Combustible Nucleaire Monographie

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Monographies DEN Une monographie de la Direction de lnergie nuclaire Commissariat lnergie atomique, 91191 Gif-sur-Yvette Cedex Tl. : 01 64 50 10 00 Comit scientifique Michel Beauvy, Georges Berthoud, Mireille Defranceschi, Grard Ducros, Yannick Gurin, Yves Limoge, Charles Madic, Grard Santarini, Jean-Marie Seiler, Pierre Sollogoub, tienne Vernaz, Directeurs de Recherche. Responsables de thme : Jean-Luc Guillet et Yannick Gurin. Ont particip la rdaction de cette monographie : Alain Ballagny, Bernard Bonin, Jean-Christophe Brachet, Marc Delpech, Sylvie Dubois, Grard Ducros, Ccile Ferry, Michel Freyss, Didier Gilbon, Jean-Paul Grouiller, Yannick Gurin, Daniel Iracane, Sylvie Lansiart, Patrick Lemoine, Richard Lenain, Philippe Marsault, Bruno Michel, Jean Noirot, Daniel Parrat, Michel Pelletier, Christophe Perrais, Mayeul Phelip, Sylvie Pillon, Christophe Poinssot, Jolle Vallory, Carole Valot. Directeur de la Publication : Philippe Pradel. Comit ditorial : Bernard Bonin (Rdacteur en chef), Bernard Bouquin, Martine Dozol, Mickal Lecomte, Alain Valle. Administrateur : Fanny Bazile. diteur : Jean-Franois Parisot. Maquette : Pierre Finot. Correspondance : la correspondance peut tre adresse lditeur ou CEA / DEN Direction scientifique, CEA Saclay 91191 Gif-sur-Yvette Cedex. Tl. : 01 69 08 16 75 CEA Saclay et Groupe Moniteur (ditions du Moniteur), Paris, 2008 ISBN 978-2-281-11325-9 ISSN en cours La reproduction des informations contenues dans ce document est libre de tous droits, sous rserve de laccord de la rdaction et de la mention dorigine.

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Commissariat lnergie atomique

e-denUne monographie de la Direction de lnergie nuclaire

Les combustibles nuclaires

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Prface

prs un dpart fulgurant au cours des annes 50, o elle reprsentait pour beaucoup lespoir dune source dnergie inpuisable et cot comptitif, lnergie nuclaire a connu, dans les annes 80-90, un rejet de la part dune majorit de lopinion publique dans plusieurs pays, en Amrique du Nord et en Europe occidentale, suivi dun brutal coup darrt de son dveloppement. En effet, si les chocs ptroliers des annes 1973 et 1979 ont marqu le dbut de programmes dquipements massifs dans quelques pays lourdement pnaliss par les importations de ptrole comme la France et le Japon ils ont paradoxalement t suivis dune interruption des investissements nuclaires aux tats-Unis, dabord, puis en Europe occidentale. Pourtant, les tensions encore rcentes sur le march du ptrole et le dbut des inquitudes sur le caractre puisable des ressources naturelles auraient d, au contraire, les renforcer. Les raisons de cette pause sont certainement multiples et sexpliquent, en partie, par les accidents de Three Mile Island en 1979, et de Tchernobyl en 1986, qui eurent un fort impact sur les opinions publiques. Par ailleurs, les mouvements cologistes et les partis Verts firent de la contestation de lnergie nuclaire un des thmes principaux de leurs programmes, fortement relaye par la presse. En France, alors que limplantation des centrales nuclaires navait, une exception prs, pas suscit de vritable dbat dans la population, une attitude de refus sest fait jour la fin des annes 80 sur la question des dchets nuclaires. Face aux difficults croissantes rencontres par lAgence nationale pour la gestion des dchets radioactifs (ANDRA) la recherche dun site pour limplantation dun laboratoire souterrain, le gouvernement de lpoque dcidait de suspendre les travaux, tablissait un moratoire dun an et saisissait du problme lOffice parlementaire dvaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). En reprenant lessentiel des recommandations de lOffice, notamment la dfinition dun programme de recherche diversifi, mais aussi les prmices dun dialogue dmocratique avec les populations concernes, la loi du 30 dcembre 1991 sur la gestion des dchets nuclaires a largement contribu apaiser le dbat. Or, sil est maintenant bien admis que la gestion long terme des dchets nuclaires existants est une ncessit, la poursuite du programme lectronuclaire en France nest pas encore assure : cest ainsi que la loi sur lnergie du 13 juillet 2005 se contente de maintenir loption nuclaire ouverte lhorizon 2020 . Pourtant, ce sicle devrait tre marqu par une prise de conscience collective que la rponse aux besoins en nergie de notre gnration ne peut pas se concevoir sans tenir compte du respect de lenvironnement et sans prserver le droit des gnrations futures satisfaire ces mmes besoins. Cest le concept du dveloppement durable auquel notre socit sera invitablement confronte. Lorigine anthropique du rchauffement de la plante sous leffet de laccroissement considrable des rejets de gaz effet de serre, nest plus aujourdhui conteste. Seules les consquences de ce rchauffement font encore lobjet de dbats. Les nations industrielles,Les combutibles nuclaires

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qui sont, en grande partie, lorigine de la situation actuelle, ont une responsabilit particulire qui doit les inciter diminuer de manire volontariste les missions de ces gaz. Lnergie nuclaire, qui chappe par nature ce type dmissions, tout en tant capable de produire une nergie relativement abondante, fiable et conomiquement comptitive, devrait tout naturellement simposer. La situation est contraste au niveau mondial. Dun ct, certains pays europens, comme lAllemagne et la Belgique, ont fait le choix de cesser progressivement lutilisation de lnergie nuclaire, mme si aucune rversibilit cet gard na t engage. De lautre, des pays comme la Chine, la Core-du-Sud et, plus prs de nous, la Finlande, investissent fortement dans le dveloppement de cette filire. Par ailleurs, selon une rcente dclaration du prsident Bush, les tats-Unis seraient dtermins lancer, avant la fin de la dcennie, des projets de construction de nouvelles centrales nuclaires, un processus interrompu depuis plus de vingt-cinq ans. En France, suite au dbat national sur les nergies qui sest tenu au premier semestre 2003, la loi dorientation sur lnergie adopte en juin 2005 a consacr la dcision de construire un racteur dmonstrateur EPR pour prparer la relve des centrales actuellement en service. Plusieurs signes donnent donc penser que la renaissance de lnergie nuclaire pourrait tre proche, notamment si le prix du baril de ptrole brut se ngocie durablement 70 dollars US ou plus. Nanmoins, lavenir du nuclaire dans notre pays, comme dans dautres, dpendra beaucoup de sa capacit traiter correctement les deux proccupations suivantes : - La premire touche son acceptabilit sociale ; il importe que lutilisation du nuclaire se fasse dans des conditions de sret et de scurit optimales, en produisant un minimum de dchets ultimes et que ceux-ci soient parfaitement matriss au plan de leur impact ventuel sur la sant et sur lenvironnement ; - la seconde concerne la disponibilit de ses ressources ; il est important de garantir lapprovisionnement en combustible sur le long terme, en prparant le recours des filires plus conomes de la matire fissile naturelle et surtout plus indpendantes des fluctuations de ses marchs. Ces sujets sont au cur des missions de la Direction de lnergie nuclaire du CEA. Celleci est, en effet, un acteur majeur de la recherche visant soutenir lindustrie nuclaire dans lamlioration de la sret et de la comptitivit des racteurs, fournir aux pouvoirs publics les lments de choix sur la gestion long terme des dchets nuclaires et, enfin, dvelopper les systmes nuclaires du futur, essentiellement les racteurs neutrons rapides, porteurs damliorations trs prometteuses sur le plan de la gestion des dchets et de lutilisation des matires premires. tant un fervent partisan dune diffusion de la connaissance scientifique et technique la plus large possible, il me parat de premire importance que ces travaux de recherche, qui font appel une grande diversit de disciplines scientifiques et qui se situent souvent au meilleur niveau mondial, soient prsents et expliqus tous ceux qui souhaitent forger leur propre opinion sur lnergie nuclaire. Cest pourquoi je salue, avec une sincre satisfaction, la publication de ces monographies DEN dont la consultation attentive sera trs certainement une source incomparable dinformations pour leurs lecteurs que jespre nombreux. Je remercie tous ceux, chercheurs et ingnieurs, qui, en contribuant la ralisation de ce dossier, ont eu cur de faire partager leur exprience et leur savoir. Bernard BIGOT Haut-Commissaire lnergie atomique

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Le combustible : le consommable des racteurs

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ans le cur des racteurs nuclaires, le combustible est le sige de la fission* des atomes lourds duranium ou de plutonium. Il constitue la source de la chaleur qui, in fine, va permettre la production dlectricit, voire celle dnergie pour dautres applications. Le combustible est la partie consommable des racteurs : il y sjourne quelques annes avant davoir atteint ses limites de fonctionnement, alors que les racteurs ont en euxmmes une dure de vie de plusieurs dcennies. Au cours de la vie dun racteur, cest le seul composant dont il est possible damliorer les performances, loccasion de nouvelles recharges. Il y a, en outre, un fort intrt conomique en augmenter le temps de sjour puisquil fournira plus dnergie pour un cot de cycle* voisin. On appelle lment combustible lensemble constitu de la matire fissile*, gnralement sous forme dun empilement de pastilles cylindriques, et de sa gaine qui forme la premire barrire de confinement des matires radioactives. Toutes les tudes de conception et de dimensionnement des lments combustibles ont pour objectif de garantir la tenue de cette premire barrire dans les diffrentes situations de fonctionnement. En cas de situation accidentelle, les combustibles sont les principales sources potentielles de pollution radioactive de lenvironnement ; cet aspect est donc systmatiquement pris en compte dans les dveloppements. Comprendre et modliser le comportement du combustible en racteur fait appel de trs nombreux domaines de la physique : la neutronique* pour dfinir les ractions nuclaires de fission et de transmutation au sein du combustible, la physique des matriaux pour valuer les dommages causs la structure cristalline par les neutrons et surtout par la dissipation de lnergie de fission, la thermique pour valuer avec prcision lvacuation de la chaleur vers le fluide caloporteur* et calculer lvolution des tempratures en chaque point ; la mcanique permet de calculer les dformations et contraintes dans les pastilles combustibles et dans la gaine ainsi que le risque de rupture de cette dernire ; le recours la thermodynamique permet dvaluer les diffrents composs susceptibles dtre forms par les lments crs par la raction nuclaire de fission (appels produits de fission (PF) : plus de 10 % des atomes prsents en fin dirradiation nexistaient pas en dbut de vie) ; la chimie du solide dapprhender les cintiques avec lesquelles le systme, gnralement hors dquilibre, va voluer en fonctionnementLes combutibles nuclaires

