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Février 2007 23 Février 2007 23 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ JURASSIENNE DES OFFICIERS BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ JURASSIENNE DES OFFICIERS BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ JURASSIENNE DES OFFICIERS

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Février 2007 N° 23Février 2007 N° 23

B U L L E T I NDE LA SOCIÉTÉJ U R A S S I E N N EDES OFFICIERS

B U L L E T I NDE LA SOCIÉTÉJ U R A S S I E N N EDES OFFICIERS

B U L L E T I NDE LA SOCIÉTÉJ U R A S S I E N N EDES OFFICIERS

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BULLETIN DE LASOCIÉTÉ JURASSIENNEDES OFFICIERS

N° 23 Février 2007

Editeur:Comité de la Sociétéjurassienne des officiers

Rédacteur responsable:Cap Gérard Guenat1, route d’Alle2900 Porrentruy

Tirage: 1200 exemplaires

Prix du numéro: Fr. 15.–

Réalisation:DEMOTEC SAMicroédition-ImprimerieFbg Saint-Germain 5a2900 Porrentruy

Administration, publicité et impression:Imprimerie 20002900 PorrentruyTél. 032466 55 21Fax 032466 72 34

Internet:www.military.ch/SCJO

Photo page couverture:Photo J.-F. Nussbaumer.Vue aérienne du châteaude Porrentruy.

Billet du Président (Col Jean-François Gnaegi) 3

Procès-verbal de l’Assemblée générale 2006 5

Deux ouvrages «jurassiens» sortent de presse (H.W.) 13

Nécrologie– En souvenir du colonel Paul Gehler 17– Le colonel EMG Henri Daucourt

s’est annoncé partant… (Col H. de Weck) 19– Le colonel Marcel Bosshard s’est éteint à Zurich (R.V.) 21

8 octobre 2006: Wolschwiller se souvient… (Col H. de Weck) 23

Armée XXI: «Form follows function» (Maj EMG A. Vautravers) 25

Aux aguets sur la frontière (Nicolas Lehr) 29

Assainissement de la décharge de Bonfol… (Plt J.-L. Eberlin) 31

L’exercice «REGIO CAT 2006» 35

Où va la Télévision suisse romande? (Lt col J.-J. Rapin) 39

«L’honneur perdu» (Henry Spira) 43

L’état-major de force N° 1 de Besançon (G. Lefebvre) 45

Reflets 55

Voltaire inventeur du char blindé? 57

Des bastions au château de Porrentruy au début du XVIIe siècle(Jean-François Nussbaumer) 59

Franz Riedweg: Un «paneuropéen» suisse au service de la SS (Cap D. Queloz) 63

Le SR suisse face à la menace allemande 1939-1945 (Cap D. Queloz) 69

1939-1945: quelques aspects de la guerre secrète en Suisse (Col H. de Weck) 73

Souvenirs du service actif (1940-1944) (B. Primault) 83

Marcel Nusbaumer dans l’antichambre de la mort (P. Croissant) 99

SOMMAIRE

Page 4: BULLETIN BULLETIN BULLETIN

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pour la conduite parfaite de ces deuxentreprises.

En plus de l’Union des officiers de ré-serve du territoire de Mulhouse, la Com-mune de Wolschwiller a voulu associerà la commémoration de sa libération de1944 les sociétés d’officiers des deuxBâle, des Cantons de Soleure et du Jura.Une délégation suisse forte d’une dizai-ne d’officiers a participé à cette cérémo-nie ponctuée par un message très appré-cié de votre Président.

Comme les années précédentes, les ac-tivités habituelles ont eu des succèscontrastés. Le tir SJO de juin et le tir decombat de septembre ont été, avec l’a-péritif de fin d’année, les manifestationsqui ont rencontré le plus de succès. Lavisite du centre de recrutement de Lau-sanne a dû être annulée, faute d’unnombre de participants suffisants.

Le comité tient à conserver ces activi-tés… Peut-être fait-il fausse route, parceque d’autres types d’animation sont sou-haités. Merci aux membres de nous lefaire savoir!

La Revue militaire suisse a très digne-ment fêté ses 150 ans d’existence par lapublication d’un ouvrage et par l’orga-nisation d’une fête en octobre à la salle

L’année 2006 a été marquée par deuxévénements importants qui ont un dé-nominateur commun, le rapprochementavec nos camarades officiers français dela région de Mulhouse et ceux des deuxBâle.

C’est le Colloque franco-suisse du 29avril 2006 à Lucelle qui a été l’élémentfédérateur qui s’est trouvé renforcé parla commémoration de la libération de1944 à Wolschwiller, le 8 octobre der-nier.

Le Colloque de Lucelle a été un vérita-ble succès, puisque cent cinquante per-sonnes sont venues écouter des histo-riens français et suisses donner leuréclairage sur un aspect de ce qui s’estdéroulé des deux côtés de la frontièredu Jura bernois et des régions françaiseset alsaciennes avoisinantes, durant lapériode de 1939 à 1950. Les Actes ducolloque sortiront de presse à la fin fé-vrier; ils prolongeront les interventionsdes différents conférenciers et leur per-mettront de développer des aspects quele temps de parole, lors du Colloque, lesavait empêchés de traiter ou de déve-lopper. La vaste campagne de souscrip-tion que nous avons lancée a été unsuccès, puisque près de quatre centsexemplaires ont été commandés. Ungrand merci au colonel Hervé de Weck

Billet du Président

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Général-Guisan à Verte-Rive (Pully).Cette revue, propriété entre autres dessociétés romandes d’officiers d’une part,doit sa longévité d’une part à l’engage-ment de nombreux bénévoles, d’autrepart également à la qualité de son con-tenu et au soutien financier de nomb-reux officiers qui estiment qu’elle doitabsolument être maintenue. Une nou-velle équipe de rédaction, comprenantle major EMG Vautravers et le lieutenantcolonel EMG Ludovic Monnerat, a dé-veloppé un nouveau concept compre-nant une édition-papier format A4 etune édition Internet (www.revuemilitai-resuisse.ch). Ces deux officiers ont prisla succession du colonel de Weck qui atenu pendant quinze ans la barre denotre Revue militaire suisse.

Au niveau suisse, la SSO continue de sebattre pour le maintien d’une armée demilice adaptée à la menace réelle etaux besoins effectifs de sécurité denotre population. Le vote négatif de l’Etape de développement 2008-2011,lors de la session d’automne 2006 desChambres fédérales, montre que mêmeun concept réaliste peut être refusé sil’on reste campé sur des positions doc-

trinaires. La SSO a clairement pris posi-tion en formulant un certain nombre depostulats qui ne remettent pas en causece qui est proposé par le Départementde la défense et qui s’accrochent tous àune réévaluation de la politique de sé-curité lors de chaque législature et à lamise à disposition d’un budget annuelminimum de quatre milliards de francs.

Comme vous pouvez le constater, il y adu travail pour chacun d’entre nous. Endevenant officier, nous avons acceptéd’offrir un peu de nous-mêmes à notrepays. En un temps où rien n’est gratuit,ce geste est à souligner et à mettre enévidence. Le combat que va mener lagauche ces prochaines années porterasur la suppression de l’obligation deservir et la mise en place d’une arméeprofessionnelle. Si ce premier pas estaccepté, le suivant qui consiste en lasuppression pure et simple de notre ar-mée va suivre rapidement.

Nous voilà avertis, soyons vigilants pourque notre pays ne soit pas envahi parl’armée des autres.

Colonel Jean-François Gnaegi

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La vie de la SJO

Procès-verbal de l’assembléegénérale 2006

Procès-verbal 22e assemblée généraleordinaire de la Société jurassienne desofficiers, samedi 25 mars 2006 à 16 hà la Salle polyvalente La Pépinière auxBreuleux

1. Ouverture de l’assemblée

Après que la Fanfare des Breuleux ait in-terprété La Rauracienne et l’Hymne na-tional, l’assemblée rend hommage aulieutenant colonel Paul Gehler, décédédurant l’année écoulée.

Le président, le colonel Jean-FrançoisGnaegi, ouvre la 22e assemblée ordinai-re, en fait la 1re sous la nouvelle déno-mination de Société jurassienne des officiers, en souhaitant une cordialebienvenue aux invités et aux membres:

– M. Charles Juillard, président du Par-lement jurassien;

- M. Jérôme Piquerez, conseiller com-munal des Breuleux;

- Le colonel de gendarmerie BenoîtBeauchesne, chargé de la coordina-tion «Nucléaire-Radiologique-Bacté-riologique-Chimique» et des affaires«Défense» auprès du ministère de laSanté pour le grand Est de la Franceet conseiller «Santé» pour le Préfetde la zone de défense Est, orateur dujour;

– Div Jean-François Corminbœuf, cdtrég ter 1;

– Div Jean-Pierre Badet, représentant dela Suisse auprès de l’OTAN à Bruxel-les, accompagné de son épouse;

– Div Frédéric Greub, ancien cdt divcamp 2 et membre d’honneur de no-tre société, accompagné de sonépouse;

– Br Martin Chevallaz, cdt br inf 2;– Div Dominique Juilland, ancien atta-

ché militaire Suisse à Paris et prési-dent de l’Association de la Revue mi-litaire suisse;

– Col Charles Socchi, cdt ar 9 b et chefde l’Office de la sécurité et de la pro-tection de la République et Cantondu Jura, ancien président et membred’honneur SJO;

– Mme le cap Irène Thomann, secrétairegénérale de la SSO, représentant lecol EMG Michele Moor, président dela SSO;

– Les anciens présidents et membresd’honneur, le col EMG Pierre Paupe,le col Jean-Michel Dubail, le maj BéatLeuenberger;

– Col EMG Michel Thiébaud, présidentde la Fédération jurassienne de tir etancien commandant de la Place d’ar-mes de Bure;

– Cap Christophe Chollet, vice-prési-dent de la Société neuchâteloise desofficiers;

– M. Gérald Froté, président de l’Asso-ciation des fourriers du Jura;

– Sgt Yves Domont, président de la So-ciété des sous-officiers d’Ajoie;

– Lt col Jean-Paul Grünenwald, mem-bre d’honneur SJO et vice-présidentde l’Assurance accident des sociétésde tir;

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Des salutations particulières aux colo-nels Manfred Lanz et Philippe Zahno,membres actifs de notre société. Nousont fait part de leur absence:

– Le Ministre Claude Hêche, chef duDépartement de la santé, des affairessociales et de la police, en chargedes affaires militaires;

– Mme Madeleine Amgwerd, conseillè-re aux Etats;

– M. Pierre-Alain Gentil, conseiller auxEtats;

– M. Pierre Kohler, conseiller national;– M. Hubert Ackermann, vice-prési-

dent de l’Assemblée interjurassienneet président de la délégation du Can-ton du Jura;

– M. Walter von Kaenel, vice-présidentde l’Assemblée interjurassienne etprésident de la délégation du Jurabernois;

– M. Henri-Joseph Theubet, comman-dant de la Police cantonale juras-sienne;

– Br Jean-Jacques Duc, cdt br bl 1;– Br Michel Chabloz, commandant de

la Formation d’application de l’infan-terie;

– Br Daniel Roubaty, cdt br log 1;– Br Roland Favre, cdt br inf mont 10;– Br Jean-Pierre Weber, ancien com-

mandant br fr 3;– Col EMG Michele Moor, président de

la SSO;– Col Denis Froidevaux, président de la

Société vaudoise des officiers;– Col EMG François Thalmann, prési-

dent de la Société fribourgeoise desofficiers;

– Lt col EMG Norberto Birchler, prési-dent de la Société militaire du Can-ton de Genève;

– Col Hervé de Weck, rédacteur en chefde la Revue militaire suisse, membred’honneur et membre du comité dela Société Jurassienne des Officiers;

– Col EMG Jacques Valley, ancien pré-sident et membre d’honneur SJO;

– Col André Bacon, ancien président etmembre d’honneur SJO,

– Ainsi que 31 membres SJO.

L’ordre du jour est accepté sans opposi-tion.

2. Nomination des scrutateursLes capitaines Jean-Jacques Zuber etEdouard Vifian sont désignés commescrutateurs.

3. Approbation du procès-verbal de l’assemblée générale 2005Le procès-verbal de l’assemblée géné-rale 2005, publié dans le Bulletin SJON° 22, est accepté à l’unanimité desmembres présents.

4. Rapport du présidentSelon de nombreux indicateurs écono-miques, nous vivons actuellement unepériode d’embellie qui, en tout cas,n’est pas perceptible pour l’instant dansnotre région ni clairement affichée à lalecture des comptes des collectivitéspubliques. Les dépenses sociales et desanté enflent chaque année, obligeantles grands argentiers à diminuer les dé-penses dans l’instruction, la protectionde l’environnement et les infrastructuresde tout ordre. La couverture des intérêtset le remboursement de la dette rendentégalement plus difficile la recherche del’équilibre financier.

Il est clair que, dans cette tourmentemarquée par la recherche de solutionspour assurer la survie de l’AVS et del’Assurance-invalidité, les préoccupa-tions liées à la sécurité et à l’armée pas-sent au second plan. Et pourtant le

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de la participation pouvait être escomp-tée, à la suite de la fusion. La fin de l’an-née a été dignement fêtée lors d’un apéritif réunissant plus de quarantemembres à la centrale de chauffage duThermoréseau de Porrentruy.

En 2006, neuf activités sont proposéespar le Comité, elles ont déjà été évo-quées dans un courrier adressé à cha-cun en février dernier; elles seront en-core commentées par le vice-présidentau point 10 de l’ordre du jour. Je sou-haite naturellement une belle participa-tion, véritable récompense pour les ef-forts déployés par les organisateurs.

Le 22e Bulletin SJO a été tiré à 1300exemplaires et a été distribué à tous lesmembres de la SJO ainsi qu’à près demille personnalités politiques et militai-res du Canton ou hors Canton. Commeà l’accoutumée, les articles et les infor-mations qu’il contient ont rencontré unécho favorable. La qualité du Bulletin estreconnue loin à la ronde grâce au travailde son rédacteur, le col Hervé de Weck,de son éditeur, le cap Gérard Guenat,ainsi qu’au soutien financier du Gou-vernement jurassien et des entreprisesqui acceptent de souscrire des an-nonces.

Pour traiter les affaires courantes et pourorganiser les différentes manifestations,le Comité s’est réuni à six reprises. Deplus, le président et le vice-présidentont participé à deux conférences desprésidents SSO et à l’Assemblée des dé-légués. Une importante activité a étédéployée: je remercie donc très sincère-ment les membres du comité de leursefforts et de leur engagement pour laSJO et pour notre armée.

En ce qui concerne les promotions oumutations, j’ai le plaisir de vous annon-cer les officiers suivants:

chantier de l’Armée XXI a laissé et lais-sera encore une trace bien visible, ma-térialisée par la diminution des effectifs,la suppression de nombreux postes detravail et la perte d’un ancrage réel dansla population. La nécessité de l’arméese fait sentir ici ou là, lors d’événementsde grande envergure, par exemple lesintempéries de l’an dernier ou les be-soins de sécurité croissants dans le ca-dre de l’Eurofoot 2008.

Le désintérêt des politiciens pour la dé-fense a poussé la Société suisse des offi-ciers à prendre une position tranchéesur le rôle de notre armée. C’est la poli-tique de sécurité qui doit dessiner lescontours de notre armée, non pas lesmoyens que l’on veut lui mettre à dispo-sition. La SSO va poursuivre sa tâche dedéfense des intérêts des officiers en in-tervenant beaucoup plus intensivementdans le débat politique. Je salue en celal’engagement du nouveau président dela SSO, le col EMG Michele Moor, quise bat avec beaucoup de convictiondans un environnement qui ne lui estpas toujours favorable. La SJO sera natu-rellement derrière lui pour l’appuyer.

Il y aura bientôt une année que la So-ciété jurassienne des officiers vit dans sanouvelle structure. Le changement s’estbien déroulé, sans poser de problèmesmajeurs, même si un grand nombre dedémissions sont à déplorer, 13 au total.Elles proviennent pour l’essentiel demembres déjà peu actifs et, pour la plu-part d’entre eux, en retraite militaire de-puis longtemps. Il n’est malheureuse-ment pas toujours possible de contentertout le monde!

Les activités organisées durant l’annéeont eu des succès contrastés. Commetoujours le pique-nique familial et le tirde combat au pistolet ont remporté unbon succès, même si une augmentation

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– Le maj Martin Studer est promu augrade de lt col, à l’EM rég ter 1, com-me officier de sûreté;

– Le cap Edouard Vifian, cdt cp inf19/3, est muté à l’EM bat inf 19, offi-cier à disposition du commandant;

– Le lt col Jean-Paul Grünenwald, lemaj Béat Leuenberger et le plt Jean-François Pape sont libérés des obliga-tions militaires.

A la fin de ma première année de prési-dence, je tire un bilan positif, même sitout ne s’est pas déroulé comme je mel’étais imaginé. Une des qualités del’homme, c’est sa capacité à s’adapter.Je m’adapte donc aux changements et àcertaines visions différentes des mien-nes. J’estime que la SJO a mis en placedes structures qui lui permettront à l’a-venir de faire face aux nouvelles trans-formations qui ne manqueront pas d’ar-river encore.

5. Rapport du caissier

Les comptes 2005 sont présentés par lelt col Jean-François Bertholet.

Bilan au 31.12.2005

Actif disponible CHFCaisse 80.00CCP 1391.70Compte «exploitation» 28045.62Compte «publications» 15858.95Compte «votations» 3172.65Total 45548.92

Réalisable à court/moyen termeDébiteurs cotisations 595.00Débiteurs bulletins 255.00Impôt anticipé 22.00Total 872.00

Total de l’actif 49420.92

PassifExigible à court/moyen termeCréanciers 468.95

Compte de régularisationPassifs transitoires 3000.00

Fonds propresCapital 45043.28Bénéfice/perte de l’exercice 908.69Total 45951.57

Total du passif 49420.92

Compte de pertes et profitProduitsCotisations encaissées 6445.00Bulletin SJO 2329.40Subvention cantonale RCJ 3000.00Revenus des capitaux 44.50Produits divers 0.00Prix SJO 0.00Total 11818.90

ChargesAssemblée générale 2007.30Subvention RMS 600.00Cotisations centrales SSO 1980.00Frais administratifs + divers 2172.45Frais CCP et bancaires 205.71Prix SJO 3000.00Frais divers 0.00Activités 944.75Total 10910.21

Bénéfice de l’exercice 908.69

6. Rapport des vérificateurs des comptes

Le plt Edy Comastri, vérificateur descomptes avec Mme le cap Laurence Boil-lat, donne lecture du rapport qui met enévidence la parfaite tenue de la compta-bilité et propose l’acceptation de celle-ci avec décharge accordée au caissier.

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Produits CHFCotisations encaissées 6000.00Bulletin SJO 1500.00Subvention cantonale RCJ 3000.00Revenus des capitaux 50.00Produits divers 200.00Total 10750.00

ChargesAssemblée générale 2006 3000.00Subvention RMS 600.00Cotisations centrales SSO 1900.00Frais administratifs + divers 1700.00Frais CCP et bancaires 250.00Frais divers 300.00Activités 3000.00Total 10750.00

Bénéfice/perte de l’exercice 0.00

Le montant de la cotisation et le budget2006 sont acceptés par un vote una-nime.

10. Activités 2006

Les activités planifiées sont présentéespar le vice-président, le lt col OlivierJacot-Guillarmod.

29 avrilDès 09 h 00: Colloque franco-suisse,Centre européen de recherche, Lucelle.2 juinDès 17 h 00: Tir SJO, Stand du Bambois,Delémont.14 juinDès 17 h 30: Tir pistolet, Stand de tirSonvilier.Début juilletDès 11 h 00: Pique-nique familial. Lieuencore à fixer.8 septembreDès 17 h 30: Tir de combat pistolet,Stand du Varieu Bure.

7. Approbation des rapports

Les rapports du caissier et des vérifica-teurs sont acceptés à l’unanimité.

8. Admissions, démissions

La société compte à ce jour 185 mem-bres.Trois admissions ont été enregistrées; ils’agit du

– lt col Martin Studer, of sûr EM li tercant FR;

– lt François Gigon, cp chass chars 2/2;– lt Christophe Pamberg, bttr art 1/2.

La plus cordiale des bienvenues estadressée à ces trois nouveaux membres.

Treize officiers ont fait part de leur dé-mission; il s’agit du– maj Jean Stucki;– maj Gérard Thiévent;– cap Alexandre Farago;– cap Bernard Meyer;– plt Bertrand Maître;– plt Romain Lerch;– plt Gaston Maître;– plt Jean-Louis Müller;– plt Michel Sautebin;– plt Charles Wilhelm;– M. Michael Métille;– M. Jean-Paul Nappiot;– M. Gérard Villars.

Nous regrettons mais nous acceptonsleur décision.

9. Cotisations et budget

Le Comité propose de maintenir la coti-sation annuelle à CHF 50.00. Dans cet-te somme, un montant de CHF 15.00 estréservé pour le Bulletin SJO et CHF10.00 vont à la SSO. Le budget 2006 estprésenté par le caissier, le lt col J.-F. Bertholet:

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11 novembreDès 09 h 00: Course d’orientation,Asuel et tir de Saint-Martin.2 décembreDès 10 h 00: Apéritif de fin d’année,Moulin de Vicques.Date encore à définirVisite du Centre de recrutement, Lau-sanne.

11. Divers

Message des autorités militaires.– Lesalut des autorités militaires est adressépar le div Jean-François Corminbœuf,

cdt rég ter 1, qui apporte de nombreusesinformations sur l’étape de développe-ment 2008-2011 de notre armée.

Message des autorités cantonales.– Lesalut des autorités politiques cantonalesest adressé par le président du Parle-ment jurassien, M. Charles Juillard, qui,à partir de son vécu d’officier supérieurde milice, donne sa version naturelle-ment idéale de notre armée.

L’assemblée clôturée à 17 h 45 est sui-vie d’un intéressant exposé du colonelde gendarmerie Benoît Beauchesne surla lutte antiterroriste en France.

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Deux ouvrages «jurassiens» sortent de presse!

Dimitry Queloz, docteur ès lettres,publie…… Les rapports des attachés militaire français sur les manœuvressuisses (1874-1911)

Dimitry Queloz, de Saint-Brais et mem-bre de la Société jurassienne des offi-ciers, a obtenu sa licence ès lettres àl’Université de Neuchâtel, avec un mé-moire portant sur le processus de créa-tion de l’Escadre de surveillance (1933-1941). Au printemps 2006, il a soutenuà la même Université une thèse de doc-torat intitulée De la «manœuvre napo-léonienne» à l’«offensive à outrance». La tactique générale dans la pensée et la doctrine de l’armée française, 1871-1914, obtenant la mention «Summacum laude». Sa thèse va être publiée àParis. Avec l’appui du Fonds national dela recherche scientifique, il prépare ac-tuellement le tome IV de l’Histoire del’Etat-major général suisse, qui couvre lapériode 1874-1906. Après en avoir étéle secrétaire général, il assume la direc-tion du Comité de bibliographie de laCommission internationale d’histoiremilitaire qui a publié, depuis 1980, 27volumes.

Dimitry Queloz vient de publier Lesattachés militaires à Berne et les grandesmanœuvres de l’armée suisse (1874-1911). L’édition critique de ces rapportspermet de saisir les relations militairesfranco-suisses et de mieux connaître

Dimitry Queloz au Colloque de la Com-mission internationale d’histoire militai-re à Prague en 1997.

l’armée suisse elle-même. Les attachésmilitaires français traitent de la valeurde l’armée suisse avec beaucoup d’at-tention. Conscients que la Suisse occu-pe une position géographique et straté-gique importante pour la sécurité de laFrance, ils donnent à Paris une imageprécise de la force militaire de la Confé-dération.

Le commandement supérieur suisse,constitué surtout de miliciens, est consi-déré comme compétent et instruit, maisdes exceptions sont signalées, avec des

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formulations qui n’ont rien de la languede bois. L’absence d’expérience et depratique des officiers de milice revientsouvent sous la plume des attachés mili-taires, mais ils mentionnent aussi lesavantages que procure une activité civi-le. Les professions exercées par les ca-dres supérieurs les entraînent, non seu-lement à décider et à commander, maisleur donnent une culture générale etune habitude des situations complexeset évolutives de la vie moderne que lesmilitaires de carrière ne possèdent pasforcément.

Les attachés militaires soulignent les dé-fauts, les lacunes chez les comman-dants de régiment, de bataillon, decompagnie et chez les chefs des petitesformations, mais ils reconnaissent lesqualités de la troupe. L’armée fédéralearrive à des résultats étonnants, malgrédes temps limités d’instruction, des éco-

Données techniques

Les attachés militaires français à Ber-ne et les grandes manœuvre de l’ar-mée suisse (1874-1911). Publicationde sources avec une introductionscientifique par le capitaine DimitryQueloz, docteur ès lettres. Berne,Association suisse d’histoire et desciences militaires, Bibliothèque mi-litaire fédérale, 2006.

– 24 x 16 cm– 370 pages avec une trentaine d’il-

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les de formation très courtes pour lescadres et des cours de répétition bisan-nuels. Avec les réformes de la loi surl’organisation militaire de 1907, de sérieux progrès sont signalés dans lesrapports.

Les grandes manœuvres sont-elles unmoyen d’instruction pour les GrandesUnités? Les rapports des attachés mili-taires français constituent un précieuxcomplément aux sources d’origine suis-se, dans le sens où ils sont extérieurs àl’armée suisse et présentent une opinionneutre. Ils ne sont pas influencés par lesquestions politiques, confessionnelles,doctrinales ou linguistiques qui peuvententacher les jugements de certains mili-taires ou journalistes autochtones.

Manœuvres du 2e corps d’armée en1910: les officiers étrangers entrent àPorrentruy passant devant la Banquepopulaire suisse (actuellement le Créditsuisse).

