évidemment, comme une œuvre fondatrice,le livre publié par Marcel Charoy en 1908, bien qu’il netraite quasi pas de l’église elle-même ; en revanche, il futle premier à étudier la tour Manassès (Charoy 1908, p.69-78). La notice de Vallery-Radot 1931 est la seulenotice sérieuse consacrée au complexe monumental ; ony ajoutera cependant les quelques pages consacrées parFlorence Juin au clocher dans Juin 2002, p. 20-27. Lespremières fouilles menées à la collégiale le furent en1865 : Pibrac (de) 1866. Il faut attendre ensuite Baratin1991 pour une fouille à l’extérieur du clocher etMataouchek-Lallet 2000 pour un diagnostic archéolo-gique et une fouille de la tour Manassès de Garlande.

2. Sur l’étymologie de Meung, voir Soyer 1979, p. 12-13. Sur les voies antiques, voir Gauthier 1943 ; Soyer1971 ; Les voies antiques de Meung ; Millière 2007-2008.Voir carte dans Mesqui 2014.

3. Acta Sanctorum, p. 291-295.

4. Capitularia episcoporum, p. 115-116 : « cœnobia, quænobis ad regendum concessa sunt ».

5. Formulæ Imperiales, p. 321-322. Sous son règne, en822, le monastère disposait d’un avoué, un certainOdolmar, qui intenta avec son puissant maître uneaction à la cour impériale contre un vassal de l’empe-reur appelé Ragimbernus, dont le père avait été abbé deSaint-Liphard du temps de Charlemagne : cet abbé– laïc – avait, en effet, disposé injustement en faveur deson fils de biens donnés à l’abbaye par Clotaire [II](613-629), dépossédant ainsi l’établissement et Matfridqui en était le régent, si ce n’est le titulaire. C’est aupalais d’Attigny que le cas fut tranché, Matfrid ayant puexhiber les diplômes de donation de Clotaire, ainsi queles confirmations de ses successeurs. Voir sur ce comteMatfrid l’article fondamental de Depreux 1994, enparticulier p. 344-353 pour ce qui concerne Meung.Voir aussi Heil 1999, p. 47.

6. En 840-843, un diplôme de Charles le Chauveconfirmant les biens de l’église d’Orléans cite la CellaSancti Liphardi (Cartulaire de Sainte-Croix d’Orléans, n°33, p. 64). En 851, un autre diplôme du même empe-reur confirme que la villa de Terminiers a été transféréepar l’évêque Ay de l’ « abbatia sancti Liphardi » au chapi-tre de Sainte-Croix (ibid., n° 35, p. 69). L’église deTerminiers avait pour patron saint Liphard.

7. En 859, un diplôme de Charles le Chauve est signéau monastère de Meung (Actes Charles le Chauve, I,543). 861 : Annales de Saint-Bertin, année 861, p. 86.862 : ibidem, année 862, p. 91. 890 : RHF , IX, p. 454(c’est-à-tort que Charoy 1908 reprend la glose deMabillon, De re diplomatica, 1e éd. 1681, p. 46,donnant Macduno monasterio, « quod opidum est adLigerim infra Aurelianorum civitatem » ; il s’agit d’uncommentaire explicatif de Mabillon remplacé dans la2e éd., 1709, p. 412 par « Meun ad Ligerim infraGenabum Aurelianorum », jamais les textes ne mention-nant une fortification). 891 : RHF, IX, p. 316 ; p. 458.

8. Référence dans Gallica Christiana, t.VIII, p. 1435.La date fournie est la trente-septième année du règne deRobert II, soit 1024. Jarossay 1902, p. 147, fournit ladate de 1030 en se référant à Guyon 1647, p. 327 maisje n’en ai pas trouvé trace dans l’ouvrage de SymphorienGuyon et je pense qu’il s’agit d’une parmi lesnombreuses erreurs de Jarossay, reprise ensuite par d’au-tres auteurs, comme Duchâteau 1888 p. 104.

9. Actes Philipe Ier, n° XXVIII, p. 109.

10. Cart. chap. St-Liphard, nos 7 et 8 : charte de Jean,évêque d’Orléans (1096-1125), attribuant au chapitreles revenus de tous les étaux de bouchers établis aumarché de Meung qui lui appartenaient, depuis le murdu cloître jusqu’à la sortie du marché (« a muro claustriusque ad exitum fori ex omni parte constitutum ») ; confir-mation par le pape Innocent II en 1141. On peut sedemander si ce don ne fut pas consécutif aux événementsde 1103, afin de permettre la reconstruction de l’église.

11. Sur toute cette partie, voir l’article que j’ai consacréà la famille de Meung, où est analysée en détail l’évolu-tion des rapports entre les évêques et leurs vassaux :Mesqui 2014. Ceci me dispensera de fournir ici l’en-semble des sources, citées dans cet article.

12. « [Louis VI] se rendit célèbre également en appor-tant l’aide des armes à l’église d’Orléans. Léon, hommenoble du castrum de Meung, vassal de l’évêqued’Orléans, en avait accaparé aux dépens de cette églisela plus grande partie, et s’était emparé de la seigneuried’un autre castrum. D’une main forte, Louis le réprima ;il l’assiégea dans ce même castrum avec beaucoup d’au-tres. Une fois le castrum pris, Léon se réfugia dans l’égliseproche de sa maison, qu’il mit en défense ; mais, le fortfut subjugué par plus fort que lui, et Léon fut accablépar les flammes et les armes. Et il ne paya pas seul le prixde son excommunication, prononcée depuis long-temps ; car lui-même et près de soixante de ses compa-gnons, entourés par les flammes, se jetèrent de la tour.Percés par les pointes des flèches et les lances dressées,ils exhalèrent leur dernier soupir, et transmirent dansla douleur leurs âmes aux enfers » (Suger, chap. 6, p. 20-21 ; Luchaire 1890, p. 15 ; Waquet, p. 28-29) ; traduc-tion de l’auteur.

13. Acta Sanctorum - Junii, p. 294-296.

14. 1171 : Cart. chap. St-Liphard, n° 4 : « Praeterea inloco ubi canonicorum capitulum exstiterat, ubi etiam duasdomos proprias proximas habuerat ecclesia, turrim meamet mansionem turri adjunctam aedificavi ».

15. Documents orléanais, p. 401-403 : « in capella turrisdivina » ; « in capella turris que mea est ». On rappelle

ci-après le contenu de ce règlement. Manassès deGarlande institue une demi-prébende pour un prêtre ;celui-ci aura pour charge de célébrer chaque jour unemesse dans la chapelle de la tour pour le salut des rois,des évêques d’Orléans et des chanoines de l’église deMeung, et pour tous les fidèles du Christ. De plus, le 2juin, date du décès de son oncle Étienne de Garlande,une fois chantées les vigiles par le prêtre et lus lespsaumes par le maître des écoles et les écoliers dans lachapelle de la tour, une messe sera chantée par l’ensem-ble du chapitre de l’église dans la chapelle. Et, après ledécès de l’évêque, chaque année le jour anniversaire, lesmêmes cérémonies seront organisées ; de plus ledeuxième jour de chaque semaine, une fois la recom-mandation des fidèles faite dans le chapitre, le prêtrecélèbrera l’Eucharistie pendant la sainte messe, pour lesalut des âmes des fidèles. De plus, l’évêque décrète qu’à son décès, tous les orne-ments qui seront trouvés dans la chapelle de la tour quiest sienne seront transférés sans contestation possibledans la propriété et l’usage de l’église Saint-Liphard.

