15
 Madame Annie Collovald Identité(s) stratégique(s) In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 73, juin 1988. pp. 29-40. Citer ce document / Cite this document : Collovald Annie. Identité(s) stratégique(s). In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 73, juin 1988. pp. 29-40. doi : 10.3406/arss.1988.2418 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1988_num_73_1_2418

COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 1/14

 

Madame Annie Collovald

Identité(s) stratégique(s)In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 73, juin 1988. pp. 29-40.

Citer ce document / Cite this document :

Collovald Annie. Identité(s) stratégique(s). In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 73, juin 1988. pp. 29-40.

doi : 10.3406/arss.1988.2418

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1988_num_73_1_2418

Page 2: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 2/14

 

Zusammenfassung

Strategische Identität(en).

Die Analyse der Hilfsmittel, die biographische Angaben liefern, fördert das Paradoxe der Identität von

Politikern zutage. Konstruiert und jeweils neu definiert entsprechend den spezifïschen Regeln der 

Instanzen, in denen sie veröffentlicht wird, stellt die Identität das Ergebnis einer Transaktion dar, in die

zu einem Teil die von den Akteuren verwendeten Strategien der Selbstdarstellung eingehen. Diese

bildet an sich einen immer wichtiger werdenden Einsatz der Karriere. Der Vergleich zweier 

biographischer Handbücher sowie in der Presse veröffentlichter Portraits macht kenntlich, daß es

keineswegs nur eine homogene und eindeutige Identität gibt, sondern eine Vielzahl von Identitäten zur 

Konturierung von Politikern beiträgt.

Resumen

Identidad(es) estratégica(s).

El análisis de los instrumentos que proporcionan informaciones biográficas pone al día la paradoja de la

identidad de los hombres políticos. Construída y redefinida, a cada vez, por las reglas específicas de

las instancias donde ella está publicada, ésta identidad es el resultado de una transacción donde

entran por parte las estrategias de presentación de sí mismo empleadas por los actores. La identidad

está en juego en las carreras sin duda de modo cada vez más importante. La comparación de dos

anuarios biográficos así como de los retratos publicados en la prensa muestra que, en lugar que exista

una sola identidad, homogénea y evidente, hay una multiplicidad de identidades que concurren de

hecho a la defînición de los hombres políticos.

Abstract

Strategic Identities.

Analysis of the instruments providing biographical information brings to light the paradox of politicians'

identity. Constructed and redefined, each time, by the specific rules of the vehicle in which it is

published, this identity is the result of a transaction in which the self-presentation strategies used by the

actors play a certain role. Self-presentation is in itself a career stake whose importance is probablygrowing. Comparison of two biographical year-books and of profiles published in the press shows that,

far from there being a single, homogenous, self-evident identity, in fact a multiplicity of identities is

combined in the definition of politicians.

Résumé

Identité(s) stratégique(s).

L'analyse des instruments qui fournissent des renseignements biographiques met au jour le paradoxe

de l'identité des hommes politiques. Construite et redéfinie, à chaque fois, par les règles spécifiques

des instances où elle est publiée, cette identité est le résultat d'une transaction où entrent pour partie

les stratégies de présentation de soi employées parles acteurs. Celle-ci constitue en soi un enjeu de

carrière sans doute de plus en plus important. La comparaison de deux annuaires biographiques ainsique de portraits publiés dans la presse montre que, loin qu'il y ait une seule identité, homogène et

évidente, c'est une multiplicité d'identités qui concourent en fait à la définition des hommes politiques.

Page 3: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 3/14

 

annie collovald

De nombreux instruments fournissentdes renseignements biographiquessur des personnalités politiques (1) :les annuaires comme YAnnuaire de laSociété générale de presse -dit BérardQuélin- ou le Who's who, les ouvragesbiographiques, les portraits journalistiques,u encore plus récemment lesémissions télévisées, P"Heure devérité" ou "Questions à domicile". Cesoutils, plus ou moins spécialisés dansune entreprise expressément biographique, se différencient par leur modede sélection des données et par le traitement qu'ils en font. Plus qu'un simple instrument qui façonnerait del'extérieur la "biographie", les instances de publication, où ces informations paraissent, fonctionnentselon des règles et selon une vision dumonde social et politique qui leur sontpropres. De sorte que la représentatione l'homme politique résulte dela rencontre qui s'opère entre cesprincipes de construction et les propriétés spécifiques qui le caractérisent.Marque" symbolique par laquelle l'acteur politique se distinguede ses pairs, son identité es t donc uneidentité construite et redéfinie à chaque fois dans les différentes instances

3ui la publient. En outre, dépendantes relations de concurrence de chacun au sein de ces lieux de fabricationd'identités publiques et entre ceux-ci,cette "marque" rassemble, paradoxalement, ne multiplicité d'identités

*Ce texte a été présenté et discuté au séminaire de Pierre Bourdieu à l'École des hautesétudes en sciences sociales ; il a bénéficiéégalement des remarques et des suggestionsde Patrick Champagne et de Rémi Lenoirainsi que de l'aide de Nadine Dada, documentaliste à la Fondation nationale desciences politiques.1— Ce travail est la première étape d'uneétude sur la manière dont les hommespolitiques se présentent publiquement. Dansl'état actuel, il permet de formuler quelqueshypothèses sur les principes de productiondes identités sous lesquelles militants etresponsables nationaux apparaissent sur lascène publique.

qui sont "ouvertes", toujours sujettes àmodifications ; si l'homme politiquequ'elles visent à présenter a sa part dejeu, celui-ci s'inscrit dans les limitesdu champ que tendent à former ces instances de mise en scène de la vie deshommes politiques. C'est dire qu'étudiern homme politique qu i est, parfonction, un "entrepreneur en repré

sentation" (2), suppose de prendre enconsidération l'ensemble de ces différents modes d'existence publique.L'objet d'analyse devient, du mêmecoup, l'ensemble de ces "identités" quis'inventent dans la relation entre lesinstances biographiques et l'enjeuproprement politique que constitue laprésentation de soi pour ces agentsdont la biographie est une des armesde la lutte dans laquelle ils sont engagés3) .

Supports et supporters

Deux annuaires sont spécialisés dansla présentation des propriétés de certains hommes occupant des positionsélevées dans l'espace social : le, BérardQuélin et le Who's who. Le signalement iographique que propose chacun d'eux revêt la forme d'uncurriculum vitae donnant les renseignements qui assurent un certain typed'identification de l'homme politique nom, décorations, titres professionnels et politiques, ouvrages écrits,adresse. D'un annuaire à l'autre, s'opère une transformation du profil des

sinéselon la place plus ou moins

grande qui es t Faite, dans la notice, àl'état civil ou à la carrière politique dupersonnage public.

Si le Bérard Quélin dresse un"portrait" de la personnalité publiquede l'homme politique, le Who's who enbrosse une version plus personnaliséeet individualisée. Le premier met enavant les titres professionnels ou politiques de l'élu, qui justifient son appartenance à la population de s"biographies", puis tient compte desmédailles, des titres scolaires, desfonctions politiques, des commissions

2-Cf. M. Offerlé, Les partís politiques.'Paris, PUF, 1987.3-S. Maresca, La représentation de lapaysannerie, Actes de la recherche ensciences sociales, 38 , mai 1981, pp. 3-19.

et délégations officielles diverses, dela profession, des ouvrages publiés, del'adresse, c'est-à-dire de tout un ensemble d'indicateurs publics constitutifse la "personnalité publique".L'itinéraire politique (électif et partisan) t, dans une moindre mesure, latrajectoire professionnelle, sont longuement décrits dans leurs échecs

comme leurs réussites, précédés dedates qui en scandent les étapes selonun ordre strictement chronologique.L'état civil se résume à quelques informations succintes (dates de naissanceet de mariage, nom du conjoint, nombred'enfants) qui traduisent l'effacement e la personne même de l'éluderrière son personnage public.

Le Wlio's who, au contraire, s'ilfait succéder au nom de l'homme politique les différents titres professionnelsu électifs qu'il détient, vise àcerner sa personne privée grâce auxrenseignements détaillés concernant

sa famille (ascendants s'ils sont "illustres", nom des parents et professiondu père, date de mariage et caractéristiques sociales du conjoint, nombred'enfants et leur situation maritale),ses études (diplômes et lieux de leurobtention), ses goûts en matière culturelle t sportive ou ses hobbies, sa participation à des clubs de loisir, etc. Cetype d'informations contribue à "personnaliser" l'homme politique et atteste son appartenance à cet ensembled'individualités singulières queconstitue l'élite sociale (4). "C'est undictionnaire à dimension humaine :chaque impétrant est un interlocuteur,haque personnalité, une relat ion", précise la notice de présentationdu Who's who. Si le signalement biographique offert par cet annuaire permet de situer socialement la personnede l'élu, il ne consiste pas pour autantà marquer ce dernier, socialement oupolitiquement. La carrière del'homme politique, par exemple, esttrès approximativement relatée, parfois dans un désordre chronologique ;seules sont notées, bien souvent, parmi es positions occupées, les plus éle

vées dans leur hiérarchie respective.Le tri que chacun de ces annuaires entreprend parmi les informationsiographiques possibles produitdes images partiellement opposéesdes hommes politiques. D'un côté,celle d'un homme nanti des attributspublics qui sont l'apanage de l'élite officielle ; de l'autre, celle de l'hommedu monde doté des qualités socialesqui en font un membre de la "bonnesociété". Ce s deux annuaires expriment deux modèles différents deconstruction biographique : le BérardQuélin, le modèle bureaucratique, le

Wlio's who, le modèle "mondain".

4-0. Lewandowski, Différeri iation etmécanismes d'intégration de la classedirigeante, Revue française de sociologie,X, l,janv.-mars 1974, pp . 43-73.

Page 4: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 4/14

 

Illustration non autorisée à la diffusion

30 Annie Coll ovald

L'homme et l'oeuvre

L'entreprise du Who's who est toutentière marquée par la personnalitéde son fondateur et éditeur, JacquesLafitte, qu i l'incarne et lareprésente, dans tous les sens duterme : "un homme, une oeuvre",

souligne la femme de JacquesLafitte sur le "faire- part" de décèsde son mari inséré dans lespremières pages de l'annuaire de1975-1976, avec en exergue sa noticebiographique.

A l'inverse, Georges BérardQuélin, figure absente de sonpropre annuaire, abolie derrière lafonction officielle de "fondateurérant" puis de "PDG de la Sociétégénérale de presse", ne sortira del'anonymat de cette "documentationiographique" du "service public",

strictement neutre, qu'en faisant

l'objet d'une notice biographiquedétaillée dans le Who's who où,même là encore, n'apparaît aucunemention de son oeuvre, le BérardQuélin.