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Les Actes «Des deux côtés de lafrontière» du Colloque de Lucelle

L’idée d’organiser le colloque Des deuxcôtés de la frontière: le Jura bernois, lesrégions françaises et alsaciennes avoisi-nantes (1939-1950) découle d’une cons-tatation: dans le Jura, le Jura bernois eten Suisse, on ignore le plus souvent cequi s’est passé durant l’occupation alle-mande dans le Pays de Montbéliard, leTerritoire de Belfort et le Sundgau, lesort des «Malgré nous» et des «Malgréelles» en Alsace, celui des Suisses rési-dant en France et des personnes de lazone frontière française venues se réfu-gier en Suisse. Dans ces régions et,généralement en France, qui connaît la

Données techniques

Des deux côtés de la frontière: le Jurabernois, les régions françaises et alsa-ciennes avoisinantes (1939-1950).Actes du Colloque franco-suisse du29 avril 2006 à Lucelle, sous le pa-tronage de la Région Alsace, du Con-seil régional du Haut-Rhin et duGouvernement de la République etCanton du Jura. Rédaction scientifi-que Hervé de Weck. Porrentruy etMulhouse, Société jurassienne desofficiers, Union des officiers de ré-serve de la région de Mulhouse,2007. 180 pp.

– 24 x 16 cm– 180 pages avec illustrations noir-

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et d’emballage.

politique suisse vis-à-vis des réfugiés etles conversations d’états-majors franco-suisses visant à assurer une aide mili-taire française en cas d’invasion de laSuisse par la Wehrmacht?

Le 29 avril 2006, l’Union des officiersde réserve de la région de Mulhouse etla Société jurassienne des officiers ontorganisé au Centre européen de rencon-tres à Lucelle (F) un colloque franco-suisse consacré à ces sujets. Huit com-munications de spécialistes français etsuisses ont été présentées, dont les ver-sions écrites sont publiées sous formed’actes. L’édition de ces contributions sesitue dans un contexte. La Société juras-sienne des officiers propose depuislongtemps au public des publicationsconsacrées aux périodes de conflit dansle nord-ouest de la Suisse: Fin de la Se-conde Guerre mondiale aux frontières del’Ajoie (1994), Le général Guisan et lesJurassiens (1995), Bâle et le plateau deGempen au début de la Seconde Guerremondiale (1997), Géographie militairedu Jura bernois 1907 (2000), L’armée etla population dans le Jura et le Jura ber-nois (2004). En Alsace, comme ailleursen France, on est très sensible au («de-voir de mémoire» et de nombreuseslocalités mettent sur pied des commé-morations populaires qui sont de hautetenue.

H. W.

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Table des matières

–Hervé de Weck (CH): Le général HenriGuisan, commandant en chef de l’ar-mée suisse et les conventions franco-suisses dans l’hypothèse d’une invasionde la Suisse par la Wehrmacht.– Jean-Laurent Vonau (F): L’Alsace et lesAlsaciens, comment ont-ils survécu àl’annexion du IIIe Reich (19 juin 1940 –19 mars 1945)?– Eugène Riedweg (F): Les «Malgrénous» et les «Malgré elles», l’incorpo-ration de force des Alsaciens-Mosellansdans l’armée allemande (25 août 1942 –8 mai 1945).– Claude Hauser (CH): Les réfugiésdans le Jura bernois.

– Henri-Christian Giraud (F): L’évasiondu général Giraud et la résistance del’Armée.

– Jean-Laurent Vonau (F): L’épurationen Alsace (1944-1953) et le procès deBordeaux (janvier 1953).

– Mattia Piattini (CH): Effet et impactde la guerre sur les ressortissants suissesétablis dans la zone frontalière française(1945-1950). Le cas du Consulat deSuisse à Besançon.

– Christian Favre (CH): Le quotidiend’une frontière en guerre. Le cas des régions suisses limitrophes à l’Alsacedurant la Seconde Guerre mondiale(1939-1945), la vie quotidienne desdeux côtés de la frontière.

– Pascal Froehly (F): Le général Girauddans la région de Liebsdorf.

– André Dubail (F): Pfetterhouse pen-dant la Seconde Guerre mondiale.

– Robert Belot (F): Conclusions scienti-fiques, mémoire, territoire et histoire.

Découpez ou photocopiez

Bulletin de commande

Nom: Prénom:

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Date: Signature:

Commandeexemplaire(s) Les attachés militaires français à Berne et les grandes manœuvresde l’armée suisse (1874-1910) au prix de CHF 45.– + frais de port et d’embal-lage.exemplaire(s) Des deux côtés de la frontière: le Jura bernois, les régions françai-ses et alsaciennes avoisinantes (1939-1950) au prix de CHF 30.– + frais de portet d’emballage.

A renvoyer à Hervé de Weck, rue Saint-Michel 7, CH-2900 Porrentruy (fax 032466 29 74), e-mail: [email protected].

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mondiale lui a été dédié pour sesactions humanitaires pendant cette pé-riode très difficile.

Accrédité pour des tâches humanitairesauprès des quatre grandes puissancesdans l’Allemagne occupée, aide decamp et homme de confiance du géné-ral Poignant dont il admirait la droitureet la noblesse de cœur, il nous raconterales détresses qu’il avait vues dans laville de Berlin en ruine.Ces souvenirs sont restés gravés dansma mémoire à travers ses albums dephotos qu’il nous montrait.

Décès du colonel Paul Gehler

L’hommage de sa fille cadetteIl est difficile de résumer un père à quel-ques souvenirs. J’aimerais cependantsimplement en rappeler quelques-unsavec les grandes lignes de son parcours.C’est une façon pour moi de lui rendrehommage.

Homme pressé, mon père est né à septmois à l’époque où il n’y avait pas decouveuse. Pour aller plus vite dans sesétudes, il sautera deux classes et feraune première maturité scientifique àdix-sept ans et une deuxième, latin-grec-philosophie à dix-huit ans.

En effet, après l’obtention de son docto-rat en médecine à l’Université de Bâle,il se sentira vivement concerné par les événements d’après-guerre. Ainsi, ils’engagera dans différentes missionsdont l’une d’elles sera de collaborerétroitement avec l’Université de Stras-bourg pour mettre sur pied un serviced’accueil à Schiltigheim en Alsace pourles professeurs et les étudiants rescapésdes camps de concentration et dontbeaucoup souffrent de typhus et de tu-berculose. Il organisera pour eux des sé-jours de convalescence dans des sana-toriums en Suisse.

Lors d’un de ses derniers séjours à l’hô-pital, mon père avait reçu d’une ancien-ne rescapée une lettre de reconnais-sance accompagnée de son témoignagemanuscrit racontant ses quatorze moisde détention dans les camps de concen-tration. Le livre intitulé L’Université deStrasbourg pendant la Deuxième Guerre

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Plus tard le Département militaire fédé-ral l’enverra à l’Ecole d’application duService de santé militaire du Val-de-Grâce à Paris, où il obtiendra avec suc-cès son diplôme de chirurgie de guerre.Il complétera cette formation par d’au-tres aux Universités de Bâle, Paris etStrasbourg. Grâce à cela, il sera affectépendant quelques années à différentesécoles d’officiers pour faire profiter lesjeunes aspirants de ses connaissances etexpériences acquises au sein de l’arméefrançaise.

Fervent patriote, l’armée comptera dansson parcours: il effectuera en tant qu’of-ficier le cours d’état-major général etcommandera, plus tard comme lieute-nant-colonel, un hôpital militaire.

En 1949, il rencontre sa future épouse:quatre enfants naîtront de cette union.En 1951, il ouvre avec elle un cabinetmédical ultramoderne à Bassecourt etdeviendra cofondateur de la Sociétésuisse de médecine scolaire.

Il cessera son activité en juillet 2005,mais quelques patients continueront àvenir le voir.

Toute sa vie a été marquée par cet espritde service, non seulement dans la mé-decine, mais aussi dans son engage-ment politique où il exercera deux mandats et présidera la Commissionpermanente de sciences et recherchesau Conseil national.

Mon père était un homme faisant peude commentaires; l’action au service

des autres était sa passion, son moteur.Il avait des pensées déterminées, desopinions et une volonté résolues avecun grand amour pour son pays et uncœur rempli par la foi en son métier eten Dieu. Je me souviens de ses gestestendres et rassurants au chevet de sesmalades qui comptaient tant pour lui.Cinquante-quatre ans de sacerdoce etdes mains qui n’ont cherché qu’à servir.Il s’en est allé avec l’espérance. qued’autres médecins reprendront le flam-beau avec le même esprit.

Nous confions son âme à Dieu et soncorps à la terre jurassienne qu’il trouvaitbelle et dont il a inlassablement par-couru toutes les routes, tous les sentiers,en toutes saisons, et à toute heure dujour et de la nuit. Nous vous le confionsaussi parce qu’il vous aimait.

Beaucoup se souviendront de son sou-rire, de son regard réconfortant, de sesmains fermes et douces caressant desvisages en souffrance.

Jésus nous dit qu’il n’y a pas de plusgrand amour que de donner sa vie pourdes amis. En ceci tu y es largement pourta part, Papa. Merci Seigneur de nousl’avoir donné.1

Bassecourt, le 9 novembre 2005.

Ta cadette

1 Cet hommage a paru dans Le Quotidien jurassien du 16 novembre 2005.

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Le colonel EMG Henri Daucourts’est annoncé partant!

«Le chemin le plus court n’est pas le meilleur,mais le meilleur est le plus court.»

Général Guderian

Colonel Hervé de Weck

grande chance car, sans cette rupture, ilaurait pu passer le reste de sa vie dansl’entreprise familiale! D’emblée, il serévèle un meneur d’hommes exception-nel et un expert de l’Arme blindée, pro-mis à la plus belle carrière. Capitaine en1966, il devient officier d’état-majorgénéral, puis major en 1976. Il suit leCours supérieur d’état-major de Civita-vecchia et est promu colonel en 1984. Ilcommande l’Ecole de recrues des trou-pes blindées 23/223 durant deux ans,

Au début juin 2006, MonseigneurGérard Daucourt, évêque de Nanterre,préside l’office de sépulture de son frèreHenri, officier de carrière des troupesmécanisées, dont le charisme, le sensdes relations humaines et l’humour ontimpressionné une multitude de soldats,de sous-officiers et d’officiers, tantromands qu’alémaniques, pour qui il aété un exemple et un chef qui les a pro-fondément marqués.

Né en 1940 à Delémont, il passe sonenfance à Movelier et à Courgenay, suitles cours du Collège St-Charles à Por-rentruy et de celui d’Altdorf; il effectueun apprentissage de commerce dans lapetite entreprise familiale. En 1959, ilfait son école de recrues dans les trou-pes blindées à Thoune, devient caporalet, dans la foulée, lieutenant en juin1961… C’est à cette époque qu’il tom-be amoureux de Raymonde, un événe-ment qui va marquer sa vie privée etprofessionnelle. Ses parents, qui n’ac-ceptent pas une liaison avec une jeunefille dont la famille n’est pas du mêmebord politique, rompent avec lui. Acette époque, de telles attitudes ne sontpas rares, du moins en Ajoie…

Henri Daucourt, qui doit gagner sa vieet celle de son épouse, s’engage dansl’instruction. Paradoxalement, c’est sa

Lors d’un Concours de patrouilles de laSociété des officiers d’Ajoie, un concur-rent, le col EMG Henri Daucourt, lecap Vino Montavon, le col Paul Cho-quard, chef des Affaires militaires de laRépublique et Canton du Jura, le brFrancis Hochuli, commandant de la bri-gade frontière 3 (de gauche à droite).

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l’Ecole d’officiers des troupes mécani-sées et légères durant un an, la placed’armes de Bure durant six ans, où ils’investit pour améliorer les relations«Armée-population» mises à mal par laQuestion jurassienne. Durant deux ans,Henri Daucourt est le chef d’état-majorde la division mécanisée 1, sous le divi-sionnaire André Chatelan, avant deprendre le commandement du régimentchars 1. Dans l’Armée 61, à une époqueoù la hiérarchie, moins obnubiléequ’aujourd’hui par les titres universitai-res, prend davantage en compte les qua-lités humaines, notre officier de carrièrepeut espérer les étoiles, en clair unedivision, vraisemblablement la divisionmécanisée 1, dont il aurait été l’un desrares commandants non vaudois. Beau-coup le voient à terme commandant ducorps d’armée de campagne 1…

Un accident de montagne en 1986,durant un cours alpin volontaire, met unterme à tous ces espoirs! Henri Dau-

court, premier de cordée, reçoit un blocde rocher sur la tête. Considéré commeperdu, il réussit à s’en sortir. Quelquesheures après l’accident, dans la salledes soins intensifs, Raymonde dit auxmédecins: «S’il vous entend, il ne vapas mourir par esprit de contradiction!»Grâce à une admirable volonté et avecl’aide de son épouse, Henri, traumatisécranio-cérébral, qui peut à nouveauconduire un véhicule, ne tarde pas àanimer et à emmener une troupe detraumatisés cranio-cérébraux, contribu-ant beaucoup à la création du Centre deCourfaivre.

Peu après la mort de son épouse en2005, il subit les premières atteintesd’une sclérose dégénérative qui va le pri-ver de la parole, lui le parleur et le tri-bun, tout en lui laissant toute sa tête et salucidité. Il ne peut dès lors plus commu-niquer avec ses proches que par écrit.

H. W.

Le cap Daucourt (à droite) et le cap EMG Schüppach à l’inauguration de la placed’armes de Bure en 1968.

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Le colonel Marcel Bosshard s’est éteint à Zurich

Né en février 1929,le colonel MarcelBosshard, anciencommandant durégiment d’infante-rie 9 (le régimentjurassien!) s’estéteint en octobredernier à Zurich,victime de la terri-ble maladie d’Alz-

heimer. Originaire de Zurich, né à Mou-tier, le jeune Marcel fait ses écolesprimaire, secondaire et professionnellecommerciale à Moutier. Après un ap-prentissage d’employé d’administrationau Tribunal de district à Moutier, il tra-vaille à l’agence de Moutier de la So-ciété suisse pour l’assurance du mobi-lier puis, entre 1948 et 1951, commecommis-greffier au Tribunal du lieu. De1952 à 1959, il est fondé de pouvoird’une société de commerce internatio-nal, puis d’une entreprise d’importationà Zurich. Dès 1960, il commence unefulgurante carrière chez IBM, d’abord à Zurich, puis à New-York (1965) et àParis (1966-1968), avant de revenir àZurich occuper le siège de vice-direc-teur d’IBM Suisse. Comme Henri Dau-court, Marcel Bosshard montre que l’in-telligence naturelle, la volonté et ledynamisme, pas seulement une forma-tion académique, permettent d’arriver àdes sommets…

Ses activités civiles ne l’empêchent pasde faire une carrière militaire exemplai-re d’officier de milice. Lieutenant en1950, commandant d’unité en 1957,commandant du bataillon d’infanterie 9(1963-1964), puis du bataillon de fusi-

liers 21 (1965-1969). Officier supérieuradjoint à l’état-major du régiment d’in-fanterie 9, dont le bassin de recrutementva de Boncourt à La Neuveville, il enassure le commandement entre 1974 et1977, avant devenir le premier com-mandant du régiment territorial 19, crééà la suite de l’entrée en souveraineté dela République et Canton du Jura.Marcel Bosshard est un pionnier dans ledomaine de l’histoire militaire régiona-le. Commandant du régiment 9, il en-voie tous azimuts, pendant plusieurscours de répétition, une vingtaine de seshommes dépouiller les archives et lesbibliothèques. Il dirige et finance enpartie la publication de l’Histoire destroupes jurassiennes qui sort de presseen 1977 et devient rapidement un ou-vrage de référence. Raymond Gygax,Michel Hauser, Martin Nicoulin, Ber-nard Prongué et Bernard Roten font par-tie de ces commandos d’historiens. Par souci de préservation du patrimoine,il achète la maison Koller dans la vieilleville de Porrentruy et la restaure magni-fiquement. Il offre les premiers ordina-teurs personnels au Lycée cantonal oùl’on enseigne l’informatique sans machi-nes. Il fait sans doute beaucoup pourassurer un équipement informatiqueconvenable au nouveau Canton. Il pal-lie à ses frais les lacunes de l’équipe-ment de son régiment territorial. Entre1987 et 1993, il siège au Conseil desJurassiens de l’extérieur.On peut dès lors se demander pourquoiles autorités du Canton du Jura sont res-tées totalement silencieuses après le dé-cès de Marcel Bosshard…

R. V.

Page 24: BULLETIN BULLETIN BULLETIN

est à votre service avec:

■ ses caisses sociales:■ AVS (FER-CIAB), ■ allocations familiales, chômage, ■ 2e pilier (CIEPP);

■ ses secrétariats d’associations ■ professionnelles

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8 octobre 2006: Wolschwiller (Haut-Rhin – France)

Le devoir de mémoire: le village se souvient de sa libération en 1944

Col Hervé de Weck

Le dimanche 8 octobre 2006, la com-mune de Wolschwiller se souvient et veutrendre hommage aux victimes civiles etmilitaires des guerres en général, mais enparticulier à celles du village pendant lesdeux conflits mondiaux. Le village alsa-cien, proche de Kleinlützel et de Laufon,commémore avec quelque retard le 60e

anniversaire de la Libération du Sundgauen 1944.

Une délégation suisse, comprenant desmembres des sociétés d’officiers du Juraet des deux Bâle, ainsi que des pom-piers soleurois et bâlois, participe à l’é-vénement, d’abord à la messe du souve-nir, ensuite à la cérémonie, dirigée parle colonel Michel Buecher, devant lemonument aux morts. En Alsace, régionoù s’applique encore le Concordat de1801 et où il n’y a pas séparation del’Eglise et de l’Etat, une telle commémo-ration commence par un office reli-gieux.

Pour le maire de Wolschwiller, AndréLinder, la journée doit être placée sousle signe du «devoir de mémoire, nonpour juger, mais pour comprendre et nepas oublier» les 16 «morts pour laFrance» du village pendant les deuxguerres mondiales, également les 46personnes, appartenant à 13 familles,

arrêtées et déportées en Allemagne enfévrier 1943, parce qu’un des leurs nes’était pas présenté au recrutement dansla Wehrmacht ou au Service obligatoiredu travail et avait disparu.

Lors de la cérémonie devant le monu-ment aux morts, le maire consacre sonallocution à des remerciements, auxhabitants des Landes qui, entre le 5 sep-tembre 1939 et le 15 juillet 1940, ontaccueilli les 440 citoyens de Wolsch-willer évacués sur ordre du Gouverne-ment français, aux voisins suisses qui,durant toute la guerre, ont accueilli desfugitifs civils et militaires français, dontcertains de Wolschwiller. Remercie-ments également à la 1re Armée fran-çaise, qui comprenait beaucoup de

En novembre 1944, c’est enfin la libérationdu Sundgau. Le 19, Seppois-le-Bas est libéréet, le soir même, le lieutenant de Loisy trem-pe le drapeau français dans les eaux du Rhin.Chose curieuse! Dans leur avancée, les libé-rateurs oublient Wolschwiller. Le 25, troisréfractaires sous l’uniforme du Groupe mobi-le d’Alsace arrivent au village, mais c’est seu-lement le 3 décembre qu’une patrouille de la1re Armée française prend contact avec lesvillageois, deux semaines plus tard.

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Pieds-noirs algériens, de Maghrébins etd’Africains. Elle a libéré le village! Onl’attendait depuis longtemps… «Sechemma!», tel est le cri que, pendantun certain temps, l’on entend partout àWolschwiller.

André Linder tient aussi à remercier«ces familles allemandes – tous les Alle-mands n’étaient pas nazis – qui ont bientraité les prisonniers de guerre et les tra-vailleurs forcés français, les déportés,les Malgré Nous, également ceux desSiedler, colons allemands, qui ont bienentretenu les maisons des familles sund-goviennes déportées.»

Le colonel Jean-François Gnaegi, prési-dent de la Société jurassienne des offi-

ciers, rappelle que «la Suisse a eu l’im-mense chance de ne pas être touchéepar la guerre. Elle le doit à son terrain, àsa préparation militaire, à des chefscomme le général Guisan qui a eu laclairvoyance et le courage de recourir àune stratégie de dissuasion efficace,lorsque le pays était pratiquement encer-clé par l’Allemagne et l’Italie. En juillet1940, il décide de replier le gros des for-ces armées dans les Alpes et les Préal-pes, créant ce qu’on appelle le Réduitnational.» Pourtant, la Suisse, pendantla Seconde Guerre mondiale, a aussi eude la chance, selon certains, elle a béné-ficié de la protection divine…

Pour survivre, pour renforcer sa défense,elle a dû livrer à l’Allemagne une partie

Vue générale de la cérémonie au monument aux morts. (Photo Denis Moine)

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de la production de son industrie. Onoublie trop souvent que tout sert à l’ef-fort de guerre, les systèmes d’arme, lesmunitions, bien entendu, mais aussi lelait condensé ou le chocolat… Il y a uneexception, la broderie de Saint-Gall…mais l’Allemagne nazie n’en était pasamateur. Sans ces exportations, la Suis-se aurait-elle pu survivre? On ignoresouvent que le Gouvernement suisse apu faire accepter par les autorités alle-mandes des exportations vers les Alliés!

«Les Suisses et leurs autorités n’ont pasété irréprochables. Des industriels ontparié sur une victoire allemande, unetrès faible minorité de la population

s’est laissée séduire par les idéologiestotalitaires. Le Gouvernement n’a paspratiqué une politique d’accueil suffi-sante envers les juifs menacés dans leurexistence, Cela ne doit pas faire oublierque la quasi-totalité des Suisses sympa-thisaient avec les Alliés et que beau-coup, refusant d’obéir aux ordres desautorités, ont accueilli des juifs et desréfugiés, soutenus les résistants et lespersonnes menacées par le régime nazi.L’histoire de la Suisse pendant la Secon-de Guerre mondiale, ce sont aussi cesinnombrables petits événements quirévèlent les bonnes relations transfron-talières dans nos régions et ailleurs.

«Vos morts, vos disparus, vos martyrs,conclut le colonel Gnaegi, sont un peules nôtres. C’est sentimental mais aussirationnel, car c’est leur engagement quia permis à la Suisse de ne pas connaîtreles horreurs de la guerre.»

La cérémonie se termine par le tradi-tionnel dépôt de couronnes au monu-ment aux morts entouré par les dra-peaux des anciens combattants.

A l’occasion de ce soixantième anniver-saire, Michel Buecher publiera en mai2007 un livre intitulé Wolschwiller. Com-mémoration de la libération de 1944chez nous et au-delà de la frontière. Cetouvrage permet de découvrir desaspects méconnus de la libération del’Alsace et du Sundgau, la vie quoti-dienne des habitants, ce qui se passe etce qui se fait en Suisse voisine, la façondont Le Démocrate, quotidien impriméà Delémont, couvre les événements desdeux côtés de la frontière1.

H. W.

La délégation suisse derrière le drapeaudu régiment d’Eptingen. (Photo DenisMoine)

1 On peut passer commande à la Mairie de Wolschwiller (tél / fax (0)3 89 40 70 55, e-mail [email protected]).

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Armée XXI: «Form follows function»

Maj EMG Alexandre Vautravers

Dans le contexte de l’étape de développe-ment 08/11 de l’Armée XXI, le comman-dant de corps Christophe Keckeis, chef del’armée, a présenté la situation et les ré-flexions sur l’évolution de l’armée, pourrépondre aux défis immédiats et futurs.Le local de la Société militaire de Genèveétait comble, près d’une centaine d’audi-teurs ayant fait le déplacement le mardi19 septembre 2006.1

Pour répondre aux interrogations deceux qui ont terminé leurs obligationsmilitaires, la première partie de l’exposéa concerné les bases et les réalités del’Armée XXI, soutenue par 82 et 75% dela population (étude Beobachter et Hal-tinger). Il faut rappeler que le systèmede milice et l’obligation générale de ser-vir pour les hommes demeurent uneréalité, 61% d’une classe d’âge étantastreints. Environ 15% ne terminent pasleur école de recrues. Cela laisse unquart astreints à la protection civile ouau service civil de remplacement.

Le rajeunissement des effectifs et l’émo-tion de voir démanteler des formationsne peut laisser indifférent. Le débat rè-gne et est salué. L’armée doit faire da-vantage pour communiquer ses déci-sions, ses changements et les conditionsdans lesquelles elle évolue.

Le chef de l’Armée présente ensuite lesystème de sécurité intérieure de laSuisse, USIS. La réforme et la discussionpermanente autour de ce point est liéaux lenteurs et aux intérêts divergentsdu système fédéraliste. Tout le mondes’accorde à dire qu’il manque environ1000 policiers en Suisse; mais les cré-dits ne sont pas votés, l’armée doit, fau-te de mieux, combler ce déficit, malgréles réserves et réticences des forces desécurité cantonales.

L’armée suisse d’aujourd’hui est unearmée d’engagement. 300 profession-nels et 500 miliciens sont quotidienne-ment engagés dans des missions de pro-tection, de garde ou de sécurité. Autotal, ce sont 1000 à 1500 personnesqui travaillent chaque jour au profit dela sécurité intérieure. Ces engagementssont critiqués, certains évoquent unearmée se préparant à lutter contre un«ennemi intérieur». Mais ces presta-tions sont effectuées à titre subsidiaire età la demande des autorités civiles.

Si 94% des Suisses se disent en sécurité,ils perdent peut-être de vue que la sécu-rité a un coût. Si la Suisse veut demeurerun espace de stabilité, de prospérité etde liberté, il faut que ces valeurs et cesconditions soient garanties au jour le

1Compte rendu repris de EclairaGE.

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jour. A ce titre, la Suisse est un symbole,donc une cible évidente pour le terro-risme international, non seulement anti-occidental, mais anti-globalisation, réu-nissant tous ceux qui visent le systèmeet le droit international.