nominal et lors des diffrents transitoires susceptibles dintervenir. La finalit des tudes sur les combustibles est de rpondre deux grandes sries de questions : Quelles sont les connaissances sur les combustibles actuels des racteurs eau sous pression (REP) ? Quelles sont les limites de ces combustibles et les dveloppements pour amliorer leurs performances ? quels combustibles pour les racteurs du futur ? Diffrents matriaux ont t utiliss ou envisags comme combustibles depuis le dbut du dveloppement des racteurs nuclaires. Les isotopes fissiles dactinides* ont t intgrs soit dans des alliages mtalliques stables, soit dans des cramiques rfractaires (oxydes, nitrures, carbures ou siliciures). Dautres matriaux plus complexes sous forme de composites CERCER mlange cramique-cramique) ou CERMET (mlange cramique-mtal) ont aussi t tudis, et ces concepts sont aujourdhui revisits pour certains racteurs du futur. Ce sont essentiellement les oxydes dactinides qui ont t employs lchelle industrielle dans le monde comme combustibles dans les racteurs de puissance. Les alliages mtalliques ont le dsavantage dune temprature de fusion basse, et de plus, ils forment des eutectiques* qui diminuent encore cette temprature, do une utilisation limite moins de 1 000 C. Les oxydes sont par contre trs stables et trs rfractaires, avec une temprature de fusion au dessus de 2 500 C. Malgr tout, mme si ces oxydes rpondent convenablement leur fonction de combustible dans les diffrents racteurs depuis plus de 40 ans, ils ne reprsentent pas les matriaux idaux, en particulier cause de leur conductivit thermique relativement faible. Les autres candidats comme les nitrures et les carbures, potentiellement meilleurs que les oxydes du point de vue de leur conductivit thermique, ont cependant beaucoup de mal simposer car la connaissance de leur comportement en racteur est gnralement trop limite pour garantir une amlioration significative par rapport aux combustibles oxydes. Dans les REP, le cur est constitu dassemblages* de crayons* combustibles gains dun alliage de zirconium et contenant des pastilles doxyde duranium (avec uranium enrichi # 4 % U 235) ou de MOX (oxyde mixte uranium plutonium, (U,Pu)O2 avec une teneur en Pu de 5 10 %). Le choix

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de loxyde comme matriau combustible sest impos dans les racteurs eau pour diffrentes raisons, et notamment pour son assez bonne compatibilit chimique avec le caloporteur, en cas de rupture de la premire barrire de confinement. Le taux de combustion* ou nergie extraite des assemblages combustibles au moment de leur dchargement est pass en vingt ans de 33 GWj/t 52 GWj/t. Cette nergie demeure faible en regard du potentiel nergtique de la matire fissile contenue dans le combustible. Les limites sont principalement dordre technologique et la R&D en cours permet progressivement de les repousser : ainsi le dveloppement et la qualification dun nouvel alliage de zirconium (le M5, un alliage zirconium niobium), en tant que matriau de gainage plus rsistant la corrosion que le Zircaloy-4, va permettre de porter le taux de combustion maximal de 52 60 GWj/t. De mme, la mise au point et la qualification dun combustible UO2 dop loxyde de chrome qui lui confre de meilleures proprits visco-plastiques tout en augmentant fortement la taille des grains du cristal devrait permettre, terme, damliorer la souplesse dexploitation des racteurs et daccrotre encore les taux de combustion. La R&D sur les combustibles, mene au CEA en collaboration troite avec les partenaires industriels EDF et AREVA, sattache vrifier que toute volution du combustible constitue un progrs en fonctionnement nominal, mais galement dgage des marges vis--vis du fonctionnement en situation accidentelle. Les progrs en question passent par une comprhension approfondie des mcanismes physiques et chimiques qui gouvernent le comportement du combustible en racteur. Cette comprhension sappuie sur une modlisation, dment valide par des expriences. La R&D sur les combustibles des racteurs du futur correspond une tape plus lointaine, la nature du combustible tant troitement associe au type de racteur et au cycle du dit combustile. Dans le cadre du forum international Gnration IV, qui a lanc ltude de nouveaux systmes nuclaires, sont recherchs en priorit des combustibles capables de recycler une partie de leurs dchets (voire ceux des gnrations antrieures), en particulier les actinides mineurs* (neptunium [Np], amricium [Am], curium [Cm]) crs par transmutation de luranium et du plutonium pendant le sjour en racteur. cet effet, les racteurs neutrons rapides qui favorisent la fission de ces actinides mineurs sont privilgis. Dans ces racteurs neutrons rapides (RNR), les conditions de fonctionnement imposes au combustible sont plus svres que dans les REP : la densit de matire fissile* doit

tre leve, do une forte puissance spcifique dans les pastilles combustibles, des tempratures de fonctionnement suprieures celles des REP, et un endommagement important engendr par les neutrons rapides dans les structures mtalliques, en particulier les gaines des lments combustibles. La situation est aujourdhui trs ouverte : les cramiques oxyde restent un combustible envisageable, loxyde tant un matriau robuste qui a fait ses preuves, notamment dans les RNR sodium. Mais le cahier des charges impos par les RNR, en particulier avec caloporteur gaz, pousse rechercher un matriau plus dense et meilleur conducteur tels que les cramiques carbures ou nitrures ou des alliages mtalliques. Ces matriaux prsentent des avantages par rapport loxyde mais galement des inconvnients quil importe de peser. Des matriaux composites cramique cramique (CERCER) ou cramique mtal (CERMET) apparaissent galement comme des candidats potentiels mais ncessitent des dveloppements importants. De mme pour les matriaux de gainage et de structure soumis un puissant bombardement de neutrons, la recherche de fortes tempratures conduit aux limites de fonctionnement des alliages connus et ncessite des innovations. Pour ces combustibles du futur, ces innovations touchent non seulement la nature des matriaux, mais aussi aux concepts et amnent examiner les avantages qui pourraient rsulter dune rupture avec les concepts classiques bass sur le principe dune pastille combustible dans une gaine cylindrique. En particulier, lide du combustible particules utilis dans les racteurs HTR a t revisite ; et les tudes de dimensionnement pour les racteurs rapides gaz mettent en avant certains concepts trs innovants tels que les plaques macrostructures dans lesquels le matriau fissile est insr dans une cramique en forme de nid dabeille. Nombreux sont les dfis qui touchent aux combustibles nuclaires. Est rsum dans cette monographie ltat des connaissances sur le comportement en racteur, les limites dutilisation et les pistes de R&D en vue damliorer les performances des combustibles actuels et dvelopper de nouveaux combustibles pour les racteurs du futur. Sans prtendre lexhaustivit, la prsente monographie illustre galement les recherches en cours par la prsentation de quelques rsultats marquants, obtenus rcemment.

Yannick GURIN,Dpartement dtudes des combustibles

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quoi ressemble le combustible des racteurs eau ?

Quattend-on dun combustible nuclaire ?Les objectifs de conception dun combustible nuclaire peuvent se traduire par les critres suivants : Fournir la puissance attendue du racteur tout au long de la dure des cycles dirradiation* prvus ; le combustible doit donc permettre lvacuation de la chaleur, tout en assurant la ractivit du cur du racteur ; confiner les produits de la fission lintrieur de llment combustible dans les conditions de fonctionnement normales, incidentelles et accidentelles (dans les limites du dimensionnement) ; utiliser au mieux la matire fissile pour obtenir le cot de cycle le plus conomique. Cela se traduit par des exigences techniques et technologiques : Une puissance dgage par unit de volume (typiquement de lordre de 400 W/cm3 de combustible pour les racteurs eau actuels) ; une grande fiabilit, associe une dure de vie leve : lassemblage combustible, sa structure et les crayons qui le constituent, doivent rsister sans dfaillance pendant toute la dure du sjour en racteur, actuellement quatre cinq ans, avec un objectif de six ans vers 2010. Le choix des matriaux constitutifs de la structure de lassemblage* et des gaines* doit donc tenir compte de leur rsistance lirradiation et la corrosion ; ltanchit du combustible. En situation incidentelle ou accidentelle, la sret exige que les matires nuclaires restent confines ; la gaine du crayon combustible constitue la premire barrire de confinement (les deux autres sont le circuit primaire et lenceinte de confinement) ; mme si dans des situations accidentelles extrmes des ruptures de gaine sont invitables, et si lassemblage subit des dformations, on doit pouvoir continuer le refroidir ; malgr ces exigences de performance, lassemblage combustible doit rester simple : simple fabriquer, manutentionner, transporter, rparer, puis, aprs usage, entreLes combustibles nuclaires

poser. En outre, on exige, notamment en France, quil soit traitable , cest--dire quil doit tre possible de rcuprer les lments uranium et plutonium qui possdent un potentiel nergtique.

La cramique combustibleDans les racteurs eau ordinaire, la matire fissile est sous forme doxyde polycristallin UO2 (ou UO2-PuO2 dans le cas du combustible MOX). Stables chimiquement, compatibles avec leau, ces oxydes rsistent bien la temprature et lirradiation ; loxygne de loxyde absorbe peu les neutrons, et les cristallites doxyde retiennent bien les produits de fission, tout en gardant leur structure cristalline cubique. Les oxydes duranium (UOX) ou les oxydes mixtes duranium et de plutonium (MOX) utiliss comme combustibles sont des matriaux polycristallins monophass relativement denses (environ 95 % de la densit thorique) constitus de petits grains de dioxyde de quelques micromtres. Les dioxydes dactinide ont une structure de type fluorine et cristallisent sous forme cubique faces centres pour le rseau de lactinide. Ces dioxydes UO2+x ou (U1-yPuy)O2+x acceptent un cart la stoechiomtrie important qui correspond la prsence de dfauts ponctuels lacunaires ou interstitiels : 0 x 0,25 pour lUOX et 0,25 x 0,25 pour le MOX la temprature ambiante. Cet cart la stoechiomtrie qui conditionne fortement les proprits des combustibles doit donc tre spcifi et respect la fabrication. Le dioxyde stoechiomtrique duranium (x = 0) accepte la substitution de luranium par du plutonium sur les sites cristallins en toutes proportions (0 y 1) et loxyde mixte existe donc pour toutes teneurs en plutonium. Toutefois, lorsque loxyde nest plus stchiomtrique, les possibilits de substitution sont beaucoup plus limites, et pour des teneurs en plutonium dpassant 40%, loxyde devient gnralement biphas. Enfin, le dioxyde cubique UO2+x ou (U1-yPuy)O2+x est une phase du systme U-Pu-O parmi beaucoup dautres. Toute variation importante de la teneur en oxygne ou plus exactement du rapport O/U+Pu entrane des changements de phases dont les plus usuelles sont (U1-yPuy)3O8 et (U1-yPuy)4O9. Ces nouvelles phases peuvent tre observes dans le cycle du combustible, en particulier lorsque le potentiel doxygne volue.

