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Note d’information EuropeAid ANALYSE ET DEVELOPPEMENT DES CHAINES DE VALEUR INCLUSIVES POUR APPUYER LES PETITS PRODUCTEURS A ACCEDER AUX MARCHES AGRICOLES Mai 2011 DÉVELOPPEMENT RURAL ET AGRICULTURE COMMISSION EUROPÉENNE

CHAINES DE VALEUR INCLUSIVES - ec.europa.eu · développement de la chaîne de valeur est la mise en œuvre de la stratégie … et un outil pour lutter contre la pauvreté et l'insécurité

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N o t e d ’ i n f o r m a t i o n

EuropeAid

ANALYSE ET DEVELOPPEMENT DES

CHAINES DE VALEUR INCLUSIVES

POUR APPUYER LES PETITS PRODUCTEURS

A ACCEDER AUX MARCHES AGRICOLES

M a i 2 0 1 1

D É V E L O P P E M E N T R U R A L E T A G R I C U L T U R E

COMMISSION EUROPÉENNE

0. Résumé exécutif ............................................................................................... 1

Atouts et perspectives de l'analyse de CdV............................................................. 1

Difficultés et risques dans l'analyse et le développement de CdV .......................... 2

1. Introduction ..................................................................................................... 3

Un concept importé ................................................................................................. 3

Quelques indications préliminaires: ........................................................................ 3

2. Contexte et approche de l'analyse et du développement de CdV ............... 4

Les CdV dans la lutte contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire........................ 4

L'analyse de CdV commence par les marchés et puis remonte jusqu'à la production...................................................................................................... 5

Un ensemble d'approches qui visent la relation des petits producteurs avec les marchés agricoles .......................................................................................... 6

3. Aspects conceptuels de l'analyse et du développement de CdV.................. 6

Definitions ............................................................................................................... 6

Évolution des concepts ............................................................................................ 7

Elements constitutifs de l’analyse ........................................................................... 9

4. Parcours-Type d'analyse et du développement de CdV ............................ 13

5. Utilisations de l'analyse et du développement de CdV .............................. 20

Politique sectorielle en agriculture ........................................................................ 20

Planification locale ................................................................................................ 20

Developpement economique local ........................................................................ 20

Integration des organisations de producteurs a une filiere d'exportation .............. 21

recherche................................................................................................................ 21

Appui des bailleurs au developpement de cdv ...................................................... 21

6. Observations concernant l'analyse et le développement de CdV.............. 23

Tendances recentes dans les CdV.......................................................................... 23

CdV et autres approches voisines.......................................................................... 25

CdV et organisations de producteurs (op) ............................................................. 26

CdV et bailleurs de fonds ...................................................................................... 26

CdV et genre.......................................................................................................... 27

CdV ET ENVIRONNEMENT.............................................................................. 27

7. Bibliographie - Références............................................................................ 29

1

L'analyse et le développement des chaînes de valeur inclusives: "pour appuyer les petits producteurs à affronter les marchés agricoles"

0. Résumé exécutif

Atouts et perspectives de l'analyse de CdV

– L'analyse et le développement de CdV peut avoir pour objet aussi bien des denrées agricoles destinées à l'exportation que des produits de substitution aux importations destinés donc à la consommation locale ainsi que des produits vivriers y compris ceux qui n'étaient pas exploités jusque là pour le marché: les opportunités d'appliquer cette démarche sont donc nombreuses, pour autant qu'il y ait des excédents commercialisables existants ou en perspective.

– La flexibilité de l'analyse de CdV va plus loin puisqu'on peut l'adapter à des domaines plus généraux comme celui de la sécurité alimentaire, mais aussi l'environnement, l'approche genre, ainsi que d'autres thèmes qui pourraient être envisagés.

– L'analyse de CdV peut aussi se combiner à d'autres approches notamment celle qui favorise les coordinations - surtout horizontales - locales, connues sous le vocable de "grappes" ou clusters1. Ces notions sont elles-mêmes utiles dans une démarche de développement local, (voir exemple 10). Elles débouchent souvent sur des alliances stratégiques avec les pouvoirs locaux et des formes de relations mixtes entre producteurs d'un même bassin d'emploi: entre compétition et coopération pour certaines fonctions (d'où le vocable de Porter: "coopétition") dans certains domaines (achats d'intrants, transport, promotion commerciale, etc.). Si enfin l’analyse de CdV prend un soin particulier à étudier correctement la situation du milieu rural (voir figure 14 concernant les « moyens d’existence durable ») et si elle s’inscrit dans une politique de développement rural , elle augmentera sensiblement son efficacité ( effets de levier).

– L'analyse de CdV produit des représentations graphiques assez "parlantes", des schémas, des diagrammes, des tableaux synthétiques dont la fabrication progressive se fait au cours d'exercices participatifs où les acteurs peuvent mieux appréhender les différents métiers qui entrent en ligne de compte, identifier les points faibles et forts de la CdV, prendre part, en connaissance de cause, au processus de formation de connaissances et éventuellement de décision. Les stratégies qui en découlent peuvent susciter des alliances durables.

– Le fait de quantifier et mesurer les coûts et la répartition de la Valeur Ajoutée permet d’éviter les « à priori » et les erreurs d’appréciation basées sur des hypothèses qui se révèlent parfois fort lointaines de la réalité.

1 Un cluster, selon Michael Porter, est un groupe d’entreprises et d’institutions associées dans un champ particulier, géographiquement proches et liées par des attributs communs et des complémentarités.

L'analyse et le développement de chaînes de valeur (CdV) peuvent amener des améliorations des conditions de vie de la population rurale et contribuer à la sécurité alimentaire. Les éléments-clé sont: la connaissance d'un sous- secteur qui s'établit peu à peu en son sein, la confiance qui se crée entre certains acteurs et la dynamique qui en découle. Les deux défis principaux consistent à impliquer les acteurs pour qu'ils s'approprient de l'outil d'analyse et ensuite de trouver le bon point d'entrée pour l'analyse, celui qui va encadrer l'exercice pour qu'il soit orienté vers une certaine fin - en tout premier lieu, selon l’objectif principal de notre coopération, l'éradication de la pauvreté - tout en restant rigoureux dans le traitement des informations.

2

Difficultés et risques dans l'analyse et le développement de CdV

– Il n'est pas aisé de définir le rôle à jouer par les pouvoirs publics d'un PED dans l'analyse et surtout pour le développement des CdV agricoles inclusives. Améliorer le "contexte des affaires" (lois, règlements, infrastructures, services) est sans doute une option très concrète mais on doit aussi veiller à ce que l'approche par les CdV ne se substitue pas à une véritable politique sectorielle qui l'encadre.

– La simplification est nécessaire dans l'analyse de CdV, comme dans toute démarche où l'on veut analyser pour agir; la difficulté consiste à ne pas laisser de côté des aspects contextuels significatifs. Si l'on prend en compte les 3 mondes agricoles tels que définis dans le rapport de la Banque Mondiale de 20082, on comprendra qu'on ne pourra pas traiter une CdV au Guatemala et en Corée du Sud de la même manière, même si dans les 2 cas l'agriculture familiale et un même produit étaient en jeu.

– Certains paramètres que l'on utilise peuvent être lourds de conséquences, c'est le cas de la baisse de coûts par exemple. Elle peut contribuer à améliorer la compétitivité mais les recommandations auxquelles on peut aboutir, si on n'y prend garde, peuvent entraîner directement ou indirectement des atteintes aux conditions de travail3.

– Les représentations graphiques (qui présentées plus loin comme un atout peuvent) parfois enthousiasmer …et masquer la pauvreté de certaines analyses. D'autre part, réviser l'analyse de manière critique requiert beaucoup de travail et de connaissances. Les méthodes complètes (value links par exemple) qui impliquent un travail en groupe minimisent ces risques mais ils sont exigeants en organisation et temps de travail.

– En effet, le développement de CdV est un processus graduel, qui demande de l'énergie, de la constance et du temps, pour des résultats qui dépendent en partie… des marchés. De plus, cet investissement ne doit pas susciter des expectatives exagérées notamment concernant l'emploi4, il est peu probable d'aboutir rapidement à des effets de grande envergure.

2 Les trois catégories sont: "agricoles", "en transition" et "urbanisés".

3 La réduction des coûts peut emprunter des voies multiples : réduction des gaspillages en tout genre, procédés plus efficients, etc. D’autre part, la réduction des coûts n’est pas la seule voie pour améliorer la compétitivité: promouvoir l'image de l'origine du produit ou faire des investissements productifs en sont d'autres et la liste n'est pas exhaustive.

4 Posthumus, H. (2007). Can value chain development create rural employment and alleviate poverty?

3

1. Introduction Un concept importé

On entend parler de plus en plus des chaînes de valeur (CdV) et dans beaucoup de domaines très différents, que ce soit dans le milieu du marketing ou pour traiter des stratégies de l'industrie automobile …ou encore dans le cadre l'agriculture des pays en développement (PED).

C'est bien entendu ce dernier cas qui sera envisagé dans les pages qui suivent mais le champ d'application reste vaste et varié puisqu'on utilise ce concept pour traiter des denrées agricoles de base sur une échelle mondiale (fora internationaux) ou dans l'élaboration de politiques agricoles au niveau régional, national ou encore, dans des efforts locaux, au niveau d'une planification pour le développement économique d'un département, par exemple. Le fil conducteur sera la CdV dans la lutte contre la pauvreté.

Dans cette note d'information, on montrera comment ce concept de chaîne de valeur (CdV) qui a été emprunté au domaine de la gestion des entreprises peut répondre efficacement aux préoccupations de développement pour aider les petits producteurs ruraux des pays en développement (PED) à mieux accéder aux marchés.

Quelques indications préliminaires:

La spécificité de l'agriculture rend complexe l'importation d'un modèle conçu à d'autres fins: l'agriculture, surtout dans les PED, est une activité particulièrement risquée, parfois dépréciée et en même temps d'importance vitale (alimentation), qui est pratiquée le plus souvent par des familles qui ne suivent pas nécessairement une logique économique simple. Certains postulats voulant faire l'impasse sur cette complexité, peuvent conduire à mal poser le problème et donc à des voies de solutions inadaptées. Le propos n'est donc pas de présenter l'analyse et le développement de CdV comme une solution miracle.

Pour fixer certains repères utiles par la suite, il sera entendu qu'une chaîne de valeur (CdV) est un modèle (une représentation); l'analyse d'une chaîne de valeur est un outil conceptuel pour élaborer une stratégie; le développement de la chaîne de valeur est la mise en œuvre de la stratégie … et un outil pour lutter contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire.

