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Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire Pôle socio-économie de Solidarité Cahier de propositions pour le 21 ème siècle Commerce équitable Version 2, octobre 2002 Pierre W. Johnson [email protected] http:// fairtrade.socioeco.org - 1 -

Commerce Equitable

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  • Fondation Charles Lopold Mayer pour le Progrs de l'Homme Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire Ple socio-conomie de Solidarit

    Cahier de propositions pour le 21me sicle

    Commerce quitable Version 2, octobre 2002 Pierre W. Johnson [email protected] http:// fairtrade.socioeco.org

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  • Propositions pour le dveloppement dun commerce quitable au XXIe sicle Introduction .......................................................................................................................................................................5 Rsum ..............................................................................................................................................................................7 Le contexte ........................................................................................................................................................................9

    1. La croissance du commerce international a accru les ingalits et linscurit.................................... 9 2. Les conditions de la libralisation reprsentent une entrave au dveloppement ................................ 10 3. La rponse du mouvement du commerce quitable ........................................................................... 11 4. Progression du commerce quitable ................................................................................................... 12

    Questionnements .............................................................................................................................................................14 1. Un premier risque est la banalisation de la notion et la perte de contrle sur son contenu. ............... 14 2. La question de limpact du commerce quitable sur les groupes de producteurs ou de travailleurs concerns et sur leur environnement mrite galement dtre dbattue. .................................................... 15 3. Le commerce quitable : quelle extension gographique ? ................................................................ 16 4. Quelle gamme de produits et quelles mthodes de certification pour le commerce quitable ? ........ 17 5. Au sein mme du commerce quitable, des stratgies et des visions diverses sexpriment travers des pratiques et des discours qui sont loin dtre uniformes............................................................................. 18 Conclusions ................................................................................................................................................ 19

    Evolution des pratiques et innovations ............................................................................................................................20 1. Un commerce quitable rgional au Nord et au Sud .......................................................................... 20 2. Alliances rurales au Sud et au Nord ................................................................................................... 21 3. Des synergies entre agriculture biologique et commerce quitable ................................................... 22 4. Des structures de certification au Sud ................................................................................................ 24 5. Des mthodes de certification adaptes.............................................................................................. 25 6. Le commerce quitable peut-il stendre aux services ? Le cas du tourisme. .................................... 26 7. Des programmes dducation aux changes Nord / Sud .................................................................... 27

    Vers un nouveau paradigme pour le commerce quitable ...............................................................................................28 Les bases dun nouveau paradigme ............................................................................................................ 29 1. Un commerce quitable pluriel au Nord comme au Sud................................................................... 29 2. Des objectifs multiples ................................................................................................................... 30 3. bass sur un vritable partenariat, la transparence et laccs linformation................................. 30 4. Un appui pour des stratgies de dveloppement durable intgres .................................................... 31

    Les acteurs du commerce quitable .................................................................................................................................32 Propositions pour le commerce quitable ........................................................................................................................35

    b) Le dveloppement durable des territoires : un objectif stratgique pour le commerce quitable... 38 a) Favoriser la participation et la communication entre tous les partenaires du commerce quitable 38 b) Le dveloppement durable des territoires :..................................................................................... 39 un objectif stratgique pour le commerce quitable ............................................................................... 39 c) Linformation aux consommateurs et la reconnaissance publique du commerce quitable........... 39 d) Alliances oprationnelles et progression du commerce quitable .................................................. 41 e) Indicateurs, suivi et monitoring des rgles et pratiques du commerce international ...................... 42

    Annexe 1 : Participants au forum et aux rencontres du chantier commerce quitable ...............................................44 Annexe 2 : Organisations internationales de commerce quitable ..................................................................................48

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  • Propositions pour le dveloppement dun commerce quitable au XXIe sicle Introduction Le Chantier Commerce Equitable est un rseau international de praticiens et de chercheurs du commerce quitable, qui sest propos didentifier et de tenter de rpondre aux dfis auxquels est confront le mouvement du commerce quitable. Initi en novembre 1999 lors dune rencontre internationale laquelle ont particip des Europens, des Canadiens et des Latino-amricains, les changes dinformations, danalyses et de propositions ont trouv leur vitesse de croisire en 2000-2001 grce un forum lectronique modr par deux personnes. Ce dbat a illustr comment les nouvelles technologies de linformation et de la communication pouvaient constituer de formidables instruments pour de tels changes en temps et en chelle rels, pour autant que chacun puisse y avoir accs. Dans notre conception, les changes virtuels sont complmentaires de ceux dans lesquels les parties sont face face, les premires permettant de prparer les secondes, en collectant une information prcieuse, et de donner suite des relations de confiance par une communication fluide et rapide. Les rencontres du chantier Paris (novembre 1999), Lima (mars 2001), et la participation de trois de ses membres actifs la rencontre du Ple Socio-Economique Findhorn en Ecosse (juin 2001) ont constitu des jalons importants de ce travail. La rdaction proprement dite de ce cahier a t ralis par le coordinateur du chantier, et sest tale sur plusieurs mois aprs cette rencontre. Lordre suivi par ce cahier est assez simple : lanalyse porte dabord sur la situation et le diagnostic qui ont motiv lapparition des pratiques du commerce quitable. Puis il retrace les questions que ces pratiques soulvent. Une prsentation est faite dexpriences innovantes et dactions exemplaires qui ont t identifies ou prsentes par les participants, puis un nouveau paradigme est propos, permettant dintgrer lexprience et les valeurs du commerce quitable une formulation qui rponde aux interrogations actuelles de ce mouvement. Suivent un ensemble de propositions rdiges sous une forme rsume, qui sont ensuite traduites en stratgies pour le mouvement du commerce quitable. Les propositions et les stratgies prsentes sont proposes pour appropriation par lensemble des acteurs. Nous esprons que ce document leur sera utile. Il est noter que ce chantier appartient lui-mme deux rseaux plus vastes, dessinant un ensemble de cercles concentriques : - le Ple Socio-Economie de Solidarit, anim par une quipe internationale, regroupe 15 chantiers

    thmatiques, qui tentent de couvrir lensemble des dfis socio-conomiques auxquels sont confrontes nos socits.

    - LAlliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, vaste dynamique, qui sefforce de formuler et de rendre visible les alternatives lensemble des dfis du monde actuel, dans toutes ses dimensions.

    Ce cahier de propositions aboutit la conclusion selon laquelle le commerce quitable ne peut tre envisage indpendamment dautres questions actuelles, notamment celle, plus gnrale, de la place de lconomie dans nos socits et de la responsabilit de chacun dentre nous quant ses choix conomiques. Il renvoie galement dautres analyses et proccupations, concernant par exemple la souverainet alimentaire, le dveloppement durable et la place des territoires dans notre avenir. Cest pourquoi lune des tches futures du chantier sera de confronter lanalyse et les propositions de ses participants avec ceux dautres chantiers thmatiques .

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  • Rsum

    Les propositions du chantier thmatique commerce quitable de lAlliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire sont laboutissement provisoire de deux annes de dbat collectif international et interculturel autour de cette question. Elles prennent appui sur les expriences, les discussions et les innovations dans ce secteur, en sappuyant sur une comprhension de leurs enjeux. Elles restent certainement incompltes et sujettes discussion, mais suggrent des grandes lignes de rflexion et daction permettant un dveloppement et un renforcement de laction du commerce quitable. Elles sont le prtexte lengagement dun dbat plus large avec tous les acteurs. Le commerce quitable se dfinit comme un ensemble de pratiques socio-conomiques alternatives au commerce international conventionnel, dont les rgles sont globalement injustes pour les pays du Sud, et notamment pour leurs producteurs ruraux. Ces pratiques tablissent des relations entre producteurs et consommateurs bases sur lquit, le partenariat, la confiance et lintrt partag. Elles obissent des critres prcis, et poursuivent des objectifs sur plusieurs plans : obtenir des conditions plus justes pour des groupes de producteurs marginaliss, et faire voluer les pratiques et les rgles du commerce international avec lappui des consommateurs.

    Au cours des dernires dcennies, le mouvement du commerce quitable a connu un dveloppement soutenu dans certains pays du Nord. Malgr une progression constante, des divergences stratgiques se font jour, et des questions se posent sur limpact de ces pratiques et leur capacit reprsenter une alternative relle pour un dveloppement durable et quitable.

    Un des principaux enseignements des discussions du chantier thmatique est que laction du commerce quitable doit tre situe dans le contexte plus large dune conomie au service de ltre humain. Les pratiques de commerce quitable nont de sens que si elles dpassent le champ des relations commerciales entre le Nord et le Sud de la plante pour se situer aussi dans un champ daction local ou rgional, particulirement important pour renforcer les solidarits entre consommateurs urbains et producteurs ruraux. Des structures nationales de commerce quitable se sont mises en place dans quelques pays du Sud, et les changes Sud-Sud et Nord-Nord reprsentent un enjeu sous-valu. Crer les conditions dun commerce quitable diffrentes chelles permettrait aussi une meilleure prise en compte de la dimension environnementale. De nombreuses innovations ont aussi t mises en vidence pour llaboration et la convergence de critres dquit et de durabilit.

    Le commerce quitable peut ainsi tre vu comme un ensemble de pratiques au Nord et au Sud

    cultivant la solidarit pour un dveloppement et un commerce durables et quitables, donc avec des objectifs multiples, et qui sexercent dans le cadre de partenariats authentiques, bass sur la transparence et laccs linformation. Certaines de ces pratiques apportent des rponses cratives aux dfis et questionnements actuels, notamment par le dveloppement dchanges et dalliances rgionales au Nord et au Sud, et par des innovations dans le domaine de la certification et de la distribution.