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Crayons combustiblesLoxyde est conditionn sous forme de pastilles frittes (hauteur et diamtre de lordre du centimtre avec la hauteur plus grande que le diamtre). Les pastilles sont empiles dans une gaine mtallique destine confiner les produits de fission, assurer le maintien mcanique des pastilles, et vacuer vers le fluide caloporteur la chaleur produite par les ractions nuclaires. Lensemble, appel crayon combustible , a une longueur denviron 4 m pour un diamtre voisin de 1 cm.

Fig. 3. Pastilles de combustible MOX, prtes tre engaines .

Outre lempilement des pastilles et le tube de gainage, ce crayon est constitu de deux bouchons dextrmits souds, dune chambre dexpansion (ou plenum) pour les gaz de fission relchs et dun ressort, dans cette chambre dexpansion, qui maintient en place la colonne combustible. Le crayon est rempli dhlium sous une pression de lordre de 25 bars, de faon compenser, en partie, la pression externe dans le circuit primaire (155 bars en REP).Fig. 1. Pastilles combustibles.

Bouchon suprieur (alliage de Zr)

Volume libre dexpansion des gaz de fission 16,5 cm Ressort

Le matriau de la gaine est un alliage de zirconium, choisi pour sa transparence aux neutrons, ses proprits mcaniques et sa rsistance la corrosion. Lalliage le plus couramment utilis jusqu ce jour en REP a t le Zircaloy-4, mais il est actuellement remplac par de nouveaux alliages base zirconium niobium plus rsistants la corrosion (voir chapitre Les matriaux de gaine et dassemblage ).

Assemblages combustibles REPCes crayons sont regroups pour former un assemblage* combustible dans lequel ils sont arrangs en rseau maille carre dans une structure assurant notamment leur maintien mcanique. Cet arrangement gomtrique permet la circulation de leau entre les crayons et donc lvacuation hors du cur de la chaleur engendre dans le cur du racteur. Dans un racteur eau sous pression, la structure est ouverte, leau peut circuler transversalement aux assemblages. Les assemblages pour REP* sont constitus dune structure comprenant un pied, une tte (appels embouts infrieur et suprieur) et des tubes guides sur lesquels sont fixes les grilles de maintien des crayons combustibles (et de mlange du caloporteur). Les crayons absorbants des grappes de contrle coulissent dans les tubes guides. Un des tubes guides est rserv linstrumentation du cur. quoi ressemble le combustible des racteurs eau ?

382,2 cm

Tube de gainage (alliage de Zr)

365,8 cm

Pastilles doxyde duranium ou doxyde mixte

Bouchon infrieur (alliage de Zr)

Fig. 2. Schma dun crayon combustible (avec les dimensions dun crayon REP 900 MW).

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Araigne

Crayon de contrle

Ressort de maintien

Embout suprieur

Grille suprieure

Tube guide

Grille de mlange

Crayon combustible

Grille infrieure

Fig. 5. Photo dune portion dassemblage REP, lors de ltape de contrle.

Embout infrieur Tube-guide Liaison par points de soudure Bossettes Soudures

Fig. 4. Schma dun assemblage combustible REP 17 x 17 et dune grappe de contrle.

Les grilles, soudes sur les tubes guides, assurent, laide de ressorts et de bossettes (fig. 6), le maintien et lespacement des crayons combustible. Elles comportent, en outre, des ailettes qui permettent damliorer le mlange de veines fluides, et donc damliorer les performances thermohydrauliques de lassemblage. Lembout infrieur comporte un dispositif antidbris, afin darrter les corps migrants qui ont constitu, une poque, la principale cause de rupture de gaine. Lembout suprieur assure la fonction de manutention de lassemblage.Les combutibles nuclaires

Ressorts doubles

Bossettes bouton

Fig. 6. Schma dune grille dassemblage AFA2G (AREVA).

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Assemblages combustibles REBDans un racteur eau bouillante (REB*), contrairement aux REP la structure de lassemblage est ferme, chaque faisceau , de crayons est enferm dans un botier interdisant les changes transversaux. Les assemblages de combustible pour REB comportent un botier assurant les fonctions de canal hydraulique, de maintien mcanique du cur, dunit de manutention du combustible et de guidage des croix de commande (qui sinsrent entre quatre botiers). Les autres pices de structure assurent des fonctions comparables celles des assemblages REP.

Yannick GURIN,Dpartement dtudes des combustibles

et Bernard BONIN,Direction scientifique

Fig. 7. Schma dun assemblage combustible REB.

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Fabrication des combustibles pour les racteurs eau

a quasi-totalit des combustibles pour racteurs eau (REP et REB) est base duranium enrichi (de 3 5 % dU 235) ; dans certains pays et notamment en France, on fabrique aussi des combustibles oxyde mixte UO2-PuO2 (MOX) permettant de recycler le plutonium. La fabrication des lments combustibles comporte diffrentes tapes : laboration des matriaux (alliages de zirconium notamment) et des composants : tubes de gaines et pices de structure ; prparation des poudres (UO2 enrichi) ou (UO2 et PuO2) ; pastillage : mise en forme de pastilles cylindriques et frittage*, cest--dire cuisson de la cramique ; crayonnage : introduction des pastilles et fermeture du crayon ; constitution de lassemblage et entreposage.

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On vise, pour les pastilles, une densit de 95 % de la densit thorique ; il faut, en effet, une valeur leve pour garantir une bonne stabilit de la pastille (faible redensification en racteur), mais on veut galement garder quelques pourcents de porosit pour aider la pastille accommoder son propre gonflement sous irradiation. La densit vise est obtenue en ajoutant la poudre UO2 un produit porogne et une certaine proportion dU3O8. Cette poudre U3O8 trs fine provient de la calcination des rebuts de fabrication (oxydation de lUO2 sous air 350 C), sa prsence joue sur la densit finale des pastilles et permet, en outre, daugmenter la rsistance mcanique des bauches comprimes (procd UROX). La poudre UO2 voie sche prsente une coulabilit insuffisante pour remplir les matrices de presse. Il faut donc passer par une tape de granulation qui consiste compacter la poudre sous faible pression puis concasser les comprims ainsi obtenus et sphrodiser les granuls par brassage dans un mlangeur. Un lubrifiant peut tre ajout la poudre hauteur de 0,2 0,3 % afin de faciliter le pressage des pastilles crues, qui ont une masse volumique comprise entre 5,9 et 6,3 g/cm3. Les pastilles crues sont places dans des nacelles en molybdne et frittes pendant 4 h 1 700 C sous atmosphre rductrice (hydrogne) dans un four continu. Aprs frittage, les pastilles (qui forment un lger diabolo) sont rectifies afin dassurer leur cylindricit et dobtenir le diamtre spcifi +/- une dizaine de microns. Pour garantir le respect des spcifications, de nombreux contrles soit systmatiques, soit par prlvement dchantillons, sont raliss lissue de chacune des tapes de la fabrication : Contrles visuels : les pastilles ne doivent pas avoir dclats ; contrles dimensionnels : diamtres, longueur, conicit, videments, chanfreins ; mesure des densits hydrostatique et gomtrique (porosit ouverte trs faible : < 0,1 %) ; contrles chimiques : O/U, impurets, teneur en U 235 ou en Pu ; test de stabilit thermique (recuit de 24 h la temprature de frittage) pour sassurer que la densification additionnelle pendant ce test reste modeste.

Fabrication des pastilles dUO2Le combustible oxyde se prsente sous forme de pastilles cylindriques de diamtre et de hauteur de lordre du centimtre. Ces pastilles sont labores par mtallurgie des poudres partir dune poudre doxyde duranium enrichi. Lenrichissement de luranium est ralis partir de la molcule gazeuse UF6. Le fluorure duranium est ensuite transform en oxyde duranium par un procd de conversion* voie sche (ne mettant en uvre que des ractions gaz-gaz ou solide-gaz) : UF6 + 2 H2O UO2F2 + 4 HF (hydrolyse) UO2F2 + H2 UO2 + 2 HF (rduction) Lensemble du procd utilise une installation intgre comprenant, en tte, un racteur dhydrolyse, puis un four rotatif o se produit la dfluoration par pyrohydrolyse rductrice, avec formation de la poudre de dioxyde duranium. La poudre ainsi obtenue a une surface spcifique denviron 2 m2/g, suffisamment basse pour lui confrer une excellente stabilit (pas de risque de pyrophoricit* et peu dvolution dans le temps du rapport O/U), et assez leve pour lui confrer une bonne frittabilit (une densit de 98 % peut tre obtenue lors du frittage de cette poudre sans ajouts).

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Fabrication des pastilles de MOX (oxyde mixte uranium plutonium)Aprs traitement du combustible UO2 irradi, la sparation de luranium et du plutonium aboutit lobtention de plutonium sous forme oxyde PuO2 ; cet oxyde de plutonium est obtenu par calcination 450 C de loxalate provenant de la prcipitation du nitrate de plutonium par lacide oxalique. La poudre de PuO2 (fig. 9) a une surface spcifique leve (> 6 m2/g). Le procd de fabrication mis en uvre dans lusine MELOX en France (et prcdemment en Belgique) pour la fabrication du MOX est le procd MIMAS (MIcronized MASter blend) : un mlange-mre de poudre UO2 et PuO2 (avec une teneur en PuO2 de 25 30 %) est broy dans un broyeur boulets ; on obtient ainsi un mlange intime des deux poudres, trs fines, et qui peuvent se r-agglomrer. Ce mlange subit ensuite un tamisage forc qui permet de garantir labsence de gros agglomrats, puis il est dilu avec de lUO2 afin dobtenir la teneur en plutonium vise (5 % 10 %). Il existe dautres procds de fabrication des pastilles doxyde mixte uranium plutonium, notamment celui consistant

10 m

Fig. 8. Micrographie dune cramique UO2 aprs attaque chimique rvlant les grains.

Des contrles sont galement raliss afin de renseigner certaines grandeurs, mme si celles-ci ne sont pas spcifies. Ainsi, des mtallographies (fig. 8) donnent accs la taille des grains de la cramique (gnralement de lordre de 10 m) et la morphologie de la porosit rsiduelle.

aFig. 9. Photographies au MEB montrant les agglomrats de poudres dUO2 ADU (ou TU2) et PuO2 actuellement utilises dans la fabrication des combustibles MOX lusine MELOX. a. Poudre dUO2 TU2 - b. Poudre de PuO2.

b

a

b

Fig. 10. Photographies au MEB montrant des agglomrats de poudres UO2 voie sche compars ceux de la poudre dUO2 TU2. a. Poudre dUO2 voie sche (AREVA ANF) - b. Poudre dUO2 voie humide TU2.