L'«étape de développement 08/11» estune évolution logique, «raisonnable etpaisible». Elle est fondée sur la nécessi-té d’apporter des réponses de façon si-multanée à une multiplicité de deman-des et de risques. Afin de conserver leprincipe de la milice, il s’agit de spécia-liser les formations en fonction de leursmissions et de leurs engagements (formfollows function). On distingue quatretypes de missions:

– Les engagements subsidiaires et desécurité.- Les conditions existentielleset les risques techniques ou environne-mentaux exigent – c’est un besoin ma-jeur – le recours à des troupes spéciali-sées (aide en cas de catastrophe,sauvetage, génie, logistique) qui doiventcompléter les moyens civils dans dessituations critiques.

– La sûreté sectorielle.- C’est la «pro-duction de sécurité dans un cadre asy-métrique», contre des actes de terro-risme, de sabotage, des tensions et unesituation de non-droit. Ce type d’enga-gement nécessite de gros effectifs, enparticulier des formations d’infanterie.

– Le maintien d’une aptitude à la dé-fense repose sur des formations lourdes,mécanisées. Leur effectif doit diminuerde moitié en six ans. L’équipement etl’entraînement doivent être revalorisés.Ces formations constitueraient un noyau

à partir duquel une «montée en puis-sance» pourrait être réalisée, en l’espa-ce de 5-6 ans.

– La promotion de la paix.- Elle repré-sente actuellement 1 à 2% du budget;elle sert à prévenir et à gérer des crises(renseignement, conduite) mais égale-ment à coopérer à la stabilisation de ré-gions-clés en dehors de nos frontières.Pour ces tâches, il est prévu un dou-blement des effectifs, de 220 à 500 militaires.

En fonction d’une analyse objective desrisques, la défense conventionnelle doitêtre redimensionnée face aux besoinscroissants de sécurité et de protection.Le système de milice est le seul permet-tant de répondre simultanément à tousces besoins. Ces questions doivent con-tinuer à intéresser l’opinion et la classepolitique. La transparence et la commu-nication de l’armée sont des outils per-mettant de suivre le changement desréalités, des risques et des structures. Il s’agit de «calmer, convaincre etconsolider».

De nombreuses questions relatives àl’organisation ont permis d’initier undébat constructif. Le report de l’«Etape08/11» montre autant l’intérêt, la diver-sité des points de vue que la nécessitéde rester serein, de se baser sur desréalités à jour, plutôt que sur des princi-pes idéalisés. La présentation du Chefde l’Armée témoigne de ces efforts detransparence et d’explication. Les nom-breuses personnes ayant assisté à laconférence ont aussi apprécié cet espritd’ouverture et cette clarté de vision.

A + V

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l’activité ne tient pas de la routine:«C’est la première fois que nous me-nons une opération de cette nature,avec autant de moyens et autant de ser-vices étrangers», explique l’officier quiconnaît parfaitement ladite opérationpour l’avoir initiée. Profitant d’une ma-nœuvre similaire organisée sur la fron-tière germano-suisse à hauteur de Weil-am-Rhein, il a proposé à la police duCanton du Jura, de Soleure, ainsi qu’auxgardes-frontière de Porrentruy de menerune action conjointe de 20 h à minuitsur cette fameuse «frontière verte», sa-chant que la continuité est assurée entreBiederthal et Saint-Louis.

Lutter contre la délinquance itinérante

Pour le Sundgau, ils sont, avec des ef-fectifs de la brigade mobile de Ferrette,27 gendarmes mobilisés sur les 81 offi-ciers et sous-officiers que compte lacompagnie. Ils viennent des six brigadesterritoriales d’Altkirch, Dannemarie,Durmenach, Ferrette, Illfurth et Pfetter-house, de la brigade de recherches ainsique du peloton de surveillance et d’in-tervention de la gendarmerie d’Altkirch.Quatre hommes de la Brigade verte lesaccompagnent, tandis que de Suisseparticipent donc la police cantonale et

Une vaste opération de contrôle et desurveillance binationale a été menée, levendredi 8 décembre 2006 dans la nuit,le long de la frontière dans le Jura alsa-cien, par une cinquantaine d’hommes,français et suisses. Une première dugenre1…

L’épaisse couverture nuageuse qui dé-verse une pluie continue depuis plu-sieurs heures rend la nuit opaque. Il estenviron 22 h 30, des phares apparais-sent au sommet d’une colline et se rap-prochent. Quelque part sur une de cesroutes qui serpentent dans le Jura alsa-cien, deux véhicules se croisent. L’unfait un appel de phares à l’autre: proba-blement pour signaler un contrôle. L’at-tention est délicate… sauf qu’elle vientd’être adressée au commandant de lacompagnie de gendarmerie d’Altkirch.Le capitaine Christophe Fritz, qui se rendjustement au point de contrôle.

Plus exactement à l’un d’entre eux, carils sont une dizaine répartis sur les 45kilomètres de frontière que le Sundgaupartage avec la Suisse, de Pfetterhouse àBiederthal. Accompagné par l’adjudantEric Desbordes, le capitaine Fritz est entrain – avant de devoir partir en urgencepour une autre affaire à Traubach – deles visiter les uns après les autres, his-toire de voir si tout se passe bien. Car

Coopération binationale: aux aguets sur la frontière

Nicolas Lehr

1Article repris des Dernières Nouvelles d’Alsace du 13 décembre 2006, avec l’aimable autorisation deNicolas Lehr.

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les gardes-frontière. Soit une cinquan-taine d’hommes au total, qui ont assistéà un briefing commun avant de gagnerleurs postes, tel Pfetterhouse, Wolsch-willer ou Winkel. Cas échéant, ils pour-ront relever des infractions au code dela route pour des lumières défaillantes,des conduites en état d’ivresse ou défautde ceinture. Mais c’est un objectif se-condaire.

La priorité: «lutter contre la délinquan-ce itinérante transfrontalière», indiquele capitaine Fritz. C’est-à-dire les cam-briolages dont les auteurs essayeraientde fuir dans le pays voisin. De manièreétalée dans le temps, une maison surtrois a été cambriolée à Roggenburg enSuisse!, il y a des trafics en tout genre,dont les stupéfiants (marijuana, cocaï-ne, amphétamines), ou de l’immigrationirrégulière. Pour ce faire, les gendarmespeuvent procéder à l’ouverture des cof-fres sur réquisition du procureur deMulhouse. C’est ainsi qu’à Oltingue,une tonne de riz de contrebande serasaisie durant l’opération. «Il est impor-tant de mener une surveillance dansune zone frontalière qui peut paraîtredélaissée et parfois difficile d’accès.D’une part pour rassurer les habitants,de l’autre pour montrer à la délin-quance que nous sommes là, même àdes points peu fréquentés.»

Echanges d’informations et d’expérience

Surtout, cela permet aux forces de l’or-dre des deux pays de «mieux se connaî-tre et d’être plus rapidement opération-nelles en cas d’urgence». Certes, lesrelations sont régulières depuis lesaccords de Berne et des patrouilles mix-tes sont déjà effectuées.

Au final, le bilan est perçu comme «trèspositif» de part et d’autre. «Le fait detravailler par équipes binationales àcette échelle et avec la logistique et l’or-ganisation que cela implique nous per-met d’échanger nos informations biensûr, mais également nos expériences,tout en favorisant une connaissancemutuelle de nos législations et droitsrespectifs et parfois aussi des termestechniques qui varient d’un pays à l’au-tre», s’enthousiasme le sergent CédricGueniat, garde-frontière du poste dePorrentruy. «C’est vraiment bien, celapréfigure l’avenir. J’espère que ce n’estpas un test unique», poursuit le sergentMartial Clémençon, lui aussi de Porren-truy. La réponse du capitaine Fritz estcatégorique: «Cela se refera».

N. L.

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Assainissement de la décharge de Bonfol

Eléments sanitaires et de protection de la population

Plt Jean-Luc Eberlin

Le but de cet article est de prendre encompte les divers problèmes sanitairesliés à l’assainissement d’une décharge,d’évaluer les risques pour les travail-leurs, la population, les services sanitai-res et l’armée. Cette démarche effec-tuée, il faut prévoir les réactions en casd’événements mineurs, moyens ou ma-jeurs, avec les pré-requis.

Appréciation des problèmes

L’assainissement de la décharge de Bon-fol dans la République et Canton du Juranécessite des mesures de sécurité, desmoyens de transports et une logistiquequi n’ont, pour l’instant, pas d’équiva-lent en Europe.

Il s’agit en effet de traiter quelquesdizaines de milliers de tonnes de pro-duits enterrés, de les conditionner et deles détruire, tout ceci dans le respect despersonnes qui vivent aux abords decette décharge, des ouvriers qui vont ytravailler et des communautés qui ver-ront transiter les conditionnements.

Si techniquement le défi est humaine-ment relevable, il s’agit de prévoir, deprévenir, voire d’empêcher une catas-trophe sanitaire en cas d’accident tech-nique, soit sur le chantier à proprementdit, soit pendant le transport et la des-truction de ces matériaux conditionnés.

Il s’agit d’établir un concept sanitaire-cadre qui permette de s’adapter facile-ment à toutes situations en fonction desrisques encourus. Si l’énoncé est facile,l’application l’est moins. De quoi s’agit-il?

1. De produits chimiques s’étalant surpresque tous les éléments du tableaude Mendeleïev sans entrer dans lesdétails (terres rares, produits radioac-tifs naturels tels le cobalt.

2. De techniques de chantier spéci-fiques à la manipulation de ces pro-duits chimiques, de conditionne-ment, de chargement et de transportde ces produits, de zone de stockageet de déchargement, de destructiondes produits chimiques.

3. De savoir-faire et de compétences.4. De comportement des intervenants

extérieurs (visiteurs, badauds) et demesures de sécurité sanitaires.

5. De schémas pré-établis de prise encharge sanitaire, d’exercices d’inter-ventions préalables, de procédured’alarme du chantier, de la popula-tion avoisinante, voire de la région(en Suisse et en France), de sécurisa-tion des hôpitaux.

6. De partenariat, de formation et d’in-formations.

7. D’impondérables et d’inconnus.

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Cette liste permet d’appréhender lesproblèmes en partant de certitudes pouraller vers les incertitudes. Plus les certi-tudes seront avérées, moins il y aura deplace pour les incertitudes!

Conséquences pour les travaux

Il s’agit de produits chimiques stockésdans une décharge fermée, qui peut êtrevisitée à des fins de contrôle des stocks.Pour des raisons d’échappement avecdes eaux de ruissellement, ces produitsdoivent être évacués pour éviter descontaminations de la nappe phréatiquedu bassin versant. Le fait que les eauxde ruissellement soient contaminéesentraîne que les moyens de stockageutilisés lors de l’entreposage (fûts, cais-ses, etc.) ne sont plus étanches et quedes mélanges ont pu se produire, modi-fiant les produits d’origine. Connaître laliste de ces produits, leurs possibilitésd’interaction et de recombinaison sontles premières mesures essentielles desécurité.

S’il s’agit d’un chantier innovant, certai-nes expériences d’évacuation de sitescontaminés tels que Bopal, Sevezo ou lesite d’explosion de l’usine AZF de Tou-louse, certaines techniques de manipu-lations de produits chimiques prati-quées par exemple à Monthey, certainesmesures de sécurité de base pour lesmoyens de transport sont connus etdisponibles.

Tirer profit de certaines erreurs commecelle de convoyer des produits combu-rants l’un à côté de l’autre (catastrophedu tunnel du Mont-Blanc) ou dont letraitement en cas d’accident est incom-patible (incident de la gare de Lausanneen juillet 1994) permet de ne pas lesrépéter.

Arrivés à destination, comme au pointde départ, les produits chimiques sus-ceptibles d’être entreposés ne doiventpas être mélangés. Cela sous-entendque les matériaux excavés sont condi-tionnés, transportés et détruits. Si lachaîne s’arrête à un endroit quel-conque, le risque de contact avec unautre matériau doit être réduit à unevaleur proche de zéro.

Le chlorure de sodium n’est que du selde cuisine, alors que le sodium brûle aucontact de l’eau et le chlore gazeux rap-pelle de sinistres souvenirs de la Pre-mière Guerre mondiale. Ici la sécuritéest liée à l’instruction du personnel.

Les compétences techniques des tra-vailleurs, quels qu’ils soient, s’acquiè-rent par l’apprentissage, la pratique etles connaissances théoriques. En outredans un chantier tel que celui-ci, lanotion de danger potentiel existe bel etbien! L’essentiel est de ne pas mythifierce danger, mais de l’évaluer correcte-ment, puis de toujours appliquer lesmesures de sécurité décidées au préala-ble: usage de machines de chantier par-ticulières, principes de décontaminationsystématique, surveillance externe pou-vant à tous moments signaler un inci-dent, donner l’alarme ou intervenir. Toutcela doit être accepté et compris. Laroutine est excellente pour garantir desautomatismes mais elle est génératricede catastrophes lorsqu’elle devientsynonyme de tracasseries!

Abordons la notion de la responsabilitéde la sécurité sur le site. Les responsa-bles qui ont commandé les travaux, lespersonnalités politiques, les expertsdans des domaines multiples et variés,le personnel sanitaire sur place, touteautre personne extérieure au site ne

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peuvent être autorisées à pénétrer sur lazone des travaux qu’avec l’assentimentdu service de sécurité du site et êtreaccompagné par le personnel de sécu-rité. Une simple barrière grillagéemunie des habituelles interdiction detype «Chantier interdit à toute personnenon autorisée» est illusoire. Il s’agit d’a-voir non seulement une sécurité pas-sive, mais aussi active adaptée auxmodifications liées aux travaux en cours(émanation toxique par exemple).

Ces personnes pourraient être des mili-taires en formation longue ayant desconnaissances NBC ou en cours derépétition. Il s’agit ici d’une collabora-tion civils/militaires où chacun y trouveson compte. La structure civile a ainsi lagarantie d’un personnel compétent dansla détection et la sécurisation d’un sitechimique sensible. L’armée profite d’unterrain d’exercice à l’échelle 1:1.

En cas d’accident, les blessés doiventpouvoir bénéficier d’un endroit protégépour être pris en charge par un servicesanitaire informé et entraîné à intervenirsur le site de la décharge et ses environs.

Des exercices indispensables

L’utilité des exercices quels qu’ils soientn’est plus à démontrer. Mettre en évi-dence les carences en dehors de touteincidence sur la population permet decorriger les défauts d’organisation, deroder les techniques d’interventions etde planifier les schémas directeurs.

Actuellement bien peu d’exercices civilsintègrent les procédures strictes d’inter-ventions en ambiance chimique, proba-

blement parce qu’il ne faut prétendu-ment pas affoler la population, plus sûre-ment parce qu’un tel exercice nécessitedu temps, beaucoup plus que pour unexercice en ambiance normale, c’est-à-dire sans contamination chimique1.

Les procédures d’alarme qui doiventinduire les comportements adaptés desintervenants sont primordiales. La manière d’informer, le contenu de l’in-formation conditionnent toujours laréaction immédiate et les décisionsd’interventions dans la première demi-heure. Introduire une correction pen-dant cette période entraîne souvent une perte de temps et d’efficacité. Pources raisons, un apprentissage d’automa-tismes, tant sur le chantier que pour lapopulation avoisinante, permet d’éco-nomiser du temps, de diminuer l’an-goisse liée à un événement inconnu oumal géré, d’éviter des comportementsinadaptés et, probablement, de sauverdes vies en évitant des expositionsinutiles.

Etendre ces exercices aux domaineshospitalier et pré-hospitalier est logique.A ces niveaux, il est indispensable queles procédures d’alarmes soient con-nues, utilisées, rodées au point de deve-nir automatiques.

Sont également primordiales la con−naissance des mesures de protection dupersonnel intervenant (ambulanciers,médecins) sur le terrain, de l’engage-ment des moyens de décontaminationdes véhicules (ambulances, véhiculesprivés). L’hôpital de référence doit pou-voir éviter un afflux massif de popula-tion paniquée ou inquiète, afin de pou-

1 Voir Eberlin, Jean-Luc; Hefti, Michel: «Les toxiques de combats liquides dans nos exercices», Revuemilitaire suisse, janvier 1992, pp. 38-41.

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voir continuer son travail normal etgérer cette population en quête de priseen charge. Là encore des automatismesdoivent être créés.

Les habitants, des partenaires…

Les divers partenariats découlant de cesréflexions s’établissent naturellement:les compétences sanitaires, chimiqueset civiles présentes dans le Canton peu-vent être efficacement épaulées par desstructures externes. Le centre de compé-tence NBC de Spiez, les responsableschimiques de Bâle et Monthey (pour lesexercices d’alarme à la population), lesCFF (transports), l’OMS (archives médi-cales des hôpitaux de Bopal et Seveso)pour la recherche des symptômes d’in-toxication ou de contamination, les spé-cialistes en communication (devoir d’in-formation)

La population est également partie pre-nante dans ce partenariat: les gens peu-vent et doivent comprendre ce qui sepasse réellement pendant les travaux, cequi limite les risques sanitaires, circon-vient une panique inutile et préserve desvies humaines et animales. L’informa-tion, le dialogue et la formation sont lespiliers d’une gestion adaptée en tempsréel des problèmes impromptus qui sur-giront inévitablement sur un chantierappelé à durer plusieurs années.

Il est en effet impensable qu’un chantierde cette envergure ne réserve pasquelques surprises. Il est égalementirréaliste de penser que tout sera souscontrôle dès le début et pour la durée

des travaux. La statistique des accidentsliée aux activités humaines montre que,tôt ou tard, un événement mineur arrive,qu’il est suivi d’un événement moyen(beaucoup plus rare), voire majeur (dontl’incidence est exceptionnelle).

Entrent en ligne de compte des risqueshumains difficilement pondérables telsque la fatigue, l’ennui, le stress, l’envi-ronnement social. Même si les acci-dents sont pris en charge par les systè-mes d’assurances sociales, il n’est paspossible de tout prévoir. Il est par contrepossible de discuter et d’évaluer toutesles hypothèses et d’en tenir compte enfonction d’elles-mêmes, non pas de leuréventualité: les statistiques n’ont ici pasde références, ce chantier étant nou-veau en Europe.

En conclusion, il y a lieu de mettre encommun sur le plan sanitaire les idées,les moyens et les compétences venantd’horizons très différents, dans l’uniquebut d’assainir une zone contaminée,d’apprendre, de comprendre et d’inté-grer les risques liés à cette décontami-nation, de réduire au strict minimum lesincidences d’un éventuel accident dechantier et de protéger la population encas de besoin.

Tout cela nécessite une volonté ferme-ment établie, une direction du chantierayant à sa disposition des moyens et descompétences optimales, le respect de lapopulation et, finalement, un chef quiait l’autorité reconnue pour mener àbien cette entreprise.

J.-L. E.

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Exercice trinational concluant

«REGIO CAT 2006»: scénariocatastrophe sur le Rhin…Le 23 septembre 2006, des sauveteurssuisses, allemands et français se sont trou-vés confrontés à un accident sur le Rhin,une collision entre un navire de 400 pas-sagers et un transporteur d’essence, sui-vie d’une explosion, d’un incendie et d’unfort dégagement de fumée.

Il s’agissait heureusement d’un exercice.De nombreux véhicules de police, depompiers et de secouristes étaient enservice ce jour-là dans la région bâloise.Quelque 2300 personnes ont pris part àcet engagement «Catastrophe» trans-frontalier. Le premier bilan est positif.L’exercice «REGIO CAT 2006», préparédepuis deux ans, s’est déroulé commeprévu, a précisé Hans Guggisberg, del’Office fédéral de la protection de lapopulation.

L’exercice a débuté à 9 h 30 avec lasimulation de la collision. Le bateau despompiers est arrivé sur les lieux de l’ac-cident fictif 20 minutes plus tard. L’a-larme «Catastrophe» a été déclenchée7 minutes après en ville de Bâle. L’opé-ration a pris fin dans l’après-midi. Cetype d’exercice, dirigé par l’Office fédé-ral de la protection civile, est destiné àvérifier le fonctionnement de la collabo-ration entre les trois partenaires en casde catastrophe: les services du Cantonde Bâle-Ville, ceux du Départementfrançais du Haut-Rhin ainsi que ceux dela région allemande de Lörrach.

Le dernier entraînement trinational dece type a été effectué en 1993. A l’é-poque, un tremblement de terre de for-ce sept sur l’échelle de Richter avait étémis en scène. Un séisme d’une tellemagnitude s’est effectivement produit àBâle en 1356. La décision de procéder àces exercices a été prise après la cata-strophe de Schweizerhalle en 1986.

Cet exercice avait permis de tester lacollaboration coordonnée des états-majors de conduite de trois pays, l’Alle-magne, la France et la Suisse. A l’é-poque, les responsables politiquesavaient annoncé leur intention derenouveler l’opération une dizaine d’an-nées plus tard. La direction de ce nouvelexercice a été confiée à la Suisse. L’état-major cantonal de conduite de Bâle-Ville s’est adressé à l’Office fédéral de laprotection de la population et, en tantque chef de l’instruction à la conduiteauprès de l’OFPP, Hans Guggisberg aaccepté de relever le défi.

«Nous avons une solide expérience desexercices d’état-major. Pour ma part, entant que commandant de bataillon, jebénéficie également de mon expériencedes exercices d’intervention militaires.L’instruction et le perfectionnement desétats-majors de conduite occupent uneplace de choix dans notre section. Dansce domaine, nous distinguons quatreétapes: au cours de la première, les

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membres des états-majors de conduitereçoivent une instruction générale dansdes séminaires. Les deux étapes suivan-tes relèvent du perfectionnement: l’état-major de conduite apprend d’abord lesfinesses de la collaboration (formationd’état-major), puis s’y entraîne, si possi-ble régulièrement, sur la base de scéna-rios concrets. La quatrième étape est laplus complexe: il s’agit des exercicesd’intervention. Les deux premiers stadesde la formation peuvent se faire, soitdans notre centre d’instruction, soit chezles clients, au choix. Les troisièmes etquatrièmes phases, par contre, se dérou-lent exclusivement auprès des clients.

«Si je parle de défi, ce n’est pas seule-ment parce que «REGIO CAT 2006»appartient à la phase la plus complexe dela formation. C’est aussi parce que cetexercice d’intervention de grande am-pleur réunit plusieurs hiérarchies de con-duite. Et c’est surtout parce qu’il va sedérouler dans des conditions spéciales:ce ne sont pas seulement trois cantonsqui y participent, ce sont trois pays etdeux zones linguistiques.

L’organigramme prévoit des responsablesdésignés pour différentes tâches oudomaines. Ces domaines d’exercice sontles suivants: arbitres, accueil des hôtes,sécurité, logistique, suivi de la situation,

Simulation de l’accident.

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information, figurants, télématique, régieou encore représentation des zones sinis-trées. Il ne faut pas sous-estimer l’investis-sement nécessaire à chaque domaine.Par exemple, nous engageons près de450 figurants et les places sinistrées sontaménagées de la manière la plus réellepossible. Il peut sembler étrange quenous ayons un domaine consacré à lasécurité, mais nous ne devons pasoublier que nous travaillons sur l’eau,dans l’eau et au bord de l’eau.

Quand on doit préparer un exerciced’une telle ampleur et sur de si grandesdistances, il faut pouvoir compter sur descollaborateurs consciencieux. Même lecontrolling le plus étendu ne peut lesremplacer. Je travaille avec des person-nalités très différentes, j’ai eu la chancede bien tomber avec la plupart d’entreelles. En tant que directeur de projet, ilne faut toutefois pas avoir peur de ren-voyer un membre de l’équipe parce que,finalement, on dépend tous les uns desautres. En l’occurrence, j’ai dû renvoyerdeux personnes. Pour moi, il s’agissait desituations difficiles dans les deux cas.

Evidemment, j’aurais pu organiser unexercice avec moins de collaborateurs.J’aurais pu travailler avec une ou deuxpersonnes et monter un exercice en vaseclos. Mais avec l’organisation tri-natio-nale pour laquelle j’ai opté (qui est certesplus complexe), les intervenants ontadhéré au projet sans problème. Et puis –c’est important – l’un des principauxbuts de l’exercice a déjà été atteint: lesgens parlent et collaborent au-delà desfrontières. Bref, je suis ravi d’avoir choisicette forme d’organisation.

Comment va se dérouler l’exercice, je nepeux pas le dire. Et ce n’est pas parceque je ne veux pas révéler de détails

avant l’heure, c’est tout simplementparce que je n’en sais rien! J’organise lacollision de deux bateaux sur le Rhin, cequi se passera ensuite, nous le verronsbien. Peut-être y aura-t-il bien plus demille membres des forces d’interventionengagés, peut-être moins. Entendons-nous: ce n’est pas que je n’aie aucuneidée du déroulement, mais c’est laconduite libre qui va régner. En d’autrestermes, nous donnons le moins de direc-tives possibles à ceux qui sont chargés deprendre des décisions. Nous verrons aucours de l’exercice quels échelons hiérar-chiques prendront quelles décisions. Laconduite libre permet de s’approcher leplus possible de la réalité. Par contre, elleest extrêmement exigeante pour nous,membres de la direction d’exercice. Jeconseille toujours à mes collaborateursde réfléchir et de faire leurs planificationsselon différentes variantes. Pendantl’exercice, nous devons être très attentifset faire preuve d’une grande vivacitéd’esprit. Il faut que nous puissions inter-venir en cas de comportement inadaptépendant l’exercice.

L’évaluation de l’exercice joue un rôleprépondérant. Juste après l’exercice,avant même de quitter les lieux, les arbit-res discutent des principaux résultatsqu’ils ont observés. J’attends égalementdes participants qu’ils procèdent à uneauto-évaluation. Au terme de la journéed’exercice, on effectue une discussioncentrale, qui vise davantage à recueillirles premières impressions qu’à faire uneappréciation détaillée. Dans les jours quisuivent, je remettrai aux mandants unrapport final contenant des recomman-dations en vue d’optimiser la gestion desévénements dans la zone tri nationale. Jeprésenterai ce rapport le 8 décembre2006 à Freiburg im Breisgau.»