L'analyse de CdV, malgré des principes simples, est une opération complexe et elle demande une préparation qui va au-delà des ambitions de cette note d'information forcément simplificatrice. Celle-ci vise principalement ceux qui seraient amenés à commanditer et/ou à utiliser les analyses de CdV.

Le plan général est le suivant:

Chapitres Titres Réponses aux questions 0 Résumé exécutif De quoi s’agit-il ? Quels sont les avantages, les perspectives et les

risques éventuels ? 1 Introduction

2 Contexte et approche Pourquoi est-ce important?

3 Aspects conceptuels de l'analyse et du développement de CdV.

Qu'est ce qu'une CdV? D'où vient ce concept? Quels sont les éléments essentiels de l'analyse et développement d'une CdV?

4 Parcours-type d'analyse et de développement de CdV

Comment procède-t-on (dans les grandes lignes) à l'analyse et au développement d'une CdV?

5 Utilisations de l'analyse et du développement de CdV.

Quand s'applique-t-elle? Quels exemples peut-on donner?

6 Observations concernant l'analyse et du développement de CdV

Quels sont les derniers développements? Quelle est le lien avec d'autres approches, d'autres thèmes importants pour le développement ?

7 Bibliographie et références

4

2. Contexte et approche de l'analyse et du développement de CdV Les CdV dans la lutte contre la pauvreté et l'insécurité alimentaire.

On sait que la croissance du secteur agricole dans les PED est réductrice de la pauvreté5: ce constat basé sur des moyennes ne doit pas faire oublier que les modèles agricoles choisis et les conditions d'accès des pauvres aux ressources et aux marchés sont déterminants. Autrement dit, la croissance agricole aura d'autant plus d'effets en termes de réduction de la pauvreté, que les petits agriculteurs y participent en trouvant des débouchés. Or, améliorer l'accès durable des petits producteurs aux marchés et augmenter les bénéfices qu'ils peuvent en retirer constituent précisément l'objectif général du développement d'une CdV6 tel que nous l'envisageons dans cette note.

On remarquera que, dans cette optique, on présuppose l'existence de débouchés réels ou potentiels : il est important de souligner d'emblée que ces marchés existent et que certains d'entre eux ont une importance vitale. En effet, une partie très substantielle de la nourriture qui est importée en Afrique pourrait être produite sur ce continent avec, sans doute, des effets collatéraux positifs non négligeables sur la qualité de l'alimentation (la nutrition) et le maintien de la biodiversité. Actuellement ces importations se chiffrent en dizaines de milliards d'Euro7 ce qui est intenable pour les économies nationales respectives et ce qui n'empêche d'ailleurs pas la malnutrition chronique8. On voit ainsi que ce qui constitue l'objectif du développement inclusif des CdV agricoles tel que défini plus haut constitue une contribution indispensable pour un objectif supérieur, la sécurité alimentaire, tant pour les producteurs ruraux que pour les consommateurs des PED.

Les marchés existent mais encore faut-il que les petits producteurs soient capables de fournir des excédents commercialisables en quantité et qualité requises, bref, de produire une offre susceptible de satisfaire cette demande. C'est loin d'être le cas le plus fréquent dans les PED où l'agriculture familiale est encore largement une agriculture de subsistance. Il faudra donc améliorer la qualité, réaliser des gains de productivité importants que ce soit pour les terres9 (intrants, irrigation, mécanisation) ou pour le travail (formation, organisation) ce qui peut se réaliser à condition que le statut foncier soit solide, que les investissements agricoles soient consentis et que les efforts de recherche10 et d'accompagnement des producteurs soient menés.

5 Des études comparatives ont mis en lumière que la croissance du secteur agricole des pays en développement est 5 fois plus efficace pour réduire l'extrême pauvreté (<1USD/jour) que celle des autres secteurs (réunis en un agglomérat "non-agricole") [Luc Christiaensen (UNU-WIDER), Lionel Demery (Development Consultant), Jesper Kuhl (Development Consultant) – UN présentation Juin 2010]. Cette statistique rejoint le constat présenté dans le Rapport sur le Développement dans le Monde de 2008 de la Banque Mondiale qui base son analyse sur l'importance que garde le secteur agricole dans le produit national brut et dans l'emploi de la plupart des PED (jusqu'à 50% et 85% respectivement): "En Chine, (…) la croissance globale émanant de l’agriculture a été 3,5 fois plus efficace en termes de réduction de la pauvreté que la croissance due aux autres secteurs – et 2,7 fois plus en Amérique latine."

6 Pour être précis, on pourrait parler de "développement inclusif de CdV agricoles".

7 Selon la Commission Economique de l'Afrique, malgré 3 milliards d'USD d'aide alimentaire et 33 milliards d'USD d'importations alimentaires, un Africain sur trois souffre de malnutrition chronique (déclaration d'Abudja, Nigéria- Mars 2010 – cité sur le "Centre d'Actualités de l'ONU 11 mars 2010). La malnutrition qui est un terrain propice aux maladies infectieuses répétées est considérée comme un élément déterminant de la mortalité infantile: approximativement la moitié des 5 millions de morts annuelles d'enfants de moins de cinq ans en Afrique lui est attribuée.

8 Celle-ci est sans doute renforcée par les importations alimentaires massives qui amorcent ou renforcent des habitudes alimentaires défavorables à l'agriculture africaine sub saharienne (le cas du blé au Sénégal, par exemple) et orientent des ressources financières en-dehors des circuits de production locaux.

9 Dans l'agriculture familiale, la productivité de la terre (par Ha) peut d'ailleurs être souvent déjà très satisfaisante, avec des lopins de terre exploités de manière presqu'optimale tout en préservant une certaine biodiversité. Cependant, pour des raisons de moyens ou de motivation, les surfaces cultivées étant faibles la productivité par personne est faible comparée à celle des agricultures intensives.

10 Le Programme Détaillé du Développement de l'Agriculture Africaine (PDDAA, connu aussi pour son sigle en anglais CAADP) de l'Union Africaine prévoit par exemple que les gouvernements consacrent 10% de leur budget à l'agriculture (Déclaration de Maputo – juin 2004), ce qui montre que l'agriculture revient en force dans l'agenda de développement.

5

L'analyse de CdV commence par les marchés et puis remonte jusqu'à la production

L'analyse et le développement d'une CdV s'occupe donc de la production et des marchés d'un produit11 en commençant depuis l'aval (les marchés), en visant la connaissance de la demande finale: qui sont et où sont les clients réels, potentiels, quels produits veulent-ils, de quelle qualité, etc?

Cette notion de qualité, prise ici dans un sens général, est particulièrement importante car l'agriculture des PED offre souvent des volumes importants de produits agricoles sans grande valeur ajoutée: l'intégration à des processus de transformation peut remédier à cette situation. Il faut ajouter que le marché des produits agricoles est de plus en plus exigeant, en particulier dans le domaine du commerce international qui oblige à se conformer à des règlements (publics) très stricts et qui incite à se conformer à des standards privés de plus en plus nombreux et contraignants12.

L'analyse va étudier les différents éléments constitutifs de la CdV: les produits demandés, leur coût, leur prix, leurs qualités, les flux de production, de transformation, de traitement éventuel des sous-produits mais aussi les acteurs de ces opérations, les transformateurs, les transporteurs, les négociants-grossistes, les détaillants, en cherchant leur nombre, leur emplacement, les règlements et standards qu'ils utilisent. Tout cela rentre, on le verra, dans le champ de l'analyse de CdV.

Mais outre les indications sur ce qui est consommé, transformé et produit, ainsi que sur les acteurs principaux, l'analyse des CdV va permettre de mettre en lumière les contraintes qui empêchent bien souvent les petits producteurs des PED de conquérir des parts de marché. On peut citer les principales: la dispersion des exploitations qui occasionne souvent des coûts dissuasifs pour l'approvisionnement des intrants et pour l'acheminement de la production sur les marchés13; Les déficiences de ces marchés qui manquent souvent de transparence (les petits producteurs ne connaissent pas les prix en temps opportuns), qui souffrent d'abus (avec, par exemple, une fixation arbitraire des prix par la distribution), dont la concurrence peut être faussée (ententes 11 Dans l'analyse de CdV, on se réfère à des produits bien particuliers (karité, ananas): durant une phase préliminaire on va éventuellement comparer les bénéfices respectifs de s'engager dans le développement de tel ou tel de ces produits, puis l'analyse se concentre sur un seul d'entre eux (on parle aussi de sous-secteurs, par exemple, du sous-secteur café, sous-secteur arachides, horticulture, etc.).

12 Souvent, les petits producteurs ne sont pas capables de - ou pas enclins à - couvrir ces "coûts de transaction" qui permettent de connaître les marchés (prix, exigences, modalités pour la qualité, etc.) et de réaliser pratiquement la vente de leurs produit.

13 "Les paysans achètent leurs fournitures aux prix de détail et vendent leur produits aux prix de gros".

Figure 1 – Source: élaboration propre

(autres actions)

Analyse de CdV

Développement des CdV

Amélioration durable de l'accès des petits producteurs

aux marches agricoles

Amélioration des revenus des petits producteurs et de la sécurité alimentaire

Recherche et extension agric.

Infrastructures rurales

… autres contributions: systèmes d'information des marchés "SIM"

crédit-entreposage (warrantage ou tierce détention); agriculture sous contrat assurance indicielle, etc.

Analyse et développement des CdV et le lien avec les objectifs de développement

(Éléments de) Politique sectorielle

6

illicites de grands producteurs; subventions de leurs concurrents sur les marchés d'exportation), dont l'accès ou l'usage est rendu difficile à cause d'infrastructures inadaptées (transport, énergie, entreposage). A tout ceci, il convient d'ajouter des ponctions diverses parfois légales parfois extra-légales, qui viennent grever les maigres profits qui peuvent être réalisés dans les conditions difficiles indiquées plus haut.

L'analyse de CdV est donc, grosso modo, un exercice qui va dresser un diagnostic en étudiant pour un produit donné, les quantités, les valeurs, les flux, les relations de pouvoir, les règles qui caractérisent sa production et sa commercialisation.

Un ensemble d'approches qui visent la relation des petits producteurs avec les marchés agricoles

Au fur et à mesure que se déroule ce diagnostic, va commencer une phase de recherche pour trouver la stratégie qui améliorera, dans une optique inclusive, la situation pour les petits producteurs (ou éventuellement pour les travailleurs ruraux14). Cette stratégie pourra prendre des formes très variées et on verra l'importance décisive durant cette étape de choisir un bon objectif et le bon "point d'entrée". Les deux points cités sont différents mais également importants comme on peut l'appréhender avec les deux exemples suivants:

• Si l'on prend comme "objectif" de développer la production horticole dans un PED donné, cela ne représente pas de difficultés majeures, par contre, le faire en s'assurant que ce soient des petits producteurs15 qui soient impliqués et qu'ils en retirent un revenu décent et durable, tout en respectant l'environnement est une autre affaire, bien plus compliquée.