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Fabrication des combustibles pour les racteurs eau

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mlanger directement les poudres UO2 et PuO2 la teneur vise en plutonium. Au dbut des fabrications industrielles, des pastilles de MOX ont t fabriques Cadarache par le procd COCA (CObroyage CAdarache) adapt directement du procd utilis pour les fabrications des pastilles oxydes mixtes des racteurs neutrons rapides (Phnix et SuperPhnix). Le MOX fabriqu en Grande-Bretagne utilise un procd comparable, appel SBR (Short Binderless Route), de mlange et broyage de la totalit des poudres. Les poudres ainsi obtenues sont transformes en pastilles par pressage, tape rcemment modlise au CEA afin de minimiser les rebuts de fabrication et le volume des poudres de rectification lusine MELOX. Pour limiter le gradient de densit prsent au sein des comprims crus, il faut diminuer les frottements latraux entre la poudre et les matriaux de matrices de presse. Les tests effectus sur plusieurs matriaux montrent quun revtement de TiC permet de diminuer le coefficient de frottement poudre/matrice denviron 20 %.

Aprs pressage, les pastilles de MOX sont frittes pendant 4 h 1 700 C. la diffrence de lUO2, le frittage du MOX nest pas effectu sous atmosphre rductrice, mais sous un mlange argon-hydrogne lgrement humidifi (20 < H2/H2O < 50) afin dimposer dans le four de frittage un potentiel doxygne permettant dobtenir un oxyde (U,Pu)O2 dont le rapport Oxygne/Mtal est proche de la composition stchiomtrique. Aprs frittage, comme les pastilles UO2, les pastilles MOX sont rectifies et contrles. En raison du procd de fabrication, la rpartition du plutonium nest pas homogne : les observations la microsonde (fig. 12) montrent quune partie du plutonium se trouve dans des agglomrats dont la teneur en plutonium, suprieure 20 %, est proche de celle du mlange-mre. La R&D se poursuit dans diffrentes voies pour amliorer lhomognit de rpartition du plutonium, via lutilisation dadditifs de frittage* tels que le chrome ou le soufre (voir, p. 47, le chapitre sur les cramique UO2 et MOX avances).

Modliser le compactage des poudres pour mieux contrler la forme et la densit des pastilles de combustible Le code PrCAD dcrit le comportement mcanique sous charge dun milieu pulvrulent, selon une loi lasto-plastique. Lacquisition des donnes poudres (courbes de compressibilit, de frittabilit, module dYoung, indice de fluidit, coefficient de frottement poudre/matrice) a permis dalimenter la base de donnes du code et ainsi de calculer les gradients de densits dans les pastilles, les retraits diffrentiels de frittage et la forme finale de la pastille (fig. 11). Il est ainsi possible doptimiser le cycle de pressage afin de minimiser lamplitude du diabolo (cart de forme de la pastille fritte par rapport la forme cylindrique) et donc le volume des poudres de rectification.

Poinon suprieur mobile

Poudre aprs remplissage Densit en fin de compression Poinon infrieur fixe Matrice mobile Calcul des retraits de frittage

Simulation de la compression

Fig. 11. Illustration des tudes sur le pressage des poudres MOX, utilisation de la modlisation aux lments finis (code PRECAD), Cas dun pressage simple effet.

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Matrice (U>0,98, Pu 300) de crayons standards et exprimentaux : grandeurs intgrales telles que allongements des crayons et des colonnes fissiles, pression interne, volume libre, fraction relche des gaz de fission, grandeurs plus locales telles que profil axial de dformations diamtrales et dpaisseurs de corrosion des gaines, densit des pastilles, diamtres de prcipitation des bulles de gaz ou paisseurs de RIM, ou grandeurs mesures in situ notamment tempratures mesures en racteur par un thermocouple cur des pastilles. Au CEA, la R&D sur la modlisation se poursuit dans deux directions : 1. Une modlisation de plus en plus physique : ainsi, le modle MARGARET [2, 3, 4] modlise le comportement des gaz de fission en prenant en compte lensemble des phnomnes physiques connus, depuis le comportement des bulles de gaz intragranulaires de taille nanomtrique (germination, croissance, remise en solution des atomes de gaz par les pointes de fission, coalescence, migration des atomes de gaz, des lacunes et des bulles) jusqu celui des bulles intergranulaires de taille micromtrique, avant et aprs interconnexion de ces bulles et relchement par percolation du gaz quelles contiennent. La validation de modles aussi fins doit sappuyer bien sr toujours sur des grandeurs intgrales telles que le rel-

Le travail de modlisation du comportement des combustibles REP, commenc au CEA et dans le monde il y a plusieurs dcennies, tait au dpart assez empirique, sappuyant principalement sur des lois simples issues des rsultats exprimentaux. Progressivement, les codes ont ensuite essay de traduire au plus prs la physique sous-jacente chacun des phnomnes dcrits, et leffort se poursuit aujourdhui dans cette direction. Dans les annes 90 a t dvelopp au CEA le code MTOR [1], qui est toujours largement utilis. Ce code est dit 1 D 1/2, cest--dire quil effectue le calcul dun crayon dcoup en n tranches ; chaque tranche dcoupe en p couronnes est calcule en axisymtrie, mais les interactions dune tranche avec ses voisines sont prises en compte. Sont ainsi notamment modlises : La thermique en tous points du crayon : le profil radial de puissance, la conductivit thermique du combustible en chaque point, sa dgradation sous irradiation et linfluence de toutes les grandeurs (porosit, O/M, fissures, etc.), leLes combustibles nuclaires

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chement des gaz de fission, mais surtout sur des observations quantifies une chelle microscopique et sub-microscopique, en particulier les variations en fonction du rayon des densits et tailles de bulles telles que mesures au MEB avec analyse dimages, et les quantits de xnon observables la microsonde et au SIMS*. Cette modlisation explore les confins de la connaissance actuelle aussi bien thorique que exprimentale. Elle utilise des moyens de caractrisation lchelle nanomtrique, en particulier, le microscope lectronique transmission. Elle sappuie sur le retour dexprience de lensemble des programmes exprimentaux raliss en partenariat CEA-EDFAREVA, mais utilise galement les avances rcentes de la recherche de base sur les matriaux, telles que les caractrisations au synchrotron ou les calculs ab initio (voir chapitre suivant). 2. Le dveloppement de plate-forme informatique capable dintgrer dans une mme architecture, lensemble des modles physiques dvelopps sur les diffrents types de combustible. Ainsi, la plate-forme PLIADES [5] (codvelopp par CEA et EDF) est capable de traiter les combustibles de racteurs eau, mais galement les autres combustibles (racteurs neutrons rapides caloporteur sodium ou gaz, particules pour racteurs haute temprature, ou plaques de combustible pour racteurs exprimentaux). De plus cette architecture thermomcanique aux lments finis peut, selon les besoins, effectuer les calculs en 1 D, en 2 D, ou en 3 D. Cette dernire caractristique est ncessaire notamment pour calculer correctement les champs de contraintes et dformations en cas dinteraction pastille-gaine (IPG*) lors dune rampe de puissance, car la mise en diabolo des pastilles induit des concentrations de contraintes au droit des interpastilles et des fissures radiales (voir chapitre Linteraction pastille-gaine , p. 41).

Enfin une telle plate-forme a une structure informatique adapte pour faciliter le couplage avec dautres plate-formes de simulation, en particulier celles traitant de la thermohydraulique ou de la neutronique des curs. De tels couplages vont notamment permettre des avances dans la prdiction du comportement des combustibles lors de situations accidentelles telles que lAccident par Perte de Rfrigrant Primaire (voir chapitre Le combustible en situation accidentelle ).

Rfrences[1] C. STRUZIK, M. MOYNE, J.-P. PIRON, High Burnup Modelling of UO2 and MOX fuel with MTOR/TRANSURANUS version 1.5, International Meeting on LWR Fuel Performance, Portland (1997). [2] L. NOIROT, C. STRUZIK, P. GARCIA, A mechanistic fission gas behaviour model for UO2 and MOX fuels. International Seminar on Fission Gas Behaviour in Water Reactor Fuels, Cadarache (2000). [3] J. NOIROT, L. NOIROT, L. DESGRANGES, J. LAMONTAGNE, TH. BLAY, B. PASQUET, E. MULLER, Fission Gas Inventory in PWR High Burnup Fuel: Experimental Characterization and Modelling, International Meeting on LWR Fuel Performance, Orlando, Floride (2004). [4] L. NOIROT, MARGARET: an advanced model on fuels, Journal of Nuclear Science and Technology, v1.43 n9, p. 1149 (2006). [5] D. PLANCQ, J.-M. RICAUD, G. THOUVENIN, C. STRUZIK, T. HELFER, F. BENTEJAC, P. THVENIN, R. MASSON, PLIADES: A unified environment for multi-dimensional fuel performance modelling, International Meeting on LWR Fuel Performance, Orlando, Floride (2004).

Yannick GURIN,Dpartement dtudes des combustibles

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La modlisation du comportement des combustibles

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Modlisation des dfauts et des produits de fission dans la cramique UO2 par calculs ab initio

omme nous venons de le voir, en plus dune description de plus en plus physique du comportement du combustible, la modlisation est aussi capable daborder des chelles de plus en plus fines. La modlisation du comportement des gaz de fission, qui tait ralise nagure lchelle du grain (10 m), sintresse dsormais au sort des bulles de taille nanomtrique qui jouent un rle cl dans les mcanismes de migration du gaz. Lvolution des proprits mcaniques des matriaux est directement lie au devenir des dfauts ponctuels* crs par lirradiation (essentiellement lors des cascades de dplacement engendres par le recul des PF, en fin de parcours) : recombinaison des lacunes* et interstitiels*, prcipitation en boucles de dislocations*. Le sort des produits de fission et de lhlium produit par dsintgration alpha, et, en particulier, leur aptitude migrer dpendent des possibilits de mise en solution des atomes dans le cristal UO2.

C

Pour progresser dans la comprhension du comportement du combustible, il est donc indispensable de disposer dlments sur les proprits et le comportement de la matire lchelle atomique. Il nest pas simple dobtenir ces donnes par lexprience, en raison des difficults pour accder aux chelles pertinentes. De nombreux phnomnes sont mis en jeu et leurs consquences difficiles valuer sparment. Parmi les mthodes dtude, la modlisation lchelle atomique est utilise au CEA depuis 1996. Lobjectif de ces tudes est la dtermination prcise des mcanismes de formation et de migration des dfauts et des produits de fission dans le combustible ainsi que des nergies qui y sont associes.