    Les propositions retenues dans ce cahier concernent notamment llargissement de la dfinition du

    commerce quitable, la ncessit de synergies avec dautres pratiques dconomie solidaire, le renforcement des capacits dinformation et de communication des producteurs, la recherche dalternatives dans le domaine de la certification et de la distribution, et la dfinition dun statut juridique pour le commerce quitable et pour les normes quil contribue tablir. Quatre axes stratgiques sont proposs pour les mettre en pratique : favoriser la participation et la communication entre les partenaires du commerce quitable, promouvoir linformation aux consommateurs et la reconnaissance publique du commerce quitable, mettre en place des alliances oprationnelles contribuant la progression du commerce quitable, et enfin dvelopper des outils et des mthodes de suivi et de monitoring des rgles et pratiques du commerce international, notamment grce la construction dindicateurs dquit et de durabilit.

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  • Le contexte

    1. La croissance du commerce international a accru les ingalits et linscurit

    Lexpansion du commerce international de produits alimentaires et industriels date de plusieurs sicles, mais ses effets sociaux et environnementaux restent mal connus par ceux et celles qui y participent comme producteurs ou comme consommateurs. Dans le domaine agricole ce commerce a permis aux populations, principalement de lhmisphre Nord, de consommer des produits quils ne pouvaient pas produire sous leurs climats (bananes, caf, cacao dans les pays temprs par exemple). Une autre raison de son expansion est la possibilit de produire meilleur march dans les pays o la main duvre est beaucoup moins bien rmunre. Initi en grande partie dans un contexte colonial, le commerce international a connu une croissance lente jusquau annes 1970, puis beaucoup plus rapide, en raison des cycles de libralisation dans le cadre du GATT puis de lOrganisation Mondiale du Commerce (OMC).

    Les organisations financires internationales, et mme la FAO paraissent convaincues du bnfice de cette libralisation pour les pays en dveloppement et la scurit alimentaire. Lexamen de la situation par pays et par filire montre des effets beaucoup plus complexes et nuances. Les dividendes du commerce international, lorsquils existent, sont rpartis de faon trs ingale et restent peu visibles, voire absents de nombreux territoires. La libralisation a ouvert les conomies les plus fragiles linstabilit des marchs internationaux, notamment ceux des produits agricoles, domins par les entreprises multinationales dune demi-douzaine de pays.

    Ces entreprises multinationales, et les intermdiaires qui en sont les agents, dominent la plupart des filires, surtout les plus rmunratrices. Une poigne dentre eux contrle par exemple la filire de la banane, de la production la commercialisation, avec des consquences sociales et environnementales dsastreuses. Pour diminuer leurs risques conomiques, elles ont diversifi leurs activits dautres fruits, mais leur emprise sur chaque filire reste toujours aussi forte. La banane : exemple dune filire inquitable La banane est un des fruits frais les plus consomms au monde. Cest aussi le produit agricole qui engendre le volume dchanges financiers le plus important aprs le caf. 90% des exportations se font vers lAmrique du Nord et lEurope. 96% de la production se fait dans les pays en dveloppement, et les plus grands exportateurs mondiaux sont les pays dAmrique latine. Les conditions et les structures de production sont trs diffrentes entre les rgions, mais la plupart des pays exportateurs sont conomiquement trs dpendants de ce produit. Le commerce international de la banane est domin 85% par trois entreprises multinationales nord-amricaines et quelques entreprises europennes. Celles-ci contrlent toute la filire de production et de commercialisation. Elles possdent gnralement leurs propres plantations et rseaux de transports, de transformation et de distribution. Selon lorganisation Banana Link, les consquences de cette structure de production sont notamment : des conditions de travail et de vie inacceptables pour la plupart de ceux qui cultivent et rcoltent les bananes, la dvastation de lenvironnement par les intrants chimiques et les mthodes de production intensive, la suppression des syndicats indpendants de travailleurs. LUnion Europenne a mis en place un rgime prfrentiel pour les bananes venant des pays ACP (Afrique Carabes Pacifique), et produites en partie (mais de moins en moins, cause de la guerre des prix) par des petits et moyens producteurs. Ce rgime est attaqu depuis 1993 par les tats-Unis, qui dfendent leurs corporations, et doit tre peu peu harmonis et rendu compatible avec les rgles du libre change, dans leur interprtation par lOrganisation Mondiale du Commerce.

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  • 2. Les conditions de la libralisation reprsentent une entrave au dveloppement

    Le cycle de ngociation de lUruguay Round sest achev fin 1993 sur un certain nombre de dcisions, dont nous retiendrons deux exemples : lobligation pour les pays industrialiss de rduire les droits sur les importations agricoles de 36% sur 6 ans et de 24% sur 10 ans pour les pays en dveloppement. En thorie les pays en dveloppement (PED) bnficient depuis 1964 dun traitement dexception. Mais dans la ralit du fonctionnement du GATT, on leur octroie seulement un meilleur dlai pour lapplication des rgles communes, sans un vritable traitement spcial. Des rgles communes appliques des contextes diffrents peuvent tre injustes. Les pays dvelopps peuvent par exemple maintenir les niveaux de subvention agricoles de 1993, tandis que les PED nont plus le droit de procder des niveaux de protection gaux. Il en rsulte un vritable dumping de produits essentiels lalimentation humaine (crales, lait et viande principalement) des pays du Nord vers les pays du Sud, qui a le pouvoir de dtruire les marchs nationaux de produits vivriers chez ces derniers.

    Depuis son introduction lOMC (1994), la question des droits de proprit intellectuelle lis au commerce prsente galement une menace pour lconomie des PED, car leur interprtation par cet organisme permet une privatisation du vivant au profit de dtenteurs de brevets internationaux. Les mesures rgulant le droit linvestissement, toujours en discussion malgr la droute du projet dAccord Multilatral sur lInvestissement empchent paralllement que les gouvernements des PED encouragent la croissance dun tissu industriel bas sur la production locale. Depuis Seattle (1999), la socit civile a pris conscience du caractre inique des conditions de rglement des diffrends lOrganisation Mondiale du Commerce pour les pays du Sud, entravant les efforts que ceux-ci pourraient dployer pour rendre le systme plus juste et surtout soumettre le droit commercial aux droits conomiques et sociaux, ainsi quau droit environnemental.

    En consquence de cet environnement international, des pays et des rgions qui souffrent de la faim continuent exporter depuis des dcennies des produits agricoles vers dautres pays, qui connaissent une surproduction alimentaire. Les pays du Nord continuent inonder ceux du Sud de crales et autres produits agricoles en surplus et largement subventionns. Les structures du commerce international ont ainsi maintenu une division internationale du travail qui a prennis la spcialisation de nombreux pays du Sud dans les produits dexportation, sans que les bnfices dune telle spcialisation soient dmontrs.

    Instabilit des cours des produits alimentaires et scurit alimentaire : le cas du caf Depuis 1989 et la rupture des Accords Internationaux sur le Caf, le march international du caf, premier produit agricole mondial dexportation, est totalement drgul. Le prix de laromatique est en fait fix au niveau international par les grands oprateurs commerciaux sur les bourses de New York (arabica) et de Londres (robusta). Cette drgulation a eu pour consquence une plus grande comptition entre pays producteurs, donc une plus grande instabilit des prix, qui connaissent des variations importantes mme sur de trs courtes priodes. En Amrique latine, principalement, mais aussi en Afrique et en Asie des centaines de milliers de familles de petits producteurs dpendent de la vente de ce produit. Au cours des dernires annes, le prix international est tomb plusieurs fois durablement sous le niveau permettant aux petits producteurs den vivre (pendant toute la priode 1989-1994 ; la baisse de 2001 est dun niveau comparable). Au niveau actuel du prix (autour de 50 dollars les 100 livres sur le march international), laromatique ne vaut mme plus la peine dtre rcolt. Depuis 1988, un label de commerce quitable garantit aux groupes de producteurs associs un prix minimum de 126 dollars les 100 livres (calcul sur le prix minimum permettant une famille de petits producteurs de vivre) et des relations dans la dure, offrant une certaine scurit conomique moyen terme aux producteurs, laquelle permet une meilleure scurit alimentaire. Sur le long terme, le commerce quitable devra cependant sinterroger sur les stratgies dployer en alternative une conception du dveloppement reposant sur la seule promotion des exportations.

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  • Cette situation de dpendance a contribu la perte de lautonomie conomique et alimentaire dans ces rgions, ainsi qu la dstructuration de territoires, qui perdent leur vocation premire de lieux de vie pour devenir de simples annexes dun systme mondial de production. Ceci est particulirement visible dans le cas des systmes de production bass sur de grandes plantations et pour lesquels il est ncessaire de mettre en place un cosystme artificiel caractris par la monoculture et souvent lusage intensif de pesticides polluant les sols et mettant en danger la sant des ouvriers (banane, sucre, coton, ananas, etc.). La production des petits producteurs indpendants est souvent moins dommageable pour lenvironnement, parce quils ont besoin de maintenir leur capital naturel et ont moins de moyens pour acheter des pesticides et des intrants chimiques. Mais mme organiss en coopratives de production, ils subissent les consquences de linstabilit des cours, fixs sur le march international par les grands acteurs conomiques (voir encadr sur le cas du caf ci-dessus).