• Quant au "point d'entrée", il est possible d'agir dans une optique inclusive sur un élément assez lointain du petit producteur: en cherchant à promouvoir un produit dans le cadre d'un commerce de niche sur un marché extérieur par exemple.

Cependant, quelque soit l'objectif et le point d'entrée il est clair qu'un aspect indispensable du processus d'analyse et d'élaboration de la stratégie est la participation active et dès le début, des représentants des petits producteurs.

Pour la mise en œuvre de la stratégie (le développement de la CdV) on pourra être amené éventuellement à utiliser des instruments qui font partie de la même famille – que l'on peut appeler "de facilitation de l'accès au marché" - et qui s'intègrent parfaitement dans ces logiques. Sans être exhaustif, on peut mentionner: les systèmes d'information des marchés (SIM), les bourses de produits agricoles (BPA), le crédit-entreposage (warrantage, certificat de dépôt16), les assurances agricoles.

On notera que les études récentes montrent que ces instruments de la famille "facilitation de l'accès au marché" ont un élément commun, outre la thématique générale, qui est la nécessité de l'implication des organisations paysannes pour assurer la qualité.

3. Aspects conceptuels de l'analyse et du développement de CdV DEFINITIONS

Définition fonctionnelle: la chaîne de valeur, décrit l’ensemble des activités nécessaires pour mener un produit ou un service de sa conception, à travers différentes phases de production (impliquant une succession de

14 Si l'on pense à la CdV "bananes" en Côte d'Ivoire ou au Cameroun où la production est essentiellement le fait de grosses plantations, l'approche inclusive va porter sur le maintien et les conditions de l'emploi.

15 Le document de référence Value Links (GTZ) établit la distinction suivante: la croissance inclusive (pro poor) est dite "relative" quand les revenus des plus pauvres progressent plus vite que ceux des autres catégories. La croissance inclusive est dite "absolue" quand les revenus des pauvres passent au-dessus de la limite de pauvreté, sans nécessairement augmenter leur part respective du revenu national. 16 Système connu dans la sphère anglophone du développement agricole comme le "warehouse receipt system - WRS"

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transformations physiques et d’utilisations de divers services), à sa distribution aux consommateurs finaux, puis à sa destruction après utilisation. A chaque étape considérée, il y a une valeur ajoutée (d’où le vocable CdV).

Définition par les opérateurs: la chaîne de valeur, selon la GTZ dans son ouvrage de référence "Value links", c'est aussi l'ensemble des intervenants qui accomplissent les fonctions mentionnées plus haut (producteurs, transformateurs, commerçants, distributeurs, grossistes, détaillants d'un produit donné). Ces opérateurs de la chaîne sont liés par une série de relations commerciales qui font transiter le produit depuis les producteurs primaires jusqu'aux consommateurs finaux. Selon ce point de vue qui privilégie la séquence des fonctions et de leurs opérateurs respectifs, une chaîne de valeur se présente comme une série de maillons (links).

Analyse de CdV (rappel): étudie la structure et la dynamique de la CdV en vue d'élaborer une stratégie (ou encore une approche) de la CdV.

Développement de CdV: met en œuvre une stratégie pour faire face aux contraintes et/ou pour profiter des opportunités à de multiples niveaux des CdV.

Trois notions-clés utiles pour la bonne compréhension:

(1) Les axes horizontaux et verticaux de la CdV: quand des acteurs de la CdV situés à différents étapes de la chaîne (entre fournisseurs d'intrants et producteurs par exemple) établissent des liens entre eux, on parle de liaisons verticales. Elles peuvent aller d'une simple passation d'informations à une coordination plus significative et à divers degrés d'intégration verticale. Quand des relations s'établissent à un même niveau (par exemple entre coopératives de production pour minorer certains coûts) on parlera de même de coordination ou selon leur importance, d 'intégration horizontale.

(2) La gouvernance de la CdV: décrit les relations éventuellement changeantes entre ceux qui sont dans la capacité de fixer les conditions des transactions aux différentes étapes de la CdV voire sur son ensemble et les autres acteurs. (voir plus loin "structure et dynamique")

(3) La compétitivité: la capacité d’une entreprise, un secteur, un territoire à fournir et vendre durablement un ou plusieurs biens ou services marchands sur un marché donné en situation de concurrence.

ÉVOLUTION DES CONCEPTS

• L'approche filière

Cette méthode proche de l'analyse de CdV fut développée dès les années 50' en France par l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et en Afrique francophone par la suite.

– Au sens technique, c'est l'étude des processus de transformation depuis la matière première jusqu'au produit fini permettant notamment d'identifier les améliorations à apporter.

– Au sens financier, l'analyse porte sur les volumes et les flux en monnaie (existants ou projetés) et donne des informations utiles pour, entre autres, comparer différents produits, différentes stratégies de développement de la chaîne.

– Avec l'analyse économique, on évalue les contributions internes entre les consommations et les productions intermédiaires partant d'une matière première pour arriver à un produit fini ainsi que la contribution de la filière à l'économie (au PIB) d'un pays.

– L'analyse stratégique focalise sur les objectifs, les contraintes et les résultats des différents acteurs de la filière, les modes d'organisation et de régulation.

• L'approche par les systèmes des produits de base

A peu près à la même époque (années 50) apparaissait cette approche (commodity systems approach) qui se centre sur la dimension verticale dans la production agricole et qui débouche sur le concept d'agri-business.

• L'avantage compétitif de Porter

8

L'américain Michael Porter17 qui entend promouvoir la compétitivité des entreprises va appréhender le processus de production de manière plus large et plus systématique: il prend en compte ce qu'il considère comme les activités principales (les aspects logistiques internes et externes entourant la production proprement dite, la commercialisation, la vente, les services après vente) et les activités de soutien des entreprises (depuis l'infrastructure de l'entreprise, la gestion des ressources humaines, la conception et les modes d'approvisionnement en intrants).

Considérant que la notion de compétitivité s'applique non seulement à l'entreprise mais aussi au secteur d'activité, cette représentation de Porter (voir figure 3) a connu des développements au-delà de la gestion d'entreprises.

• Chaîne de valeur mondiale

Plus récemment des chercheurs18 ont appliqué le concept de CdV à la mondialisation considérant son utilité pour mettre en lumière la répartition des valeurs ajoutées tout au long de la CdV d'un produit agricole d'exportation (café, cacao, banane, coton, etc.) et pour montrer le degré d'intégration à l'économie-monde de certaines régions.

• L'analyse de CdV comme outil de lutte contre la pauvreté

On a déjà indiqué qu'à l'origine, l'analyse de CdV n'est pas un instrument destiné à la lutte contre la pauvreté: il vient d'un domaine qui vise essentiellement à maximiser les profits, à garder les parts de marché, une option bien différente de ce qui généralement caractérise les systèmes de production des petits producteurs. Pour l'adapter, il faut assumer l'idée qui est bien exprimée dans les prémisses de l'ouvrage de référence de la GTZ (value links): "le concept de croissance en faveur des pauvres (pro-poor growth) se fonde sur la conviction que "seule la croissance économique et le succès commercial des pauvres sont capables de fournir une solution durable au problème de la pauvreté".

Ce postulat appelle quelques commentaires:

o On peut comprendre le renouveau d'intérêt19 pour ce genre de démarches dans le cadre du "retour de l'agriculture à l'agenda du développement"20: il y a un certain flou concernant les résultats du processus de libéralisation des économies des PED dans les années 80-90, l'agriculture a été relativement délaissée sur le plan des actions mais aussi des concepts et la communauté du développement est à la recherche de méthodes efficaces. Dans ce contexte, il peut exister un risque d'emballement ou du moins de surévaluer le rôle de l'analyse et du développement des CdV. Ce concept existe somme toute depuis déjà un certain temps dans le cadre du développement agricole sous des formes un peu différentes: filières dans la sphère francophone ou "supply chain" dans le monde anglophone par exemple. Il y a des différences dans les concepts mais ce sera la manière d'utiliser cet instrument refaçonné qui en fera éventuellement un instrument "en faveur des pauvres".

o Avec l'analyse et le développement des CdV, où les rôles respectifs de l'Etat (relativement mineur) et du secteur privé (amené à s'organiser) sont forcément revisités, on peut comprendre que l'on n'est pas dans une démarche exclusivement technique encore moins purement scientifique. La manière d'intégrer l'analyse et le développement de CdV dans l'élaboration d'une politique du secteur agricole doit être observée avec attention: en effet, il ne faudrait pas que le rôle des pouvoirs publics avec cette approche consiste à renvoyer "dos-à-dos" les acteurs des CdV, dominants (généralement les transformateurs et les distributeurs) et dominés (petits producteurs).

17 Porter, M. E. (1985). Competitive Advantage. New York, The Free Press. [Traduction française (2009) l'avantage concurrentiel – Dunod] 18 Gereffi, G. and Korzeniewicz, M. , Commodity Chains and Global Capitalism (1994); Kaplinsky, R., Globalisation and Unequalization: What Can Be Learned from Value Chain Analysis. Journal of Development Studies 37-2 (1999).

19 Un document de la Banque Mondiale mentionne un "énorme regain d'intérêt" et parle même d' "enthousiasme"[ Banque Mondiale / Webber, M et Patrick Labaste. (2010 ) Building Competitiveness in Africa's Agriculture : a guide to value chain concepts and applications] 20 Banque Mondiale (2008) Rapport sur le Développement dans le Monde: L'agriculture au service du développement.

9

ELEMENTS CONSTITUTIFS de l'analyse de CdV

• Diagrammes, schéma, cartographie (mapping)

L'analyse de CdV se nourrit d'observations et de calculs parfois ardus mais il utilise et produit de nombreuses représentations graphiques, la cartographie d'une CdV est d'ailleurs un instrument privilégié qui permet de synthétiser et de partager des informations entre les parties intéressées.

Cette volonté d'illustrer une CdV peut aller loin, jusqu'à en faire un outil de divulgation ou de plaidoyer, peut-être critiquable sur le plan méthodologique mais parlante comme dans le cas de ce schéma ci-dessous

Plus que pour l'aspect "historique" (voir "chapitre 2 "Evolution des Concepts"), le diagramme de Porter est repris plus bas car il illustre ce que Porter considérait comme essentiel et qui fut transposé par après dans des contextes plus vastes: bien identifier et classer les fonctions pour pouvoir en étudier les contributions à la réalisation des bénéfices tout en insistant sur les besoins de coordination.

