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LE DEVOIR, LE VENDREDI 21 OCTOBRE 2011 CAHIER C DESIGN DU CAHIER : MICHEL BERNATCHEZ VINS ET FROMAGES DU QUÉBEC MĂ©daille d’argent DOMAINE DES CÔTES D’ARDOISE GivrĂ©e d’Ardoise 2007 — Vin de glace DOMAINE LES BROME Vidal 2009 — Vin blanc VIGNOBLE DE L’ORPAILLEUR L’Orpailleur RosĂ© 2010 — Vin rosĂ© La Marquise — Vin apĂ©ritif ou fortiïŹĂ© La Part des Anges 2000 —Mistelle VIGNOBLE DE LA RIVIÈRE DU CHÊNE Phenix 2009 — Vin blanc La CuvĂ©e glacĂ©e des Laurentides 2009 — Vendanges tardives LA HALTE DES PÈLERINS Le Sanctuaire 2009 — Vin rouge VIGNOBLE AUX PIEDS DES NOYERS L’ArĂŽm’ance 2010 — Vin blanc VIGNOBLE CÔTEAU ROUGEMONT Coteau Rougemont - Frontenac Gris 2010 — Vin blanc Frontenac Gris Vendange tardive 2010 — Vendanges tardives VIGNOBLE DE LA BAUGE Brise 2010 — Vin rosĂ© Novembre 2009 — Vendanges tardives VIGNOBLE DE SAINTE-PÉTRONILLE Vandal vin de glace 2010 — Vin de glace VIGNOBLE DOMAINE SAINT-JACQUES Vin de glace de Saint-Jacques 2009 — Vin de glace VIGNOBLE DU MARATHONIEN Marathonien rouge 2010 — Vin rouge VIGNOBLE GAGLIANO Trinita 2010 — Vin rouge Donna Livia rosĂ© 2010 — Vin mousseux VIGNOBLE LES ARTISANS DU TERROIR La VrillĂ©e — Vin blanc MĂ©daille d’or DOMAINE DE LAVOIE Domaine De Lavoie 2010 — Vin de glace DOMAINE DES CÔTES D’ARDOISE Douceur d’Ardoise 2010 — Vin blanc Riesling 2010 — Vin blanc VIGNOBLE DE L’ISLE DE BACCHUS Jardin de Givre 2010 — Vin de glace Kir de l’Isle — Vin apĂ©ritif ou fortiïŹĂ© VIGNOBLE DE LA RIVIÈRE DU CHÊNE Monde 2009 — Vin de glace VIGNOBLE DE L’ORPAILLEUR CuvĂ©e prestige Natashquan 2008 — Vin blanc L’Orpailleur Vin de Glace 2008 — Vin de glace VIGNOBLE DOMAINE SAINT-JACQUES RĂ©serve de Saint-Jacques 2009 — Vin blanc VIGNOBLE DU MARATHONIEN Vignoble du Marathonien 2008 — Vin de glace VIGNOBLE GAGLIANO Tinello 2010 — Vin rouge VIGNOBLE LA MISSION Vidal Vin de glace 2009 — Vin de glace Vendange tardive Vidal 2009 — Vendanges tardives Grand Or VIGNOBLE DU MARATHONIEN Vendange tardive 2010 Les grands vins du QuĂ©bec 2011 Vous avez Ă  choisir un vin. Serait-il quĂ©bĂ©cois qu’il pourrait ĂȘtre blanc, rouge, mousseux, mistelle ou vendange tardive. Voici donc la derniĂšre cuvĂ©e Grand Or, Or et Argent. Aux papilles de se trouver confrontĂ©es aux nectars inscrits sur la liste pres- tigieuse de l’Association des vignerons du QuĂ©bec. Et Ă  vous de venir les goĂ»ter au salon qui se d’aujourd’hui Ă  dimanche au Complexe Desjardins.

CAHIER C VINS - Le Devoir

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Page 1: CAHIER C VINS - Le Devoir

L E D E V O I R , L E V E N D R E D I 2 1 O C T O B R E 2 0 1 1

CAHIER C

DES

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CHEZ

VINSET FROMAGESDU QUÉBEC

MĂ©daille d’argentDOMAINE DES CÔTES D’ARDOISEGivrĂ©e d’Ardoise 2007 — Vin de glace

DOMAINE LES BROMEVidal 2009 — Vin blanc

VIGNOBLE DE L’ORPAILLEURL’Orpailleur RosĂ© 2010 — Vin rosĂ©La Marquise — Vin apĂ©ritif ou fortifiĂ©La Part des Anges 2000 —Mistelle

VIGNOBLE DE LA RIVIÈRE DU CHÊNEPhenix 2009 — Vin blancLa CuvĂ©e glacĂ©e des Laurentides 2009 — Vendanges tardivesLA HALTE DES PÈLERINSLe Sanctuaire 2009 — Vin rouge

VIGNOBLE AUX PIEDS DES NOYERSL’Arîm’ance 2010 — Vin blanc

VIGNOBLE CÔTEAU ROUGEMONTCoteau Rougemont - Frontenac Gris 2010 — Vin blancFrontenac Gris Vendange tardive 2010 — Vendanges tardivesVIGNOBLE DE LA BAUGEBrise 2010 — Vin rosĂ©Novembre 2009 — Vendanges tardives

VIGNOBLE DE SAINTE-PÉTRONILLEVandal vin de glace 2010 — Vin de glace

VIGNOBLE DOMAINE SAINT-JACQUES Vin de glace de Saint-Jacques 2009 — Vin de glace

VIGNOBLE DU MARATHONIENMarathonien rouge 2010 — Vin rouge

VIGNOBLE GAGLIANOTrinita 2010 — Vin rougeDonna Livia rosĂ© 2010 — Vin mousseux

VIGNOBLE LES ARTISANS DU TERROIRLa VrillĂ©e — Vin blanc

MĂ©daille d’orDOMAINE DE LAVOIE

Domaine De Lavoie 2010 — Vin de glace

DOMAINE DES CÔTES D’ARDOISE

Douceur d’Ardoise 2010 — Vin blanc

Riesling 2010 — Vin blanc

VIGNOBLE DE L’ISLE DE BACCHUS

Jardin de Givre 2010 — Vin de glace

Kir de l’Isle — Vin apĂ©ritif ou fortifiĂ©

VIGNOBLE DE LA RIVIÈRE DU CHÊNE

Monde 2009 — Vin de glace

VIGNOBLE DE L’ORPAILLEUR

CuvĂ©e prestige Natashquan 2008 — Vin blanc

L’Orpailleur Vin de Glace 2008 — Vin de glace

VIGNOBLE DOMAINE SAINT-JACQUES

RĂ©serve de Saint-Jacques 2009 — Vin blanc

VIGNOBLE DU MARATHONIEN

Vignoble du Marathonien 2008 — Vin de glace

VIGNOBLE GAGLIANO

Tinello 2010 — Vin rouge

VIGNOBLE LA MISSION

Vidal Vin de glace 2009 — Vin de glace

Vendange tardive Vidal 2009 — Vendanges tardives

Grand OrVIGNOBLE DU MARATHONIENVendange tardive 2010

Les grands vins du

Québec 2011

Vous avez Ă  choisir un vin.Serait-il quĂ©bĂ©cois qu’il

pourrait ĂȘtre blanc, rouge,mousseux, mistelle ou

vendange tardive. Voicidonc la derniÚre cuvée

Grand Or, Or et Argent.Aux papilles de se trouver

confrontĂ©es aux nectarsinscrits sur la liste pres-tigieuse de l’Association

des vignerons du Québec. Et à vous de venir les

goĂ»ter au salon qui sed’aujourd’hui Ă  dimancheau Complexe Desjardins.

Page 2: CAHIER C VINS - Le Devoir

Un beaumariage

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

Marco Corbin et Olivier Rault ne s’étaient jamais rencontrĂ©sauparavant. Qu’à cela ne tienne, leurs productions vontdevenir, l’espace d’un menu, un duo insĂ©parable. Et toute la

semaine, on pourra d’ailleurs goĂ»ter les rĂ©sultats de cette alliance inattendue Ă  la table de l’Institut de tourisme et d’hĂŽtellerie du QuĂ©bec(ITHQ), oĂč les vins de La Halte des PĂšlerins seront Ă  l’honneur.Pour dĂ©buter, il y a cette pastilla aux fruits de mer et mesclun au miel,vinaigrette tiĂšde au corail. Elle sera accompagnĂ©e du PĂšlerin: «Le PĂšlerinen blanc est ce vin composĂ© de 75 % de cĂ©page cliche et de 25 % deprairie star. On lui trouve un beau bouquet assez floral et un arĂŽme trĂšssoutenu. C’est un vin avec de trĂšs beaux parfums: au nez, on dĂ©note lapomme verte, typique du cĂ©page Cliche», explique Marco Corbin, copro-priĂ©taire du vignoble La Halte des PĂšlerins.«C’est vrai que le blanc a retenu l’attention de beaucoup de mescuisiniers», se rappelle Olivier Rault, chef exĂ©cutif Ă  l’ITHQ. Ici, commeles cuisines sont une Ă©cole et le chef est un professeur, on travaille encollĂ©gialitĂ©; tout se conçoit et se fait par l’équipe en entier. «On en estvite venus au consensus de marier ce vin Ă  des fruits de mer. On n’avait pasnĂ©cessairement la pastilla en tĂȘte, mais tous voulaient ce petit cĂŽtĂ© sucrĂ©-salĂ© et croustillant.» AprĂšs l’essai de diffĂ©rentes recettes est nĂ©e lafameuse pastilla. Et voilĂ , on pouvait cĂ©lĂ©brer ce beau mariage.Comme second vin, on goĂ»tera un rouge, Le Sanctuaire.