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l’armée, où œuvraient nombre de fem-mes incorporées dans le Service complé-mentaire féminin. Ils ont été secondéspar plusieurs organisations civiles et d’in-nombrables bonnes volontés […]

Au cours des mois précédant la tragédiede Budapest, la plupart des Suisses – àl’exception des communistes – ont été decœur avec les opprimés qui tentaient derecouvrer au moins une partie de leurslibertés. Les gens de chez nous s’identi-fiaient à ceux de là-bas. Durant les lon-gues journées que dura l’affrontemententre les chars blindés de l’Armée rougeet la jeunesse hongroise, on se tenait lespouces, suspendu à la radio. On affichaitpartout des portraits d’Imre Nagy, le pré-sident libertaire, puis du général Pal Maleter, qui dirigeait tant bien que mal larésistance armée. Ils furent nos héros,avant et après leur arrestation (suivieplus tard de leur pendaison). L’accueil deleurs compatriotes n’en fut que plus cha-leureux […].»

Ceux d’entre nous qui ont vécu cettepériode se souviennent de l’extraordi-naire mobilisation de notre peuple –collectes d’argent, de vêtements, denourriture, mise à disposition de loge-ments, etc. Au point que, en 2006, la

C’est peu dire que la révolution hongroised’octobre-novembre 1956 a secoué l’Eu-rope entière. Pour la première fois peut-être, se sentant menacé, le régime totali-taire communiste jetait bas le masqueavec autant d’impudeur que de violence.Un voile s’est alors déchiré. L’Occident acommencé enfin à comprendre à quoi ilavait échappé et quelle était la réalitédans laquelle vivait l’Europe de l’Est. Seull’aveuglement idéologique, en particuliercelui de l’intelligentsia française, pouvaitcontinuer à justifier un régime aussi bas-sement cynique et inhumain.

Frank Bridel est l’un des seuls, dans unexcellent article1, à avoir rappelé «cettesanglante intervention militaire qui, enoctobre-novembre 1956, a permis àl’URSS de ruiner les espoirs de la Hon-grie d’un allégement du colonialismesoviétique. On rappelle que 170000réfugiés ont fui ce pays et qu’environ14000 d’entre eux ont été recueillisdans le nôtre. Leurs survivants évoquentleurs souvenirs avec émotion.

«On parle moins […] de la façon dontles Suisses ont réagi à ces événements. LeComité international de la Croix-Rouge etla Croix-Rouge suisse ont bien travaillé,de même que le Service d’assistance de

Où va la Télévision suisseromande?

Lt col Jean-Jacques Rapin

1«Quand la Suisse vibrait pour l’héroïsme hongrois», Entreprise Romande, 10 novembre 2006.

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communauté hongroise en Suisse aorganisé plusieurs grands concerts, ensouvenir de ces événements doulou-reux, sans doute aussi pour exprimer sareconnaissance à notre égard.

Or, et voici la question-clé: pouvez-vous imaginer un instant que la TSR aitconsacré une soirée, non pas d’auto-satisfaction, mais de simple rappel d’unpassé aussi lourd de conséquences pourl’avenir de l’Europe et – accessoirement– aussi positif sur la capacité d’accueildont la Suisse a fait preuve en cette cir-constance? Poser la question, c’est déjày répondre! Par contre, voici ce qu’estla vraie réponse – un véritable scandale,un réquisitoire, comme le montre Mi-chel Barde2 – le choix délibéré de salirune fois de plus notre passé en diffu-sant, le dimanche soir 12 novembre2006, sur sa deuxième chaîne, l’émis-sion de Temps présent du 6 mars 1997,sur la Suisse durant la Seconde Guerremondiale.

Michel Barde situe exactement la chro-nologie des faits: «[…] Diffusée à l’é-poque, en pleine campagne de dénigre-ment de notre pays dans l’affaire dite desfonds en déshérence, cette émission, parsa partialité engagée et son unilatéralité,avait provoqué un tollé justifié au sein dela population, notamment parmi ceuxqui avaient vécu la guerre. Cent six télé-spectateurs dénoncèrent cette émissionauprès de l’Autorité indépendante deplainte, qui l’accepta. La SSR fit alorsrecours jusqu’au Tribunal fédéral, quiconfirma l’avis de l’Autorité, estimantque le devoir d’objectivité qu’impose laconcession dont la SSR bénéficie avaitété violé.Comme par hasard, la TV romande ne fitpas une émission spéciale pour dire

qu’elle avait perdu. En revanche, M.Monnat, réalisateur du Temps présentincriminé, s’adressa à la Cour euro-péenne des droits de l’homme à Stras-bourg, qui vient de rendre un verdict ensa faveur […].»

On comprend dès lors la reprise de l’é-mission. Pourquoi la TSR se serait-ellegênée? La liberté d’expression primetout. Elle autorise tout, puisqu’elle estdevenue le critère suprême. D’ailleurs,«le débat qui a suivi cette rediffusionn’en était pas un.» Avec un seul invité –Jean-François Bergier – le débat deve-nait «un alibi pour soutenir les thèses deM. Monnat et de la SSR.»

Nous abordons ainsi le fond du pro-blème: de quel droit la TSR biaise-t-elleainsi avec une présentation objectivedes événements? Les récentes votationsfédérales montrent clairement que lepeuple ne suit pas les mots d’ordre dupolitiquement correct, si abondammentservi sur nos ondes. La leçon ne semblepas avoir servi. Faut-il souhaiter qu’ellese répète, au moment où se discutent lesmontants de la redevance et où pour-raient se régler quelques comptes?

Mais au-delà de ces querelles politicar-des et revanchardes, il y a beaucoupplus grave. La TSR a-t-elle consciencedes dégâts qu’elle commet avec de tel-les entorses à la stricte vérité? Se rend-elle compte du fossé qu’elle creuse ainsientre les générations? Agir avec unetelle légèreté est indigne d’une régie quia l’obligation légale de l’impartialité.Elle sème le doute sur sa capacité réelleà assumer cette obligation et donc, samission.

2«L’honneur reperdu de la TSR», Entreprise Romande, 20 novembre 2006.

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Le cas de M. Monnat n’est pas très éloi-gné de celui de son confrère, celui-làmême qui a dévoilé le contenu confi-dentiel des messages – de véritablessignaux d’alerte! – que l’ambassadeurCarlo Jagmetti, avec une vigilance quil’honore, faisait parvenir au Conseil fé-déral, à Berne, au début de la crise desfonds en déshérence. Ici encore, cet in-dividu a été blanchi cet automne par la

Cour de Strasbourg. On s’est gaussé (unpeu trop vite!) des Waldstätten qui, auXIIIe siècle, récusaient les juges étran-gers à leurs vallées. Il semble que cesgens avaient un sens de leur dignité etde la dignité de leur communauté de-venu bien rare aujourd’hui…

J.-J. R.

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Présence et compétences.

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Ce reportage contient de grosses bour-des, cas échéant intentionnelles. «Le se-cret bancaire a été décrété par le Cons-eil fédéral pour protéger les comptesdes juifs», alors qu’il s’agissait de proté-ger les avoirs de citoyens français desimpôts confiscatoires de leur pays. LaSuisse aurait accueilli 22000 juifs (enréalité, il y en a eu plus de 28000) et ena refoulé 40000 (un multiple de la réali-té). On aperçoit une main plongeantdans une caissette remplie de bijoux enor, une séquence suivie d’allusions àl’achat de grandes quantités d’or spoliépar la Banque nationale suisse. En réa-lité, l’or des camps nazis n’a pas quittéle territoire du Reich, mais a été décou-vert, fin avril 1945, dans les mines desel de Thuringe puis partagé entre lestrois puissances occidentales!

Le fait le plus incroyable, c’est la datede diffusion de L’honneur perdu de laSuisse, le 7 mars 1997: l’avant-veille dela première séance plénière de la Com-mission Indépendante d’Experts Suisse –Seconde Guerre mondiale. Elle a doncété conçue dès le début de l’année.Dans les premiers mois de 2002, onretrouvera dans certains rapports de laCommission Bergier, quasiment sousforme de copie conforme, les mêmesaccusations que celles propagées surnos écrans par Daniel Monnat, débutmars 1997, cinq ans auparavant!

Faut-il décerner des lauriers à cet hom-me de télévision pour avoir, en Mon-sieur Soleil, prédit les conclusions de laCommission Bergier? Ce visionnaire au-rait-il joué le rôle d’éminence grise des

Début 1997, la Télévision suisse ro-mande confie à Daniel Monnat, la mis-sion de décrire, pour Temps présent, laSuisse et les Suisses durant les annéesde la Seconde Guerre mondiale. Cettedécision découlait des attaques intéres-sées dirigées contre nos autorités, nosinstitutions et les fleurons de notre éco-nomie. Ces accusations émanent sur-tout des Etats-Unis et de milieux pro-ches du Congrès juif mondial (cedernier adjectif étant usurpatoire). Ellesvisent surtout à obtenir des versementsimportants. Daniel Monnat accomplitsa tâche avec délectation. On lui don-nerait le Bon Dieu sans confession, l’i-maginant enfant de chœur dans l’églisede son village natal aux Franches-Mon-tagnes, voire comme moniteur dans unecolo avec sa figure d’adolescent égarédans le monde des adultes, un peuPierre Perret, le chantre des colonies devacances…

L’émission décrit avec insistance des actes répréhensibles, honteux, commispar certaines autorités de l’époque, oc-cultant toute référence à des attitudes etdes actions positives. Daniel Monnats’est adressé à des historiens et des poli-tologues, presque tous de gauche, desmembres, des chercheurs, des expertsde la Commission Bergier, à la base dela dizaine de milliers de pages desvingt-cinq volumes, plus deux rapportsintermédiaires sur l’or et les réfugiés etle Rapport final de synthèse publié en2002. On y trouve encore le sénateuraméricain Al D’Amato, tristement célè-bre, Edgar Bronfman, président du Con-grès juif mondial et le sous-secrétaired’Etat Stuart Eizenstat.

Télévision suisse romande:«L’honneur perdu»… De qui?

Henry Spira

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membres et collaborateurs influents dela Commission? Les personnes consul-tées, avant le début des travaux de laCommission, auraient-elles, début 1997déjà, concocté leurs conclusions, queles autres membres et collaborateurs ontentériné telles quelles?

Sur plainte de citoyens de ce pays, l’é-mission va être condamnée par l’Auto-rité indépendante d’examen des plain-tes, une décision confirmée par le Tri-bunal fédéral. Sur recours de l’avocat deMonnat, Me Charles Poncet, la Cour eu-ropéenne des droits de l’homme à Stras-bourg tranchera en faveur du journa-liste, relevant que la décision suisseétait une tentative de censure, une vio-lation de la liberté d’expression, de mê-me qu’une mesure disproportionnée.Que penser de ces juges chamarrés sié-geant à Strasbourg, issus pour la plupartde pays bien plus impliqués que le nôtredans certaines errances, qui blanchis-sent un Helvète très subjectif envers lepassé de sa patrie? Du coup DanielMonnat, tout faraud, devenu entre-temps chef des émissions de la Télévi-sion suisse romande, fait rediffuser sonémission à deux reprises en décembre2006!

Une autre émission de Temps présent, le19 février 1998, est consacrée aux acti-vités de la Commission Bergier, en dé-placement in corpore aux Etats-Unis.Un de ses volets est réservé à l’accueilet au refoulement des fugitifs à nos fron-tières. Je suis interviewé à mon domicileà Plan-les-Ouates, puis en terre d’Ajoie,au lieu-dit Sur Chenal à l’ouest deGrandfontaine, près de la ferme tenuedurant la guerre par Hermann Dick1 et

sa famille qui ont aidé nombre de fugi-tifs juifs et non-juifs. Ils les escortaientparfois jusqu’à Bienne, hors de la zone-frontière où ils auraient risqué d’être re-foulés sur-le-champ.

Le tournage s’effectue à la frontière, lelong du chemin menant au Pré du Prin-ce ainsi que sur territoire français. Toutel’équipe se rend ensuite au château dePorrentruy, puis aux Archives cantona-les jurassiennes, afin d’interviewer Fran-çois Noirjean et enregistrer quelquespages des registres d’écrou de l’ancien-ne prison de Porrentruy, datant des an-nées de guerre. Une autre séquence esttournée, sous l’égide de Daniel Monnat,le long de l’Aire, en amont du villagegenevois de Lully. Il s’agit d’un échangede propos entre le soussigné et un deses amis, Sigi Daniel2 de Jérusalem, qui,entre 1942 et 1943, a amené à plusieursreprises des adolescents juifs depuis laBelgique jusqu’en Suisse.

C’est au cours de ces tournages quej’apprends à connaître les méthodes deDaniel Monnat. Pour parvenir à ses fins,il cherche à déstabiliser ses interlocu-teurs en les agressant verbalement. Maisce n’est pas à un vieux singe commemoi que l’on apprend à faire la grima-ce! Il déclare, en présence de FrançoisNoirjean tout ébahi, qu’il comprendenfin la raison de mon attitude négativeenvers lui: elle provient du fait qu’il estde souche franc-montagnarde, alors quemoi je suis Ajoulot! C’est de l’irréden-tisme de clocher proche de La guerredes boutons de Louis Pergaud…

H. S.

1Henry Spira: «Premiers résultats sur le refoulement de juifs en Ajoie», Bulletin de la Société cantonalejurassienne des officiers, février 1998, pp. 43-50.2Henry Spira: «Les dédales de la procédure de réhabilitation», Bulletin de la Société cantonale juras-sienne des officiers, février 2005, pp. 31-37.

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L’état-major de force N° 1 de Besançon

Chef bat (R) Gabriel Lefebvre

Créé en 1997, l’état-major de force deBesançon (EMF–1) constitue le plusimportant réservoir de cadres de réservede Franche-Comté, soit près de 50% despostes officiers, toutes unités confondues.La particularité de ce commandement de2e niveau est qu’il ne dispose d’aucuneunité sous ses ordres. Il constitue un état-major permanent dont la mission essen-tielle est de coiffer une force de circons-tance pour une opération ou un exercicedonné, une de ses vocations principalesest de s’entraîner à la projection1.

L’EMF–1 est constitué de cadres d’état-major spécialistes et entraînés, qui maî-trisent la manœuvre interarmes et logis-tique d’un niveau de force de 10 à30000 hommes, comprenant 150 cadresen temps de paix, l’EMF est renforcé pardes compléments opérationnels (cadresde réserve) à raison d’un tiers (55 offi-ciers, la plupart ORSEM2, et 20 sous-offi-ciers supérieurs, tous spécialisés). Ceux-ci sont capables de conduire

– un engagement de haute intensité(combat blindé et mécanisé),

– une opération de contrôle du milieu(action humanitaire, maintien de lapaix, force d’interposition),

– la mise en place d’un PC multinatio-nal de classe division OTAN (PC de

commandement de 3 brigades et élé-ments organiques),

– la mise en place d’un PCIAT d’enga-gement national.

L’EMF-1 est subordonné au CFAT pourla préparation à l’engagement des for-ces et relève de la Région terre pour lesdomaines non opérationnels, il parti-cipe aux études de planification opéra-tionnelle et à l’élaboration de la doc-trine d’emploi des forces en liaison avecle CDES.

Forts de près de 70 cadres de réserve,soit environ un tiers des effectifs, lescompléments opérationnels apportentle renfort indispensable au bon fonc-tionnement de l’état-major de force, cequi représente plus de 1500 jours d’acti-vité par an en terme de budget (plus de250 en moyenne, de 30 à 60 jours pourcertains). Au sein de leurs multiples etdifférentes affectations dans leurs cellu-les d’emploi, chacun à sa place active etréserve intimement soudées, le complé-ment opérationnel apporte complémen-tarité et compétences particulières.

Partie intégrante de celui-ci, au mêmetitre que leurs camarades d’active, lescompléments opérationnels font l’objetd’un suivi permanent et le cycle de

1 Ce texte a paru dans le Bulletin ORSEM, 1er trimestre 2004.1 Officiers de réserve service état-major.

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formation annuel répond en partie auxbesoins spécifiques à leur domained’emploi: ORSEM, Logistique, Systèmesd’information et de communication desforces, Renseignement, langues... Cesuivi leur permet d’occuper, dès letemps de paix, des fonctions lors d’exer-cices majeurs comme chef de cellule,officier traitant ou rédacteur (Guibert,Aumale, Western Alliance, Corps euro-péen, OTAN, exercices interarmées etinteralliés) et démontre surtout lescaractéristiques nouvelles des cadres deréserve: la capacité d’adaptation, l’inter-nationalisation et le professionnalisme.

Ceux-ci possèdent par ailleurs les com-pétences nécessaires pour assurer la pré-paration et la planification des exerci-ces, certains personnels de réserveassurent des missions d’instruction et de

formation auprès de leurs camarades deréserve comme d’active dans des domai-nes particuliers (anglais, informatique etcommunication, formation des ORSEM,relations publiques, droit international,etc.), d’autres sont à même d’assurer desmissions spécifiques au COIA, au CERT,à la DRM, au COFAT ou au CPCO.

Dans la mesure de leur plan de chargeprofessionnel (la loi limitant le nombrede jour à 5, beaucoup y sacrifient leursjours de congé ou de RTT), plus de 60%des réservistes suivent les journées deformation en anglais et dans leur spécia-lité, soit 5 à 6 jours dans le cadre d’ESRd’une durée moyenne de 20 à 30 joursannuels. Au cours du cycle 2002-2003,5 ORSEM ont été projetés, en Macé-doine, au Kosovo et en Bosnie.

Cadres de l’industrie et du secteur ter-tiaire, fonctionnaires ou anciens person-nels d’active représentent un véritablevivier de compétences et donnent, sui-vant leur disponibilité professionnelle,de leur temps au service de la défense.

Le nombre important d’exercices et laprojection amène le commandement àconvoquer un nombre croissant de ca-dres de réserve pour remplacer les ca-dres d’active absents ou pris à d’autrestâches. Un PC de division classe OTANreprésente avec son environnementplus de 800 personnes, il occupe plusde 20 hectares sous sa forme Shelter(environ 80 véhicules poids lourd pourle seul PC).

Une partie des cadres de réserve estaffectée depuis la création de l’EMF–1,la plupart ont déjà pu participer à plu-sieurs exercices du même niveau, cer-taines cellules peuvent comprendreplus de 75% de réservistes.

Unité d’alerte et de coordination desystèmes d’armes SATCP.

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Le déroulement d’un exercice et le tra-vail du PC présentent en général troisobjectifs majeurs: l’application du mé-mento de PC, la conduite et la planifica-tion des opérations (application de laMéthode d’élaboration d’une décisionopérationnelle) et enfin la maîtrise duSystème d’information et de communi-cation des forces, le travail et la procé-dure OTAN... en anglais. En hauteintensité, cela peut représenter un ordrede conduite par jour et un ordre d’opé-ration tous les trois jours... en anglais.La messagerie à temps représente cha-que jour environ 70 messages arrivés àexploiter et la rédaction de plus de 20messages, tous.... en anglais, sous formegraphique ou texte.

L’ensemble des cadres de réserve tra-vaillent au sein de leur cellule à desfonctions précises, dans des phases deconduite des opérations, de planifica-tion et de rédaction d’ordres. Chacun àson niveau, participe au travail coopéra-tif du PC, soit au sein de réunions decalage, soit dans les phases de décisionet de rédaction d’ordres ou de comptes-rendus. Une communication perma-nente est nécessaire à la bonne marchede l’ensemble, et surtout à la cohésiondes différentes cellules et personnels deréserve.

Chacun met en œuvre ses savoir-faire ets’adapte au nouveau «Concept des

réserves» en tenant les mêmes rôles queses camarades d’active, la bonne inté-gration des réserves montre qu’un état-major de ce niveau ne peut pas se passerd’un complément opérationnel disponi-ble, compétent et formé en permanence.La plupart des cadres de réserve sontmembres de l’Amicale EMF–1 et partici-pent à ses activités, un réserviste siègestatutairement au comité et sert de lienavec ses camarades.

Deux jeunes sous-lieutenants, non issusdu contingent, ont rejoint l’état-majoren 2004 dans le cadre de la nouvelleDirective pour le recrutement du per-sonnel de réserve. Ceux-ci sont intégrés,parrainés et formés en interne par lesréservistes qui les ont recrutés, ceux- cisont de futurs ORSEM en puissance.Signe fort pour l’avenir, ce changementimportant de modèle des réserves nousmontre que, plus que jamais, la péren-nité est soumise à la capacité à seremettre en cause et sortir des schémasclassiques.

Cette nouvelle configuration impliquela mobilisation et l’exploration de nou-velles pistes. L’expérience de nos cama-rades alliés et surtout la logique deréseaux, gage du recrutement de cettenouvelle réserve, montrent bien la rup-ture avec les concepts passés.

G. L.

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France: voitures brûléesEntre le 1er janvier et le 30 octobre2005, c’est un total de 28000 véhiculesqui ont été brûlés en France.

Général Bigeard: Adieu ma France

France: réflexions socialistes sur la défense

«Que serait une rupture dans le domai-ne de la défense?» s’interrogeaient lesorganisateurs du colloque de l’associa-tion Orion, le 14 novembre 2006, àl’Assemblée nationale. Et ce groupe dehauts fonctionnaires et d’experts pro-ches de la gauche socialiste de renché-rir: «Serait-ce la baisse des capacitésmilitaires, une intégration encore pluspoussée dans l’OTAN, l’abandon del’ambition d’une défense européenne,l’adoption d’une doctrine d’interventionpréventive couplée à une culture expé-ditionnaire plus marquée?» Ces interro-gations critiques, à propos d’orienta-tions prêtées à Nicolas Sarkozy, témoi-gnent de la posture actuelle des cerclesproches du Parti socialiste. Avant depasser à des propositions plus opéra-tionnelles, ils évoquent déjà un aggior-namento de la présence en Afrique, ouencore le réexamen des modalités parlesquelles la mission de protection dupays est assurée, «avec une pondérationnouvelle pour les forces de projection».Autre piste de travail, celle d’un «Schen-gen de la défense». Retenons aussi l’évocation d’une relance des crédits«Espace» […].

Les Français nostalgiques du service militaire

Selon un sondage IFOP réalisé pour le magazine Valeurs actuelles, 59% desFrançais regrettent le service militaire,dont la suppression a été annoncée en1996 par le président Jacques Chirac etrendue effective en juin 2001. Ce senti-ment est plus fort chez les plus de 35ans (69%) et chez les électeurs de droite(71%), alors que 52% des électeurs degauche ne le regrettent pas. Pour rem-placer la conscription, 46% des Fran-çais sont favorables à la création d’unservice civil volontaire et 44% préfére-raient un service civil obligatoire. Enrevanche, 10% sont opposés à l’instau-ration d’un service civil, qu’il soit volon-taire ou obligatoire.

La ministre de la défense, MichèleAlliot-Marie, a souligné qu’un retour auservice militaire traditionnel «coûteraittrop cher et ne permettrait pas de répon-dre aux besoins de défense actuels».Revenir au service national coûteraitentre 5 et 7,5 milliards d’euros par an.

Dans leur projet 2007, les socialistesprônent la mise en place d’un servicecivique obligatoire de six mois pourfilles et garçons de 18 à 25 ans qui seraitconsacré «à des missions d’intérêt géné-ral pour favoriser les échanges entretous les Français».

Le Monde 12 juillet 2006

Reflets

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Le 14 novembre, l’originalité est venuedu diagnostic sur la situation financièredes armées. Avec ce constat: «Le minis-tère de la Défense est dans une impassefinancière, du fait qu’une série de pro-jets est lancée sans disposer des finan-cements adéquats.» Une vision quin’est finalement guère éloignée de cellede l’Etat-major des armées, à propos du«Modèle d’armée 2015», s’il se confir-me qu’il faudrait, d’ici à 2020, un bud-get d’équipement d’environ 22 milliardsd’euros par an pour atteindre les objec-tifs, soit une hausse de près de 50% del’enveloppe actuelle! Cette critique dela «programmation Alliot-Marie» augu-re, en cas de succès en 2007, d’un Livreblanc et d’une remise à plat des pro-grammes. L’enjeu à gauche, évoqué parplusieurs intervenants, étant alors d’ob-tenir que les crédits soient maintenus àleur niveau actuel («ne pas baisser lagarde»). Les socialistes français ne sontpas à l’unisson avec les socialistes suis-ses. C’est le moins qu’on puisse dire!

TTU Europe, 22 novembre 2006

Abeilles renifleuses d’explosifs

Des scientifiques du célèbre centre derecherche de Los Alamos National La-boratory au Nouveau Mexique (Sud-Ouest), qui travaillent pour le Départe-ment américain de la défense, ontindiqué avoir entraîné des abeilles à re-nifler des explosifs. Cette techniquepourrait, selon eux, avoir des applica-tions dans la sécurité aux Etats-Unis etpour les troupes en Irak. Ils ont dressédes abeilles à déployer leur trompe,qu’elles utilisent pour collecter le nec-tar, dès qu’elles reniflent des explosifs.Cette nouvelle technique, basée sur laconnaissance de la biologie des abeil-les, «peut devenir un outil-clé dans lalutte contre des explosifs artisanaux

auxquels les troupes en Irak sont par-ticulièrement vulnérables.»

ats-afp, L’Express, 30 novembre 2006

1956-2006: répression en Hongrie et panique aux Chambres fédérales à Berne

Au XXe siècle, lorsqu’une crise politico-militaire éclate en Europe, beaucoup deSuisses prennent peur. L’antimilitarismedisparaît comme le refus des crédits mi-litaires. Comme si une défense crédiblepouvait s’improviser!