• La CdV comme un système (voir plus bas l' EXEMPLE 1 de l'ALOE produit au KENYA )

On assimile une CdV à un système dont il peut être utile de rappeler la définition: c'est un ensemble de composants et un réseau de relations fonctionnelles qui interagissent pour réaliser un objectif.

Les catégories suivantes sont utilisées pour l'analyse de la CdV: sa délimitation, la structure (éléments descriptifs des relations internes et externes à la CdV qui permettent d'asseoir le diagnostic) et la dynamique de la CdV (les efforts stratégiques qui peuvent être faits pour le développement d'une CdV) ainsi que les résultats (effets) de son développement.

La représentation de la CdV de la banane à des fins de plaidoyer

Figure 2- Source: présentation aux journées artisans du monde novembre 2005 – peuples solidaires-Alternatives économiques – Carrefour – Max Havelaar

Figure 3 - Source : Porter M., L'avantage concurrentiel – traduction française 2009 ed. Dunod

Le schéma originel des CdV de Michael Porter représente la dynamique d'une entreprise donnée, avec ses activités principales (création et vente.) et ses activités de soutien (approvisionnements, gestion des ressources humaines, etc.), le tout orienté vers l'augmentation des marges bénéficiaires.

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Note: Tous les points ci-dessous sont à considérer au niveau local, national ou international selon le produit considéré.

La délimitation d'une CdV

Il est essentiel de déterminer précisément l'objet et les aspects contextuels pertinents de l'analyse car celle-ci représente en-soi un investissement et elle s'inscrit naturellement dans un processus qui mène au développement de la CdV qui représente un effort encore plus ardu et lourd. Le choix d'un produit est crucial et l'on pourra avoir des conclusions différentes - et plus ou moins opérationnelles - selon que l'on envisage de soutenir, par exemple, les produits de l'élevage, les produits laitiers … ou la petite production fromagère. La connaissance du contexte est aussi indispensable: le système de culture du coton est très différent entre l'Ouganda et le Mali, par exemple (voir plus bas l'EXEMPLE 2: CONTEXTES AFRICAINS du COTON). Enfin, les contraintes et opportunités internationales sont parfois déterminantes: par exemple les nouvelles règles qui régissent l'entrée de la banane des pays sud américain pour les producteurs des pays ACP, les variations des taux de change, etc.

La structure des CdV

Demande finale: les informations sur les détaillants et/ou les grossistes constituent le point de départ de l'analyse.

Environnement des affaires: il s'agit par exemple des procédures pour enregistrer une entreprise, des lois, règlements et normes qui s'appliquent, éventuellement les traités internationaux pertinents pour les denrées d'exportation, des tribunaux commerciaux, des conditions d'infrastructure pour le transport et l'entreposage… mais aussi du degré de corruption dans les administrations publiques.

Liens verticaux et horizontaux: pour les premiers, on s'attachera à voir comment sont organisés les acteurs entre différents niveaux de la CdV, par ex.: entre les producteurs et les transformateurs (absence de contacts? accords verbaux? contrats?). Pour les liens horizontaux, on traitera du degré d'association (coopératives, exploitations individuelles, etc.).

Services d'appui: cela concerne le crédit, l'assistance technique sous ses diverses formes.

Dynamique des CdV

L' Amélioration de la CdV: c'est la démarche classique où l'on cherche à améliorer la compétitivité.

Gouvernance et rapports de force de la CdV: On établit d'abord qui est éventuellement dominant dans la CdV en se référant à un type de gouvernance. A cet effet, on se base sur 4 configurations classiques (VOIR plus bas l'EXEMPLE 3: TYPES de GOUVERNANCE) : ouverte, équilibrée, dominée, hiérarchique.

En second lieu, on évalue les rapports de forces dans la CdV, les participations et les rétributions aux efforts passés et futurs. Eventuellement on envisage les voies possibles pour rééquilibrer les relations en faveur des petits producteurs.

Coopération-compétition entre acteurs: on évalue les possibilités et les conséquences éventuelles du renforcement des liens horizontaux et verticaux.

Transfert d'information: l'expérience ayant démontré que l'information était essentielle, il s'agit de voir comment "gérer la connaissance" de manière pertinente entre les différents niveaux et les différents acteurs de la CdV.

• Les effets du développement d'une CdV

Même si l'analyse et par après le développement de CdV peut entraîner des effets dans des domaines très divers (emploi, sécurité alimentaire, etc.), on peut par soucis de clarté, résumer ceux-ci à deux résultats clés: la compétitivité et les bénéfices21. Ces résultats ont entre eux une relation souvent dynamique.

EXEMPLE 1: CARTOGRAPHIE de l'ALOE au KENYA. La cartographie schématique de la CdV permet de passer en revue les éléments vus plus haut. Le produit considéré ici est l'aloe vera (plante grasse utilisée principalement dans l'industrie cosmétique) produit au Kenya, que des pasteurs nomades récoltent le long de leurs parcours pour l'exportation (délimitation). On voit la structure complète répartie sur trois bandes horizontales: dans la bande du milieu la CdV, c'est-à-dire les différents acteurs (depuis le marché final à gauche, les acheteurs en Europe, jusqu'aux producteurs d'aloe vera au Kenya), avec une indication concernant les prix à

21 Ce terme de bénéfice doit néanmoins être compris dans un sens large parce qu'il va s'appliquer dans ce contexte pour des acteurs qui n'ont pas pour but ultime de maximiser leur profit mais bien les revenus du travail familial. Il serait plus juste – mais moins pratique - de parler des "avantages financiers et économiques pour les différents acteurs".

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chaque étape. Dans la bande supérieure apparaît une caractérisation de l'environnement des affaires (notez la mention sur la corruption). Dans la bande inférieure les services de support à la CdV. La dynamique est représentée par la flèche en pointillé à gros traits qui indique la stratégie (éliminer une étape, l'intermédiaire en Afrique du Sud).

Figure 4 - Source: Albu, M. et al. (2006) Mapping the market: participatory market chain development in practice. Small Enterprise Development Vol.17 No.2.page 14

Les auteurs de l'analyse relatent qu'à l'aide du schéma, les pasteurs ont (1) compris que les transformateurs n'étaient pas en train de les exploiter (thème relatif à la gouvernance); (2) que pour profiter des prix pratiqués sur le marché mondial, ils avaient intérêt à obtenir la certification CITES et à augmenter la qualité du produit fourni. Ce faisant, la production a pu être transformée dans de meilleures conditions et la vente se faire directement par Mombassa, sans passer par l'Afrique du Sud, réalisant à la fois des économies (racourcissement de la CdV) et obtenant de meilleurs prix.

EXEMPLE 2: CONTEXTES AFRICAINS DU COTON.. Dans le cadre d'une étude co-financée par la CE22, la Banque Mondiale a établi une typologie des secteurs cotonniers pour différents pays africains. Le processus de libéralisation et de privatisation qui s'est déroulé depuis les années 90 a eu des résultats variés qui sont repris dans le schéma ci-dessous: on y recense des pays où l'Etat a gardé un rôle "pivot" dans l'achat du coton aux producteurs (monopoles au niveau national ou distribué par régions), d'autres dont le secteur cotonnier est nettement plus axé sur le marché (qu'il soit compétitif ou marqué par un certain degré de concentration). Ces situations diverses et qui sont encore fluctuantes (comme illustré par les flèches en tirets) n'empêchent pas de trouver des actions communes pour aider le secteur cotonnier Africain mais il est clair que l'appui au coton conçu pour un pays donné devra tenir compte, entre autres éléments, de cette structure particulière de la CdV dans le pays considéré. La délimitation de la CdV que l'on veut aborder est donc un élément à préciser dès le départ.

22 Organisation and Performance of Cotton Sectors in Africa, David Tschirley, Colin Poulton, and Patrick Labaste, Editors – World Bank – 2008. Co-financé par le Programme Tout ACP pour les Denrées Agricoles (All ACP Agricultural Commodity Programme AAACP) de la CE.

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Figure 5 - Source: Banque Mondiale/ Tschirley, D et al. (2009) Organization and performance of cotton sectors in Africa, learning from reform experience. (page xxvi)

EXEMPLE 3 : TYPES DE GOUVERNANCE DE CdV. Le schéma illustre 4 types de gouvernance dans les CdV: structure ouverte (le marché fixe les rapports entre les acteurs et les prix), structure équilibrée (les acteurs sont complémentaires et coopèrent), structure dominée (une entreprise établit les paramètres à suivre), structure hiérarchique (les différents niveaux sont intégrés verticalement, l'entreprise dominante est donneuse d'ordres). Il est intéressant d'observer sur la ligne en bas, l'évolution concordante de la coordination et de l'assymétrie (le pouvoir fortement détenu) depuis la gauche, avec une situation de marché ouvert où la compétition règne (pas de coordination mais pas de position abusive supposée) jusqu'à l'autre opposé où un seul acteur détient tout le pouvoir et tous les acteurs travaillent de manière coordonnée. Il est clair que sans en faire une règle universelle, la situation médiane est plus profitable aux petits producteurs, mêlant distribution du pouvoir et coordination.

Figure 6 - Source: Gereffi, G ,Humphrey, J (2005) The governance of global value chains. Review of International Political Economy 12-1 February 2005. pp 78-104

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4. Parcours-Type d'analyse et du développement de CdV Outre les méthodes "ad-hoc" mises au point et utilisées par les auteurs d'études spécifiques dans le cadre de leurs recherches, il existe des méthodes "intégrales" qui proposent de suivre un cheminement balisé, qui peut être connu de tous les acteurs favorisant ainsi leur participation. Parmi les plus utilisées on peut citer23: "value links" de la GTZ, "Agrifood Chain Performance" et "Easypol" de la FAO, "Making Value Chains Working for the Poor M4P" du DFID, ) Supporting African farmers to develop markets de l'institut néérlandais KIT et le récent guide méthodologique de la Banque Mondiale "a guide to value chain concepts and applications".

Il n'est pas possible dans le cadre de cette note de décrire et comparer ces méthodes ni d'en expliquer toutes les étapes mais, même s'il n'y a pas de règle stricte concernant la manière d'aborder l'analyse et le développement de CdV, on peut élaborer un parcours-type qui procède en quatre temps (voir exemples plus loin):

(1) Sur base d'études et de réunions de travail avec les parties intéressées, on dresse un tableau comparatif des différents sous-secteurs24 et l'on choisit le sous-secteur (exemple 4) qui sera l'objet de l'analyse approfondie. Les critères utilisés seront techniques, financiers mais les deux principaux seront d'abord les opportunités de marchés (il y a une demande importante, non-satisfaite, accessible moyennant quelques efforts, etc.) et l'effet probable en termes de réduction de la pauvreté (revenus, emplois créés, maintenus, sécurité alimentaire).