16. Cart. chap. St-Liphard I, n° 11 : « domus que est inclaustro Sti Liphardi vicina domibus nostris ».

17. « De palatio quod edificavit apud Magdunum. ApudMagdunum castrum episcopale, ubi episcopus propriumnon habebat, quod competens esse domicilum, magne nobi-litatis extruxit palatium cum turribus et propugnaculis,presidium videlicet municipii inexpugnabile et nobilemepiscopi, cum ad castrum illus denegaverit mansionem »« Dans la ville épiscopale fortifiée de Meung, où l’évêquen’avait rien qui puisse lui servir de demeure convena-ble, il fit édifier un palais d’une grande noblesse, avectours et remparts, citadelle inexpugnable de la ville etrésidence digne d’un évêque, qui lui était jusque là refu-sée en ce lieu » (Gestes évêques Auxerre, p. 234-235). Jen’ai pas repris la traduction proposée dans cette édition,restant à une interprétation plus mot à mot du texte.

18. En mars 1269 n.st., Eschivat de Chabanais, comte deBigorre, choisit Meung pour signer un acte de confir-mation du don à sa demi-sœur Marie de Courtenay dela moitié du comté de Bigorre s’il venait à décéder sansenfants, l’autre moitié ayant été donnée à la même Mariepar Pétronille, héritière du comté ; ceci ne régla en rienle problème de la succession du comté de Bigorre quiallait rester ouvert jusqu’au XVIe siècle mais l’acte nousapprend que la signature eut lieu « dans les maisons del’évêque, dans la chapelle supérieure ». Bien que cecipuisse formellement s’appliquer à la chapelle mentionnéeen 1162, on préfèrera néanmoins la considérer commesituée au château. [« Que omnia et singulla supradicta,sicut superius sunt expressa, et donationes predictas quassorori mee predicte feci in castro quod dicitur Meun surLoire, in domibus episcopi, in capella superiori, presentibusvenerabilibus viris magistro Guillelmo Nigro, archidiaconode Saloigne in ecclesia Aurelianensi, domino Gervasio deMeun, domino Harnaudo dicto Sous, militibus et famulismeis, et Galoto, clerico meo, qui presentes fuerunt donacioniseu donacionibus predictes avie dicte sorori mee factis, quedonaciones fuerunt facte anno Domini M°CCmo sexage-simo octavo, mense marcii »] (Merlet 1857, p. 318, n° X).

19. En août 1395, des lettres de rémission sont accor-dées au poitevin Jean Chanceau, geôlier de la prisonépiscopale, qui avait trouvé « d’aventure » une tasse en

NOTES

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argent dans la cour située au-dessous du château deMeung, où il avait bu nuitamment avec des compa-gnons quatre ans auparavant, et s’était enfui en lagardant par devers lui (Documents concernant le Poitou,p. 205). Les prisons se trouvaient donc dans cette cour,c’est-à-dire près de l’église.

20. Mirot 1913, p. 214-215.

21. 1472 (10 juin-3 juillet) : « Vénérable personneMissire Robert Muret, prebstre curé de Saint-Nicolasfondé en l’église de Saint Liphard de Meung, s’est huyprésenté et transporté en la basse-court du Chastel deMeung entre deux et trois heures après midi, en laquellebasse-court il trouva Révérend père en DieuMonseigneur l’évesque d’Orléans, auquel Révérend pèreen Dieu ledit missire Robert a dit et fait en substance :« Monseigneur je viens devers vous. Il est vray que il ya deux prisonniers qui sont eschappez de vos prisons,lesquieulx sont en ladite église de Saint-Liphard, etyceulx ay naguères citez à la requeste de votre promoc-teur qui yci est. Et par ce que ilz n’ont pas comparu àleur jour par la vertu d’un excommuniement, moyprésent les ay dénonciés pour excommeniez à mesprosnes, et depuis par votre dit promocteur m’a estéprésenté un rengrègement lequel semblablement ayexécuté à mes prosnes. Et pour ce que je foiz strutulle[scrupulle] de conscience et aussi que je doubte que m’envoullisies contraincte à amende, je viens devers vous àconseil savoir commant il vous plaira que y procède ».À quoy ledit Révérend père a répondu audit curé que leschanoines de ladite église se dient estre seigneurs d’icelle,ce que ledit Révérend père a répondu audit curé qu’ilsne confesse [conteste] pas qu’ilz en soient seigneurs, maisque ladite église est sienne, ce que lesdits chanoines,chappitre, couriaulx et autres sont ses subjectz, et quelesdits chanoines y provoyent se bon leur semble, et quede son cousté il y proverra par justice. Ad ce présensGeorges Dévy, Olivier de la Rivière, Matthieu Vimain,Anthoine de Barlle et sr de Lorges, Missire Jehan Parroysprebstre et Pierre Bourgoing lietuenant audit Meung.Desquelles choses ledit Missire Robert a requis le soirpour ce que commune renommée est audit Meung queen la nuyt derrenière passée deux prisonniers estans enfranchise en l’église Monsr Saint Liphart de Meung, l’unnommé Missire Jehan Bouchet prebstre natif du paysde Berri et Jacques François, ont rompu et brisé unefenestre estans en la chappelle Saint-Supplice fondée enladite église, par laquelle rompture sont yssus hors de ladite église, et d’illec se sont transportez sur les murs deladite ville et descenduz ès foussez d’icelles (…). Entesmoind de ce nous avons fait sceller ce présent douvledu scel aux coutraulx de ladie chastellenie, l’an de gracemil CCCC sexante et douze, le vendredi troisiesme jourde juillet. (…)

Cedit jour, vénérable personne Missire Jehan Parroiz,prebstre en nom et comme procureur de Révérend pèreen Dieu Monsr l’Evesque d’Orléans, s’est transportédevant la mestre porte de l’église Monsr Saint Liphardde Meung, où illec il a trouvé Jaquet François, naguèresprisonnier audit Meung du Révérend père, lequel s’esteschappé desdites prisons estant illec en franchise,auquel Françoys ledit messire Jehan procureur dessusdit a dit : « Françoys vous estes excommenié et rengre-gié à la requeste du promocteur de mondit Sr l’Evesque,chacun le scet et à cest occasion les gens de l’église desiens [céans] n’ont peu cellébrer ne faire le divin service.Et pour ce je vous signiffie comme procureur de mondit

sr que vous en ailles hors de siens [céans] sinon monditsr y proverra ainsi que de raison » ; lequel François arépondu qu’il en appelloit formellement en la cour deParlement. Ad ce présent Jehan Luquereau, JehanDocquet, Yvon Luquereau, Colas Massuau et MissireRobert Muret prebstre » (minutes de Jean Lepicotte ;Arch.dép. Loiret, fonds Jarry, 2J 2461)

22. Dans le « Troisième colloque sur l’antiquité deMeung », le chanoine écrivait : « Voyez un aultre tiltrede l’an 1170 ouquel ledict Manassès dict avoir édifiéune tour et une maison en la place où souloit estre cechapitre desdicts chanoines, pour laquelle chose il leurdonne récompense (…). Je ne sçay poinct si ce seroitpoinct la tour où est à présent la prison, et ceste maisonle logis du concierge ou une petite tour quarréee prèsd’ici où l’année un masson faisant un puis trouva unetombe de pierre et des ossemens dedans combien qu’iln’est mémoire que jamais y ait eu cemetère en cesendroict (…) » (Binet – Dialogues, fol. 19). Mais danssa « Response à la demande faicte… », le chanoine étaitplus négatif : « J’ay noté cy-dessus que Manassès feictfaire une tour et bastimens au près pour sa demeure(…). J’ay aussi noté comme il y avoit une chapelleépiscopale en la tour. La tour des prisons ne seroitpropre pour une telle chapelle, ne celle qui est près levieil chapitre (…) » (Binet – Dialogues, fol. 49v.).Malheureusement, on ignore totalement ce qu’étaientle vieux chapitre et la tour carrée se trouvant près de lui.

23. B.n.F., ms. 18159, fol. 385 v., et 396 r.-v. Analysesommaire (sans le détail du texte) dans Arrêts du Conseild’État sous Henri IV, n° 1577.