LAFITTE (Jacques, Jules, Raoul), Editeur. N6 lej anv . 1903 à Paris. Fils de Jean Laiitte,ournaliste sportif, et do Mme , né e Louise Daussat,réatrice de silhouettes de mode . Asc. : son oncle ,'éditeur Pierre Lafitte (1872-1938). Veuf de Mme , né eaule Rouquet; remarié le 20 mars 1967 à Mme Marie-

Thérèse Conia (1 enf. :  Marie-Joë le Desplanque dupremier mariage de Mme). Etudes : Lycée Condorcetà Paris. Merchant Taylors School à Londres, EcoleEstienne à Paris. Dipl. : Bachel ier . Corr. : Rédacteurà la Gazette de Biarritz et à la Gazette de Canne s (1921-1 922), secrétariat de direction, rédaction puis service depublicité de l ' Intransigeant (1924-1931), Secrétaire général e l'Office spécial de publicité (1931-1939), Gérantde la société Editions Jacques Lafitte (depuis 1941),Editeur de la revue mensuel le l'Officiel de la philatélie(1946-1954). Chroniqueur philatélique du Parisien libéré(1948-1950) puis de France-Soir (1951-1974), Editeurd 'ouvrages médicaux dont l 'Acuponcture chinoise deGeorge Soul ié de Morant (1957), Créateur (1952)^1Edrjeur_(depuis 1953) du dictionnaire "EiSgrapTñquV'W/ío'j\fyho in France . Décor. : Croix de guerre 39-45,Chevalier du Mérite postal. Violons d'Ingres : lesproblèmes de la circulation urbaine, les chemins de ferminiatures. Collections de timbres-poste et de monnaies métal l iques. Adr. : prof., 12 rue de l 'Arcade,75008 Paris; privées, 37 rue Parmentier, 92200 Neuillysur Se ine et Hameau de Hodeng, 76270 Neufchatel en Eray.

Décédé à Paris le 13 novembre 1974.Who's who. 1975-1976

WHO'S WHO IN FRANCE. 1975-197Ó PRÉFACE

UN HOMME , UNE ŒUVRE...

Nous sommes en 1953. Jacques LAFITTE a une idée. Il laéalise et crée le WHO'S WHO IN FRANCE.

Cette première édition comprend 5 000 notices biographiquesconsacrées à des personnalités parisiennes.

Le WHO'S WHO IN FRANCE, mis à jour constamment etconstamment perfectionné avec le souci de la plus stricte précision, est devenu la source privilégiée de renseignements biographiques sur les personnalités les plus représentatives dans lemonde des affaires, de la politique, des arts, des lettres, de lascience, des sports, etc.

Ses informations intéressent aussi bien les particuliers qu eles administrations françaises et étrangères, les organes depresse, le corps diplomatique, en bref, tous ceux qu i ont besoind'une documentation précise. Une partie importante de l'éditionest diffusée à l'étranger.

Cette année paraît la 12e édition du WHO'S WHO INFRANCE qui regroupe 21 50 0 notices de personnalités françaisesvivant aussi bien en France métropolitaine que dans les départements et territoires français d'outre-mer ou à l'étranger.Figurent également des étrangers vivant en France et des personnalités marquantes des Etats francophones.

Cette réalisation est l'œuvre de Jacques LAFITTE.

Sa disparition soudaine en novembre 1974 a été profondémentessentie par tous ceux qui l'ont approché.

En continuant l'œuvre de mon mari, avec l'aide de ses collaborateurs, j'ai le sentiment de réaliser son plus cher désir et jepense que c'est le plus bel hommage que nous puissions lui rendre.

Paris, le 2 avril 1975

MARIE-THÉRÈSE LAFITTE

BERARD-QUELIN (Georges), Journaliste. Né le25sep1embro 1917 à Villeurbanne (Rhône). Fils deJoseph Ouelin. Industriel, et de Mme, né e AntoinetteBérard. Mar. en premières noces, le 19 avril 1940 à MlleHenriette Vauzelle (2 ent. :  Nicole [Mme Bernard Coulet],Patrick [décédé]); Mar. en secondes noces, le20décembre 1958 à Mlle Jacqueline Daubige (2 enf. : Marianne , Laurent). Eludes : Faculté de s lettres de Lyon.Dipl. : Licencie es lettres. Carr. :  Journaliste (depuis1934), Secréta ire généra l de la rédaction (1938-40) puisDirecteur de s services parisiens (1940) du quotidien

laRépublique du Sud-Est, Secréta ire général de l 'Associat ionlyonnaise des étudiants (1936-38), Fondateur (1937) etDirecteur de la Correspondance de la presse (bureau depresse parisien de j ournaux de province) (1940-42), Directeur du bureau parisien de la revue les Cahiers du Sua(1941-42), Cofondateur du mouvement de rés istance Espoirde la France et Coresponsable du journal clandestin leJacobin (1942). Fondateur-Gérant, Directeur généra l etRédacteur en chef (1944-65) puis Président-directeur général depuis 1965) de la Société générale de presse. Directeur généra l de l'Office français d'éditions documenta ires(depuis 1946), Directeur du Bureau international de documentation (1954) puis de l 'Agence française d'extraits depresse (depuis 1960), Conseiller du commerce extérieur dela France (depuis 1955), Directeur généra l de l'Encyclopédieériodique, économique, politique et administrat ive(depuis 1960), Membre du bureau politique et Trésoriernational de la Fédération de la gauche démocrate etsocialiste (F. G. D.S.) (1964-69), Vice-président et Trésoriergénéra l du parti rad ica l socialiste (1967-70), Présidentd'honneur du Syndicat de la presse d'informations spécialisées et du Syndicat de la presse é c onomique , juridique etpolitique, Vice-président de la Fédération nat ionale de lapresse française (1978-1983), Président de la Fédération

nationale de la presse d ' information spécialisée(1978-1983), Vice-président de l'Union nat ionale pour l'expansion de la presse frança ise dans le Monda (Unipresse)(depuis 1974), Membre du Comité intersyndical de s élections consula ires, Expert près la cour d'appel de Paris(depuis 1977). Œuvres : Essai su r Condorcet et l'espritde la Révolution française (1940); Décor. : Cheval ier dela Légion d'honneur . Commandeur de l'ordre national duMérite, Croix de guerre 39-45, Commandeur du Mériteagricole, de s Palmes académiques et de s Arts et de s

tres Dis!. :  grande Medai l ie de vermeil de la Ville deParis (1977). Médai l le d'or de la Jeunesse et de s sports.Collections de timbres-poste et de livres. Membre( cofondateur ) et secrétaire généra l de l'association LeSiècle (depuis 1944), Président de l 'Associat ion gastronomiquet touristique de la presse Irançaise (depuis 1966).Adr. : prol., 13 av. de l 'Opéra. 75001 Paris; privées, 41 ruede Bellechasse, 75007 Paris; les Côtes. La Roque-Gageac,24250 Domme et Le Prieuré. 77630 Barbizon.

Who's who, 1985-1986

Page 5: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 5/14

 

Identité(s) stratégique(s) 31

Le modèle bureaucratiqueSi les traits que retient le Bérard Quélin ont des éléments caractéristiquesdu modèle bureaucratique de la présentation de soi, la manière d'exposer"es éléments est elle-mêmeconstitutive du modèle. En effet, l'annuaire est composé lui-même selon les

critères rationnels qui sont au principe du choix et de la description de la"carrière" des élus. Des chemises auxpages amovibles, à la façon des dossiers administratifs, rassemblent desindividus selon le titre justifiant leurprésence dans ce document : annuaire pour les députés, annuairepour les sénateurs, annuaire pour lesinspecteurs des finances, etc. Lesgroupes ainsi formés correspondentaux fractions instituées de la classe dominante qui concourent au fonctionnementde l'Etat. En nommant ceuxque les institutions ont déjà nommés,

le Bérard Quélin assume à la fois unesorte de confirmation quasi juridiqueet de reconnaissance publique deleurs fonctions officielles. Les physionomies de l'homme politique et duhaut fonctionnaire qu'il dépeint témoignent de leur attachement aux institutions qu'ils servent. Notamment lamanière de retracer la carrière politique u professionnelle selon un ordrestrictement hiérarchisé et chronologiqueccrédite la vision officielle de laréussite bureaucratique ; dé même, enen prenant pour principes d'identificationociale les seuls critères officiels (état civil compris), le BérardQuélin renforce cette représentationd'un monde d'"ombres désindividuali-sées", de "fonctions en action", propreà la mythologie étatique.'"impersonnalité" qu i s'en dégage est perceptible encore dans lastylisation de la notice rédigée à la façon d'un formulaire les rubriquesenregistrent et consignent un cataloguede "faits" tels que les fonctions politiques et les étapes de la carrière qu isont institutionnellement définies.L'homogénéité de la nature et des in

titulés des renseignements est assuréepar les conditions très strictes danslesquelles ces derniers sont recueillis.C'est d'ailleurs un personnel spécialiséui est chargé de remplir la fichebiographique de la personne concernéeui se trouve ainsi dessaisie de lamaîtrise de sa présentation.

Ce s principes de sélection desdonnées biographiques ne prennentpleinement leur sens et leur significationue rapportés au public à qu i estdestiné en priorité le Bérard Quélin.Quelques indications concernant lemode de diffusion et le type de clien

tèle e l'annuaire offrent un premieraperçu -qui demanderait à être affinéet complété- de la composition socialede son lectorat. Du fait de sa distributionar abonnement annuel, à un prixrelativement élevé (l'annuaire des

putés est vendu environ 3 700 F), il estréservé à un groupe nécessairementrestreint. Acheté essentiellement pardes institutions publiques et des organismes de presse, le Bérard Quélinconstitue une sorte d'"annuaire pourcollègues".

L'Assemblée nationale, le Sénat, les ministères, les préfectures, les

différents grands corps de la fonctionpublique, mais aussi l'Institut d'étudespolitiques et l'Ecole nationale d'administration, qu i préparent l'entrée dansces institutions, en sont pourvus. Orchacune d'entre elles, certes de façoninégale et partielle, sélectionne etforme des sous-groupes homogènessous les rapports qu i sont pertinentsdans son univers (année de promotionou d'élection ; nature et durée des affectations, etc.), et qui permettent auxfamiliers de ce s espaces hiérarchiséset concurrentiels de se situer ou d'êtresitués (5).

Mais loin d'être anonyme, l'univers bureaucratique, qu'illustre plusprécisément la haute fonction publique, st un monde "personnalisé" où"tout le monde se connaît" et où il suffit, pour s'y reconnaître, de connaîtreles renseignements fournis par cet annuaire. Car, à ces titres et ces fonctions par lesquels ces hommes publicsse présentent ou sont présentés sontimmédiatement associés -au moinsdans les champs politico-administratifst journalistiques- des comportementst des attributs qui, dans d'au

tres espaces, relèvent du domaine dela vie privée. Partant, même dans cetunivers de "fonctionnaires" et de"commis", la frontière entre vie publiquet vie privée perd de sa nettetéjurid iq u e .