(2) Le sous-secteur choisi lors de la première phase fait l'objet d'une analyse approfondie (exemple 5), à la fois économétrique (les flux de produits et la création de valeur ajoutée seront notamment calculées) et participative (ou les différents acteurs vont, par exemple, donner leurs points de vue sur les différentes étapes du produit et les performances). Cette étape va permettre une meilleure compréhension des contraintes de l'agriculture familiale face à une commercialisation toujours plus exigeante. L'analyse de CdV devra avoir une perception de la dynamique des situations. En effet, les exigences du marché qui viennent d'être évoquées peuvent être vues comme de "simples" obstacles à franchir, des défis face aux demandes accrues en termes de qualité, de volume et de régularité mais elles peuvent aussi constituer des menaces comme la domination croissante de certaines marques (imposants par exemple leurs standards privés, monopolisant les circuits de distribution), elles peuvent signifier à terme une perte de marge de manœuvre et un assujettissement aux donneurs d'ordres ("standard bearer - standard taker").

(3) Dans la phase suivante, on va prospecter et puis identifier les opportunités qui sont à la portée de l'agriculture familiale et puis construire une stratégie, choisir un point d'entrée, en tablant sur ses atouts: son organisation, l'accès aux technologies modernes d'information et de communication, ses faibles coûts de production, les transferts de connaissance qu'elle peut espérer en intégrant certaines filières, etc.

(4) La dernière étape est celle de la mise en œuvre de la stratégie ou, autrement dit, du développement de la CdV accompagnée de son processus de suivi-évaluation.

23 Les références détaillées apparaissent au chapitre 7

24 …ou produits ou filières, ces termes sont presque synonymes dans ce contexte

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EXEMPLE 4: CHOIX DU SOUS SECTEUR. Dans le tableau qui suit, on voit comment on peut déterminer le choix entre plusieurs produits (ou sous-secteurs) placés en colonnes et plusieurs critères répartis par lignes. Ces critères sont regroupés en deux catégories, la première concernant l'effet sur la réduction de la pauvreté et la durabilité et le second sur des aspects positifs de la structure de la CdV. Chaque notation se réfère à l'ordre de priorité (de 1à 6 puisque 6 produits). Le riz et la soie présentent les meilleurs scores dans ce cas-ci. On utilise généralement des pondérations qui accentuent l'importance de certains critères considérés comme essentiels.

Figure 7 – Source: DFID (2008) Making Value Chains Work Better for the Poor: A Toolbook for Practitioners of Value Chain Analysis. (Basé sur une sélection de CdV par le Conseil Economique et Social de Thaïlande) short version (page 19)

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EXEMPLE 5: ANALYSE en profondeur de la CdV. Elle nécessite la collecte et le traitement de données, elle exige souvent des compétences précises sur le sous-secteur étudié, notamment parce qu'il faut parfois établir les approximations raisonnables quand manquent certaines données (et donc se baser sur une solide expérience pour asseoir les hypothèses de travail). Cette partie est souvent l'affaire de spécialistes même si il est possible avec rigueur, bon sens et un travail en équipe d'arriver à un résultat satisfaisant25. Certains outils informatiques peuvent se révéler utiles comme ceux qui sont repris dans le site de la FAO EASYPOL.

a) L'analyse des flux est le point de départ. Voici un tableau assez typique représentant la production de riz au Niger tout au long de la CdV

Figure 8 – Source: FAO Easypol N° 43 L'approche filière: analyse fonctionnelle et identification des flux (graphique 4)

25 On conçoit évidemment que l'effort et la complexité sont en relation avec l'importance économique, la dispersion et le nombre des acteurs du secteur, le nombre des étapes: les cas présentés par la FAO dans EASYPOL sont le riz au Niger et les produits maraîchers au Mali: tous deux donnent lieu à des tableaux de calcul assez impressionnants. Pour des cas plus circonscrits, comme par exemple, la récolte et la vente d'Aloe Vera au Kenya traitée plus avant, les données nécessaires sont moins complexes.

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b) L'analyse financière permet de ensuite de calculer et de présenter les coûts et valeurs ajoutées à chaque étape.

Il est nécessaire d'introduire ici la notion de valeur ajoutée (VA): c'est, pour un acteur donné de la CdV la différence entre la valeur de sa production et la valeur des consommations intermédiaires26; on peut démontrer que c'est aussi, à chaque étape, la somme des rémunérations versées aux pouvoirs publics (taxes, droits de douanes), au capital (charges financières suite à un emprunt pour réaliser l'opération) au travail (salaires du personnel quand il y en a) et enfin à l'opérateur (sa marge brute dont il faut pour calculer la marge nette défalquer la dépréciation des équipements et infrastructures) (voir figure 9).

En outre, pour une CdV donnée, la VA totale d'une CdV est la somme des VA des acteurs de la CdV.

Le schéma de la figure 10 représente tout au long d'une CdV et de manière globale (à droite) la génération de VA et les consommations intermédiaires. Il faut noter que la production totale est égale à la valeur ajoutée consommée par tous les acteurs, cependant, si l'on sépare acteurs directs (producteurs, transformateurs, commerçants) de la CdV, en laissant les fournisseurs de services et d'intrants qui ne sont pas spécifiques à la CdV, on peut distinguer la VA et les CI pour la CdV.

26 Les consommations intermédiaires sont les biens qui vont être consommés lorsque qu'un acteur donné de la CdV va réaliser son opération. Pour un transformateur, par exemple, il s'agira du produit fourni par le producteur primaire ainsi que d'autres biens nécessaires à son travail.

Valeur totale de la production

= Prix final* volume du produit

Valeur ajoutée - salaires - intérêts, fermages (loyers de la terre) - taxes, droits de douanes - Bénéfice brut (bén net + dépréciation) Consommations intermédiaires - semences, engrais, produits phytosanitaires - services - produits finis

La valeur ajoutée totale d'une CdV

Figure 9 – Source: d'après GTZ / Springer-Heinze, A et al. (2007) ValueLinks Manual (Module 2 p. 20)

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Cette manière de représenter la CdV permet, outre l'état des lieu, d'explorer les stratégies: on peut imaginer d'augmenter la VA de la CdV en augmentant les ventes, on peut récupérer de la VA capturée par les fournisseurs. On peut aussi, pour un acteur donné (le producteur par exemple) viser la diminution des coûts pour que le bénéfice soit plus important, etc. Ces différentes options sont reprises plus loin.

c) L'analyse participative est destinée à mieux comprendre les situations et les relations des acteurs de la CdV. Basée sur des questionnaires ou des réunions de travail, elle peut notamment mettre en lumière les points forts et points faibles des différents acteurs en tenant compte des perceptions mutuelles (voir figure 11.)

Producteurs primaires

Transformateurs Grossistes Consommateurs finaux

VA Consommation Intermédiaire a

VA Consommation intermédiaire b

Autres intrants

Autres intrants

VA

VA du fournisseur

VA fournisseur

Fournisseurs de Services/Intrants

Fournisseurs de Services/Intrants

D'après Value Links GTZ

Valeur Ajoutée générée par les acteurs (directs)

de la CdV

= VA "capturée par extérieurs" = Cons Int CdV

valeur totale de la production

=

(Valeur Ajoutée totale

consommée )

Constitution de la valeur ajoutée le long d'une CdV

Figure 10 – Source: d'après GTZ / Springer-Heinze, A et al. (2007) ValueLinks Manual. (Module 2 p. 20)

Figure 11 – Source: d'après ILO/ Schmitz, H. (2005) Value Chain Analysis for Policy-Makers and Practitioners. (page 17)

Perceptions croisées des performances dans une CdV

Dans ce cas générique, les acheteurs (traits discontinus) se plaignent de deux aspects principalement, la qualité du produit livré et les délais de livraison, alors que les producteurs considèrent qu'ils sont performants: cibler ces deux éléments peut manifestement être une voie pour améliorer la chaîne et pourra servir d'hypothèse de travail pour la phase suivante.

Acheteurs

Vendeurs

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EXEMPLE 6: élaboration de la STRATÉGIE. La méthode VALUE LINKS déjà citée qui a été mise au point par la GTZ propose 4 options-types qui ne sont d'ailleurs pas nécessairement exclusives entre elles: l'amélioration du produit, la réduction des coûts, l'investissement, et la redistribution. Pour illustrer ces options, on reprend la Première et la quatrième ci-dessous.

Figure 12 (a,b) – Source: d'après GTZ / Springer-Heinze, A et al. (2007) ValueLinks manual (module 3 pages 6-7) EXEMPLE 7: DÉVELOPPEMENT de la CdV. Il s'agit de la mise en œuvre de la stratégie et des activités d'accompagnement avec en particulier le processus de suivi-évaluation.

Dans cette option d'amélioration du produit, on vise une augmentation des volumes et des prix de vente. Tous les acteurs de la CdV sont solidaires, tenus de respecter de nouvelles normes de qualité et bénéficiaires de revenus supplémentaires

Dans cette option de redistribution, on vise à améliorer la position des petits producteurs en promouvant leur associations, en leur donnant les moyens de transformer eux-mêmes partie de leur production, en améliorant les termes des contrats qui les lient aux autres acteurs. Ces activités devraient leur permettre de "capter une partie de la valeur ajoutée" de la CdV. Telle quelle, c'est un "jeu à somme nulle" qui ne joue pas sur l'élévation du niveau de confiance entre les acteurs.

L'exemple représenté dans les diagrammes de gauche illustre le processus itératif lors de la mise en œuvre. La CdV concerne la mangue dans la province de Pemalang, sur l'île de Java en Indonésie.

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Figure 13 (a,b,c)– Source: Natawidjaja, et al. (2008) The transparent margin partnership model: Linking mango farmers to dynamic markets ( pages 14-16)

Un coopérative (Aspirasi Bina Usaha) assure l"entreposage temporaire de la récolte.

Après un certain temps, des producteurs décident de suivre une voie plus exigeante pour la qualité (ils fondent un groupement KUBM et trouvent d'autres débouchés) d'autres se satisfont des résultats acquis, la chaîne se complexifie.

L'analyse de CdV a débouché sur une stratégie de partenariat avec un grossiste, Bimandiri (14,b), qui fournit de l'assistance technique et assure un débouché dans une chaîne de distribution (meilleurs prix, augmentation des volumes).

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5. Utilisations de l'analyse et du développement de CdV Sans être exhaustive, la liste qui suit explore les principaux domaines d'utilisation de l'analyse et du développement des CdV.