    3. La rponse du mouvement du commerce quitable

    Ayant pris acte de ces dsquilibres, des organisations non gouvernementales, en partenariat avec des

    groupes de producteurs ont mis en place une approche alternative au commerce international conventionnel, baptise commerce quitable . Celui-ci se dfinit comme un partenariat commercial qui vise un dveloppement durable pour les producteurs exclus ou dsavantags. Il cherche raliser cela en proposant de meilleures conditions commerciales [aux producteurs], en duquant [les consommateurs] pour provoquer une prise de conscience et en menant des campagnes. (dfinition dEFTA European Fair Trade Association). Depuis une quarantaine dannes, ce mouvement a mis en place des filires reposant sur des normes prcises pour un nombre toujours plus diversifi de produits, dabord travers un rseau de centrales dachat et de boutiques spcialises, puis depuis une quinzaine dannes de produits labelliss disponibles jusque dans certains supermarchs. Ces filires permettent davoir la relation la plus directe possible avec les producteurs et de leur offrir de meilleures conditions. Cest un mouvement explicitement orient vers les pays du Sud, mais qui se dmarque des relations dassistance, communes dans domaine de la coopration. Ce que rsume bien le slogan Trade not Aid .

    Le commerce quitable ne se dfinit cependant pas comme une simple relation commerciale, mais surtout comme un partenariat fond sur lgalit et le respect entre les producteurs du Sud et les importateurs du Nord, les magasins du commerce quitable, les organisations de labellisation et les consommateurs. La relation dpasse le cadre conomique. Par le biais du commerce quitable, le consommateur engag nacquiert pas seulement des produits, mais aussi des relations long terme avec leurs producteurs. Cette humanisation du processus commercial est une demande non seulement des producteurs, mais aussi des consommateurs du Nord, dont une partie souhaite de plus en plus tre informe de lorigine et du contenu social, thique et environnemental des produits qui lui sont proposs. Dans sa conception du dveloppement durable, le commerce quitable inclut dailleurs tout naturellement la satisfaction des besoins fondamentaux des producteurs. Le commerce quitable se dfinit par des conditions ou critres de base: Avoir une relation directe entre producteurs et consommateurs, en vitant le plus possible les

    intermdiaires et les spculateurs. Pratiquer un juste prix qui permet au producteur et sa famille de vivre dignement :

    Chaque personne doit pouvoir vivre dignement de son travail . Dans le cas o les producteurs sont des salaris, respecter les conditions de travail correspondant au

    minimum aux normes internationales du Bureau International du Travail ou du pays si celles-ci sont suprieures celles-l, respecter le droit dassociation, interdire le travail forc.

    Autoriser un financement partiel avant la rcolte (dans le mouvement du commerce quitable, le taux minimal est de 60%) si les producteurs le demandent.

    tablir des relations et des contrats long terme, bass sur le respect mutuel et le respect de valeurs thiques.

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  • En plus de ces critres minimaux, les organisations de commerce quitable ont tabli dans certains cas des critres de progrs , permettant le dveloppement durable des groupes de producteurs ou de salaris.

    Les organisations du commerce quitable assurent le respect de lensemble de ces critres. Les

    agences de certification, effectuent un contrle auprs des partenaires, tandis que les centrales dachat et les magasins alternatifs sengagent travailler dans le cadre des conditions dfinies, et mettent toute linformation disposition de leurs clients ou consommateurs (pour plus de dtails voir la partie Acteurs).

    Les objectifs du commerce quitable peuvent tre rsums comme suit :

    Obtenir un prix et des conditions plus justes pour des groupes de petits producteurs Faire voluer les pratiques commerciales vers la durabilit et lintgration des cots sociaux et

    environnementaux, tant par lexemple quen militant pour un changement des lgislations Rendre plus conscients les consommateurs de leur pouvoir pour favoriser des types dchanges

    plus justes Favoriser le dveloppement durable et lexpression des cultures et des valeurs locales, dans le

    cadre dun dialogue interculturel

    Le commerce quitable cherche responsabiliser les producteurs, qui doivent pour leur part pratiquer une activit durable et transparente. Les organisations bnficiaires doivent avoir un fonctionnement interne dmocratique, et tre indpendantes de tout parti politique ou de toute glise. Elles doivent chercher un quilibre entre le march local et le march dexportation, en prservant la scurit alimentaire. Le bnfice du commerce quitable doit tre rparti collectivement, si possible dans le dveloppement local (emploi, sant, transport, etc.). La participation des femmes doit tre prise en compte. A partir des principes gnraux garantissant des relations commerciales et des conditions de production quitables, les organisations de commerce quitable ont dvelopp des critres spcifiques pour les filires dans lesquels elles se sont engages (artisanat, caf, cacao, sucre, banane, th, miel, textile, etc.), parce qu chaque filire correspondent des conditions de production et de commercialisation spcifiques prendre en compte. Celles-ci ne seront par exemple pas les mmes dans un secteur o dominent les petits producteurs indpendants (caf) et une agriculture de plantation (th, banane).

    Les avantages du commerce quitable pour les producteurs indpendants sont vidents : ils bnficient

    dun accs direct au march europen ou dautres pays du Nord. Ceci leur ouvre souvent de nouveaux dbouchs sur le march conventionnel de ces mmes pays, leur permettant dviter une sur-dpendance envers le systme de commerce quitable, dont les dbouchs restent limits (quelques pour cents du march dans les meilleurs cas). Mais les producteurs constatent rgulirement que lexistence dun march quitable influence favorablement leurs relations avec les acteurs conventionnels. Plus que le prix quitable, cest souvent lobligation de prfinancement par limportateur qui est une des conditions les mieux apprcis par les producteurs.

    4. Progression du commerce quitable

    Le mouvement du commerce quitable est insparable dune prise de conscience du consommateur sur les cots sociaux et environnementaux de production. Cette prise de conscience sest dveloppe en premier lieu dans les pays dEurope du Nord, o on a pu dire quelle a bnfici de la mentalit protestante et de lappui des glises ou des tats. Le premier label de commerce quitable est n dun partenariat entre des organisations hollandaises et des organisations de producteurs de caf au Mexique. Rcemment, le Danemark, la Suisse et lItalie ont connu un dveloppement important du commerce quitable. En Hollande, le caf quitable reprsente 2,5% du march, et la banane 5%. En Suisse, ces chiffres sont de 5% et 23% respectivement. Dautres pays du Nord connaissent un retard important en ce domaine : un sondage rvlait en octobre 2000 que seul un franais sur 10 avait entendu parler du commerce quitable (source : IPSOS).

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  • En terme de produits et de stratgies commerciales, lintroduction du label Max Havelaar pour le caf quitable en 1988 a cr une petite rvolution et des dbats dans ce mouvement. La labellisation permet la vrification des conditions de production et de commercialisation pour chaque produit, rendant possible une stratgie de commercialisation dans diffrents types de points de vente, y compris la grande distribution, recherche pour sa puissance de vente. Dautres labels de produit ont ensuite t labors : th, cacao, miel, sucre, banane, jus dorange, etc. Depuis 1997, FLO, lOrganisation Internationale de Labellisation du Commerce quitable, travaille lharmonisation des critres par produits et au partage des registres de producteurs, par fdration ou pays membre. Dautres agences de certification appliquent des mthodes de labellisation diffrentes, par exemple la fondation suisse STEP, engage dans le contrle des conditions de la production et de la commercialisation de tapis (Voir partie "volutions des pratiques et innovations").

    Le commerce quitable reflte une nouvelle relation dune partie de la population la consommation, principalement dans les pays du Nord. Aprs des dcennies de consumrisme, auxquelles les organisations de consommateurs ont elles-mmes particip, un mouvement se dessine vers la consommation responsable , la consommation thique ou la simplicit volontaire . Le consommateur commence sinterroger sur lorigine des produits offerts dans la grande distribution ou lindustrie et leur contenu social et environnemental, gnralement bien cach par les grandes entreprises. Il prend conscience de son pouvoir et devient "consomacteur". Ce mouvement se traduit avant tout par la progression constante du march de lagriculture biologique, pousse notamment par linquitude croissante du consommateur devant les consquences sanitaires et environnementales de lagriculture industrielle. Il explique aussi le succs de certaines campagnes, comme De lthique sur ltiquette (version franaise de la campagne europenne Clean Clothes ), interrogeant les pratiques de grandes entreprises. Celles-ci ont commenc par rpondre, pas toujours de faon convaincante, par llaboration de codes de conduite et de labels sociaux. Le dveloppement du commerce quitable suppose de toute vidence de travailler dans le sens de cette prise de conscience des consommateurs. Sans consommation responsable dans la dure, il ny a pas de commerce quitable.

    Sur le plan politique, la cause du commerce quitable a volu lentement mais positivement dans les dernires dcennies, notamment en Europe :

    Au cours des dernires annes, lUnion Europenne a pris connaissance et reconnu la lgitimit des pratiques du commerce quitable Nord-Sud1.

    LAccord de partenariat entre le groupe des tats ACP (Afrique, Carabes, Pacifique) et la

    Communaut Europenne (accord dit de Cotonou ) mentionne, de faon certes insuffisante, la promotion du commerce quitable comme un des objectifs de la coopration de lUnion Europenne avec ces tats.

    Llaboration par de nombreuses entreprises de codes de conduite dans la priode rcente, et mme la

    reprise de la notion de commerce quitable par certaines grandes entreprises ou cabinets daudit montrent la popularit de la notion. Mais ces signes ne sont pas sans danger pour la clart de la notion de commerce quitable et la visibilit de sa spcificit.

    1 Document A4-0198/98 et communication COM(1999)619 de lUnion Europenne

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  • Questionnements

    Lavance du commerce quitable Nord / Sud a t visible et rgulire aux cours des dernires annes dans les pays du Nord. Il est probable quelle va se poursuivre et que la notion sera de mieux en mieux connue de la population. Dj des grands cabinets daudit et des grandes entreprises sen saisissent et prparent le lancement de leurs produits quitables . Une norme internationale de responsabilit sociale, le SA8000, a t introduite il y a quelques annes seulement dans le secteur priv. Des cabinets sen sont empare pour en extraire des critres de commerce quitable pour les entreprises, qui ont davantage voir avec les codes de conduite quavec les labels indpendants runis dans FLO.