En 1956 éclate la «crise de Budapest».Quelques divisions soviétiques se dé-placent en Hongrie. Il n’en faut pas pluspour qu’une véritable panique s’emparede certains milieux suisses. Les uns des-cendent dans les rues pour «chasser lessorcières», c’est-à-dire les communis-tes, et manifester devant les ambassadesdes pays de I’Est. Les autres organisent àla hâte des cours de combat rapprochéet de défense antichar. Le Parlement vo-te à tour de bras de nouveaux créditsmilitaires dont l’armée ne sait que faireet que le chef du Département militairefédéral, Paul Chaudet, n’avait pas de-mandés. Le président de la Confédéra-tion, Markus Feldmann, donne l’exem-ple de l’agitation. Avec d’autres de sescollègues, il supplie M. Chaudet de dé-créter une mobilisation générale. Admi-rablement renseigné par le colonelCharles Daniel, le chef du Départementmilitaire fédéral réussit à calmer lesesprits et refuse de prendre des mesuresmilitaires parfaitement inutiles à sesyeux. C’est grâce à lui, on peut le diremaintenant, que la Suisse ne s’est pascouverte de ridicule en novembre1956…

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dit l’adolescente avant de s’habiller entoute hâte. Elle empoigne une lampe depoche, enfourche sa bicyclette et foncevers le lieu du drame qui est à quelquescentaines de mètres de sa maison. «J’i-maginais le pire, mais je savais quequelqu’un avait besoin d’aide», raconteDamaris Hardmeier.

Ce qu'elle découvre a de quoi faire fris-sonner. Une collision frontale entre deuxvoitures vient de se produire. Dans unvirage, le conducteur fautif a perdu lecontrôle de son véhicule et a dévié surla piste de gauche avant de heurter vio-lemment une voiture arrivant correcte-ment en sens inverse. Grièvement bles-sé, il demeure coincé derrière son vo-lant. Damaris ne perd nullement sonsang-froid. Elle avertit immédiatementla police et l’ambulance et prodigueelle-même, de manière très profession-nelle, les premiers secours à la victimejusqu’à l’arrivée de la police et de laRega. Elle a notamment le geste quisauve en dégageant la bouche du blessédu sang qui risque de l’étouffer. Uneheure et demie après, la courageuseadolescente rentre chez elle pour secoucher. «Quand quelqu’un a besoind’aide, j’essaie toujours de me rendreutile», conclut ce petit bout de femmequi a appris la maîtrise des premierssecours chez les scouts. En reconnais-sance de son admirable attitude, la jeu-ne femme, qui souhaite d’ailleurs deve-nir secouriste, a été nommée Chevalièrede la route.

Pour Jean-Marc Thévenaz, membre dujury et responsable de la sécurité rou-tière auprès du TCS, Damaris Hard-meier est un bel exemple de la manièredont «les jeunes peuvent faire preuvede responsabilité dans le trafic routier ettémoigner d’une grande solidarité.»

Touring, 8 juin 2006

L’instruction sanitaire, ça peut servir!

Damaris Hardmeier, une jeune fille deseize ans domiciliée à Hinteregg (ZH),avait quinze ans au moment des faits.Un soir d’automne, vers onze heures etdemie, alors qu’elle était sur le pointd’aller se coucher, elle entendit un cris-sement de pneus suivi d’un violentchoc. «Un accident s’est produit», se

Aptitude au service en 2005

Obwald 73%Glaris 72%Appenzell Rhodes int. 72%Nidwald 72%Appenzell Rhodes ext. 71%Saint-Gall 70%Grisons 69%Lucerne 68%Schwyz 68%Uri 68%Fribourg 65%Vaud 63%Argovie 63%Soleure 63%Zoug 62%Thurgovie 62%Berne 61%Genève 60%Valais 58%Tessin 57%Bâle-Campagne 57%Neuchâtel 56%Schaffhouse 54%Zurich 52%Jura 52%Bâle-Ville 45%

Schweizer Soldat, avril 2006

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1856-2006: La «Revue militairesuisse» a 150 ans

Le 20 octobre 2006, l’Association de laRevue militaire suisse, les sociétés can-tonales et la Société suisse des officiers,le Groupe des 200 qui souscrivent unabonnement de soutien ainsi que denombreux invités de marque ont fêté les150 ans de leur revue à Verte-Rive àPully. La RMS a été créée en 1856, dansun contexte de tensions européennesbien différent de la situation actuelle.Initiative privée, soutenue par la SSO, laRMS a pour mandat de palier l’intermit-tente des services de milice, d’encoura-ger l’échange d’idées et d’initiatives en-tre les officiers romands.

Le président de l’ARMS, le div Domi-nique Juilland, remercie les propriétai-res et les lecteurs de la RMS pour leursoutien. Le col EMG Michele Moor, pré-sident de la Société suisse des officiers,évoque l’importance de la communica-tion et de la discussion dans le proces-sus de prise des décisions et l’évolutiondes structures de l’Armée. Il rappelle lespositions et les avertissements de la SSOavant la décision du Conseil national deFlims et la paralysie de l’étape de déve-loppement 08/11. Le chef de l’Armée, lecdt C Christophe Keckeis, souligne l’im-portante histoire et la tradition que re-présente une publication qui a su s’a-dapter aux défis et aux changementsd’un siècle et demi de tourmentes. Ilassure à la RMS son soutien.

Le col Hervé de Weck, rédacteur en chefsortant, démontre l’importance d’unepublication militaire romande à traversles conflits du XXe siècle, l’influence desidées et des débats dans la RMS lors del’introduction d’armes nouvelles: avia-

tion, blindés et NTTC1 en particulier. Lediv Liaudat présente ensuite le livre du150e, réflexion sur le passé, le présent etl’avenir de la RMS.

Le livre du 150e, La Revue militairesuisse, un périodique indépendant.150 ans d’engagement pour unedéfense crédible (1856-2006). Lau-sanne, Association de la Revue mili-taire suisse 2006. 22 x 21 cm. 182 pp.peut être commandée à l’administra-tion RMS, Avenue de Florimont 3,1006 Lausanne (e-mail [email protected])pour le prix de CHF 35.– (emballageet port non compris).

L’histoire est une création continue: lemaj EMG Vautravers et le lt col EMGMonnerat, nouveaux rédacteurs, don-nent connaissance des nouveautés de laRMS +, visibles à partir de 2006: nou-velle maquette, nouveau site Internet,questions de sécurité au sens large etrelations internationales. La RMS est unseul et même contenu, qui peut sedécliner sur plusieurs supports: papier,Internet (www.revuemilitairesuisse.ch),conférences, etc. Ses atouts sont son in-dépendance et son ouverture. Plus detrois cents auteurs y collaborent. Unquart des lecteurs sont étrangers; la dif-fusion se développe, en particulier enFrance. 6 numéros par an et 2 éditionsthématiques paraîtront chaque année.La collaboration sera renforcée avec lessociétés cantonales, la SSO, les Forcesterrestres et les Forces aériennes, le mon-de académique ainsi que les partenairesde sécurité ou organisations «Feu bleu».Le nouveau rédacteur en chef, le majEMG Alexandre Vautravers, souhaiteque la revue continue d’inspirer et en-courage à participer.

1Nouvelle technologie de tir de combat.

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Les tests du D-2 au Soudan ont livré auxtechniciens de la Fondation de précieu-ses informations sur l’efficacité de cetengin de déminage, mais ils ont aussimis en évidence un certain nombre d’a-méliorations à apporter, ce qui faciliteral’utilisation et l’entretien de la machinesur le terrain. Celles-ci ont, en grandepartie, pu être intégrées sur le D-2 parles opérateurs de Digger au Soudan. Enparallèle, ces tests ont permis à Diggerde développer et de construire une nou-velle machine D-2-série 1, sortie desateliers de Tavannes en septembre 2006.La machine a été soumise à un pré-testde certification d’un organisme interna-tionalement reconnu (International Testand Evaluation Program). C’est une éta-pe qui permettra au D-2 de recevoir unecertification internationale universelle-ment reconnue. Après deux jours d’es-sais, les experts internationaux ont faitpart d’une première impression très po-sitive. Leur rapport définitif est encoreen cours de finalisation, mais les techni-ciens de Digger ont reçu la confirmationque le passage à la prochaine étape estaccepté. La version améliorée du D-2est maintenant prête à être fabriquée ensérie. La Fondation Digger fait donc faceà un nouveau défi, à savoir l’industriali-sation et la vente de ses machines.

En 2005, différentes zones de la pentedes buts de la place d’armes de Bièreavaient été débroussaillées par le Digger

Dans un deuxième temps, la conseillèrenationale Barbara Haering, présidentede la Commission de sécurité du Con-seil national, présente la vision du Partisocialiste pour une organisation de sé-curité réduite et professionnelle à l’hori-zon 2008. L’amiral français Alain Col-defy pose les bases de toute stratégie,reposant sur la disponibilité, la capacitéde décision, d’action autonome et lesréserves. Difficile de concilier ces deuxvisions – l’une idéaliste, l’autre réaliste!Les personnes présentes réagissent for-tement aux propos partisans de MmeHaering qu’ils auraient préféré entendres’exprimer sur le rôle et le travail de laCommission de sécurité. Quoi qu’il ensoit, la preuve est faite que la RMS, entant que forum indépendant et privilégiéde débat sur les questions de sécurité,est toujours nécessaire et efficace…

Le div Juilland a remercié les conféren-ciers et l’assemblée pour leur engage-ment autour du projet de la RMS. Il a re-mercié le col de Weck, pour avoir dirigéla rédaction pendant quinze ans. Il asouhaité une longue et fructueuse car-rière à la revue.

Le «Digger D-2» au Soudan et à la place d’armes de Bière

Le 30 octobre 2006, après six mois detests, le Digger D-2, l’engin de démina-ge mis au point par la fondation Diggerà Tavannes, a reçu officiellement du Bu-reau du déminage des Nations uniesl’autorisation de démarrer le travail dansles champs de mines au Soudan. Cetteaccréditation ouvre une nouvelle étapepour la Fondation! L’engin, financé parla Ville de Genève, est mis à la disposi-tion de la Fondation suisse de démi-nage, pour que celle-ci l’utilise dans lecadre de ses programmes au Soudan.

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D-1. Les essais se sont avérés con-cluants: les buissons coupés repoussentdifficilement. En automne 2006, on aobservé des insectes et autres espècesanimales qui ont bénéficié de ce dé-broussaillage. la Fondation Digger a étémandatée par Armasuisse pour débrous-sailler différentes zones de végétationdense de la même pente des buts.

La présence potentielle d’obus non-explosés (jusqu’à 6 kg d’explosifs) fontdu Digger D-2 le seul véhicule en Suissecapable d’effectuer cette tâche en toutesécurité. Du 9 au 18 octobre 2006, leDigger D-2 a débroussaillé 6300 m2 devégétation extrêmement dense. Le ris-que de détonations d’obus, ainsi que laprojection d’éclats métalliques présentsen grande quantité dans le sol rendentindispensable le blindage du D-2. Le pi-lotage à distance de la machine dans unterrain accidenté, parsemé de trous d’o-bus de toutes tailles, rend particulière-ment difficile et éprouvant le travail desopérateurs et met à contribution les ca-pacités tout-terrain du véhicule. Le D-2et ses opérateurs se sont acquittés decette tâche difficile à la grande satisfac-tion des mandataires.

A la fin de l’année 2006, la FondationMIN-EX, issue des Rotary-Clubs deSuisse et du Liechtenstein ont fait undon de 100000 francs à Digger.

Les dons peuvent être versés au CCP 10-732824-2.

La veuve du gendarme tué auxGrangettes en 1971 témoigne

Menacé de saisie, Blaise Oriet, proprié-taire de la ferme des Grangettes auxRangiers, tire au 22 long rifle sur le jugeHublard et le gendarme Kohler qui s’ap-

prochent de son exploitation. Le gen-darme meurt… Oriet vient de publierun roman sur cette affaire, qui se veut«un acte de réconciliation». Trente-cinqans après le drame, Charlotte Kohler, lafemme du gendarme, ravale ses larmes.Lorsque, le 8 février 1971, un gendarmevient lui annoncer le décès de son mari,Charlotte Kohler est dans sa cuisine, àPorrentruy où elle habite toujours. «Jepensais que mon mari était allé cherchéune bouteille à la cave. De temps entemps, il offrait l’apéritif à ses collègues àla maison.» Quand on lui annonce lanouvelle, elle ne comprend pas, ne veutpas, ne peut pas comprendre. «Mais lepire, c’est lorsque les enfants sont rentrésde l’école!»

Des larmes, elle n’a pas le temps d’enverser trop longtemps. Il faut s’occuperdes enfants, trois garçons qui, à l’épo-que, sont âgés de 5, 8 et 10 ans. Certes,l’argent ne lui rendrait pas son mari.Mais il l’aiderait à faire face, seule dé-sormais, aux responsabilités familiales.«Je voudrais aujourd’hui que l’on sacheque je n’ai jamais reçu un seul centime àla suite de cette affaire. Pourtant, dansl’opinion publique, on m’imaginait sanssoucis d’argent.» Son mari, mort dansl’exercice de ses fonctions, a droit à tousles honneurs lors de ses funérailles. Il ya tellement de fleurs qu’il faut deux cor-billards pour les transporter jusqu’au ci-metière.

Et après plus rien, hormis les rentes deveuve et d’orphelins! Pourtant, le Tribu-nal civil a condamné le coupable à ver-ser des indemnités à la famille du dé-funt. Et pour ce faire, il faudrait vendrela ferme. «On était en pleine Questionjurassienne. Peu de temps auparavant,des paysans avaient protesté dans lesFranches-Montagnes contre la vented’une ferme. Ils étaient prêts à se mobili-

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Le regain d’intérêt pour devenir halle-bardier dans la Garde suisse pontificaleest dû en grande partie au travail en pro-fondeur accompli ces dernières annéesdans nos paroisses catholiques auprèsdes jeunes, ainsi que par la médiatisa-tion des événements du Jubilé du 500e.La motivation des candidats recrutés en2006 se résume en trois points: servirl’Eglise, découvrir une nouvelle cultureet apprendre l’italien.

Il s’agit de ne pas s’endormir sur leseffets positifs du 500e anniversaire, maisde continuer à tous les échelons (gardesactifs, anciens gardes, information et re-crutement en Suisse et au commande-ment de la Garde au Vatican) à favoriserles vocations pour la Garde auprès desjeunes catholiques de Suisse. Je vois ceteffort en 2007:

– En soutenant les voyages des groupesde jeunes catholiques dans le cadre deleur paroisse (au profit du recrutement àlong terme).– En favorisant les Schnuppenwoche àRome en septembre de chaque année(au profit du recrutement à moyen ter-me). En septembre 2006, 40 jeunes ontparticipé au voyage d’initiation à la Gar-de à Rome, dont 25 Alémaniques, 12Romands et 3 italophones.– En alimentant judicieusement les 6centres de recrutement de l’armée suis-se en DVD, VIDEO et dépliants sur laGarde, étant donné qu’une brève infor-mation sur la Garde est faite depuis cesdernières années durant les trois joursde recrutement à tous les conscrits.

Extrait du Rapport 2006 du col EMGAndré Wyss, ancien chef du

recrutement de l’armée et préposé au recrutement GSP pour la

Suisse romande

ser aux Grangettes et tout le monde avaitpeur. Finalement, la vente n’a pas eulieu.» L’avocat qui l’a défendue jusque-là se retire de l’affaire: «Il se sentait endanger, il avait peur pour sa famille.»Charlotte Kohler s’approche alors d’unavocat de La Neuveville. Il est prêt àplaider sa cause, pour autant qu’on luiverse préalablement 20000 francs. «Jen’avais pas cette somme. J’ai laissé tomber…»

Les enfants grandissant, Charlotte Koh-ler veut qu’ils puissent choisir les étudesqu’ils souhaitent. Et pour cela, elle tra-vaille des années durant dans un kios-que. «Ce qu’en disaient les journaux, lesmédias, ça m’était égal. La seule chosequi comptait, c’était mes enfants.» Etc’est pour eux qu’aujourd’hui, elle trou-ve la force de témoigner.

D’après Le Quotidien jurassien, 27 novembre 2006

Recrutement de Romands à la Garde suisse pontificale

«Dans le courant de 2006, j’ai reçu plusde 100 demandes téléphoniques dont laplupart ont été tout de suite réglées pourceux qui ne remplissaient pas les critè-res d’admission, tels que âge, religion,profession, service militaire. J’ai eu leplaisir de recruter 11 candidats romandsen 2006, lesquels passèrent avec succèsl’entretien de sélection conduit par lesoussigné à la cure catholique de Mor-ges. Certains ont déjà rejoint la Garde,alors que d’autres seront convoquésprochainement à une école de recruesau Vatican. A ma connaissance, ce sontégalement 11 Romands (5 Fribourgeois,3 Vaudois, 2 Jurassiens et 1 Valaisan) quidevraient prêter serment le 6 mai 2007.Quelle belle volée! Pour la statistique,je relève que 10 dossiers de candidatsromands étaient encore en suspens à fin2006.

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Voltaire inventeur du charblindé?

On parle de guerre entre l’Autriche et laPrusse. La France serait alliée à l’Autri-che. Voltaire fait semblant de ne riencomprendre à ces alliances… Si cetteguerre doit avoir un dénouement bienmeurtrier «qu’au moins M. Freytag soitpendu!» dit-il. Voilà une guerre qui serautile1.

«Le roi de Prusse vient de m’écrire unelettre tendre, il faut que ses affairesaillent bien mal», écrit-il à Richelieu le 4février 1757. Il n’a pas d’illusion sur lanature de cette tendresse mais iléprouve une réelle satisfaction de savoirque Frédéric a de graves ennuis. Il envi-sage les deux issues que peut avoir laguerre pour son «ami» et les consé-quences qu’elles auront pour lui. Dansle cas où Frédéric serait victorieux, «jeserai justifié de mon ancien goût pourlui. S’il est battu, je serai vengé.» Tout estpour le mieux. A vrai dire, il pavoiseraitvolontiers pour la défaite de Frédéric.

C’est à ce montent que nous voyonsVoltaire se livrer à une activité surpre-nante: il invente un char de combatdans l’intention de pulvériser l’arméeprussienne. Ce n’est pas une rêverie depoète, les plans sont faits, la machineexiste sur le papier. Elle a, bien sûr, uneorigine littéraire: c’est dans une relationsur les chars d’Assuérus qu’il a trouvél’idée de sa machine moderne. Il ensoumet le plan à M. de Florian, officier

de talent, qui l’étudie et le présente auMinistre. Richelieu s’y intéresse unmoment – ou fait semblant. Bref, dutemps que les bureaux feuillettent leprojet et le font changer de dossier, l’in-fanterie autrichienne écrase l’arméeprussienne à Kollin.

Et le char de papier est rendu à Voltaire-Assuérus. N’empêche que les rapportsfaits par M. de Florian et d’autres offi-ciers étaient sérieux. On a même exé-cuté un modèle réduit de l’engin pourlequel Voltaire s’est passionné. «Onl’exécute maintenant en petit. Ce sera unfort joli engin. On le montrera au Roi. Sicela réussit, il y aura de quoi étouffer derire que ce soit moi (le séquestré deFrancfort!) qui suis l’auteur de cettemachine destructive (de l’armée de Fré-déric!) Je voudrais que vous comman-dassiez l’armée et que vous tuassiezforce Prussiens avec mon petit secret.»

Le char de combat ne détruisit rien,mais les jeux de la guerre donnèrentquelques satisfactions à la rancune deVoltaire. Après sa défaite de Kollin, Fré-déric se trouva dans un péril très grave.Son armée en déroute ne lui permettaitplus de redresser la situation. Richelieuqui était en Allemagne et contribuait deson mieux à la défaite de Frédéric reçutcette lettre de Voltaire: «Si vous passiezpar Francfort, Mme Denis vous supplieraittrès instamment de lui faire envoyer les

1 Merci à Jean Michel de Porrentruy, toujours actif et plein d’esprit, d’avoir signalé ce passage au rédacteur.

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quatre oreilles de deux coquins l’unnommé Freytag, résident sans gages duroi de Prusse à Francfort qui n’a jamaiseu d’autres gages que ce qu’il m’a volé,l’autre Schmidt, un fripon de marchand,conseiller du roi de Prusse, tous deux onten l’impudence d’arrêter la veuve d’unofficier du roi, munie d’un passeport duRoi. Ces deux scélérats lui firent mettre

des baïonnettes dans le ventre et fouil-lèrent dans ses poches. Quatre oreilles,en vérité, ce n’est pas trop pour leursmérites.»

Jean Orieux: Voltaire ou la royauté del’esprit. Paris, Flammarion, 1978, pp.492-493.

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Fortification du château de Porrentruy (1622–1629)

Jean-François Nussbaumer

Le château qui domine Porrentruy estnaturellement défendu sur ses flancsSud et Est, beaucoup moins sur les au-tres. Il contrôle la rencontre de trois val-lées, Allaine, Creugenat, Bacavoine etquatre axes de communication impor-tants, vers Belfort, Delémont – Bâle,Besançon et Saint-Ursanne – Neuchâtel.Jusqu’à la construction des chemins defer à la fin du XIXe siècle, le noyauurbain ancien de la ville capte tout letrafic routier. Une diligence qui se rendde Delémont à Belfort, par exemple,entre par la porte de Saint-Germain etsort par la porte de France.

En 1621, une armée de pillards aux or-dres du comte luxembourgeois Ernestde Mansfeld sème la désolation enAlsace, c’est les débuts de la guerre deTrente Ans (1618-1648). Le prince-évêque Guillaume Rinck de Baldenstein(1608-1628) craint pour ses Etats, sacapitale et son château. Il demande àses sujets valides de se tenir prêts àprendre les armes, lève des garnisons etfait entreprendre des travaux de fortifi-cation. Dès 1622, la population de Por-rentruy s’agrandit d’une garnison et dequelques familles alsaciennes réfugiées.

Les abords du Collège des jésuites, laporte du Haut de la ville sont fortifiés,tout particulièrement dans la partiesituée entre l’église Saint-Pierre et la

tour du Séminaire (actuel jardin bota-nique).

Le château n’est encore qu’une forte-resse médiévale dont les derniers travauximportants remontent à l’enceinte deJean de Venningen (1465). Rink de Bai-denstein fait construire une porte supplé-mentaire à l’Ouest (actuellement carre-four du chemin du Château et du chemindes Cras) avec un terrassement au Sud-ouest (Vignatte). La résidence du Prince-Evêque compte désormais quatre entréesfortifiées successives et en enfilade.

On aménage le bastion prolongeant lesdéfenses de la porte au Nord-ouest.Trois demi-lunes, sont ajoutées, auNord (à proximité de la ferme actuelle)et au Sud (dans la pente de la Vignatte),la troisième, en contrebas au Sud-ouest,est partagée aujourd’hui entre les pro-priétés 25 et 27 de la route de Bure (car-refour de la route de Bure et du chemindu Château). De ces ouvrages, destinésà être garnis de pièces d’artillerie, le

Bastion: ouvrage de fortification faisantsaillie sur l’enceinte d’une place forte. Il estcomposé d’une escarpe et d’une contre-escarpe séparées par un fossé, ce qui rendl’ouvrage difficile d’accès pour l’ennemi.

Demi-lune: ouvrage en demi-cercle placéen avant d’un système de défense.

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Prise de vue aérienne du château de Porrentruy de l’Est. La lumière rasante de find’après- midi met en évidence les travaux de terrassement du bastion Nord-Ouest etde la demi-lune Nord. (Photo J.-F. Nussbaumer)

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Croquis des travaux de fortification réalisées au château de Porrentruy. 1. Demi-luneNord; 2. Demi-lune Sud; 3. Demi-lune Sud-Ouest; 4. Bastion. (D’après un plan deQuiquerez 1869)

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bastion Nord-ouest, la demi-lune Nord,le terrassement Sud-Ouest et la demi-lune de la route de Bure sont encorebien visibles.

Une étude approfondie des comptes dela Cour épiscopale et des «montresd’armes» (registres de la milice locale)permettraient de mettre en évidence lesefforts considérables qui ont été consen-tis, notamment entre 1623 et 1627,pour mobiliser les ressources humaineset matérielles (acquisition de canons),nécessaires à la défense des lieux.

Mansfeld s’est éloigné de la Principautéépiscopale et laisse ainsi un répit d’unedouzaine d’années à Porrentruy. Les dif-férents sièges, occupations et réquisi-

tions infligés par les belligérants sué-dois, impériaux ou français, entre 1634et 1650, se révéleront calamiteux pourla ville et sa région.

J.-F. N.

SourcesVautrey, L.: Notices historiques sur les villeset les villages catholiques du Jura. Vol.reprint. Genève, Editions Slatkine, 1979.Quiquerez, A.: Ville et château de Porren-truy. Reprint. Porrentruy, Editions du Fau-bourg, 1982.Gerster, A.; Rais, A.: Le château de Porren-truy. Delémont, Imprimerie Le Démocrate,1961.MEHDP, Plan géométrique du Ban & Terri-toire de Pourrentruy de Jaquet & Laubscher1752. AAEB, doc. B 150/2b et B 243/3, 4, 5.

Demi-lune de la route de Bure, vue prise du chemin des Lilas (Colombière). (PhotoJ.-F. Nussbaumer)

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Dr. Franz RiedwegUn «paneuropéen» suisse au service de la SS

Cap Dimitry Queloz

Ce mémoire de licence de l’Université deNeuchâtel est la biographie du Dr. FranzRiedweg, un Suisse qui s’est engagé dansla Waffen-SS en 1938 et a adhéré au Partinational-socialiste en 19421. Son auteur,Marco Wyss, a su aborder un thème déli-cat avec beaucoup d’habileté et de ri-gueur scientifique. Il montre une grandemaîtrise dans l’analyse des documentsconsultés et indique les pistes d’étudesultérieures possibles.