POLITIQUE SECTORIELLE EN AGRICULTURE

Commanditer une analyse de CdV peut apporter des éléments de réflexion très utiles aux décideurs politiques sur les opportunités et les contraintes des sous-secteurs. Il est évident que cela ne peut pas constituer pour les pouvoirs publics une fin en soi mais c'est peut être une manière d'aborder la politique agricole par un côté concret et mobilisateur.

EXEMPLE 8: GHANA – FASDEP. Le Ghana affiche une croissance vigoureuse de son agriculture qui explique en grande partie ses bons résultats en termes de réduction de la pauvreté. Parmi les orientations stratégiques de la politique agricole du Ghana (FASDEP II - 2007) apparaît en bonne place celle de travailler avec le concept de CdV. Cette approche a déjà rencontré certains succès notamment pour la filière cacao, (malgré le vieillissement des plantations, la difficulté pour les jeunes d'accéder à cette filière et des problèmes de contrebande avec la Côte d'Ivoire). La filière est organisée autour du Conseil Ghanéen du Cacao (Ghana Cocoa Board - Cocobod), une structure mixte avec tous les acteurs de la CdV mais une représentation dominante de l'Etat qui fixe les prix. Provenant d'une libéralisation partielle, c'est donc un système hybride, (voir aussi l'EXEMPLE 2 du Coton africain). Sans donner de réponse catégorique une étude de l'institut de recherche britannique ODI (Overseas Development Institute)27 pose la question: Est-ce que le dispositif actuel ne fournit pas une combinaison remarquable entre régulation et compétition?

EXEMPLE 9 : BÉNIN – RIZ . Le Bénin est aussi un exemple où un gouvernement s'est engagé dans l'appui à une filière d'importance capitale, le riz28, dans le cadre d'une politique agricole ( le Plan Stratégique de Relance du Secteur Agricole).Le choix du riz accompagne un secteur qui montre son dynamisme (30% de croissance les dix dernières années) et qui tend à se substituer aux importations massives. L'analyse et le développement de la CdV prend donc en compte le marché local(40 % du riz est encore importé) et régional.

PLANIFICATION LOCALE

La plupart des méthodes intégrées (Value Links, etc.) peuvent s'adapter à des démarches de planification participative au niveau local.

EXEMPLE 10: Nord de la SIERRA LEONE – RIZ. Dans le cadre d'un projet concernant la filière riz dans 3 districts du nord de la Sierra Leone, financé par la CE ( CRIS D-21494)et mis en œuvre par CARE (Pays-Bas). La stratégie choisie est de renforcer les liens entre les différents acteurs privés et publics pour traiter les points névralgiques de la CdV notamment la qualité des semences et le dispositif post-récolte ainsi que des aspects de la commercialisation.

DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL

Le développement de CdV débouche sur des actions pratiques qui mettent à l'épreuve non seulement les acteurs clés de la CdV mais aussi les pouvoirs publics. Parce qu'elles sont souvent plus accessibles pour des groupements de producteurs, les autorités locales peuvent alors entrer dans un processus de facilitation qui est à la base du développement économique local.

EXEMPLE 11: MOZAMBIQUE (Nampula) – NOIX de CAJOU29. Une CdV de noix de cajou dans la province de Nampula, au Mozambique, appuyée par la coopération néerlandaise (SNV). La stratégie après 27 ODI/ Vigneri M et al (2007) Ghana and the cocoa marketing dilemma: What has liberalisation without price competition achieved? ODI Project briefing. 28 Action qui reçoit le soutien CE avec le projet PAFIRIZ mis en œuvre par la cCoopération Technique Belge.

29 SNV/ Razulo, A et al. (2008) Case Study: Governance for Empowerment in Cashew value chain development.

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analyse a opté vers une augmentation de la production et une amélioration du produit. Une unité de transformation a été montée et la production a été orientée en partie vers le commerce éthique. Durant l'analyse de la CdV une des principales faiblesses identifiées était le caractère informel des organisations de producteurs. Grâce aux pourparlers engagés avec les autorités locales, les associations de producteurs ont pu obtenir leur légalisation qui était nécessaire pour recevoir le label FLO (Fairtrade Labelling Organization) et obtenir des financements. Cette légalisation a été octroyée par les autorités locales pour lesquelles cette procédure a constitué une première: elles croyaient ne pas être fondées à le faire. Cette avancée a naturellement des conséquences pour d'autres sous-secteurs et pour le développement économique local de cette province en général.

INTEGRATION DES ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS A UNE FILIERE D'EXPORTATION

Pour les organisations de producteurs, les syndicats de travailleurs ruraux, l'analyse de CdV peut être un instrument utile pour évaluer les situations (sur les questions de gouvernance, par exemple) et les perspectives non seulement dans le domaine des denrées agricoles d'exportation, mais aussi pour d'autres productions. Elle permet aussi de donner une base à une plus forte intégration horizontale dans la filière sur le plan local (voir clusters) ou à une intégration verticale, dans une interprofession, par exemple.

EXEMPLE 12 : BURKINA FASO – INTERPROFESSION COTON. Le secteur du coton africain (dont on a cité la diversité des situations: voir EXEMPLE 2) est dépendant des fluctuations du marché international. Il est affecté par des périodes de crise et des embellies (actuellement le prix est particulièrement haut et la filière reprend "quelques couleurs"). La fixation des prix payés aux producteurs revêt une complexité particulière, notamment en Afrique de l'Ouest, là où des monopoles ou oligopoles se sont maintenus. Très schématiquement, si les prix fixés par avance sont trop haut ils peuvent mener à des faillites ou au renflouement par des fonds publics. Si les prix suivent strictement le marché, beaucoup de producteurs peu enclins à se risquer abandonneront la production, sans pour autant posséder une alternative. Les analyses de filière coton au Burkina Faso ont incité les producteurs à se regrouper puis à s'associer aux autres acteurs de la filière en interprofession (L' ’Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina Faso - AICB). Ils ont reçu un appui de la coopération française pour constituer un fonds de lissage (schématiquement ce mécanisme est basé sur un prix de tendance: les producteurs abondent le fonds quand le prix dépasse 101% du prix de tendance et le fonds indemnise les producteurs quand le prix atteint 95% du prix de tendance). Il s'agit d'un compromis puisque le prix prévu est inférieur à celui pratiqué antérieurement mais le partage entre usines et producteurs est revu en faveur de ces derniers et les dates de paiement aussi.

RECHERCHE

Les instituts de développement, les centres de recherches, certains programmes particuliers (M4P du DFID, par exemple) réalisent et utilisent intensivement l'analyse de CdV dans le cadre d'études sur des sous-secteurs particuliers soit encore pour perfectionner et systématiser les démarches d'analyse. Généralement, les chercheurs font remarquer le pragmatisme de l'approche par CdV.

EXEMPLE 13 : PAYS-BAS - Royal Tropical Institute (KIT). Plusieurs instituts ont élaboré des méthodes et des études consacrées spécifiquement aux CdV accessibles sur internet. Par exemple, le Royal Tropical Institute des Pays-Bas (http://portals.kit.nl/ .) propose un large éventail d'analyses (groupé autour de 6 thèmes) et a monté des groupes de discussion (facebook) ainsi que des projets.

APPUI DES BAILLEURS AU DEVELOPPEMENT DE CDV

Soit pour évaluer les effets des actions menées, soit dans la perspective d'un appui à un pays ou à une région, les bailleurs commanditent des analyses de CdV ou utilisent les résultats d'analyses déjà réalisées.

EXEMPLE 14 : TANZANIE – Trade and Agriculture Support Programme TASP II (5 CdV). Dans le cadre de l'appui à la politique agricole de Tanzanie, l'identification du programme Trade and Agriculture Support Programme (TASP II – montant 15 M€ ) proposé au financement de la CE, a été précédée d'une analyse de CdV. Cinq CdV (sur 8 présélectionnées) vont être appuyées pour se conformer aux impératifs de marchés européens et régionaux (thé, café, coton, poisson, fruits et légumes) et une de ces CdV (fruits et légumes) va faire l'objet d'un développement en profondeur. Cette analyse a permis de passer en revue différents sous-secteurs et d'en comprendre les difficultés et potentiels notamment en termes de lutte contre la pauvreté, elle a permis de rapprocher les interlocuteurs publics et privés pour traiter de questions concrètes. Un des défis de ce programme

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sera de concrétiser l'approche inclusive: la forte implication des organisations de petits producteurs depuis le début est une bonne manière de "garder le cap".

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6. Observations concernant l'analyse et le développement de CdV

TENDANCES RECENTES DANS LES CdV

• Dominance: on observe que les acteurs en aval des CdV, selon les cas les transformateurs ou les négociants, sont de plus en plus dominants. Ce sont eux qui décident des améliorations sur les processus de production, qui dictent les nouvelles règles à suivre, notamment celles qui sont érigées en "standards privés", qui établissent de nouvelles répartitions des rôles et qui délocalisent éventuellement partie des processus de production et de transformation.

• Concentration: dans un contexte de forte pression sur les prix au détail, les grandes firmes dominantes tendent à évincer les autres du marché. Celui-ci correspond de moins en moins au modèle de concurrence parfaite avec, fréquemment, des firmes qui représentent des oligopsones (demande de produits) et des oligopoles (offre sur le marché final).

Pour la banane, 5 firmes concentrent 80% du commerce international, pour le cacao, 5 opérateurs achètent 60% de la récolte exportée et pour le café, ce sont 5 torréfacteurs qui se partagent 80% du marché mondial.

La répartition de la valeur ajoutée au long des CdV illustre ces deux premières tendances tendance: pour le café, le cacao et la banane, par exemple, les producteurs reçoivent entre 10% et 15% de la valeur ajoutée alors que les transformateurs et les distributeurs se partagent de l'ordre de 30% à 40%, une part qui va croissant. On observe que cette tendance s'accompagne de coûts de plus en plus importants pour le marketing, en particulier pour différencier le produit, créer une marque, un mode de consommation particulier (caffe latté, par exemple)

D'autre part, certains économistes appellent à adopter des conclusions moins tranchées concernant la question de la répartition dans le prix de vente final entre producteurs et autres acteurs: avec les gains de productivité du café, par exemple, les coûts de production ont tendance à stagner ou à diminuer alors que les coûts de transformation et de distribution augmentent.

• Le rôle croissant de la grande distribution illustre aussi la dominance et la concentration en bout de chaîne. Ce phénomène s'observe tant au niveau international que dans les pays en développement: Au Kenya, par exemple, 200 supermarchés et 10 hypermarchés se partagent déjà 30% du commerce de détail.