    1. Un premier risque est la banalisation de la notion et la perte de contrle sur son contenu.

    La capacit du systme conomique dominant rcuprer toutes les alternatives, y compris la recherche

    dauthenticit au profit de produits marchands, nest plus prouver. Le terme de commerce quitable nest pas dpos , et toutes les imprcisions et les usages abusifs restent possibles. Sils restent encore limits, cest peut-tre parce que la grande vague du commerce quitable est encore devant nous. Commerce thique, commerce quitable, commerce responsable : les nuances ne sont pas toujours saisissables pour le consommateur, et le travail dinformation et dducation des organisations de commerce quitable reste essentiel en ce domaine.

    La mise en place, par certaines entreprises, de codes de conduite tmoigne elle aussi dune prise de conscience croissante des consommateurs et de ces entreprises de leur responsabilit sociale et environnementale par rapport aux conditions dans lesquelles seffectue la production. La relation des organisations de commerce quitable avec ces codes de conduite pose cependant des questions importantes. Les labels de commerce quitable ont t tablis dans le cadre de partenariats avec les producteurs. Ils dfinissent des normes dquit prcises par produits. Les codes de conduite ont une porte plus grande, mais ils sont gnralement mis en place en dehors de tout partenariat, et se contentent souvent de reconnatre des normes minimales en matire de salaires et de conditions de travail (gnralement celles du Bureau International du Travail). Malgr les efforts en ce sens, il nexiste pas aujourdhui dorganisme indpendant unanimement reconnu pour la vrification sur le terrain de ces conditions, et les cas o des syndicats ou des organismes de droits de lhomme ont montr que des codes de conduite restaient des promesses sur le papier sont nombreux.

    Dans une dmarche de partenariat et daccompagnement dentreprises responsables, les codes de

    conduite et les labels peuvent tre perus comme des outils complmentaires. Lextension du commerce quitable des produits agricoles produits en plantation, comme la banane, le th ou le sucre, ou bien un secteur manufacturier, comme le tapis, peut tre interprte comme une articulation entre un code de conduite dfini et contrl par un organisme de commerce quitable et un label qui reprend dautres conditions plus gnrales. Deux exemples :

    FLO prvoit des critres distincts pour certains produits (banane, jus de fruits), selon quils sont

    produits par des entreprises employant de la main duvre salarie ou par des petits producteurs.

    La fondation STEP a dvelopp un code de conduite pour les producteurs de tapis dOrient. Le label du mme nom est octroy au magasin lorsque le commerant sengage assurer le respect des critres quil contient.

    Le tableau ci-dessous montre les diffrences entre ces deux mcanismes, du point de vue des objectifs,

    des groupes cibles et de leur participation, ainsi que du prix et de la prime aux producteurs. Les labels par produit sappliquent mieux des produits clairement individualisables, venant de producteurs indpendants, et les codes de conduite des produits de lindustrie, dans lesquels travaillent des salaris.

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  • Principales diffrences entre label de commerce quitable et code de conduite dentreprise. Label de commerce quitable Code de conduite Objectif Dveloppement dorganisations

    productrices marginalises Prise de conscience des consommateurs

    Mise en uvre de normes pour la main duvre

    Groupes cibles Petits producteurs et salaris dfavoriss des PED

    Travailleurs salaris lchelon international

    Extension Un label par produit Un code par entreprise / marque Prix des produits Internalisation des cots sociaux et

    environnementaux dans le prix des produits

    Pas de dispositions prvues

    Prime Aide pour le dveloppement Pas de dispositions prvues Participation Partenariat avec les producteurs ou

    salaris Participation dans le processus de dcision

    Participation limite des salaris dans le contrle

    Tableau labor daprs un article de Rolf Buser, consultant, et Paola Ghilani, directrice de Max Havelaar Suisse et prsidente de FLO. Modifi avec la permission des auteurs.

    2. La question de limpact du commerce quitable sur les groupes de producteurs ou de travailleurs concerns et sur leur environnement mrite galement dtre dbattue.

    Les avantages du commerce quitable pour les groupes de producteurs intgrs au commerce

    quitable ont t voqus plus haut. Ils sont incontestables en terme commercial. Mais lentre de nouveaux groupes de producteurs dans ce type de partenariat est limit principalement par la capacit du march, et non par le nombre de groupes qui rpondent aux critres dorganisation. EFTA estime la part du commerce quitable dans le commerce mondial 0,01%, un chiffre limit quoique significatif. Il est vident que celui-ci ne sera jamais un dbouch suffisant pour les millions de petits producteurs qui cherchent vivre de leur travail. Des indices laissent penser que la prsence du commerce quitable dans une filire peut avoir un effet positif sur les prix pays lensemble des producteurs. Mais cet effet sur la rgulation des filires conventionnelles est difficile mesurer.

    Au-del des chiffres commerciaux, on aussi sinterroger sur limpact du commerce quitable en

    termes de dveloppement gnr. La disparit des revenus entre les producteurs qui bnficie des conditions du commerce quitable et le reste de la population ne risque-t-elle pas daboutir la cration dlots de dveloppement ne parvenant pas stendre lensemble du territoire ? Le commerce quitable dfend assurment un modle de dveloppement reposant sur lextension des capacits dautonomie des populations, sur la souverainet alimentaire et le dveloppement rural. Mais miser principalement sur la production lexportation ne fait-on pas courir malgr tout aux populations des risques attnus mais de mme nature que ceux des stratgies de dveloppement tir par les exportations que proposent les institutions financires internationales ? Certes, les dispositifs mis en place par le commerce quitable permettent, dans le contexte actuel de drgulation et douverture des marchs, dobtenir des avantages pour les producteurs ou les travailleurs les plus marginaliss, mais comment chercher et vrifier lquilibre revendiqu entre laccs au march mondial et le march local ? Or un vritable dveloppement social ne se produit pas sans une stratgie de dveloppement partant des potentialits et des besoins locaux.

    La pratique du commerce quitable pousse le citoyen sinterroger sur son mode de consommation.

    Mais pour que celui-ci soit compatible avec le dveloppement durable, il faudra sans doute lamener un peu plus loin dans sa rflexion. Les conditions sociales et environnementales de production sont troitement lies. Or les changes internationaux ont souvent des effets ngatifs sur lenvironnement, que les conditions du commerce quitable ne permettent pas ncessairement didentifier ou de contrecarrer. Les emballages et les transports internationaux sont dimportants facteurs de pollution. Sont-ils des passages obligs dans le contexte actuel ? Est-il par exemple raisonnable dencourager la cration dun label de fleurs quitables pour lexportation, lorsquon sait que celles-ci sont transportes par avion ? Le commerce quitable ne devrait-il

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  • pas encourager les circuits de commercialisation courts, qui sont gnralement plus cologiques et propices au dveloppement de nouvelles solidarits ? Solidarit, environnement et habitudes de consommation le cas du jus dorange en Allemagne Une grande partie du jus dorange consomm en Europe vient du Brsil. LAllemagne, un pays qui ne produit pas doranges, est le plus gros consommateur de jus dorange par tte au monde. Bien que la concentration de matire (material intensity) du jus dorange brsilien soit nettement infrieure celle du jus provenant des tats-Unis, lesquels ont recours une agriculture intensive, elle a t calcule 25 kilogrammes par litre de jus produit pour lexportation. Il faut par exemple 22 litres deau pour obtenir un litre de jus dorange brsilien import. Lorsque lon sait que lAllemagne produit du cassis, dont le contenu en vitamine C rivalise avec lorange, est-il cologique dy lancer un jus dorange quitable provenant du Brsil ? Pourquoi ne pas dvelopper des marchs quitables pour les jus rgionaux produits par des petits producteurs dans les deux pays ? Source : Institut Wuppertal (Allemagne)

    3. Le commerce quitable : quelle extension gographique ?

    Le commerce quitable reste majoritairement compris comme un mouvement de solidarit Nord-Sud visant limiter les effets ngatifs du commerce international. Pourtant ces effets ne se limitent pas lchange ingal entre Nord et Sud. Les ingalits se sont aussi accrues lintrieur des pays du Nord et des pays du Sud. La spcialisation des premiers dans la production industrielle signifie que leur production agricole a perdu une grande partie de sa diversit et de ses fonctions pour les territoires ruraux au cours des 50 dernires annes. Les exploitants agricoles des pays industrialiss sont souvent rduits, malgr eux, au rle peu enviable de rouage dans un mcanisme de production et de distribution standardis, sur lequel il nont aucun contrle. Dans les pays du Sud, louverture commerciale oblige a eu comme implication un recul dramatique des produits rgionaux et nationaux sur les marchs intrieurs. Le dveloppement dexportations, mme quitables, ne peut tre la seule rponse cette situation.

    Des pratiques commerciales novatrices tentent de rpondre ces situations au Nord comme au Sud.

    Nous en donnons quelques exemples dans la partie "volution des pratiques et innovations". Elles ne prennent pas toujours le nom de commerce quitable, mais obissent des objectifs et des principes similaires, une chelle diffrente. Le champ daction du mouvement du commerce quitable quant lui se situe presque exclusivement sur le plan Nord-Sud. Larticulation et les synergies entre ces diffrentes chelles daction ne se sont pas encore traduites dans la formulation de stratgies prcises de commerce quitable aux niveaux national ou rgional. Ne faut-il pas sinterroger sur cette focalisation du commerce quitable sur les changes internationaux ? Ny aurait-il pas un commerce quitable Nord-Nord et un commerce quitable Sud-Sud ? Lavenir du commerce quitable pourrait passer aussi par le dveloppement de filires plus courtes et de marchs quitables nationaux ou rgionaux.

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  • 4. Quelle gamme de produits et quelles mthodes de certification pour le commerce quitable ?

