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La Nuit RwaNdaise N°3 1 Jacques Morel Des commandos d’élite français, prisonniers du FPr ! Après Bisesero où les officiers français, ayant voulu considérer que les malheureux survivants tutsi étaient des rebelles infiltrés, sont pris en flagrant délit de complicité avec les tueurs hutu, le commande- ment de Turquoise, obligé d’admettre – et se gardant de l’ébruiter – qu’il n’y avait pas d’offensive du FPR vers Kibuye, réalise soudain que celui-ci est en train d’investir Butare. Il déclenche une opération vers cette ville. Comme d’habitude, l’objectif déclaré aux médias est de sauver des orphelins, des prêtres et des chères sœurs. L’objectif réel est de contenir l’offensive du FPR pour maintenir à Butare l’ar- mée gouvernementale, l’administration et, bien sûr, les milices, donc d’inclure la région de Butare dans la zone Turquoise. Il est aussi de reconnaître la route vers Gitarama et Kigali. Mais les troupes d’élite françaises vont avoir une mauvaise surprise. Une dizaine de soldats du 1er RPIMa tombent dans une embuscade et sont faits prisonniers par l’APR. Ils seront libérés après une négociation où les objectifs – non avoués – de Turquoise devront être rabaissés. Les troupes du FPR sont en train d’investir Butare et Kigali mais Ruhengeri, Gisenyi devront être aussi abandonnées et l’opération Turquoise confinée dans un réduit au sud-ouest. 1. Les missions de reconnaissance à Butare L’arrivée officielle des militaires français à Butare, pour une incursion de quelques heures se fait le 1er juillet, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y sont pas venus avant, l’armée française ne faisant pas, bien sûr, la publicité de toutes ses opérations. Le 27 juin, les Français arrivent officiellement à Gikongoro 1 . Michel Peyrard, journaliste à Paris-Match, quitte Cyangugu le

Commandos d’élite français, prisonniers du FPR

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Jacques Morel Des commandos d’élite français, prisonniers du FPR ! Après Bisesero où les officiers français, ayant voulu considérer que les malheureux survivants tutsi étaient des rebelles infiltrés, sont pris en flagrant délit de complicité avec les tueurs hutu, le commandement de Turquoise, obligé d’admettre – et se gardant de l’ébruiter – qu’il n’y avait pas d’offensive du FPR vers Kibuye, réalise soudain que celui-ci est en train d’investir Butare. Il déclenche une opération vers cette ville. Comme d’habitude, l’objectif déclaré aux médias est de sauver des orphelins, des prêtres et des chères sœurs. L’objectif réel est de contenir l’offensive du FPR pour maintenir à Butare l’armée gouvernementale, l’administration et, bien sûr, les milices, donc d’inclure la région de Butare dans la zone Turquoise. Il est aussi de reconnaître la route vers Gitarama et Kigali. Mais les troupes d’élite françaises vont avoir une mauvaise surprise. Une dizaine de soldats du 1er RPIMa tombent dans une embuscade et sont faits prisonniers par l’APR. Ils seront libérés après une négociation où les objectifs – non avoués – de Turquoise devront être rabaissés. Les troupes du FPR sont en train d’investir Butare et Kigali mais Ruhengeri, Gisenyi devront être aussi abandonnées et l’opération Turquoise confinée dans un réduit au sud-ouest.

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La Nuit RwaNdaise N°3 1

Jacques Morel

Des commandos d’élite français,

prisonniers du FPr !

Après Bisesero où les officiers français, ayant voulu considérer queles malheureux survivants tutsi étaient des rebelles infiltrés, sont prisen flagrant délit de complicité avec les tueurs hutu, le commande-ment de Turquoise, obligé d’admettre – et se gardant de l’ébruiter –qu’il n’y avait pas d’offensive du FPR vers Kibuye, réalise soudainque celui-ci est en train d’investir Butare. Il déclenche une opérationvers cette ville. Comme d’habitude, l’objectif déclaré aux médias estde sauver des orphelins, des prêtres et des chères sœurs. L’objectifréel est de contenir l’offensive du FPR pour maintenir à Butare l’ar-mée gouvernementale, l’administration et, bien sûr, les milices, doncd’inclure la région de Butare dans la zone Turquoise. Il est aussi dereconnaître la route vers Gitarama et Kigali. Mais les troupes d’élitefrançaises vont avoir une mauvaise surprise. Une dizaine de soldatsdu 1er RPIMa tombent dans une embuscade et sont faits prisonnierspar l’APR. Ils seront libérés après une négociation où les objectifs –non avoués – de Turquoise devront être rabaissés. Les troupes duFPR sont en train d’investir Butare et Kigali mais Ruhengeri, Gisenyidevront être aussi abandonnées et l’opération Turquoise confinéedans un réduit au sud-ouest.

1. Les missions de reconnaissance à Butare

L’arrivée officielle des militaires français à Butare, pour une incursionde quelques heures se fait le 1er juillet, mais cela ne veut pas dire qu’il n’ysont pas venus avant, l’armée française ne faisant pas, bien sûr, la publicitéde toutes ses opérations. Le 27 juin, les Français arrivent officiellement àGikongoro1. Michel Peyrard, journaliste à Paris-Match, quitte Cyangugu le

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24 juin en compagnie d’une patrouille commandée par deux lieutenants-colonels :

Le lendemain [24 juin], à l’aube, sur les indications de Priscille, nous décou-vrons, en compagnie d’une patrouille commandée par les lieutenants-colo-nels Collin et Jacque, douze sœurs de l’ordre de saint-François réfugiées dansun couvent, à une douzaine de kilomètres du camp [de Nyarushishi]. […] La guerre. elle est là, toute proche, 80 kilomètres tout au plus. Montant versle front, nous dépassons des bataillons frais composés de toutes jeunesrecrues qui se dirigent à pied vers la zone des combats.Butare, la fringante préfecture du sud, s’est transformée en ville de garnison.atmosphère de débâcle. des soldats épuisés remontent à contrecœur vers despositions abandonnées, à bord de Jeeps souillées de sang et de boue. a la ter-rasse de l’hôtel ibis, le colonel Munyengango commandant le secteur, éclusequelques bières en compagnie d’officiers désœuvrés. Le directeur de la sûretéextérieure de l’État qui se flatte d’avoir rencontré en novembre dernier àParis son homologue de la dgse ne se fait plus d’illusions : « Nous perdons duterrain. Je ne peux pas vous le cacher. Frappés par l’embargo, nous sommes à court demunitions. Nous ne pouvons pas contre-attaquer. Nous ne cessons de reculer. Maisnous ne nous battons pas seulement contre le FPr, nous sommes en guerre contrel’Ouganda, et l’armée ougandaise est puissante. » incorrigible, le patron des ser-vices secrets rwandais n’entrevoit qu’une seule issue. « Si, par le plus grandhasard, Museweni, le président ougandais, disparaissait politiquement ou physique-ment, alors la guerre s’éteindrait d’elle-même.2»

Ces deux lieutenants-colonels Collin et Jacque viennent du camp deNyarushishi. ils sont donc du 1er RPiMa3. Nous apprenons plus loin que lelieutenant-colonel Collin s’appelle en réalité Hervé Charpentier, il est l’ad-joint du colonel tauzin alias thibaut, et nous présumons fort que le lieute-nant-colonel Jacque s’appelle Étienne Joubert, officier de renseignementdu 1er RPiMa. ils visitent une paroisse où a eu lieu un massacre puis par-tent vers Butare à 80 km de là. il est donc fort possible que Peyrard et legroupe de reconnaissance commandé par les lieutenants-colonelsCharpentier et Joubert soient arrivés à Butare le soir du 24 juin, sinon le25. ils prennent contact avec l’état-major des FaR qui se trouve à l’hôtelibis. Le préfet alphonse Nteziryayo y est installé, ainsi que le président desinterahamwe, Robert Kajuga4, ils y rencontrent le colonel Munyengango,commandant le secteur5 et le directeur de la sûreté extérieure de l’État quiserait, sauf erreur, le lieutenant-colonel Laurent Rutayisire6.

L’autre reportage à Butare, publié par stephen smith dans Libération le28 juin, relate des faits qui datent des 26 et 27 juin7. smith ne parle pas demilitaires français, mais en général les journalistes suivent ces derniers8.

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Nous concluons de ces deux reportages qu’il y a eu des reconnaissances demilitaires français de l’opération turquoise à Butare au plus tôt le 24 juinau soir et au plus tard le 26 au soir.