• Externalisation: dans certaines CdV, l'intégration verticale 30 est abandonnée pour faire place à une division des tâches et des responsabilités. Cette stratégie est considérée comme plus efficiente, permettant aux différents acteurs de se concentrer sur leur métier et donc leur domaine d'excellence. Ce n'est pas pour autant une structure égalitaire et souvent les entreprises dominantes gardent le contrôle sur les rouages essentiels de la CdV.

• Exigences du marché accrue: Les firmes dominantes ont tendance à répercuter sur les petits producteurs les coûts qu’impose l’observance des standards publics qui reprennent les règles sanitaires dans le commerce international. D'autre part, depuis quelques années, les standards privés concernant l'environnement et les droits des travailleurs prolifèrent. A l’origine ils témoignent de préoccupations des consommateurs relayées par des ONG mais pour la grande distribution il s’agit surtout de marketing. De toute manière, le respect des standards représente un coût non négligeable (jusqu'à 200 USD pour un petit producteur d'Amérique centrale pour correspondre, par exemple, à GlobalGAP). En outre, ces phénomènes montrent l'importance prépondérante prise par la gestion de l'information (sur ce qu'il convient de faire pour parvenir au marché) et donc aux moyens (TIC) d'y accéder et de la faire circuler.

30 Une intégration verticale, pour mémoire, consiste en une alliance entre différents types d'acteurs situés en amont et en aval dans la CdV (par exemple: producteurs, transformateurs, commerçants).

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Le coût des certifications et des labels d'origine, culture biologique, commerce éthique31 représente lui-aussi une charge qui peut rebuter les petits producteurs comme l'adéquation aux standards publics et privés même si ces démarches s'apparentent à des investissements.

• Croissance des marchés organiques et éthiques: Ils sont encore petits - et impliquent des efforts non négligeables (voir point précédent) de la part des petits producteurs - cependant, ils croissent très vite. Selon l'IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movement)32, l'agriculture organique a triplé son chiffre d'affaires en 8 ans (46 milliards d'USD en 2009) et le commerce éthique progresse encore plus vite même si le total des ventes ne représente qu'un dixième approximativement du marché organique (2.9 milliards d'Euro en 2008). Par ailleurs, une étude a montré que les petits producteurs pouvaient profiter des opportunités du commerce éthique, percevoir des revenus plus élevés et plus stables à condition de s'organiser (ou d'être organiser) et d'être capables d'assurer la qualité et régularité requises.

• En ce qui concerne la manière d’aborder les CdV, on constate que tout en maintenant un caractère "inclusif", les petits producteurs ne constituent pas nécessairement le "point d'entrée" exclusif. Le cas du PIP (Qualité et conformité Fruits et Légumes deuxième phase – financé par le FED, mis en œuvre par le COLE-ACP) illustre cette option: l'appui de ce programme qui est destiné initialement à faciliter l’accès au marché européen et s’adresse en premier lieu aux exportateurs nationaux de fruits et légumes provoque, grâce à sa méthode d'intervention, des retombées probablement plus nombreuses et durables que ne l'aurait fait une intervention directe avec les petits producteurs. Continuant sur cette lancée, la deuxième phase du PIP entend favoriser les exportations vers des marchés régionaux et améliorer l’intégration des petits producteurs aux circuits de commercialisation.

EXEMPLE 15 : "TASK FORCES"– filières fruits et légumes. Répondre aux exigences sanitaires croissantes du marché européen ainsi qu’à certains standards privés de référence requiert l’intervention coordonnée des secteurs publics et privés: le programme PIP entend favoriser l'émergence et appuyer les activités de plateformes regroupant les acteurs privés des filières fruits et légumes (organisations professionnelles, exportateurs, etc) et les pouvoirs publics concernés. De telles ententes (Task Forces) ont notamment vu le jour au Kenya, au Ghana au Mali, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, en Ouganda et au Zimbabwe. Etant donné que les exigences sont en grande partie communes, des ateliers régionaux sont organisés pour préparer les guides d'interprétation du référentiel "Global Gap33".

Dans d'autres cas, une analyse centrée sur les forces et faiblesses des acteurs de la CdV peut conduire à subsidier l'un d'eux sous réserve de son engagement moral et financier d'améliorer toute la CdV: ce sont des initiatives qui se situent dans le cadre de partenariats public-privé (PPP). On trouvera des exemples sur les sites web consacrés à la "Global Development Alliance "(USAID), le "Business Linkage Challenge Fund" (DFID) et certains projets de la GTZ. C'est une approche qui se veut pragmatique avec le constat implicite que seuls ceux qui sont dans la CdV et qui ont les connaissances et pouvoir requis sont capables de réaliser les améliorations souhaitables. Sans caricaturer les approches qui viennent d'être citées on conviendra que cette manière de procéder comporte des risques: par exemple la communauté d'intérêts entre une entreprise de transformation de cacao et les petits producteurs est, certes, importante mais elle n'est pas absolue et appuyer l'une si les autres ne sont pas en mesure de faire valoir leurs intérêts peut s'avérer en fin de compte une opération non-inclusive.

• D'autre part, un consensus semble se dégager pour éviter d'orienter d'emblée l'analyse vers la redistribution de la valeur ajoutée entre les maillons de la CdV (jeu à somme nulle). Le pragmatisme, là-aussi, incite plutôt à créer des opportunités pour augmenter la valeur ajoutée totale de la CdV (dans une optique "win-win").

31 Voir aussi la note d'information d'EuropeAid (2009) Coopération CE et commerce équitable.

32 IFOAM and collaborating organisations (Helvetas, Agro Eco Louis Bolk Institute, ICCO, UNEP) / Van Elzakker, B. et al (2010) The Organic Business Guide Developing sustainable value chains with smallholders.

33 Global-Gap (antérieurement) est un organisme du secteur privé qui établit un référentiel de bonnes pratiques (GAP = Good Agricultural Practices) pour rassurer les consommateurs et promouvoir un système raisonné de culture et d'élevage. Les partenaires sont de grandes chaînes de supermarchés, des fabricants de produits phytosanitaires et d'engrais, des associations professionnelles). Selon les publications du PIP2, deux autres labels de qualité sont particulièrement importants pour les filières fruits et légumes: TESCO (lié à la grande distribution britannique) et Fairtrade Labelling Organisation (FLO).

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CdV ET AUTRES APPROCHES voisines

• D'autres approches assez semblables à l'analyse et au développement de CdV peuvent être mentionnées comme les Services d'Appui aux Entreprises (connus par le sigle en anglais "BDS" pour "Business Developement Services"). La différence avec le développement de CdV est principalement dans l'abord plus ciblé vers un acteur pour le BDS là où l'approche par CdV mettra l'accent sur les solidarités et les actions conjointes34.

• Contrairement à l'optique BDS qui a tendance à cibler les petites et moyennes entreprises, l'approche connue comme "Market for the Poor" (abréviée en M4P35) prend en compte les imperfections du marché dues à des facteurs intangibles (lois, règlements, mais aussi usages) et à des facteurs tangibles (infrastructures, services) qui ont tendance, selon cette analyse, à pénaliser les pauvres.

• Dans une optique assez proche, des actions de développement sont entreprises en prenant comme point d'entrée l'environnement des affaires36, c'est à dire les facteurs dont il a été question plus haut en appuyant les institutions afin de faciliter la tâche des acteurs des CdV, en diminuant les contraintes (par exemple en simplifiant les multiples formalités, en éliminant les procédures trop tatillonnes) et remplissant les vides réglementaires (un arrêté départemental qui manque, voir aussi l' exemple 10).

• Il est intéressant de mettre en regard l'approche par les CdV d'un cadre d'analyse spécifique aux pauvres (voir figure 14) et en particulier du secteur rural, proposé il y a déjà quelques années: le cadre des moyens d'existence durable37. Ce dernier met en avant le contexte dans lequel vivent les familles pauvres et leur vulnérabilité.

Une approche équilibrée reste probablement à trouver qui tienne compte à la fois de la logique particulière des petits producteurs et de la dynamique des marchés agricoles. Des actions qui assimilent les petits producteurs à des petits entrepreneurs sont souvent irréalistes, des outils qui sont sensés améliorer leur accès aux marchés (les systèmes d’information des marchés de première génération, par exemple) ont souvent été délaissés par leurs bénéficiaires potentiels. Par ailleurs, des petits producteurs ruraux peuvent aussi faire preuve d’une audace entrepreneuriale impressionnante, d’une utilisation rationnelle et efficace de moyens de communication moderne (SIM de 2è génération, par exemple). Ce qui est démontré, c'est que l’analyse

34 Voir Posthumus, H. (2007). Can value chain development create rural employment and alleviate poverty? 35 Making market systems work for the poor? Jörg Meyer-Stamer, in Small Enterprise Development vol. 17, no 4, décembre 2006 repris dans la revue électronique du Ministère des Affaires Etrangères de la République Française. 36 En anglais: "business enabling environment – BEE"

37Note d'information sur les moyens d'existence durable – "sustainable livelihoods framework" (– DFID 1999 http://community.eldis.org/.59c21877/FR-GS2.pdf). Voir aussi la discussion de décembre 2008 sur un blog d'un conseiller de l'US AID http://www.cyesnetwork.org/node/244

Le cadre des moyens d'existence durable entend placer la personne au centre de l'analyse, en traitant les questions de vulnérabilité initiale des pauvres. En même temps, il est fait appel à des notions de capital, sous plusieurs formes: humain (H), social (S), naturel (N), financier (F) et physique (P).

Le cadre des Moyens d'Existence Durable

Figure 14 – Source: FIDA [http://www.ifad.org/sla/index f.htm]

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d’une CdV gagnera en pertinence et la stratégie en efficacité si elle a donné lieu à une observation fine de la situation des ruraux. Dans ce cadre, les notions des diverses formes du capital dont ils disposent peuvent s'avérer utiles mais c'est surtout la mobilisation de ce capital, leur propre engagement, qui est nécessaire dès les premières étapes pour l'appropriation.

CdV ET ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS (OP)

• Des organisations de producteurs (OP) solides et compétentes sont essentielles pour pouvoir analyser et développer des CdV. Les pouvoirs publics, des organismes privés, les bailleurs internationaux peuvent initier un tel effort mais il serait très probablement vidé de sa substance sans les OP.

• Certaines OP sont tiraillées entre les deux principaux rôles qui leur sont généralement dévolus: celui de plaidoyer et celui d'appui concret à la production (information des marchés, conseil, fournisseur d'intrants, vente groupée, etc.). Les 2 rôles sont utiles et complémentaires dans le cadre d'amélioration des CdV: dans le cas de la filière de l'oignon au Sénégal, par exemple, le dialogue entre OP et pouvoirs publics, et donc les capacités de plaidoyer, a revêtu une grande importance pour une bonne gestion de l'offre (éviter que les prix ne chutent).