Franz Riedweg naît en 1907. Il est issud’une riche famille lucernoise. Etudiant,il s’intéresse très jeune à la politique ets’engage dans le Mouvement paneuro-péen de l’aristocrate allemand Couden-hove. Ce dernier désire constituer uneEurope unifiée face à l’Union sovié-tique. Ultérieurement, il s’opposera aunational-socialisme. Très influencé parce mouvement, Riedweg en retient sur-tout le volet anticommuniste qui le mar-quera pour le restant de sa vie. Après unséjour universitaire en Allemagne où ilpoursuit ses études de médecine, iladhère au Front national en 1934, maisson engagement est de courte durée. Ilcontinue son combat contre le commu-nisme en tant que secrétaire de l’Action

nationale suisse contre le communisme(ASNC), aux côtés de l’ancien conseillerfédéral Jean-Marie Musy, qu’il a côtoyédans le cadre des campagnes pour la loisur la défense nationale et contre l’ini-tiative de crise.

Au cours de son séjour en Allemagne,Riedweg entre en contact avec lesmilieux nationaux-socialistes, ainsi qu’a-vec les représentants de l’ancien ordrearistocratique et militaire prussien. Il semarie en août 1938 avec Sibylle vonBlomberg, la fille du ministre allemandde la Guerre. La même année, il entredans les SS-Verfügungstruppen, la futureWaffen-SS. Par rapport aux autres enga-gements, celui de Riedweg est très pré-coce, puisque la plupart des volontairesétrangers dans l’Ordre noir ont eu pourmotivation essentielle de se joindre à lacroisade contre le bolchevisme et l’U-nion soviétique, déclenchée par Hitleren juillet 1941.

Les raisons profondes de son geste sem-blent être de deux ordres. Outre sonanticommunisme et son rêve de voir une«nouvelle Europe» guidée par une Alle-magne nationale-socialiste, Riedweg

1 Wyss, Marco: Dr. Franz Riedweg. Un «paneuropéen» suisse au service de la SS. Mémoire de licence del’Institut d’histoire de l’Université de Neuchâtel, sous la direction du professeur Philippe Marguerat,novembre 2005.

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agit par opportunisme et carriérisme.Son entrée dans la Waffen-SS est forte-ment appuyée au plus haut niveau de lahiérarchie, tout comme sa demande denaturalisation. Il bénéficie en effet dusoutien direct de Himmler et de Hey-drich, ce qui permet d’éliminer certainsobstacles et d’accélérer les procédures.De plus, il obtient le grade de SS-Haup-sturmführer, grade déjà très élevé, inha-bituel pour un nouveau membre. Ried-weg profite donc de ses relationsprivilégiées avec les cercles dirigeantsde la Waffen-SS.

Médecin, il obtient une reconnaissancede ses diplômes en Allemagne. Aprèsavoir suivi une formation militaire dequelques semaines, il commence sesactivités dans la Waffen-SS en tant quemédecin de troupe au II. Sturmbann de

la SS-Standarte Deutschland. En avril1939, il est transféré au service du SS-Sanitätsamt du SS-Hauptamt (SS-HA). Ily travaille comme chargé de la mobili-sation de l’inspection sanitaire. Aumoment du déclenchement de l’offen-sive contre la France, Riedweg se voitmuté dans un régiment d’artillerie de laSS. Après cette campagne, il devientfonctionnaire SS et sa véritable carrièrecommence alors.

La Waffen-SS, au début de la guerre, nereprésente qu’un nombre de troupes trèsfaible par rapport à la Wehrmacht, etcette dernière a la priorité dans le recru-tement. Dès lors, le développement et lecomplément des effectifs se font par l’in-tégration des volontaires germaniquesnon-allemands, dont beaucoup sontissus des territoires récemment conquispar l’Allemagne. Après la campagne deFrance, un office est créé, qui deviendrala Germanische Freiwilligen-Leitstelle(GFL), chargé de maximiser ce recrute-ment au profit de la Waffen-SS. Riedwegen devient le directeur et il est possiblequ’il a eu l’idée de sa création. Pour seformer à cette nouvelle tâche, il effectuedeux stages au Reichssicherheitshaup-tamt (RSHA) et à l’Auswärtiges Amt(AA).

Aux commandes du nouvel organe àpartir du printemps 1941, Riedweg faitpreuve de zèle dans ses activités. Il sem-ble tout d’abord avoir élargi le champdu recrutement, en incorporant dans laSS des Français qui ne sont pourtant pasdes Germains. En collaboration avec legénéral Steiner, chef de la Waffen-SS, ilrestructure les unités de volontaires etcréé le III. Germanische Panzerkorps.Dans ce cadre, le recrutement prend uncaractère européen et la lutte contre lebolchevisme est élevée au rang de

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cause européenne. De plus, la GFL, quidevient la Germanische Leitstelle (GL),augmente ses compétences. C’est ellequi est chargée de l’organisation exécu-trice de la politique germanique de l’Al-lemagne, confiée à la SS. Dès lors, Ried-weg devient l’exécuteur des actions decette dernière dans l’espace germani-que. Il s’occupe donc, non seulementde l’encadrement des volontaires issusde ces territoires, mais aussi de la pro-pagande idéologique (idéologie germa-nique) et de l’établissement des organi-sations de la NSDAP, notamment de laJeunesse hitlérienne.

Dans le cadre de ses fonctions, Riedwegs’occupe de son pays d’origine, laSuisse. Ses actions au niveau de la poli-tique germaniques sont un échec, no-tamment du fait que la Suisse n’est pasoccupée. En revanche, il obtient cer-tains succès en matière de recrutement.Sa position politique reflète ses opinionspaneuropéennes développées dès lesannées 1920. Il désire que la Suisseadhère à une fédération d’Etats euro-péens indépendants dirigée par l’Alle-magne.

A la fin de l’année 1942, Riedweg com-mence à remarquer une divergenceentre ses conceptions politiques euro-péennes, celles de Hitler et de ses sub-ordonnés directs et la réalité des actionsdu III e Reich. La direction et la gestiondes questions liées aux pays germa-niques deviennent de plus en plusimpérialistes, laissant à ses derniers demoins en moins d’indépendance. Parailleurs, ses idées discréditent Riedwegau sein du SS-HA et il sent qu’il ne peutplus compter sur l’appui de Himmler,qui a été son grand protecteur jusqu’a-lors. De plus, il s’oppose à plusieursreprises à son chef direct, Berger… Au

printemps 1943, Riedweg demande àêtre relevé de ses fonctions et à êtreenvoyé au front.

Sa mutation s’effectue par le biais d’unepromotion au grade de SS-Obersturm-bannführer de la Waffen-SS, mais leschoses traînent, et ce n’est qu’au débutde l’année 1944 qu’elle devient effec-tive. Riedweg a fait accélérer le proces-sus en prononçant un discours très cri-tique à l’égard des visées impérialistesdu Reich lors du quatrième congrès ger-manique. Sa nouvelle affection est le III.Germanische Panzerkorps, où il assurela fonction de médecin-chef dans l’hô-pital de campagne 11. En raison de lavolonté de Himmler de lui faire payerson indépendance au niveau des idéeset ses critiques contre le régime, Ried-weg a failli être muté comme médecinde troupes, directement au front (SS-Panzerregiment 5). Finalement, il resteincorporé en tant qu’adjudant dans lecorps blindé, qui est engagé en Cour-lande. Riedweg suit jusqu’à Berlin laretraite de la Wehrmacht devant la pres-sion de l’Armée rouge.

Durant sa période au front, Riedwegdevient un résistant au régime nazi.Après une première période, en autom-ne 1943, durant laquelle il a une atti-tude purement passive, et au cours delaquelle il a des contacts avec l’un desprincipaux membres du futur complotdu 20 juillet 1944, le comte von derSchulenburg, Riedweg entre dans unephase active de résistance. Il participeau complot de Steiner et de von Man-teuffel, dont le but est de déposer Hitleret de conclure un armistice avec lesalliés occidentaux, tout en poursuivantla guerre contre l’Union soviétique. Lerôle principal de Riedweg est de fairejouer ses relations avec l’ancienne

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aristocratie allemande, surtout sonbeau-père Blomberg, que l’on consi-dère comme seul apte à entrer encontact et à mener les négociations avecles Anglo-Américains. Finalement, cecomplot échoue, ainsi que le suivant,qui prévoit l’engagement d’un com-mando chargé d’envahir le Chancellerieet de s’emparer de Hitler, si nécessairede le tuer.

Riedweg est capturé par les Américainsle 3 mai 1945 à Mecklenburg. Relâchérapidement du fait qu’il déclare appar-tenir à la Wehrmacht et non à la SS, il vitnormalement pendant plus d’un an enAllemagne. Il est arrêté par les Britan-niques le 3 juin 1946 à Hanovre. Alorsqu’il est interrogé par les Alliés durantles mois suivants, un procès s’ouvrecontre lui en Suisse. Depuis 1938, il ades problèmes avec la justice de sonpays d’origine. Si pendant plusieursannées, le procureur fédéral a limité sesinterventions par peur de réactionscontre la Suisse, aucun obstacle nes’oppose plus à une action judiciaire,une fois le III e Reich vaincu. En octobre1944, il est déchu de sa nationalité. Endécembre 1947, il est condamné par

contumace à seize ans de réclusionpour attaque contre l’indépendance dela Confédération et aide à un servicemilitaire étranger.

En Allemagne, Riedweg est aussi jugépar une chambre de dénazification.Après un premier acquittement, il finitpar être condamné à une peine trèslégère, une amende de 2000 marks, le24 juin 1949.

Déchu de sa nationalité suisse, Riedwegtermine sa vie en Allemagne. Il ouvre uncabinet médical à Munich en 1951 etdevient un médecin renommé dans ledomaine endocrinien. Il reçoit en 1997une médaille d’honneur de la part duministre bavarois Edmund Stoiber. Ilcontinue à se préoccuper de politique,s’engageant dans le groupement LigaEuropa. Il est convaincu que la fin destemps modernes est proche, que la reli-gion redeviendra le guide de l’hommecomme au Moyen-Age et que l’Europese constituera dans le cadre d’une entitéspirituelle et religieuse. Riedweg meurtle 22 janvier 2005.

D. Q.

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Le Service de renseignementsuisse face à la menace allemande (1939-1945)

Cap Dimitry Queloz

L’ouvrage de Christian Rossé1 étudie l’es-timation de la menace allemande par leService de renseignement suisse au coursde la Seconde Guerre mondiale. Dans lapremière partie, l’auteur s’intéresse àl’institution, à son organisation, qui con-naît deux grandes modifications, à sesmissions et à ses principaux dirigeants. Ladeuxième partie est consacrée au rôleproprement dit du SR au cours de laguerre.

Intégré à l’Etat-major de l’Armée (EMA),le Service de renseignement voit saposition se renforcer au cours de laguerre. Au moment de la mobilisation,la Section de renseignement, dirigée parle lieutenant-colonel Roger Masson, estsubordonnée au Groupe Ia Front, com-mandé par le colonel EMG Hans Frick.En 1941, un Service de sécurité estadjoint au SR et la nouvelle section«Service de renseignements et de sécu-rité» est directement subordonnée auchef de l’EMA. L’année suivante, la sec-tion devient un groupe d’EMA (GroupeId). Masson est promu au grade de colo-nel brigadier et devient sous-chef de

l’EMA. Enfin, en 1944, le Groupe Iddevient Ib, avec adjonction des sections«Mobilisation» et «Service territorial».A ce moment, Masson se retrouve à latête de 300000 hommes.

Le Service de renseignement propre-ment dit connaît quatre réorganisationsau cours du conflit, dont deux sont vrai-ment importantes, celle de 1939, quimarque le passage du temps de paix àcelui de guerre, et celle de 1942. Cettedernière divise le SR en deux sections,la Section «Axe» et la Section «Alliés».Si cette nouvelle organisation a pour butde mieux coller à la réalité de la bipola-rité de la guerre, elle sanctionne aussi ladivision du SR entre les bureaux ro-mands positionnés à l’Ouest, et les bu-reaux alémaniques situés sur la frontièreEst.

En dépit de l’augmentation de l’impor-tance du SR tout au long de la guerre,les effectifs n’évoluent que peu. Aumoment de la mobilisation, le dévelop-pement est important, le nombre d’offi-ciers passant de 9 à 28. Il augmente

1 Rossé, Christian: Le Service de renseignement suisse face à la menace allemande 1939-1945. Panazol,Neuchâtel, Lavauzelle, Alphil, 2006 (collection « Renseignement, histoire & géopolitique »). Ouvrageissu d’un mémoire de licence de l’Institut d’histoire de l’Université de Neuchâtel (octobre 2000), sous ladirection du professeur Philippe Marguerat.

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pour atteindre son maximum (48 offi-ciers) en juin 1940. Dès lors, et jusqu’àla fin de la guerre, les effectifs variententre 26 et 42. En ce qui concerne lessous-officiers et les soldats, une évolu-tion semblable peut être mise en évi-dence. Le maximum est atteint en mai1940 avec 48 personnes. Ce nombrevarie ensuite de 23 à 42, avec une forteaugmentation en juin 1944 (46 hom-mes). Ces chiffres se rapportent auxmilitaires soldés et aux employés civilset ne comprennent pas les agents, dontle nombre est impossible à estimer.

En dépit d’importantes augmentationsannuelles, le budget reste très modeste.L’esprit d’économie doit donc êtrepoussé à son maximum. Les agents sontfaiblement rétribués et les dédommage-ments accordés pour les indemniser despertes subies relèvent plus du symboleque de la réelle reconnaissance. Selonl’auteur, «l’attitude du SR envers sesemployés sur le terrain, qu’ils soient suis-ses ou étrangers, soldés ou bénévoles,constitue le point le plus sombre de son activité pendant la Seconde Guerremondiale.»

Dans la deuxième partie, l’auteur ana-lyse le rôle joué par le SR au cours de laguerre, par le biais d’une approchechronologique. Il montre que le SR pra-tique, avant tout, en raison de la forma-tion intellectuelle de ses officiers, laméthode de l’analyse des possibilités del’adversaire. Cette évaluation, consistantà déterminer l’emplacement des gran-des unités allemandes, est faite avecbeaucoup de précision, ce qui permetde donner au haut commandementsuisse une image assez exacte dudéploiement des forces allemandes, deses mouvements, de la disponibilité deses réserves.

Toutefois, cette méthode d’analyse mon-tre des limites. D’une part, la rapiditédes transports et la guerre de mouve-ment pratiquée par l’Allemagne fontque, pour constituer une menace, destroupes ne doivent pas forcément êtreconcentrées près de la frontière helvé-tique. D’autre part, le caractère irration-nel de Hitler fait qu’une opération peutêtre lancée contre la Suisse de manièretotalement imprévisible, même si aucu-ne force n’est disponible à proximité desa frontière. Dès lors, le SR emploie éga-lement une autre méthode d’analyse,celle des intentions de l’adversaire. Pource faire, il possède une ligne de rensei-gnement, la ligne «Viking», qui remon-te jusqu’au cœur de l’Oberkommandode la Wehrmacht (OKW). Cette ligne nefonctionne pas comme une ligne derenseignement «normale», mais consti-tue plutôt une sonnette d’alarme. Com-posée d’officiers allemands désirantconserver une Suisse neutre, elle doitavertir le SR suisse des menaces qui pla-nent sur elle.

La ligne «Viking» soulève plusieursquestions, à commencer celle de sa fia-bilité. Elle donne des renseignementsjustes à certains moments, mais se tait àd’autres, notamment durant l’été et l’au-tomne 1940, lorsque des plans sonteffectivement établis en vue d’une opé-ration contre la Suisse («TANNEN-BAUM»). A la fin de l’année 1942 et audébut de 1943, elle avertit à plusieursreprises le SR des intentions allemandesd’agression contre la Suisse. Cette pé-riode correspond à un tournant de laguerre qui entraîne des modificationsimportantes de la situation stratégiquede l’Allemagne.

Avec les défaites de Stalingrad et d’El-Alamein, avec le débarquement améri-

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cain en Afrique du Nord, l’armée alle-mande se trouve sur la défensive et lamenace d’un débarquement anglo-amé-ricain en Italie devient une quasi-certi-tude. Pour faciliter les communicationsavec les forces engagées en Italie, il est àcraindre que l’Allemagne ne cherche àmettre la main sur les lignes du Gothardet du Simplon, car les autres lignesqu’elle contrôle, surtout le Brenner, sontd’un rendement relativement faible et,de surcroît, soumises aux bombarde-ments de l’aviation stratégique alliée.

Cette période coïncide également avecune période de tensions importantesdans les négociations économiques en-tre la Suisse et l’Allemagne. Exaspéréepar l’attitude de la Suisse, cette dernièrecherche-t-elle à faire pression sur leGouvernement suisse en manipulant ou

en utilisant la ligne «Viking»? Cettequestion mériterait une étude approfon-die, qui nécessiterait de reprendre uneanalyse soigneuse des documents de laligne elle-même, de ceux de l’OKW,pour voir dans quelle mesure des plansont effectivement été envisagés à cetteépoque, enfin, l’étude des négociationséconomiques germano-suisses et de leursuivi par Hitler et le Gouvernement allemand.

Après l’alarme de mars 1943, le SRsuisse ne croit plus à une invasion dupays par l’Allemagne. Il ne néglige pascependant la possibilité d’une actionlocale, notamment si des troupes alle-mandes en retraite étaient bloquées en-tre les forces alliées et la frontière suisse.Il sait que l’analyse de la situation desforces allemandes ne lui apprendra rien,car il y a des concentrations importantes

En 1944, la Suisse pourrait être un couloir de rocade pour l’évacuation des forcesallemandes du sud de la France.

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à proximité des frontières helvétiques,du fait du rapprochement des fronts. Ilmet alors toute sa confiance dans seslignes «sonnettes d’alarme», notam-ment la ligne «Wiking», tout en sachantqu’un accès de colère de Hitler peuttoujours déboucher sur une action con-tre la Suisse.

Terminons ce compte rendu en men-tionnant que le livre de Christian Rossémontre que le SR suisse s’intéresse avanttout aux questions d’ordres militaire et

politique. Les aspects économiques, quipourtant jouent un rôle déterminantdans les relations germano-suisses, sontmal compris et peu abordés par les ser-vices de Masson. Ce dernier pense quec’est l’or de la Banque nationale suissequi intéresse les Allemands, alors qu’enréalité, c’est le franc suisse, qui sert dedevise pour le paiement des importa-tions allemandes de produits straté-giques: pétrole, métaux nécessaires àl’industrie d’armement.

D. Q.

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1939-1945

Aspects de la guerre secrète enSuisse et dans le Jura bernois

Col Hervé de Weck

Pendant la Seconde Guerre mondiale, leService de renseignement suisse est bieninformé parce qu’il collabore avec les ser-vices alliés (Office of Strategic Servicesaméricain, Intelligence Service britan-nique, réseaux français Gilbert et Kléber).La Suisse est un véritable «nid d’agents»qui opèrent pour le compte des différentsEtats belligérants. Des informations con-vergent de toute l’Europe vers les ambas-sades à Berne, où elles sont transmisespar radio vers Washington, Londres etMoscou.

Dans son livre récemment paru, La résis-tance sans de Gaulle1, le professeurRobert Belot de l’Université de Belfort-Montbéliard montre les rapports diffici-les entre la France libre du général deGaulle, basée à Londres, et les différentsmouvements de résistance. Au passage,il éclaire deux volets de la guerre se-crète en Suisse. Pierre Croissant a publiéen 2005, dans une collection dirigéepar Robert Belot, L’espion de la ligneSiegfried. Armand Chouffet, photographeaérien. Le renseignement français enSuisse2. Ces recherches méticuleuses

permettent de recouper, souvent de cor-riger des informations fournies par desouvrages plus anciens traitant du rensei-gnement en Suisse, dans le Jura bernoiset en France voisine3.

L’attaché militaire adjoint de Vichy àBerne et le réseau Bruno

Le réseau Kléber, créé par le Service derenseignement de l’Armée d’armistice,a une zone de surveillance comprenantl’Allemagne, l’Autriche et une partie del’Italie; il achemine le courrier à l’am-bassade de la France de Vichy à Berne,dont le travail ne se limite pas à la diplo-matie et aux échanges culturels: elleabrite une antenne, devenue clandes-tine depuis l’armistice, qui échappetotalement au chef de mission et qui estdirigée par l’attaché militaire adjoint, lecommandant Gaston Pourchot, en posteà Berne depuis le 28 août 1939. Il a re-çu la mission de reconstituer l’antennesuisse du Service de renseignement dela Première Guerre mondiale, suppri-mée depuis 1920.

1 Paris, Fayard, 2006. 668 pp. Nous exploitons particulièrement les pages 282-289, 448-454.2 Panazol, Lavauzelle, 2005. 204 pp.3 Entre autres, Surdez, Denys: La guerre secrète aux frontières du Jura. Porrentruy, Editions Transjuranes,1985. 130 pp.; Besson, André: Les maquis de Franche-Comté. Paris, France-Empire, 1998. 294 pp. ;Marandin, Jean-Pierre: Résistance 1940-1944. A la frontière franco-suisse, des hommes et des femmesen résistance. Besançon, Cètre, 2005. 238 pp.

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Originaire de Montbéliard et fils d’insti-tuteur, il fait la Première Guerre mon-diale à partir de 1917. Dès 1928, il tra-vaille au Service des communicationsmilitaires de Belfort, une antenne duService de renseignement de l’Armée deterre française, qui est d’une importancestratégique dans la collecte de rensei-gnements sur l’Allemagne. Ses connais-sances linguistiques (allemand, anglais,italien, arabe) font merveille. Le capi-taine Pourchot appartient à la Sociétéd’Emulation de Montbéliard et à la So-ciété jurassienne d’Emulation... Aprèsl’armistice de juin 1940, il reste le re-présentant des services de renseigne-ment français qui continuent d’existerclandestinement, malgré l’interdictionde l’occupant. Il dirige le réseau Brunoqui fait partie du réseau Kléber.

Le commandant Pourchot, comme l’im-mense majorité des officiers français,n’est pas hostile au régime de Vichy, cer-tain que le maréchal Pétain préparedans l’ombre les armes de la revanche.Persuadé que son action s’inscrit dans lapolitique du vainqueur de Verdun, ilconstitue, avec son adjoint le capitainede corvette Ferran, le réseau Bruno (B.comme Berne) qui opère en Suisse etcollecte, de part et d’autre de la fron-tière franco-suisse, des informations mi-litaires portant essentiellement sur l’or-dre de bataille et les moyens de laWehrmacht en France. Le réseau orga-nise des passages d’hommes, des filièresd’évasion.

Avant même l’entrée en guerre desEtats-Unis, le commandant Pourchot,proche du brigadier général BromwellLegg, attaché militaire américain àBerne, est une source importante pourles services US. C’est depuis juin 1942l’Office of Strategic Services (OSS), quedirige à Berne le fameux Allen Dules.Pourchot rencontre régulièrement le co-lonel Masson, chef du SR suisse et colla-bore également avec le SR du Gouver-nement polonais en exil. Après l’oc-cupation totale de la France en novem-bre 1942 et la dissolution de l’arméed’armistice, Bromwell Legg lui proposede financer son réseau, même si lesrelations diplomatiques entre Vichy etWashington sont rompues. C’est de sonpropre chef que l’attaché militaire ad-joint français engage une collaborationque ses supérieurs ne pourraient quedésavouer. Les Américains lui assurentdès lors les moyens de transmettre desinformations à Alger et au général Gi-raud: le Bureau central de renseigne-ment et d’action et les gaullistes sontboycottés.

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Trouver en Suisse des Français bien pla-cés, prêts à collecter des informationssur la Suisse, sur les Allemands, sur lesItaliens et les Français résidant en Suisseou à servir de «boîte aux lettres», ne s’a-vère pas évident. D’une part, il fautéchapper à la surveillance de l’Abwehrbien implantée sur le territoire de laConfédération. D’autre part, le 95% desFrançais résidant à l’étranger, fonction-naires internationaux, commerçants ai-sés, ont perdu tout «sentiment nationalagissant, tout sens du devoir». Dans lerecrutement, il s’agit encore d’éviter lescoups durs... Les offres de service spon-tanées apparaissant le plus souvent dou-teuses, on répond à l’intéressé qu’on luidélivre un visa pour aller se présenter aucommissariat spécial de Delle, d’Anne-masse ou de Pontarlier où il rencontreraun ami, qui n’est autre qu’un collabora-teur du commandant Pourchot.

Le 1er janvier 1940, le réseau Brunocompte une cinquantaine d’agents,dont une douzaine d’excellents infor-mateurs. Il a des antennes à Bâle (com-mandant Trichet), Zurich (capitaine Kay-sen), Lausanne (lieutenant Georges) etGenève (lieutenant Nappey). Pendant ladurée du conflit, 331 agents y ont tra-vaillé, dont 105 femmes. Il s’agit de 81agents à plein temps, 240 dont l’activitéest continue mais demeure camoufléesous une activité professionnelle, 10«honorables correspondants» occasion-

nels. On n’y trouve que 13 Suisses dontla citoyenneté est certaine et 11 quipourraient l’être. 23 agents du réseauBruno sont arrêtés (6 exécutés et 10disparus), 38 déportés (13 ne rentrerontpas), 1 est abattu lors d’un passage de lafrontière.

Ces gens de l’ombre évitent les passagestrop fréquentés. Certains passent par lesgorges du Doubs entre Goumois etBiaufond, par la Zone interdite, via leLomont et la combe Semont. Dans larégion, il y a des fermes où la frontièrepasse au milieu de la chambre à cou-cher! Celle du Purgatoire sur le territoire

Quelques agents et leurs points de passage «autorisés»

Allemann, Philippe tous les postes de douaneAllemann, Henri de Chevenez à Grandfontaine, de Fahy à Bure, de Clairbiez

à EpiquerezAubert, Robert de Goumois à EpiquerezBigré, Paul de Beurnevésin à BonfolBronn, Ernest de Bure à Fahy 2Burr, Maurice de Fahy 1 à Buix

Sous la résidence de l’ambassade deFrance, le consulat de Berne, rue Sul-genheim, en 1942. Le SR Bruno occu-pait le premier étage de ce bâtiment,actuellement siège de l’école françaisede Berne. (Archives Pourchot)

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de la Commune de Bure, exploitée parLéon Léchenne, a son pont de grangesur France...