Ceci n’exclut pas la présence d’autres militaires français. en particuliernous savons qu’alain Bossac, ancien mécanicien de l’armée de l’air quitenait un garage automobile à Butare et qui a organisé comme « consul» ledépart des ressortissants français début avril9 est resté pendant tout le géno-cide et n’a été évacué qu’à la veille de la prise de Butare par le FPR10. il fai-sait fort probablement du renseignement. tenu compte de ce qui s’est passéà Butare, le fait que l’armée française – ou un service secret français – dis-posait d’un agent de renseignement à Butare n’est pas anodin. alors que,du 7 au 15 avril, la vague de massacres se déploie dans tout le pays, saufdans le nord-est où le FPR progresse, la région de Butare reste à l’abrijusqu’au 19 avril quand le préfet de Butare est destitué par le président inté-rimaire théodore sindikubwabo. Les tutsi, nombreux dans la région, fai-sant confiance à leur préfet, n’avaient pas fui au Burundi. Ce fut alors uncarnage. Malheureusement pour la France, il y a des preuves du soutien quele président de la République, François Mitterrand, a apporté à théodoresindikubwabo, le président intérimaire qui a déclenché ces massacres11 etdes indices de présence de Français qui se battaient au côté des FaR à lami-mai dans la région de Butare.12

2. L’arrivée des Français à Butaresous Les vivas des assassins

alors qu’ils déclarent vouloir éviter toute confrontation, les Françaisarrivent à Butare au moment où le FPR est en passe d’investir la ville.N’était-ce pas pour tenter de l’en empêcher ? Le Premier ministre, edouardBalladur qui passait jusqu’alors pour être opposé à toute action « au cœurmême du territoire du rwanda »13, donne son accord à la demande du minis-tre de la défense, François Léotard, et du représentant d’alain Juppé. ilautorise le 30 juin à 19 heures « une opération de sauvetage d’une quarantainede religieuses à Butare, principale ville du Sud du rwanda, à la demande de mon-seigneur Lustiger. »14 Ces religieuses étaient-elles particulièrement exposées ?L’opération turquoise prendrait-elle de plus en plus l’aspect d’une croisadedirigée par le Vatican ? Bernard Lugan fournit d’autres justifications. desoNG auraient demandé à l’armée française d’intervenir à Butare en raisond’un état d’urgence humanitaire. Le général Lafourcade, qui paraît avoir àpartir de ce moment-là autorité sur le Cos, explique à Bernard Lugan :

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« Nous disposons de peu de moyens, nous sommes loin de nos bases, néanmoins, à lademande insistante d’ONG je décide de déclencher sur Butare une opération risquéed’évacuation de type “va-et-vient”. » 15

Le colonel Rosier demande au général Lafourcade l’autorisation d’y faireune reconnaissance et d’y installer l’eMMiR. L’installation de l’eMMiRdans ces conditions paraît incongrue.16 et qu’est-ce que MonseigneurLustiger a à faire avec l’eMMiR ? Le, ou plutôt les prétextes humanitairessont utilisés dans cette opération au-delà du vraisemblable.

Vendredi 1er juillet 1994, précédé d’un élément motorisé des Cos, unavion C-160 atterrit en fin d’après-midi à Butare. il est suivi d’hélicoptères.Le transall (C-160) du Cos fait un « poser d’assaut à Butare avec des com-mandos de marine à bord », écrit Éric Micheletti.17

Bernard Lugan, informé par l’état-major, révèle que les commandos del’air du lieutenant-colonel duval, précédemment à Kibuye, participent àl’opération :

Le 1er juillet le détachement tauzin fait mouvement par voie routière. duval18

est héliporté sur la « Plaine » , prairie servant d’« aérodrome » à l’entrée nordde Butare, afin de la sécuriser. Bientôt le transall qui transporte les médecinsde l’eMMiR y atterrit. La situation est tendue en ville où les massacres desjours précédents ont été intenses. À la périphérie l’aPR19 commence l’encer-clement de la cité.20

alors que le FPR se trouve à 16 km de Butare, le préfet de Butare, le lieu-tenant-colonel alphonse Nteziryayo, organise l’accueil des Français. Lesvéhicules officiels, les camions militaires et les barrières gardées par lesmilices hutu arborent tous des drapeaux français et des pancartes “Vive laFrance”21. il appelle les Français à venir pour stopper l’avance du FPR. LesFrançais doivent venir ici pour convaincre le FPR d’arrêter son avance quirepousse devant lui les civils, déclare le préfet de Butare. il ajoute que le FPRutilise des civils comme bouclier humain. « Si nous nous défendons contre leFPr, nous devons tirer sur des civils que les troupes du FPr poussent devant elles ».22

3. L’accrochage du 1er juiLLet

La reconnaissance « humanitaire » sur Butare va tourner court. Le rap-port du colonel Rosier confirme les détails précédents et évoque un repliprécipité après un « contact » avec le FPR :

L’implantation de l’eMMiR ne convenant pas à cet endroit [Gikongoro], unereconnaissance vers ButaRe était décidée pour le premier juillet. Précédépar un élément motorisé qui était chargé de faire le bilan des personnes à éva-cuer, le C160 Cos atterrissait en fin d’après-midi sur cette petite plate-forme

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avec quelques médecins de l’eMMiR. Le dispositif était ultérieurement ren-forcé d’un élément héliporté, l’ensemble de l’opération ayant été déclenchéeaprès une reconnaissance à vue par HM. Le contact rapidement pris avec leFPR empêchait d’extraire des religieux retenus à saVe. des religieuses deButaRe étaient évacuées le soir même par C160 alors que le reste du dis-positif décrochait dans la nuit.23

Nous n’en saurons pas plus sur la nature de ce contact. il dût être rude.Mais justifié par le saint objectif d’extraire des religieux, il sera inscrit aumartyrologue chrétien. alors que les Français prévoyaient sans doute de res-ter à Butare, l’opération, qui avait tout d’un caractère offensif, avec « poséd’assaut », se transforme brutalement en opération d’évacuation de reli-gieuses. La France retrouve là, grâce à François Mitterrand et ÉdouardBalladur, son rang de fille aînée de l’Église. Mais probablement le transallau retour n’a-t-il pas transporté que des religieuses ! il a permis quelquesextractions d’urgence, de religieux très spéciaux... Le colonel Bagosoraaurait été ainsi évacué le 2 juillet, si l’on en croit le journaliste sam Kiley24

mais nous n’en avons pas d’autre preuve.25

allison des Forges relate la reconnaissance du 1er juillet mais ne parlepas de cet incident :

Le mercredi 29 juin, le FPR était suffisamment proche de la ville [Butare]pour que le bruit des combats y soit audible. deux jours plus tard, le 1er juil-let, une petite équipe de reconnaissance française entra dans Butare et éva-cua, le matin suivant, un certain nombre de personnes par avion et par héli-coptère. sachant que de nombreux soldats français se trouvaient àGikongoro, soit à une trentaine de kilomètres, les politiciens hutu et les FaRs’accrochaient à l’espoir qu’ils viendraient les secourir. Le préfet Nteziryayodit à un journaliste : « Les Français doivent venir ici pour convaincre le FPr de nepas avancer en poussant les civils devant lui.26 »

andré Guichaoua qui consacre pourtant toute une étude sur le génocideà Butare, ne parle pas de l’arrivée des Français.

4. des cos prisonniers du Fpr

4.1 L’embuscade de save le 1er juillet 1994Le général dallaire retient dans son livre deux incidents entre les

Français et le FPR. un groupe des Cos a été surpris par le FPR à Butareet des militaires français auraient été faits prisonniers. dallaire écrit : « desforces spéciales avaient dû négocier la libération des soldats. » Le FPR les auraitlibérés rapidement :

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deux incidents troublants étaient déjà survenus entre les Français et le FPR.Le FPR avait tendu une embuscade à au moins dix soldats de l’opérationturquoise, qui avaient pénétré loin à l’intérieur de la préfecture de Butare.Personne n’avait été blessé, mais cet incident avait porté atteinte à la fiertédes Français. des forces spéciales avaient dû négocier la libération des sol-dats. Le second incident avait eu lieu sur la route de Kibuye à Gikongoro27.des coups de feu avaient été tirés, et deux soldats français en avaientréchappé grâce à leur gilet pare-balles. Les deux patrouilles s’étaient fait sur-prendre par le FPR et en étaient sorties humiliées. Cela ne dissuada aucune-ment les Français de vouloir appuyer leurs anciens collègues et de remettre leFPR à sa place.28

Ce passage est inclus entre deux événements datés du 26 juin. Commele livre de dallaire suit l’ordre chronologique, nous sommes portés à croireque les deux incidents relatés ici sont du 26 juin.

Le journaliste Philip Gourevitch dans un entretien avec Paul Kagamerelate un autre incident :

Kagame se rappelait un autre incident29, au cours duquel ses hommes avaientarrêté des soldats français. des négociations très tendues s’étaient engagéespar le biais du général dallaire. « Les Français ont menacé d’intervenir avec deshélicoptères et de bombarder nos forces et nos positions. Je leur ai répondu qu’à monavis il valait mieux discuter et résoudre cette affaire pacifiquement, mais que s’ils vou-laient se battre, je n’y voyais aucun inconvénient. » en fin de compte, les Françaissupplièrent qu’on leur rendit leurs hommes et il les laissa partir.30

La date n’étant pas indiquée il pourrait s’agir de l’incident du 15 juillet,au nord de la zone humanitaire, au col de Ndaba ou plus au nord versRambura.

L’existence d’un incident le 1er juillet est attestée par le colonel Rosierqui note dans son rapport que, après que le transall des Cos ait atterri enfin d’après-midi à Butare, « le contact rapidement pris avec le FPr empêchaitd’extraire des religieux retenus à SaVe. » et sans fournir d’explications il ajouteque « le reste du dispositif décrochait dans la nuit ».31

Bernard Lugan relate un incident entre Français et FPR le 1er juillet :

Le soir [du 1er juillet], un prêtre demande que les troupes françaises aillent àsave, grosse mission située à quelques kilomètres au nord de la ville pour enévacuer des religieuses et des enfants.32 Le colonel tauzin envoie alors unepatrouille légère composée de deux jeeps P4 commandée par son adjoint lelieutenant-colonel Charpentier. La nuit est particulièrement noire et les deuxvéhicules suivent la voiture du prêtre quand, avant d’atteindre save, l’aPRouvre le feu sur le véhicule civil. Les consignes étant d’éviter tout contact, ledétachement fait demi-tour. en manœuvrant, une P4 glisse dans le fossé. elle

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en ressort rapidement mais le lieutenant-colonel Charpentier est blessé à lajambe et il devra être évacué.33

Raphaël Kirenga, un interahamwe qui était sentinelle au home icumbi del’évêché de Butare rapporte devant la commission Mucyo :

Le 1/07/1994, le soir vers 17 h 30, j’ai vu encore une fois des militaires fran-çais dans des jeeps à l’hôtel Faucon. Je crois que c’était même un vendredi.Nous avions une barrière devant le motel ineza, à 80 mètres de l’hôtel Faucon.Les soldats du FPR avançaient et combattaient à Mwurire et à save. À causede cet affrontement, il y avait beaucoup de voitures des gens qui fuyaient. Lesmilitaires rwandais avec les interahamwe, moi-même j’étais un interahamweet j’avais quitté notre barrière pour donner du renfort, nous nous sommes misà empêcher la population à fuir. Nous les avions arrêtées à la barrière devantl’hôtel Faucon. Nous étions armés, certains de gourdins, d’autres de lances, etd’autres encore de fusils. entre temps, les militaires français sont arrivés et ontpris leurs positions à côté des arbres le long de la route devant l’hôtel ibis etl’hôtel Faucon, de peur d’être attaqués ou agressés.