Les calculs ab initioDes calculs ab initio sur les composs dactinides ont commenc avec des approximations telles que celles de la densit locale (LDA) et de la sphre atomique (ASA) [1]. Puis, des pseudopotentiels performants ont t dvelopps pour les actinides et, en particulier, pour luranium [2,3]. Lassociation de ces pseudopotentiels et dapproximations de lchangecorrlation plus sophistiques, comme celle du gradient gnralis (GGA), ont permis dobtenir des rsultats prcis sur la structure et lnergie des dfauts [4], ainsi que la localisation et la solubilit des produits de fission [5]. Depuis, la mthode ab initio PAW (Projector Augmented Wave) permet de modliser des systmes contenant une centaine datomes inquivalents et, par consquent, dtudier des phnomnes plus complexes comme la migration de dfauts. Lapport de ces mthodes de calcul ab initio est de permettre de traiter sparment les diffrents types de dfauts ponctuels ou produits de fission dans le matriau combustible et de dterminer pour chacun leur stabilit (nergie de formation ou dincorporation), leur influence sur la structure cristalline et leur mcanisme de migration. Ces donnes peuvent servir de paramtres dentre pour des modles empiriques dcrivant le comportement du matriau sous irradiation une chelle macroscopique. Ltude du comportement de dfauts ponctuels et de la solubilit des gaz de fission et de lhlium, en fonction de lcart la stchiomtrie du combustible UO2, est prsente ici.

La modlisation lchelle atomique La modlisation lchelle atomique permet dapprhender, lchelle quantique, les proprits de la matire qui dpendent de la structure lectronique (proprits de cohsion, spectroscopiques ou mcaniques). Les modles utiliss reposent tous sur la rsolution dquations dcrivant les interactions entre noyaux et lectrons constituant le systme. Lobjectif principal de ces calculs est de dterminer lnergie correspondant la gomtrie la plus stable du systme considr. La mthode retenue, base sur la thorie de la fonctionnelle de la densit (DFT), est dite ab initio car elle nutilise que des grandeurs intrinsques aux atomes, cest--dire non paramtres. La modlisation ab initio du combustible UO2 prsente deux difficults principales. Dune part, les actinides sont difficiles tudier thoriquement, en raison de leurs lectrons 5f qui peuvent tre plus ou moins localiss autour des noyaux. La description des systmes prsentant des lectrons fortement corrls constitue un sujet de recherche en soi. Dautre part, les systmes considrer pour prendre en compte les dfauts et produits de fission sont de composition et de symtrie complexes. On peut simplifier le traitement de tels systmes, constitus, en outre, dlments grand nombre dlectrons, en ne considrant que les lectrons de valence, seuls intervenir dans les proprits chimiques et de cohsion du solide. Pour luranium, cela revient ne traiter que 14 lectrons par atome, au lieu de 92. Par ailleurs, le dveloppement des orbitales lectroniques sur une base dondes planes permet davoir accs facilement la position lquilibre des atomes autour de dfauts.

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Dfauts ponctuels dans le dioxyde duraniumLa modlisation des dfauts est effectue en considrant une maille de 96 atomes (huit mailles du sous-rseau cubique duranium) rpt linfini dans lespace pour constituer un solide priodique. Les dfauts ponctuels, lacunes et interstitiels, sont introduits dans cette supercellule (voir figure 31, dans le cas dune lacune duranium). Le cas idal serait de pouvoir prendre en compte des mailles encore plus grandes pour sassurer que les dfauts entre des supercellules adjacentes ninteragissent pas. Une supercellule de 96 atomes est toutefois le maximum qui peut tre considr dans le formalisme prsent, avec les ressources informatiques disponibles actuellement. Les calculs dnergie totale sont effectus pour les interstitiels et lacunes duranium et doxygne. partir des nergies du systme contenant ces dfauts, les nergies de formation des dfauts pourront aussi tre dtermines. Des rsultats exprimentaux par diffraction de neutrons, raliss ds 1964 [6], montrent que les interstitiels doxygne dans UO2.12 sont localiss sur des sites dcals par rapport aux centres des cubes. Cependant, de premiers calculs ab initio nont pu mettre en vidence une telle distorsion [3] et, par consquent, dans les calculs prsents ici, seul le site octadrique (au centre du cube doxygne) est pris en compte pour les dfauts interstitiels. De plus, pour des carts la stchiomtrie importants, les nombreux dfauts interstitiels doxygne forment des amas [7], situation qui nest pas encore prise en compte par les calculs ab initio.

Variation de volume de la maille dUO2Pour chaque type de lacune et dinterstitiel, les positions des atomes et le volume de la supercellule ont t calculs par minimisation des contraintes dans le solide. Les variations du volume de la supercellule calcules montrent que la variation la plus importante est due aux dfauts duranium, qui provoquent, dans le cas des interstitiels, un gonflement significatif, et, dans le cas des lacunes, une contraction mais dampleur moins significative. Les dfauts doxygne ne provoquent pas de variation importante.

Dfauts dans les cristaux En cristallographie, les dfauts ponctuels sont des dfauts dans lorganisation des cristaux qui ne concernent que des nuds isols du rseau cristallin. Ils peuvent consister en une lacune (atome manquant, laissant un emplacement vide dans le rseau cristallin), ou en un interstitiel (atome en trop occupant une position intermdiaire dans le rseau). Quand un atome est dplac de son emplacement normal pour occuper une position en interstitiel, il y a cration dune lacune et dun interstitiel, dite paire de Frenkel* . Les dfauts de Schottky sont des paires de dfauts dans les cristaux ioniques. Un dfaut de Schottky est lassociation dune lacune anionique et dune lacune cationique.

nergie de formation des dfauts ponctuels dans lUO2Les nergies de formation dune lacune ou dun dfaut interstitiel sont obtenues partir de lnergie totale du systme avec et sans le dfaut. Ces nergies permettent, de plus, de dterminer les nergies de formation des paires de Frenkel (une lacune et un interstitiel de mme type chimique) et des dfauts de Schottky (une lacune duranium et deux lacunes doxygne). Les calculs ab initio prdisent la plus grande stabilit des paires de Frenkel doxygne par rapport aux paires de Frenkel duranium et aux dfauts de Schottky. Ils montrent que les interstitiels doxygne ont une nergie de formation ngative (-2,1 eV) par rapport loxygne gazeux. Cela est en accord avec la facile oxydation dUO2 et confirme que la premire tape de loxydation est lincorporation doxygne dans les sites interstitiels du cristal [3].

Lacune uranium

Mcanismes et nergies de migration de dfauts ponctuels dans lUO2Les proprits de transport atomique dun lment chimique ou dun dfaut peuvent tre apprhendes par la dtermination de son chemin de migration le plus favorable et de la barrire dnergie franchir associe (nergie de migration). Une telle tude a t mene pour la migration de dfauts oxygne et uranium dans UO2. En pratique, pour initier le calcul, on fixeModlisation des dfauts et des produits de fission dans la cramique UO2 par calculs ab initio

Fig. 31. Supercellule considre pour modliser les dfauts ponctuels dans lUO2, ici, par exemple, les lacunes duranium. Les atomes duranium sont reprsents en bleu, ceux doxygne en rouge. Le site de latome duranium manquant (lacune) est repr par la flche.

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[001]E (eV)1,4 1,2 1,0 0,8 0,6 0,4 0,2 0

Em

[100]

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

Coordonnes de raction

Fig. 32. gauche, exemple de chemin de migration explor pour ltude des proprits de transport de dfauts oxygne : migration selon la direction cristallographique [100] dune lacune doxygne.

droite, barrire dnergie E franchir calcule pour la migration du dfaut selon cette direction : le maximum de la courbe correspond lnergie de migration Em.

une trajectoire de migration pour le dfaut : par exemple, la migration dune lacune doxygne dun site du cristal un autre (fig. 32). Lnergie du systme est alors calcule pour les positions successives du dfaut le long de la trajectoire, en prenant en compte la distorsion de la structure induite par le dfaut. La barrire dnergie franchir pour la migration peut ainsi tre dtermine (fig. 32). Des chemins de migration selon diffrentes directions cristallographiques et selon des mcanismes diffrents (lacunaires, interstitiels) peuvent tre explors. Dans le cas des dfauts doxygne dans UO2, les calculs ab initio montrent que cest un mcanisme de migration de type interstitiel indirect qui prsente la barrire de migration la plus basse (1,1eV). Une telle approche peut tre applique galement ltude du transport atomique des produits de fission ou de lhlium. Les nergies de migration calcules peuvent tre relies et compares aux nergies dactivation de la diffusion, qui peuvent tre mesures exprimentalement.

mettent de dterminer le site prfrentiel de llment incorpor et de quantifier sa solubilit grce au modle de dfaut ponctuel (PDM) [9]. Lnergie de solution calcule prend en compte la concentration des sites sur lesquels le gaz peut se fixer (les lacunes), en fonction de la stchiomtrie de loxyde. Pour lhlium, lnergie de solution obtenue est faible (< 1 eV), quelle que soit la stchiomtrie, plaant lhlium la limite de la solubilit dans lUO2. La situation est plus tranche pour le xnon, dont lnergie de solution est de lordre de 6 eV dans lUO2. Lincorporation datomes de xnon dans le rseau cristallin est donc trs dfavorable, en accord avec les observations exprimentales montrant la prcipitation du xnon sous forme de bulles [10]. Ltape suivante de ltude ab initio du comportement des gaz de fission est dapprhender leurs mcanismes de diffusion en calculant leurs nergies de migration.

Produits de fission dans le dioxyde duraniumLe calcul ab initio permet aussi dtudier le comportement de produits de fission et de lhlium dans le combustible. Une tude dans lapproximation LDA avait dj t ralise au CEA pour lhlium, le krypton, le csium, liode et le strontium [8]. Lincorporation des gaz rares hlium et xnon a aussi t tudie dans lapproximation GGA [5]. Lnergie dincorporation de lhlium et du xnon est calcule pour diffrents sites dans le cristal : les sites de substitution oxygne ou uranium et le site interstitiel octadrique. En pratique, ces lments sont introduits dans une supercellule, de la mme faon que les dfauts ponctuels. Les nergies dincorporation obtenues perLes combutibles nuclaires

Lindispensable couplage modlisation / exprimentationLes tudes par le calcul ab initio de lUO2 constituent une des briques de la modlisation multi-chelle des effets de lirradiation des combustibles nuclaires, domaine rcent et de pointe au CEA. Des passerelles sont mises en place pour que les diffrentes techniques de modlisation, de lchelle atomique jusqu lchelle de la pastille, se compltent. Cest notamment dj le cas entre les mthodes ab initio de dynamique molculaire classique et les modles cintiques de diffusion. Ces liens doivent encore tre largis aux mthodes de modlisation Monte-Carlo cintique (comme cela a t fait pour les mtaux [11]) et de dynamique des dislocations. Par ailleurs, le CEA participe activement lamlioration des mthodes de

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calcul ab initio, et laugmentation des performances de calcul permet de considrer des systmes toujours plus complexes. Une description de plus en plus fine des proprits physicochimiques des composs dactinides est alors possible, ainsi quune modlisation de plus en plus raliste du comportement des combustibles sous irradiation. La dmarche commence tre applique au CEA des combustibles tels que ceux des racteurs du futur (carbure ou nitrure duranium et de plutonium). Les progrs dans la modlisation doivent cependant saccompagner davances dans les mthodes exprimentales. Le couplage modlisation / exprimentation est, en effet, indispensable pour, dune part, alimenter les modles en grandeurs physiques exprimentales ncessaires leur tablissement, et, dautre part, valider ces modles a posteriori.