    La progression du commerce quitable sest faite jusqu prsent principalement grce la labellisation par produit, mais le cot de celle-ci et le mode de distribution des produits labelliss soulvent des dbats au sein du mouvement. Les labels internationaux de commerce quitable proposent un contrle vertical de la chane de production et de commercialisation des produits. Cette intgration verticale permet un contrle troit de lapplication des critres exigs soit des producteurs (en terme dorganisation et de qualit cologique et sociale de leur production) soit des importateurs (conditions commerciales, prfinancement, durabilit, etc.), grce la mise en place dun systme de certification indpendant de ces deux parties. Cette mthode a permis un dveloppement important du march des produits du commerce quitable par la grande distribution. Sa mise en uvre reste complexe et coteuse et naurait pas t possible sans lappui dorganismes daide ou dveloppement, ou de certaines agences gouvernementales..

    La labellisation par produit sapplique principalement aux produits dont les filires productives et

    commerciales peuvent faire lobjet dun suivi et dun contrle. Elle concerne aujourdhui principalement une dizaine de produits agricoles ou horticoles, la plupart dorigine tropicale (caf, cacao, miel, th, sucre, banane, fruits et jus de fruits, riz et fleurs), pour lesquels le commerce quitable a dvelopp des critres et des mthodes de suivi. Selon la communication de lUnion Europenne Les produits alimentaires reprsentent environ 60% du chiffre d'affaires affrent la vente au dtail de produits relevant du commerce quitable, les ventes de caf intervenant elles seules pour prs de moiti dans le pourcentage prcit . Cette concentration de ce que lon entend au Nord par commerce quitable sur certains produits offre des avantages de lisibilit pour le consommateur. Mais pourra-t-il longtemps en rester ainsi ? Des entreprises prives et des cabinets de conseil se prparent dvelopper leurs propres normes dquit. De plus, le dveloppement dun march quitable de produits transforms la source permettrait aux producteurs dobtenir une plus grande part de la valeur ajoute.

    Depuis longtemps des organisations ou magasins de commerce quitable proposent aussi des produits

    alimentaires transforms et des produits artisanaux, qui permettrent datteindre de nouveaux marchs et doffrir une meilleure valeur ajoute aux producteurs. Mais aucune rgle gnrale na t discute ou accepte pour rgir les produits dont la composition fait intervenir plusieurs produits primaires. Un produit de consommation aussi banale que le chocolat a provoqu une polmique entre deux fdrations nationales de commerce quitable en Europe. Lune certifie un chocolat fabriqu uniquement partir de cacao quitable, lautre prvoit en plus lajout de sucre de canne quitable. Le sucre de canne fait en effet vivre des producteurs du Sud et ne bnficie pas des soutiens dont bnficie le sucre de betterave europen. La deuxime solution semble plus quitable, mais elle peut faire augmenter le cot du produit. Or les organisations de commerce quitable admettent que le prix dun produit du commerce quitable ne peut pas dpasser substantiellement celui de son quivalent conventionnel.

    Cette controverse illustre la ncessit dune concertation internationale sur la certification des produits

    composs. Au del des produits alimentaires et artisanaux, se profilent les questions plus complexes encore de la certification de produits manufacturs ou de services comme le tourisme. Avec la libralisation des changes, cette complexit na fait que saccrotre, techniquement et gographiquement. Les composantes et les matires premires dun jean quelconque sont rcoltes ou assembles dans une douzaine de pays en moyenne et parcourent au minimum 65.000 kilomtres avant que le jean ne soit vendu au consommateur final. Ds lors, comment mettre au point et contrler des critres dquit dans le revenu au producteur ou le salaire des ouvriers ? La certification par produit reprsente-t-elle la meilleure alternative au commerce conventionnel, ou bien dautres modes de contrle et de certification pour un commerce quitable sont-ils envisageables ?

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  • 5. Au sein mme du commerce quitable, des stratgies et des visions diverses sexpriment travers des pratiques et des discours qui sont loin dtre uniformes.

    Deux questions sont sujettes dbat : les pratiques de distribution, et les relations avec des entreprises de

    production prives de grande taille.

    Lalliance des labels de commerce quitable avec certains grands distributeurs depuis une quinzaine danne divise les acteurs du mouvement. Lobjectif de cette alliance tait de rpondre la ncessit dtendre loffre de produits quitables. Ceux qui dfendent cette stratgie restent persuads qu'en introduisant des produits labelliss quitables dans la grande distribution, celle-ci sera "contamine", et ainsi conduite s'engager davantage pour le respect des droits humains, conomiques et environnementaux. Ceux qui marquent leur divergence avec elle font remarquer que le commerce quitable sert dalibi la grande distribution, lui permettant simplement douvrir sa gamme de produits. La cration dune niche de produits quitables ne lobligerait aucunement changer des pratiques qui sont nfastes pour les autres producteurs. Ils craignent en rsum que le commerce quitable soit dnatur par la grande distribution.

    La cohrence des rapports entre le commerce quitable et le mode de distribution de ses produits est

    sur le long terme un enjeu primordial pour lavance de ce mouvement. Il est ncessaire dencourager des modes de distribution plus quitables, dinventer de nouveaux types de liens et dimaginer de nouveaux moyens de ngociation voire de pression avec ces acteurs pour ladoption de normes thiques et la distribution de produits quitables. Dans la recherche dune stratgie plus intgrale, les consommateurs et les gouvernements doivent rester ou devenir des partenaires au moins aussi importants que les entreprises de distribution.

    Les relations avec les grandes entreprises de production (plantations, usines, etc.) sont galement

    porteuses de controverses : faut-il considrer ces oprateurs conomiques comme des partenaires part entire ? Le commerce quitable doit-il mettre en place des normes et des critres thiques permettant de certifier ceux dentre eux qui sy conforment ou se contenter dun rle dobservateur et de suivi, en sappuyant par exemple sur les codes de conduite que peuvent se donner ces entreprises ? Le choix nest pas ncessairement exclusif, car les mthodes mises en place par le commerce quitable peuvent inclure des critres volutifs et combiner diffrents instruments.

    Au-del de ces questions stratgiques, les visions portes par les acteurs du commerce quitable

    semblent sinscrire sur un ventail allant des "rgulateurs", qui considrent le commerce quitable comme un moyen pour intgrer des groupes de producteurs marginaliss dans le commerce mondial et y introduire certaines rgulations, aux "transformateurs", pour qui le commerce quitable est initiateur d'un autre commerce et levier pour la transformation du systme des changes internationaux et des structures collectives. Les transformateurs signalent souvent le risque dune drive librale, o la recherche de plus grandes parts de march fait oublier lobjectif de transformation du systme. Si le commerce quitable est conu comme un simple ensemble de dispositifs permettant des groupes de producteurs jusquici exclus des changes internationaux de sy intgrer aux meilleures conditions possibles, alors sa capacit transformatrice sera rapidement absorbe par le systme conomique dominant.

    En effet, le march quitable dun produit donn dpasse difficilement une proportion trs

    minoritaire du march total. Certes, le mouvement du commerce quitable labore de faon permanente des critres pour de nouveaux produits, grce une organisation de plus en plus professionnelle, et un travail de longue haleine. Mais la liste de ces produits, gnralement dexportation, restera forcment limite, en nombre et en type. Cest pourquoi le commerce quitable doit aller au-del de lobjectif dextension des parts de marchs et du nombre de produits quitables. Reposant sur une conception diffrente de lconomie, il doit rester un levier pour changer les rgles du commerce international.

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  • Conclusions

    Faute de situer le commerce quitable dans une perspective plus large de changement du paradigme conomique, certains paradoxes resteront insolubles :

    Le commerce quitable a comme slogan Trade not Aid , mais il est souvent pens uniquement comme une aide que les consommateurs du Nord apporteraient aux producteurs du Sud. Or les consommateurs nont-ils pas une responsabilit par rapport aux producteurs et aux modes de production dans leurs propres pays ? Les conditions de production agricole au Nord influencent non seulement le type dagriculture dans ces pays, mais aussi les marchs agricoles au Sud.

    Pour soutenir des groupes de petits producteurs en largissant leur march, une partie du mouvement

    du commerce quitable sest allie la grande distribution. Or celle-ci ne conforte-t-elle pas la division internationale du travail et des prix aux producteurs trs bas ? Jusqu prsent, le dbat sur la distribution na pas trouv de conclusion au sein du mouvement du commerce quitable. Cela signifie-t-il que toutes les pratiques dans ce domaine se valent ?

    Les produits du commerce quitable sont davantage accessibles ou conus pour des populations

    aises du Nord et parfois du Sud. Le commerce quitable ne devrait-il pas envisager un lien avec les consommateurs modestes ou pauvres du monde entier, qui voudraient participer des changes quitables et solidaires ?

    Le commerce quitable a un objectif pdagogique, lducation du consommateur. Pour latteindre, il

    cherche entrer dans le march existant, lequel est bas sur le principe de laccessibilit de tout produit en tout lieu. Or ce type de march , port par la mondialisation des changes, est-il compatible avec un vritable dveloppement durable ? Avec un commerce durable ? La question vaut dtre pose.

    Le mouvement du commerce quitable a connu une progression importante au cours des dernires

    dcennies, non seulement dans les pays du Nord, mais aussi dans des pays du Sud, qui ont mis en place leurs propres alliances, voire des labels reconnus par les instances internationales. Mais noublions pas que cette priode a aussi t celle de lchec des dcennies du dveloppement et des stratgies de dveloppement bases uniquement sur la croissance des exportations. Une partie de la socit civile a pris conscience que les alternatives au fonctionnement actuel de nos socits se dploient dans un monde aux dimensions multiples, dans lequel lenvironnement, le dveloppement durable, la souverainet alimentaire, lducation, la sant sont troitement interdpendants.