Vers 19 h 00, les véhicules arrêtés étaient devenus si nombreux qu’ils arri-vaient jusqu’à l’université nationale du Rwanda. Les militaires ont ouvert labarrière laissant les véhicules passer en prenant la direction de Gikongoro, leseul chemin libre. Les Français, eux, étaient en position de tir sur un seulcôté des deux hôtels, observant ce que nous, soldats rwandais etinterahamwe, faisions pendant plus ou moins 30 minutes sans interveniravant d’aller chez Mgr Gahamanyi. Je suis retourné à la barrière devant lemotel ineza. en fait, c’est nous qui gardions également l’évêché. il y avait àpeu près 40 mètres entre celui-ci et notre barrière, et j’y faisais souvent desrondes. Mis à part les interahamwe, l’évêché était aussi gardé par les mili-taires et d’autres personnes qui étaient chargées de la défense civile quiétaient armées de fusils.

alors que j’étais à la barrière qui descendait à l’hôtel Faucon devant le motelineza, j’ai appris qu’une personne de couleur blanche du nom de MarieHutler avait été arrêtée par des soldats du FPR à save le 1/7/1994 et queMgr Gahamanyi en a informé les soldats français qui avaient décidé d’aller lachercher. C’était autour de 19 h 30, 20 h 00. ils ont pris leurs véhicules, sontpassés par l’hôtel Faucon et ont pris la direction du Groupe scolaire versRwasave. Nous les voyions par cette barrière monter vers save, leurs voituresétaient reconnaissables par leurs phares jaune clair. arrivés au niveau deRwagatoki, les soldats du FPR ont tiré sur eux, ils ont rebroussé le chemin etsont revenus dire à Mgr Gahamanyi qu’il leur a été impossible d’arriver àsave et donc, de ramener Hutler, parce qu’ils n’étaient pas suffisammentarmés pour combattre les inkotanyi. Cette nuit-là, il est venu un grand avionà Butare qui les a embarqués. ils venaient de se rendre compte qu’ils ne pou-vaient pas garder la ville de Butare. ils sont retournés à Gikongoro, mais MgrGahamanyi est resté chez lui.34

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Le témoignage de Raphaël Kirenga semble fiable. Marie Hutler, de natio-nalité allemande travaille à l’évêché de Butare, elle a fait une déposition auparquet de Bruxelles en septembre 199535. Raphaël Kirenga raconte plusloin comment il est parti à Gikongoro le 3 juillet. Là, il dit qu’il a été arrêtéavec trois autres interahamwe au camp de Murambi par les Français qui lesont torturés puis emmenés en hélicoptères et jetés dans la nature. or nousavons des images télévisées d’un tel épisode qui sont passées sur France 2le 4 juillet. Ce témoignage étant admis comme fiable, il lève le doute sur ladate de l’embuscade. il confirme ce que disent Rosier et Lugan. Le but dela reconnaissance, évacuer Marie Hutler ou des religieuses à save, a dû êtreréel mais dans le contexte, le but essentiel était d’aller au contact du FPRen profitant de la nuit, quitte à se faire précéder par un prêtre, assuré d’êtreaccueilli illico en Paradis en cas de grabuge. L’objectif d’aller reconnaître lespositions du FPR est clair. d’une part Kirenga dit « les soldats du FPr avan-çaient et combattaient à Mwurire et à Save », d’autre part le reportage diffusésur France 2 le 2 juillet contient ce dialogue :

[un para français à pied aborde une voiture avec deux militaires rwandais]

Journaliste :Ils s’informent auprès des militaires rwandais.Le Français : – Les combats sont où en ce moment ? Les combats sont où ? Le conducteur : – ils se trouvent entre... à six kilomètres d’ici. Le Français :– à six kilomètres d’ici ? À Save ? Le conducteur :– À Save ? Oui.36

Notons que le témoin ne parle pas de blessés ni de prisonniers. il dit :« ils ont rebroussé le chemin et sont revenus dire à Mgr Gahamanyi qu’il leur a étéimpossible d’arriver à Save et donc, de ramener Hutler, parce qu’ils n’étaient pas suf-fisamment armés pour combattre les Inkotanyi. » L’explication de l’insuffisanced’armement fait sourire. Paris, qui veut éviter les incidents avec l’aPR, faitinterrompre cette reconnaissance qui évacue de Butare dans la nuit, le 2juillet à 1 h 30. Le colonel Rosier raconte :

Je suis à l’extrême limite autorisée, et même au delà. Je replie donc le dispo-sitif dans la nuit, avec une cinquantaine de religieuses dans le transall.37

Le journal Libération confirme la blessure du lieutenant-colonel HervéCharpentier :

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Renseignement pris, son adjoint [du colonel tauzin alias thibaut] auRwanda, le lieutenant-colonel Colin, blessé à la jambe dans un « accident devoiture », s’appelle en fait Hervé Charpentier. Pourquoi ce jeu de cache-cacheidentitaire dans une opération qui, selon le gouvernement, relève de « l’hu-manitaire pur »38 ?

Charpentier aurait été évacué, selon Péan qui mélange plusieurs accrochages :

or, il n’y a jamais eu de véritable affrontement avec le FPR à Gikongoro,mais un simple accrochage le 3 juillet. Le groupe tauzin a été rafalé près deGikongoro, ce qui a provoqué une réplique des hommes de tauzin. il n’y apas eu de morts français, mais un blessé au genou : dans la précipitation, unejeep s’est retournée sur le lieutenant-colonel Charpentier. Le blessé a ététransporté par hélicoptère vers le Zaïre-Congo avant d’être rapatrié àBangui.39

Mel McNulty précise que 18 militaires français ont été faits prisonnierspar le FPR lors de cet accrochage du 1er juillet à Butare :

there are reports that the French and the RPF clashed in early July as theRPF neared Butare. eighteen French soldiers were said to have been takencaptive by the RPF, and after negociations between the RPF and Paris theywere released the following day. there were no publicity.40

Remarquons que les deux P4 dont parle Lugan ne peuvent contenir quehuit personnes. Comme les Français sont prévenus que le FPR n’est pasloin il est fort possible que cette mission comptait d’autres véhicules. Maisil est possible que Mel McNulty fasse la confusion entre cet incident débutjuillet près de Butare avec l’accrochage du 15 juillet où 18 soldats françaissont faits prisonniers par le FPR.

Plus intéressant est ce que rapporte Vénuste Nshimiyimana qui étaitattaché de presse à la MiNuaR. il parle d’une dizaine de prisonniers etsouligne que pour obtenir leur libération, la France dut revoir à la baisseses objectifs :

des sources dignes de foi affirment également que la France avait vouluempêcher les combattants du FPR de prendre Kigali, ce qu’ils ne purent réa-liser, une dizaine de militaires français venant d’être capturés par les rebelles.La libération des otages fut conditionnée par l’abandon des ambitions de laFrance à défendre le régime en place. La France s’est donc repliée dans lazone turquoise et un diplomate a été envoyé auprès de M. Museveni, prési-dent de l’ouganda.41

quelle est la source d’information de Nshimiyimana ? La MiNuaR pro-bablement. en effet, suite à cet incident les Français se sont décidés à reve-nir à Butare mais en négociant un cessez-le-feu via le général dallaire. Celui-

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ci est prévu entre 12 et 18 heures dimanche 3 juillet. il est probable quedallaire a servi aussi d’intermédiaire pour négocier dans un premier tempsla libération des Cos prisonniers, samedi 2 au matin. C’est ensuite quel’envoi d’une mission depuis Paris aurait été décidé. À l’appui de cette thèsele lecteur notera que la relation que font dallaire et Nshimiyimana estproche. Les Français s’étaient avancés loin à l’intérieur de la préfecture deButare. il y a eu plus de dix prisonniers. il y a eu une négociation entre laFrance et le FPR pour les libérer.

4.2 prunier et rufin ont-ils négocié la libération des cos ? Gérard Prunier et Jean-Christophe Rufin, tous les deux conseillers au

ministère de la défense, ont-ils été envoyés auprès de Paul Kagame pournégocier la libération de ces prisonniers ? Ce n’est pas la raison qu’ils ontinvoqué. Mais celle qu’ils invoquent semble peu crédible. Kagame avait-ilbesoin d’un téléphone satellite ? s’il n’avait pas le numéro de téléphone deLafourcade, celui-ci pouvait lui être communiqué via la MiNuaR. Le géné-ral dallaire est allé rencontrer Lafourcade à Goma le 30 juin et ils ontéchangé des officiers de liaison.

Jean-Christophe Rufin, médecin, vice-président de Médecins sans fron-tières de 1991 à 1993 est, en 1986, conseiller du secrétaire d’État aux droitsde l’homme, Claude Malhuret. en 1993, il entre pour deux ans au cabinetde François Léotard, ministre de la défense, comme conseiller spécialisédans la réflexion stratégique sur les relations Nord-sud. il se présentecomme spécialiste des libérations d’otages et ne fait pas mystère de ses rela-tions avec les services secrets. il aurait été envoyé en Bosnie pour obtenir lalibération, le 18 mai 1994, des onze membres de l’oNG Première urgence,pris en otages par les serbes de Bosnie le 8 avril 199442. d’après ses déclara-tions à la CeC, il a été appelé un dimanche, le 3 juillet 1994, et expédié entoute hâte au Rwanda :

Le général Mercier, chef du cabinet militaire du ministre de la défense, m’aappelé – c’était un dimanche. tout s’est mis en place tout seul. Le jour où ily a eu des coups de feu, des échauffourées avec le FPR au moment dudéploiement de turquoise, un certain nombre de gens se sont avisés … Je nepeux pas vous dire qui exactement, parce que je ne sais pas exactement oùs’est prise la décision, mais je sais qui m’en a parlé. C’était donc le généralMercier, qui était sans doute en bout de la chaîne de décision. il m’a dit :“Écoutez, on est très embêtés. Tout le monde est prévenu de cette opération[turquoise], mais en face ils ne le sont pas. donc il faut quelqu’un qui soit capabled’aller là-bas.” Bon, c’est ce que j’ai fait.43

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Jean-Christophe Rufin parle de coups de feu, et d’échauffourées entre lessoldats français et le FPR. il ne dit pas qu’il est allé là-bas négocier une libé-ration de prisonniers. Mais pourquoi donc le général Mercier avoue-t-ilqu’ils sont très embêtés ?