Rfrences[1] T. PETIT, C. LEMAIGNAN, F. JOLLET, B. BIGOT, A. PASTUREL, Phil. Mag. B 77, 779 (1998). [2] N. RICHARD, S. BERNARD, F. JOLLET, M. TORRENT, Phys. Rev. B 66, 235112 (2002). [3] J.-P. CROCOMBETTE, F. JOLLET, L.N. NGA, T. PETIT, Phys. Rev. B 64, 104107 (2001). . [4] M. FREYSS, T. PETIT, J.P CROCOMBETTE, J. Nucl. Mater. 347, 44 (2005). [5] M. FREYSS, N. VERGNET, T. PETIT, J. Nucl. Mater. 352, 144 (2006). [6] B. T. M. Willis, Proc. Br. Ceram. Soc. 1, 9 (1964). [7] A. D. MURRAY, B.T.M. Willis, J. Solid State Chem. 84, 52 (1990). [8] J.-P. CROCOMBETTE, J. Nucl. Mater., 305, 29 (2002). [9] H. J. MATZKE, J. Chem. Soc. Faraday Trans. II 83, 1121 (1987). [10] P. GARCIA, P. MARTIN, G. CARLOT, E. CASTELIER, M. RIPERT, C. SABATHIER, C. VALOT et al., J. Nucl. Mater. 352, 136 (2005). [11] C-C. FU, J. DALLA TORRE, F. WILLAIME, J-L. BOCQUET, A. BARBU, Nature Materials 4, 68 (2005).

Michel FREYSS et Carole VALOT,Dpartement dtudes des combustibles

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Les matriaux de gaine et dassemblage

Pourquoi une gaine ?Dans un racteur eau, le combustible sous forme doxyde ne peut pas tre mis directement au contact de leau du circuit primaire car il est ncessaire dassurer un confinement des produits de fission, qui seraient directement relchs dans leau du circuit primaire en labsence dune gaine, laquelle on assigne le rle de premire barrire. Par ailleurs, les caractristiques mcaniques de loxyde ne permettraient pas le maintien dune gomtrie contrle de la matire fissile. Fonctionnellement, la gaine doit donc participer au maintien de la gomtrie du combustible dans le cur et assurer le confinement dudit combustible et des produits de fission forms en son sein. On attend galement delle une bonne capacit vacuer la chaleur produite dans le crayon. Dun point de vue plus oprationnel, on demande donc la gaine une bonne transparence aux neutrons, une bonne conductivit thermique, une bonne rsistance mcanique, mme haute temprature, une bonne tanchit et une bonne rsistance la corrosion dans toutes les situations, y compris les situations accidentelles (jusqu la classe 4). Lassemblage combustible obit lui aussi un cahier des charges bien prcis. Fonctionnellement, il doit maintenir les crayons en place pour garantir la gomtrie du coeur et assurer son bon fonctionnement neutronique et thermohydraulique. Dun point de vue oprationnel, on lui demande dempcher les crayons de vibrer sous leffet de lcoulement turbulent du fluide caloporteur primaire. Il doit assurer ce maintien en souplesse pendant tout le temps du sjour du combustible en racteur, y compris en situation incidentelle et accidentelle, par exemple lors dun sisme, ou lors dun chauffement intempestif de llment combustible li soit une excursion de ractivit, soit une perte de rfrigrant primaire. Dans les racteurs nuclaires de puissance eau, le gainage des combustibles, mais galement les lments de structure de lassemblage combustible (tube-guides et grilles, fig. 33), sont raliss en alliages de zirconium. Les raisons principales qui ont conduit ce choix rsident dans la conjonction de plusieurs proprits essentielles : une trs faible absorption de neutrons thermiques, des proprits mcaniques satisfaisantes, une bonne stabilit de celles-ci sous flux de neutrons et, enfin, une trs bonne rsistance la corrosion par leau haute temprature.

Barres de contrle

Embout

Tube guide Crayons

Grille

Embout

Fig. 33. Assemblage combustible des racteurs eau sous pression (REP).

Ces deux dernires proprits sont dterminantes ; en effet, dautres mtaux possdent aussi une faible section efficace* de capture* des neutrons thermiques (en particulier, le magnsium ou laluminium utiliss pour le gainage dans les racteurs de recherche), mais leur rsistance la corrosion en prsence deau se dgrade, ds que la temprature slve. Ils ne peuvent donc tre utiliss pour des racteurs o le rendement thermique impose une temprature moyenne leve, de lordre de 350 C. Le dveloppement industriel du Zr autour des annes 60 est associ la dcision de lamiral Rickover, en 1949, dutiliser les alliages de zirconium dans le cadre du projet de sousmarins nuclaires. Le choix tait motiv par le meilleur rendement neutronique par rapport au gainage en acier inoxydable. Cest seulement par la suite que le programme Atoms for Peace conduisit au dveloppement des racteurs de puis-

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sance drivs des projets militaires et donc une optimisation conomique des alliages utiliss [1].

Le comportement mcanique des alliages de Zr irradisConsquence de lirradiation, laugmentation de la concentration en dfauts, principalement les boucles se localisant dans les plans prismatiques {1010} et {1120} (fig. 34), se traduit par un durcissement important :

Les alliages de zirconiumLe zirconium pur possde deux structures cristallographiques : au dessous de 865 C, la structure alpha, hexagonale compacte, est thermodynamiquement stable. Au-dessus de cette temprature, cest la structure bta, cubique centre, qui lest. Dans la phase bta, tous les additifs dalliages sont solubles, alors que les mtaux de transition (Fe, Cr, Ni) sont pratiquement insolubles dans la phase alpha et forment des prcipits intermtalliques dont la distribution de taille influe sur la rsistance la corrosion de lalliage. Laddition dtain amliore la rsistance mcanique, en particulier la rsistance au fluage, mais il dtriore la tenue la corrosion gnralise ; loxygne durcit lalliage ; le niobium et les mtaux de transition apportent une amlioration de la rsistance la corrosion.

Non irradi

Irradi

Fig. 34. Images en microscopie lectronique dun alliage de zirconium avant et aprs irradiation.

Des gaines qui doivent avoir une bonne rsistance mcaniqueLa gaine est sous contrainte sous les effets conjugus de la pression extrieure du circuit primaire (environ 15 MPa dans un REP), du gonflement de la pastille, des dilatations diffrentielles pastille-gaine lors des variations de puissance et du relchement des gaz de fission. Aujourdhui, lvolution des proprits mcanique des alliages de Zr en prsence dirradiation neutronique reste un domaine dtude trs actif au CEA, en partenariat avec EDF et Areva NP. Les tudes concernent aussi bien le comportement en service que la nouvelle problmatique de lentreposage des combustibles uss. Pour illustrer ce point particulier, nous allons prciser les derniers rsultats obtenus dans ce domaine qui a notamment fait lobjet dune thse au CEA [3], en se focalisant sur le comportement en crouissage dalliages de Zr irradis.

Ainsi, quelle que soit la nature de lalliage (composition chimique) ou ltat mtallurgique, on observe une augmentation continue de la limite dlasticit atteignant un niveau de saturation situ vers 600 MPa pour une dose de lordre de 1.1025 n/m2, dose partir de laquelle il y a saturation des effets dirradiation [2]. La figure 35 illustre cette volution des proprits mcaniques avec lirradiation. Conjointement, la ductilit* des alliages de Zr dcrot continment de sa valeur dorigine (plusieurs %) jusqu moins de 1 % pour la mme dose dirradiation. Lvolution de cet allongement uniforme avec lirradiation peut sexpliquer en tenant compte de la microstructure particulire du matriau irradi : les boucles dirradiation, qui sont des obstacles au glissement des dislocations [3], peuvent tre annihiles ou balayes pour une contrainte applique suffisante, donnant ainsi lieu la

Composition (en % poids) des principaux alliages de zirconium utiliss dans les racteurs eau lgre Nom de lalliage Composant de lalliage Sn Fe Cr Ni Nb O 1 100 1 400 ppm Zircaloy-2 1.2-1.7 0.07-0.2 0.05-0.15 0.03-0.08 1 2.5 Zircaloy-4 1.2-1.7 0.18-0.24 0.07-0.13 Zr 1-Nb, ou M5 Zr 2.5-Nb

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Contrainte circonfrentielle (MPa)

700 600 500 400Non irradi Irradi Durcissement induit par lirradiation Diminution de lallongement rparti

300 200

partir de cette analyse fine de la microstructure en microscopie lectronique en transmission, ainsi que de ltude du comportement macroscopique base sur des essais instruments de matriaux irradis en faisant varier les directions de sollicitation (pression interne ou traction), il a t possible de proposer une modlisation micromcanique prdictive fonde sur les mcanismes de dformation identifis.

La modlisation, base sur les mthodes dhomognisation des matriaux htro100 gnes, prenant explicitement en compte la texture ainsi que la nature cristalline du mat0 riau (plan et direction de glissement) et la 0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 7% 8% Dformation circonfrentielle microstructure dirradiation (boucles et canaux), a notamment permis de mettre en Fig. 35. volution du comportement mcanique en crouissage vidence le rle majeur jou par les 350 C (essai dclatement) dun alliage de Zr avant/aprs irradiation contraintes internes. En effet, celles-ci sont plus leves dans 25 2 (10 n/m ). le cas du matriau irradi que dans le cas du matriau non irradi, du fait du caractre trs htrogne de la dformation (forte localisation de la dformation dans les canaux). cration dune bande sans dfaut dirradiation, zone prfrentielle pour le glissement des dislocations suivantes. Cest le Lextension de cette approche au cas du fluage et terme aux mcanisme de canalisation des dislocations. dformations sous flux neutronique, notamment au fluage dirradiation, est actuellement engage au CEA. Une fois cres, ces zones exemptes de dfauts (les canaux) conduiront une dformation trs localise et donc une dformation uniforme trs faible [4], comme nous pouvons le Des gaines qui doivent rsister voir figure 36.

la corrosion

Un autre lment important est la rsistance la corrosion de la gaine. Temprature, tat mtallurgique, irradiation, chimie de leau : de nombreux facteurs influencent la cintique de corrosion du Zircaloy. Lagresseur est ici leau du circuit primaire, une temprature de lordre de 300C. Celle-ci oxyde le zirconium selon la raction :700 600 500 400 300 200 100 0-0,2 % -0,1 % 0,1 % 0,2 % 0,3 % 0,4 % 0,5 % 0,6 % 0,7 % 0,8 %

Contrainte circonfrentielle (MPa)

Zr+2H2OZrO2+2H2 qui conduit la formation dun oxyde solide la surface du mtal. Une partie de lhydrogne ainsi form sincorpore dans la matrice mtallique, migre sous gradient thermique pour saccumuler dans les zones les moins chaudes et y forme des hydrures susceptibles de fragiliser la gaine lors du refroidissement du combustible. Les deux phnomnes, oxydation et hydruration, sont donc intimement lis. La croissance de la couche doxyde a lieu linterface oxydemtal, et est due la diffusion dions oxygne travers la couche doxyde dj forme, qui joue ainsi un rle de barrire pour le dveloppement de la corrosion. Cette proprit protectrice de la couche de zircone superficielle est toutefois limi-

Pression interne 350 C

Dformation plastique circ (%)

Fig. 36. Canalisation observe au cours dessais dclatement deux niveaux de dformation.