    Cependant, la perception habituelle du commerce quitable est reste celle dun commerce Sud-Nord

    de solidarit. Celle-ci ne permet pas de dpasser les paradoxes voqus, et risque de bloquer lvolution du commerce quitable vers un mouvement plus large prenant en compte les interrogations des acteurs et les innovations au Sud comme au Nord. Un examen des prmisses et des objectifs du commerce quitable, en bref un aggiornamento de la vision du commerce quitable semble donc ncessaire. Celui-ci doit prendre en compte les dimensions voques plus haut, et favoriser la mise en place dalliances et des stratgies nouvelles. La crativit et le dynamisme des acteurs du commerce quitable laissent penser que cette volution est possible.

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  • Evolution des pratiques et innovations

    Le commerce quitable est un mouvement relativement jeune, qui connat un renouvellement constant de ses pratiques pour rpondre lvolution du contexte socio-conomique et aux dfis actuels, lesquels sont galement le fruit de ses succs. Les agences de certification travaillent par exemple constamment au dveloppement de critres et de filires quitables pour de nouveaux produits. Chacune de ces filires opre au sein dun march complexe, dont il faut comprendre et matriser les mcanismes : aprs le caf, le cacao, le sucre et le th, la banane Max Havelaar a t lance il y a quelques annes et a conquis une part importante du march dans certains pays europens.

    Lapparition de critres pour de nouveaux produits montre une extension des partenariats tablis

    dans le cadre du commerce quitable, dabord avec des organisations de petits producteurs (cas du caf par exemple), puis des entreprises organisant la production dans des plantations (th, banane) ou des fabriques (tapis), dont les organismes de commerce quitable vrifient les conditions de travail. Cette volution est la contrepartie ncessaire au dveloppement de nouvelles filires de commerce quitable, mais elle pose certaines questions. Nous examinerons partir dun exemple de label dans le secteur du tapis une autre forme de certification, qui opre non plus par produit mais par point de vente.

    Pour leur part, les organisations de producteurs, au Nord comme au Sud, ressentent de plus en plus la

    ncessit dtre des acteurs actifs et conscients de lespace local, rgional ou national. Cest l une opportunit pour le commerce quitable, jusque l peru comme un commerce Sud-Nord, de prendre un sens et de sorganiser des chelles plus proches du territoire.

    1. Un commerce quitable rgional au Nord et au Sud Certaines pratiques qui cherchent reconstituer un lien social entre consommateurs urbains et

    producteurs ruraux nont pas t demble reconnues comme partie du mouvement du commerce quitable, parce quelles oprent lchelle locale et rgionale. LAgriculture Soutenue par la Communaut en Amrique du Nord reprsente une de ces nouvelles formes de solidarit entre villes et campagnes2. Ce type dassociation qui contribue au dveloppement des territoires se rpand dans les pays du Nord et, sous des formes diffrentes, dans ceux du Sud. En France et en Suisse, un mouvement semblable a pris le beau nom de Jardins de Cocagne avec le slogan Cultivons la Solidarit . Au Venezuela, des besoins pressants de la population pauvre de la rgion de Barquisimeto et de producteurs ruraux ont donn naissance aux foires de consommation , lesquelles se sont rpandues dans une grande partie du pays.

    Les liens qui sont tablis par ces formes concrtes de solidarit partent du prtexte de lchange

    conomique, mais vont au-del de cette dimension. Leurs objectifs sont les mmes lchelle locale que ceux du commerce quitable lchelle internationale : obtenir des conditions plus justes pour les producteurs, favoriser des relations solidaires dans la dure, profitables aux deux parties, duquer le consommateur. Davantage de proximit gographique permet de cultiver des formes de solidarit plus vivantes, comme le travail la ferme du consommateur une fois par an. Cette proximit est plus facilement gnratrice de confiance et permet dviter la mise en place de systmes de certification parfois complexes et coteux.

    Le dveloppement de ce type dchange solidaire entre villes et campagnes dune mme rgion

    semble tre un lment essentiel pour mettre en uvre lchelle internationale dautres faons de produire et dchanger. Faire entrer dans un systme quitable et durable les produits que les populations urbaines consomment quotidiennement : fruits, lgumes, viandes, offre un potentiel trs fort, non seulement du point de vue de lducation (les produits changs sont riches en signification et en saveur), mais aussi du point de vue conomique et environnemental. 2 En anglais : Community Supported Agriculture

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  • L'Agriculture Soutenue par la Communaut en Amrique du Nord L'Agriculture Soutenue par la Communaut (ASC) cre un lien direct entre les partenaires, qui sont des consommateurs et des fermes biologiques locales. En change de lachat dune part de la rcolte lavance, les consommateurs reoivent un panier de lgumes, ou dautres produits, livr rgulirement point de chute dans leur quartier. Les partenaires sont aussi invits collaborer occasionnellement lorganisation ou donner un coup de main la ferme. Le rseau qubcois a eu ses cinq ans bien sonns au cours de lt 2000. Actuellement il inclut plus de 50 fermes et il approvisionne 5400 personnes en produits certifis biologiques. Source : Equiterre, rapport annuel 2000

    2. Alliances rurales au Sud et au Nord Producteurs et consommateurs ont plus que jamais un besoin vital de pouvoir apprhender le

    fonctionnement du systme commercial international. Linformation et lchange sont ici indispensables. Le dveloppement des technologies de linformation et de la communication, mme si les infrastructures sont ingalement rparties, a permis des groupes de producteurs du Nord et du Sud de suivre en direct les cours internationaux des matires premires, et ainsi dviter certaines manipulations, et daffiner leurs stratgies commerciales. Ces groupes ont aussi besoin dchanger leurs expriences et des informations entre eux. Ils cherchent savoir comment dautres ont pu surmonter certaines difficults, quelles sont les articulations ncessaires entre les fonctions de production, de commercialisation, de crdit, etc. En milieu rural, cette information circule souvent loccasion de visites, dchanges et de dmonstrations de terrain. En Amrique Latine et dans les Carabes, le rseau de campesino a campesino a dvelopp une mthodologie exemplaire pour lchange dexpriences et la formation, base sur le volontariat et la participation des seuls paysans. Ces alliances favorisent souvent des dynamiques larges dans la socit civile de leur pays, en rapprochant consommateurs, producteurs, techniciens, voire centres de recherche. Les pays africains ou asiatiques ne sont pas en reste, avec des initiatives comme Afrique Verte, par exemple.

    Au Nord , des structures de formation et dchange dexpriences existent depuis plusieurs

    dcennies, comme les Maisons Familiales Rurales en France. LAgriculture Soutenue par la Communaut, les Jardins de Cocagne et dautres formes dconomie solidaire favorisent la solidarit, le dialogue et la circulation de linformation entre producteurs et consommateurs. Au Sud, des groupes de producteurs ont galement pris linitiative dalliances et de coalitions internationales. En Amrique latine des rseaux internationaux de producteurs se sont constitus depuis plusieurs annes dj, par exemple le Rseau Latino-Amricain de Commercialisation Communautaire, fond en 1991 sur la base dun rseau national en quateur. Les producteurs de caf ont galement leur coordination continentale. Le Rseau Latino Amricain de Commercialisation Communautaire une concertation continentale Le RELACC a t cr en 1991 au cours dune rencontre continentale convoque par MCCH, un mouvement qui promeut depuis 1985 la commercialisation directe entre petits producteurs et populations priphriques de Quito (quateur), comme proposition dun large rseau dorganisations paysannes et urbaines marginalises et dmunies de ressources. Le rseau lutte pour une socit plus juste par la commercialisation communautaire. Il facilite lchange dexpriences et dinformations entre organisations membres et leur renforcement institutionnel, notamment par la formation. Il existe actuellement des coordinations nationales de RELACC dans tous les pays dAmrique centrale, au Mexique, dans les Carabes, dans les pays andins et aux Brsil. Depuis sa cration RELACC a organis dautres rencontres continentales qui ont permis de renforcer ce rseau et danalyser les avances, les difficults et les faiblesses des organisations membres dans diffrents pays dAmrique latine.

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  • Des coalitions internationales regroupant des agriculteurs du Nord et du Sud se sont formes partir du constat que les uns et les autres sont finalement victimes du mme systme. Elles sefforcent de dgager des alternatives et des propositions diffrentes chelles. Depuis 1990, la Coalition Rurale regroupe des organisations de petits producteurs et de salaris agricoles des tats-Unis, du Mexique, et bientt du Canada. Plus rcemment, la Via Campesina sest constitue comme une coalition internationale dorganisations paysannes du Nord et du Sud, de salaris agricoles, de femmes rurales et de communauts indignes, et revendique une cinquantaine de millions daffilis. Une coalition bi-nationale dorganisations de petits paysans et douvriers agricoles La Coalition Rurale est une alliance de plus de 90 organisations de petits paysans ou de salaris agricoles des tats-Unis dAmrique et du Mexique, trs diverses culturellement et gographiquement, qui se sont runies pour promouvoir un dveloppement communautaire quitable et durable dans les zones rurales. Ne du regroupement de 22 organisations aux tats-Unis en 1978, la Coalition Rurale compte actuellement environ 75 organisations dafro-amricains, de blancs pauvres, de paysans et dindignes et, depuis 1990, 13 organisations de petits producteurs ruraux du Mexique. En rponse aux projets de zones de libre-change, les organisations de la Coalition Rurale du Mexique et des tats-Unis ont sign en 1992 (deux ans avant lentre en vigueur de lAccord de Libre change Nord- Amricain) un Trait de Libre Commerce Alternatif, avec lobjectif de crer un espace alternatif de libre-change de village village pour commercialiser des fruits et lgumes, du caf, des grains, de lartisanat et dautres produits pouvant bnficier aux communauts. La Coalition Rurale cherche construire un systme alimentaire plus quitable et durable, par un meilleur retour aux producteurs et leurs communauts de la valeur de leurs produits, la protection de l'environnement, la garantie de conditions quitables de travail et de meilleurs salaires pour les salaris agricoles, et d'aliments sains et surs pour les consommateurs.