BisonOn poursuit donc ce menu dĂ©gustation avec un rĂŽti de bison, sauce auvin rouge, garniture forestiĂšre, bien sĂ»r accompagnĂ© de ce fameuxSanctuaire: «Le Sanctuaire est un beau vin rouge offrant une belle com-plexitĂ© avec ses 75 % de cĂ©page frontenac, et ses 25 % de sabrevois. C’estle cĂŽtĂ© sabrevois qui va aller chercher les notes de fruits confits, ceux quirappellent la confiture. Quelque 30 % de l’assemblage de ce vin est passĂ©en fĂ»ts de chĂȘne neufs provenant du Portugal. On a de belles notes debois qui se marient Ă  merveille avec le bison», indique encore M. Corbin.Cette fois, Ă  l’ITHQ, on a fait subir au bison toutes les cuissons possi-bles, pour au final, tout simplement le cuire doucement, sous vide,durant des heures. RĂ©sultat: une viande d’une tendretĂ© exceptionnelle.«Le bison sera accompagnĂ© d’une rĂ©duction de vin rouge, le tout sera toutdoux, tout en nuances, le cĂŽtĂ© lĂ©gĂšrement tannique et l’arĂŽme de petitsfruits se mariant trĂšs bien avec le gibier.»

Les artisansOlivier Rault s’amuse donc comme un petit fou au milieu de ses Ă©lĂšves.Mais quand il s’installe au QuĂ©bec il y a dix ans, il est loin de se douterqu’il a la vocation pour l’enseignement. Olivier Rault est alors chef exĂ©-cutif au restaurant Nuances du Casino de MontrĂ©al, oĂč il s’exĂ©cuterapendant sept ans. ParallĂšlement, il se met Ă  enseigner Ă  l’AcadĂ©mie culinaire et c’est lĂ  que le dĂ©clic se fait: «Aujourd’hui, je m’occupe durestaurant de l’Institut, c’est un resto pĂ©dagogique. J’aimerais ensuitepeut-ĂȘtre enseigner, c’est un de mes projets», confiera-t-il. L’histoire de Marco Corbin est, quant Ă  elle, assez rocambolesque. Seulel’expĂ©rience d’avoir Ă©tĂ© Ă©levĂ© dans un milieu agricole le prĂ©parait Ă  sonprojet de vignoble. Le tout dĂ©marre en 1998. Au dĂ©part, la terre surlaquelle poussent aujourd’hui 20 000 vignes devait ĂȘtre un dĂ©veloppe-ment domiciliaire. «On est le seul vignoble dans un territoire urbain d’im-portance au QuĂ©bec», dira-t-il. C’est effectivement vrai, puisque sonvignoble n’est qu’à cinq minutes du centre-ville de Sherbrooke.C’est au cours d’un souper bien arrosĂ©, en compagnie de celui qui allaitdevenir le copropriĂ©taire du vignoble, Marc Chabot — aussi beau-pĂšrede Marco Corbin et grand-pĂšre de ses deux enfants — que la vocationdu terrain change du tout au tout.Si les cĂ©pages frontenac, sabrevois et autres cliche ne sont pas aussiconnus que les merlot et les cabernet-sauvignon, c’est tout simple-ment parce qu’ils ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s ici pour les climats de chez nous: «Cesont des cĂ©pages de deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration. À l’origine, ces cĂ©pages ont Ă©tĂ©dĂ©veloppĂ©s dans une universitĂ© du Minnesota, dans une chaire derecherches sur la vigne en climats nordiques. Ces nouveaux raisins sontaujourd’hui dĂ©veloppĂ©s ici», explique Marco Corbin. C’est Ă  partir de cescĂ©pages que le vignoble L:a Halte des PĂšlerins a conçu toute unegamme de vins incluant des blancs, des rouges et des rosĂ©s, ainsi qu’unvin apĂ©ritif et un vin fortifiĂ©.

€ RESTAURANT DE L’INSTITUT €VIGNOBLE LA HALTE DES PÈLERINS

— 3 5 $ , V I N I N C L U S —

E N T R É E F RO I D EPastilla aux fruits de mer et mesclun au miel, vinaigrette tiùde au corail

Le PĂšlerin

P L AT P R I N C I PA LRĂŽti de bison, sauce au vin rouge, garniture forestiĂšre

Le Sanctuaire

D E S S E RTGñteau moelleux au fromage d’antan

M A R T I N E L E T A R T E

Pour JĂ©rĂŽme Ferrer, chef et copropriĂ©taire des restaurants Europea, Beaver Hall, Andiamo et du Birks CafĂ©,«l’art de la table passe par l’accord mets et vin». Pour lui, on se doit de mettre de l’avant les vins d’exception du QuĂ©bec. S’il le fait quotidiennement dans ses restaurants, il souhaite que la pratique gagne en popularitĂ© au QuĂ©bec avec la crĂ©ation de ce nouveau volet « Chef etvigneron » du Salon vins et fromages du QuĂ©bec.

«Europea a Ă©tĂ© jumelĂ© avec le vignoble de L’Orpailleur. C’est tout fiĂšrement que nous servirons leurbrut, un vin effervescent. Ce n’est pas rien quand mĂȘme. Des bulles quĂ©bĂ©coises!», s’exclame JĂ©rĂŽmeFerrer. Pour l’occasion, le plat crĂ©Ă© se devait d’ĂȘtre Ă  la hauteur. «Europea a un petit plat-phare: le cappuccino de homard. Nous sommes reconnus pour ça. J’ai doncvoulu rester dans le thĂšme du homard. D’autant plus que le vin effervescent va Ă  merveille avec lehomard, un autre produit du QuĂ©bec. Je ferai donc une mousseline de homard, beurre blanc etsabayon au brut de L’Orpailleur avec caviar de perles de courgette», affirme-t-il. Il ne s’est donc pas contentĂ© de faire un accord mets et vin. «Lorsque le budget le permet, je trouve que c’est intĂ©ressant aussi de cuisiner un plat avec des vinsquĂ©bĂ©cois», prĂ©cise M. Ferrer. Ce volet « Chef et vigneron » est une nouveautĂ© cette annĂ©e au Salon vins et fromages duQuĂ©bec. Pour l’occasion, on pourra dĂ©couvrir des accords mets et vins quĂ©bĂ©cois dansplusieurs restaurants Ă  MontrĂ©al, en plus d’Europea, dont le Decca 77, le Club Chasse et PĂȘche,le Valois, le Globe et le restaurant de l’ITHQ.

Quelques vins d’exception au QuĂ©becOn pourrait avoir tendance Ă  penser que, en tant que Français, JerĂŽme Ferrer lĂšveraitle nez sur les vins quĂ©bĂ©cois. D’autant plus qu’il est fils de vigneron!«En cuisine comme en vin, je pense un peu la mĂȘme chose. Je ne crois pas qu’il yait de la grande et de la petite cuisine. Il n’y a que de la bonne et de la mauvaise cuisine. Pour le vin, c’est la mĂȘme chose. Il y a de bons vins et ily a de mauvais vins. Est-ce qu’il y a de bons vins au QuĂ©bec? Bien sĂ»rqu’il y en a», affirme-t-il. Le chef admet tout de mĂȘme que le QuĂ©bec n’a pas un ter-roir d’ensoleillement qui permet de faire des crus d’excep-tion comme c’est le cas de plusieurs rĂ©gions de la France. «Toutefois, le QuĂ©bec peut se rĂ©jouir d’avoir quelques vinsd’exception, prĂ©cise-t-il. Par exemple, le vin de glacequĂ©bĂ©cois peut crĂ©er de belles surprises dans le monde.Le froid glacial du QuĂ©bec permet d’arriver Ă  un produit unique en son genre. Les gens ne jurent quepar le Sauternes, mais il faut leur faire dĂ©couvrirautre chose. Il faut mettre de l’avant les vins quĂ©bĂ©-cois d’exception! Je suis fier de le faire chaque jouren proposant une sĂ©lection de vins quĂ©bĂ©coischez Europea.»JĂ©rĂŽme Ferrer croit d’ailleurs que les QuĂ©bĂ©-cois peuvent se rĂ©jouir s’ils regardent 25ans en arriĂšre. «Jamais on n’aurait pu penser Ă  cemoment-lĂ  qu’on aurait pu faire des vinsde glace exceptionnels au QuĂ©bec. Il ya 25 ans, il n’y avait pas grand-chosequi se faisait au QuĂ©bec dans ledomaine des vins. Aujourd’hui, on voitdes rĂ©sultats spectaculaires, Ă©gale-ment avec les blancs et les rosĂ©s. Pourles rouges, en raison du handicap del’ensoleillement, il y a encore beau-coup Ă  faire», prĂ©cise le chef.