Les postes de garde-frontière suissespossèdent une liste des agents qui ont ledroit de passser sans contrôle et de fairede la contrebande; certains abusant dece privilège. Le tabac est une monnaied’échange en France, et plusieurs agentsn’ont que ce moyen pour subsister. Cet-te activité s’avère surtout une couver-ture idéale: mieux vaut être pris par lesAllemands comme contrebandier et ris-quer une amende ou l’emprisonnementque d’être considéré comme un espionet encourir la déportation ou la peine demort.

Parmi ceux qui font la navette entre laSuisse et la France, le futur généralAlbert Meyer qui se rend en Suisse audébut de l’occupation et est aiguillé versle premier-lieutenant Denys Surdez,chef du Bureau «Ajoie», subordonné auBureau «France» du SR suisse. Son PCse trouve d’abord au tea-room Le Belvé-dère, tenu par Germaine et Jeanne Cha-patte membres du réseau Bruno, situésur la route Porrentruy - Bure, puis à laferme de Waldegg au-dessus de la ville.Dans la région, il y a encore la cellule«Renseignement» de la brigade fron-tière 3, dirigée par le lieutenant FrédéricFeignoux, directeur de l’Ecole secon-daire des jeunes filles à Porrentruy, quicompte six hommes mais n’a pas decontact avec des étrangers.

Denys Surdez peine à recruter des vo-lontaires pour des missions dans les ter-ritoires occupés par l’Allemagne. Il faitappel à des agents des SR alliés (polo-nais, néerlandais, britanniques), ainsiqu’à des frontaliers français ou franco-suisses. Il s’arrange avec le comman-dant Pourchot: Meyer, qui travaille prin-cipalement pour le réseau Bruno,franchit la frontière à vélo à Boncourt,puis à Damvant, les gardes-frontièreayant l’ordre de ne pas le contrôler. Ilcouvre le territoire de Belfort et laHaute-Alsace. Ses contacts sont desanciens membres de l’Union des com-

Dès le début de l’occupation, Michel Hol-lard réunit des informations concernant l’or-dre de bataille de la Wehrmacht. Il apportelui-même ces données à l’attaché militairebritannique à Berne. Comme il collaboreaussi avec le SR suisse, il peut entrer et circuler librement dans le pays. A l’époquedes V1, ses renseignements permettent dedétruire plusieurs rampes qui menacentLondres.

Le lieutenant-colonel Pourchot, placeFédérale à Berne en 1944. (Cliché Roh-rer, collection Pourchot)

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battants volontaires de 1914-1918, dontson père était le président. Il franchit àplus de deux cents reprises les frontièresd’Alsace, de Belgique et de Suisse; ilparvient à identifier 300 divisions del’Axe, assure le passage de plus de 1000personnes, dont le général Giraud et lesparents de Pierre Mendès-France.

Au retour de Meyer et avant que celui-cine se rende à Berne, Surdez le debriefe.A Porrentruy, Meyer semble encore ren-contrer un certain lieutenant Marceaude la 2e DB de Leclerc... L’hôtel du Sim-plon à Porrentruy sert également de lieude rencontre pour des gens de l’ombre.

Pour gérer ce trafic transfrontalier, leréseau Kléber dispose, à partir de 1943,de deux émetteurs-récepteurs bricoléspar MM. Thil et Corfu de Delémont.L’un se trouve au château de Porrentruyou dans la région de Roche-d’Or, l’autreà Sochaux et environs. En revanche, lesservices suisses empêchent, en automne1943, l’émetteur du réseau Bruno d’é-mettre depuis Berne à destination d’Al-ger: à l’heure des émissions, ils coupentle courant... Le font-ils à la suite despressions de Vichy, de Berlin ou desgaullistes? Quoi qu’il en soit, le canal etle chiffre américains prennent la relève.

L’ambassadeur Jean Jardin contrevientaux ordres et accepte que l’antenne deBerne soit transférée à un autre endroit,l’ambassadeur Paul Morand ferme aussiles yeux. Les gaullistes, représentés enSuisse par le comte de Leusse, dénon-cent le travail clandestin de Pourchot etde Ferran, accusés d’être des proches deVichy, voire des «Allemands». En avril1944, Pierre Laval intervient pour fairecesser l’activité de l’antenne de Genèvequi a été découverte et rappeler l’atta-ché militaire adjoint à Berne. Celui-cicontinuera son activité de renseigne-ment et ne quittera la Suisse qu’en jan-vier 1946.

Le commandant Pourchot, que l’on peutqualifier de vichysto-résistant et de parti-san du général Giraud, revendique unapolitisme de principe comme beau-coup d’officiers français à l’époque. Ilcroit au maréchal Pétain jusqu’en no-vembre 1942. Il va être pris entre deuxfeux, ceux de Vichy et ceux des gaullis-tes. A la Libération, six de ses agentssont exécutés sans jugement par desrésistants qui ignorent les motifs réels deleur fréquentation des lieux familiersaux Allemands. Après guerre, GastonPourchot sera exclu de la mémoire hé-roïque de la Résistance pour vichysmeet giraudisme...

Le manque de professionnalisme du lieutenant Surdez

Pierre Croissant, dont le sérieux et l’ob-jectivité ne peuvent être mis en doute,apporte un éclairage nouveau sur lepremier-lieutenant Denys Surdez. Celui-ci ne s’est jamais risqué à entrer enFrance; il n’applique pas et ne fait pasrespecter les normes de cloisonnement,de secret et de discrétion impérativespour garantir la sécurité d’une organisa-

La ferme de Waldegg à Porrentruy.

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tion de renseignement. Il reçoit dans desétablissements publics ses nombreuxcontacts, dont beaucoup parlent trop etmanquent de retenue. La contrebandeet la corruption facilitent des opérationsde pénétration ou de retournement de lapart des services allemands.

Dans le secteur relevant de l’antenne«Ajoie» en tout cas, Surdez tient à jourune liste qui comporte les noms desagents et les points de passage autorisés,et est remise aux postes de douane. Lesgardes-frontière et les militaires qui lesrenforcent peuvent en prendre connais-sance, ce qui fait beaucoup de monde!En 1944, une de ces listes répertorieprès de quatre-vingts noms. Des exem-plaires tombent aux mains des Alle-mands; le SR suisse va rapidement l’ap-prendre.

L’amateurisme de Surdez apparaît éga-lement dans sa façon de traiter le casd’un certain Curie, agent double. «Con-vaincu qu’il avait à faire à un agent de laGestapo, note le juge d’instruction, lelieutenant Surdez a eu la maladresseincroyable de le lui dire en le congé-diant en juin 1942. (...) Lorsqu’on luidemanda pourquoi il n’avait pas de-mandé l’arrestation de Curie, Surdezrépondit qu’il n’avait pas de bonnes re-lations avec la police.» Quelques joursaprès, sept ou huit agents du SR sontarrêtés par les Allemands.

Le manque de discrétion de Surdezinquiète Albert Meyer qui ne donne pastout au chef du Bureau «Ajoie». A Wal-degg, l’agent parvient à subtiliser la clédu coffre de son officier traitant, à enfaire un dessin et à se procurer un dou-ble qui lui permettra d’ouvrir le coffre. Ilcherche des renseignements que Surdezgarde par devers lui et qui sont de la

plus haute importance pour le comman-dant Pourchot. En juillet 1942, Meyeravertit ce dernier du danger à poursui-vre la collaboration avec Surdez. Lechef du réseau Bruno en parle à RogerMasson et ils décident que, désormais,l’agent sera traité par le colonel Cué-noud ou par son représentant, le capi-taine Pierre Clément, chef de l’antennede Genève.

Ces faits expliquent que Denys Surdeztombe en disgrâce au printemps 1942...En été 1943, son bras droit, le tambourJämes Quartier-la-Tente, passe devantun tribunal militaire pour «importationfrauduleuse de viande». Selon une lettrede Surdez, datée de 1994, il se serait agid’une «violation de secrets intéressantla défense nationale et d’espionnage auprofit d’un Etat étranger», en l’occur-rence la Grande-Bretagne. La situationrendant difficile le remplacement de cesdeux hommes, on les maintient à leurposte jusqu’en été 1944.

Le 7 septembre, le capitaine Clément,dont l’antenne de Genève n’a plus d’uti-lité, remplace le premier-lieutenant Sur-dez. Quartier-la-Tente, arrêté le 18 octo-bre, cède sa place au lieutenant Faller.

Tout cela fait comprendre l’amertume,l’aigreur, la rancoeur qui se manifestentdans La guerre secrète aux frontières duJura, les souvenirs de Surdez parus en1985. L’auteur, qui ne parle pas de seserreurs, y dénonce l’ingratitude de sessupérieurs, égratignant au passage jus-qu’au général Guisan. Comme beau-coup de gens de l’ombre, il manifesteune certaine tendance à la paranoïa.

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La Résistance et ses arrières en Suisse

Dès avril 1941, des réunions de repré-sentants militaires de la résistance de laZone libre et de la Zone occupée setiennent sur la riviera lémanique; il estdonc important de faire atterrir enFrance, à peu de distance de la Suisse,les représentants venus de Londres et deleur faire franchir la frontière avec despasseurs du Jura et du Haut-Doubs.

La politique de la «Relève» et le «Ser-vice obligatoire du travail» provoquentla naissance des maquis, alors que lesmouvements de résistance souffrentd’un manque chronique d’armes etd’argent. Ils ont besoin de contacts enSuisse et de liaisons à l’extérieur de laFrance. C’est le réseau pro-anglais et

antigaulliste, Radio-Patrie, dirigé parAndré Girard, qui semble le premier,dès l’été 1942, à utiliser la Suisse etl’ambassade de Grande-Bretagne àBerne pour faire passer des messages.

L’homme de la filière suisse du réseauCombat, c’est Pierre Guillain de Bénou-ville, futur député gaulliste inamovibleet bras droit d’avionneur Marcel Das-sault. En janvier 1943, le chef de Com-bat lui demande de convaincre lesdiplomates britanniques à Berne d’assu-rer au réseau une liaison radio avecLondres. A la demande du Comitédirecteur des Mouvements unis de résis-tance (MUR), il tente en vain de mettreau point avec les Anglais un montagefinancier par la Suisse, qui permettraitde transférer plus rapidement des fonds.A ce moment, les MUR, qui ne sont pas

Biaufond, un lieu de passage discret.

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gaullistes, cherchent à travailler avec lesAnglais mais, après l’échec du montagefinancier, ils sont poussés dans les brasdes Américains, spécialement ceuxd’Allen Dulles, le responsable pourl’Europe de l’Office of Strategic Services(OSS), qui réside à Berne.

Dès janvier 1943, celui-ci propose àCombat un contact permanent enSuisse, de l’argent, du matériel et desmoyens de transmission. En contrepar-tie, le réseau fournira des renseigne-ments sur la France occupée. Un accordest conclu le 4 avril 1943. Bénouvillecoiffe la délégation des MUR en Suisse,qui comprend entre autres PhilippeMonod et le général Jules Davet. Ladélégation collabore avec le Service derenseignement suisse. Grâce à l’appui etla collaboration de celui-ci, à unecoopération efficace avec des agentsdes chemins de fer français et suisses etla douane française, Bénouville met enplace une des filières de passages (hom-mes, matériels, courrier et argent) lesplus importantes de l’histoire de laRésistance. C’est un véritable poumonpour la Résistance intérieure. Par cecanal, avec l’appui des banques suisses,c’est au moins 65 millions de francsfrançais qui parviennent à la Résistanceet aux maquis.

D’autre part, la délégation est unextraordinaire moyen pour diffuser desinformations dans le monde entier. Jean-Marie Soutou, qui rejoint après avoir étéinquiété à Lyon par la Gestapo, devient

une sorte d’attaché de presse de la délé-gation, chargé de rédiger le Bulletin d’in-formation des MUR en Suisse, une revuehebdomadaire destinée principalementà l’Agence télégraphique suisse, à Reu-ter et à l’United Press. Sa mission estdouble: informer la Résistance intérieu-re de ce qui se passe à l’extérieur et pré-senter, hors de l’Hexagone, une imagefiable de la France captive et renais-sante.

Selon Bénouville, la délégation desMUR, la seule qualifiée pour parler aunom de la Résistance française, doit,selon un accord signé avec les Alliés àBerne, étudier toute demande qui auraitété transmise directement aux Alliés parun élément de la résistance venu enSuisse sans mission du Service des rela-tions extérieures

Pendant toute la guerre, le Service derenseignement du colonel Masson, quipratique la politique du «donnant-don-nant», reçoit au passage une masse d’in-formations qui intéressent la Suisse. Ilorganise les passages d’agents et dedocuments venus de l’étranger et laisseles services alliés vaquer à leurs activitéssur territoire suisse. Durant toute laguerre, il manifeste un net penchantpour les Alliés mais réprime sévèrementles activités des services allemand... LeSR d’un Etat neutre, à l’unisson du com-mandement de l’armée et de la popula-tion dans son ensemble, a pris positioncontre les puissances de l’Axe.

H. W.

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Souvenirs du service actif (1940-1944)

Bernard Primault1

Comme scout à La Chaux-de-Fondspendant l’internement de 1940

Un jour de juin 1940 (je ne me souviensplus de la date exacte), je prends monrepas de midi avec ma sœur. Ma mèreest partie au Tessin pour y soigner samère malade. Mon père et mon frèresont mobilisés, si bien que nous som-mes seuls à la maison.

Peu après midi, le téléphone sonne: lechef scout auquel nous sommes tousdeux rattachés (ma sœur comme chef-taine louveteaux et moi-même commeson adjoint) nous enjoint de revêtir l’u-niforme et de nous rendre sans tarder au«Bâtiment électoral» aussi dénommé«Halle aux enchères», une petite cons-truction située dans la vieille ville oùavaient lieu votations et élections, ainsique les enchères publiques. Nous sui-vons les instructions reçues et trouvonssur place quelques dames de la Com-munauté française très excitées qui dis-cutent d’événements qui sont censés sepasser à notre frontière.

L’attente n’est pas longue. Très bientôtarrive un camion militaire qui transportedes gens fatigués qui cherchent asilechez nous. Ils racontent qu’ils ont toutlaissé à l’abandon, que les Allemandsavancent rapidement, brûlant et massa-

crant tout sur leur passage. Ils n’en ontpas vu, mais ils l’ont entendu dire et ontpréféré se mettre à l’abri en Suisse. Ilsviennent d’assez loin dans l’arrière-pays.

Ensuite, ce sont des familles entières quiarrivent, la plupart sans bagages, lesayant abandonnés en route. Puis ce sontdes habitants de villages proches de lafrontière, traînant avec eux quelquesbaluchons sur des chars à bras ou despoussettes d’enfants.

Tout va très vite. Nous sommes chargéspar ces dames de la Communauté fran-çaise d’enregistrer ces malheureux, etles plus jeunes éclaireurs, eux aussi misà contribution, s’en vont conduire cescivils dans des familles de la ville s’an-nonçant de plus en plus nombreusespour les recevoir. L’improvisation dudébut se mue très rapidement en unmouvement concerté et ordonné.

Pour ma part, je suis chargé d’accompa-gner à la gare les fugitifs qui, ayant de laparenté en Suisse et suffisamment d’ar-gent pour payer eux-mêmes le billet dechemin de fer correspondant, ne dési-rent pas rester si près d’une frontière quipeut être franchie d’un moment à l’autrepar l’envahisseur de leur pays. Plusieursfois, je fais ainsi la navette, accompagné

1 Ingénieur EPFZ et docteur en sciences techniques, agro- et bio-météorologue. Asylstrasse 28, 8032Zurich. E-mail [email protected]

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Les fugitifs qui nous parviennent sont deplus en plus excités. Ils ont vu de lafumée s’élever de certains villages, indi-quant que des incendies y font rage. Ilssont de plus en plus désorientés, sou-vent hagards. Ainsi une femme, descen-dant du camion militaire qui l’a amenéedu pont de Biaufond en ville, serrecontre elle un paquet. Elle prétend quec’est son enfant. Pourtant, en y regar-dant de plus près, on trouve un cordeauà lessive emballé dans un drap. Dansson désarroi, elle s’est trompée et alaissé son enfant dans la ferme! C’estalors à un prêtre de s’en occuper.

C’est aussi cette grand-mère qui amèneses trois petits-enfants dans un miséra-ble landau. Le quatuor est crasseux et lafemme nous dit que le plus jeune estaveugle. Leur état ne nous permet pasde les confier à des particuliers, si bienque nous les faisons conduire à l’hôpitalpour une visite sanitaire. On a apprisplus tard que les infirmières les ontrécurés complètement, plutôt que lavés,ont dû leur couper les cheveux, que leplus jeune n’était pas aveugle du tout,mais seulement si sale que les paupièresen restaient collées. Lavée et habillée defrais, les enfants n’ont plus reconnu leurgrand-mère! Il a fallu toute la force depersuasion du personnel et le son de lavoix de la vieille femme pour lesconvaincre…

Vers 6 heures du soir, nouvel ordre:quitter le «Bâtiment électoral» et se ren-dre au Collège des Crétêts. Là, notrechef nous attend et nous dit que le frontse rapproche dangereusement de lafrontière, que nos soldats sont sur leurspositions de défense et ne peuvent secharger d’une autre mission, pour lemoment tout au moins, que c’est donc ànous, scouts, mouvement organisé, à

d’une ou de plusieurs personnes. Lescontacts sont trop brefs pour laisser unsouvenir tenace, sauf un. Un hommemûr déclare qu’il veut rejoindre sonfrère habitant la région de Thoune. Ilprétend avoir suffisamment d’argent surlui. Arrivé à la gare, j’explique au fonc-tionnaire ce qui se passe. On écrit lebillet, mais de bourse point! C’est alorsque l’homme m’indique son fond deculotte et me dit que l’argent est là. Ilme reste à fendre le tissu avec monassez grand couteau d’éclaireur et à enextraire une liasse de billets de banquefrançais dont le montant est plus quesuffisant.

Mais la situation semble se dégrader for-tement de l’autre côté de la frontière.

L’équipe d’observation à Roche-d’Orau début octobre 1944. A droite, lecaporal Primault.

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on les répartit dans les salles tout encontrôlant qu’ils ne portent plus d’ar-mes ni de munitions sur eux. Descasques, des baïonnettes et même quel-ques chargeurs pleins sont ainsi récupé-rés. On constate pourtant que ces hom-mes sont contents d’être en sûreté et ilscollaborent volontiers aux divers servi-ces à rendre. Une équipe de dames dela Société des samaritains se présente etorganise un poste de secours dans unesalle du sous-sol de l’école.

Tout a un caractère très «bon enfant»,bien que, en sortant et regardant vers leNord, on constate que la situation n’estpas aussi tranquille. Le ciel rougeoie etI’on entend nettement le bruit du canon.Toute la nuit, des camions de l’armée

prendre des mesures pour un accueiléventuel de soldats désirant se faireinterner en Suisse. Il nous faut donc pré-parer des cantonnements pour environdeux cent cinquante personnes, avoirde quoi les enregistrer, les ravitailler etles héberger.

Que faire? Improviser! Nous nous ren-dons alors dans les maisons avoisinan-tes et demandons aux habitants s’ilsn’auraient pas de la vaisselle sansemploi. Très vite cet aspect de notremandat est résolu, car chacun se rendcompte du sérieux de la situation. Eneffet, les nouvelles qui nous arrivent,tant par les fugitifs civils qui affluent enville que par les canaux officiels, dé-montrent que l’armée française est enpleine déroute et que le front se rappro-che dangereusement de la frontière,même si aucun bruit suspect ne se faitencore entendre.

Le collège est réquisitionné. Pourtant,avec les quelques jeunes scouts quinous accompagnent, il ne nous estguère possible de vider des salles d’é-cole pour les transformer en dortoirs.Entre-temps, un premier contingent desoldats français a été désarmé à la fron-tière et amené en ville. Ce sont deshommes d’une unité d’aviation quiviennent nous prêter main-forte. Ce sonteux qui vident les salles, clouent desplanches destinées à retenir la paille quiservira de couche et étendent cettepaille.

A la nuit tombante, les premiers soldatsdes troupes terrestres arrivent. Ce sontdes artilleurs et des hommes de la DCA.Ils sont un peu perdus, n’ayant plus decontacts avec leurs unités respectives.On les réconforte, on leur sert uneassiette de soupe, un morceau de pain,

La «cage à lapins» de Damvant, le jourde l’arrivée du caporal Primault.

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La journée suivante se passe de plus enplus difficilement, car l’afflux d’internésdépasse largement les deux cent cin-quante personnes annoncées initiale-ment. Dans le préau couvert, on a, dèsle début, installé des tables devant les-quelles défilent les nouveaux arrivants,donnant leur nom, prénom, année denaissance, origine et incorporation, afinque ces indications puissent être com-muniquées au Centre de recherches dela Croix-Rouge à Genève. Ce sont lesroutiers parmi nous qui sont chargés decette mission.

Les heures passent, mais l’afflux d’inter-nés ne tarit pas et les blessés se font deplus en plus nombreux, même si cesblessures ne sont pas très graves. Il s’agiten général de pieds en sang pour avoirtrop marché. Il y a aussi quelques plaiesdues à des éclats d’obus ou à des ballesperdues. Pour appuyer les dames sama-ritaines, le Conseil de ville envoie surplace un médecin des services complé-mentaires. A 6 heures du soir, je le ren-contre dans la cour de l’école, en tenueimpeccable, gants y compris. Je lui de-mande ce qu’il fait là. «Je rentre à lamaison et reviendrai demain vers 9 heu-res.» J’ai de la peine à lui faire compren-dre que la journée n’est terminée pourpersonne et qu’il doit retourner au laza-ret, et cela au moins pour toute la nuit.

Mais la plus grande difficulté résulte decertaines pratiques d’origine religieuse.Ainsi, parmi les soldats internés, il y ades Marocains musulmans. Ceux-ci selèvent très poliment lorsqu’un éclaireurleur sert à boire ou à manger. Si c’est uneéclaireuse, ils restent assis et tendentsimplement leur assiette, souvent en dé-tournant la tête. Il faut les menacer de neplus leur donner à manger pour qu’ilscessent leur manœuvre et traitent nosjeunes scouts sans distinction de sexe.

française amènent des hommes de plusen plus fatigués et affamés. Puis ce sontles premiers blessés, et nos dames sa-maritaines sont fortement mises à con-tribution.

Un de mes camarades d’école se pré-sente et demande s’il peut aider. Je l’en-voie à l’infirmerie, pensant que, vu saconstitution physique peu à même degros travaux, c’est là qu’il sera le plusutile. Des commerçants donnent diver-ses marchandises. Un parfumeur appor-te des savons, des rasoirs, des brosses àdents et du dentifrice. Tout est repartiparmi ceux qui en ont le plus besoin.

Le détachement de la compagnie d’ob-servation d’artillerie 2 se familiariseavec le poste.

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Ces journées me restent en mémoire etj’ai l’impression d’avoir fait, non passimplement une bonne action comme laloi scoute nous le demande, mais d’a-voir simplement rempli mon devoir.

Notre directeur d’école n’était pourtantpas de cet avis. J’avais manqué les courssans en demander préalablement la per-mission, j’étais donc punissable. Pire,comme j’avais été «mobilisé» pour ai-der l’armée, il lui semblait de son devoirde me punir plus sévèrement que lerèglement ne le prévoyait pour des délitsde ce genre, c’est-à-dire les arrêts. Ilvoulait me chasser de l’école. Ce n’estque sur l’intervention des autorités loca-les que j’ai été réintroduit dans le cycledes études. Une belle mentalité envérité!

Comme sous-officier en service actif

Les chiens de garde

J’avais été détaché pour une relève decinq semaines auprès du chef de l’ar-tillerie de la 2e division pour des relevéstopographiques et le calcul des anglesmorts des positions prévues de l’artille-rie lourde et de campagne. C’est pourgarder ces bureaux «Secret» que le lieu-tenant-colonel Bourlonne (si je me sou-viens bien de son nom) avait pris deuxdogues avec lui.

Au civil, il en possédait trois très biendressés pour la garde. S’il en avait laisséun à son épouse pour sa sûreté et cellede leur fille, il en avait pris deux au ser-vice militaire. Il n’y avait pas besoin desentinelle pour la garde des bureaux oùbien des documents secrets, et qui de-vaient le rester, étaient entreposés.

Dans les maisons du voisinage, on aréquisitionné les chambres à lessive etles repas, en général de la soupe auxlégumes et pommes de terre, y sont pré-parés dans les chaudières. Un jeunescout de quelque douze ans a ainsi faitcuire de la soupe près de vingt-quatreheures durant. Il a fallu lui enjoindred’aller se reposer pour éviter qu’il netombe de sommeil dans sa marmite im-provisée. A l’infirmerie, mon camaradea, pour sa part, baigné des pieds meurtrisdurant plus de trente-six heures d’affilée.

A la nuit du second jour, les premierssoldats polonais sont arrivés. Ce sonteux qui ont couvert la retraite des Fran-çais. Ils sont, non seulement harassés etaffamés, mais aussi le nombre des bles-sés est plus important et un camion estaffecté au transport des plus gravementatteints vers l’hôpital de la ville. Mais ce qui est le plus impressionnant pournous, c’est un premier mort, décédéentre la frontière des bords du Doubs et la ville. Il faut alors improviser une chapelle ardente dans un petit bureau attenant à la salle de gymnastique de l’école.