    Les organisations de commerce quitable, qui oeuvrent principalement dans une dimension Nord / Sud ont tard favoriser les changes Sud-Sud. Les agences de certification se contentent gnralement de consulter les producteurs sur une base sectorielle. En 1995, EFTA encourageait pour la premire fois un partage dexpriences entre 24 producteurs africains et 19 reprsentants dorganisations du commerce quitable au Nord. En septembre 2001, lors du Forum Mondial du Commerce quitable, le mouvement du commerce quitable au Nord encourageait pour la premire fois un large dialogue inter-sectoriel entre producteurs, et FLO, lorganisateur de ce forum, incorporait 8 reprsentants de producteurs dans son conseil dadministration.

    3. Des synergies entre agriculture biologique et commerce quitable

    Lagriculture biologique et le commerce quitable se sont dvelopps comme deux mouvements

    indpendants, mais qui partagent des objectifs complmentaires. Les pratiques qui ont t dveloppes par un des mouvements ont souvent inspir lautre. Plusieurs exemples montrent quil est possible de pousser plus loin les relations et les synergies entre eux, notamment dans les domaines de la certification, de la relation au consommateur et de la distribution.

    Les mthodes de certification des produits du commerce quitable et de lagriculture biologique

    partagent certaines similarits. La labellisation de produits du commerce quitable sest inspire de celle, plus ancienne, des produits de lagriculture biologique. Il existe cependant deux diffrences essentielles entre ces deux types de certifications :

    1/ La certification de produits du commerce quitable repose sur une relation de partenariat avec les

    producteurs ou structures engages dans la production, tandis que la production biologique repose sur un ensemble de normes ;

    2/ Le cot de la certification biologique est assum par le(s) producteur(s), celle du commerce quitable par le consommateur ou limportateur, en aval de la chane.

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  • Les agences de certification ont compris rcemment quune synergie entre leurs activits pouvait

    prsenter des avantages mutuels : les organisations de producteurs et de commerce quitable pourront dmontrer que leurs produits sont de qualit, et sont souvent produits selon les mthodes de lagriculture biologique ; tandis que cette dernire ne peut plus ignorer les conditions sociales de production. Dans une conception intgrale de la durabilit, le commerce quitable et lagriculture biologique apparaissent comme largement complmentaires, se renforant souvent mutuellement. Mais lindpendance actuelle des deux chanes de certification signifie que les producteurs qui veulent bnficier des deux certifications pour leur produit doivent subir deux processus dinspection et de certification.

    A la fin des annes 1990, des organisations coordonnant la certification de produits du commerce

    quitable (Fair Trade Labelling Organizations FLO), la certification biologique (IFOAM) et accessoirement de produits forestiers (SmartWood), ont voulu rpondre ce dfi en menant une rflexion base sur une exprience pilote. Elles ont dabord valu les possibilits dun protocole de certification conjointe, qui permette dviter au maximum les doublons dans ces diffrents processus de certification. Lexprience pilote concluait en la possibilit de faire confiance en celle des agences qui avaient les critres les plus prcis dans un domaine donn.3 Le dialogue sest largi, et ces organisations ont constitu ISEAL, une Alliance Internationale pour lAccrditation et la Certification Sociale et Environnementale (International Social and Environmental Accreditation and Labelling Alliance), dont les objectifs tmoignent de la monte des proccupations sociales au sein du mouvement de lagriculture biologique.

    Lambigut et les dangers possibles dune certification environnementale ne prenant pas suffisamment

    en compte les aspects sociaux peut tre illustre par le cas de certains organismes de certification apparus rcemment dans des domaines importants pour lenvironnement: exploitations forestires (Forest Stewardship Council), pche et aquaculture (Marine Stewardship Council). Ces organismes, qui visent attribuer un label de bonne gestion de ressources naturelles, orientent leur activit vers une conception du dveloppement durable qui souvent ne correspond pas aux modes de production des petits producteurs ou pcheurs artisanaux, dont lactivit est cependant bien plus durable que celle des producteurs industriels. Lindpendance du MSC par rapport certaines grandes entreprises du secteur a t remise en cause. La coopration entre organismes de certification biologique ou environnementaux et agences de commerce quitable doit donc viter le pige dune coopration purement technique et inclure pleinement les petits producteurs dans le processus menant au partenariat entre ces deux versants du dveloppement durable.

    Des synergies existent aussi dans la distribution des produits biologiques ou du commerce quitable.

    Les produits biologiques bnficient dun march et dune exprience commerciale plus importants que ceux du commerce quitable. Des systmes de distribution, bass sur lorganisation en rseau de points de vente de taille modeste, ont t mis en place pour ces produits dans de nombreux pays, souvent bass sur des principes similaires ceux du commerce quitable : partenariat et solidarit avec les producteurs, transparence, etc. Ces rseaux devraient tre des points dappui pour llargissement et la diversification des formes de distribution des produits du commerce quitable.

    3 Concrtement, FLO pourrait se charger du suivi administratif, des aspects sociaux et dorganisation des coopratives, tandis que les agences appartenant IFOAM contrleraient les mthodes de production.

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  • 4. Des structures de certification au Sud

    Les agences de certification biologique et de commerce quitable reconnues sur le plan international sont situes dans les pays du Nord, principalement aux tats-Unis et en Europe. Cela signifie que les cots de certification sont gnralement plus importants pour des produits du Sud que pour les produits du Nord, alors que les revenus issus aux producteurs sont souvent moindres. Il est facile de comprendre que cette situation reprsentait des entraves au dveloppement tant de marchs biologiques que de marchs quitables dans les pays du Sud, puisquun produit devait tre certifi par une agence du Nord avant de recevoir au Sud un label de garantie.

    Les producteurs de lagriculture biologique de pays du Sud, des universits et des techniciens engags

    dans ce secteur ont t les premiers prendre conscience et ragir cette situation, sans doute parce que le potentiel commercial de lagriculture biologique est devenu vident plusieurs dcennies avant celui du commerce quitable, et parce que les producteurs biologiques ne sont pas tous des petits producteurs, y compris au Sud, mais souvent des producteurs de taille moyenne ou grande. La plupart des pays dAmrique latine ont maintenant leur agence de certification biologique, et celles-ci ont obtenu la reconnaissance ou pass des accords avec des agences du Nord, dites agences internationales . Ceci a permis une rduction considrable des cots de la certification biologique dans ces pays, ce qui profite aussi des groupes de producteurs marginaliss.

    Dans le domaine du commerce quitable, la constitution dagences nationales est beaucoup plus lente et

    rcente, parce que le commerce quitable a longtemps t considr uniquement comme un commerce Nord-Sud par ses acteurs. Certains groupes de producteurs du Sud se sentent en outre exclus de tout processus de certification. Ils font remarquer que lorsque la production est destine au march rgional, ou mme parfois national, la proximit aide crer la confiance entre producteurs et consommateurs, sans quune organisation intermdiaire savre ncessaire. Cest ainsi que des groupes de producteurs brsiliens ont constitu des Cercles dans lesquels les producteurs se certifient mutuellement. Ce principe de certification mutuelle est galement appliqu par des rseaux internationaux dagriculteurs biologiques. Il sagit dune socialisation de la confiance, un peu comme dans le cas des groupes de micro-crdit.

    La labellisation et la mise en place de circuits courts apparaissent cependant davantage complmentaires

    que contradictoires. La distance et le manque dinformation spontane dans les chanes de commercialisation de masse rendent ncessaires des systmes de certification indpendants. De nombreux groupes de petits producteurs ont pris conscience de la ncessit de dvelopper un march de produits quitables national dans leur propre pays, dfi auquel la mise en place de labels nationaux semble apporter une solution. Les organisations de petits producteurs du Mexique ont t les premires au Sud franchir le pas et crer le label mexicain de commerce quitable, reconnu par FLO, lorganisation internationale de coordination des labels de commerce quitable.

    Le label mexicain de commerce quitable Au Mexique, comme dans dautres pays en dveloppement, les prix bas sur le march intrieur font que

    la plus grande partie de la production est exporte. Le commerce quitable en direction du Nord ne rpond que partiellement ce problme. Des organisations de petits producteurs se sont regroupes dans le but dobtenir que des relations commerciales plus quitables soient mises en place aussi sur le march intrieur, et pour faire connatre leurs produits auprs des consommateurs, des prix accessibles. La mise en place de critres pour le march national se fait selon les mthodes du commerce quitable international (comits par produits, registres de producteurs), les conditions pour les producteurs sont : un prix garanti et une prime pour le dveloppement communautaire durable ; leurs produits doivent rpondre non seulement des normes sociales, mais aussi des normes de qualit qui incluent la protection de lenvironnement et de la sant du consommateur.

    Pour garantir lindpendance du label, linstance dattribution du label de commerce quitable est ici compose dorganisations de la socit civile, tandis que lassociation promouvant le commerce quitable regroupe des organisations de producteurs. Linspection et la certification sont par ailleurs prises en charge par lagence CERTIMEX, spcialiste de la certification des produits de lagriculture biologique au Mexique.

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  • 5. Des mthodes de certification adaptes La plupart des produits du commerce quitable sont des produits simples dans lesquels entrent une ou

    deux matires premires seulement. La labellisation par produit suppose un contrle vertical de toute la chane de production et de commercialisations qui est trs coteuse. Nous avons voqu la polmique touchant les critres dquit pour le chocolat, mais le commerce quitable risque dtre confront rapidement des cas bien plus complexes. La dmarche des labels pour des produits comme le caf ou le cacao, base sur la dfinition de normes prcises par filire, a une valeur dexemple mais nest sans doute gnralisable qu un nombre limit de produits.