24. Portalis et Beraldi 1880, p. 266-274. Vue publiéedans Charoy 1908, p. 155, et dans Meung-sur-Loire. LaBelle Histoire, p. 59.

25. Meung-sur-Loire, Arch. mun., 2 J 1764, et SN3.Cité par Charoy 1908, p. 116.

26. « C’est enfin pour prémunir contre toute surprise lesvisiteurs que pourrait envoyer le Comité, que je croisdevoir constater ici qu’un porc est seigneur et maîtredans cette tour qui fut témoin des exploits de cemonarque devenu immortel dans la mémoire du peuplefrançais par la promulgation de plusieurs chartescommunales, et vit tour à tour flotter à ses meurtrièreset l’odieux léopard que Salisbury promenait dans nosprovinces désolées et la bannière rebelle du calvinisteCondé », remarquait, non sans humour, le vicaire(Meung-sur-Loire, Arch. mun., 7 J 18).

27. Voir Mataouchek-Lallet 2000 ; sur les travaux derestauration consécutifs menés par l’architecte en chefdes Monuments historiques, Régis Martin, voirMédiathèque du Patrimoine, Dossier 2002/006/0005(dossier documentaire de travaux exécutés).

28. Voir ci-après, note 95.

29. Le comte de Pibrac a retrouvé en 1866 les fonda-tions de cet autel « en tuiles romaines », qu’il attribue aupremier sanctuaire ; elles sont figurées dans son plan etsa coupe (Pibrac (de) 1866).

30. Les deux chapelles d’axe étaient reliées latéralementau chœur par des couloirs transformés aujourd’hui enplacards, probablement percés à une époque tardive.

31. Voir note 37.

32. Le chanoine anonyme de la Notitia seu series digni-tatum indiquait, p. 14 : saint Michel, saint André, saintJacques, Notre-Dame de Pitié, sainte Madeleine, sainteCatherine, saint Liphard, saint Laurent, saint Martin,saint Benoît, saint Fiacre, saint Genou, saint Sulpice. Ànoter que le vicaire Doucheny indique que l’autel symé-trique de Saint-Nicolas était dédié à saint Honoré et nonà saint Genou.

33. Foucher – Saint-Liphard, p. 270-271.

34. Pibrac (de) 1866, p. 211 (à partir d’un procès-verbalde 1709).

35. « Deinde regnantibus Francisco 2° et Carolo 9°Francorum regibus, nempe de anno 1560 usque ad annum1569, quo tempore a protestantibus rupti sunt fornicesecclesiæ, tecta cum sctructurâ lignea tectis supposita in inte-grum diruta ; postea iterum anno 1590 quo urbs capta estdie 22 Maii. Hâc in clade campanæ ecclesiæ ab hostibussublatæ, exceptâ graviore vulgo dictâ Lipharde, quæ jamanteà scissa, tunc Aureliam fuera translata. Denique anno1593 die 29 januarii ultimâ vice capta est civitas duceAmirali Bironis. Anno 1570 fornices ecclesiæ reparati sunt.Anno 1576 tecta resarcita, ad quam reparationem consum-mandam Augustinus Grené tunc decanus commodavitoctoginta libras. » (Notitia seu series dignitatum, p. 17-18).

36. Voir ci-dessus ; Jarry 1891, p. vii, probablement àpartir de l’abbé Foucher, p. 272-276, sur le récit par lecuré Lebloy de la prise le 22 mai et la reprise de 1593.

37. Le jubé avait été construit sous le doyenné deJacques Le Gaingneur, entre 1676 et 1719 (Foucher –Saint-Liphard, p. 271). Sur les événements révolution-naires, voir ibid., p. 276-280.

38. D’après le chanoine anonyme qui dressa vers 1740un historique du chapitre dans le Martyrologe, un jeud’orgues existait dès le début du XVIe siècle : « erat tuncin hâc Ecclesiâ intrumentum musicum pneumaticum,vulgo jeu d’orgues ». (Notitia seu series dignitatum, p. 13).

39. À partir de 1804, on possède un registre des délibé-rations du conseil de fabrique couvrant jusqu’à l’année1896 (Meung-sur-Loire, Arch. mun., 7J 1).

40. Meung-sur-Loire, Arch. mun., 7J 1, fol. 3, 8 février1804 : « 7° : L’assemblée autorise le fabricien comptableà faire replacer, ainsi qu’elles doivent l’être, et à faireréparer les stalles du chœur, à faire faire trois autels auxchapelles. 8° : Elle l’autorise à faire réparer ou faire faireà neuf deux tambours et deux portes battantes dansl’église, et à faire clore l’emplacement de l’ancienorgue ».

41. « De 1801 à 1809, Mr. Le Masson de la Caprie, soitcomme marguillier, soit comme maire de Meung, s’oc-cupe très activement de la restauration et de l’embellis-sement de l’église. Il s’est permis un acte que la puretéde ses intentions ne justifiera jamais au tribunal du bongoût. Il fit couper, à partir de la base, à peu près le tiersde la colonnette qui ressortait le plus de chaque pilier surla nef principale. Il paraît que le motif qui l’a déterminéà faire subir cette cruelle opération aux sveltes colon-nettes, était de faciliter le placement d’un plus grandnombre de chaises et de démasquer le grand autel. »(Meung-sur-Loire, Arch. mun., 7 J 18). L’abbé Foucherplaçait cette suppression en 1791 (Foucher – Saint-Liphard, p. 277 mais il ne citait pas sa source, contraire-ment à son habitude ; on peut faire confiance au vicaire

L’ÉGLISE SAINT-LIPHARD ET LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE À MEUNG-SUR-LOIRE

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Doucheny, que moins de quarante ans séparaient del’événement, bien que je n’aie retrouvé aucune trace deces travaux dans le registre des délibérations du conseil.

42. Cet « double croûte de badigeon » aurait fait dispa-raître « un plan de l’église tel qu’elle était, dans lespremiers temps de sa construction », qui se serait trouvé« vers l’endroit que recouvre un tableau au côté droit duchœur », selon une personne octogénaire (!).

43. Je n’ai trouvé aucune pièce attestant de lacommande et de l’achat de l’orgue. Les comptes defabrique montrent qu’en novembre 1843, oncommanda une grille pour la tribune, qui fut peinte etdorée (Arch. mun., 7J 3) ; à partir du mois de mai de lamême année, on commença de rémunérer un « souf-fleur du jeu d’orgues » et un organiste. L’attribution del’orgue à John Abbey est proposée par Claude Noisettede Crauzat, L’orgue français, Atlas, 1986, p. 230, sanssources ni références ; le conservateur actuel de l’orguemoderne, Nathan Degrange-Roncier, a pu recueilliroralement du facteur d’orgues Philippe Hartmann,restaurateur de l’orgue en 1963, une indication selonlaquelle l’orgue Abbey aurait été construit en 1842.

44. Les pièces conservées dans le dossier de travaux(Meung-sur-Loire, Arch. mun., 7J 16), mais aussi dansle registre de délibérations de la fabrique (7J 1) ne lais-sent aucun doute sur la date de démarrage des travauxjuste après Pâques 1862 ; aussi est-il assez bizarre quel’abbé Foucher donne comme date de départ de larestauration 1864, alors même que cette date était cellede sa propre prise de fonctions dans la paroisse (Foucher– Saint-Liphard, p. 280). Contant 1975, p. 48-49, reco-piant fidèlement l’abbé Foucher, ne corrige pas sonerreur…

45. Foucher – Saint-Liphard, p. 271. Je n’ai pas retrouvémention de ces travaux dans les deux devis de 1862 maisun attachement de 1864 mentionne « Rebouchage desportes qui se trouvent dans les maisons que l’on adémoli au tour de l’église » (orthographe originelle)[Meung-sur-Loire, Arch. mun., 7J 16].