Mettre en valeur les vins duQuĂ©becJerĂŽme Ferrer croit que, comme laFrance l’a fait au fil des siĂšcles, leQuĂ©bec continuera de s’amĂ©liorer. «Mon pĂšre Ă©tait vigneron dans les CorbiĂšres,prĂ©cise-t-il. Il y a 25 ans, on n’appelait pas ça duvin, mais de la vinasse. Personne ne voulait de ce vin.Il Ă©tait la risĂ©e. C’était du vin de paysans! Aujourd’hui, levin des CorbiĂšres a fait un grand bond en avant. Il a Ă©tĂ©mis en valeur en France et Ă  travers le monde. Quiaurait cru il y a 25 ans que ce vin pourrait rivaliser avecles vins de Bordeaux et de Bourgogne?»Le chef croit que les vins de glace du QuĂ©bec pour-raient cĂŽtoyer ceux de l’Australie et de l’Allemagne. «D’ailleurs, puisque j’Ɠuvre dans le monde de la gastronomie de luxe, je cĂŽtoie les plus fins gourmets etles plus grands chefs du monde. Lorsque je leur faisgoĂ»ter Ă  des vins de glace du QuĂ©bec, ils sont Ă©blouis!»S’il admet que tous les vins du QuĂ©bec ne sont pasmerveilleux, JĂ©rĂŽme Ferrer croit qu’il faut arrĂȘter detous les dĂ©nigrer. «Il y a eu Ă©normĂ©ment de travail qui s’est fait et aujour-d’hui il y a des produits d’exception, affirme-t-il. Ce seraitdommage de passer Ă  cĂŽtĂ© et d’enterrer vivants tous les producteurs passionnĂ©s qui mettent au point des produitsexceptionnels.»JĂ©rĂŽme Ferrer croit que davantage d’efforts doivent ĂȘtre faitspour mettre en valeur les vins du QuĂ©bec. «Les QuĂ©bĂ©cois n’ont pas encore dĂ©veloppĂ© l’habitude de consom-mer des vins quĂ©bĂ©cois. Pour qu’ils le fassent, ils doivent avoir desoccasions de redĂ©couvrir les produits des vignobles quĂ©bĂ©cois. C’estcomme ça qu’ils les adopteront.»

JÉRÔME FERRER, PRÉSIDENT D’HONNEUR DU SALON VINS ET FROMAGES DU QUÉBEC

« Il faut mettre de l’avantles vins quĂ©bĂ©cois

d’exception ! »JĂ©rĂŽme Ferrer a acceptĂ© la prĂ©sidence d’honneur du 6e Salon vins et fromages du QuĂ©bec,du 21 au 23 octobre, au Complexe Desjardins de MontrĂ©al. Il participera Ă©galement au volet« chef et vigneron », pour lequel il devra rĂ©aliser un plat en harmonie avec un vin du QuĂ©bec.

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VINS ET FROMAGES DU QUÉBEC

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Page 3: CAHIER C VINS - Le Devoir

€ LA TABLE DU CHEF €VIGNOBLE ISLE DE BACCHUS

— 7 5 $ , V I N I N C L U S —

E N T R É EBallotin de foie gras au naturel, confiture de coings parfumĂ©e

au gingembre et brioche au beurre grilléeJardin de Givre 2010, vin de glace, Isle de Bacchus

P L AT P R I N C I PA LOsso buco braisé au laurier frais et lentilles jaunes aux petits légumes

RĂ©serve Alexandre 2009, Isle de Bacchus

D E S S E RTCake aux pommes de l’Estrie, caramel au beurre salĂ©

Thé ou café

MalgrĂ© les mĂ©dailles, les concours et les hon-neurs qu’ils rĂ©coltent dĂ©sormais sur la scĂšneinternationale, les vins quĂ©bĂ©cois font encorel’objet de prĂ©jugĂ©s persistants, constate ledirecteur du dĂ©veloppement des clientĂšlesexternes, division de la commercialisation pour laSAQ, AndrĂ© Caron. Pourtant, les vins quĂ©bĂ©coiscommencent Ă  se forger une identitĂ© distincte.

J E S S I C A N A D E A Uu’est-ce qui caractĂ©rise les vins quĂ©bĂ©cois? La ques-tion est large et la rĂ©ponse, difficile, dans la mesure oĂčla viticulture quĂ©bĂ©coise est encore toute jeune. MaisAndrĂ© Caron, responsable des artisans Ă  la SAQ, croitqu’une tendance commence Ă  se dessiner. «Ce sontdes vins qui sont reconnus pour leur fraĂźcheur, avec unebonne aciditĂ©, une certaine lĂ©gĂšretĂ© aussi, et un aspectfloral.»

Parmi la centaine de producteurs quĂ©bĂ©cois, les vins blancs sont domi-nants, constate le spĂ©cialiste de la SAQ. «Les vins blancs, les rosĂ©s, lesmousseux et le vin de glace, c’est notre crĂ©neau le plus fort. Il y a les mis-telles aussi que l’on rĂ©ussit trĂšs bien, mais c’est un marchĂ© qui est plus petit.»Du cĂŽtĂ© du vin rouge, il y a encore du travail Ă  faire en matiĂšre de produc-tion globale, note AndrĂ© Caron, car le savoir-faire en cuve est d’unegrande complexitĂ© et n’est pas encore maĂźtrisĂ© par tous les vignerons.«Mais ça s’en vient», affirme-t-il, optimiste.AndrĂ© Caron se veut rĂ©aliste: les vins quĂ©bĂ©cois ne sont pas tous bons. Ilse fait encore des essais et des tentatives plus ou moins bien rĂ©ussies,observe-t-il, mais il existe aussi d’excellents vins quĂ©bĂ©cois, dont plusieursont Ă©tĂ© primĂ©s tant sur la scĂšne nationale qu’internationale. Et ceux-cisont de plus en plus nombreux.

Les grands vins du QuĂ©becIl y a six ans, lors de la toute premiĂšre Ă©dition du Salon des vins et fromages du QuĂ©bec, l’Association des vignerons du QuĂ©bec (AVQ) ademandĂ© l’aide de la SAQ pour organiser un concours afin que les producteurs puissent se comparer entre eux. Pour eux, il s’agissait dedĂ©montrer la qualitĂ© de leurs produits pour mieux les valoriser. Aujourd’hui, le concours Les grands vins du QuĂ©bec a acquis ses lettres denoblesse, estime AndrĂ© Caron. Cette annĂ©e, quelque 140 produits ont Ă©tĂ©testĂ©s dans les rĂšgles de l’art selon les normes de l’Organisation interna-tionale de la vigne et du vin (OIV). La dĂ©gustation a Ă©tĂ© effectuĂ©e Ă  l’aveugle, par trois commissions composĂ©es de cinq juges chacune, des professionnels du milieu de lasommellerie et de la restauration, des chimistes et des journalistes spĂ©-cialisĂ©s. Chacune des commissions a pu goĂ»ter Ă  45 vins, sur trois sĂ©ances. Et chacune de ces sĂ©ances est orchestrĂ©e de façon Ă  respecter une progression, du plus lĂ©ger au plus corsĂ©. On suit la mĂȘme logique pour lesucre et l’alcool et l’on goĂ»te en dĂ©croissance pour le millĂ©sime. «Au QuĂ©bec, on n’est pas encore rendu Ă  sĂ©parer les vins par cĂ©page,explique AndrĂ© Caron. Ça s’en vient, mais on n’est pas encore lĂ .» Les vinssont donc classĂ©s par couleur et l’on ajoute des catĂ©gories, comme lesmousseux, les vins fortifiĂ©s, les vins de glace ou les mistelles.