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te par un changement du rgime de corrosion qui est associ une transformation de phase de la zircone quand la couche atteint une paisseur de lordre de quelques m [5]. La zircone peut exister sous deux formes cristallographiques : monoclinique et quadratique. Lors de la construction de la couche doxyde, la formation de loxyde induit des contraintes locales qui placent la couche sous contrainte de compression, ce qui stabilise la phase quadratique. Le film doxyde est alors dense et protecteur. Pour une paisseur de couche suprieure 2 3 m, cette contrainte ne peut plus tre maintenue : la couche se fissure et la zircone superficielle se transforme en une structure monoclinique poreuse. Aprs cette transition, la couche doxyde consiste en une couche interne dense et protectrice, de structure quadratique et monoclinique, surmonte dune couche essentiellement monoclinique poreuse. Dans la premire phase de loxydation (avant la transition cintique), lpaisseur doxyde en fonction du temps obit une loi du type avec n compris entre 2 et 3 selon la nature de lalliage ; Dans la seconde phase, dont limportance est dominante en pratique, la loi a t assimile en premire approximation une loi linaire du type . Des examens pousss de la microstructure de loxyde et de la cintique doxydation montrent, en fait, que celle-ci consiste en une succession de cycles semblables celui caractrisant la premire phase. Dans les conditions des racteurs eau, la vitesse de croissance de la couche doxyde est de lordre de 5 20 m/an pour les Zircaloy standard et beaucoup moins pour les nouveaux alliages base de niobium comme lalliage M5 dvelopp par AREVA NP (fig. 39). Lnergie dactivation vaut 120 140 kJ.mol-1. La valeur particulirement leve de cette nergie dactivation entrane un doublement de la vitesse de corrosion pour une augmentation de la temprature de 20 C seulement, ce qui rend indispensable une comprhension fine des mcanismes, si on veut sassurer la matrise de la corrosion. En particulier, la croissance de la couche doxyde lors du sjour de la gaine en racteur interpose une barrire thermique de plus en plus paisse entre le combustible et le caloporteur, do une augmentation de la temprature linterface mtal-oxyde qui contribue lacclration de la cintique doxydation en racteur, au-del de ~ 20 m doxyde (fig. 37). titre dexemple, pour une puissance linique de 20 kW.m-1 et une paisseur doxyde de 40 m, la temprature linterface mtal-oxyde est suprieure de 20 C celle du caloporteur, et la vitesse de corrosion augmente dun facteur 2 par rapport celle dun crayon neuf. Lemballement du phnomne de corrosion (oxydation et hydruration) pour les tempratures leves interdit de tolrer une paisseur doxyde suprieure une centaine de m. De plus, au-del de cette valeur, loxyde desquame, ce qui conduit la libration de particules doxyde dans le circuit primaire et la formation de points froids au

ZrO2 m

3. Racteur PWR 346 C

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2. Boucle 346 C 1. Autoclave 354 C 0 0 300 600 Dure (jours) 346 C

Fig. 37. paisseur de zircone forme en fonction du temps, dduite dessais effectues au CEA pour du Zircaloy oxyd sous diffrentes conditions de corrosion :1 en autoclave (sans gradient thermique, avec 2 tempratures diffrentes) ; 2 en boucle (avec chauffage lectrique de lintrieur de la gaine pour simuler le flux de chaleur) ; 3 en racteur (avec flux de chaleur et sous irradiation). Linfluence des diffrents facteurs dacclration de la corrosion apparat clairement.

niveau du mtal sous-jacent affectant ainsi la prcipitation des hydrures et acclrant la fragilisation locale du crayon combustible. Outre la temprature, dautres paramtres environnementaux peuvent acclrer significativement la cintique doxydation des alliages de Zr (fig. 37). Il sagit, en particulier, de lirradiation, de la thermohydraulique (taux de vide, dbit de vaporisation, flux de chaleur) et de la chimie de leau primaire (teneur en Li et B). Celle-ci est troitement contrle, la fois pour matriser le comportement neutronique du racteur et pour matriser la corrosion des gaines et des structures. Laddition dacide borique, absorbant neutronique, dans le circuit primaire entrane un abaissement du pH, compens par laddition de LiOH qui acclre la corrosion. Leffet de la radiolyse* est contrebalanc par laddition de H2, qui catalyse la recombinaison de radicaux libres. Ces points sont dvelopps dans la monographie DEN M3 consacre la corrosion ( paratre). Les lments dalliage (Fe, Cr) forment des phases secondaires (ZrCr2) ordonnes qui se retrouvent incorpores dans la zircone lors de la formation de la couche doxyde (fig. 38). Ces phases, qui sont prsentes ltat non oxydes dans la couche de zircone interne dense, limitent la cintique doxydation, probablement via un mcanisme de protection anodique de la matrice.

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Au total, le nouvel alliage M5 montre une rsistance la corrosion considrablement amliore par rapport aux versions antrieures du Zircaloy (fig. 39). Cette amlioration, obtenue sans sacrifier les qualits mcaniques de la gaine, permet denvisager une temprature de fonctionnement plus leve et un temps de sjour en racteur plus long.

Rfrences[1] C. LEMAIGNAN, Science des matriaux pour le nuclaire, collection Gnie atomique , EDP Sciences, 2004. [2] D. L. DOUGLASS, The metallurgy of zirconium, Atomic Energy Review supplement, ed. International Atomic Energy Agency, 1971. [3] F. ONIMUS, Approche exprimentale et modlisation micromcanique du comportement des alliages de zirconium irradis, thse de doctorat ECP, dcembre 2003. [4] C. RGNARD, B. VERHAEGHE, F. LEFEBVRE-JOUD, C. LEMAIGNAN, (2002), Activated slip systems and localized straining of irradiated alloys in circumferential loadings, ASTM STP, zirconium in the nuclear industry, 13th international symposium, Annecy. [5] P. BOSSIS, G. LELIVRE, P. BARBERIS, X. ILTIS ET F. LEFEBVRE, Multiscale characterisation of the metal-oxide interface of Zr alloys, ASTM STP 1354 (2000) 918-945. [6] M. BOIDRON, Sminaire SFEN, Forts taux de combustion, 16-1-2002. [7] C. LEMAIGNAN, Corrosion in the Nuclear Power Industry , dans Corrosion, 13e volume des ASM Handbooks (2005).

Fig. 38. Prcipit intermtallique Zr(Fe, Cr)2 observ au microscope lectronique transmission dans la couche doxyde interne dense (rfrence [7]).

Lamlioration apporte par ladditif niobium obit un mcanisme probablement diffrent : dans le cas des alliages Zr-Nb et dans certaines conditions, une sgrgation de niobium ltat Nb5+ est observe linterface zircone/milieu oxydant, sur une paisseur de quelques nanomtres. Cette couche sgrge pourrait limiter la corrosion en agissant sur la cintique de dissociation de la molcule deau sur la face externe de la couche doxyde.

Didier GILBON,Dpartement des matriaux pour le nuclaire

et Bernard BONIN,Direction scientifique

paisseur doxyde (m)120 100 80 60

AFA2G Alliage 5

Zy440 20 0 0 10 000 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000

Alliage 5

Taux de combustion (MWj/tU)

Fig. 39. paisseurs doxyde sur crayons Zy-4 avec combustible UO2 [6]. On observe une acclration de la corrosion pour les taux de combustion levs ou les temps de sjour longs. Le gain apport par le nouvel alliage M5 apparat clairement.

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Phnomnologie de linteraction pastille-gaine (IPG)En fonctionnement nominal, la temprature de la pastille est de lordre de 1 000 C au centre et de 400 500 C en priphrie. Sous leffet de ce gradient thermique, la pastille se fragmente en secteurs et tronons observables aprs retour froid (fig. 40). Elle prend, de plus, une forme de diabolo qui simprime sur la gaine, aprs contact, sous forme de plis primaires, galement observables aprs retour froid, en raison de la dformation irrversible engendre. Le contact pastille gaine rsulte, dune part, de la rduction de diamtre de la gaine due son fluage sous leffet de la pression du caloporteur et, dautre part, de laccroissement de diamtre de la pastille d sa dilatation thermique et son gonflement. En raison de leffet diabolo, ce contact intervient dabord au niveau des interpastilles. En parallle, on assiste au rarrangement progressif des fragments de la pastille. Puis un tat stationnaire stablit : sous leffet du gonflement de la pastille, la gaine est soumise une contrainte de traction et accommode par fluage* sous irradiation la dformation diamtrale impose. La contrainte circonfrentielle dquilibre dans la gaine est faible (< 100 MPa), au regard de sa rsistance rupture (> 600 MPa) et namne donc pas de risque dendommagement. En cas daugmentation importante de la puissance, la temprature au cur de la pastille saccrot fortement (> 1 500 C, voire > 2 000 C, dans certains cas). Leffet diabolo est exacerb et des produits de fission volatils agressifs pour la gaine, tels liode, sont relchs, prfrentiellement au niveau des fis-

Fig. 41. Coupe transversale dune fissure de gaine dbouchante [1] et signature du facis montrant les plans de quasi-clivage et les cannelures [2].

sures du combustible. Toutes les conditions sont ainsi potentiellement runies pour amorcer un phnomne de corrosion sous contrainte (CSC) en peau interne de la gaine dans le plan interpastille, en regard dune fissure radiale du combustible. Cette corrosion peut amorcer une fissure radiale et une rupture au facis caractristique (fig. 41). Cette rupture sobserve, exprimentalement, aprs une quelques minutes de maintien puissance leve. La fissure dbouchante saccompagne dune faible dformation de gaine et savre difficile visualiser en peau externe. Sa morphologie particulire conduit la perte dtanchit du crayon vis-vis des produits de fission gazeux et volatils mais vite la dissmination de combustible dans le caloporteur. Laugmentation de puissance engendre la dilatation thermique des pastilles, mais galement dautres phnomnes qui peuvent tre bnfiques : De la dformation viscoplastique se produit au centre des pastilles, proximit de lvidement, ce qui conduit redresser les fragments radiaux, rduisant ainsi leffet diabolo ; la relaxation partielle par fluage de la contrainte dans la gaine rduit laccroissement de son chargement local ; la fissuration de la pastille volue fortement au cours du transitoire : il se produit, dans la zone priphrique fragile, en

Fig. 40. Fissuration de la pastille UO2 aprs 2 cycles REP annuels.Les combustibles nuclaires

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La simulation exprimentale de lIPG et ses enseignements. Ncessit dune base exprimentalePrvoir le maintien ou non de ltanchit de la gaine lissue dun transitoire de puissance ncessite une modlisation prcise du comportement thermo-mcanique de la pastille et de la gaine qui doit sappuyer sur une solide base de donnes exprimentale. Les bases de donnes existantes sont principalement centres sur des combustibles tests selon un protocole de transitoire de classe 2, baptis rampe de puissance . Ce transitoire est appliqu un crayon exprimental court, refabriqu partir dun crayon pre irradi en racteur de puissance.