46. Foucher – Saint-Liphard, p. 304 et suiv. : « Elle [lanef ] se termine, au couchant, par deux arcades super-posées qui accompagnent d’une manière heureuse leretrait qui précède la tour. La plus basse de ces arcadessupporte la tribune de l’orgue. Mais c’est là une dispo-sition toute récente et qui ne date que de 1864. Leretrait, avant ce temps, ne présentait, dans le fond, qu’unlarge mur assez irrégulier, coupé en deux par un plan-cher qu’on avait jeté d’un côté à l’autre. Ce n’était déjàplus, du reste, l’aspect réel de l’extrémité de l’édifice. Ilest facile de se convaincre qu’autrefois le porche, qu’ona transformé en un lieu de dépôt, formait le parvis del’église, et communiquait avec elle par une large baieplein cintre, dans laquelle on n’a plus conservé qu’uneporte de service. Au-dessus du porche s’ouvrait, égale-ment sur la grande nef, une vaste tribune fermée parune cloison en briques : c’était la tribune de l’orgue duchapitre ».

47. On peut suivre les travaux par le registre des délibé-rations du conseil de fabrique ainsi que par la descrip-tion sommaire qu’en fait l’abbé Foucher.

48. Cahiers de l’abbé Pasty, curé de Baule, publiésen ligne en 2013 sur le site http://p569.phpnet.org/divers/personnalites/abbepasty/index.php.

49. Le chemin de ronde carrelé et son chéneau ont étémis en évidence par les archéologues pendant les travauxde 2000 : voir Mataouchek-Lallet 2000, p. 19.

50. Le sarcophage, qui s’est brisé en trois parties lors dela fouille, a été placé dans le collatéral sud, en face de lachapelle ronde consacrée au Sacré-Cœur.

51. Déjà, dans son manuscrit sur Saint-Liphard, p. 237n.1, l’abbé Foucher remarquait avec raison que lechemin d’accès au château longeant le porche existaitdès le XVIe siècle, comme en témoigne la construction dela tour-porte du château sous Christophe de Brilhac en1511. L’annexion par l’évêque de terrains situés entrel’église et le château est prouvée par l’accord de 1229réglant des points de désaccord entre l’évêque et lechapitre, comprenant en particulier l’attribution ducellier de la Roche et d’un terrain situé près de l’église(Cart. chap. St-Liphard, n° 30 ; cité en partie par Charoy,p. 205, à partir de Binet –Dialogues, fol. 49v.).

52. Les attachements de 1864 mentionnent en tout casla réalisation d’un enduit au « pourtour de l’arcadedonnant dans le clocher » et « une partie dans tout lepourtour pour rejoindre le mur démoli ».

53. Sur le programme sculpté de la Madeleine, voirBaratte-Bévillard 1978. Sur Saint-Germain-des-Prés,voir Plagnieux 2000, en particulier p. 65-67.

54. Vergnolle 2007, p. 75-81.

55. À noter qu’une disposition analogue se rencontreaux deux portails de l’église Notre-Dame de Beaugency,contemporaine. Sur celle-ci, voir Vergnolle 1997.

56. Sur cette réticence des constructeurs de l’Orléanaisà utiliser tous les registres de l’architecture gothique, voiren particulier Vergnolle 2013, p. 37, et le bel articleconsacré à la collégiale de Beaugency.

57. Il s’agissait en 1579 du logis du concierge du château[Binet – Dialogues, fol. 19]. Très transformé à l’époquemoderne, ce petit bâtiment à rez-de-chaussée surélevésur cave conserve les piédroits de sa porte originelle,ainsi que les piédroits et l’appui d’une grande fenêtre àcroisée, de même style que les ouvertures réalisées dansles constructions dues aux évêques de Brilhac (fin XVe-début XVIe siècle).

58. Vallery-Radot 1931 datait l’ensemble de la porte duXIIIe siècle mais, à son époque, on ne pouvait s’approcherde celle-ci pour en détailler le décor inférieur.

59. J’avais cru initialement qu’il s’agissait de croix deconsécration ; cependant, le motif des croix en serrure-rie paraît imiter des œils-de-bœuf, et non des croixplacées dans des auréoles.

60. Voir note 15.

61. Juin 2002 p. 26-27. L’auteur allait jusqu’à considé-rer le premier quart du XIIIe siècle, faisant une compa-raison quelque peu hasardeuse de la sculpture avec cellede Silvacane et de Senanque en Provence.

62. Cette porte n’était pas connue avant notre étude ; ilétait cependant assez facile d’en postuler l’existence, lesdimensions de son embrasure intérieure ne pouvantcorrespondre à rien d’autre.

63. On ne peut plus juger de cette disposition, en raisondu percement d’une porte couverte d’une accolade à lafin du Moyen Âge, puis de son murage et enfin du creu-

sement partiel de ce murage au XXe siècle. Il est peu vrai-semblable qu’un accès ait existé dès l’origine à cetendroit car on ne comprendrait pas pourquoi il auraitété remplacé plus tard par une porte en accolade.

64. Il faut noter ici que la suggestion faite parMataouchek-Lallet 2000, p. 25, suivant laquelle onaurait ici le départ d’un escalier en vis, ne fait pas sens àce niveau et la restitution en fig. 7 du rapport est peuvraisemblable. En revanche, Victorine Mataouchek anoté dans la tourelle la présence d’une poutre de boisfaisant chaînage de maçonnerie.

65. Il ne s’agissait en aucun cas d’une bretèche défen-dant la porte, comme le pensait Vallery-Radot 1931, p.296-297 : la porte était de l’autre côté et, de ce côté, iln’existait qu’une fenêtre (fig. 17).

66. Ce placard a été révélé par Mataouchek-Lallet 2000,p. 18-19. À noter que les archéologues ont mis au jour,à ce niveau, un fragment d’inscription antique enremploi dans la maçonnerie, qui ne peut malheureuse-ment indiquer grand-chose hors contexte, puisque lefragment de texte ne fait pas sens en lui-même.

67. Voir à ce sujet Ed. Impey, « The Ancestry of theWhite Tower”, The White Tower, Londres, 2008, p. 227-242. J. Mesqui, Les seigneurs d’Ivry, Bréval et Anet auxXIe et XIIe siècles. Châteaux et familles à la frontièrenormande, Société des Antiquaires de Normandie,2011, p. 95-101.

68. Mataouchek-Lallet 2000, p. 2-12.

69. La fouille n’a révélé que le mur de soutien le plus ausud mais il ne fait aucun doute, comme le suggéraientles auteurs, qu’il existait un second mur au droit desraccords nord. On notera que Mataouchek-Lallet esti-maient que la grille était postérieure à la constructiondes murs latéraux de la fosse mais les preuves sont assezténues et l’examen que j’en ai fait sur place ne m’en a pasconvaincu. Régis Martin, architecte en chef desMonuments Historiques en charge du chantier en2000, pensait au contraire que l’ensemble était cohé-rent (communication par courriel).

70 Mataouchek-Lallet proposaient que ce mur orientalde la chambre inférieure, ainsi que l’ouverture mise enévidence, aient été les restes des maisons détruites pourlaisser place à la tour au milieu du XIIe siècle ; ceci sembleassez douteux dans l’état actuel de la connaissance dusous-sol.