Les laurĂ©ats ont Ă©tĂ© dĂ©voilĂ©s juste avant le Salon des vins et fromages duQuĂ©bec. C’est le Vignoble du marathonien qui a remportĂ© la mĂ©dailleGrand Or pour son vin Vendange tardive, millĂ©sime 2010. Une vingtained’autres produits se sont vu attribuer des mĂ©dailles d’or et d’argent.

Des mĂ©daillĂ©s de classe internationalePour AndrĂ© Caron, il ne fait aucun doute que les nombreux laurĂ©ats duconcours Les grands vins du QuĂ©bec sont des produits de trĂšs grandequalitĂ© et de calibre international.«Quand on fait un concours et qu’on trouve des mĂ©dailles d’or, il n’y aaucune inquiĂ©tude Ă  avoir [sur la qualitĂ© des produits]. S’il y a des gens quipensent le contraire, c’est qu’ils sont vraiment dans les prĂ©jugĂ©s, parce que sion leur servait ces vins quĂ©bĂ©cois Ă  l’aveugle, ils seraient bien mal pris »

C’est un aspect qui sera d’ailleurs exploitĂ© lors du Salon des vins et fromages, avec une dĂ©gustation Ă  l’aveugle mettant en vedette un pro-duit quĂ©bĂ©cois et un produit importĂ©. Le public sera invitĂ© Ă  voter pour leproduit qu’il prĂ©fĂšre, et dĂ©jĂ  on peut prĂ©voir qu’il y aura de grandes surprises. «À titre d’exemple, je viens de faire un dĂźner-causerie Ă  la SAQ oĂčj’ai prĂ©sentĂ© un vin blanc quĂ©bĂ©cois, et les gens Ă©taient drĂŽlement Ă©tonnĂ©spar le produit. Ils se demandaient si c’était vraiment quĂ©bĂ©cois.»

Pour asseoir leur rĂ©putation, les producteurs quĂ©bĂ©cois devraient participer davantage aux concours internationaux, croit AndrĂ© Caron, quileur donne un coup de main lorsque c’est possible. «Je suis membre desVinalies [un concours viticole international], j’y vais chaque annĂ©e et j’apporte toujours des Ă©chantillons de vin quĂ©bĂ©cois. Nous avons de bonssuccĂšs, nous revenons avec beaucoup de mĂ©dailles, c’est drĂŽlement intĂ©res-sant.»

La certification des vins quĂ©bĂ©coisOutre les concours, les vignerons quĂ©bĂ©cois se sont dotĂ©s d’un nouveloutil pour leur permettre de se faire connaĂźtre et de se dĂ©marquer: le programme de certification des vins quĂ©bĂ©cois. Pour le consommateur, il s’agit d’un Ă©lĂ©ment qui lui permettra d’ĂȘtreassurĂ© qu’un certain nombre de critĂšres sont respectĂ©s dans le processusde fabrication du vin, de la vigne jusqu’à l’embouteillage. «C’est la premiĂšre forme de garantie en matiĂšre de qualité», explique AndrĂ© Caron.Et si le public embarque, ce sera peut-ĂȘtre le dĂ©but d’une grande histoire.«C’est Ă  eux de faire leurs preuves. Si les gens commencent Ă  trouver que çafait une diffĂ©rence et que ça vaut la peine, la machine va ĂȘtre partie et ça vaĂȘtre extraordinaire.»

CertifiĂ©s ou non, on retrouve de plus en plus de vins quĂ©bĂ©cois Ă  la SAQ,affirme AndrĂ© Caron. Il tente de dĂ©velopper, avec les producteurs quĂ©bĂ©-cois, des Ă©talages spĂ©cifiques aux vins du QuĂ©bec dans 250 succursales.«Nous travaillons fort avec l’association pour dĂ©velopper tout cela, affirmeAndrĂ© Caron. Mais, en mĂȘme temps, ils ne veulent pas aller trop vite, parcequ’il faut fournir les tablettes, et ce n’est pas Ă©vident. Alors il faut y aller enprogression. On s’entend bien avec l’association sur ce point et on s’organisepour aller de l’avant.»

D’ici lĂ , il invite les producteurs Ă  se faire connaĂźtre davantage et Ă  venirrencontrer le personnel dans les succursales de la SAQ. «Ce que je dis auxproducteurs, c’est: “Allez dans les succursales, allez faire connaĂźtre vos produits au personnel, ils vont ĂȘtre heureux de les dĂ©couvrir. Si vous ne lesvoyez pas et qu’ils ne vous connaissent pas, c’est plus difficile.”»

Quant aux amateurs de vin, il ne leur donne qu’un conseil: «Il faut goĂ»ter.Il y a d’étonnantes dĂ©couvertes Ă  faire avec les produits quĂ©bĂ©cois, il se faitdes choses extraordinaires.»

BOIRE QUÉBÉCOIS

« Il y a d’étonnantesdĂ©couvertes Ă  faire avecles produits quĂ©bĂ©cois »

DĂ©couvertesau menu

J E S S I C A N A D E A U

Le chef Alain Labrie, de Sherbrooke, a toujours aimĂ© travailler avecles produits rĂ©gionaux, que ce soit dans son restaurant actuel, LaTable du Chef, ou Ă  la prestigieuse Auberge Hatley, oĂč il a dirigĂ© les

cuisines pendant 17 ans. Pour lui, c’est une façon d’encourager les producteurs locaux et de prĂ©senter des produits de qualitĂ© aux QuĂ©bĂ©-cois, afin qu’ils les dĂ©couvrent et se les approprient. C’est pourquoi il n’a pas hĂ©sitĂ© une seconde avant d’accepter un jume-lage avec le vigneron Donald Bouchard, propriĂ©taire du vignoble L’Islede Bacchus Ă  l’üle d’OrlĂ©ans. «C’est un plaisir pour moi d’ĂȘtre jumelĂ© avecDonald Bouchard. C’est quelqu’un qui travaille fort et qui fait de beauxproduits. Ça vaut la peine de mettre ses vins en valeur.»

À tableAprĂšs avoir goĂ»tĂ© aux diffĂ©rents produits issus du vignoble L’Isle de Bacchus, le chef Labrie a optĂ© pour le Jardin de Givre 2010, un produitqui s’est distinguĂ© Ă  maintes reprises dans les concours, tant sur lascĂšne nationale qu’internationale. Le vin de glace de L’Isle de Bacchus anotamment remportĂ© la mĂ©daille d’or Ă  la Coupe des nations, en 2008,de mĂȘme qu’aux SĂ©lections mondiales l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Ce vin de glace, inspirĂ© du cĂ©lĂšbre Soir d’hiver d’Émile Nelligan, prĂ©sente,selon le vigneron, «une couleur d’or au nez puissant d’abricot et litchi surune bouche ronde et fraĂźche avec une belle longueur en bouche». Le chef Labrie a choisi de servir le Jardin de Givre en entrĂ©e avec un ballotin de foie gras au naturel, une confiture de coings parfumĂ©e augingembre et une brioche au beurre grillĂ©e. Un choix judicieux, selon levigneron Donald Bouchard. «C’est un accord qui est parfait, affirme-t-ild’emblĂ©e. Personnellement, ce que je prĂ©fĂšre lorsque je bois un bon vin deglace quĂ©bĂ©cois, un bon moelleux, c’est de le dĂ©guster en entrĂ©e avec unbon foie gras.»Pour le plat principal, le chef Labrie s’est laissĂ© tenter par la RĂ©serveAlexandre, millĂ©sime 2009, un rouge fait de trois cĂ©pages quĂ©bĂ©cois— le marĂ©chal Foch, le mitchurinetz et le sainte-croix — vieillis 18mois en fĂ»t de chĂȘne. C’est un rouge qui peut se comparer, selon soncrĂ©ateur, Ă  «un petit vin du Bordeaux, sympathique, lĂ©ger, sur le fruit; unpetit Bordelais, quoi!», s’exclame le vigneron. Pour accompagner la RĂ©serve Alexandre, le chef Alain Labrie a optĂ©pour un osso buco braisĂ© au laurier frais avec lentilles jaunes aux petitslĂ©gumes, un plat qu’il vient tout juste d’ajouter Ă  son menu rĂ©gulier. Pour choisir les produits et crĂ©er le parfait accord mets-vins, le chefLabrie avoue s’ĂȘtre fait aider par son sommelier, Alexandre Scott. «C’estAlexandre, mon sommelier, qui connaĂźt la façon dont je cuisine, qui adĂ©cortiquĂ© les vins de L’Isle de Bacchus beaucoup mieux que je n’aurais pule faire moi-mĂȘme. Nous avons goĂ»tĂ© les vins et nous avons sĂ©lectionnĂ©deux vins qui se rapprochent de mon type de cuisine.»Le menu de La Table du Chef — classĂ© cinq Ă©toiles au guide Restos Voir— est d’inspiration française, mais le propriĂ©taire et chef du restaurantdĂ©crit surtout sa cuisine comme «trĂšs typĂ©e». «J’ai des goĂ»ts qui sont trĂšsfrancs, explique Alain Labrie. On n’a pas besoin d’avoir un cours de cuisinepour dĂ©couvrir ce que j’ai mis dans l’assiette, c’est assez flagrant. Mon ossobuco au laurier, ça ne goĂ»te pas 56 affaires, ça goĂ»te le laurier!»