Durant toute la soirée, le ciel retentit dubruit des avions allemands qui effec-tuent leur redressement au-dessus de laville et de ses alentours. Au petit matin,les arrivées cessent brusquement. On serenseigne auprès de la gendarmerie eton apprend que les troupes allemandesont atteint la frontière et que, par consé-quent, l’afflux des soldats français etpolonais est interrompu. Seuls quel-ques-uns d’entre eux gagnent encore laSuisse en traversant le Doubs à la nage,le pont de Biaufond étant occupé parl’armée allemande. Pour nous aussi, legros travail est passé et il nous est enfinpermis de nous reposer.

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n’avait plus accès aux locaux. Arrivé àla gare, le dit camarade a constaté qu’ilavait oublié un effet personnel. Il re-monta donc vers la maison qui abritaitles bureaux. Lorsqu’il voulut entrer, il enfut retenu par les deux chiens qui gron-daient de façon peu engageante. Il fallutque l’un d’entre nous, mais encore enservice, allât chercher l’objet dans lebureau désigné, car vouloir forcer lepassage aurait certainement provoquéune réaction très violente de la part desdeux chiens.

Automne 1944: en Ajoie avec la 2e division

Les hommes de la 2e division renforcéesont mobilisés le 7 octobre, pour relayerles troupes de couverture frontière et

A l’entrée en service, on était présentéd’abord à ces deux cerbères. Le patronleur disait simplement: «Cet hommepeut entrer!» Les chiens nous reniflaientconsciencieusement, ce qui n’était pastrès rassurant, vu leur taille. Ensuite, ilsvenaient souvent nous lécher les mainslorsque nous avions affaire dans lesbureaux. Au licenciement, il y avait unecérémonie contraire. L’homme qui quit-tait ce service spécial était à nouveauconfronté aux deux chiens avec cesmots: «Il n’a plus le droit d’entrer!»Etait-ce suffisant? Certainement! Un demes camarades en a fait l’expériencecuisante. Durant les cinq semaines desa relève, il n’eut jamais de difficultés àentrer et sortir des bureaux. A son licen-ciement, le commandant fit compren-dre à ses chiens que cet homme ne fai-sait plus partie du personnel, donc qu’il

En bonnet de police, des hommes de la compagnie d’observation d’artillerie 2; encasquette, ceux de la compagnie de fusiliers du secteur. On ne porte pas le casquepour se distinguer des belligérants. Au premier rang et au centre, la caporal Primault.

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Le capitaine a alors rassemblé la compa-gnie dans la demi-obscurité de la nuit. Ilnous a expliqué que la situation était cri-tique à la frontière et que notre divisionallait relever des troupes en Ajoie. Pournous, il s’agirait plus spécialement d’éta-blir un dispositif d’observation couvrantles deux lignes de front (française et alle-mande) ainsi que toute la partie arrièrede ces deux lignes. Puis il nous fit mettresur deux rangs et commanda: «Chargez,mais pas de cartouche dans la chambreà cartouche!» Dès ce moment-là et jus-qu’au retour avant la démobilisation,nous n’avons pas retiré les cartouchesdu magasin. En campagne ou au repos,les armes étaient toujours prêtes à fairefeu. Seul un mouvement de charge étaitnécessaire à cela. Il n’y eut pourtantaucun accident. La discipline était trèsstricte malgré l’esprit relativement bonenfant qui animait les contacts, tantentre soldats que du haut en bas de lahiérarchie de la compagnie.

Roche-d’Or

Notre dispositif s’étendait, au début, deDamvant à l’Ouest jusque vers Boncourtà l’Est et je me vis attribuer le poste deRoche-d’Or. De là, on découvrait toutela partie de France où étaient masséesles troupes du général Béthouard: duLomont jusqu’à Pont-de-Roide.

Le poste d’observation fut monté dansune petite cabane, munie d’une grandefenêtre et équipée d’un petit fourneaupermettant de chauffer le tout et de cui-re des aliments. Pour le logis, on nous aattribué une petite hutte sise non loin duposte lui-même. Cette hutte était primi-tivement un réduit à foin. Durant lesannées 1939-1940, on y avait aménagéun cantonnement: une petite cham-brette munie d’un banc fixe et d’une

occuper l’Ajoie. En effet, l’armée fran-çaise du général de Lattre de Tassignyavançait dans le Jura et se rapprochaitde ce saillant suisse qui, comme unebarbacane, s’opposait en partie à sa pro-gression. Comme mon père, mon frèreet certains de mes oncles, je dus rejoin-dre mon unité. Avant de partir, je merendis encore à l’hôpital dire un dernieradieu à ma mère gravement malade.

Notre compagnie, la cp. obs. art. 2,devait mobiliser à Gwatt où se trouvaitnotre matériel. Toute la compagnie s’yrassembla donc et, après avoir pris pos-session du matériel, nous nous sommesrendus à Thoune où les camions et au-tres véhicules furent chargés sur le train.Pour une unité motorisée, cela peutparaître paradoxal. Pourtant, à ce mo-ment-là, il fallait économiser le carbu-rant (eau d’Ems) et limiter autant quepossible l’usure des pneus. Ordre nousest alors donné de transférer la munitionde poche (48 cartouches que chaque sol-dat avait toujours avec soi, même licen-cié) des sacs dans les cartouchières.

A la nuit tombée, le convoi s’est dirigévers le Nord et s’est arrêté à la gare deCourrendlin où les véhicules furent dé-chargés. La gare n’avait qu’un petit quaipermettant aux camions de passer deswagons à la terre ferme. Celui-ci étaitainsi placé qu’un train engagé dans lamanœuvre interdisait le passage de lagare. Comme toute une division était enroute, de nombreux trains devaient fran-chir cette gare. Par conséquent, il fallaitmanœuvrer très souvent pour mettrenotre convoi sur une voie de garage,chaque fois qu’un autre train devaitfranchir cette portion de voie.

Les véhicules enfin déchargés, ils furentencolonnés le long de la rue principale.

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· Construction de routes et chemins

· Aménagement de places

· Viabilisations

· Canalisations et conduites

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GÉNIE CIVILVOIE FERRÉE

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table. De l’autre côté d’une légère paroide planches, un bat-flanc fait de rondinsservait de couche. De la vieille paille yétait répandue. En y regardant de plusprès, on a constaté que cette paille abri-tait une colonie de puces. Aussi, notrepremier soin a été de l’évacuer et de labrûler au dehors. Mais ceci nous a obli-gés à dormir sur ce sommier de rondinsdurant plusieurs nuits.

Non loin de là, il y avait un poste d’ob-servation d’avions. Mais ses occupantsne comprenaient pas le français, si bienque les contacts étaient peu fréquents.

A peine sur place et les premières dispo-sitions prises, je reçus l’avis du décès dema mère. Mon commandant, informéde la situation dès notre entrée en ser-

vice, m’accorda quelques jours de per-mission pour les funérailles mais m’or-donna de rejoindre la troupe le plus vitepossible, car il pensait que la situation,très calme alors, pourrait se détériorersubitement. Je rentrai donc à la maisonpour l’enterrement de ma mère et rejoignis la troupe le surlendemain pourregagner mon poste d’observation àRoche-d’Or.

En mon absence, les cinq hommes del’équipe se sont organisés et bien orga-nisés. Ils ont trouvé de la paille fraîchepour le cantonnement, un vieux four-neau pour chauffer un peu la salle deséjour, mais surtout se sont arrangésavec une fermière du village situé encontrebas du poste. Elle s’est engagée ànous faire la cuisine et nous a permis de

Vue du pré en France devant le poste de Damvant, juste après le premier réglaged’artillerie. Au centre, près de la lisère de la forêt, un char qui a sauté sur une mine.

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nous laver dans le local qui lui servaitde chambre à lessive car, au postemême, il n’y avait pas d’eau.

Malgré ces aménagements, la vie étaitrude. Le service exigeait au moins unepersonne en permanence sur le poste,donc pas de congés et un temps assezmesuré pour descendre, manger, selaver, se raser et remonter, Mais le plusinconfortable était que la paroi exposéeau Sud-Ouest du dortoir était faite deplanches disjointes, donc très aérée.Lorsqu’il neigeait, et ce fut souvent lecas, celui qui dormait de ce côté seretrouvait couvert de neige au réveil.Mais passons ce détail.

Poste d’observation 705

Un jour, le commandant de compagniem’a appelé à son bureau pour m’annon-cer qu’il me confiait, bien que très jeunecaporal, la responsabilité du poste deDamvant ou mieux du P.0. 705. Avec 6hommes, je devais assurer une perma-nence de 24 heures sur 24 et adresser,par téléphone, un rapport chaque heu-re, voire plus souvent en cas de besoin,au PC de la division.

Le village de Damvant était tenu parune compagnie d’infanterie renforcéepar des mitrailleurs et même un canonantichar en position dans le cimetière.Toutes les possibilités d’hébergementétaient donc occupées déjà. Las de cou-rir de droite et de gauche, je me suisadressé à la cure. L’abbé m’a très bienreçu et tout de suite compris la situa-tion. Il m’a alors accompagné à unemaison fort bien tenue, sonné à la porteet exposé mes difficultés à la sœur quinous a ouverts. Il s’agissait d’un petitpensionnat de jeunes filles tenu par troissœurs converses, dont les pensionnai-

res, toutes Françaises, étaient retournéeschez elles dès le début des hostilités. Ledortoir, situé au premier étage, étaitdonc inoccupé et nous fut offert pour letemps de notre séjour. Il était précédéd’une grande pièce carrée, vide, entou-rée sur trois côtés par des bancs sur-montés par un nombre important depatères. Ce fut notre vestiaire. De là, unescalier menait à une petite cour et à laroute. Donc nul besoin de déranger quique ce soit par nos allées et venues.

Cette pièce présentait, outre l’accès versl’extérieur, deux portes opposées. L’uneétait fermée et on nous a interdit d’yaller, ni même d’y frapper. Elle condui-sait au logis des sœurs. L’autre condui-sait à la chambre à coucher. De droite etde gauche, une série de lits. Chacunétait entouré de rideaux blancs et lon-geait le mur. A part cela, on trouvaitdans chacune de ces cellules une chaiseet une table de nuit. Chacun avait un litet était donc pour soi. On nous a an-noncé que les sœurs s’occuperaient denos habits en cas de nécessité. J’en aiprofité personnellement une fois, com-me on le verra plus loin. En tout pointun rêve pour un cantonnement mili-taire. On se ravitaillait à la cuisine de lacompagnie en place, mais on mangeaitdans une ferme proche.

Le poste d’observation se trouvait aunord du village, au delà d’une petitecolline boisée. Il s’agissait d’une cahute,genre cage à lapins, placée tout au hautd’un échafaudage de bois, et construitepar les troupes du génie durant la drôlede guerre (1939-1940). De ce perchoirdont les deux piliers antérieurs enca-draient une borne frontière, on décou-vrait un pré traversé d’une haie vive. Degauche et de droite de ce pré, la vueétait limitée par des fourrés denses de

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noisetiers qui formaient des orées deforêts. Mes observateurs étaient proté-gés des intempéries de trois côtés pardes parois de planches et par-dessus parun toit de même matériau. Du côté dupré, un petit muret à mi-hauteur étaitsurmonté d’une sorte de table obliquepour y déposer cartes et jumelles.

A notre arrivée, tout était calme et je mesuis demandé ce que nous avions à fairelà. En observant attentivement les lisièresde forêts de part et d’autre du pré, jedécouvris à gauche trois postes avancésoccupés par des soldats français, à droitedeux nids de mitrailleuses servies par dessoldats allemands. Le pré qui semblait sicalme était donc un no man’s land entredeux fronts. Tant les uns que les autresbelligérants s’observaient.

Il en alla ainsi durant quelques jours etautant de nuits. Mes camarades serelayaient selon un rythme régulier et jepassai le plus clair de mes journées et demes nuits avec eux sur ce mirador, nonchauffable il est vrai, mais somme touteassez accueillant. Rien ne se passait etnos rapports horaires à l’état-major dedivision ressemblaient fort au titre duroman de Remarque, A l’Ouest (pournous le Nord-Ouest) rien de nouveau.Chaque soir, à la tombée de la nuit, unclairon, caché par les arbres de la forêtabritant le front français, sonnait Auxmorts. C’était très impressionnant!

Le seul inconvénient était la puanteurque dégageaient les carcasses de quel-ques vaches mortes et laissées pourcompte sur le pré au-delà de la haie.Ces vaches avaient été chassées par lesFrançais après qu’un de leurs chars dereconnaissance eut sauté sur une mine.Ces bestiaux étaient destinés à nettoyer,au moins en partie, cette zone. Pressen-

tant le danger, les Allemands les avaientoccis et leurs cadavres étaient restés là.

De notre poste, mais surtout depuiscelui de Roche-d’Or dont les messagesnous étaient retransmis, on commençaità distinguer une activité particulière surles hauteurs surplombant le Doubs. Iln’était pas possible de déterminer avecprécision la nature de ces mouvementsde troupes. On pressentait tout de mê-me que des préparatifs d’offensiveétaient en cours. Serait-ce vers Montbé-liard le long de la vallée du Doubs ouune progression vers le saillant d’Ajoie?

Deux officiers français près de ladouane de Damvant. Le sentier le longde la frontière sert au ravitaillement dufront.

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La réponse ne se fit pas attendre. Despanaches de fumée haut dans le ciel,annoncèrent un réglage de tir d’artille-rie. Et tôt après, les premiers obus sonttombés sur le pré et se sont rapidementrapprochés de la lisière de forêt occu-pée par les Allemands. Il semblait doncqu’une attaque fût prévue le long de lafrontière suisse si ce n’était une traver-sée de l’Ajoie elle-même. Après quel-ques éclatements isolés, ce fut de nou-veau le calme plat. Etait-ce une faussealerte?

Le 15 novembre, après avoir passé toutela nuit sur le poste, je suis allé au villagepour chercher du ravitaillement pour leshommes qui restaient sur place. A lacuisine, on m’a fourni de la soupe chau-de, contenue dans un autocuiseur pou-vant être transporté comme un sac àdos. Sur le chemin du retour, j’entendis,en direction de la frontière un violent tirde barrage. Je me hâtai donc de rega-gner le poste.

Les nombreux éclats d’obus qui traver-saient les derniers rangs d’arbres de laforêt m’obligèrent de me mettre à terreet m’empêchèrent de progresser. Nepouvant atteindre le poste, je me suisretiré momentanément dans la tranchéeouverte par les fusiliers de la compagnieIII/17 en position avancée du secteur,mais en retrait de notre poste d’obser-vation.

Le tir d’artillerie diminuant quelquepeu, je repris mon avance vers l’échellequi permettait de monter au poste. Il mefallait absolument me rendre compte siceux qui étaient là-haut étaient sains etsaufs ou non. Arrivé à quelque dix mè-tres de l’échelle, je dus de nouveau mejeter à terre sous une rafale de mitrail-leuse dont me gratifiaient les Alle-

mands. L’autocuiseur dont j’étais chargédevait alors dépasser le petit boyau quenous avions creusé afin d’être à l’abriavant de sauter sur les premiers éche-lons de l’échelle. En effet, je sentisquelque chose de chaud sur mon côté.Tâté avec la main, c’était de la soupe.J’ai tout d’abord pensé que l’autocui-seur n’était pas bien fermé. Plus tard, ils’est avéré qu’il avait été traversé partrois balles.

Je me suis retiré à nouveau derrière unressaut du terrain et ai essayé de pro-gresser du côté tenu par les Français. Encontrebas, bien à l’abri des tirs croisésdes mitrailleuses allemandes et de l’ar-tillerie française, se tenait une colonnede mulets assurant le ravitaillement del’unité de tirailleurs marocains alors enpremière ligne. Les convoyeurs atten-daient des ordres en essayant de calmerles bêtes effrayées par le bruit.

Peu avant midi, le feu diminua assezpour me permettre de gagner le poste enrampant et y apporter ce qui restait desoupe. L’artillerie française a interrompuses tirs, et l’après-midi fut consacrée àdes escarmouches faites de tirs demitrailleuses, surtout depuis les lignesallemandes.

La nuit tombée, j’ai regagné le village,afin de m’y reposer un peu. J’ai suspendumon manteau tout taché de soupe àl’une des patères et suis allé me coucher.Peu après minuit, je me suis levé. Plus demanteau. C’est donc avec ma seule tu-nique que je suis retourné au poste pourêtre plus près de mes camarades.

L’aube du 16 novembre n’était pas en-core levée que les tirs d’artillerie repre-naient avec une rare violence. Le posteétait de nouveau coupé de ses arrières,

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tant les obus tombaient près de la fron-tière. On a dénombré plus tard plus desoixante impacts sur territoire suisse.Vers 9 heures, le tir s’est déplacé en con-trebas de la côte et nous ne fûmes plussous la menace directe des éclats. Nousavons alors eu la visite du capitaine,commandant de l’unité d’infanterie dé-ployée en arrière de notre poste.

Vers 10 heures, nous avons été surprispar un nouveau pilonnage intense toutprès de la frontière, si bien que les plan-ches de notre nid d’aigle furent souventtouchées par des éclats sans toutefoisque l’un de nous ne fût blessé. Recro-quevillés sur nous-mêmes, nous atten-dions la fin de ce tremblement de terre.Le bruit était tel que le téléphoniste quicommuniquait avec le PC de division adû se munir de son laryngophone pouressayer de se faire comprendre par soninterlocuteur de Porrentruy. Le tir s’estlégèrement déplacé vers le Nord et l’of-ficier est redescendu pour rejoindre seshommes.

Nous avons alors eu la visite de notrechef de section qui est venu se faire uneidée de ce que nous voyions et com-ment nous nous comportions. Il est bien-tôt reparti, n’ayant nulle envie de setrouver bloqué dans notre cagibi. Je leraccompagnai jusqu’à la tranchée d’in-fanterie et me mis en peine de regagnerle poste. En chemin, j’ai ressenti commeun coup-de-poing sur le côté gauche,mais n’y pris pas garde. Arrivé au hautde l’échelle, un de mes camarades medemanda ce que j’avais fait avec le four-reau de mon sabre-baïonnette. Il avaitune drôle de forme. A y regarder de plusprès, on a constaté qu’il était déchiré etque la lame du sabre était cassée. J’avaissimplement écopé d’une balle perdueou d’un ricochet. Ce sabre-baïonnette a

été remplacé à mon retour à la compa-gnie, le second ne portait plus de numé-ro, ce qui m’a obligé à raconter cet épi-sode à chaque inspection d’armes!

Le milieu de la journée de ce 16 novem-bre fut plus calme, bien que de temps àautre des tirs sporadiques et de harcèle-ment, tant avec des mitrailleuses quedes canons, se fissent entendre. Au dé-but de l’après-midi, nouveau pilonnage.Cette fois il ne s’agissait plus seulementd’obus d’artillerie, mais aussi d’obus delance-mines qui se traduisaient par desgerbes de terre en forme de vésuves. Onne se plaquait plus toujours sur le sol denotre pigeonnier, car on était devenufataliste.

La nuit fut toujours martelée de tirs spo-radiques devant nous, mais on sentaitbien que quelque chose avait dû se pas-ser plus loin et hors de notre vue. Lessoldats français ont été relevés sans quenous ne nous en apercevions. Quantaux Allemands, ils étaient trop peunombreux dans le secteur pour espérerêtre relevés.

Au lever du jour, le 17 novembre, toutétait calme. 0n n’entendait que le gron-dement des canons sur les hauteurs duLomont et celui des éclats, loin en avantdans la vallée du Doubs. Les Français,nouveaux arrivés dans le secteur, se ter-raient et il semblait que seuls les postesavancés fussent effectivement occupés.Quant au côté allemand, les mitrailleu-ses avaient été enlevées et les abris sem-blaient déserts. La troupe s’était retiréedurant la nuit.

Il faisait relativement froid, si bien queje suis descendu au village pour repren-dre mon manteau, s’il s’y trouvait denouveau. Quelle ne fut pas ma surprise

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de le retrouver sur un cintre et tout propre. Les sœurs s’en étaient occupéesdurant mon sommeil et mon absence.Ainsi, bien protégé du froid, je suis im-médiatement remonté au poste, car nesachant s’il ne s’agissait que d’une pluslongue accalmie ou d’un changementradical de la situation.

Nouvelle mission

Vers midi, un ordre pressant m’est par-venu: évacuation immédiate du poste,rassemblement au village avec matériel,armes et bagages au complet. Nouvellemission pour mon détachement. Uncamion de notre compagnie nous yattendait déjà. En quittant le poste, jeme suis attardé à y constater les dégâts.Il n’était pas possible de plaquer deuxmains sans recouvrir une trace d’éclatd’obus ou de balle. Malgré cela, un seuldes hommes qui se sont succédé dansce cagibi a été blessé, et encore! Il s’estécorché une main à un clou qui avaitété précédemment mis à découvert parun éclat d’obus! En outre, il ne restaitrien de la haie coupant le pré, les cada-vres de vaches étaient complètementdéchiquetés et le pré lui-même labouréde fond en comble. La chance jouedonc un rôle prépondérant quant auretour d’un champ de bataille…

Le chauffeur nous conduisit à Beurnevé-sin en passant par Lugnez où je devaism’assurer que les hommes qui occu-paient le poste étaient en forme et lesrenforcer par deux de ceux retirés deDamvant.

A Beurnevésin, nous fûmes accueillispar une équipe fort excitée. Elle occu-pait une position légèrement surélevéeau nord-est du village. De là, on avaitune vue plongeante sur la Haute-Alsace, principalement sur les étangsvoisins de Pfetterhouse. Dans cette par-tie assez plate et coupée de nombreuxbois, les Allemands étaient partis à lacontre-attaque. Ils s’avançaient directe-ment en direction de la frontière bienmarquée par une série de petits dra-peaux suisses. Leurs tirs, tant de canonsque de mitrailleuses, venaient s’abattrejuste devant notre poste et même passerpar-dessus de temps en temps. La situa-tion de mes camarades était pourtantmoins dangereuse qu’à Damvant, car leposte lui-même était enterré et seuls dé-passaient de la crête les deux objectifsdes lunettes en ciseaux qui nous per-mettaient d’observer. Pourtant, le dérou-lement de cette contre-attaque fut im-pressionnant.

Après cette courte période à Beurnevé-sin pour suivre et décrire pour l’état-major de division la contre-attaque alle-mande en direction de Pfetterhousedans le sud de l’Alsace et le front sedéplaçant sur le Rhin, la 2e division futdémobilisée après deux mois de servicecontinu.

Avant d’être licenciés, il fallait rendre lematériel, donc se replier d’Ajoie vers leRéduit.

B. P.

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«En septembre 1939, le Service de ren-seignement suisse comptait seulementune dizaine d’agents et quelques offi-ciers chargés de missions à l’étranger. Apartir du 10 mai 1940, le séjour dans lesterritoires occupés par la Wehrmachtdevint très risqué et en rebuta beaucoup.Un officier en mission en France futarrêté à Delle (territoire de Belfort) le 11septembre 1941, alors qu’il tentait derepasser la frontière après un séjourd’une semaine en zone occupée. La pa-trouille allemande qui l’arrêta s’étantaperçu qu’il était porteur de faux pa-piers, au nom de Maurice Narbel, dé-couvrit qu’il s’agissait d’un espion entréclandestinement en France par le villaged’Abbévillers (Doubs). Interné et inter-rogé à la prison de Belfort, il fut accuséensuite d’espionnage et transféré à Lör-rach, en Allemagne.

Le lieutenant-colonel d’aviation Ber-nard Cuénoud, chef du Bureau «Fran-ce» du SR suisse, avertit l’état-major del’armée, non sans préciser qu’il «s’agitd’un agent direct à mon service et ac-tionné par moi, arrêté à cause d’unegrosse imprudence au sujet de laquelletous les détails nous sont maintenantconnus». Le Département politique fé-déral chargea la légation suisse de Ber-lin d’entreprendre des négociations au-près de l’Auswärtiges Amt, le ministèredes Affaires étrangères du Reich. Enjuillet 1942, les Allemands détenaientdouze ressortissants suisses dont cet of-

ficier, le seul accusé d’espionnage. LaSuisse, pour sa part, gardait dans ses pri-sons un nombre inconnu de citoyens al-lemands, espions de l’Abwehr ou équi-pages d’avions abattus au-dessus de sonterritoire. L’échange de l’officier suissecontre un Allemand (ou plusieurs?) eutlieu à la fin octobre 1943.

Cette affaire, décisive quant au choixdes moyens dont se dotera l’armée suis-se pour renseigner son Gouvernement,connut un épilogue inattendu dans cemonde du secret. Le moins qu’on puissedire est que la diplomatie helvétique nefut pas récompensée des discrètes maisopiniâtres démarches entreprises pourrécupérer l’agent: peu après sa libéra-tion, l’officier accepta de raconter sonodyssée à un journaliste local, accessoi-rement «reporter d’armée». Sous le titre«L’étrange aventure du lieutenant Deve-lier», La Feuille d’avis de Lausanne des21 et 22 janvier 1944 se fit l’écho desdéclarations de l’officier dont le nomavait simplement été remplacé par celuide la commune… dont il était le maire.«Nous ne pouvons révéler dans quellescirconstances fut libéré le lieutenant»,conclut prudemment le correspondantde presse.

Pierre CroissantL’espion de la ligne Siegfried. ArmandChouffet, photographe aérien. Le rensei-gnement français en Suisse. Panazol,Lavauzelle, 2005, pp.108-109.

Le capitaine Marcel Nusbaumerdans l’«antichambre de la mort»

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«Amis ou ennemis»?

Fortifications françaises et suisses dans la Trouée

de Belfort 1871-2007

Le vernissage de l’exposition binationale

organisée par l’Association La Caponnière(Belfort, France) et le Groupe d’Histoire du

Mont-Repais (Les Rangiers, Suisse) aura lieu

le vendredi 3 mai 2007 à 17 heures

au Musée du Mont-Repais(chapelle de La Caquerelle Rangiers)

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