Le modèle "mondain"

Sous le rapport des quelques indicateurs ui ont guidé l'analyse des catégories dans le Bérard Quélin, le Who'swho apparaît comme son antithèse. SihBottin mondain a pour objet de rappeler les signes génériques de la noblesse sociale (présentation dessystèmes de goûts dans tous les domaines , gastronomie, hôtellerie,sports, mode vestimentaire, etc.), il serapproche plus d'un carnet d'adressesque d'un annuaire biographique. LeWho's who représente peut-êtremieux que ce dernier l'annuaire oùsont répertoriées, pour chaque individu,es propriétés qu'on peut appeler

5— L'Assemblée nationale constitue unchamp de concurrence régi par des règlesspécifiques auxquelles se trouve confrontétout nouvel entrant Pour un exempled'impétrants dépourvus des qualités socialeset politiques susceptibles de leur permettrede «négocier» à leur avantage le jeupolitique et son fonctionnement, cf .A. Collovald, Les Poujadistes ou l'échec enpolitique, Revue d'histoire moderne et contemporaine, à paraître.

"mondaines" par opposition à "bureaucratiques", de construction d'identité publique. A la différence duBérard Quélin, le Who's who sélectionne sa population selon des critèresplus implicites, diffus, hétérogènes, etl'ordre même selon lequel sont présentés les "biographies" -alphabétique-tteste ce mélange typique du

"beau monde" composé d 'individualitésisparates et néanmoins affines.Ainsi, l'homme politique côtoie-t-il,au sein du même annuaire, des industriels, des hauts fonctionnaires pourl'essentiel, mais aussi des artistes, desécrivains, des sportifs, etc.

En dehors des personnalitésqui s'y trouvent obligatoirement parles positions qu'elles occupent (députés, inistres, dirigeants nationaux departi et de syndicat), les individus rassemblés dans le Who's who ont pourcaractéristiques communes d'être dessortes de notabilités dans leur champd'activité ; la cooptation qu i préside àleur "choix" redouble ce caractère.C'est en effet "un jury composé d'unequinzaine de spécialistes dont lescompétences font autorité dans lesdomaines professionnels très variés"qu i établit la liste des personnalités ré

pertoriées (...). "Tous ceux qui, parleur mérite, leur talent ou compétence, ont apporté à l'activité et aurayonnement de la France, quel quesoit leur domaine d'activité professionnelle" (6) sont retenus par le jury.Ces mots -"honorabilité", "mérite", "ta

lent", "rayonnement"- véhiculent unevision "enchantée" d'un monde où lesindividus seraient leur propre produit, illusion entretenue par la formulationmême des rubriques -"oeuvres","hobbies", "violon d'Ingres", "illustrationsamiliales".

Le contrôle de la "productionde soi" est laissé dans cet annuaire àl'intéressé qu i rédige lui-même sa no-

férence du Bérard Quélin, la noticen'est pas remplie par le ury, si ce n'estlorsque des "élus" ont refusé de répon

drelors que leur présence a été jugéeindispensable. Certains d'entre euxsont dès lors intégrés "par la force deshoses" à un monde qui leur est, à tousles égards hormis par les fonctionsqu'ils occupent, étranger. Le cas desdéputés communistes, dont la plupartont été ouvriers ou permanents deleur organisation, est exemplaired'une telle introduction "obligée" dansl'univers des classes dominantes. Desdifférences sociales distinguent aussiles élus du RPR des élus de l'UDF, s

ignalant une moins grande proximitédes gaullistes avec le milieu mondain.

(Ils notent par exemple plus souventleur statut des présidents d'associa-

6— Cf. la notice de présentation du Who'swho in France, 1985-1986, Paris, Éd .J. Lafitte,1985.

Page 6: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 6/14

 

Illustration non autorisée à la diffusion

Illustration non autorisée à la diffusion

Illustration non autorisée à la diffusion

32 Annie Collovald

Deux styles de

not«",

tions diverses que leur appartenanceà des "clubs chics", comme c'est le caspour les giscardiens) (7).

Ce principe de notabilité quisous-tend toute l'entreprise du Who'swho se prolonge encore dans la rech erch e de données qui visent à préciser l'ancienneté et la notoriété dunom. (On observe, à cet égard, pourceux qui en font état, qu'à la diff

érence du Bottin Mondain, il s'agit rarement d'un nom de lignage) (8).Mais tout ce qui "salirait" éventuellemente nom es t exclu de la notice."Les démêlés avec la justice et les indélicatesses notoires n'ont pas leurplace dans le Who's who", stipule cettedernière. Laissée au "libre arbitre" du"biographie", la fiche signalétiquen'est pas strictement codifiée, comme

7 — Si les partis de «droite» recrutent préfé-rentiellement parmi les catégories privilégiées de l'élite sociale, le RPR représenteplutôt les fractions dominées, cf . D. Gaxie,Les logiques du recrutement politique,Revue française de science politique, 1,1980, pp . 5-45.8— D'après un e première étude, ce quisemble différencier le Bottin mondain duWho's who est l'ancienneté d'appartenanceà la classe dominante.

^ati,

"PpT^un'" *< " la"*» hie

Page 7: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 7/14

 

Illustration non autorisée à la diffusion

Identité(s) stratégique(s) 33

celle du Bérard Quélin, et subit desmodifications suivant son rédacteur.Des rubriques sont éludées ou remplies diversement : la position sociale,par exemple, est souvent euphémiséeou elliptique (agriculteur, fonctionnaire,ndustriel) ; certaines positionspartisanes peuvent ne pas être notées,comme c'est le cas de nombreux re

pré sent ant s de l'UDF. Si la carrièreprofessionnelle ou politique est rappelée, elle tient une place minime parrapport à l'ensemble des autres informations ; traitée différemment par leshommes politiques - certains la retracentdans toutes ses étapes, d'autresen donnent, au contraire, une version

raccourcie-, elle est en quelque sorteembellie" : les échecs ne sont pasmentionnés. En outre, d'une manièregénérale, tout ce qu i concerne le travail, le métier au sens restreint duterme, est laissé dans l'ombre, accroissantncore cette impression de réussite naturelle et "sans raté". Pourl'homme politique, la notice du Who'swho donne ainsi une représentationde l'individu plus personnalisée, résultant tant de l'opération d'autopré-sentation dont elle découle que du"conformisme d'annuaire" qui pousseà révéler certaines informations d'ordreprivé.

Annuaire de l'"homme dumonde", le Who's who s'adresse plusspécialement aux "hommes duonde"

; ce sont les industriels et leshauts fonctionnaires, principaux "bio

graphies",qui l'achètent en priori

té9). Mais son public dépasselargement ces catégories : des institutions ubliques, des entreprises privées, des universités, des organismesde presse, ou de simples lecteursproches socialement de l'élite socialerépertoriée se le procurent égalementou le consultent. Vendu en librairiepour la somme de 1 580 F, le Who'swho a une clientèle sociale relativementlus hétérogène que le BérardQuélin. Le contenu de sa fiche signa-létique constituerait un bon indicateur u minimum de familiarité

mondaine qu'exige la fréquentationde ce "monde" : famille, enfants,sports, goûts culturels bref, tout ce quialimente une conversation mondainemarquée par la distance par rapportaux enjeux réels des relations nouéesdans ce milieu et par rapport à soi-même. Dans cet univers social, tout cequ i ressortit au privé de la personneest susceptible d'être une affaire, sinon publique, du moins de relationspubliques.

C'est dire que la présentationde soi dans le Who's who, dont l'enjeuproprement politique n'est pas négli

geable, comme en témoigne le faitqu'à plusieurs reprises Le Monde la

Des références choisies

Baccarat 1764 • Bernardaud 1863 • Champagne Bollinger 1829Boucheron 1858 ' Breguet 1775 "Bussière Arts Graphiques 1924 ■Laron 1904

Chanel 1912 • Parfums Chanel 1924 • Charles 1921 • Charvet 18 38Château Cheval Blanc 1832 '  Château d'Yquem 1786 " Chaumet 1780Christian Dior 1947 • Parfums Christian Dior 1948 ■Christofle 1830Coquet 1963 • D. Porthault 1924 • Daum 1875 • Didier Àaron 192 3Emanuel Ungaro 1965 • Orfèvrerie d'Ercuis 1867 • George V 1928

Givenchy 1951 ' Parrums Givenchy 1957 ■Guerlain 1828Guy Laroche Couture 1957 • Hédiard 1854 • Hennessy 1765 ' Hermès 1837Parfums Hermès 1948 ■Hôtel de Grillon 1909 ■Hôtel Plaza Athénée 1936Jean Patou 1919 '  Parrums Jean Patou 1925 '  Jean Prud'homme-Béné 1957

Champagne Krug 18 4 3 • La Chemise Lacoste 1933 • Lalique 1910 • Lanvin 1889Parfums Lanvin 1925 • Léonard Fashion 1943 • Louis Vuitton 1854

Manuel Canovas 1963 " Mauhoussin 1827 ■Mellerio 1613Moët et Chandon 1743 • Nina Ricci 1932 • Parfums Nina Ricci 1945

Oustau de Baumanière 1945 • Pierre Balmain 1945 " Pierre Frey 19 35Pierre Marly 1948 • Potel et Chabot 1820 ■Puiforcat 1820

Revillon 1723 ■Parfums Revillon 1937 • Robert Haviland & C. Parlón 1924Rochas 1925 • Champagne Ruinart 1729 '  Cristalleries de Saint-Louis 1767Souleïado 1780 • S.T. Dupont 1872 'Van Cleef & Arpéis 1906

Parrums Van Cleef & Arpéis 1976 • Champagne Veuve Clicquot Ponsardin 1772

Membres associésManufacture des Monnaies & Médailles 1552

Manufacture Nationale de Sèvres 17381 héâtre National de l'Opéra de Paris 1672

Page de publicité du Who's who, 1985-1986

9— Voir les informations que donne OlgierdLewandowski (art. cit.).

publie telle quelle élargissant dumême coup le lectorat habituel del'annuaire, peut revêtir une doubleimportance pour l'homme politique.Elle peut être un moyen de manifester,travers l'expression de ses dispositions sociales et culturelles, saconformité à l'ethos propre à l'élitedominante pour celui qui n'y est pasintégré de "droit". Des stratégies de"notabilisation" sont ainsi observables(chez certains députés gaullistes).Charles Pasqua, par exemple, ne mentionne ni les différents postes qu'il a

occupés dans son parti ni les organisationsusceptibles d'être compromettantesans cet univers (comme leService d'action civique) ; il utilise uneuphémisme pour désigner la professione son père ("fonctionnaire" aulieu de "gendarme") et, à l'inverse,note des fonctions importantes et valorisantes aux yeux de l'élite sociale,telles sa vice-présidence de la Commission des affaires culturelles au Sénat, sa présidence du Centre d'étudessociales et économiques, sa présidence de Solidarité et défense des l

ibertés. En sorte qu'il donne à voir de

lui-même des propriétés qu'on ne luiprêterait pas d'emblée. La présentatione soi peut aussi s'inscrire commeune stratégie de distinction de la partde certains hommes politiques. Lesnotices d'EdouardBalladur et de

léry Giscard d'Estaing sont révélatrices des deux manières, différenteset concurrentes, quoiqu'ajustées,qu'ont les membres de la "bonne société" de se présenter. Si le premiermontre un profil dépersonnalisé,comme aboli derrière sa personnalitépublique, de grand commis de l'Etat -il ne di t rien de la profession de sonpère ou de sa famille, de ses goûts, nementionne pas son adresse personnelle, etc.- le second joue, aucontraire, de sa vie privée de personnageublic, en donnant un tour per

sonnel à la position la plusimpersonnelle possible, sans doute,(celle de président de la République)il fait état, ainsi, de ses goûts, deses distractions, de ses liens familiaux,etc.