Soutenir la viticulture quĂ©bĂ©coiseMĂȘme s’il a dĂ©jĂ  plusieurs vins quĂ©bĂ©cois et canadiens sur son menu,Alain Labrie envisage sĂ©rieusement de garder les produits du vigneronDonald Bouchard sur sa carte des vins bien au-delĂ  du Salon des vins etfromages du QuĂ©bec: la preuve que la rencontre a Ă©tĂ© fructueuse. L’aventure fut tout aussi significative pour le vigneron DonaldBouchard, qui se dit trĂšs heureux de cette initiative des organisateursdu Salon des vins et fromages du QuĂ©bec. «Nous sommes jumelĂ©s Ă  degrands restaurants et ces gens-lĂ , sans prĂ©tention, ouvrent leur carte desvins et encouragent la viticulture quĂ©bĂ©coise. Ils sont fiers de prĂ©senternos vins, ils savent qu’il se fait de bons vins et ils font de grands efforts pourles mettre de l’avant.»Ce qui le surprend toujours, c’est de constater que les vins quĂ©bĂ©coisont davantage de succĂšs auprĂšs des touristes europĂ©ens qu’auprĂšs desQuĂ©bĂ©cois. «Les voyageurs Ă©trangers aiment bien boire le vin de la rĂ©gionet, quand ils dĂ©couvrent qu’il y a une petite viticulture au QuĂ©bec, ilsdemandent Ă  goĂ»ter. Ils sont donc trĂšs surpris de voir que les restaurantsquĂ©bĂ©cois n’offrent pas le vin du pays. Ils trouvent cela bizarre.»

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VINS ET FROMAGES DU QUÉBEC

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Page 4: CAHIER C VINS - Le Devoir

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€ BISTRO LE RÉPERTOIRE €VIGNOBLE AUX PIEDS DES NOYERS

— 6 5 $ , V I N I N C L U S —

A M U S E - B O U C H ERémoulade de crabe et céleri ou

Soupe de tomates, tartine à l’ ail noir

E N T R É EGĂąteau impossible au foie gras et pommes caramĂ©lisĂ©es ou

Tarte fine, boudin noir maison, compotĂ©e d’oignons, lardons croustillantsVin DĂ©linquant

P L AT P R I N C I PA LOmble de l’Arctique, pĂątes fraĂźches Ă  l’encre de seiche parfumĂ©es Ă  la sauge

Vin L’Enjol’heur ou

SuprĂȘme de pintade (ferme La Plume des champs)aux champignons sauvages et lavande

Vin L’IncrĂ©dule

D E S S E RTTrilogie de guimauve ou

Terrine au chocolat, crùme anglaise à la pistacheVin L’Arriùre saison

Thé, café ou infusion

Le gĂąteauimpossible

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

Qui a dit que les jumelages forcĂ©s ne pouvaient pas se transformer enmariage d’amour? La rĂ©ponse avec Franck Morant, du bistro Le RĂ©pertoire,Manon DazĂ© et Alain BussiĂšres, du Vignoble aux Pieds des Noyers.

Julie ne connaissait pas Franck et Franck n’avait jamais rencontrĂ© Julie.Mais tout ça, c’était avant, avant que Franck ne goĂ»te les vins de Julie etque Julie ne goĂ»te la cuisine de Franck. Il ne faut pas imaginer un conte defĂ©es avec princesses et princes charmants. Ce sont plutĂŽt des papilles quise sont accordĂ©es avec atomes crochus et sans la moindre fausse note.Julie, c’est la fille d’Alain BussiĂšres et de Manon DazĂ©, tous deux propriĂ©taires du Vignoble aux Pieds des Noyers. Lorsqu’il est questionde rencontrer des chefs, c’est toujours Julie qui s’en charge: normal, elleest chef elle aussi! «Julie a l’habitude de travailler avec nos vins et de lesmarier avec les plats. Deux chefs qui discutent ensemble, c’est plus facilepour les deux, ils parlent la mĂȘme langue», ajoute Mme DazĂ©. La rencon-tre s’est effectivement trĂšs bien dĂ©roulĂ©e et le chef Franck Morant achoisi d’élaborer son menu autour de quatre vins du vignoble: Le DĂ©lin-quant, L’ArĂŽm’ance, L’IncrĂ©dule et L’ArriĂšre saison.

OuvertureLors de ce menu dĂ©gustation, le repas dĂ©butera lentement sur quelquesamuse-bouches, une rĂ©moulade de crabe et cĂ©leri ou une soupe detomates accompagnĂ©e d’une tartine Ă  l’ail noir. Ensuite, le chef proposela tarte fine au boudin noir maison accompagnĂ©e d’une compotĂ©ed’oignons et de lardons croustillants. Mais la vĂ©ritable surprise sera cegĂąteau impossible au foie gras et pommes caramĂ©lisĂ©es. C’est ici que la fĂȘte commence et nĂ©cessite certaines explications. Enfait, le gĂąteau impossible est une recette mexicaine — un hommage Ă l’épouse de M. Morant, qui est originaire de lĂ -bas — qui, Ă  l’origine, seconfectionne Ă  partir d’un appareil de crĂšme caramel et d’une pĂąte degĂąteau au chocolat. On verse d’abord l’appareil au chocolat au fondd’un moule, puis, dessus, on verse l’appareil de crĂšme caramel. Avec lamagie de la cuisson, tout s’inverse! «Dans cette nouvelle version, onmĂ©lange un appareil Ă  crĂšme brĂ»lĂ©e au foie gras et une pĂąte Ă  gĂąteau auxpommes caramĂ©lisĂ©es», raconte Franck Morant en nous donnant irrĂ©sistiblement l’envie de courir vers son restaurant.Et ce n’est lĂ  que la moitiĂ© du plaisir, puisque le tout sera arrosĂ© duDĂ©linquant: «Le DĂ©linquant, c’est mon coup de cƓur; c’est un vin blancfortifiĂ© Ă  17 % d’alcool, ce qui explique son nom!», prĂ©cise Mme DazĂ©.C’est un vin Ă©laborĂ© Ă  partir de cĂ©pages gewurztraminer et chardonnay.Il accompagne trĂšs bien le foie gras, mais aussi les fromages de brebis.

EntrĂ©eOn poursuit ce pĂ©riple gastronomique avec l’omble de l’Arctique et despĂątes fraĂźches Ă  l’encre de seiche parfumĂ©es Ă  la sauge. «Le mariageencre de seiche et sauge fraĂźche dans un beurre noisette rĂ©vĂ©lera le poisson et sa garniture», explique le chef. L’accompagnement idĂ©al de ceplat sera L’ArĂŽm’ance, un vin d’assemblage composĂ© Ă  partir decĂ©pages sĂ©val, prairy star, cayouga et de kay gray, un vin aux saveurs depommes mĂ»res, de cantaloup, de citron lĂ©ger, avec un lĂ©ger boisĂ© etune touche finale vĂ©gĂ©tale lĂ©gĂšrement vanillĂ©e.Le suprĂȘme de pintade de la ferme Plumes des champs aux champignonssauvages et lavande sera, pour sa part, accompagnĂ© de L’IncrĂ©dule. DerriĂšre cet IncrĂ©dule se cachent des annĂ©es d’acharnement et d’entĂȘte-ment: «Au dĂ©part, on se faisait dire par les agronomes qu’il serait impossiblede faire du bon vin sur une terre Ă  framboises. Il faut rappeler qu’à l’époqueon Ă©tait le seul vignoble sur la rive nord du fleuve. Le premier rouge qu’on aproduit s’appelle L’IncrĂ©dule, c’est un pied de nez aux agronomes...», rappelle Manon DazĂ©. Dans ce rouge, les fruits sont bien prĂ©sents avec untannin lĂ©ger qui laisse toute la place aux plats qui l’accompagnent.

DessertArrive maintenant la carte des desserts, qui se dĂ©cline en une trilogie deguimauve ou en une terrine au chocolat avec crĂšme anglaise Ă  la pistache, le tout servi avec L’ArriĂšre saison. «Les clients sont fous desguimauves! J’ai commencĂ© Ă  en faire au resto il y a quelques semaines etça n’arrĂȘte pas. J’en fais bien sĂ»r en accompagnement d’autres gĂąteaux,mais j’en sers aussi de toutes petites Ă  la betterave en garniture sur lessalades», raconte Franck Morant. L’ArriĂšre saison est un vin qui, en 2007, a Ă©tĂ© un laurĂ©at rĂ©gional d’ungrand prix du tourisme quĂ©bĂ©cois, tout comme Le DĂ©linquant d’ailleurs.Ce vin rouge fortifiĂ© s’apparente au porto, «mais il contient moins d’amer-tume et moins de sucre que le porto. Avec un fromage bleu, du chocolatnoir ou encore un cigare, c’est la recette parfaite», conclut Manon DazĂ©.