Rufin dit plus loin qu’il était accompagné de Gérard Prunier, bonconnaisseur de l’ouganda et du FPR44. Prunier, lui, écrit que cette rencon-tre avec Kagame avait pour but de lui remettre un « téléphone rouge.»45 ilne parle pas de la présence de Rufin et ce dernier ne parle pas de téléphonerouge mais raconte qu’il a déployé son téléphone satelitte chez Kagame,qu’il a appelé Lafourcade et lui a passé Kagame, ceci précise-t-il, le 4 juillet.Rufin souligne que l’opération devait être secrète : « c’était une opérationdéfense –- Premier ministre. c’étaient les seules administrations, à ma connais-sance, qui étaient au courant de notre mission.46 »

Le jour de la prise de Kigali, j’ai rencontré Kagame, avec qui je me suis toutde suite très bien entendu : il y a eu une espèce de… je ne sais pas, une espècede contact très personnel qui s’est très bien passé. donc là, il y a eu une réu-nion qui a duré 3 heures. il ne comprenait rien à ce qui se passait. il disait [àpropos de la ZHs] : “Qu’est-ce que c’est ? c’est le terrain que vous voulez réserverpour l’ancien régime ? c’est quoi, c’est la zone au-delà de laquelle vous ne voulez pasqu’on aille ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ?” il ne comprenait pas… »47

Kigali est prise le 4 juillet. donc ce 4 juillet, Rufin a négocié pendanttrois heures avec Kagame. Celui-ci s’étonne devant Rufin à propos de l’ar-mement lourd emmené par les Français pour leur opération humanitaire :

Paul Kagame m’a posé des questions : “Mais ils ont un armement très lourd, tousces gars-là ?” J’ai dit : “Oui.” de bonne foi. 48

Rufin doit expliquer à Kagame que tout cet armement lourd est destinéà une opération humanitaire :

Kagame disait : “Pourquoi vous opposez-vous à notre progression puisque nous allonsles libérer ?” Je répondais que notre but n’était pas d’arrêter leur offensive,mais simplement de sécuriser, d’un point de vue humanitaire, une certainezone sans la soustraire à leur autorité. Puisque c’était la consigne qui nousétait donnée. Parce que la consigne, l’idée, n’était pas de faire de cette zoneune enclave de statut politique spécifique. L’idée, c’était : “Vous pouvez y venir,mais on entre pour protéger les gens qui sont dedans.” C’était ça la logique.49

Rufin se targue d’avoir fait baisser la tension, d’avoir fait causer entre eux,par son téléphone satellite « deux personnes qui auraient pu être des belligérants » :

Je suis venu voir Kagame. Je lui ai demandé de discuter de tout ça. Je lui aidemandé si je pouvais déployer une antenne pour appeler les gens de

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turquoise. et j’ai appelé le général Lafourcade depuis la cour de Kagame.tous ceux qui ont voulu me donner des leçons dans cette salle devraient sedire que, à mon niveau, j’ai fait ce que j’ai pu. et j’ai fait certainement beau-coup pour faire baisser une certaine forme de tension. tout à coup, il y a euun lien entre ce que nous faisions et des gens qui étaient en face. des gensqui étaient tenus, d’une certaine manière, à l’écart de l’information. J’aipassé l’appareil entre deux personnes qui auraient pu être des belligérants, ily a eu un lien entre les deux, et je suis très fier de ça. C’était le 4 juillet ausoir…Je suis très fier de ça, et quiconque me le reprocherait me plongeraitdans une grande perplexité. qu’est-ce qu’il fallait faire ? il fallait les dresserles uns contre les autres ? Le lendemain, j’ai eu un nouveau rendez-vous avecKagame, très chaleureux. enfin, quelque chose de très bon… J’ai beaucoupapprécié cet homme. Cet homme m’a paru, à la fois, tout à fait clairvoyant…calme. Bon, on s’est bien entendu. Je l’ai rencontré près de Byumba. […]50

si tension il y avait et que Rufin se targue d’avoir réussi sa mission demédiation ce n’est peut-être pas seulement parce que ce brillant humani-taire aime s’envoyer des fleurs. d’ailleurs il se congratule un peu vite car ily a eu plusieurs affrontements durant turquoise entre les soldats deLafourcade et ceux de Kagame. Mais pour l’instant, Rufin a peut-être biendes raisons légitimes de se féliciter. aurait-il réussi une négociation diffi-cile ? Nous apprenons que celle-ci s’est déroulée « près de Byumba » proba-blement à Mulindi, quartier général de Kagame.

La négociation se poursuit le lendemain mardi 5 juillet. Nous décou-vrons, grâce à notre homme de lettre, que Kagame manie excellement lalangue française. il prie Rufin d’aller dire à ceux qui ne jouent pas le jeu,« qu’ils déconnent »51 :

il m’a engueulé, en me disant : « J’ai discuté avec vous toute la soirée d’hier, vousavez vu la déclaration qui a été faite par l’un de vos gars ? » L’un des officiers deturquoise avait traité les tutsi, le FPR, de Khmers noirs. […] « Vous vous fou-tez de ma gueule ! » et j’ai bien compris qu’à ce moment-là, il y avait un cer-tain nombre de cisaillements. Je voyais bien, je sentais bien ce qui se passait :on a mis en place cette opération avec des gens qui probablement ne jouaientpas le jeu, ou jouaient à un autre jeu, c’est possible. il se trouve que le res-ponsable de ça a été viré. J’ai dit à Kagame : « Qu’est-ce qu’on fait ? On coupe lesrelations, on s’arrête ? » il dit : « Non, pas du tout, je vous crois, mais dites leur quandmême qu’ils déconnent.52»

il s’agit là des déclarations menaçantes pour le FPR proférées par le colo-nel tauzin à Gikongoro la veille. Le lecteur pourra juger par ce compterendu, si Kagame est bien l’homme sanguinaire décrié par d’aucun. Rufinen donne un autre exemple. deux journalistes français, isabelle staes etJosé Nicolas, ont été grièvement blessés par des soldats du FPR près de

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Butare lundi 4 juillet :

et puis il me dit : « Je voudrais vous demander quelque chose. Voilà, je suis trèsembêté, vous êtes médecin. Il y a des journalistes français qui ont été pris dans uneembuscade. Nos gens, nos troupes, leur ont tiré dessus. ce sont des journalistes deFrance 2, la fille est très gravement blessée. Ils sont dans un petit camion, ils vont arri-ver à Kigali. Personne ne sait où ils sont, mais ils sont chez nous. est-ce que vous vou-lez bien les voir ? » alors, mettez vous à ma place. Je suis en mission, on medemande de pas me montrer, et en même temps on me dit : « Il y a deux per-sonnes qui ont besoin de toi. » J’y suis allé avec Kagame. C’était près du stade.J’ai accueilli cette fille qui était très gravement touchée. Le caméraman avaitune balle dans le genou. il y avait des journalistes qui étaient-là. Je leur ai ditde ne pas en parler. Mais le quai d’orsay l’a su et on m’a demandé de ren-trer. illustration du fait qu’il y avait double commande : « Quoi ? Vous avezenvoyé quelqu’un sur place ? On n’était pas au courant… » Mais moi, j’avais faitmon boulot.53

C’est ainsi qu’en raison du souci de Kagame pour des victimes inno-centes, alain Juppé va apprendre que cette mission diplomatique a été déci-dée à son insu.

Jean-Christophe Rufin a semblé contrit de ne pas avoir été invité à témoi-gner devant la Mission d’information parlementaire. L’armée françaiseaurait-elle voulu garder secret cet épisode ?

Gérard Prunier fait un premier récit de cette mission qui s’étend selonlui du 2 au 7 juillet54 :

À Paris, l’opinion publique s’était émue et la presse, un moment seule-ment sensible à l’horreur du génocide, revenait peu à peu sur les responsabi-lités politiques françaises. désireux de “faire quelque chose”, le Président dela République décidait le 14 juin d’entreprendre une intervention “humani-taire”. dès qu’elle fut annoncée, cette intervention provoqua une levée deboucliers de la part de nombreuses associations humanitaires et d’oNG […]La réaction du FPR fut également très hostile car le Front était persuadé queParis masquait derrière son opération “humanitaire” tardive l’intention devenir en aide aux FaR qui semblaient en voie de perdre la guerre.

Le 23 juin, les troupes françaises pénétraient au Rwanda. L’envoi d’une mis-sion du Ministère de la défense auprès du Commandement du FPR aumoment de la chute de Kigali permit de faire baisser le ton des échanges poli-tiques et de mettre sur pieds des moyens de concertation destinés à éviter desaffrontements sur le terrain entre l’armée française et les forces du FPR quis’approchaient alors de Butare.

dans son livre, Gérard Prunier brode le scenario dont il est le héros enoubliant Rufin. impolitesse ou nécessité de garder le secret ?