71. Mataouchek-Lallet 2000 suggéraient déjà l’usage dela chambre haute à la grille comme d’un cachot.

72. 1412 (27 octobre) : « Aujourdui ès prisons deMeung, en notre présence honnorable homme GuyCastellain, bailly ou garde de la terre de la Niveulle pournoble homme Pierre d’Orléans escuier, seigneur duditlieu, lui estant èsdictes prisons, questionnent en lageainne ung appellé Jehan de la Chesnaie pour certainscas dont ledit Jehan est accusé, icellui Jehan de laChesnaie appella ledit bailly en Parlement ; et sitoustcomme ledit Jehan eut interjetté ledit appel, ledit baillyfist cesser et cessa du tout de ladite question, et à touts’en party ledit bailly desdites prisons, présens ad cenous( (extrait des minutes du notaire Pierre Picotte ;Arch. dép. Loiret, fonds Jarry, 2J 2461)

73. « Dieu mercy ... et tacque Thibault,/ Qui tant d’eauefroide m’a fait boire,/ En ung bas, non pas en ung

JEAN MESQUI

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hault,/ Menger d’angoisse mainte poire,/ Enferré (…) »(Testament, strophe LXIII). À propos des lieux où l’ontrouve des filles de joie : « Lieu n’est où ce merchié netiengne,/ Synom à la grisle de Meun » (Testament,strophe CLI). Faisant appel à ses amis : « En fosse giz,non pas soubz houz ne may. » (Épître à ses amis). Plusloin, dans le même texte : « Où gist, il n’entre escler netourbillon ;/ De murs espoix on lui a fait bandeaux ».Plus loin encore : « Jeûner lui fault dimenches etmerdiz,/ Dont les dens a plus longues que ratteaux,/Après pain sec, non pas après gasteaux,/ En ses boyaulxverse eaue à gros bouillon,/ Bas en terre, table n’a netréteaux. ». Enfin, demandant sa délivrance : « Princesnommez, anciens, jouvenciaulx,/ Impertez moi grâces etroyaulx seaulx,/Et me montez en quelque corbillon. »

74. Bimbenet 1863, p. 131. Malheureusement, l’auteurne cite pas ses sources et l’on peut craindre que celles-ciprovenaient des archives de l’évêché, totalement brûléespendant la Seconde Guerre mondiale. Les bourréesétaient des fagots de brindilles mais comment les prison-niers pouvaient-ils les utiliser, si ce n’est à l’aide de brase-ros ? Ou s’agissait-il de poissons, deuxième sens fournipar le Godefroy ?

75. Mataouchek-Lallier 2000, p. 22-23. Les boulins depigeonnier peuvent cependant être plus tardifs.

76. Voir ci-dessus, note 46.

77. Voir Annexe.

78. Seymour 1975, p. 81-91 (Noyon). Henriet 1983, p.288-289 (Saint-Lucien de Beauvais). Sandron 1998,p. 145-149 (Soissons). On reviendra sur cette questionen conclusion.

79. L’opinion suivante : « on doit pouvoir dater desannées 1100 les parties basses du transept et du chœur,qui auraient été voûtés au début du XIIIe siècle (..). Destraces évidentes de remaniement s’opposent à la versionqui donne le chœur et le transept tout entiers auXIIIe siècle (…) », émise dans J.-M. Pérouse de Montclos(dir.), Architectures en Région Centre, Paris, 1987, p. 446,ne repose sur aucune donnée archéologique.

80. Avant la pose de l’enduit gris en 1860-64, les mursde la collégiale laissaient voir à 8 m de hauteur, dechaque côté des dosserets sur lesquels s’appuient lesdemi-colonnes de la nef et du chœur, des ouverturesdont le seuil se trouvait au niveau de la clef des arcades ;ces ouvertures donnaient accès à d’étroits passagesménagés dans le mur, qui les reliaient deux à deuxderrière les dosserets au niveau des reins des voûtes dubas-côté. Visibles encore en 1845, puis murés et recou-verts par l’enduit, ils furent retrouvés en 1931 lors detravaux électriques mais ne furent pas dégagés à cetteépoque (Meung-sur-Loire, Arch. mun., 7J 16.Chenesseau 1931-1).

81. L’une existe dans la paroi sud de la première travée,donnant accès au comble du bas-côté sud ; c’est parcette ouverture que l’on accède à la porte originelle dela tour Manassès de Garlande. Deux autres s’ouvrent auniveau des bras du transept, dans les écoinçons des arcsd’entrée des chapelles, donnant accès aux combles desdeux chapelles ; la porte du bras nord du transeptpossède un tympan délardé d’un trilobe qui garantit soncaractère contemporain au voûtement. Le chanoineChenesseau indique que ces deux portes donnent accèsà des couloirs coudés, isolés des combles des chapelles

par un mur rapporté, allant rejoindre les ouverturesmurées de la première travée du chœur. Nous n’avonspu vérifier par nous-même.

82. Œuvres du peintre Daniel Octobre réalisées en1943.

83. Yves Gallet a consacré aux édifices d’Île-de-Franceprésentant de telles dispositions une étude très éclai-rante : voir Gallet 1997. Il y propose que Souppes etMeung soient toutes deux inspirées de Melun. Avantlui, Jacques Henriet, en étudiant le chœur de Saint-Mathurin de Larchant, avait brossé un vaste panoramades églises à deux niveaux (Larchant, Souppes, Rozay-en-Brie, Voulton, Marly-la-Ville et Mons-en-Laonnois).Yves Gallet a ajouté à cette liste Guérard, Guignicourt-sur-Aisne, Chaâlis et Meung.

84. Comme il a été déjà noté plus haut, les bases desdemi-colonnes furent totalement bûchées au début duXIXe siècle et les demi-colonnes elles-mêmes furentbûchées sur deux mètres de hauteur pour dégager l’es-pace intérieur, comme on peut encore le voir à la pilesud-ouest de la croisée, celle contre laquelle est fixée lachaire. En 1862-64, la base des demi-colonnes fut resti-tuée au-dessus d’un parallélépipède de pierre qui, proba-blement, devait être sculpté par la suite pourreconstituer la bague et le tore de la colonne, ainsi queles moulures du socle mais cette partie de l’œuvre ne futjamais exécutée, laissant la maçonnerie brute épanne-lée.

85. Sur les pots acoustiques dans les églises, voirBénédicte Palazzo-Bertholon, Jean-Christophe Vallière(dir.), Archéologie du son. les dispositifs de pots acoustiquesdans les édifices anciens, Paris, Société française d’ar-chéologie, 2012.

86. Voir supra la description du clocher.

87. Lefèvre-Pontalis – Jarry 1905, pl. h.t. face à lap. 324.

88. Deshoulières 1931.

89. Outardel 1931.

90. La grande salle des malades de Brie, improprementappelée chapelle Saint-Éloi, serait antérieure à la créa-tion de la chapelle de l’Hôtel-Dieu en 1207 : voirMichel 1902, p. 133-143. A. Verdier, M. Cattois,L’Architecture civile et domestique, Paris, 1857, t.II,p. 106-107.

91. La présence d’un tympan n’était cependant pas uneconstante dans les églises romanes du Centre, comme leremarquaient Lefèvre-Pontalis et Jarry (Lefèvre-Pontaliset Jarry 1905, p. 23) en commentant les anciens portailsde Sainte-Croix d’Orléans qui en étaient dépourvus.

92. Foucher – Saint-Liphard, p. 288-289 (recopié servi-lement par Contant 1975, p. 52). L’abbé Foucher citesa source : il s’agit de l’ouvrage La Monarchie sainte,recueil de « vies des saints et bienheureux qui sont sortisde la tyge royale de France », écrit en latin par le pèrecarme déchaux Dominique de Jésus (Gérald Vigier,† 1638), traduit et augmenté par le frère [Rogier]Modeste de Saint-Amable (également carme déchaux),publié pour la première fois en 1670 à Paris, chezNicolas Jacquard. Dans le t. I, p. 188-192, les auteursracontent la vie de saint Liphard et concluent : « Il fautfinir cette vie par quelques vers excellens, qui se

trouvent sur le portail de son église, et sur son sépulchre,dont voicy les premiers : Mittebat certos servumLiphardus in usus,/ Liphardus frater cui Léonardus erat ;/Ecce sequens juvenem baculo sese implicat anguis,/ Ast sibidimidium cernit abesse sui ». Plutôt que de reprendre latraduction libre donnée par les auteurs, mieux vautdonner la nôtre : « Liphard envoyait un serviteur poureffectuer certaines tâches,/ Liphard, celui dont le frèreest Léonard ;/ Voilà qu’un serpent suivit le jeune hommeet s’entortilla dans son bâton,/ sur quoi il vit sa propremoitié séparée de lui-même ». Le miracle, rapporté parles Acta sanctorum, p. 294, et par tous les hagiographes,mettait en scène Liphard et son disciple Urbice (qui futaussi son successeur) : Liphard avait envoyé Urbice pourchasser le serpent mais Urbice, pris de peur, revint versson maître. Celui-ci lui donna son bâton ; le serpentchercha à avaler celui-ci mais, à force de prières, il futcoupé en deux.