P I E R R E V A L L É E

Qui l’eĂ»t cru? La tĂąche Ă©tait rĂ©putĂ©e impossible.Depuis les premiers colons, tous ceux qui s’yĂ©taient adonnĂ©s avaient Ă©chouĂ©. On ne pou-

vait tout simplement pas produire du vin au QuĂ©bec.Pourtant, aujourd’hui, le vignoble L’Orpailleur fĂȘte sestrente ans et ses vins sont primĂ©s dans les concoursinternationaux.On attribuait alors l’échec au climat, trop froid pour laculture des vignes. Heureusement que Charles-Henri deCoussergues, viticulteur et fils de vignerons du sud de laFrance, n’y a pas cru. «J’étais venu faire un stage dans unverger et je me suis rendu compte que l’étĂ© au QuĂ©becĂ©tait aussi chaud que dans plusieurs autres rĂ©gions viticoles europĂ©ennes. GrĂące aux agronomes quĂ©bĂ©cois,j’étais aussi bien renseignĂ© sur la composition des sols.»C’est ainsi qu’en 1982 Charles-Henri de Coussergues et ses trois associĂ©sfondent le vignoble L’Orpailleur Ă  Dunham. C’est le poĂšte et chansonnierGilles Vigneault qui trouvera le nom en rĂ©fĂ©rence aux riviĂšres aurifĂšresdes Cantons-de-l’Est. Fallait-il ĂȘtre fou pour se lancer dans pareille aven-ture? «On Ă©tait doublement fous, parce qu’en plus d’oser planter de lavigne, on Ă©tait convaincus que la seule façon de rentabiliser l’opĂ©ration, c’était de faire venir le consommateur Ă  la ferme, Ă  une Ă©poque oĂč le con-cept d’agrotourisme n’existait pas encore.»D’ailleurs, c’est la formule encore privilĂ©giĂ©e par Charles-Henri deCoussergues: 50 % des 150 000 bouteilles de vin produites annuellementpar L’Orpailleur sont vendues au vignoble. «On trouve sur les tablettes duQuĂ©bec 9000 sortes de vin. Comment se distinguer du lot? Il faut que nosvins aient une image et, surtout, une histoire. Le vigneron doit s’appliquer Ă la mise en marchĂ© de ses vins, et pour cela il faut qu’il soit en contact avec lesconsommateurs. Il ne faut pas sous-Ă©valuer la passion et le cĂŽtĂ© humainderriĂšre le vin. Le vigneron doit ĂȘtre gĂ©nĂ©reux de son temps et prĂȘt Ă  recevoirle monde sur son vignoble.»

Au fil des ansTrois ans aprĂšs sa fondation, le vignoble lance son premier vin, un vinblanc nommĂ©, Ă©videmment, L’Orpailleur. «C’était encore lĂ  une maniĂšre de

se distinguer. On aurait pu nommer le vin selon le cĂ©pageou en utilisant des expressions françaises, comme LeChĂąteau de ceci ou de cela, mais en choisissant L’Orpailleur on donnait au vin un caractĂšre unique.»Le vignoble continue ensuite Ă  se spĂ©cialiser dans le vinblanc. «Les raisins qui servent au vin blanc ont besoin d’unpeu moins d’ensoleillement et de chaleur que ceux quiservent au vin rouge. De plus, cela nous a permis dedĂ©velopper un savoir-faire dans le domaine du vin blanc.»La prochaine Ă©tape fut d’abord d’augmenter la produc-tion et ensuite de diversifier les produits. «On a commencĂ© par un vin rosĂ©.» Quelques annĂ©es plus tard,c’est au tour du vin rouge. «Au dĂ©part, je ne croyais paspossible de produire un bon vin rouge. Mais on s’est renducompte que, annĂ©e aprĂšs annĂ©e, la saison s’allongeait etque les premiers gels au sol de septembre se produisaient

maintenant en octobre. En trente ans, notre saison s’est prolongĂ©e de quatre semaines.» Ce sont ces conditions qui, entre autres, ont permis deproduire plus facilement un vin rouge.Au fil des ans, L’Orpailleur a donc diversifiĂ© sa production. Aujourd’hui, levignoble offre 11 vins diffĂ©rents. En plus du vin blanc, du vin rosĂ© et du vinrouge, on trouve, entre autres parmi ses produits, L’Orpailleur Brut, unmousseux mĂ©thode champenoise; La Part des Anges, un vin Ă©laborĂ© avecde l’eau-de-vie; L’Aperid’Or, un vin apĂ©ritif de type mistelle, et le Vin deGlace. «Ma premiĂšre palette de Vin de Glace part d’ici quelques jours pourle Japon. C’est un vieux rĂȘve qui se rĂ©alise, car j’ai toujours voulu exporter unvin quĂ©bĂ©cois.»Si la moitiĂ© de la production vinicole est vendue directement au vignoble,l’autre moitiĂ© se retrouve soit Ă  la SAQ, soit dans certaines boutiques spĂ©cialisĂ©es, comme le MarchĂ© des saveurs du marchĂ© Jean-Talon, ou surla table de quelques restaurateurs. Une situation jugĂ©e insuffisante parCharles-Henri de Coussergues, qui est aussi prĂ©sident de l’Association desvignerons du QuĂ©bec.«La SAQ a fait beaucoup de progrĂšs ces derniĂšres annĂ©es, mais elle pourraiten faire davantage. Nous ne demandons pas de privilĂšges, mais nousdemandons le mĂȘme traitement que les vins d’importation.»

MÉDAILLE GRAND OR

Un vin venudu froidC A T H E R I N E L A L O N D E

Qu’est-ce qui fait courir les vignerons du Vigno-ble du marathonien? «J’ai fait une dizaine demarathons dans ma vie, explique le propriĂ©taire

Jean Joly en entrevue tĂ©lĂ©phonique. C’est une analogie:planter de la vigne au QuĂ©bec, ce n’est pas Ă©vident. Çaprend de l’endurance, de la persĂ©vĂ©rance, de la volontĂ© etsurtout un brin de folie.» Plus besoin de courir aprĂšs lesuccĂšs: les prix et mentions pleuvent dĂ©sormais sur lesvins de Jean Joly.Il a fallu un peu plus de vingt ans Ă  Jean Joly et Ă  safemme, Line Joly, pour faire de leur vignoble un incon-tournable dans le monde du vin quĂ©bĂ©cois. La cuvĂ©e ven-dange tardive 2009 du Vignoble du marathonien a reçupour la deuxiĂšme annĂ©e de suite le trophĂ©e du BestDessert Wine of the Year du concours All Canadian WineCompetition. Le vigneron est particuliĂšrement fier de cettedĂ©coration, puisque la cuvĂ©e y Ă©tait en compĂ©tition fĂ©roceavec les vins de glace blancs et rouges et les vendanges tar-dives du pays. Ses vins ont aussi remportĂ© la manche Ă  laCoupe des nations. «Cette annĂ©e, ils ont remis deux Prix Victor-Dietrich parce que deux vins avaient rĂ©coltĂ© la mĂȘmenote: les deux miens!, prĂ©cise Jean Joly, la voix fiĂšre. Le vendange tardive et le vin de glace!»

Un vignoble, enfin!D’aussi loin qu’il se souvienne, Jean Joly a toujours aimĂ© levin. «J’ai commencĂ© Ă  faire du vin maison autour de mes vingtans, avec pas mal de succĂšs.» Assez pour se faire remarquerpar le chroniqueur de La Presse, Jacques BenoĂźt, dĂšs 1984.L’ingĂ©nieur de mĂ©tier rĂȘve de vendanges, mais ne vivra ses premiĂšres qu’aprĂšs avoir plantĂ© ses propres vignes, autourd’une ferme, en 1990. «Avant d’avoir le vignoble, quand je fai-sais mon vin avec du raisin de Californie achetĂ©, je me pĂ©tais lesbretelles tellement c’était facile. Mais avec nos premiers raisins,ce n’était pas du tout la mĂȘme chose. Je me suis mis Ă  faire dublanc, plutĂŽt que du rouge. Au QuĂ©bec, on a un bon climat pourfaire du blanc, et des supervendanges tardives et vins de glace.»