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il [emmanuel Bagambiki, préfet de cyangugu] demande en fait auxtroupes françaises de reconquérir les territoires occupés par les rebelles.Car la guerre continue de faire rage et personne ne sait exactement ce quise passerait en cas de clash entre turquoise et le FPR. Je suis très inquietd’une telle éventualité, car, malgré le débroussaillage minutieux du géné-ral Mercier, il y a à mon avis, des officiers extrémistes chez les Français, quirêvent d’en découdre avec le FPR et de venir au secours de leurs vieuxamis. en l’absence d’accord sur une procédure pour désamorcer une criseéventuelle, j’insiste sur la nécessité d’installer un “téléphone rouge”, quirelie rapidement l’état-major du FPR au ministre de la défense à Paris etau général Lafourcade. L’idée ne plaît ni aux partisans acharnés du HutuPower à Paris ni à certains des éléments du FPR, persuadés que nous utili-serons le téléphone par satellite pour les espionner électroniquement. Jedois finalement demander à un technicien de leur expliquer que nousn’aurions aucun mal à installer ce genre d’équipement à partir de Goma,sans avoir besoin de leur mettre un appareil entre les mains.

Nous avons finalement le feu vert le 2 juillet, et pouvons nous rendre àentebbe, dans la zone du FPR, pour rencontrer son commandement. Letéléphone s’avère très utile, et un bon prétexte pour entrer en contact auniveau politique, ce qui fait cruellement défaut depuis le début de l’opé-ration. Notre délégation rencontre une partie du bureau politique duFront à Mulindi. Puis, nous nous rendons par la route à Kigali, qui vientde tomber aux mains du FPR. Le général Kagame accueille positivementcette idée de “téléphone rouge” (nous avons emporté un inmarsat completavec son générateur) et nous acceptons de poursuivre la discussion le len-demain à Mulindi. […] au début de la réunion, le lendemain, le généralKagame reçoit une dépêche, qui l’informe des préparatifs militaires du“colonel thibaut” à Gikongoro. “Le colonel thibaut” a déclaré publique-ment qu’en cas d’affrontement avec le FPR les ordres seront : “pas de quar-tier”. un aide de camp bilingue doit traduire l’expression au généralKagame, qui ne la connaît pas, car il comprend bien le français mais pasdans toutes ses nuances. il lui dit : “Monsieur, cela signifie qu’ils achèverontles blessés.” Kagame fronce les sourcils, se tournent vers nous et dit calme-ment : “c’est une déclaration hostile, n’est-ce pas ? “ Je suis plutôt mal à l’aise.J’ai du mal à convaincre le leader du FPR que les colonels français parlentparfois bêtement, sans réfléchir, et sans vérifier avec Paris qu’ils ne contre-viennent pas à leurs instructions. enfin, Kagame promet de ne pas atta-quer les troupes françaises. Pour lui rendre la politesse, à Paris, le prési-dent Mitterrand et l’amiral Lanxade déclarent : “Le FPr n’est pas notreennemi.” La prise de Kigali a sans doute permis au Front d’obtenir cettetardive semi-reconnaissance.55

Nous observons dans ce récit que c’est le général Mercier qui a organiséla mission, qu’un technicien des transmissions en a fait partie, qu’ils ont

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atteri à entebbe puis sont allés au quartier général du FPR à Mulindi.après des entretiens, ils sont allés à Kigali qui venait d’être libérée donctoujours le 4. Le lendemain il y a eu de nouvelles discussions à Mulindi oùnous observons que Kagame ne parle pas aussi bien le français que Rufinveut nous le faire acroire. il ne connaît pas la signification de « pas de quar-tier » ! Prunier explique à Kagame que nos diplômés de saint Cyr parlentbêtement. qu’au grand jamais ils n’ont fait achever des blessés. au lecteur,Prunier fait remarquer qu’il y a un lien entre sa mission auprès de Kagameet le soudain changement de ton de Mitterrand et Lanxade. et tauzin serarenvoyé dans ses quartiers. Comment Kagame et ses hommes ont-ils faitpour obtenir l’abandon des déclarations bellicistes faite la veille par unegrande puisance membre permanent du Conseil de sécurité et dotéed’armes nucléaires ? Mystère ! À moins qu’ils aient eu quelques cartes dansleur jeu, quelques prisonniers que deux émissaires, tels les bourgeois deCalais, venaient les supplier de libérer.

Colette Braeckman, qui a entendu Jean-Christophe Rufin à la CeC,déclara après le départ de celui-ci :

une chose m’a interrogée dans l’exposé de Jean-Christophe Rufin. ÀButare, un incident s’est produit, sur lequel je n’ai pas beaucoup d’infor-mations, mais dont je suis sûre qu’il s’est produit : des soldats français quis’y étaient rendus en avant-garde peu avant turquoise sont tombés dansune embuscade. ils sont entrés dans la ville comme si elle était vide,comme si personne ne les empêchait d’avancer. et le FPR a surgi, les a faitprisonniers. Puis il y a eu négociation, ils ont été autorisés à quitter leslieux… ils sont sortis au milieu d’une haie de soldats du FPR dans desconditions probablement humiliantes, on leur avait retiré leurs uniformes… il y a eu une démarche d’humiliation… Ma question : est-ce que Jean-Christophe Rufin a participé à la négociation pour libérer ces soldats fran-çais ? qui a négocié la libération ? quels ont été les termes de l’accord ? est-ce que, pour la libération de cette avant-garde de soldats français, la condi-tion n’a pas été le retrait de turquoise sur un périmètre plus restreint ?56

Le journaliste rwandais Vénuste Nshimiyimana donne la réponse, le pro-jet d’une intervention militaire française in extremis sur Kigali est aban-donné. Y a-t-il eu une opération sur Kigali parallèle à celle de Butare ?

un article relativement bien informé de Libération laisse entendre, lundi4 juillet, que des soldats français sont tombés dans un piège en fin desemaine et que des émissaires français ont été envoyés à Kagame pour luiremettre des moyens de transmission radio sûrs et secrets afin de commu-niquer avec le général Lafourcade :

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La fin de la semaine a été très agitée pour les autorités françaises en chargede l’opération turquoise, à commencer par edouard Balladur et alain Juppéqui, de Varsovie où ils se trouvaient en visite officielle, ont dû consacrer pasmal de temps à « piloter » téléphoniquement une intervention humanitaireentrée dans une phase critique.

dimanche soir [3 juillet], on ne respirait toujours pas mieux dans les cerclesofficiels après un premier accrochage entre un contingent français et des élé-ments du Front patriotique rwandais (FPR). […]

Ces développements, jugés particulièrement inquiétants à Matignon, ne per-mettaient pas d’exclure à plus ou moins brève échéance, s’ils dégénèrent, unrepli sur le Zaïre de tous les éléments du contingent français présents auRwanda. […]

si la crise a peut-être été évitée dans l’immédiat, il est clair que l’inquiétudedes autorités françaises demeure. Vouloir rester neutre dans une situation degénocide relève de la gageure. La crainte principale est qu’une confrontationmilitaire générale avec le FPR ne puisse pas, finalement être évitée. C’estpourquoi le corps expéditionnaire français a fait parvenir au cours des der-nières heures au chef militaire du FPR, Paul Kagame, des moyens de trans-mission radio sûrs et secrets qui lui permettent d’être en contact direct avecle général Lafourcade, le commandant des forces françaises. Force est deconstater que cette mini-ligne rouge n’a pas été suffisante pour empêcher l’in-cident de dimanche après-midi, dans la région sensible de Butare.57

L’expression « intervention humanitaire entrée dans une phase critique »pourrait correspondre aux événements de Bisesero. Mais le « sauvetage » detutsi est-il la cause de tout ce temps passé par Balladur et Juppé à « piloter »téléphoniquement ?

L’amiral Lanxade évoque cette rencontre de représentants français avecle FPR de manière très vague :

L’amiral Jacques Lanxade a par ailleurs indiqué que «�des représentants des auto-rités françaises avaient rencontré des représentants du FPr à Kigali, afin de leur expli-quer clairement que l’opération Turquoise répondait à des objectifs strictement huma-nitaires qui conduisaient à interdire la zone humanitaire sûre aux combattants. »58

Le Monde note une rencontre entre des émissaires du ministère françaisde la défense – et non du quai d’orsay – et Paul Kagame le 5 juillet :

Le Front patriotique rwandais (FPR), qui s’est emparé de Kigali, la capitaledu Rwanda, continue d’exprimer son désaccord avec la France au sujet del’opération « turquoise ». après avoir rencontré, mardi 5 juillet, des émis-saires du ministère français de la défense, Paul Kagamé, l’« homme fort » dela rébellion tutsie, a fait preuve d’une relative modération, paraissant écarterles risque d’affrontement avec les forces françaises. il a en outre annoncé que

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des consultations étaient en cours, notamment avec une personnalité hutue,pour la constitution d’un gouvernement d’union nationale.59

Mais l’article de Jacques isnard laisse transparaître qu’il y a pu y avoirune négociation. il note en préambule la volonté de la France d’enterrer lahache de guerre :

« Le Front patriotique rwandais n’est pas notre adversaire. Nous ne cherchonspas à retenir son éventuel succès », a expliqué François Mitterrand à l’is-sue de son séjour en afrique du sud. « Il n’y a pas de volonté d’affronte-ment, ni d’une part ni de l’autre», a commenté, de son côté, le ministredes affaires étrangères, alain Juppé, en assurant que la France était« en contact permanent » avec le FPR. […] en une journée, mardi 5 juil-let, les dirigeants français ont unanimement voulu calmer le jeu auRwanda, en assurant de leur bonne volonté à son égard un FPR quiétait encore, juste avant l’assassinat, le 6 avril dernier, du présidentJuvénal Habyarimana, la faction contre laquelle furent engagées, end’autres temps, des unités françaises en appui des forces armées rwan-daises (FaR).60

après avoir rappelé l’intensité de l’engagement français auprès des FaR,le correspondant militaire du Monde prend note de cette volonté réci-proque d’éviter l’affrontement :

en affirmant que le dispositif « turquoise » n’est en rien agressif et en cher-chant, au lendemain de la chute de Kigali, à tendre « une main secourable»comme le dit M. Mitterrand après avoir affirmé que « le sort des rwandaisdépend des rwandais», la France en appelle indirectement au FPR pour qu’ilmaîtrise, en quelque sorte, son succès sur le terrain.