Quelques traits se dégagent decette comparaison rapide qu i opposedeux modèles de construction de lareprésentation de l'homme politique.D'un côté, le modèle bureaucratiquequi met en avant des propriétés officielles ayant à voir avec l'exercice defonctions publiques et qui est en affinité avec le mode de présentation

d'une fraction bien déterminée de laclasse dominante, celle qui doit àl'Etat et aux institutions qu i lui sontliées, sa position. Ainsi n'est-ce pas unhasard si les portraits de "type bureaucratique" ne sont pas des autopor-

Page 8: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 8/14

 

34 Annie Collovald

traits, s'ils sont élaborés selon descatégories bureaucratiques. De l'autrecôté, le modèle que l'on peut diremondain" en ce qu'il privilégie desqualités attachées à la personne "privée" au sens juridique du terme, maisqu i sont autant d'indices objectifs nelaissant aucun doute sur l'appartenancee l'individu à la classe domin

ante. L'autoprésentation, c'est-à-direPautosélection contrôlée des propriétés'ordre privé que l'annuaire rendpubliques, est constitutive de ce modèle où ce qui est mis en scène est lapersonne et ses particularités. C'estpourquoi ce modèle enferme inévitablement une plus grande diversité desmanières de se "définir". Cette "définitione soi" ne résulte pas seulement,comme l'apprend l'avertissement duWho's who - "chaque biographie estl'oeuvre conjointe et approuvée del'intéressé et de la rédaction"-, de la liberté laissée aux individus de se présenter comme ils l'entendent ; ellecorrespond à une personnificationdes exigences inscrites dans le modespécifique d'intégration de l'élite sociale qu i comprend une agrégation depersonnes de "qualité " (10).

Jacques Chirac ou unepersonnalité publique en politiquePour saisir plus précisément la transaction qu i prend parfois la formed'une négociation entre les instancesde publication et les hommes politiques, on a comparé, à titre d'exercice,les portraits de l'un d'entre eux, Jacques Chirac, qui, jalonnant dans cesdeux annuaires sa carrière d'hommepublic, sont exemplaires de ces stratégiesdentitaires que mettent en oeuvre les acteurs politiques.

Sa présentation est identiquedans les deux notices du Bérard Qué-lin et du Who's who en 1985 et dépeintsa personnalité publique. Ainsi, dansle Who's who, aucune caractéristiqued'ordre privé n'est mentionnée. Parexemple, l'Hôtel de Ville, habitationpersonnelle du maire de Paris, es t seulement signalé en tant qu'adresse pro

fessionnelle. Les seules informationsprivées à apparaître sont celles, inévitables, de l'état civil (profession dupère, date de mariage et qualités duconjoint, enfants). Une notation cependant donne une touche personnelle son portrait et rappelle sa"filiation" politique : parmi les nombreuses associations auxquelles ilcollabore, la Fondation Claude-Pompidou, dont il est le trésorier, estla seule qui figure dans la notice (11).En même temps qu'une oeuvre charitable d'aide aux enfants handicapés etaux personnes âgées, cette fondation,

10- Pour les consequences pratiques qu'untel objet implique pour celui qui l 'aborde,cf . P. Bourdieu, M. de Saint Martin, Lepatronat, Actes de la recherche en sciencessociales, 20-21, mars-avril, 1978, pp . 3-5.

par le nom qu'elle porte, évoque l'ancien président de la République auquel aime à se référer, voire cherche às'identifier, le leader gaulliste. La manière dont est retracé son parcoursélectif et partisan, à la façon d'un cursus chronologiquement hiérarchisé,s'apparente à celle qui est suivie dansle Bérard Quélin. Il s'agit d'un homme

politique qui es t montré et se montresous les traits du commis dévoué à l'Etat. Cette "stylisation" es t cependant laconclusion d'un travail spécifique deprésentation qu'il faut resituer parrapport aux transformations de sa trajectoire politique comme en témoignent les trois notices du Who's whoqui furent successivement rédigées àtrois étapes cruciales de sa carrière.Loin d'être un simple enregistrementde titres politiques, la progression deson itinéraire politique s'accompagne, chaque tournant, d'une "réorientation" de son profil.

Un jeune ministre compétent,1971-1972La notice de Jacques Chirac dans leWho's who de 1971-1972 est celle d'unjeune membre de l'élite sociale. Tousles titres les plus à même de justifierson appartenance au groupe restreintdes "chargés de pouvoir politique"sont donnés : sa fonction de conseillerréférendaire à la Cour des comptes,son poste ministériel (ministre délégué auprès du premier ministre), sontitre de député succèdent à son nom.

L'état civil et l'adresse personnellesont signalés. Le fait de ne pas citerune position élective modeste(conseiller municipal de Sainte-Fé-réole dont il es t l'élu en 1965) est enaffinité avec la vision "mondaine" - parisienne- de l'univers politique propreà cet annuaire. A ce stade de sa carrière, il se conforme à l'image del'homme politique compétent et d'envergure nationale. Ce conformismerépond à une exigence qu i semblemoins liée à la place occupée dans lahiérarchie politique (Jacques Chiracest déjà responsable d'un ministère

important et très "politique" à cetteépoque : celui des relations avec leparlement) qu'à la jeunesse et à la rapidité d'ascension d'un nouvel entrantdans le cercle des gouvernants, dont lanotabilité politique n'est cependantpas encore totalement assise. En effet,il est élu député et nommé au gouvernement en 1967, à 35 ans, comme secréta ire d'Etat aux Affaires sociales,chargé de l'emploi, puis gravit très viteles échelons ministériels et passe, en

11— Jacques Chirac est par exemple président de l'Association internationale desmaires de capitales et de grandes villesfrancophones, président de l'Associationpour l'information municipale, président del'Association pour le développement de lacommunication à Paris, membre du Comitéde s finances locales, etc.

janvier 1971, de postes de second planà un poste plus "en vue" et plus politique.

Un dirigeant gaulliste, 1975-1976Sa présentation dans le Who's who de1975-1976 joue sur un double registrequ i "décale" les lignes du portrait :tout en continuant à manifester l'appartenance de Jacques Chirac à l'élitedirigeante nationale, elle semble travailler à montrer son allégeance auparti gaulliste. L'accumulation designes de pouvoir politique (ministrede l'Intérieur, premier ministre, secréta ire général de l'Union des démocrates pour la République - UDR)ont accru le poids politique de celui-ci sans l'affermir tout à fait. Sa fonction de chef du gouvernement-comme auparavant celle de secrétaire général de son parti- fait l'objetd'attaques des "barons" (Jacques

Chaban-Delmas, Olivier Guichard,Alain Peyrefitte, Michel Debré, parexemple), porte-parole légitimes dugaullisme d'alors, qu i l'accusent detrahison" envers le candidat officiel

de PUDR aux élections présidentiellese 1974 (12) et voient en lui lacréature" d'un chef d'Etat non gaull

iste, qui plus est, ancien opposant àCharles De Gaulle (13). Il n'est pasexclu de penser que si le titre de premier ministre ne figure pas parmi ceuxqui pourtant le désignent le mieux,c'est par un souci stratégique prenanten compte ses adversaires gaullistes

dont il cherche à obtenir le soutien. Nepas s'identifier à ce titre qui signifie,en ces circonstances, dissensions etconflits dans le groupe dont il a lacharge vise, sans doute, à limiter uneéventuelle perte de crédit politiquedans son propre parti. Mais d'autresindices attestent par ailleurs l'existence de cette nouvelle posture adoptée ar Jacques Chirac, comme parexemple le label générique d'"hommeolitique" dont il se qualifie : cetteformule marquerait plus nettement cettesorte de dévotion à la vie politique ausens gaulliste du terme ("les intérêtsde la Nation") et le souci de se placerau même niveau que ses concurrentsau sein de son organisation ; les "barons" ne s'approprient-ils pas tous cet

12- Jacques Chirac lança un appel - «l'appelde s 43»- en faveur d'une candidatureunique au premier tour de s élections présidentielles de 1974. Ce geste fut interprété,par les «barons» comme un e tentative dedéstabilisation de la candidature de JacquesChaban-Delmas et un soutien à ValéryGiscard d'Estaing.13-C'est le «oui mais» de Valéry Giscardd'Estaing du 10 janvier 1967 lors de lapréparation de la campagne législative, suivi,quelque temps après, par la dénonciation de' «exercice solitaire du pouvoir». Le 14 avril1969, il se prononce pour le «non» aureferendum qu'envisage De Gaulle sur lesrégions et le Sénat, referendum qui sonnerale départ du président de la République.

Page 9: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 9/14

 

Identité(s) stratégique(s) 35

insigne d'une autorité politique "supérieure" ? De même on peut se demanderi la mention de sa fonction detrésorier de la Fondation Claude-Pomçidou -qu'il remplit depuis 1969et qui n'avait pas été citée dans la notice de 1971-1972- ne lui sert pas decaution et même d'héritage gaullistes,distincts de ceux que peuvent revendiqueres "barons", cette référence évoquant sa relation privilégiée avecGeorges Pompidou. Ce dernier avaitd'ailleurs administré la FondationAnne De Gaulle,créée par Charles deGaulle en mémoire de sa fille défunte.Que Jacques Chirac rappelle publiquement sa fonction de trésorier s'ins-crirait bien dans une stratégied'appropriation d'une "filiation" gaulliste qui semblait moins urgente ouprenait d'autres voies chez GeorgesPompidou : ainsi ne trouve-t-on aucune trace, par exemple, de ses liensavec la

Fondationde Vertcoeur dans

ses notices du Who's who.

Un homme d'Etat, 1985-1986Son portrait, dans le Who's who de1985-1986, se dépouille de toute notation privée au profit des traits qu i caractérisent sa personnalité publique.L'adresse personnelle, la professiondisparaissent, tandis que presquetoutes les fonctions exercées dans lechamp politique national sont déclarées ancien premier ministre, mairede Paris, député), réunies derrière letitre emblématique d'"homme politi

que". Cette manière de se présenter sedistingue tant du style -individualisé-des "barons", qu i mentionnent leursgoûts, leurs hobbies, ou le sport qu'ilspratiquent, que du style de sesnouveaux concurrents avec lesquels ilrivalise, maintenant qu'il prétend àla présidence de la République. Eneffet, ni Raymond Barre, ni ValéryGiscard d'Estaing ne se définissentcomme "homme politique". Si le premier présente le visage "fonctionnel"de l'universitaire spécialisé en économieil termine sa notice en rappelantses postes universitaires et signale sesdifférentes distinctions de docteurhonoris causa- le second joue, nousl'avons vu , des propriétés sociales etprivées attachées aux fonctions qu'il aexercées. Jacques Chirac semble vouloir donner désormais à voir de lui-même une identité officielle originale,"unique", à la mesure de la positionqu'il ambitionne de conquérir. Loind'être la conséquence d'un choix personnel, cette façon de se "singulariser"tend à répondre aux nécessités d'unedouble lutte : celle, très fermée desprésidentiables ; celle, plus spécif

iquement gaulliste, qui l'oblige àconsolider sa position de dirigeant enimposant une image de soi différenteet fortement démarquée de l'imageque révèlent d'eux-mêmes ses "auxiliaires-rivaux" dont le poids politiquecontrebalance le sien.