Son vignoble est relativement petit: deux hectares, 7000 plants, unesuperficie «facilement gĂ©rable les week-ends». AprĂšs de premiers Ă©tĂ©sdifficiles, oĂč la chaleur lui fait perdre la moitiĂ© de ses vignes, lesembĂ»ches se rarĂ©fient. «Le sol chez nous est trĂšs caillouteux et c’est peut-ĂȘtre un des facteurs qui fait la qualitĂ© de nos vins. Ça assure un bondrainage quand il manque d’eau.»Le secret de son succĂšs? D’abord, le partage. Jean Joly a Ă©tĂ© Ă©paulĂ© dĂšsses dĂ©buts par l’ancien prĂ©sident de l’Association des vignerons duQuĂ©bec, feu Victor Dietrich, et par le propriĂ©taire de L’Orpailleur

Charles-Henri de Coussergues. «Il faut trois qualitĂ©s pour ĂȘtre unbon vigneron. ConnaĂźtre la culture. Avoir un penchant pour la

chimie et l’alchimie afin de savoir faire le vin. Finalement, vendrele vin.» Et le succĂšs des cuvĂ©es? «Je fais ma vendange tardive en mĂȘmetemps que mon vin de glace, beaucoup plus tard que ce qui sefait habituellement. Ça donne le mĂȘme goĂ»t que le vin deglace, en moins liquoreux, avec une moindre concentration ensucres.» Pour la petite histoire, c’est lui qui a sorti en1994 lepremier vin de glace du QuĂ©bec. L’idĂ©e, importĂ©e d’Autricheet d’Allemagne, commençait Ă  se rĂ©aliser en Ontario, avecdu gewurztraminer, du riesling et du vidal. C’est ce dernierraisin que le vigneron a choisi pour sa terre.Le plaisir et la fiertĂ© sont Ă©vidents, mais les dĂ©fisdemeurent. «On ne peut pas survivre avec un vignoble de7000 plants. Par chance que j’ai mon fonds de retraited’ingĂ©nieur», prĂ©cise Jean Joly. La distribution n’est passimple, les majorations de prix imposĂ©es par la SociĂ©tĂ©des alcools du QuĂ©bec dĂ©savantagent les vins d’ici. L’Ontario refuse de reconnaĂźtre les vins de glace duQuĂ©bec, malgrĂ© de nombreuses nĂ©gociations. Il ne faut pas oublier le climat: s’il permet l’oxydation duraisin et la magie du vin de glace, il impose ses diffi-cultĂ©s. «Tous mes plants sont des hybrides qui doiventĂȘtre protĂ©gĂ©s, en les enterrant, contre la saison froide. Ilfaut buter les plants Ă  l’automne. Au printemps, c’est lafolie furieuse: il faut dĂ©terrer les plants avant que lesbourgeons commencent Ă  sortir et les tailler, tandisqu’en France les plants sont taillĂ©s tout l’hiver. C’est unecourse contre la montre. Pour le vin de glace, pas lechoix, il faut nĂ©gocier avec la neige et le froid. On estobligĂ© de prĂ©tailler la vigne Ă  la chute des feuilles, on vale faire prochainement, fin octobre ou dĂ©but novem-bre, quand il n’y a plus de photosynthĂšse et plus defeuilles. On met les filets, on dĂ©croche les raisins quisont prĂȘts au bas du plant et on les laisse dans le filet,sur le pied de vigne. Et, en janvier, il faut dĂ©terrer toutça.» Un vrai travail de marathonien, quoi, avec dessprints aux changements de saison. Et des mĂ©dailles

en bout de course. www.marathonien.qc.ca

L’ORPAILLEUR

Trente ans déjà !

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VINS ET FROMAGES DU QUÉBEC

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Page 5: CAHIER C VINS - Le Devoir

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€ RESTAURANT PORTUS CALLE €VIGNOBLE DE LA BAUGE

— 9 0 $ , V I N I N C L U S —

A M U S E - B O U C H EOlives marinées et fromage frais

E N T R É ESalade de sardines, vinaigre et compote de framboises

La Bauge classique 2009, vin blanc

PĂ©toncle poĂȘlĂ©, salsa maĂŻs et chouriço, oignons caramĂ©lisĂ©s et chips de prosciuttoSolitaire 2009, vin blanc

P L AT P R I N C I PA LDuo de morue, purée de pommes de terre, tombée de tomates et olives noires

Brise 2010, vin rosé

Foie gras, boudin blanc de poulet, chutney de canneberges et calvadosNovembre 2009, vendange tardive

F RO M A G ESĂŁo Jorge , confiture de tomates et fruits secs

Flambée, vin fortifié

D E S S E RTPasteis de nata et pudding d’àgua

SNO, vin de glace

Un Québec à lasauce portugaise

É M I L I E C O R R I V E A U

Helena Loureiro, chef propriétaire du restaurant Portus Calle, et SimonNaud, vigneron propriétaire du Vignoble de la Bauge, ont relevé ledéfi de concocter une proposition sucrée-salée haute en saveurs.

«Je trouvais ça emballant de participer Ă  ce jumelage, parce qu’au restaurantje n’ai que des vins portugais sur ma carte. Ça m’apparaissait comme un beaudĂ©fi et je trouvais que c’était une belle façon d’encourager les produits duQuĂ©bec», confirme Helena Loureiro, cette femme originaire du Portugal,qui est aux commandes du Portus Calle depuis 2003. À la fois typique etmoderne, sa cuisine s’articule autour de produits frais, de poissons, de fruitsde mer et de quelques viandes surtout apprĂȘtĂ©es de façon traditionnelle.Lorsqu’il s’est prĂ©sentĂ© au Portus Calle les bras chargĂ©s de sesmeilleures bouteilles, Simon Naud ne s’attendait point Ă  vivre uneexpĂ©rience aussi enrichissante que celle Ă  laquelle la chef portugaise l’aconviĂ©, car, refusant de se confiner aux traditionnels accords mets-vinset plutĂŽt que de marier quelques bonnes bouteilles aux plats qu’elleavait dĂ©jĂ  conçus, Helena a prĂ©fĂ©rĂ© sĂ©lectionner six produits coup decƓur, puis Ă©laborer son menu autour des propositions du vigneron.«Helena goĂ»tait un de mes vins, puis elle consultait son Ă©quipe. Ensuite,elle soumettait une idĂ©e, la cuisinait et on goĂ»tait avec le vin. Bref, on s’estretrouvĂ©s Ă  Ă©laborer le menu autour des vins plutĂŽt que l’inverse, et j’aitrouvĂ© que c’était une façon trĂšs pertinente de concevoir les accords»,souligne M. Naud. ApprĂ©ciant travailler de la sorte, Mme Loureiro s’est dite heureused’avoir partagĂ© ses façons de faire avec le vigneron estrien. «J’aimeautant le vin que la nourriture. Je trouve que les deux vont vraiment depair. Je prĂ©fĂšre de loin cuisiner lorsque mon repas s’accompagne d’un bonvin
 Et j’aime beaucoup mieux dĂ©guster un vin lorsqu’il est mariĂ© Ă  unrepas. Quand j’ai une occasion comme celle-lĂ , j’aime prendre le tempsde construire mon menu autour des vins que j’apprĂ©cie!»

SucrĂ©-salĂ©Surtout composĂ© de produits de la mer — sardines, pĂ©toncles, morue —de quelques viandes et de fruits, le menu du duo Naud-Loureiro s’appa -rente beaucoup Ă  ce que propose la chef portugaise en restaurant, maiscomporte tout de mĂȘme certains Ă©lĂ©ments quĂ©bĂ©cois notoires, commele foie gras. «Je pense que j’ai rĂ©ussi Ă  apporter ma touche portugaise aumenu, en travaillant les contrastes du sucrĂ©-salĂ©, par exemple, mais enmĂȘme temps j’ai travaillĂ© avec des produits locaux et j’ai adaptĂ© ma cuisineaux vins de Simon. Le rĂ©sultat, c’est un mariage Ă©quilibrĂ© entre le QuĂ©bec etle Portugal», affirme Mme Loureiro.Du cĂŽtĂ© des bouteilles, le tandem a choisi de marier en entrĂ©e deux vinsblancs, la Bauge Classique et le Solitaire 2009, Ă  une salade de sardineset Ă  un pĂ©toncle poĂȘlĂ©, puis d’agencer le mets principal, un duo demorue, au Brise 2010, un rosĂ© demi-sec. «C’est un rosĂ© qui a beaucoupde caractĂšre. Il n’est pas du tout simplet. Comme il a beaucoup de parfum, il peut ĂȘtre mariĂ© avec des repas relevĂ©s», note M. Naud.Pour accompagner le foie gras, le fromage et le dessert, la chef et levigneron ont choisi des vins plus sucrĂ©s. Ils ont optĂ© pour Novembre, unvin de vendange tardive trĂšs Ă©quilibrĂ©, La FlambĂ©e, un vin rouge mutĂ©Ă©levĂ© en fĂ»t de chĂȘne pendant 20 mois, ainsi que SNO, un vin de glaceaux arĂŽmes riches. ParticuliĂšrement sĂ©duite par le vin rouge mutĂ© du Vignoble de la Bauge,qui s’apparente au porto mais se veut un peu plus lĂ©ger, Mme Loureirosouhaite ajouter La FlambĂ©e Ă  la carte des vins de son restaurant, lequeln’a jusqu’à ce jour compris que des produits portugais. «J’ai toujours eu beaucoup de succĂšs avec La FlambĂ©e. Quand je l’ai prĂ©sentĂ©Ă  Helena, j’ai vu ça comme un test ultime. Je voulais savoir si, dans un restaurant oĂč on connaĂźt bien les portos et oĂč on en offre d’excellents, LaFlambĂ©e allait ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e. J’ai demandĂ© Ă  l’équipe d’ĂȘtre critique et de medire ce que je pourrais amĂ©liorer, mais Helena m’a dit de ne toucher Ă  rien, degarder le vin comme il Ă©tait. Elle m’a dit qu’elle en voulait absolument dansson restaurant, parce que ça allait amener de la lĂ©gĂšretĂ© Ă  certains dessertsplutĂŽt lourds. Pour moi, c’est un trĂšs beau compliment!»