Le quatrain latin fut, en fait, repris par les Carmes àpartir du recueil de gravures Oraculum anachoreticum,exécuté par les graveurs néerlandais Jan et RaphaëlSadeler en 1598-1600 à partir de dessins de Maertende Vos (1532-1603) (voir Bibliothèque nationaled’Espagne, ER/1626/11 ; http://bdh.bne.es/bnesearch/detalle/3156581, recueil dédié au pape Clément VIIIen 1600, publié en ligne). L’artiste de Vos ne peignit pasmoins d’une centaine de portraits d’anachorètes, quifurent gravés par les Sadeler, accompagnés de quatrainsen latin, puis diffusés et copiés en Europe, accompa-gnant le mouvement de renaissance de l’érémitismedans la dévotion du XVIIe siècle. Le quatrain concernantLiphard y est identique à celui plus tardif de laMonarchie française, à l’exception du mot servum, pourlequel figure socium, moins péjoratif.

On trouve à l’abbaye de Longuay (Haute-Marne), dansla chapelle privée de l’abbé commendataire FrançoisDauvet des Marets (1626-1696), une série de peinturessur boiseries figurant certains des ermites de l’Oraculumanachoreticum, ainsi que des anachorètes fémininesprovenant de la Solitudo sive vitae foeminarum anac-horeticarum gravée par Adriaen Collaert au débutdu XVIIe siècle (avant 1603, recueil dédié à Waastde Grenet, abbé de Saint-Bertin ; voir à la Biblio-thèque nationale d’Espagne, ER/1591 ;http://bdh.bne.es/bnesearch/detalle/3133276). Parmices peintures, accompagnées des légendes en quatrains,figure Liphard, avec la légende de l’Oraculum (voirE. Collot, Chronique de l’abbaye de Notre-Dame deLonguay, diocèse de Langres, Paris, E. Maillet, 1868,p. 254-256). L’abbé Collot n’avait pas identifié l’originede ces peintures, ni celle des quatrains ou doubledistiques ; or les quatrains en latin de la Solitudo sivevitae foeminarum ont été écrits par l’érudit latiniste néer-landaits Cornelius Kilian (Max Rooses, Kilianus.Latijnsche Gedichten, Anvers, P. Kocks, 1880, p. XXVIIet 129-135).

On ne connaît pas le versificateur – sans doute néer-landais – qui écrivit les quatrains des divers recueils degravures des Sadeler, contrairement à celui de Collaert.Mais une chose est certaine : si le tympan de Meung futjamais gravé du quatrain Mittebat…, il le fut après1600, ce qui est plus que douteux, et il n’y a aucunechance que l’inscription ait figuré sur son sarcophage,détruit en 1562.

93. Sur l’hôtel du Chéray, voir Mesqui 2014.

L’ÉGLISE SAINT-LIPHARD ET LA TOUR MANASSÈS DE GARLANDE À MEUNG-SUR-LOIRE

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94. L’abside possède ainsi deux grands placards litur-giques jumelés dont l’ouverture rectangulaire est enca-drée d’une moulure torique et surmontée d’un linteauen bâtière ; chacun de ces placards était doté d’uneétagère et fermé par une porte de bois aujourd’hui dispa-rue. Symétriquement, au sud, existent deux grandespiscines voûtées en berceau, qui possèdent encore leurlavabo circulaire et leur évacuation. Les chapelles d’axedu transept possèdent trois niches en plein cintre acco-lées accueillant deux piscines et un placard liturgique.Dans le même ordre d’idées, l’église conserve à l’entréeun bénitier présenté comme « le plus ancien bénitier dudépartement » par les guides. Il s’agit d’une vasque octo-gonale encastrée sous une arcature en arc brisé moulu-rée, reposant sur un pied à trois pans aux robustesmoulures, lui-même prolongé vers le bas par une basecarrée au moyen de congés en forme de prismes auxangles. Si l’arcature est certainement contemporaine dugros-œuvre, la vasque, moins large, est nettement posté-rieure car son encastrement s’est accompagné d’uncomblement en mortier assez peu gracieux des inter-valles laissés vides.

95. Le parti constructif retenu dès l’origine pour lesmurs extérieurs des bas-côtés consista à ménager entreles contreforts des murs simplement appuyés sur leursfaces, sans leur être liés ; deux de ces murs ont subsisté,dans la première travée nord et dans la quatrième travéesud ; ils étaient percés en hauteur de larges soupirauxcouverts d’arcs segmentaires. Le soupirail nord estconservé ; il est orné d’un vitrail moderne représentantl’ancienne église paroissiale Saint-Pierre. Le soupirail sudest muré du fait de la présence de la sacristie au revers..Plus tard, des chapelles latérales ont été ménagées endéconstruisant les murs et en les reportant à l’extrémitédes contreforts ; ce procédé pourrait laisser penser queles chapelles étaient prévues dès l’origine, même si, à ladate considérée, ce serait tout à fait inhabituel.

96. Voir attachement du 23 juillet 1864 mentionnant lamaçonnerie du mur des « Enciens font baptismaux »(orthographe originelle), avec à déduire le vide d’uneporte et celui d’une « croisé », enfin réalisation demaçonnerie de brique pour cette « croisé » (Meung-sur-Loire, Arch. mun., 7J 16).

97. Il va de soi que cette arcade n’est pas, comme onl’entend parfois affirmer, un reste de l’église préexistanteà l’édifice actuel.

98. Voir note 45. On voit l’aspect de la chapelle adven-tice nord sur un dessin de 1848 environ, publié dansMeung-sur-Loire. La belle histoire, p. 18-19.

99. Notitia seu series dignitatum, p. 14-16.

100. La seule étude, au demeurant de bonne qualité, estcelle du chanoine Chenesseau dans le Congrès d’Orléans(Chenesseau 1931-2.). Bien que significativementreconstruite après la destruction volontaire de 1428 enprévision du siège anglais, cette église a conservé deséléments très significatifs de son état antérieur, qui lui-même datait d’après l’incendie qui ravagea l’édifice en1167. Le chœur a été reconstruit en 1652 ; mais,contrairement à ce que pensait Chenesseau qui nedisposait pas du téléobjectif, seuls les deux chapiteauxdu fond ont été sculptés à cette époque, tous les autresapparaissant anciens, bien que restaurés par de curieuxcollages et une reconstitution des parties manquantesen mortier ou en plâtre.

101. Vergnolle 2013.

102. Il est amusant de trouver la même confrontationd’un homme barbu et d’un bœuf à l’église Saint-Valérien de Châteaudun, bâtie et décorée quelquesannées avant Meung : là, le couple de consoles sculp-tées s’intègre dans un ensemble de sculptures se faisantface pour supporter les retombées des voûtes, lecouple voisin étant une tête de Christ couronné etune tête de diable aux dents acérées. Sur Saint-Valérien, voir la notice de Outardel dans le Congrèsde 1931. La présence à Saint-Valérien du coupleconfronté Christ/Diable à côté du coupleHomme/Bœuf exclut l’interprétation de Contant1975 suivant laquelle les consoles de Meung repré-senteraient « le Christ et la Bête ».