• A partir d'un certain degré de complexité et de prise de risques des producteurs, les OP spécialisées dans une CdV38 deviennent essentielles et, du point de vue des pouvoirs publics et des bailleurs, les soutenir est approprié. Bien souvent une étape initiale est nécessaire qui consiste à renforcer les capacités de ces OP dans des domaines assez généraux. Cependant, cet appui, pour être efficace, doit évidemment passer à une autre étape en vue d'adapter les pratiques des producteurs aux exigences d'une CdV améliorée et en règle générale, cela signifie un investissement qui peut s'avérer important (éventuellement pour les infrastructures nécessaires) avec un niveau d'expertise élevé et sur une longue durée.

• L'amélioration d'une CdV peut signifier des efforts et des sacrifices pour les petits producteurs, elle peut éventuellement passer par un rapport de force avec d'autres acteurs de la chaîne pour améliorer la position des petits producteurs mais elle ne peut signifier un état de conflit permanent: les OP sont nécessaires pour analyser, comprendre, expliquer les situations et accompagner les réformes nécessaires, pour défendre les intérêts des producteurs et pour installer la confiance dans les relations entre les acteurs d'une CdV

• Une analyse d'une CdV et, plus encore, son développement nécessitent une participation et une adhésion aux solutions proposées. Des perceptions ou des convictions basées sur le contexte socioculturel et historique39 pourront être déterminants: par exemple en Afrique de l'Ouest francophone, on observe que les connotations des mots "filières" et "coopératives" peuvent provoquer des réactions mitigées qui peuvent aller jusqu'à la méfiance. Les OP ont là aussi un rôle à jouer pour aider leurs membres à choisir les solutions appropriées en connaissance de causes.

CdV ET BAILLEURS DE FONDS

• Les points précédents donnent une première orientation générale: une participation active des OP à l'analyse de la CdV est indispensable dès le début en vue d'une appropriation du processus de développement qui suivra. Dans cette optique, un appui aux OP est probablement efficace pour le développement d'une CdV.

• De manière plus générale encore, ce ne sont pas seulement les interventions directes qui peuvent avoir des effets importants sur les CdV: par définition, celles-ci intègrent d'une manière systémique le contexte dans lequel elles se développent, par conséquent, la grande majorité des programmes en appui au commerce, au secteur privé des PED peuvent avoir des répercussions sur les CdV de produits agricoles, de même que les politiques qui régissent le commerce international et leurs éventuelles réformes ainsi que le secteur agricole

38 Par exemple l'Association de Producteurs de Coton Africain (APROCA) joue un rôle de plus en plus remarqué avec d'autres acteurs de la filière, l’Association cotonnière africaine (ACA) et l’African Cotton and Textiles Industries Federation (ACTIF). Le programme de la Commission Européenne "Tous ACP relatif aux produits de base agricoles – AAACP" soutient en particulier cette filière (15M€ d'un total de 45 M€).

39 On peut ici encore reprendre le contexte de la CdV coton, avec les implications de son installation durant la période coloniale ou encore le processus de libéralisation avec des repreneurs "prédateurs".

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intérieur (la PAC). La cohérence des politiques (notamment au regard de la politique de développement) est donc particulièrement importante pour l'appui aux CdV.

• Intervenir sur les CdV peut entraîner des conséquences sur l'emploi, les conditions de travail, la sécurité alimentaire et d'autres aspects fondamentaux, or ce n'est pas une science exacte et, en fin de compte, il y a toujours des décisions à assumer et donc une légitimité à respecter. L' approche par CdV devrait idéalement s'inscrire dans une politique sectorielle agricole et de lutte contre la pauvreté.

CdV ET GENRE

• Un document récent (2010)40 financé par la coopération danoise recense les questions qui se posent concernant l'approche du genre dans l'analyse et le développement de CdV et souligne que le stade de l'analyse étant essentiel, puisqu'il conditionne la stratégie, une analyse de genre est nécessaire pour l'accompagner.

EXEMPLE 16 : GUATEMALA MEXIQUE – LABELS ET GENRE. Les conclusions d'une étude41 concernant le café certifié commerce équitable (FLO) et organique au Mexique et au Guatemala montrent comment ces deux labels, en conjuguant leurs effets, produisent un développement plus équitable pour les femmes: les normes FLO sont strictes concernant les organisations et elles encouragent la participation des femmes, ce qui les met en mesure de bénéficier des actions qui y sont menées. La certification organique avec les contrôles qu'elle impose et les questions foncières qu'elle soulève rend la participation féminine incontournable - y compris pour les femmes chefs de familles et seules – et elle promeut la titularisation de leur propriété au même titre que pour les hommes. Une expérience avec les mêmes labels, menée en Afrique de l'Ouest arrive à des résultats similaires.

CdV ET ENVIRONNEMENT

• Un document financé par la coopération danoise42 passe en revue les éléments d'analyse environnementale des CdV agricoles: il souligne que les effets d'un développement de CdV, comme ceux de la plupart des projets agricoles, peuvent être locaux, globaux, les deux à la fois: par exemple un défrichement forestier pour une culture de canne à sucre aura probablement des effets au niveau local en termes d'appauvrissement de la biodiversité et d'érosion des sols mais également au niveau global en contribuant dans un premier temps à l'émission de gaz à effets de serre et ensuite en diminuant leur capture.

• Il existe aussi quelques expériences de CdV dont l'objectif affiché est de protéger l'environnement en appliquant une logique commerciale pour une exploitation raisonnée des ressources naturelles (par exemple, appui à l'élaboration d'artisanat, de produits de médecine traditionnelle et cosmétiques commercialisés par la population locale aux abords des réserves naturelles).

EXEMPLE 17 : BURKINA FASO – CdV noix de cajou et CHANGEMENT CLIMATIQUE Une étude de la FAO43 établit le "bilan carbone" de la filière anacarde au Burkina Faso et compare deux modalités: production et transformation au Burkina par des groupements de femmes contre production semi-industrielle au Burkina Faso et transformation en Inde. L'analyse menée (grâce au logiciel mis au point par la FAO EX-ACT) montre que le bilan de la première formule est positive, la production de noix de cajou fonctionne comme un "puits" de gaz à effet de serre. Cette recherche vise à alimenter la réflexion pour des stratégies d'adaptation et de mitigation du changement climatique.

40 DIIS / Riisgaard, L, et al. (2010) Evaluation study: gender and value chain development.

41 Lyon, S., J. Aranda Bezaury and T. Mutersbaugh (2009), ‘Gender equity in fairtrade– organic coffee producer organizations: Cases from Mesoamerica’, Geoforum 2009.

42 Integrating Poverty, Gender And Environmental Concerns Into Value Chain Analysis, Simon Bolwig, Stefano Ponte, Andries du Toit, Lone Riisgaard and Niels Halberg - Danish Institute for International Studies, DIIS 2008

43 Intégration des filières dans la mitigation au changement climatique Cas de la filière anacarde au Burkina Faso Par Marianne Tinlot, FAO Consultant, FAO, Rome, Italy 2009

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• La CE a publié récemment44 des lignes directrices pour intégrer les aspects relatifs à l'environnement et au changement climatique dans ses actions de développement. Suivant les résultats d'une analyse préliminaires, des profils environnementaux nationaux (pour les programmations pluriannuelles), des études stratégiques d'impact (politiques sectorielles) ou des études d'impact (projets) seront réalisés. C'est ce dernier niveau qui est généralement impliqué dans le cas des CdV et il s'agira donc de décider si une étude d'impact est nécessaire. Les décisions sont prises cas par cas mais on observe que le nombre d'éléments susceptibles de créer des pressions ou d'affecter l'environnement dans le cas des CdV, au croisement du commerce et de l'agriculture est considérable (voir annexe 1 – pp 65-66 et 71-73).

44 Tools and methods series: guidelines n°04. Guidelines on the integration of environment and climate change in development cooperation.

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Notes complémentaires: o La totalité des références (à l'exception du livre de Porter) sont accessibles sur internet, avec quelques

mot-clés il est aisé d'accéder aux documents. o Quelques METHODES d'analyse de CdV : GTZ (value links), DFID (toolbook), ILO (guide VC

analysis) et (guide VC local), FAO (agrifood appraisal), BM (guide Africa competitiveness VC guide). Des plateformes ou site web concernant les CdV) Le Comité des donateurs pour le développement de l'entreprise est un groupe d'agences financières et intergouvernementales (http://www.enterprise-development.org/) , il héberge le site de référence suivant: http://www.value-chains.org/dyn/valuechains/bdssearch.home Capacity.org est un portail (anglais, français, espagnol) qui traite du renforcement des capacités dans la coopération internationale dans le Sud. Il est hébergé aux Pays-Bas. http://www.capacity.org/fr/content/view/full/262 Easypol (http://www.fao.org/easypol)est une plateforme multilingue en ligne de la FAO sur les politiques agricoles, le développement rural et alimentaire. On y trouve des documents de synthèes, des outils analytiques, des feuilles de calcul, des exemples. En particulier les n°43, sur l'analyse fonctionnelle et l'identification des flux et 44 sur l'analyse financière. Le mot-clé en français est filière. Lien Easypol

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Microlinks est une plateforme web de l'USAID http://www.microlinks.org/ev_en.php?ID=25408_201&ID2=DO_TOPIC Sur la filière riz, le site du Centre du Riz pour l'Afrique (AfricaRice ex "ADRAO): http://www.warda.org/warda/adrao/default.asp Le site du programme tous ACP pour les produits de base agricoles (AAACP): http://www.euacpcommodities.eu Le site du programme PIP2: Qualité et conformité Fruits et Légumes deuxième phase: http://pip.coleacp.org

Ce document qui été élaboré au sein d'EuropeAid (unité E6 avec l'appui de l'unité E2) a pour but d'apporter des éléments d'information et de réflexion aux collègues des services de la Commission Européenne concernant les chaînes de valeur inclusives. Il s'agit d'un document de travail qui n'exprime aucune opinion ni recommandation définitive de la part de la Commission.

Commentaires, questions ou informations complémentaires seront les bienvenus à l'Unité DEVCO C1

Remerciements: l'Unité E6 veut remercier M. Hans Posthumus, M. Ton van der Krabben et M. Baudouin Michel, spécialistes des chaînes de valeur agricoles, qui ont bien voulu revoir le texte et ont apporté leur contribution. Les photos qui apparaissent sur la couverture proviennent du COLEACP, réseau interprofessionnel pour un commerce horticole durable (gestionnaires du programme PIP 2 " Qualité et conformité Fruits et légumes deuxième phase" financé par la CE).