Plus généralement, ce qu i apparaît à travers ces trois notices biograph iqu es , c'est la complexitécroissante du travail de présentationde soi de l'homme politique qui doits'adapter au "complexe de personnages" (14) politiques qu'il est amenéà incarner. La progression dans la hiérarchie politique ne s'accomplit pasde façon linéaire et cumulative à lamanière d'une "carrière" ; elle procède plutôt d'une somme d'investissementsultisectoriels conduisant àune "multipositionnalité" (15). C'estdire que la force spécifique del'homme politique est le résultat d'uneopération de "production de soi"consistant à rassembler, à homogénéiser,t à rendre cohérentes, sous unemarque" identitaire unifiée et suff

isamment identifiable, les multiplesdéfinitions de lui-même. Plus que lamanifestation d'une identité "vérita

ble",e travail de "personnalisation deoi" est un produit complexe destiné àservir de moyen dans la lutte politique.

Des challengersOutre les notices d'annuaires, les ouvrages biographiques représentent unautre instrument par lequel seconstruit collectivement l'identité publique des hommes politiques. Deuxlivres seulement sur Jacques Chiracont été retenus parmi tous ceux qu i luiont été consacrés. Il s'agit des deux

derniers parus, celui de Thierry Desjardins, Un inconnu nommé Chirac, etcelui de Franz-Olivier Giesberg,Jacques Chirac (16), qu i illustrentdeux modes opposés de constructionidentitaire" dont le principe résidedans la "distance" entre le biographeet le "biographie". Des indicationsrudimentaires apparaissant sur la jaquette ou dans l'introduction du livreet la liste des personnes remerciéesrenseignent, sinon sur la manière detravailler du biographe, du moins surcelle qu'il lui importe de mettre enavant. Ainsi Thierry Desjardins, jour

nal iste au Figaro et proche politiquemente l'actuel premier ministre,signale que son entreprise s'est accomplie en collaboration directe avecJacques Chirac : "Et d'escale en escale, nous nous sommes mis à parler...Nos conversations étaient passionnantes, ntelligentes, profondes. Il medisait sa haine du fascisme, sa passionpour les libertés..." (p. 11). Il di t dialo-

14-P. Bourdieu, L'iílusion biographique,Actes de la recherche en sciences sociales,62-63, juin 1986, pp . 69-73.

15— L. Boltanski, L'espace positionnel.Multiplicité de s positions institutionnelleset habitus de classe, Revue française desociologie, 14 (l)Janv.-mars 1973, pp. 3-26.16-T. Desjardins, Un inconnu nomméChirac, Paris, La Table ronde, 1983 ;F.-O. Giesberg, Chirac, Paris, Seuil, 1987.

guer fréquemment avec lui, l'accompagnerdans tous ses voyages, avoirappris à le connaître personnellement.l'inverse Franz-Olivier Giesberg, journaliste au NouvelObservateur et politiquement opposéà Chirac, déclare avoir rencontré plusépisodiquement le dirigeant gaulliste("à de nombreuses reprises"), avoir

mené "une enquête pendant quatreans", pour réussir à accéder "aux documents et aux témoignages indispensables" t remercie les nombreusespersonnalités qu'il a interviewées. Cefaisant, ces auteurs affichent deuxfaçons de "fabriquer" le personnagepublic dont ils relatent l'histoire, qu isemblent être au coeur de la différence des portraits qu'ils en font (17).

Le travail du biographe

"Travaillée" différemment, l'image deJacques Chirac qu i ressort de leur ouvrage est en effet contrastée. L'esquisse de Thierry Desjardins estentièrement politique : les informationsrivées, quand il y en a, sontmises au service de la description dela formation politique du dirigeantgaulliste. Selon cet auteur, la positionactuelle de Jacques Chirac en tant queleader est l'accomplissement heureuxd'une disposition pour la politiqueperceptible dès l'enfance. Cette disposition politique et les valeurs qu'ellereprésente sont incarnées par la per

sonnalité politique que ce biographediscerne derrière P"inconnu" -selon letitre du livre- qu'il tente de cerner.Ainsi laisse-t-il souvent la parole àJacques Chirac qui s'exprime sur sesconceptions politiques : "Un fasciste ?Sûrement pas. Lui-même le déclaresouvent : 'J e hais le fascisme, c'estsans doute ma seule haine'" (p. 446).Si raconter le passé, les relations familiales, l'enfance, l'éducation est unpassage obligé pour toute biographie,tous ce s renseignements "intimes"sont toutefois étroitement contrôlés.C'est sur le terrain politique queThierry Desjardins place d'embléeson livre. S'il se demande, en ouverture e son ouvrage : "Quel sera leprochain président de la République", c'est pour désigner le dirigeantgaulliste comme le seul prétendantcrédible à cette investiture. L'architecture du livre dont le récit suit lesétapes chronologiques de la carrièrede Jacques Chirac ("Un brillant sujet1951-62", "La rencontre avec GeorgesPompidou 1962-67"..., "L e chef de

17- Le travail de Louis Marin est, à cetégard, riche d'enseignements : le portrait deLouis XIV ne peut être qu'un portrait«métaphysique», un portrait de Cour, tantles règles sévères de l'étiquette prescriventun mode de relations «courtisan» dupeintre à son modèle royal (L. Marin, Leportrait du roi, Paris, Éd . de Minuit, 1981).

Page 10: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 10/14

 

Illustration non autorisée à la diffusion

36 Annie Collovald

D'un annuaire à l'autre

Les personnalités que les hasardsde l'ordre alphabétique ont placées,dans le WJio's who, avant ou aprèsJacques Chirac (Pierre Chiquet,ingénieur ; Gilbert Chirat,ingénieur ; Elisabeth Chirol,

conservateur de musée) trahissentla prétention de cet annuaire à êtreun dictionnaire biographiqueexhaustif de «l'élite». Depuis 1954,date de sa création, celui-ci s'estmodifié tant dans sa forme -il agrandi et s'est épaissi- que dansson contenu : les demandesd'informations se sont renouveléeset étendues. Ainsi, adapté àl'évolution et aux transformationsdu recrutement social de l'élitedirigeante, le Who's who tend àravir la place du Bottin Mondaincomme image de la «haute société».

En revanche, les rubriques ont peuchangé dans hBérard Quélin. Sedéfinissant comme une«documentation biographique», cetannuaire présente les notices surdes feuillets détachables qu'on peutadjoindre à des archives, de lamême façon que les donnéesnouvelles, concernant l'individubiographie, s'ajoutent les unes au xautres, à la manière des dossiersbureaucratiques où s'empilent,années après années, pages aprèspages, les informations nouvelles.

Wlw's whoin France, 1985-1986.

CHIQUET (Pierre, Marie, Gabriel, Marcel), Ingénieur. Né le 14 novembre 1930 à Poitiers (Vienne). Filsde Marce l Chiquet, Industriel, et de Mme, né e FrançoiseVeillon. Mar. le 1" mars 1957 à Mlle Micheline Closset(4 enf. :  Bernard, Marie, Antoine, Anne). Etudes : CollègeSaint-Stanislas à Poitiers, Ecole Sainte-Geneviève à Versailles. Dlpl. : Ancien élève de l 'Ecole polytechnique.Ingénieur de l 'Ecole nat iona le supérieure de l'aéronautiquet de l 'Ecole supérieure d'électricité. Carr. : Ingénieur (1958) puis Chef (1959-1960) du bureau d 'études duCentre interarmèes d'essais d 'engins spéciaux (C.I.E.E.S.)à Colomb-Béchar, Sous-d irecteur technique Air (1961) auC.I.E.E.S. a Colomb-Béchar, Adjoint au directeur â ladirection de s études et développement du C.I.E.E.S. àParis (1961-1962), Chet du département Réalisations duCentre national d 'études spatiales (C.N.E.S.) (1962), Directeur de la division Equipement au sol (1963-1965) puisDirecteur du développement du C.N.E.S. ( 1966-1967 ) ,Directeur du Centre Spat ia l de Toulouse (1968-1969), Re sponsable (1964-1969) de la création du champ de tir duC.N.E.S. en Guyane française, Ingénieur-conse i l et Directeur adjoint de la Banque nat ionale de Paris (1970), Adm inistrateur (1970) et Directeur généra l (1971-1974) de Teca-lemit S.A., Prés ident-directeur généra l de Gelbon S.A.(1971), Président-directeur généra l de Teca lemit Italia (1973), Administrateur-directeur généra l (1973) de la Compagnie frança ise d'équipement automobile (C.F.E.A. ) , ausecrétariat généra l du groupe de la Régie nat iona le de susines Renault (1974), Président-directeur généra l (depuis1976) de Seri-Renault, Directeur généra l (depuis 1975) deRenault-Entreprise, Attaché à la direct ion de P. S. A.Peugeot-Citroèn (1979), Président-directeur généra l de laSociété d'applications de s machines motrices ( S amm)(depuis 1981), Directeur-généra l de la société de s constructions mécaniques Panhard et Levassor (SCMPL)(depuis 1982). Décor. : Cheval ier de la Légion d'honneur,Officier de l'ordre national du Mérite, Médai l le de l'aéronautique. Dlst. : Médai l le de vermeil du Centre nationald 'études spatiales. Sport :  aviation (breveté pilote de

chasse et pilote de planeurs) . Adr. : privée, 35 qua i deGrenelle, 75015 Paris.CHIRAC (Jacques, René), Homme politique,Ancien Premier Ministre, Maire de Paris, Député. Né le29 nov embre 1932 à Paris. Fils de François Chirac,Administrateur de sociétés, et de Mme, né e Marie-LouiseValette. Mar. le 16 mars 1956 à Mlle Bernadette Chodronde Cource l (2 enf. :  Laurence , Claude). Etudes: LycéesCarnot et Louis-le-Grand à Paris. Dlpl. : Dip l ômé del'Institut d 'études politiques de Paris et de l a SummerSchool de l 'université de Harvard. Carr. : Elève à l 'Ecolenat iona le d'administration (1957-1959), Auditeur à la Cour

des comptes (1959), Charg é de mission au Secrétariatgénéra l du gouvernement (1962), Chargé de mission aucabinet de Georges Pomp id ou (Premier Ministre, 1962),Conseiller référendaire à la Cour des comptes (depuis1965), Député Ve République de la Corrèze (3e cire. :  Ussel)(mars-mai 1967), Secréta ire d'Etat au x Affaires sociales,chargé des problèmes de l 'emploi (1967-1968), Conseillergénéra l du canton de Meymac (1968, réélu en 1970, en1976 et en 1982) et Président du Conse i l généra l de laCorrèze (1970-1979)), Conseiller municipal de Sainte-Fèréole (1965-1977), A nouv e au Député U.D.R. de la Cor