103. Vergnolle 2007, fig. 19, p. 60.

104. Dans le bras sud du transept, la clef est cachée parun disque circulaire peint avec un monogramme A/Met un cœur, sans doute pour l’Ave Maria, du fait de lachapelle à la Vierge, alors que dans la croisée du tran-sept, on trouve IHS pour Iesus, curieusement écrit àl’envers.

105. « (…) eam in multis lesam invenimus et tam intrin-secus quam extrinsecus turpiter imminentem (…) » (Cart.chap. St-Liphard I, nos 16-17). La charte avait été reco-piée avec la date de MCXXVII dans le cartulaire origi-nal ; Duchesne, en 1713, la recopia ainsi (Cart. chap.St-Liphard II, fol. 164) mais le copiste du XVIIIe sièclequi réalisa la version conservée aux Archives du Loiret arectifié correctement en 1197 (MCXCVII).

106. Cart. chap. St-Liphard I, n° 20.

107. Cart. chap. St-Liphard II, fol. 168.

108. Même si l’étude du chanoine Chenesseau dans leCongrès archéologique (Chenesseau 1931-2) est d’ex-cellente qualité, l’église Saint-Euverte, aujourd’huitransformée en garde-meubles et collection lapidaire,mériterait une monographie exhaustive. Si l’on trouveencore beaucoup d’éléments du XIIe siècle, seule ladernière travée de la nef conserve une élévation datantde cette époque ; encore ses parties supérieures ont-elles été restaurées. De même, le chœur a subi d’im-portantes modifications au XVIIe siècle en « fauxgothique » mais on n’a pas de peine à différencier leséléments.

109. Chenesseau 1931-2.

110. Cuissard 1904, p. 148.

111. B.n.F., Baluze 78, extrait du cartulaire de Saint-Euverte, p. 2 : « Ego Manasses Dei gratia AurelianensisEpiscopus notum fieri volumus tam præsentibus quamfuturis, quoniam ad petitionem Stephani Abbatis SanctiEvurtii, precibus quoque karissimorum nepotummeorum Hugonis decani Sanctæ Crucis et Manasse capi-cerii, concessi Ecclesia Sancti Evurtii ad censum duorumdenariorum modicum quid desertæ et infructuosænobisvineæ ».

112. Ibid., p. 4 : « ecclesiam Beati Evurtii, quæ Ecclesiænostræ membrum dinoscitur, singulari prærogativa dilec-tionis amplectentes ».

113. Lettre d’Étienne de Tournai, nouv. éd. par l’abbéJules Desilve, Valenciennes-Paris, 1894. 1168 : Étiennerend compte aux commissaires délégués par le pape

Alexandre III de l’élection de Hugues de Garlande,sous-doyen, en tant que doyen de Sainte-Croix (p. 398,n° IV). 1198 : Étienne félicite Hugues de Garlande pourson élection comme évêque (p. 371, n° CCXCXVI).1199-1200 : Étienne demande à Hugues de régler ledésordre à Saint-Euverte, et à Bertier, abbé, pour luireprocher son incurie (p. 374-376, n° CCC et CCCI).Entre 1177 et 1191, Étienne demande à l’archiprêtreRenaud d’intercéder auprès du doyen Hugues afin d’ob-tenir son indulgence envers un cousin, le clerc Pierre,qui a été suspendu : il lui indique qu’il sera débiteur dudoyen dans la plénitude des grâces (p. 189-190, n°CLXII).

114. Ce doyen de Meung, frère de Mathieu deTouquin, est mentionné en 1227 au détour d’unecharte du comte Thibault IV de Champagne (H.d’Arbois de Jubainville, Histoire des ducs et des comtesde Champagne, vol. 5-6, Paris, 1863, n° 1779). Sur lepremier Mathieu, voir d’Arbois de Jubainville, ibid.,t. III, 1861, n° 147-148 ; sur les Garlande, voir enparticulier J.-M. Mathieu, « La famille de Garlande àPossesse », Mémoires de la société d’agriculture,commerce, sciences et arts du département de la Marne,t.108, 1993, p. 69-94. Étienne est mentionné en1214 (Cart. chap. St-Liphard I, n° 73) ; 1215 (ibid., n°74). En 1223, il est arbitre dans une affaire opposantle chapitre de Chartres et son évêque (Cartulaire deNotre-Dame de Chartres, n° CCLIII). On le trouve ànouveau dans une charte du chapitre de 1230 (Cart.chap. St-Liphard I, n° 118).

115. La bibliographie relative au transept de Tournaiest considérable et néanmoins totalement renouveléepar les résultats des recherches archéologiquesrécentes : en attendant la thèse de Jeroen Westerman,on se reportera à la remarquable synthèse de LaurentDélehouzée et Jeroen Westerman heureusementpubliée par la SFA (Deléhouzée et Westerman 2013).L’évêque avait également construit en 1198 la chapelleSaint-Vincent dans la même cathédrale, où figuraitun vitrail représentant saint Euverte et sainteGeneviève.

116. Seymour 1975, p. 81-91. Henriet 1983, p. 288-289. Sandron 1998, p. 145-149.

117. Vallery-Radot 1931, p. 19.

118. Henriet 1976, Gallet 1997.

119. Jacques Henriet avait mis de côté ces deux églises(Rozay et Voulton) qui, pour lui, utilisent un voca-bulaire architectural très différent de celui de Notre-Dame de Paris. Ces mêmes caractères ont conduitYves Gallet à en exclure toute parenté avec Melun ouMeung. Gallet 1997, p. 13-15.

120. Henriet 1982.

121. Cette lignée ne s’arrêta pas à Hugues, puisqu’unde ses neveux était chevecier et chanoine de Saint-Liphard en 1204 (voir note 16). Un frère de Hugues,Manassès, était chevecier de Saint-Croix en 1176(note 110). Un autre Manassès de Garlande futchanoine de Sainte-Croix en 1233, puis élu doyen en1240 ; il était décédé en 1253 (Cuissard 1904, p. 148-149).

122. On trouve un escalier du même type exactementau château épiscopal, bâti entre 1207 et 1221.

JEAN MESQUI

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Achevé d’imprimer sur les presses de l’imprimerie de Montligeonà Saint-Hilaire-le-Châtel

en mars 2014

N° d’impression : 26 068Dépôt-légal : mars 2014

liSte deS AuteurS

Claude AndrAult-SChmitt, professeur d'histoire de l'art médiéval, université de Poitiers, centred'études supérieures de civilisation médiévale, uMr 7302 ; François BArAtte, uMr 8167,Orient et Méditerranée ; marion Boudon-mAChuel, maître de conférences HDr en histoirede l'art moderne, université François-rabelais à tours (cesr), uMr 7323 cnrs ;Albert Châtelet, professeur honoraire, université de strasbourg ; Yves ChriSte, professeurémérite, université de Genève ; daniel ClAuzier, historien de l’art ; Étienne FAiSAnt, Ater,université de nantes ; Jean GuillAume, professeur émérite, université de Paris iV-sorbonne,centre André chastel ; denis hAYot, doctorant, université de Paris iV-sorbonne ;rené-Pierre lehner, centre de castellologie de Bourgogne ; Jean meSqui, ingénieur général desPonts et chaussées, docteur ès lettres ; nathalie molinA, inrAP, uMr 7298, laboratoired’archéologie médiévale et moderne en Méditerranée ; hervé mouilleBouChe, centre decastellologie de Bourgogne ; Valérie nèGre, maître-assistante en histoire et culture architecturale,école nationale supérieure d’architecture Paris-la Villette, uMr Ausser - cnrs ; laurentPrYSmiCki, archéologue ; robert thernot, inrAP, uMr 5140, Archéologie des sociétésméditerranéennes ; michele tomASi, maître d’enseignement et de recherche, université delausanne.