tout se passe comme si le FPR donnait l’impression d’avoir entendu lemessage. Face à une France qui vient d’infléchir sa propre trajectoire, leFPR, qui a un légitime besoin de se faire reconnaître sur la scène interna-tionale, a lui aussi corrigé le tir : le même général Paul Kagamé, qui a com-mandé la lutte armée contre les FaR, promet la constitution prochained’un « gouvernement d’unité nationale» et, par la suite, la proclamation par leFPR d’un « cessez-le-feu unilatéral ».61

Le même jour Frédéric Fritscher donne quelques précisions sur la rencontre :

Paul Kagamé, insaisissable chef d’état-major du Front patriotique rwandais(FPR), est sorti de l’ombre. il a rencontré un groupe de journalistes, mardi 5juillet, en début d’après-midi, dans une résidence de Kanombé, un quartierpériphérique de Kigali. il s’était entretenu plus tôt dans la journée au quar-tier général du FPR à Mulindi, près de la frontière ougandaise, avec cinq mili-taires et hauts fonctionnaires français du ministère de la défense venus luiexpliciter les intentions de Paris. […]

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au moment où ses troupes s’arrêtaient à une dizaine de kilomètres seule-ment des lignes françaises, Paul Kagamé s’interrogeait : « Un affrontement avecles Français ? Mais pourquoi et sur quels différends ? Ils viennent pour secourir lespopulations. Mais ils doivent en parler avec nous, avec les gens d’ici. ceux qu’ils veu-lent protéger ne sont ni des ressortissants français ni des citoyens des Nations unies. »Le jeune chef militaire déplore qu’il n’y ait pas eu plus de communicationavec les Français. « Nous devons remédier à tout cela », dit-il, comme s’il avaitencore en tête ses entretiens du matin avec les émissaires de Paris62.

on a vu que cette mission de Rufin et Prunier auprès de Kagame estécourtée. d’après Rufin, Kagame lui demande d’aller avec lui à Kigali pourexaminer les deux journalistes de France 2, isabelle staes et José Nicolasblessés la veille par des soldats du FPR63. Rufin accepte, il voit les blessésprès du stade à Kigali mais des journalistes sont là et le quai d’orsay seraprévenu et fera suspendre la mission64. un article du Figaro relate cette mis-sion de Rufin et comment elle a été suspendue par le quai d’orsay :

début juillet, un avion spécial affrété par le gouvernement, avec à son bordJean-Christophe Rufin, chargé de mission auprès du ministre de la défense,atterrit à Kampala. « Sur instruction du premier ministre Édouard Balladur, et duministre de la défense, François Léotard, je suis arrivé peu après à Kigali, qui venait detomber, raconte aujourd’hui Jean-Christophe Rufin. J’ai immédiatement rencontréle commandant Kagame, le chef de la rébellion, et aussitôt averti le général Mercier[chef d’État-major de l’armée de terre, NdLR] et le général Lafourcade [comman-dant de l’opération « turquoise », NdLR.] » Le quai d’orsay n’est pas au cou-rant de cette mission. Lorsqu’il apprend par hasard son existence, il y aurait euun tollé au ministère des affaires étrangères … qui annulle la mission.65

Le quai d’orsay n’a pas été tenu au courant de cette mission parce queles militaires français ont voulu la garder secrète. Voilà encore un indicequ’il y a eu négociation pour faire libérer des prisonniers. Nous en voyonsune preuve dans la note du général quesnot du 6 juillet :

intervenant quelques heures après votre conférence de presse du Cap, lesdéclarations de M. Kagame, chef militaire du F.P.R., exprimant sa volonté de“ne pas chercher d’affrontements avec les forces françaises”, de renoncer à laconquête totale du pays et de préparer un cessez-le-feu pourraient constituerun tournant dans le conflit rwandais et faciliter notre action.La zone humanitaire a été approuvée hier doir par le Conseil de sécurité (pro-cédure dite de silence ou de non-objection). Le secrétaire général a appuyépubliquemnt notre initiative.Les forces françaises sont redéployées dans la zone humanitaire au sud-ouestet continuent d’évacuer les tutsis menacés.66

Le général quesnot parle de redéploiement des forces françaises dans lazone humanitaire au sud-ouest. il y a donc un repli. Comme les journaux

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nous apprennent qu’il y a eu une négociation, c’est qu’il y a eu une contre-partie. selon quesnot, Kagame renonce à la conquête totale du pays. C’estexact dans la mesure où il n’essaiera pas d’attaquer la « zone humanitaire ».Mais pourquoi cette négociation n’a-t-elle pas été faite par des diplomatesdu quai d’orsay ?

Bruno delaye et le général quesnot, dénonçant l’empressement du gou-vernement à prendre contact avec le FPR, signalent au Président l’envoi parFrançois Léotard d’une délégation auprès de Kagame. ils paraissent ne pasêtre au courant de l’objet de la mission :

dans cette course au FPR, M. Léotard a pris de l’avance en dépêchant surplace à Kigali auprès de M. Kagamé et sans en avertir personne, cinq mili-taires et fonctionnaires de haut rang.67

Les mêmes conseillers signalent au Président, le 7 juillet, la compositionde la délégation envoyée auprès de Kagame pour installer un « téléphonerouge » :

ii Le cabinet de M. Léotard a précisé, lors d’une réunion interministérielleque la délégation du Ministère de la défense envoyée au Rwanda n’avait pourbut que d’installer un “téléphone rouge” avec le chef militaire du FPR,M. Paul Kagame. Cette délégation était composée d’un membre du cabinetdu ministre [Jean-Christophe Ruffin], d’un colonel et de trois sous-officiers.seul Matignon avait été informé.68

Cf. Tableau. page s uivanTe

La mission Rufin-Prunier semble bien durer du 2 au 5 juillet, en raisondes faits concomittants cités par Prunier et Rufin (journalistes français bles-sés, prise de Kigali et déclaration du colonel thibaut), voir la chronogie desévénements dans les deux tableaux page suivante. L’emploi du temps dePrunier a été reconstitué à partir des dates d’interview qu’il indique en notedans “Rwanda : La crise rwandaise : structures et déroulement (Juillet1994)”. Nous remarquons que Prunier rencontre Museveni le 6 juillet àKampala ce qui correspond à l’affirmation qu’un « diplomate a été envoyéauprès de M. Museveni » faite par Vénuste Nshimiyimana, cité plus haut.

a propos du « téléphone rouge » , Prunier note les réticences du FPR àaccepter un tel téléphone. Nous constatons que les hommes de Kagamesont des gens prudents. Les services secrets français n’ont-ils pas fait le coupdu téléphone à des rebelles algériens en leur faisant parvenir un appareilqui leur a explosé à la figure ? dans l’hypothèse où c’est pour négocier unelibération de prisonniers que Rufin et Prunier sont allés rencontrer

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date Heure Événement source

Jeudi 30 juin 19 h Feu vert de Balladur pour une opération sur Butare

Note delaye-quesnot30/6/94

Vendredi 1er juillet

après-midi arrivée des Cos à Butare Rosier, annexesMiP, p. 397

Vendredi 1er juillet

soir accrochage entre Butare et save Lugan [9, p. 221]

samedi 2 juillet

1 h 30 Retrait Cos Rosier ibidem,Lugan [9, p. 221]

samedi 2 juillet

Négociation via dallaire d’un cessez-le-feu le 3 à Butare

C. Lesnes, Le Monde,5/7/94

samedi 2 juillet

Feu vert pour mission Prunier-Rufin

Prunier p. 349

dimanche 3 juillet

Rufin est envoyé en urgenceauprès de Kagame

CeC, [2, p. 398-405]

dimanche 3 juillet

12 h 15 2e intervention Cos à Butare C. Lesnes, ibidem

dimanche 3 juillet

13 h 20 accrochage Cos-FPR à la sortienord-ouest de Butare

C. Lesnes, ibidem

Lundi 4 juillet 4 h dumatin

Les derniers FaR quittent Kigali

Lundi 4 juillet soir àMulindi

Rufin négocie pendant 3 heuresavec Kagame la libération des Cos capturés. il le met en communica-tion téléphonique avec le général

Lafourcade.

CeC, ibidem, p. 403

taBLeau : L’accrochage cos-Fpr du 1er juiLLetet La mission prunier-ruFin

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JaCques MoReL, LeS cOMMaNdOS... • La Nuit RwaNdaise N°3 21

Lundi 4 juillet quatre journalistes français tom-bent dans une embuscade du

FPR, deux sont blessés.

F. Fritscher, Le Monde

8 juillet 1994

Lundi 4 juillet Le colonel thibaut déclare quesi le FPR vient à Gikongoro,

il lui fait tirer dessus.

Le Figaro 5 juillet 1994

Lundi 4 juillet soir Rufin appelle par téléphoneLafourcade depuis la cour de

Kagame

CeC, ibidem, p. 403

Mardi 5 juillet déclarations apaisantes deMitterrand, Juppé, Lanxade

isnard, Le Monde,7/7/1994

Mardi 5 juillet matin àMulindi

Rencontre avec Kagame qui pro-teste contre les déclarations du

colonel thibaut

Fritscher, Le Monde, 7/7/1994CeC, ibidem, p. 404

Mardi 5 juillet isabelle staes et José Nicolas,blessés, sont transportés à Kigali

Libération, 7 juillet 1994

Mardi 5 juillet Rufin se rend avec Kagame àKigali pour examiner les deux

journalistes de France 2 blessés.