rèze (23 juin-12 août 1968), Secréta ire d'Etat à l 'Economieet au x Finances (1968-1971) puis Ministre délégué auprèsdu Premier Ministre, chargé des Relations avec le Parlement (1971-1972), Ministre de l'Agriculture el du Développement rural (1972-1973), Député de la Corrèze (4 mars1973; 5 mai 1973), Ministre de l'Agriculture et du Développement rural (1973-1974), Ministre de l'Intérieur (T'rnars-27 mai 1974), Premier Ministre (le 27 mai 1974), présente ladémission de son gouvernement (25 août 1976), Secréta iregénéra l (1974-1975) puis Secréta ire généra l d'honneur del 'U.D.R. (juin 1975); réélu Député de la Corrèze (3' cire.)(1976-1979), Président du Rassemblement pour la République (depuis 1976), élu maire de Paris (mars 1977, rééluen mars 1983), élu le 10juin 1979 Représentant à l'Assembléees communautés européennes (liste Défense desintérêts de la France en Europe ) , démiss ionne de so nmandat (mai 1980 ) , Membre de la commission de ladéfense nat ionale A l'Assemblée nat ionale (depuis 1980),réélu Député de la Corrèze le 14 juin 1981. Œuvres:thèse & l'Institut d 'études pol it iques sur le déve loppement

du port de la Nouvelle-Orléans (1954), Discours pour lafranee à l'heure du Choix, la Lueur de l'espérance :réflexion du soir pour le matin (1978). Décor. : Grand-Croix de l'ordre national du Mérite, Croix de la valeurmilitaire, Cheval ier du Mérite agricole, des Arts et de 3Lettres, de l 'Etoile noire, du Mérite sportif, du Mérite touristique, Médai l le de l'aéronautique. Trésorier (depuis1969) de la Fondation Claude Pompidou (associationvenant en aide notamment au x p er sonne s âgées et auxenfants handicapés). Adr. :  prof., Hôtel de ville, 75004Paris.

CHIRAT (Gilbert, Paul), Ingénieur. Né le 14 février1923 à Tlemcen (Algérie) . Fils de Paul Chirat, Négoc iant ,et de Mme, née Gilberte Mornand. Mar. le 28 avril 1948à Mlle Eliane Bergeaud (lenf. :  Marie-Hélène [MmePatrice Charlie]) . Etudes : Lycée d'Alger. Dlpl. : Ancienélève de»!'Ecole polytechnique, Ingénieur de s ponts etchaussées. Carr. :  Ingénieur de s ponts el chaussées àYaounde (1950-1955), Directeur adjoint de s travaux publicsdu Cameroun (1955-1957), au serv ice de s études économiquest financières du ministère des Finances (1953-1961),Directeur (1961) puis Directeur généra l adjoint (1972-1976)de l ' Immobilière-Construction de Paris, Président de laSociété anonyme de gestion et de construction d 'H .L.M.(depuis 1970) et du Bureau d 'études et de contrôle techniques depuis 1974). Décor. : Chevalier de la Légiond'honneur, Cheval ier de l 'Etoile noire. Adr. : prof., 4 placeRio-de-Janeiro, 75008 Paris; privée , 9 rue du Command ant -Marchand , 75116 Paris.

CHIROL (Elisabeth, Marie, Alice), Conservateur demusée . Née le 4 février 1915 a Rouen ( Se ine- Inférieure ) .Fille de Pierre Chirol, Architecte, et de Mme, né eAnne-Marie Duchaufour. Célibataire. Etudes : CoursNoire-Dame a Rouen, Faculté des lettres de Paris. Dlpl. :Licenciée es lettres, Diplômée de l'Ecole du Louvre .Carr. : Assistante au Musée de s antiquités de Rouen(1949) puis au Musée des beaux-arts de Rouen (1952),Professeur à l 'Ecole de s beaux-arts de Rouen (1960-1970),Conservateur honoraire de s musées départementaux de laSeine-Maritime, Membre de la Commiss i on d ép ar t ementalees antiquités, de l'Académie de Rouen et Présidentede la Société de s amis de s monuments rouennais (depuis1961), Prèsidenla de l'association Connaître Rouen.Œuvres : le Château de Caillon (1952), le Tombeau de scardinaux d'Amboise (1959), Connaître Rouen (en coll., 3tomes 1970, 1972, 1976, et tome IV en 1982), Rouen (encoll., 1972), le Palais de justice de Rouen (en coll., 1977),le Musée Victor Hugo de Villequier (1982), Catalogue del 'exposition Victor Hugo et l a Normandie (1985). Décor. :Chevalier de la Légion d'honneur, Cheval ier des Arts etdes Lettres. Adr. : prof., 198 rue Beauvolsine, 76000Rouen; privée, 42 bis rue Thiers, 76000 Rouen.

CHIROL (Jean-Gabriel), Ingénieur, Industriel. Néle 27 ma l 1899 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) . Filsde Léon Chirol, Agriculteur, et de Mme, née MarieFourrière. Mar. le 21 septembre 1936 à Mlle Germa ineBlanchet (2 enf. :  Huguette [Mme Jack Ecole], Florence(Mme Robert-Yves Carrât]) . Etudes : Lycée de Lectoure,Lycée Louis- le-Grand à Paris. Dlpl. :  Ingénieur de l 'Ecolecentrale de s arts et manufactures. Carr. : Fondateur(1930) et Président-directeur généra l (depuis 1930) de l'I

ndustrielle de chauffage, Président du Syndicat national de sconstructeurs-installateurs de chauffage urbain (1968-74).Décor. : Cheval ier de la Légion d'honneur, Croix deguerre 39-45. Sport :  chasse. Adr. :  prof., L'Industriellede chauffage , 68 av. Jean-Batiste Clément, 92100 Bou-logne-sur-Se ine ; privée. 69 av. Georges Mandel, 75016Paris.

CHIRON (Pierre, Yvon, Max), Directeur d'établissementublic national. Né le 24 mai 1929 â Hirson (Aisne ) .Fils de Maximim Chiron, Commissaire divisionnaire, etde Mme, née Yvonne Saint-Marty. Mar. le 15 juillet 1952â Mlle S imone Calou (4 enf. :  Franck, Xavier, Fabien, Pascal). Etudes :  Collège Saint-Jean à Bazas, Lycées àBordeaux, Faculté des sciences de Bordeaux, Faculté dedroit de Paris. Carr. : Cadre national de s préfectures(1952) puis Secréta ire généra i de mairie (1954-1959), Elèveâ l 'Ecole nat iona le d'administration (1960-1963), Adminis-trateur civil chargé de mission au secrétariat généra l duministère de l 'Education nat ionale (1963-1965), Secréta ire

Le Bottinmondain, 1975.

CHIPOT (Roger-Henri) ^M.C.L, I.E.P., FA . LC . = et Mme néeSolange THIERRY = 3, sq. René-Bazin, Le Chesnay (78-Yve-lines). Q] 954-25-64 — £5 de Lorey, Breuilpont (27-Eure). [t] i— et résidence St-Laurent, av. Foch, Cabourg (14-Cal vados).m 6-29.Enfanta :  Cat h trine (47), (du 1" mariage de Mr), Elisabeth (68).

CHIRAC (Jacques) jJV.M., >~iA.L., $, premier minisire , préside»du Conseil général cU la Córrese = et Mme née Bernadette deCOURCEL = 57, ru e Boissiere, 75116 Paris. [t] 727-33-93 — etSte-Féréole (19-Corrèze).Enfants : Laurence (58), Claude (62).

CHIRIÉ (Eugène) *, OQ , architecte D.P.L.G. = et Mme néeIMBERT = • La Cadenelle », 122, rue du Commandant-Rolland,1300S Marseille, g] (91) 76-55-97 — et« Kalimera », 13260 Cassis.[T] (91) 01-73-80.Enfants :  Pierre , Jacques, Guy, Annie (Mme Alain Martin-

Chave), Claude, Martine (Mme Jacques Lena).CHIRIE (Dr Michel), assistant de s hôpitaux de Paris, gyn¿cologutaccoucheur, RC. St-C. St NB . = et Mme née Micheline FRANGE= 158, ru e de Grenelle — 75 Paris 7". fj] 555-13-99 — et «La

Carsitane», Cassis (13-B.-du-Rh.). g] (91) 01-72-89.Enfants :  Marie-Christtne (Mme Antoine Baux), Jean- François,Dominique, Brigitte (50), Nicole et Catherine (54).CHIRIS (Léon-Antoine de) i, ►pC.V. , vit, P. YCF. = et Mmenée Anne-Marie GILLY, SGL. PE.V. - « Tournefeuille », chem.

Armind ■ Dufaux, Collonge - Bellerive, 1245 Genève (Suisse).[T] (022) 52-23-44 — et Hacienda de « Nuestra Señora de LaLuz » Mairena del Alcor, Province de Seville (Espagne). Pr] 46.Enfants : Isabel, Gilles (55).

l'opposition 1981-83"), la photographiee la couverture sur laquelle cedernier est de profil (comme sur lesmédailles, le nez chaussé de lunettes)sont autant de traits qui manifestent lavolonté de l'auteur de présenter paranticipation le chef du RPR sous lestraits de l'homme d'Etat. Ce portrait,à l'élaboration duquel Jacques Chiraca été ou s'est trouvé directementassocié, correspond à celui sous lequel celui-ci cherche à se faire reconnaître désormais, pour justifier etautoriser du même coup sa candida

turel'Elysée.Si la nature des informationsest relativement semblable dans le livre de Franz-Olivier Giesbert, l'interprétation change ; ce que vise àdécouvrir l'auteur, c'est l'individu qu i

Page 11: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 11/14

 

Identité(s) stratégique(s) 37

CHIRACR.P.R.

Jacques

Député do la Cprreze (3ème cjrc.)Membre de la commission des affaires culturelles, familiales ç-t ccc-.icvl.or>.

- NE LE 29 novembre 1932, à Paris- MARIE t Mme, née Bernadette CHODRON dB COURCEL, conseiller qt^x;*! d: >canton do Corrèzo, adjoint au maire de Sarran

- ENFANTS iLaurence,

Claude- Grand-croix de l'ordre national du Mérite. Croix de In y/üleu.e t.-.±l.xs:i<i....re . Commandeur du Mérite agricole.- DiplOtné de l'Institut d'études politi.quss de Perin.Ancion rlèva dr-. l'école nationale d'administration (promotion "Vauban" ) . Dip.ltfn^ de-.1 1-j ÍU-nv-mer school de l'université Harvard.

Fonctions politiques, Président du Rassemblement pour la République,. Ancien secrétaire général de l'Union des démocrates pour 1:í H ¿ public^ t?„. Conseiller (R.P.R.) de Paris (5èma secteur - Sems arr. ) .