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Jean-Philippe ROEBBEN, Élisabeth TABURET-DELAHAYE, Éliane VERGNOLLE.

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Comité des publications Marie-Paule ARNAULDConservateur général du patrimoine honoraire

Françoise BOUDONIngénieur de recherches honoraire, CNRS

Isabelle CHAVE

Conservateur en chef du patrimoine, Archives nationalesAlexandre COJANNOT

Conservateur du patrimoine, Archives diplomatiquesThomas COOMANS

Professeur, University of Leuven (KU Leuven)Nicolas FAUCHERRE

Professeur, université d’Aix-MarseillePierre GARRIGOU GRANDCHAMP

Général de corps d’armée (Armée de terre), docteur en Histoire del’art et archéologie

Étienne HAMON

Professeur, université de Picardie-Jules VerneFrançois HEBER-SUFFRIN

Maître de conférences honoraire, université de Nanterre Paris ouest-La Défense

Dominique HERVIER

Conservateur général du patrimoine honoraireBertrand JESTAZ

Directeur d’études à l’École pratique des Hautes ÉtudesClaudine LAUTIER

Chercheur honoraire, CNRSEmmanuel LURIN

Maître de conférences, université de Paris IV-SorbonneJean MESQUI

Ingénieur général des Ponts et Chaussées, docteur en Histoire del’art et archéologie

Jacques MOULIN

Architecte en chef des Monuments historiquesPhilippe PLAGNIEUX

Professeur, université de Besançon, École nationale des ChartesÉliane VERGNOLLE

Professeur honoraire, université de Besançon

Directeur des publications Marie-Paule ARNAULDRédacteur en chef Éliane VERGNOLLE

Actualité Pierre GARRIGOU GRANDCHAMP

Chronique Dominique HERVIER

Bibliographie Françoise BOUDON

Secrétaire de rédaction Nathalie LEBLOND-DECOUX

Infographie et P.A.O. David LEBOULANGER

Maquette graphique L’ARCHITECTURE GRAPHIQUE

Les articles pour publication, les livres et articles pour recension doivent être adressés à la Société Française d’Archéologie,

5, rue Quinault, 75015 ParisE-mail : [email protected]

En couverture : Meung-sur-Loire, la tour Manassès et l’église Saint-Liphard (cl. J. Mesqui).

SITE SFA

Découvrez le nouveau site de la Société Française d’Archéologie :

www.sfa-monuments.fr

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Jean-Pierre BABELONFrançoise BERCÉGabrielle DEMIANS D’ARCHIMBAUD

Peter KURMANN

Willibald SAUERLÄNDERNeil STRATFORD

COMITÉ D’HONNEUR

Guy BARRUOLGeorges COSTA

Charles DUGUET

Alain ERLANDE-BRANDENBURGMichel JANTZENJean-Claude ROCHETTE

BUREAU

Président Marie-Paule ARNAULDVice-Présidents Éliane VERGNOLLE, Bertrand JESTAZ

Secrétaire Général Isabelle CHAVE

Secrétaire Général adjoint Philippe DUBOST

Trésorier Marc DE VLIEGER

Trésorier adjoint Françoise HAMON

Chargé de l’organisation des Congrès Jean-Philippe ROEBBEN

CONSEIL D’ADMINISTRATION

Marie-Paule ARNAULD, Jean-Pierre BABELON, Françoise BERCÉ, Françoise BOUDON, Quitterie CAZES, Jean CHAPELOT,

Monique CHATENET, Bruno CHAUFFERT-YVART, Isabelle CHAVE, Philippe CONTAMINE, Thierry CRÉPIN-LEBLOND,

Marc DE VLIEGER, Frédéric DIDIER, Vincent DROGUET, Philippe DUBOST, Yves ESQUIEU, Nicolas FAUCHERRE,

Bernard FONQUERNIE, Pierre GARRIGOU GRANDCHAMP, Pierre-Antoine GATIER, Jean GUILLAUME, Françoise HAMON,

Dominique HERVIER, Bertrand JESTAZ, Bernard JOLY, Vincent JUHEL, Jean-François LAGNEAU, Jean MESQUI,

Claude MIGNOT,Jacques MOULIN, Jean-Marie PÉROUSE DE MONTCLOS, Philippe PLAGNIEUX, Michel RIVET,

Jean-Philippe ROEBBEN, Élisabeth TABURET-DELAHAYE, Éliane VERGNOLLE.

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SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ARCHÉOLOGIE

5, rue Quinault - 75015 ParisTél. : 01.42.73.08.07Fax : 01.42.73.09.66

E-mail : [email protected]

TAUX DES COTISATIONS ET ABONNEMENTS 2014

SOCIÉTAIRES avec publications

Membre Bienfaiteur

Personne morale ………….................................… 400,00 €Personne physique ………………..................…… 160,00 €

Membre Actif, Bulletin Monumental et Congrès

Résidant en France ………………..........….…...…149,00 €Résidant hors de France…..règlement en €…......…181,00 €

Membre Ordinaire, Bulletin Monumental

Résidant en France …………………...............……104,00 €Résidant hors de France…..règlement en €...........…122,00 €

Membre Ordinaire, Congrès

Résidant en France …………………...............…… 99,00 €Résidant hors de France…..règlement en €...........…117,00€

SOCIÉTAIRE sans publications

Résidant en France ………………………...........… 54,00 €Résidant hors de France…..règlement en €….......… 72,00 €

ABONNÉ non sociétaire1 abonnement Bulletin Monumental................................ 80,00 €1 abonnement Congrès Archéologique............................... 75,00 €

Résidant hors de France…..majoration de 18 €

2 abonnements (Bulletin Monumental et Congrès)......... 150,00 €Résidant hors de France…..règlement en €…......… 182,00 €

TARIFS JEUNES (moins de 30 ans au 01.01.2014)

Membre Actif, Bulletin Monumental et CongrèsRésidant en France ……………………...............… 86,00 €Résidant hors de France…..règlement en €….......… 118,00 €

Membre Ordinaire, Bulletin MonumentalRésidant en France ………………………............... 60,00 €Résidant hors de France…..règlement en €……....... 78,00 €

Membre Ordinaire, Congrès ArchéologiqueRésidant en France ………………………............... 56,00 €Résidant hors de France…..règlement en €……....... 74,00 €

Adhérent sans publications Résidant en France …………………….............….. 30,00 €Résidant hors de France…..règlement en €…........… 48,00 €

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BULLETIN D’ADHÉSION

Nom : M., Mme, Mlle ................................................................

Prénom : ......................................................................................

Date de naissance : .................. Profession ou qualité : .................

....................................................................................................

Titres et distinctions : ................................................................

Adresse : ....................................................................................

....................................................................................................

....................................................................................................

Code postal : .................. Ville : ...................................................

Pays (étranger) : .........................................................................

Téléphone : ................................... Fax : ..................................E-mail : .......................................................................................

déclare adhérer à la SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ARCHÉOLOGIEen tant que :

- SOCIÉTAIRE (avec publications)

Membre Bienfaiteur Tarif « jeunes »

Membre Actif Membre OrdinaireBulletin et Congrès Bulletin

ou Congrès

- SOCIÉTAIRE (sans publication)

- ABONNÉBulletin et Congrès Bulletin

ou Congrès

et verse ma cotisation au titre de l’année 2014 par

chèque bancairechèque ou virement postalS.F.A. Paris 278-21 W

d’un montant de ........................ en qualité de ..........................

Cocher les indications utiles dans les cases correspondantes

À ................................. le ......................

Signature "........................................................................................................................

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Les publications de la Société Française d’Archéologie sont diffusées par les Éditions Picard

Toutes les commandes de fascicules du Bulletin monumental et des volumes du Congrès Archéologique de France

sont à adresser aux Éditions Picard.