CeC, ibidem, p. 404

Mardi 5 juillet débutd’aprèsmidi

Kagame fait une conférence depresse à Kigali

Fritscher, Le Monde, 7/7/1994

Mardi 5 juillet Prunier s’entretient avec sethsendashonga à Mulindi

Mercredi 6 juillet

Prunier s’entretient à Kampalaavec Museveni

G. Prunier, [14, p.255] ; G. Prunier,

“rwanda : La crise rwan-daise : structures et dérou-

lement (Juillet 1994)”,note 89

Mercredi 6 juillet

Prunier s’entretient à Byumbaavec Roger Rutikanga, cadre

FPR et sixbert Musamgamfura,journaliste membre du MdR

G. Prunier “rwanda :La crise rwandaise :

structures et déroulement(Juillet 1994)”, note 46, 83

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22 La Nuit RwaNdaise N°3 • JaCques MoReL, LeS cOMMaNdOS...

Kagame, le téléphone inmarsat devait servir en premier lieu à eux-mêmespour communiquer avec Paris les conditions exigées par Kagame enéchange de la libération des soldats des Cos. Nous observons que BernardKouchner disposait d’un téléphone satellite analogue quand il a été envoyéà Kigali par l’Élysée en mai 1994.

Nous tenons pour certain que des membres des Cos ont été faits pri-sonniers et libérés par une négociation menée par Prunier et Rufin.

Reste qu’il n’est pas certain que des Cos ont été faits prisonniers lorsde cet accrochage près de Butare, qui a eu lieu le soir du 1er juillet. Letémoin Raphaël Kirenga ne parle pas de Français faits prisonniers. on aremarqué que le général dallaire date l’événement avant le 26 juin etColette Braeckman parle « des soldats français qui s’y étaient rendus [à Butare]en avant-garde peu avant Turquoise sont tombés dans une embuscade. » or nousavons deux récits de journalistes, stephen smith69 et Michel Peyrard70 qui serendent à Butare avant l’arrivée « officielle» des militaires français. Nuldoute que ces journalistes accompagnaient ou suivaient des avant-gardesfrançaises. stephen smith était à Butare entre le 25 et le 27 juin probable-ment. une avant-garde française est à Gikongoro le 27 juin.

Michel Peyrard quitte Cyangugu le 24 juin en compagnie d’unepatrouille commandée par les lieutenants-colonels Collin et Jacque. Noussavons que Collin est le pseudonyme de Hervé Charpentier et que Jacqueest celui d’Étienne Joubert. il est donc fort possible que Peyrard était àButare le soir du 24 juin, accompagné des lieutenant-colonels HervéCharpentier alias Collin et Jacque. un autre accrochage avec le FPR a puavoir lieu avant le 1er juillet.

Nous savons que lors de l’évacuation du dimanche 3 juillet à Butare, il yaura un accrochage entre Français et FPR. est-ce à ce moment-là que desmembres des Cos auraient été faits prisonniers ? C’est très improbablepour deux raisons. d’abord parce que l’accrochage du 3 s’est passé en pleinjour devant beaucoup de témoins – bien qu’on manque de témoignagesd’observateurs indépendants sur cet incident – ensuite, parce que la mis-sion Prunier-Rufin a été déclenchée samedi 2 juillet.

en conclusion nous tenons pour certain qu’un groupe de reconnais-sance des Cos se dirigeant vers la paroisse de save le 1er juillet au soir a étéaccroché par un élément du FPR. Le lieutenant-colonel Hervé Charpentierfut blessé. au moins une dizaine de militaires auraient été faits prisonniersà cette occasion. Mais il est possible que des militaires des Cos aient étéfait prisonniers avant cette date du 1er juillet. deux négociateurs furent

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JaCques MoReL, LeS cOMMaNdOS... • La Nuit RwaNdaise N°3 23

envoyés depuis Paris dans le plus grand secret pour, les 4 et 5 juillet, négo-cier avec Paul Kagame leur libération. L’effet immédiat fut le changementde ton de Paris à l’égard du FPR qui « n’est pas notre adversaire » déclaraMitterrand le 5 juillet. en contrepartie de la libération des membres de sestroupes d’élite, la France s’engagea à ne pas chercher à contrôler la régionde Kigali – ville qui fut prise le 4 juillet par le FPR –, Butare, Ruhengeri,Gisenyi, à se limiter à une zone « humanitaire » entre Kibuye-Gikongoro etCyangugu et à ne pas chercher à se maintenir au delà du mandat de l’oNu.Nous n’avons cependant aucune information sur la teneur réelle des négo-ciations, Prunier et Rufin ayant prétendu qu’ils étaient allés porter un télé-phone satellite inmarsat dit « rouge » à Kagame. Ce que nous disons de cesnégociations se déduit simplement de ce qui s’est passé ensuite.

réFérences

[1] Commission Nationale indépendante chargée de rassembler lespreuves montrant l’implication de l’État Francais dans le génocide perpé-tré au Rwanda en 1994 : Rapport. République du Rwanda, 15 novembre2007.[2] Laure Coret et François-Xavier Verschave : L’horreur qui nous prend auvisage. Karthala, 2005. Rapport de la Commission d’enquête citoyenne.[3] Roméo dallaire : J’ai serré la main du diable - La faillite de l’humanité aurwanda. Libre expression, 2003.[4] alison des Forges : aucun témoin ne doit survivre. Le génocide aurwanda. Karthala, Human Rights watch, Fédération internationale desdroits de l’homme, avril 1999.[5] Philip Gourevitch : Nous avons le plaisir de vous informer que,demain nous serons tués avec nos familles. denoël, 1999. Mai 1995-avril1998, Farrar, straus and Giroux, New York, 1998.[6] Jean-Paul Gouteux : La nuit rwandaise. L’implication française dans le der-nier génocide du siècle. izuba editions, L’esprit frappeur, 2002.[7] andré Guichaoua : Rwanda 1994 - Les politiques du génocide àButare. Karthala, 2005.[8] ian Linden : christianisme et pouvoir au rwanda (1900-1990). Karthala,1999.[9] Bernard Lugan : François Mitterrand, l’armée française et le rwanda.editions du Rocher, mars 2005.[10] Monique Mas : Paris-Kigali 1990-1994 ; Lunettes coloniales, politique du

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24 La Nuit RwaNdaise N°3 • JaCques MoReL, LeS cOMMaNdOS...

sabre et onction humanitaire pour un génocide en afrique. L’Harmattan, 1999.[11] Linda Melvern : a people betrayed - The role of the West in rwanda’sgenocide. Zed Books, 2000.[12] eric Micheletti : Le cOS, commandement des Opérations spéciales.Histoire et collections, 1999.[13] Vénuste Nshimiyimana : Prélude du génocide rwandais - enquête sur lescirconstances politiques et militaires du meurtre du Président Habyarimana.quorum, editions quorum 32, rue du Viaduc B-1340 ottignies LLN,1996.[14] Gérard Prunier : rwanda : le génocide. dagorno, 1997.[15] Pierre Péan : Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda 1990-1994.enquête. Mille et une nuits, novembre 2005.[16] Paul quilès : enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994. assembléeNationale. Rapport 1271, http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/rwanda/, 15 décembre 1998. Mission d’informationde la commission de la défense nationale et des forces armées et de lacommission des affaires étrangères, sur les opérations militaires menéespar la France, d’autres pays et l’oNu au Rwanda entre 1990 et 1994.

Notes

1. Michel Cariou, rwanda : l’accueil « spontané » des soldats français, Le Figaro, 28 juin 1994,p. 5 ; M. Mas [10, p. 434] ; Hutu villagers cheer French, the times, 28 June 1994 ; JeanChatain, Les Mirage et le ministre Léotard arrivent, L’Humanité, 29 juin 1994.2. Michel Peyrard, « Je ne veux voir ni arc, ni lance, ni machette et surtout pas d’effusion », martèlele colonel, Paris-Match, 7 juillet 1994, p. 46.3. Le pseudonyme des Cos est souvent choisi à partir de la 1re lettre du patronyme, diegopour duval, thibaut pour tauzin,...4. aucun témoin ne doit survivre, [4, p. 595].5. Le colonel François Munyengango est directeur des anciens combattants et des affairessociales au ministère de la défense. Cf. République Rwandaise, Ministère de la défensenationale, armée rwandaise, État-major, G1, Kigali le 05 mars 1994, objet : situation offi-ciers armée rwandaise arrêtée au 01 mars 1994, p. 2. il est nommé commandant de l’esoà Butare le 6 juin. Cf. a. Guichaoua [7, p. 300-301].6. Le Lieutenant-colonel de gendarmerie Laurent Rutayisire est directeur de la sûreté exté-rieure de l’État. Cf. ordre de bataille offrs et el offrs arrêté au 15 fev 1993 GdN, p. 1.7. stephen smith, À Butare, l’espoir se conjugue en français, Libération, 28 juin 1994, p. 15. ilévoque la visite du cardinal etchegaray à Butare, qui a eu lieu le 24 juin, en disant « vendredidernier ». L’article a donc été écrit lundi 27. Comme il écrit qu’il a passé la nuit à la Procure,en face de la cathédrale de Butare, il était donc arrivé le dimanche 26 au soir. L’article précé-dent de smith, publié le 27, est écrit depuis Cyangugu, donc probablement le 26.8. toutefois, smith écrit dans l’article que les Français se font attendre.