C)

Profession

Conseiller référendaire de 2èmo classe à la Cour dos comptes»

publiés - "Discours pour la France a l'heure du trho.lx" (Gi;o s1 !< ,197B) f "La Lueur de l'espérance" (Editions de la Tabls ronde

CARRIERE - 1955, avril t sous les drapeaux. - 1957, jHnvier/19595 ju :. 1-le t i élève à l'Ecole nationale d'administration. - 1959, 1er aoîVt s au -diteur de 2èma clesse à la Cour des comptes, - 1959t, 29 ijr.ptsjr-brc : a r:disponibilité & la disposition du Premier ministro (tfecrfH^.vrt L]ír(áralpour les affaires algériennes). - 1960, 9 avril î xv..lntéc>r6 ck;.~.s lea ca-

- B i casier postal, Palais-Bourbon, 75355 Parifs» Té.l.- t R.P.R., 123, rue de Lille, 75007 Paris, TS.l«. 55T!- i Hôtel de Ville, 75196 Paris R.P„ Tfil. 276 nG 40- D i 110, rue du Bac, 750Q7 Paris.

Suppléant — M. Jean— Pierre DUPONT, vétérinaire, conseillerde la Corrèze et adjoint au maire de

i 9

S G-)

se cache derrière le "masque" de saersonnalité officielle : "Etait-il, à cet

instant, lui-mêmeou un autre ? A l'expérience, en fait, il apparaît toujourscomme lui-même et un autre. C'est lemystère Chirac. J'ai tenté de le percer" (p. 9) . Confronté à un personnage qu'il constitue commeénigmatique, le biographe part à larecherche de l'identité de "l'inconnule plus célèbre de France" (p. 14). Elleest, à ses yeux, contradictoire commele souligne l'abondance des couplesd'adjectifs contraires : "Moitié Phénix, moitié Sisyphe... C'est ainsi qu'ilest à la fois rétro et novateur, libéré etmoralisateur, souple et autoritaire..."(pp. 442-443). Enquêteur, l'auteur enadopte la méthode d'investigation etbâtit son livre sur une série de problèmes à résoudre, rompant avec

P"unité de temps" classique de P"his-toire de vie" officielle ("Le refuge et lasource", "L'angoisse à quinze ans","Matignon", etc.). La recherche s'appuie sur des renseignements qu i dévoilent des "secrets" politiques -la

rencontre de la rue Clément-Marotentre Jacques Chirac et FrançoisMitterrand en octobre 1980 ou le rôledes "eminences occultes"- ou fouillentl'intimité du "biographie" (l'auteurprivilégie, par exemple, le rôle de la

femme du leader gaulliste dans lechoix ou l'éviction de certains conseillersolitiques du dirigeant). L'autobiographie -non publiée- de JacquesChirac qu'il a rju consulter lui donnel'occasion de faire un portrait psychologique, privé et intime,de cet hommepublic : il souligne notamment lesliens affectifs étroits entre JacquesChirac et sa mère, la situation d'éloi-gnement par rapport au père et les angoisses vécues par l'enfant -quipersistent encore aujourd'hui. C'estr'homme" et son "attitude face à la vie"qu i expliquent, dans ce livre, les ac

tions ou prises de position politiquesdu chef du RPR. "L e grand problèmede Jacques Chirac, c'était lui-même ;il est en train de le résoudre" (p. 442)."Si Jacques Chirac tend une oreillecomplaisante aux conseils du tandem

Juillet-Garaud, c'est parce qu'il esttoujours démembré, comme inachevé,algré ses titres et ses mandats etqu'il cherche, comme d'habitude, à serecentrer dans le défi. C'est aussiparce qu'il se remet mal d'un accidentde la route dont il a réchappé par miracle. Et quand la chair est faible..." (p. 315).

L'image de Jacques Chirac quien découle s'éloigne sans doute plusfortement de la représentation, dépouillée et impersonnelle, que tient àdonner de lui-même le dirigeant gaulliste le portrait de la page de garde,qui le montre sans lunettes, cigaretteaux lèvres, oeil en coin, ancre son personnage dans l'univers des acteurs defilms noirs américains plutôt que dansle monde des responsables politiquesou des hommes d'Etat. Mais cette présentation donne à l'homme public une"épaisseur humaine" qui, paradoxalement,eut le servir en contribuant à

le singulariser et à le distinguer radicalement de ses concurrents. Ce faisant, cet auteur renforce, ici, lastratégie de personnalisation du leader gaulliste. En la circonstance, lesrapports de force qui opposentl'homme politique et son biographepour la production d'une identitéidéale" semblent être de l'ordre de laconfrontation explicite et du concoursimplicite. (On sait que Jacques Chirachésita longtemps avant de remercierFranz-Olivier Giesberf). Arrivé à cestade de la lutte politique où la présentation de soi devient un enjeu decarrière aussi fondamental, l'hommepolitique ne peut trouver, le plus souvent, dans la biographie qu'une formede publicité qu i tend à étayer sa stratégie de distinction, même lorsque,apparemment, elle se veut sansconcession. Mais la biographie constituegalement un enjeu proprementjournalistique. A mesure qu'unhomme politique est connu et reconnuomme une personnalité d'envergure ationale, le nombre etP"exhaustivité" des ouvrages qu i luisont consacrés augmentent en même

temps que se modifient les caractéristiquesociales de leurs auteurs (18).Ainsi ce n'est que tout récemment -c'est-à-dire une fois sa notabilité et sa

18— Plusieurs ouvrages ont ét é consacrés aJacques Chirac ; au fur et à mesure que sanotoriété s'établit, les journalistes, grandsreporters dans de s organes de presse ou desintellectuels travaillant pour la télévision,' «emparent» du personnage public.C. Clessis, B. Prévost, P. Wajsman, JacquesChirac, ou la République des cadets, Paris,Presses de la Cité, 1972 ; G. Comte, JacquesChirac ou l 'anti-Giscard, Paris, R. Deforges,1977 ; R. Madjar, Jacques Chirac.. . Ledouzième maire de Paris, Paris, Presses de laCité, 1977 ; A. Deligny, Chirac ou la fringaledu pouvoir, Paris, A. Moreau, 1976 ;C.Nay,La double méprise, Paris, Grasset 1980 ;M .  Szafan, Jacques Chirac ou les passions dupouvoir, Paris, Grasset, 1986 ; P. Jouve,A. Magoudi, Chirac, portrait total, Paris,Carrère,1987.

Page 12: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 12/14

 

Illustration non autorisée à la diffusion

Illustration non autorisée à la diffusion

38 Annie Collovald

Des couples bien assortis

Ces deux ouvrages s'opposentsystématiquement par le styleadopté pour présenter aussi bien lapersonnalité biographiée que lejournaliste auteur de la biographie,la différence des styles renvoyant àla différence des positions occupées

dans le champ des producteursintellectuels.Le classicisme du portrait dujournaliste présenté dans un cadrebourgeois, lunettes, cravate et pipeà la bouche, n'exclut pas pourautant le regard complice ducommentateur politique qu i saitapprécier la valeur du futur«homme d'Etat» dont il fait leportrait et qui est, sur la couverturedu livre, présenté en effigie.La pose décontractée du journaliste(chemise à col ouvert, cheveux longset en désordre) fixant l'objectifd'une façon qu i est propre àsymboliser toute la distance et laliberté qu'il entend avoir à l'égarddes «grands de ce monde», renvoieà un portrait de l'homme politiquedétendu, rappelant l'existenceprivée sous la fonction officielle.

Page 13: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 13/14

 

Identité(s) stratégique(s) 39

notoriété politiques assises- que desjournalistes et des grands reporters sesont essayés à écrire la biographie deJacques Chirac. (Il reste à comprendreourquoi ce sont ceux-là précisémentui s'y lancent et pourquoi ilschoisissent cet homme politique plutôt qu'un autre). Produit exemplairedes relations d'imbrication du champ

journalistique et du champ politique,la biographie souligne les rapports dedépendance et de contribution mutuelles qui lient le journaliste etl'homme politique. Etre considérécomme "la référence biographique"sur celui qu i est un président de la Républ ique possible, est une source deprestige qu i rejaillit sur le journaliste.(Les encarts publicitaires du livre deJean Lacouture concernant CharlesDe Gaulle rappelaient, par exemple,la phrase d'un journaliste an Monde :"Pour De Gaulle, voyez le Lacouture").

Prisonniers de ces liens de dépendance réciproque, les effets d'au-tonomisation perceptibles dans letravail du biographe sont à comprendreomme la manifestation d'unedistance objective séparant les deuxprotagonistes de l'échange. Bien desdifférences tiennent, en effet, aux positions que Thierry Desjardins etFranz-Olivier Giesbert occupentdans l'espace politico-journalistique.Le premier est, on l'a vu , grand reporterolitique au Figaro, journal partisan e Jacques Chirac et instrumentde la lutte politique qu i se donne à voircomme tel. Ayant accompli toute sacarrière au sein de ce quotidien, aprèsune brève incursion à France-Soir,Thierry Desjardins, bien que de manière toute symbolique, est engagéaux côtés d'une partie des acteurs politiques avec lesquels il partage les catégories de perception de cet univers.Il est ainsi proche du versant "politique" e l'univers journalistique. (I l aécrit de nombreux ouvrages, tousconsacrés à des personnalités ou à desproblèmes politiques). Ses intérêts dejournaliste épousent, dès lors, étroit

ement es intérêts de son journal, etpartant, ceux de l'homme politiquequ'il "portraiture". D'une certaine façon, ce type de biographe est amené àraconter l'histoire à travers les yeux deceux qu i la font. C'est dire que lecontenu de sa biographie s'expliquedavantage par les prétentions politiques du "biographie" que par ses "intentions" de biographe. Franz-OlivierGiesbert rédige la rubrique politiquedu Nouvel Observateur, hebdomadaireintellectuel" qui revendiqueune attitude distante et critique (19)vis-à-vis des acteurs politiques. Par le

type de journal qu'il représente et les

19— Pour un e analyse d'une catégorieindigène de perception du monde, cf.L. Pinto, L 'intelligence en action : Le NouvelObservateur, Paris, A.-M. Métaillé, 1984.

ouvrages qu'il a écrits (un livre "littéraire" sur François Mitterrand et unroman), il est plus proche que Thierryesjardins du pôle "intellectuel"aans le champ journalistique. Iladopte d'ailleurs la posture "distan-ciée" propre à ce type de journalistes.Pas plus que le journaliste du Figaro,il ne construit "librement" le portrait

de Jacques Chirac. D'une part, tout("grand journaliste", "intellectuel", "degauche") le contraint à produire uneidentité différente de celle que vise àimposer de lui le dirigeant gaulliste (lestyle "irrévérencieux" de l'écriture enest un autre indice). D'autre part, lescatégories de présentation qu'il utilisepour composer son portrait -historiques,ociologiques, psychologiques-sont celles qu'a contribué à produireet qu'utilise couramment le groupedes producteurs intellectuels qu'ilfréquente ou qu'il côtoie, ne serait-ceque dans son journal. Ainsi, c'estailleurs que dans la personne mêmede celui qu i en est l'auteur désigné queses deux biographies paraissent trouver eur principe.