P I E R R E V A L L É E

FondĂ©e en 2006, l’entreprise Fromages CDA s’est donnĂ© pour mission de faire connaĂźtre les fro-mages artisanaux du QuĂ©bec. Aujourd’hui, Fromages CDA reprĂ©sente 18 fromagers artisanaux etleurs produits auprĂšs de dĂ©taillants alimentaires quĂ©bĂ©cois, canadiens et mĂȘme amĂ©ricains. Ainsi,chaque mois, Fromages CDA distribue environ 60 000 kilos de fromage Ă  ses quelque 1200 clients.

«On ne se perçoit pas comme un simple distributeur de fromage, mais plutĂŽt comme un agent de commer-cialisation, prĂ©cise Daniel Allard, fondateur et prĂ©sident de Fromages CDA. Notre but n’est pas unique-ment de faire des profits. Évidemment, nous en faisons, mais notre but est surtout de valoriser les artisans fromagers et leurs produits. Pour nous, chaque fromager et chaque fromage ont leur importance et noustissons des liens personnels avec chacun de nos fromagers.»Parmi les fromageries reprĂ©sentĂ©es par Fromages CDA, certaines ont une bonne taille, comme la Fro-magerie Abbaye Saint-BenoĂźt ou la Fromagerie Frizt Kaiser, qui produisent plusieurs types de fromageset sont par consĂ©quent plus connues du grand public; d’autres sont plus petites, comme la FromagerieLa Vache Ă  Maillotte, qui n’a qu’un seul produit, l’Allegretto, un fromage au lait cru de brebis.

PrĂ©sence sur les Ă©tals des dĂ©taillantsLe goĂ»t des QuĂ©bĂ©cois pour les fromages fins est relativement rĂ©cent et s’est principalementformĂ© au contact des fromages europĂ©ens, notamment français, importĂ©s au QuĂ©bec. Mais ce

goĂ»t des fromages fins a aussi permis l’émergence d’une industrie fromagĂšre artisanale quĂ©bĂ©-coise qui, en peu de temps, a fait des progrĂšs prodigieux. Aujourd’hui, les fromages artisanauxquĂ©bĂ©cois rivalisent de finesse et de qualitĂ© avec les produits d’importation. À preuve, on lestrouve de plus en plus facilement sur les Ă©tals de divers types de dĂ©taillants. «Nous distribuonsenviron 50 % des fromages que nous reprĂ©sentons dans les grandes chaĂźnes, 35 % dans les

boutiques spécialisées et 15 % dans les restaurants et les hÎtels.»La stratégie commerciale de Fromages CDA varie selon le créneaude distribution et selon la volonté et la capacité du fromager. «Par

exemple, si l’on veut distribuer un produit dans une grande chaĂźne alimentaire, le fromager doit ĂȘtre en mesure de fournir un certain volume, mais il doit surtout ĂȘtre en mesure d’assurer la stabilitĂ© de l’approvisionnement et la qualitĂ© du produit. Ce n’est pas un crĂ©neauqui convient Ă  tous les fromagers; certains n’en ont pas les moyens etd’autres n’en ont pas envie. De plus, en chaĂźne alimentaire, le fromage

doit parler de lui-mĂȘme. L’emballage, le nom du fromage et l’allure decelui-ci doivent ĂȘtre parfaits si l’on veut attirer l’Ɠil du consommateur,car il n’y a personne qui vend le fromage.»

Tout le contraire des boutiques spĂ©cialisĂ©es. «Dans les boutiques, le service est personnalisĂ©. S’il y a une tache sur la croĂ»te du fromage, le

vendeur va expliquer au consommateur pourquoi. Le vendeur va mĂȘme luifaire goĂ»ter un autre fromage s’il croit que ce dernier pourrait l’intĂ©resser.Par exemple, des boutiques comme Hamel ont grandement contribuĂ© Ă 

faire connaĂźtre les fromages artisanaux quĂ©bĂ©cois auprĂšs de leur clientĂšle.»Le secteur de la restauration est plus rĂ©cent. «C’est un secteur difficile etplus long Ă  pĂ©nĂ©trer. Je me suis associĂ© Ă  des distributeurs alimentaires

spécialisés en hÎtellerie pour faire entrer mes fromages sur les tables desrestaurants et des hÎtels.»

Marché québécoisLe marché québécois est le premier marché visé par Fromages CDA. Et bien

que la prĂ©sence des fromages quĂ©bĂ©cois soit maintenantassurĂ©e, il y a encore beaucoup Ă  faire pour qu’ils occu-pent leur juste part du marchĂ©. «Ce qu’il faut Ă©vitersurtout, c’est une surenchĂšre entre les fromagers quĂ©bĂ©-cois. Nos compĂ©titeurs ne sont pas au QuĂ©bec, mais bien enEurope. Quand je plaide pour qu’un de mes dĂ©taillantsm’accorde plus de place, je lui suggĂšre toujours d’enleverun produit d’importation. Évidemment, il y aura toujoursdes fromages importĂ©s, certains sont mĂȘme incontour -nables, mais il y a beaucoup de produits d’importation, pasplus renommĂ©s que les nĂŽtres, qui pourraient ĂȘtre avan-tageusement remplacĂ©s par un fromage du mĂȘme type fabriquĂ© ici.»

De plus, il aimerait bien que les fromages quĂ©bĂ©cois jouentselon les mĂȘmes rĂšgles que les fromages d’importation, unesituation qui selon lui nuit aux fromages quĂ©bĂ©cois. «Par

exemple, la rĂ©glementation permet l’importation d’un fromageau lait cru de moins de 60 jours, mais un fromage quĂ©bĂ©cois au lait cru doit avoirplus de 60 jours. On permet mĂȘme l’importation de fromages dont le sĂ©chage sefait dans un hĂąloir sur terre battue, ce qui est interdit au QuĂ©bec.»

MarchĂ© extĂ©rieurFromages CDA distribue aussi ses fromages dans les autres provinces canadi-ennes et maintenant un peu aux États-Unis. Et la rĂ©putation des fromagesquĂ©bĂ©cois les prĂ©cĂšde. «Les fromages quĂ©bĂ©cois font bonne impression. D’une

part, la qualitĂ© est au rendez-vous et, d’autre part, l’offre quĂ©bĂ©coise est diversifiĂ©e. Ensuite, nous avons au QuĂ©bec des antĂ©cĂ©dents fromagers, une

histoire et un terroir, ce que les autres provinces canadiennes et les États-Unisn’ont pas encore.»

C’est donc un marchĂ© que les fromages quĂ©bĂ©cois peuvent pĂ©nĂ©trer et, selonDaniel Allard, devront pĂ©nĂ©trer. «Si l’on veut augmenter le volume de produc-tion des fromages quĂ©bĂ©cois, il faut se tourner vers les marchĂ©s extĂ©rieurs.»

Il croit aussi que les prochaines annĂ©es sont cruciales pour l’industrie fromagĂšre quĂ©bĂ©coise. «Le plus grand dĂ©fi de notre industrie, c’est

d’assurer et de maintenir une constance dans la qualitĂ© de nosproduits et une rĂ©gularitĂ© dans leur production. Si on relĂšve ce

dĂ©fi, les fromages quĂ©bĂ©cois sont assurĂ©s d’un bel avenir.»

Les fromagesartisanaux de

Fromages CDA

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VINS ET FROMAGES DU QUÉBEC

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