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JaCques MoReL, LeS cOMMaNdOS... • La Nuit RwaNdaise N°3 25

9. témoignage de Maryln donge, strasbourg ; témoignage de Michel Campion. Cf.Rapport Mucyo [1, annexes, témoin 70].10. témoignage de Pierre Galinier Cf. [6, p. 436] ; de Raphaël Kirenga. Cf. Rapport Mucyo[1, annexes, témoin 80].11. dr théodore sindikubwabo, Président de la République à son excellence MonsieurFrançois Mitterrand, Kigali le 22 mai 1994. Lettre transmise par le général quesnot à l’at-tention de Monsieur le Président de la République. objet : Correspondance du docteurthéodore sindikubwabo Président par interim du Rwanda, 24 mai 1994. Note manuscrite :« Signalé/HV». Le fac-simile d’une lettre datée de juin 1992 du Président du ConseilNational de développement signée sindikubwabo permet d’authentifier sa signature.12. Patrick de saint-exupéry, France-rwanda : des mensonges d’État, Le Figaro, 2 avril 1998, p.4, colonne 7.13. une des conditions de réussite de l’opération turquoise précisée par le Premier minis-tre est : « Limitation des opérations à des actions humanitaires (mettre à l’abri des enfants, desmalades, des populations terrorisées), et ne pas nous laisser aller à ce qui serait considéré comme uneexpédition coloniale au cœur même du territoire du rwanda. Toute occupation durable d’un site oud’une partie du territoire rwandais présenterait de très grands risques, compte tenu de l’animositéqu’elle susciterait et de l’interprétation politique qui lui serait donnée ; ». Cf. Lettre d’ÉdouardBalladur à François Mitterrand, 21 juin 1994, enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, [16,tome ii, annexes, p. 375].14. Note de Bruno delaye et du général quesnot à l’attention de Monsieur le Président dela République, 30 juin 1994. objet : Rwanda - Réunion à Matignon.15. B. Lugan [9, p. 221].16. eMMiR : il ne s’agit pas de l’émir abdelkhader mais de l’Échelon médical mobile d’in-tervention rapide ! 17. Éric Micheletti, [12, p. 130]. Ces commandos de marine sont-ils ceux du commandotrepel commandé par Marin Gillier ? Celui-ci est encore à Gishyita, à côté de Bisesero, le1er juillet, il y reçoit l’ordre de rejoindre incessamment Gikongoro. Cf. enquête sur la tragé-die rwandaise 1990-1994 [16, annexes p. 406]. L’unité de Marin Gillier n’intervient que le 3juillet à Butare pour évacuer 1000 personnes dont 700 orphelins vers le Burundi. Cf. ibidem[16, Rapport, p. 311]. il est possible qu’une fraction du détachement de Gillier soit allé àButare dès le 1er juillet. on a vu qu’il avait laissé des hommes au camp de Kirambo alorsqu’il s’installait avec le reste à Gishyita.18. il s’agit du lieutenant-colonel Jean-Rémy duval, alias diego, commandant les élémentsdu CPa 10 basés antérieurement à Kibuye. Ce dernier ne parle pas de cette mission à Butarele 1er juillet dans son audition. a l’entendre il se trouve toujours dans le secteur Kibuye-Kivumu est Cf. audition du lieutenant-colonel duval, 17 juin 1998, MiP, [16, tome iii, Vol.2, p. 119].19. L’aPR, armée patriotique du Rwanda, est l’armée du FPR.20. B. Lugan [9, p. 221].21. « Government vehicles, army lorries and road-blocks manned by the Hutu militia have been festoo-ned with French flags and signs reading “Vive la France”.» Cf. Lindsey Hilsum, “Rwandan Rebelsadvance as French Forces Hang Back”, Guardian, July 2, 1994, p. 17.22. « The French must come here to convince the rPF not to advance, pushing civilians in front ofthem,” the prefect of Butare, Lieutenant-colonel alfonse Nzeriyayo, said. He said the rPF was usingcivilians as a human shields. “If we defend ourselves against the rPF, we have to shoot at civilianswhom the rPF has forced between us.» Cf. Lindsey Hilsum, ibidem.23. Rapport du Colonel Rosier, NMR 001/tuRquoise/det Cos, 27/07/1994,

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26 La Nuit RwaNdaise N°3 • JaCques MoReL, LeS cOMMaNdOS...

enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [16, tome ii, annexes, p. 397].24. « French troops rescued among others, colonel Theoneste Bagosora (chef de cabinet in the Hutugovernment and the evil genious behind the genocide) in July 1994 as the Tutsi rebels closed in onButare. » Cf. sam Kiley, « a French Hand in Genocide », The Times (Londres), 9 avril 1998, p. 24.25. Bagosora pour sa part déclare devant le tPiR : « Je suis rentré au rwanda le 22 juin 1994et je suis rentré par la frontière de Goma/Gisenyi, et je suis resté à Gisenyi à partir du 22 juin.Jusqu’au 14 juillet, j’étais à Gisenyi et j’ai fui le rwanda le 14 juillet vers le Zaïre.» Cf. tPiR,affaire N° iCtR-98-41-t, Bagosora ..., audience du 10 novembre 2005, interrogatoire prin-cipal de la défense de théoneste Bagosora, par M Constant.26. aucun témoin ne doit survivre [4, p. 684].27. s’agit-il de l’incident du 3 juillet sur la route de Butare à Gikongoro? Non car dallaireen parle p. 568. il s’agirait donc là d’un troisième incident, ou d’une erreur.28. R. dallaire [3, pp. 552-553].29. il vient de parler de l’accrochage du 3 juillet à la sortie de Butare vers Gikongoro.30. Philip Gourevitch [5, p. 182]. Le livre ayant été rédigé de 1996 à 1998, l’interview deKagame est à situer entre ces dates.31. Rapport du Colonel Rosier, NMR 001/tuRquoise/det Cos, 27/07/1994, enquêtesur la tragédie rwandaise 1990-1994 [16, tome ii, annexes, p. 397].32. save est un lieu hautement symbolique pour les Français. C’est là que Mgr Hirth, né enalsace, obtint en 1900 l’accord du Mwami Musinga pour y créer le premier poste de mis-sion dirigé par le père blanc, alphonse Brard, originaire de Normandie. Cf. i. Linden [8,pp. 55-56].33. B. Lugan [9, p. 221].34. Rapport Mucyo, [1, annexes, témoin 80, p. 189].35. a. Guichaoua [7, p. 422].36. France 2, 2 juillet 1994, Journal de 20 h : Butare.37. B. Lugan [9, p. 221].38. stephen smith, Jean Guisnel, L’impossible mission militaro-humanitaire, Libération, 19 juil-let 1994, pp. 12-13.39. P. Péan, [15, p. 486].40. selon certaines sources, il y aurait eu un incident entre les Français et le FPR début juil-let, alors que le FPR s’approchait de Butare. dix-huit soldats français auraient été faits pri-sonniers par le FPR, et après des négociations entre le FPR et Paris, ils auraient été relâchésle jour suivant. Cela n’a pas été rendu public. Mel McNulty, “France’s Rwanda débâcle”,War studies, Vol. 2. 2, spring 1997, p. 16 ; Linda Melvern [11, p. 214].41. V. Nshimiyimana [13, p. 56].42. Communiqué du Ministère des affaires étrangères, 18 mai 1994 ; entretien avec Jean-Christophe Rufin, Le Parisien, 29 mars 2007.43. audition de Jean-Christophe Rufin par la CeC, 25 mars 2004, [16, pp. 398-405].44. CeC, ibidem, p. 399.45. G. Prunier [14, p. 349].46. CeC, ibidem, p. 399.47. CeC, ibidem, p. 400.48. CeC, ibidem, p. 401.49. CeC, ibidem, p. 401.50. CeC, ibidem, p. 403.51. Bien sûr, nous ne croyons pas aux propos mot à mot que Rufin prête à Kagame. ils ontcertainement discuté en anglais. La présence de Gérard Prunier a dû être précieuse aussi

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pour cela. La famille de Kagame a fui le Rwanda en 1960 alors qu’il avait deux ans. ayantété à l’école en ouganda, il est parfaitement anglophone.52. CeC, ibidem, p. 404.53. CeC, ibidem, p. 404.54. G. Prunier “Rwanda : La crise rwandaise : structures et déroulement (Juillet 1994)”, p. 32.55. G. Prunier [14, pp. 348-350].56. CeC, ibidem, p. 406.57. Jacques almaric et Jean Guisnel, Le piège se referme sur les soldats français, Libération, 4 juil-let 1994.58. enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [16, tome i, Rapport, p. 316].59. Jacques isnard, La rébellion rwandaise n’entend pas affronter les forces françaises - Paris calmele jeu, Le Monde, 7 juillet 1994, pp. 1, 3.60. Ibidem.61.Ibidem.62. Frédéric Fritscher, L’homme fort du FPr prévoit la formation d’un gouvernement d’unité natio-nale, Le Monde, 7 juillet 1994, p. 3.63. Frédéric Fritscher, deux journalistes français blessés dans une embuscade, Le Monde, 8 juil-let 1994, p. 3. selon Fritscher, l’incident a eu lieu lundi 4 juillet. Le FPR aurait mis 3 jourspour les remonter sur Kigali, ce qui voudrait dire qu’ils y arrivent mercredi 6. il précise qu’ilsont été opérés à l’hôpital du CiCR mercredi, donc le 6 et qu’ils devaient regagner Parisjeudi, donc le 7. selon Rufin, ils seraient arrivés à Kigali mardi 5. Ce qui ferait un délai de2 jours pour les remonter à Kigali, de 3 pour les opérer.64. CeC, ibidem, p. 404.65. Patrick de saint-exupéry France-rwanda : le temps de l’hypocrisie, Le Figaro, 15 janvier1998, p. 5.66. Note du général quesnot à l’attention de Monsieur le Président de la République, 6 juil-let 1994, objet : Votre entretien avec le Premier ministre, mercredi 6 juillet - situation. Notemanuscrite : « Vu ».67. Bruno delaye, Général quesnot, “Note à l’attention de Monsieur le Président de laRépublique (s/C de Monsieur le secrétaire général)”. objet : Rwanda, 6 juillet 1994.68. Bruno delaye, Général quesnot, “Note à l’attention de Monsieur le Président de laRépublique (s/C de Monsieur le secrétaire général)”, objet : Rwanda, 7 juillet 1994. Notemanuscrite : signalé HV.69. stephen smith, À Butare, l’espoir se conjugue en français, Libération, 28 juin 1994, p. 15.70. Michel Peyrard, « Je ne veux voir ni arc, ni lance, ni machette et surtout pas d’effusion », mar-tèle le colonel, Paris-Match, 7 juillet 1994, p. 46.