Faire l'articleLe portrait de presse introduit dans cejeu de relations entre journaliste ethomme politique un autre acteur : lepublic auquel il est destiné. Une analyse plus complète pourrait en mesurere rôle exact et la nature des liensqu i l'unissent à son journal (20). Il

s'agit ici, à travers deux portraits deJacques Chirac brossés par Le Mondeet par Le Figaro, de proposer quelques hypothèses sur une autre façonde "confectionner" une biographiedont la spécificité semble être de répondre plus directement à la de

mande d'un public particulier, celuid'un journal, habitué à recevoir uncertain type d'informations sur la viepolitique. Les portraits d'hommes politiques sont, comparés aux autresarticles politiques, relativement raresdans les colonnes du Figaro et duMonde même si le premier en semble

plus friand que le second. Etablis àl'occasion d'un événement -"duel"Fabius-Chirac en décembre 1985pour Le Monde, nomination à Matignon en mars 1986 pour Le Figaro- ilscouvrent une place importante à lamesure de la stature nationale deJacques Chirac.

Le portrait que dresse PierrePellissier, dans Le Figaro du 20 mars1986, s'apparente à celui qu'a brosséThierry Desjardins et de la mêmefaçon "colle" aux prétentions politiques e l'heure du dirigeant gaulliste :

20-Pour les usages sociaux de la lecturepropres à une catégorie sociale spécifiquecf . A.-M. Thiesse,Z,e Roman du Quotidien,Paris, Le Chemin Vert, 1985 ; R. Hoggart,La culture du pauvre, Paris, Éd . de Minuit,1970.

protocolaire -c'est la carrière politiqueui est retracée, marquée par desdates, cohérente et linéaire- dans savision de l'homme politique perçucomme un brillant élève collectionneure titres électifs, qui a appris sonmétier sous la tutelle d'un maître,Georges Pompidou. L'image dépeinte est l'image "académique" de

l'homme d'Etat ("Dix ans après, leretour aux sources", signale PierrePellissier) mais, pour la circonstance,posant en "conquérant" : il est un "battant" et défie tous les pronostics dedéfaite, dispensant, à la manière du"leader charismatique" weberien, des"miracles électoraux". Les photographiesui accompagnent l'article saisissent Jacques Chirac dans diversessituations officielles où il est "en action". La place importante qu'ellestiennent dans le corps de cet article-elles commentent le texte autant quecelui-ci les commente- atteste que cet

homme politique est considéré, ici,comme la personnification de valeurssociales, éthiques et politiques communes aux lecteurs de ce quotidien.

A l'inverse, par la nature desinformations -d'ordre privé et social-et leur palette -elles touchent tant lepassé personnel et politique dupersonnage que ses actions, ses relations-, le portrait du Monde du 19 décembre 1985 brossé par LaurentGreilsamer et Daniel Schneidermannse différencie de celui du Figaro en cequ'il obéit au genre biographique etpasse en revue tous les aspects de lapersonnalité privée : ses goûts -culinaires-, ses passions et leurs modalités-our Le marteau sans maître dePierre Boulez mais "à dire vrai, il s'entiche du créateur avant de s'intéresserà l'oeuvre", etc. Partant, l'image qui enressort est en décalage avec cette manière d'"autoportrait" que JacquesChirac réussit à imposer dans Le Figaro. out n lui donnant une dimensionhumaine emplie de contradictions (le"sabreur au grand coeur" comme le titrent les journalistes), elle installe ledoute sur ses capacités de décision,

celles que l'on attend de tout hommed'Etat ("il tire uste mais qu i lui met lefusil entre les mains ?"), et sur sa position politique réelle ("à quoi bons'évertuer à situer politiquement cettemachine à construire ? Une rocade ouune salle des fêtes sont-elles de droiteou de gauche ?"). Des renseignementssont ainsi apportés qu i visent à situerpolitiquement mais aussi socialementl'homme politique et à vérifier son aptitude à tenir son rang parmi leshommes publics. Son physique, sonapparence, son maintien, sa voix,constituent des qualités qu i partici

pent la définition de l'homme politique responsable. Ce style deprésentation ournalistique, qu i se démarque des intérêts politiques -oumieux politiciens- du "biographie", répond à une des prétentions du jour-

Page 14: COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s)

5/11/2018 COLLOVALD, Identité(s) stratégique(s) - slidepdf.com

http://slidepdf.com/reader/full/collovald-identites-strategiques 14/14

 

40 Annie Collovald

nal : être "indépendant" de toutetendance politique. Le processus deprofessionnalisation dans le champjournalistique -participation à desémissions télévisées et radiophoni-ques- privilégiant les "faits" et l'analysepolitique sur les commentairesd'allégeance, peut contribuer à "auto-nomiser" la production journalistique

du Monde. De même, la concurrenceinterne qu i règne dans la rédaction dece quotidien conduit ses membres àporter un regard relativement distanciéur le jeu politique et ses acteurs,ce journal affichant un parti pris denon-allégeance systématique.

S'adressant à des publics différents, ces deux journaux, malgré l'autonomie plus ou moins grande dontbénéficient leurs journalistes, proposentes produits en harmonie avec lescatégories de perception du mondesocial et politique de leurs lecteursrespectifs. Le Figaro annonce clairementsa couleur partisane et attire unpublic de même obédience que lasienne et relativement homogène sousce rapport. Peut-être faut-il imputeraux caractéristiques sociales propresau lector at de ce journal cet intérêtpour l'aspect privé et personnalisé dela vie politique que la seule présentationes portraits sur "commande" nelaisse pas toujours apparaître. Le lec-torat du Figaro est, en effet, très bourgeois, plutôt âgé, féminin, inactif,relativement peu scolarisé et peu urbanisé bien que très parisien. Les informa t i ons

qu'attend ce type delecteurs d'un article politique sont desinformations centrées surtout sur lesloisirs, les relations familiales, la manière de vivre de l'homme politique,comme Le Figaro Magazine en propose souvent. Les photographies, àcet égard, jouent le rôle d'images célébrant les valeurs sociales, éthiqueset politiques des lecteurs et assurent,plus que le texte de l'article, la formede connaissance et de reconnaissancespécifiques au public du Figaro. C'estsur la base de cette "reconnaissance"que repose cette forme particulière de

remise de soi, pour émettre une opinion politique, à des spécialistes attitrés de la production d'opinions en cedomaine que sont, dans cet univers social, certains "grands" journalistes(souvent des hommes de lettres, deshauts fonctionnaires, voire deshommes politiques ayant exercé lesplus hautes responsabilités de l'Etat).Les lecteurs du Monde se retrouventégalement dans la posture des journalistes e ce quotidien vis-à- vis dumonde politique. Dotés des propriétéses prédisposant à produire desopinions proprement politiques de fa

çon autonome, ils semblent attendred'un article consacré à la vie politiqueles moyens de se forger, seuls, un jugement, le lectorat du Monde étantplus jeune, plus actif, plus instruit etplus souvent masculin et citadin que

celui du Figaro. La typographie en petits caractères, l'aspect dense des arti-cles et la quasi-absence dephotographies n'incitent pas à unmode de lecture "flottant". Enclin àpercevoir sous un angle proprementpolitique le monde politique dont lesacteurs sont, à ses yeux, des professionnels, le public du Monde se pose

en scrutateur et en "connaisseur" dujeu politique. Il retrouve dans les commentaires qu i décrivent les prises deposition, les actes ou les qualités politiques des hommes publics les critèresselon lesquels il juge le comportementdes dirigeants de l'Etat. Plutôt quele "portrait biographique" de circonstance, ce sont ce s articles quotidiens de la rubrique "politiqueintérieure" qu i campent le mieux leportrait" de l'homme politique. Mais

le premier type de portrait donnenéanmoins des informations qu i sonten affinité avec les catégories fami

lières par lesquelles les lecteurs, eux-mêmes hommes publics, perçoivent etsituent les agents sociaux. Ainsis'expliquerait peut-être, pour unepart, la multiplication d'articles de cetype depuis quelques années.

S'il est vrai que, comme cettepremière approche a cherché à lemontrer, il y a autant d'identités publiques d'un homme politique qued'instances de publication, une étuded'ensemble du phénomène ne sauraitexclure la diversité de s identités queconstruisent, à la façon des portraits

chinois (21), les différents groupessociaux.

Un travailpolitique modifié

"L'identité n'est jamais du point devue sociologique qu'un état de chosessimplement relatif et flottant", rappelait Max Weber (22). En étudierles conditions de "fixation" selon lesinstances où elle est rendue publiqueconstitue le seul moyen de l'utiliserpour mener une recherche biographiqueur les hommes politiques.Sitoutes les identités publiques sont desidentités construites, elles sont, defacto,es stratégies dans un univers deconcurrence où l'un des enjeux résidedans la "bonne" présentation et lesbonnes" interprétations qu i lui sont

liées de l'homme politique. Leur observation s'insère dans une analysebeaucoup plus large sur le fonctionnementu champ politique. En effet,une histoire sociale des "lieux" de publication et des inventions "identitaires"

21 — Sur les catégories perceptibles de la vieet de s hommes politiques selon les catégories socio-professionnelles, cf. P. Bourdieu,La Distinction, Paris, Éd . de Minuit, 1979,pp . 625-640.22-M. Weber, Essai su r la théorie de lascience, Paris, Pion, 1965, p. 360.

auxquelles les hommes politiques sontcontraints rendrait compte des modificat ions progressives de ce champ.Dans le passé, les préaux d'école, latribune de l'Assemblée nationale, lesaffiches électorales ou les professionsde fo i des candidats à une élection,mais aussi les dessins satiriques, etc.,formaient le principal répertoire deslieux" de fabrication et de diffusion

de l'identité d'un homme politique ;désormais, les émissions télévisées ouradiophoniques, les interviews, lesimitations, tout ce qu'on appelle lesmédias, participent directement aufonctionnement du jeu qu'ils ontcontribué, en partie, à transformerpar leur apparition et l'usage politiquequi en a été fait.

Que l'auditoire auquel fontface, grâce à ce s derniers, certainshommes politiques soit maintenant unpublic élargi, ne peut que bouleverserles stratégies identitaires. Parallèlementcette restructuration du jeu politique, les acteurs politiques sontconduits à s'adapter aux nouvelles règles qu i le définissent. C'est toute laconception du travail politique fait deréactions, de provocations et d'ajustementsrationnellement élaborés etproduits, le plus souvent, dans l'urgence qu i vient à être réévaluée - neserait-ce que parce qu'elle suppose laprésence de nouveaux auxiliaires : les"conseillers en communication".L'exercice du métier politique implique e plus en plus une aptitude à réagir aux événements en fonction duprofit médiatique que l'homme politique spère en retirer. L'analyse biographique doit, dès lors, prendre enconsidération l'ensemble de ces modifications qu i ont affecté la professionpolitique.