Quest ce quune rampe de puissance ? Cest lapplication dun transitoire de puissance, partir dune puissance de dpart voisine de la puissance la fin de lirradiation de base, vitesse de monte en puissance constante (gnralement 100 W.cm-1.min-1) jusqu atteindre un palier prdfini. Ce palier haut est maintenu jusqu rupture du crayon exprimental, ou 12 heures au maximum, en cas de non-rupture. Les expriences sont effectues en boucle eau pressurise, par exemple dans le racteur exprimental OSIRIS de Saclay [3].

Fig. 42. Fissuration dune pastille UO2 ayant subi 2 cycles REP annuels puis 12 heures sous une puissance linique de 430 W/cm.

traction chaud, une fissuration additionnelle multiple (fig. 42), susceptible de contribuer la rduction du dommage initi dans la gaine au lieu critique. La fissuration circonfrentielle, quant elle, se cre au retour froid, sparant la zone fragile de la zone viscoplastique. Enfin, un effet a priori nfaste intervient au cours du maintien en puissance, dautant plus marqu que le niveau de puissance, le taux de combustion et le temps de maintien sont plus levs : cest le gonflement gazeux de la pastille. En raison du risque de rupture de gaine lors dun transitoire de puissance, cette interaction pastille-gaine (IPG) est donc un phnomne important dans la dmarche de sret de llment combustible des racteurs eau (REP et REB) : lintgrit de la gaine, premire barrire de confinement des produits de fission, doit tre garantie pour tous les transitoires dexploitation (classe 1) et pour tous les transitoires incidentels (classe 2, probabilit doccurrence 10-2 par racteur et par an). Pour se prmunir contre ce risque, la dmarche de sret consiste limiter le domaine de fonctionnement autoris des racteurs, au niveau de la puissance maximale admissible (via des seuils de protection neutronique) et au niveau de la manuvrabilit du cur (notamment via des contraintes sur la cintique des transitoires dexploitation et sur la dure de fonctionnement puissance intermdiaire). Lexploitant nuclaire est naturellement trs intress par la rduction des contraintes dexploitation de ses racteurs.

Lobjectif premier des essais de rampes de puissance est de dfinir, pour une conception donne de crayons, la limite technologique , dont le non-dpassement permet de garantir ltanchit de la gaine. Dautres expriences, notamment des rampes sans temps de maintien, ont aussi t ralises dans un objectif de comprhension, en particulier pour renseigner sur ltat du combustible et de la gaine linstant o le chargement est le plus critique [4].

Caractristiques du transitoire : rle de la puissance localeLes rsultats obtenus font apparatre le niveau de puissance maximal atteint en fin de monte comme un paramtre majeur. On peut ainsi dfinir, pour un concept de crayon donn dans une gamme dpuisement donne, un niveau de puissance seuil en-de duquel la gaine reste tanche et au-del duquel le risque de rupture augmente sensiblement quand la puissance crot. Ce seuil en puissance est tabli autour de 420-430 W/cm pour un crayon UO2 gain en Zircaloy-4 et prirradi 2 cycles annuels en REP. titre de comparaison, la puissance nominale moyenne du crayon REP est de lordre de 180 W/cm et la puissance maximale ne pas dpasser pour respecter le critre de non fusion cur du combustible est de 590 W/cm.

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Caractristiques de ltat initial du crayon : influence du taux de combustion*Toujours pour ces mmes crayons UO2/Zy4, le risque IPG apparat maximal ds la phase de contact fort pastille gaine, typiquement aprs deux cycles (# 25-30 GWj/tU). Laugmentation ultrieure du taux de combustion est plutt bnfique : en particulier, la formation du RIM , zone trs poreuse petits grains en priphrie de pastille, diminue la rigidit du combustible au contact de la gaine et rduit le risque de poinonnement. Ces effets bnfiques lemportent sur dautres effets du taux de combustion, a priori nfastes comme laccroissement global de dformation de la pastille d au gonflement gaz, ou la rduction de la plasticit de la gaine. De plus, fort taux de combustion, loccurrence dun transitoire puissance leve devient improbable, en raison de lpuisement croissant du combustible.

et value le comportement des produits de fission et les modifications microstructurales associes. Une description dtaille des conditions de chargement local en IPG ncessite cependant une reprsentation 3D de llment combustible. cette fin, lapplication combustible 3D TOUTATIS [6] a t dveloppe partir du code lment fini CAST3M du CEA. Plus rcemment, une application multi-D, ALCYONE [7], a t dveloppe dans le cadre de la plateforme combustible PLIADES [8] pour permettre dintgrer lensemble des modlisations avances mises au point dans les codes MTOR et TOUTATIS.

Schma de couplage multiphysiqueLes principaux phnomnes prendre en compte pour la simulation du comportement des combustibles sont rsums sur la figure 43. Ces phnomnes peuvent tre spars en deux catgories : dune part, la physico-chimie, qui traite le comportement des produits de fission et les modifications du matriau une chelle allant du nanomtre la centaine de micromtres, et, dautre part, la thermo-mcanique, qui value les modifications gomtriques lchelle du crayon combustible. Le couplage multiphysique entre les phnomnes se fait par une boucle de convergence qui enchane les problmes thermique, mcanique et physico-chimique coupls partir de 4 variables internes principales : dplacements, temprature, contraintes et dformations associes. La loi de comportement mcanique de la pastille prend en compte les diffrents mcanismes de dformation et de fluage, coupls au dveloppement de la fissuration dans les zones en traction [9]. Le comportement visco-plastique de la gaine sous irradiation prend en compte, pour les diffrentes nuances de matriau, la plasticit, le fluage et les effets dirradiation : notamment laccroissement de la vitesse de fluage par le flux de neutrons rapides, le durcissement li aux modifications microstructurales et la croissance axiale, ainsi que lanisotropie du comportement inlastique. Les principaux phnomnes physico-chimiques retenus pour la simulation 3D de lIPG sont la densification, le gonflement solide et le gonflement gazeux en rgime transitoire qui, dans ALCYONE, est directement coupl au comportement mcanique. Dans le modle lment finis 3D (fig. 46), on reprsente seulement le quart dun fragment de pastille localis la cote axiale du plan de puissance maximale applique pendant la rampe. Les conditions aux limites prennent en compte les symtries lies la gomtrie du fragment, ainsi que les interactions pastille-gaine et fragment-fragment.

Matriau de gaine : du Zy-4 au M5La nature du matriau de gainage influe galement sur le risque de rupture de gaine. Lalliage M5 (recristallis), dvelopp pour son excellente rsistance la corrosion aqueuse, prsente des proprits mcaniques modifies par rapport au Zy-4 (dtendu), notamment une plus grande rsistance au fluage sous irradiation basse contrainte et une plus grande capacit de relaxation forte contrainte. Il en rsulte un accroissement du taux de combustion o le risque IPG est maximal et une lgre augmentation du niveau de puissance seuil de rupture (~ + 20 W/cm).

Bnfice MOX et combustible dopDes combustibles particuliers ont pu subir, sans rupture de gaine, des rampes jusqu des puissances trs suprieures la valeur seuil de lUO2 standard (# 420 W/cm). Des crayons MOX (oxyde mixte [U,Pu]O2), pr-irradis deux trois cycles annuels en REP, ont t tests avec succs jusqu des niveaux voisins de 500 W/cm. Un combustible UO2 gros grains, obtenu par dopage loxyde de chrome, a t ramp 535 W/cm sans rupture. Ces combustibles sont caractriss par une viscoplasticit haute temprature plus grande que celle de lUO2, et une fissuration plus dense en priphrie de la pastille lie une plus grande fragilit dans la zone froide.

La simulation numrique de lIPGLa modlisation de lIPG a dbut au CEA avec le code MTOR, bas sur une formulation 1D axisymtrique [5] qui ralise un couplage de chacun des phnomnes mis en jeu, fournit une estimation des volutions gomtriques moyennes,

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Pastille Puissance linique dpose.

Gaine vacuation de la puissance (conduction et convection sur la surface externe). Comportement thermomcanique (pression, expansion thermique, fluage dirradiation, rupture).

vacuation de la puissance (conduction). Proprits des matriaux - volution sous irridation (densification, gonflement, produits de fission). Comportement thermomcanique, expansion thermique, fluage thermique et dirradiation, rupture.

Interface pastille-gaine vacuation de la puissance (conduction, convection et rayonnement). Interaction mcanique (contact).

Fig. 43. Modlisation thermo-mcanique du combustible REP.

Calcul de la profilomtrie extrieure gaine avant et aprs rampeLa validation des rsultats de simulation partir de la profilomtrie de la gaine permet de sassurer de la capacit de la modlisation reproduire les mcanismes dinteraction pastille-gaine qui conduisent des dformations rsiduelles significatives aprs irradiation : En irradiation de base, on retrouve bien par le calcul les diffrents phnomnes amenant la mise en diabolo des pastilles et la formation des plis primaires sur la gaine ; pendant la rampe, sous les effets combins du chargement thermique et du gonflement gazeux, on calcule un accroissement des dformations viscoplastiques au centre de la pastille, qui comblent lvidement et relaxent le dplacement radial du fragment au plan inter-pastille, et, par ailleurs, contribuent un accroissement du diamtre au plan mdianpastille, do les plis secondaires observs sur les p