    Le mouvement du commerce quitable apporte depuis longtemps dj son appui des artisans,

    indpendants ou organiss en coopratives, secteur dans lequel il est difficile, voire impossible, de mettre au point des critres gnraux dfinissant une juste rmunration du producteur. Les critres dans ce secteur sont le rsultat dun dialogue et dun partenariat troit entre organisations de commerce quitable et organisations de producteurs, en respectant notamment les principes de transparence de linformation (rmunration et cots tout au long de la chane de production), qui est une base importante de la confiance entre les partenaires. La commercialisation se fait souvent dans des boutiques spcialises.

    Cet antcdent illustre la pluralit des dmarches de commerce quitable. La relation de partenariat et les

    mthodes de suivi exprimentes dans le domaine de lartisanat peuvent-elles tre tendues dautres secteurs ? Comment faire voluer les conditions de production et de distribution pour des produits qui ont dj un march ? Certaines organisations de commerce quitable pensent que lvaluation et le suivi des conditions sociales et environnementales de production dans les secteurs manufacturiers peuvent tre des facteurs dvolution vers de meilleures conditions sociales si le commerce quitable adopte une dmarche volutive plutt que dimposer un ensemble de critres rigides. Les contextes de production de ces produits sont gnralement divers (taille des units, cultures et situations socio-politiques). La prsence dune main duvre salarie, et des secteurs en situation de concurrence imposent le respect de critres gnraux qui puissent sadapter la diversit des situations. Cest pourquoi la mise en place dun label social peut tre accepte et ralise en commun avec les partenaires du Sud, alors que toute tentative dimposer une clause sociale restrictive sera ncessairement vue comme une ingrence dans les affaires intrieures de ces partenaires (entreprises, organisations ou tats), ou comme une forme de protectionnisme dguis.

    Cest avec cette perspective de partenariat que la fondation STEP travaille par filire de production et

    non par produit, en mettant en place des commissions tripartites (socit civile, entreprise et pouvoirs publics) charges de lattribution du label aux entreprises et aux magasins qui sont partenaires de la dmarche. Elle opre principalement dans la certification de tapis dOrient, mais la mthode quelle a dveloppe pourrait aisment tre applique dautres filires.

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  • Le cas du tapis dOrient fait main : la mthode STEP

    Sil est assez facile de contrler les conditions de production des produits primaires, des secteurs comme le textile font appel des acteurs se situant diffrents niveaux : production de coton, levage de moutons, confection, tissage. Toute la chane doit-elle tre quitable pour que le produit au bout puisse tre qualifi comme tel ? Pour la fondation STEP, prsente en Suisse, en France et dans des pays producteurs, il faut ici viter le pige du tout ou rien . Il est plus efficace pour atteindre les objectifs du commerce quitable de runir tous les acteurs concerns et de mesurer leur volont entreprendre un commerce quitable que de travailler lintgration verticale par produit. Loriginalit est donc de labelliser le commerant pour signaler son engagement dans la dmarche. Ce dernier est ensuite, comme le producteur, accompagn vers le commerce quitable en tenant compte du contexte conomique, de la situation locale et surtout des besoins des populations. Des commissions tripartites (socit civile, entreprise et pouvoirs publics) sont charges de lattribution du label.

    Cette distinction des rles et des responsabilits, et limplication des acteurs locaux, permet dadapter les critres du commerce quitable aux diffrentes cultures et aux contextes locaux. Parmi ces critres, STEP distingue les critres impratifs relevant des droits fondamentaux des tres humains (interdiction du travail forc, par exemple) des critres de progrs qui sont la condition dun dveloppement durable par la mise en place dactions visant lamlioration des conditions sociales et environnementales de production mais galement du cadre de vie de manire globale. La prsence en continu de coordinateurs nationaux dans les pays de production, en contact avec dautres organisations de la socit civile permet un recueil dinformations qui facilitent la vrification des critres. Il ne sagit pas dun audit ponctuel, souvent intrusif, mais dun accompagnement au dveloppement partir dune connaissance relle du contexte local.

    La mthode de vrification des critres et du travail sur le terrain de STEP a t baptise MVD (monitoring / vrification / dveloppement), une mthode qui nexclut pas les producteurs qui ne pourraient pas rpondre demble aux critres du commerce quitable, et qui opre un cot abordable pour toutes les tailles dentreprise .

    6. Le commerce quitable peut-il stendre aux services ? Le cas du tourisme.

    Le tourisme est le deuxime secteur conomique pour les pays du Sud aprs le ptrole. Une prise de conscience par les voyageurs des conditions inquitables dans lesquelles sexerce gnralement cette activit (salaires trs bas du personnel local dans lhtellerie, la restauration, lanimation, voire les transports, importation de produits et de services du Nord pour offrir un service standardis au Sud) reprsente un enjeu considrable pour les populations qui souffrent de ces conditions. Des synergies sont envisageables entre commerce quitable de produits artisanaux ou alimentaires demands par les touristes et tourisme quitable, compris comme un tourisme qui sexerce en partenariat et au bnfice des populations locales.

    Le tourisme reste cependant un secteur complexe et aux frontires difficiles saisir. Mais plusieurs initiatives visent dvelopper la responsabilit du touriste, en faire un acteur responsable des transactions et des changes quimplique cette activit. On parle de tourisme responsable, de tourisme solidaire ou de tourisme quitable sans que la distinction soit encore trs claire. Selon lassociation Transverses, lobjectif du tourisme quitable est de mettre au maximum les apports du tourisme au bnfice des habitants des destinations locales, par des partenariats bnfiques et quitables pour ceux qui participent lactivit touristique nationale et internationale dans le pays daccueil. Le tourisme quitable peut tre vu comme un des domaines du commerce quitable, ouvrant la voie llaboration de critres pour dautres secteurs de services. Il fait lobjet dun autre cahier de propositions dans cette collection.

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  • 7. Des programmes dducation aux changes Nord / Sud

    Le paradoxe de la prise de conscience du citoyen-consommateur veut que le mouvement du commerce quitable ait commenc sinterroger sur les conditions de vie des producteurs du Sud avant de sinterroger sur celles des productions nationales. Le dveloppement de filires Nord / Sud de commerce quitable est un acquis important de ce mouvement, qui a permis de rendre un peu moins injuste une partie de la production et de la commercialisation du caf, du cacao, de la banane, etc. Il est loccasion aussi dexpliquer au citoyen du Nord la complexit et la structure actuelles des changes internationaux. Les petits djeuners quitables organiss par diffrents acteurs semblent ainsi dexcellents programmes dducation au commerce quitable. Les organisations de commerce quitable et les organisations gouvernementales ou non qui ont dans leur mission l ducation au dveloppement ont mis au point ou utilisent des jeux ducatifs lusage des jeunes, des militants ou des volontaires de la coopration qui permettent de mieux comprendre ces enjeux : Route du caf, Jeu de la banane, etc.

    Ces exemples montrent que le mouvement du commerce quitable ne limite pas ses objectifs aux

    oprations commerciales. Il repose largement sur une base militante, dont le travail dinformation et dducation au consommateur ne se justifie pas uniquement par la recherche de laugmentation des parts de march pour le commerce quitable. Le message du mouvement sadresse au consommateur et lamne sinterroger sur lensemble des produits consomms et de leurs conditions de production. Il sadresse aussi aux politiques, quil tente dinfluencer pour ladoption de politiques plus favorables un commerce qui respecte la dignit humaine et lenvironnement. La Fdration Europenne du Commerce quitable, qui coordonne au niveau europen, les principales centrales dachat europennes du commerce quitable, a ouvert il y a quelques annes un bureau de campagne et de lobby Bruxelles. Certaines avances ont dailleurs t obtenues au niveau europen. Toujours cette chelle, une coalition dorganisations mne depuis 1990 la campagne Clean Clothes cherchant responsabiliser les importateurs et les consommateurs sur les conditions de travail des travailleurs de lindustrie textile dexportation dans les pays en dveloppement.

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  • Vers un nouveau paradigme pour le commerce quitable

    Pour garder son pouvoir transformateur, le commerce quitable doit tre conu non seulement comme un partenariat commercial qui vise au dveloppement durable pour des producteurs exclus et dsavantags 4, mais aussi comme un ensemble de pratiques qui sinscrivent dans une conception des changes rompant avec le paradigme conomique et la vision du dveloppement dominants. Le commerce quitable peut tre dfini comme un ensemble de pratiques socio-conomiques

    qui permettent de dvelopper de nouvelles formes dchanges et de solidarit diffrentes chelles, qui contribuent un dveloppement durable et quitable des territoires et de leurs habitants. Ces pratiques vont dans le sens de lintgration des cots sociaux et environnementaux dans le prix des produits changs.

    Le commerce quitable refuse la division internationale du travail et la conception du

    dveloppement qui fait des pays dits du Sud uniquement des producteurs de matires premires et de produits agricoles destins lexportation vers les pays riches, et des pays du Nord les principaux producteurs industriels, et marchs pour la consommation de masse, y compris dans le domaine agricole. Le commerce quitable cherche utiliser les principes, normes et critres quil a dvelopps comme levier pour faire voluer les pratiques et les rgles du commerce vers plus dquit.

    Le partenariat est la base et la condition dchanges quitables. Il implique la confiance, la

    transparence de linformation, lquit et la dure dans la relation. Le contenu du commerce quitable est non seulement conomique et cologique, mais aussi social, politique et culturel.

    Le commerce quitable repose sur une re-socialisation de lacte ma